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CARDINALE CARDIOLOGIE

R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e

w w w. c a r d i n a l e . f r

ESC Express

Un congrès aux nombreuses retombées pratiques d TASTE, SAVOR, HOKUSAI VTE, Echo CRT, RE ALIGN et COMPARE : six études qui pourraient changer nos pratiques sommaire Mise au point Le traitement de l’insuffisance cardiaque : où en est-on ?

Rythmologie Les nouveautés qui changent nos pratiques en 2013

page 74

page 78

Réflexions Les recommandations de bonne pratique clinique : source du savoir ?

Profession Le médecin face aux conflits d’intérêts

page 82

page 88

Septembre 2013 • Volume 7 • n° 56 • 9 E


éditorial

Pour entretenir les peurs…

D

epuis un peu plus d’un an, le dabigatran et le rivaroxaban, deux nouveaux anticoagulants oraux, sont à notre disposition pour la prévention des accidents emboliques liés à la fibrillation atriale et notamment des AVC. Le rivan Serge roxaban est en outre indiqué Kownator dans le traitement des thromboses veineuses et de l’embolie pulmonaire. Deux autres molécules sont à venir : l’apixaban assez rapidement et l’edoxaban de manière plus retardée. Ces indications ont été obtenues, il faut le rappeler, sur la base de données d’études randomisées, contrôlées, de méthodologie rigoureuse. Plusieurs méta-analyses ont été publiées, portant chacune sur environ 50 000 patients et confirmant les don-

s’élèvent, souvent les mêmes que pour d’autres molécules, pour dénoncer le pseudo futur scandale sanitaire lié à l’emploi des NACO… Sur quelles bases et pour quels motifs ? La question doit être posée ! Il y a quelques jours un syndicat de biologistes a interpelé la ministre de la santé sur le danger potentiel de ces produits, non dosés de manière courante à l’heure actuelle. Le tout est bien sûr relié et largement, par voie de presse, générant peur et angoisses chez les patients. Il faut croire que les pourfendeurs de scandales ne prennent pas la pleine mesure des conséquences de ces alertes publiques, qu’ils ne mesurent pas les conséquences d’arrêts inopinés de traitements visant à prévenir la survenue d’un AVC. De manière sage, l’ANSM a publié le 13 décembre une lettre rappelant que ces nouvelles molécules, comme les traitements plus anciens, sont des anticoagulants et méritent prescription

À force de crier au loup, au complot, au scandale, on génère méfiance, inquiétude, panique... nées des études. Les dernières recommandations de l’ESC mettent en première ligne les NACO pour le traitement des patients en FA. Bien sûr, nous devons en savoir plus et plusieurs registres sont en cours qui, au-delà des seules études randomisées, nous apporterons des informations plus que précieuses sur ces nouveaux anticoagulants et notamment des informations sur leur sécurité d’emploi. Rappelons encore que l’efficacité d’un traitement, et en particulier quand il s’agit d’anticoagulants, repose sur la balance bénéfice-risque et que, on l’oublie souvent, un traitement anticoagulant peut faire saigner ! Enfin, rappelons que les AVK constituent la première source d’hospitalisation pour iatrogénie en France (17 000 par an !). Or, depuis la mise à disposition de ces molécules, des voix

adaptée. Alors, certes nous avons besoin de retours d’expériences, certes des tests de laboratoires spécifiques sont nécessaires et sont en cours de validation, bien sûr nous attendons les antidotes. Ce n’est cependant pas la peur, cette mauvaise conseillère, qui permettra une évaluation rationnelle de ces nouveaux traitements. N’oublions pas que bon nombre de patients (plus de 30 %) traités par AVK sont mal équilibrés, n’oublions pas que les AVC sont un fléau majeur et que 20 à 30 % sont d’origine cardio-embolique. À force de crier au loup, au complot, au scandale, on génère méfiance, inquiétude, panique là où calme, sérénité, réflexion et discussions devraient être de mise. On peut légitimement se demander à qui peut profiter cette agitation ! n


CARDINALE CARDIOLOGIE

R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Rédacteur en chef : Dr Serge Kownator Rédacteurs en chef adjoints : Pr Victor Aboyans, Dr Stéphane Cosson Chef du Service Rédaction : Odile ­Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette & illustration : Antoine Orry, Erika Denzler • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : ­Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Comité de lecture Dr Walid Amara (Montfermeil) • Dr Pierre Attali (Strasbourg) • Pr François Carré (Rennes) • Dr Gabriel Choukroun (Amiens) • Dr Serge Cohen (Marseille) • Pr Geneviève Derumeaux (Lyon) • Dr François Diévart (Dunkerque) • Dr Jean-Jacques Domerego (Nice) • Dr Alain Ducardonnet (Paris) • Dr Meyer Elbaz (Toulouse) • Pr Michel Farnier (Dijon) • Pr Alain Grynberg (Jouy-en-Josas) • Pr Daniel Herpin (Poitiers) • Dr Jean-Pierre Houppe (Thionville) • Dr Patrick Jourdain (Pontoise) • Pr Christophe Leclercq (Rennes) • Dr François Luizy (Paris) • Dr Marie-Christine Malergue (Paris) • Dr Emmanuel Messas (Paris) • Dr François Philippe (Paris) •Dr Pascal Poncelet (Lille) •Dr Naïma Rahmoun (Oran) •Dr Gilles Traisnel (Lille) • Dr Olivier Varenne (Paris) • Dr Stéphane Zuily (Nancy) Comité scientifique Pr Michel Bertrand (Lille) • Pr Jean-Pierre Bourdarias (Boulogne) • Pr Jean-Paul Broustet (Bordeaux) • Pr Christian Cabrol (Paris) • Pr Alain Cribier (Rouen) • Pr Vincent Dor (Monaco) • Dr Jean Fajadet (Toulouse) • Dr Guy Fontaine (Paris) • Pr Gilbert Habib (Marseille) • Pr Samuel Lévy (Marseille) • Dr François Luizy† (Paris) • Pr Jean Marco (Toulouse) • Dr Jean-Baptiste Michel (Paris) • Pr Philippe Gabriel Steg (Paris) • Pr Paul Touboul (Lyon) • Pr Bernard Belhassen (Tel-Aviv)

sommaire n Éditorial n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 66 n ESC Express - Amsterdam 2013 Dossier rédigé par François Diévart (Dunkerque)

Un congrès aux nombreuses retombées pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 67 1 TASTE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 68 2 SAVOR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 69 3 HOKUSAI VTE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 70 4 ECHO CRT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 71 5 RE ALIGN. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 72 6 COMPARE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 73

n Mise au point

Le traitement de l’insuffisance cardiaque Où en est-on en cette fin d’année 2013 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 74

Yves Juillière (Vandœuvre-lès-Nancy)

n Rythmologie Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013 Mise au point en rythmologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 78

Walid Amara (Le Raincy-Montfermeil)

n Réflexions Les recommandations de bonne pratique clinique Sont-elles une source du savoir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 82

François Diévart (Dunkerque)

n Profession Le médecin face aux conflits d’intérêts Recommandations de bonnes pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 88

Cardiologie Cardinale est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : cardinale@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1960-1646 N° de Commission paritaire : 0115 T 89308 Prix au numéro : 9 e. Mensuel : 10 numéros par an.

Septembre 2013 • Vol. 7 • N° 56

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n Dessin du mois (Jean-Philippe Kevorkian) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 91 n Échos des congrès

Symposiums et congrès À retenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 92

Pierre Attali (Strasbourg)

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ESC Express - Amsterdam 2013 Dossier rédigé par François Diévart (Clinique Villette, Dunkerque)

Un congrès aux nombreuses retombées pratiques Parmi les nombreuses études présentées lors des sessions scientifiques de la Société européenne de cardiologie, plusieurs ont des retombées pratiques immédiates, ou à venir rapidement. Nous en avons sélectionné six, issues d’études parues simultanément dans des revues médicales. Ce qu’il ne faut pas faire : • il ne faut pas proposer une resynchronisation à un insuffisant cardiaque dont la durée du QRS est inférieure à 130 msec (étude Echo CRT) ; • il ne faut pas traiter un patient ayant une prothèse valvulaire mécanique cardiaque avec un NACO et il faut donc maintenir les AVK chez ces patients (étude RE ALIGN) ; • il ne semble pas utile d’effectuer une thrombo-aspiration avant une angioplastie primaire dans l’infarctus du myo-

carde (étude TASTE) ; • il ne faut pas s’évertuer à diminuer l’HbA1c pour diminuer le risque cardiovasculaire des diabétiques de type 2 (étude SAVOR). Ce qu’il faut faire maintenant : • il semble utile de proposer du losartan aux patients ayant un syndrome de Marfan et une dilatation de l’aorte thoracique (étude COMPARE). Ce qu’il sera probablement possible de faire prochainement : • traiter les phlébites profondes et les embolies pulmonaires avec l’edoxaban (étude HOKUSAI VTE), comme on peut déjà le faire avec le rivaroxaban.

1 TASTE : un argument contre la thrombo-aspiration lors de l’angioplastie primaire ��������������������������������������������������������� P. 68 2 SAVOR : la baisse de la glycémie dans le haut risque cardiovasculaire, pas d’effet clinique et peut-être un risque �������P. 69 3 HOKUSAI VTE : l’edoxaban, une option thérapeutique mieux tolérée que les AVK dans le traitement des phlébites et des embolies pulmonaires ����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� P. 70 4 Echo CRT : la durée du QRS, paramètre essentiel pour l’indication de la resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque ��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� P. 71 5 RE ALIGN : pas de NACO chez les patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique ����������������������������� P. 72 6 COMPARE : le losartan devient un traitement du syndrome de Marfan avec dilatation aortique ����������������������������� P. 73


ESc Express

1 TASTE

Un argument contre la thrombo-aspiration lors de l’angioplastie primaire à retenir Dans le plus grand essai jusqu’ici réalisé, la thrombo-aspiration préalable à une angioplastie primaire pour infarctus du myocarde ne réduit pas la mortalité totale à 1 mois.

Objectif de l’étude

Est-ce que la réalisation d’une thrombo-aspiration, comparativement à l’absence de thromboaspiration, avant une angioplastie primaire réduit la mortalité totale à 30 jours chez les patients pris en charge pour un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST ?

Méthode

L’étude TASTE est un essai thérapeutique contrôlé, randomisé, conduit en ouvert. Elle a comparé, à 1 mois, l’incidence de la mortalité de patients pris en charge par une angioplastie primaire selon qu’ils avaient, par randomisation, soit une thrombo-aspiration coronaire avant l’angioplastie, soit pas de thrombo-aspiration.

Résultats

Cette étude a inclus 7 244 patients dans les pays scandinaves (Suède, Islande, Danemark) qui seront suivis dans des registres nationaux. Aucun n’a été perdu de vue. Elle n’a mis en évidence aucun bénéfice de la thrombo-aspiration sur le critère principal (2,8 % dans le groupe aspiration, 3,0 % dans le groupe sans aspiration ; RR : 0,94 ;

68

3.5 Risque cumulé de toutes les causes de décès (%)

L’essentiel

3.0

PCI

3.0

2.8 2.5

PCI+TA

HR 0,94 (0,72-1,22), P = 0,63

2.0 1.5 1.0

Par analyse du protocole basé sur le traitement réel HR 0,88 (0,66-1,17), P = 0,38

0.5 0.0 0 No. à risque PCI + TA PCI

5

10

15

20

25

30

3621 3568 3540 3532 3526 3524 3519 3623 3567 3545 3530 3523 3517 3513

Figure 1 - Résultat principal de l’étude TASTE. Toutes causes de mortalité à 30 jours.

IC 95 % : 0,72-1,22 ; p = 0,63). Il n’y a pas eu d’effet significatif non plus sur l’ensemble des critères secondaires évalués : récidive d’infarctus (0,5 % dans le groupe avec aspiration, 0,9 % dans le groupe sans aspiration ; RR : 0,61 ; IC 95 % : 0,341,07 ; p = 0,09), thrombose de stent (0,2 % dans le groupe avec aspiration, 0,5 % dans le groupe sans ; RR : 0,47 ; IC 95 % : 0,20-1,02 ; p = 0,06) et AVC (p = 0,87) notamment. Il n’y a pas eu de différence de résultat quel que soit le sous-groupe préspécifié évalué.

Ça se discute

Oui, l’étude TASTE est le plus important essai réalisé pour évaluer la thrombo-aspiration (à titre indicatif, les dix principaux essais jusqu’ici effectués avaient inclus au total

moins de 3 000 patients). Le résultat de l’étude TASTE indique donc que la thrombo-aspiration dans la prise en charge de l’infarctus du myocarde par angioplastie primaire n’a pas d’intérêt clinique. Mais, cette conclusion a une réserve : le délai pour évaluer le résultat est-il suffisant ? En effet, dans le seul autre essai ayant inclus plus de 1 000 patients (l’étude TAPAS), le résultat concernant la mortalité totale n’était pas significatif à 1 mois mais l’est devenu à 1 an. Le suivi de l’étude TASTE à 1, 2, 5 et 10 ans est prévu et permettra d’évaluer s’il y a un bénéfice à long terme. n

Bibliographie 1. Fröbert O, Lagerqvist B, Olivecrona GK et al. Thrombus Aspiration during ST-Segment Elevation Myocardial Infarction. N Engl J Med 2013.

Cardiologie - Cardinale • Septembre 2013 • vol. 7 • numéro 56


ESC express

2 SAVOR

La baisse de la glycémie dans le haut risque cardiovasculaire, pas d’effet clinique et peut-être un risque

à retenir La diminution de l’HbA1c par une gliptine, la saxagliptine, n’apporte aucun bénéfice cardiovasculaire chez des patients à risque cardiovasculaire élevé et augmente le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque.

L’essentiel

Objectif de l’étude

Est-ce que, comparativement au placebo, un traitement hypoglycémiant, la saxagliptine, réduit le risque de décès et d’événements cardiovasculaires (CV) et permet d’exclure une augmentation inacceptable du risque CV sous traitement (> 30 %) chez des diabétiques ayant, ou une maladie CV, ou un risque CV élevé en prévention primaire ?

Méthode

L’étude SAVOR est un essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle contre placebo afin de vérifier (selon les demandes de la FDA de décembre 2008) si un nouvel hypoglycémiant n’augmente pas de façon inacceptable le risque d’événements CV et si, par ailleurs, ce traitement peut réduire le risque CV. Pour être inclus, les patients devaient avoir un diabète de type 2 et, soit une maladie CV avérée, soit des facteurs de risque leur conférant un risque CV élevé. L’étude devait s’arrêter lorsque 1 040 événements du critère primaire seraient survenus.

Résultats

À l’inclusion, les 16 492 patients avaient une HbA1c en moyenne à

8,0 % et la durée moyenne de leur diabète était de 10,3 ans. Le suivi moyen a été de 2,1 ans. Au terme de l’étude, alors que 1 222 événements du critère primaire avaient été enregistrés, il n’y a eu aucune différence entre les patients traités par saxagliptine et ceux sous placebo concernant l’incidence de survenue des événements de ce critère, avec une borne supérieure de l’intervalle de confiance inférieure à 1,30 permettant de conclure à la non infériorité par rapport au placebo, mais avec un intervalle de confiance faisant quasiment rejeter toute probabilité de supériorité : risque relatif à 1,00 (IC 95 % : 0,89-1,12 ; p = 0,99 pour la supériorité et < 0,001 pour la non infériorité). Les analyses sur les sous-groupes et sur les critères secondaires ont montré : - qu’il n’y a eu aucune différence d’effet entre les sous-groupes comparés (ancienneté du diabète, prévention primaire ou secondaire) ; - une augmentation significative des hospitalisations pour insuffisance cardiaque chez les patients ayant reçu la saxagliptine (289 cas soit 3,5 % chez les patients sous saxagliptine et 228 cas, soit 2,8 % chez les patients sous placebo ; RR : 1,27 ;

Cardiologie - Cardinale • Septembre 2013 • vol. 7 • numéro 56

IC 95 % : 1,07-1,51 ; p = 0,007) ; - une augmentation presque significative de la mortalité non cardiovasculaire (151 cas sous saxagliptine et 118 sous placebo ; RR : 1,27 ; IC 95 % : 1,00-1,62 ; p = 0,051).

Ça se discute

Oui, concernant le critère primaire de sécurité, la saxagliptine n’augmente pas le risque d’événements cardiovasculaires (décès CV, IDM et AVC non fatals) et répond à une exigence paradoxale de la FDA (démontrer la sécurité plutôt que l’efficacité…). Mais, la saxagliptine ne modifie pas le pronostic global des patients pris en charge, alors qu’elle augmente leur risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, voire, peutêtre, leur mortalité non cardiovasculaire, et ce, alors qu’elle fait partie d’une stratégie prônée par les recommandations : diminuer l’HbA1c chez les patients dont la n valeur initiale est à 8,0 %.

Bibliographie 1. Scirica BM, Bhatt DL, Braunwald E et al. Saxagliptin and Cardiovascular Outcomes in Patients with Type 2 Diabetes Mellitus. N Engl J Med 2013.

69


ESc Express

3 HOKUSAI VTE

L’edoxaban, une option thérapeutique mieux tolérée que les AVK dans le traitement des phlébites et des embolies pulmonaires à retenir Un traitement par un nouvel anticoagulant, l’edoxaban, n’est pas inférieur à un traitement anticoagulant standard en termes d’efficacité et réduit le risque d’hémorragies majeures chez les patients ayant une phlébite et/ou une embolie pulmonaire.

Objectif de l’étude

Est-ce que, comparativement à un traitement standard (reposant sur un AVK après un traitement par héparine de bas poids moléculaire), un traitement par edoxaban est non inférieur (limite supérieure de l’intervalle de confiance : 1,50) en termes de survenue de récidive d’événement thromboembolique veineux, chez des patients ayant une phlébite profonde et/ou une embolie pulmonaire ?

Méthode

L’étude HOKUSAI VTE est un essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle chez des patients ayant une phlébite profonde et/ou une embolie pulmonaire et recevant de l’héparine de bas poids moléculaire. Ces patients ont été randomisés pour recevoir, soit de l’edoxaban à la dose de 60 mg par jour en une prise (ou 30 mg par jour en une prise en cas d’insuffisance rénale définie par un débit de filtration glomérulaire entre 30 et 50 mil/min ou en cas de poids inférieur à 60 kg), soit de la warfarine. La durée du traitement pouvait être de 3 à 12 mois, au choix des

70

investigateurs en fonction de la situation clinique, mais les événements étaient évalués avec un suivi prévu de 12 mois pour tous les patients. Le critère primaire d’efficacité était constitué par les événements thromboemboliques veineux récidivants et le critère principal de sécurité par les hémorragies majeures ou non majeures mais cliniquement significatives.

Résultats

Parmi les 4 921 patients enrôlés, 60 % avaient une phlébite et 40 % une embolie pulmonaire et 18 % ont reçu la dose de 30 mg par jour. Parmi ceux ayant reçu la warfarine, le temps dans la zone thérapeutique a été de 63,5 %. Le résultat a montré que l’edoxaban n’est pas inférieur à la warfarine sur le critère primaire d’efficacité : 130 patients (3,2 %) du groupe edoxaban et 146 (3,5 %) ayant eu un événement du critère primaire (RR : 0,89 ; IC 95 % : 0,70-1,13 ; p < 0,001 pour la non infériorité). Une hémorragie du critère principal de sécurité est survenue chez 349 patients (8,5 %) sous edoxaban et 423 (10,3 %) patients sous

warfarine (RR : 0,81 ; IC 95 % : 0,71-0,94 ; p = 0,004 pour la supériorité).

Ça se discute

Oui, l’edoxaban devient une alternative non inférieure aux AVK en termes d’efficacité et mieux tolérée dans le traitement des phlébites et embolies pulmonaires. Mais, n’aurait-on pas pu simplifier encore le traitement en évaluant l’edoxaban administré d’emblée, c’est-à-dire sans héparine de bas poids moléculaire préalable, versus héparine de bas poids molécun laire et relai par AVK ? Risque cumulé de toutes les causes de décès (%)

L’essentiel

100 14

90

12

80

Warfarine

10

70

8

60

Edoxaban

6

50

4

40

2

30

0 0

20

30

60

90

120

150

180

210

240

270

300

330

360

10 0 0

30

60

90

120

150

180

210

240

270

300

330

360

Jours No. à risque Edoxaban Warfarine

4118 3840 3695 3587 3382 3308 3038 2192 2043 1904 1764 1650 1241 4122 3757 3627 3522 3313 3218 2979 2165 2007 1883 1754 1613 1212

Figure 1 - Les hémorragies majeures et cliniquement significatives dans l’étude HOKUSAI VTE.

Bibliographie 1. The Hokusai-VTE Investigators. Edoxaban versus Warfarin for the Treatment of Symptomatic Venous. N Engl J Med 2013.

Cardiologie - Cardinale • Septembre 2013 • vol. 7 • numéro 56


ESC express

4 Echo CRT

La durée du QRS, paramètre essentiel pour l’indication de la resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque à retenir La resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque lorsque la durée des QRS est inférieure à 130 msec n’apporte pas d’avantage et est même dangereuse.

Objectif de l’étude

La resynchronisation cardiaque, ou stimulation multisite, peut-elle améliorer le pronostic de patients ayant une insuffisance cardiaque symptomatique, des complexes QRS fins et des signes échocardiographiques d’asynchronisme ?

Méthode

L’étude Echo CRT (Echocardiography Guided Cardiac Resynchronization Therapy) est un essai thérapeutique contrôlé randomisé, conduit en aveugle chez des patients ayant une insuffisance cardiaque symptomatique (classe NYHA III à IV), une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure ou égale à 35 %, une durée des QRS inférieure à 130 msec et des signes d’asynchronisme en échocardiographie. Tous les patients ont eu une implantation d’un stimulateur multisite, celui-ci n’était activé que chez la moitié des patients. Le critère primaire d’efficacité était composé des décès toutes causes ou de la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque.

Résultats

Parmi les 809 patients inclus, la durée moyenne du QRS était de 105 msec et 94 % étaient en stade III de la NYHA. L’étude a été interrompue avant son terme prévu, avec un suivi moyen de 19,4 mois pour futilité car il a été estimé qu’il ne serait pas possible de démontrer un bénéfice du traitement au terme d’une analyse intermédiaire. À l’arrêt de l’étude, un événement du critère primaire était survenu chez 116 des 404 patients du groupe stimulé et chez 102 patients des 405 du groupe contrôle (28,7 % vs 25,2 % ; RR : 1,20 ; IC 95 % : 0,92-1,57 ; p = 0,51). Il y a eu une augmentation significative de la mortalité totale chez les patients stimulés par rapport aux patients non stimulés (45 décès soit 11,1 % vs 26 soit 6,4 % ; RR : 1,81 ; IC 95 % : 1,11-2,93 ; p = 0,02) essentiellement par cause cardiovasculaire (37 cas soit 9,2 % vs 17 soit 4,2 %) avec plus de décès par insuffisance cardiaque (17 vs 10) et par arythmie (14 vs 4).

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Ça se discute

Oui, la resynchronisation est donc dangereuse lorsque la durée des QRS est inférieure à 130 msec. Mais, il semble que l’augmentation de mortalité soit essentiellement constatée chez les patients dont la durée du QRS était inférieure à 120 msec : faut-il implanter, comme le proposent les recommandations, dès une largeur de QRS de 120 msec ou au-delà de n 130 msec ? 100 90 80 70 Patients avec événements (%)

L’essentiel

60 50 40 P=0,002

30

CRT

20 10

Contrôle

0 0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

Années depuis la randomisation No. à risque CRT Contrôle

404 405

334 335

267 269

199 195

132 141

84 87

56 62

25 27

Figure 1 - Mortalité toutes causes dans l’étude Echo CRT.

Bibliographie 1. Ruschitzka F, Abraham WT, Singh JP et al. Cardiac-Resynchronization Therapy in Heart Failure with a Narrow QRS Complex. N Engl J Med 2013.

71


ESc Express

5 RE ALIGN

Pas de NACO chez les patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique à retenir Chez les patients ayant une prothèse valvulaire mécanique, les nouveaux anticoagulants ne doivent pas être utilisés : par rapport aux AVK, ils augmentent le risque hémorragique et le risque thromboembolique.

Quelle est la dose d’un nouvel anticoagulant (le dabigatran) qui peut assurer une concentration plasmatique permettant d’envisager un effet clinique favorable par rapport aux AVK chez des patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique ?

Méthode

L’étude RE ALIGN avait comme objectif principal l’évaluation de différentes doses du dabigatran, proposées en fonction du débit de filtration glomérulaire, chez des patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique. Trois doses étaient évaluées (150 mg, 220 mg et 300 mg, prises chacune deux fois par jour) afin d’en déterminer la concentration plasmatique, dans l’objectif d’obtenir une valeur au creux de la concentration d’au moins 50 ng/ml. Un groupe contrôle recevait par ailleurs de la warfarine. Pour être inclus, les patients devaient avoir une prothèse valvulaire cardiaque depuis au moins trois mois, ou depuis moins de 7 jours et la prothèse pouvait être aortique, mitrale ou les deux.

72

Résultats

Alors que les inclusions n’étaient pas terminées et alors que 252 patients avaient été inclus, le comité de surveillance de l’étude a demandé son arrêt du fait d’un excès d’événements thromboemboliques mais aussi hémorragiques chez les patients recevant le dabigatran par rapport aux patients recevant la warfarine. Un accident ischémique ou un AVC était survenu chez 9 patients ayant reçu du dabigatran et chez aucun des patients sous warfarine, une thrombose asymptomatique de valve avait été constatée chez 10 patients ayant reçu du dabigatran et chez aucun sous warfarine. Le taux d’hémorragies majeures était de 4 % chez les patients sous dabigatran contre 2 % chez les patients sous warfarine. Tous les patients ayant une hémorragie majeure avaient aussi une hémorragie péricardique.

ne peut pas être complétement exclu, ce qui devrait quand même permettre d’évaluer d’autres nouveaux anticoagulants chez ce type de patient. n

A

Probabilité d’aucun cas

Objectif de l’étude

1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0

Warfarine

Dabigatran

0 No. à risque Dabigatran Warfarine

168 84

50 100

156 82

150

126 66

200 250 Jours 108 55

73 40

300

350

400

44 22

15 9

7 4

B

Probabilité d’aucun cas

L’essentiel

1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0

Warfarine Dabigatran

0 No. à risque Dabigatran Warfarine

168 84

50 100

129 73

150

103 56

200 250 Jours 86 50

58 38

300

350

400

32 22

11 11

6 4

Figure 1 - A : premiers événements thromboemboliques dans l’étude RE ALIGN. B : premiers événements

Ça se discute

hémorragiques dans l’étude RE ALIGN.

Oui, par rapport à l’utilisation d’un AVK, il apparaît risqué de proposer un nouvel anticoagulant à un patient ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique. Mais, un effet hasard dans le résultat observé dans cette étude

Bibliographie 1. Eikelboom JW, Connolly SJ, Brueckmann M et al. Dabigatran versus Warfarin in Patients with Mechanical Heart Valves. N Engl J Med 2013.

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ESC express

6 COMPARE

Le losartan devient un traitement du syndrome de Marfan avec dilatation aortique à retenir Un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine 2, le losartan, permet de ralentir la dilatation progressive de l’aorte thoracique chez des patients ayant un syndrome de Marfan.

L’essentiel

Objectif de l’étude

Est-ce qu’un traitement par un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine 2, le losartan, peut prévenir la dilatation progressive de l’aorte thoracique chez des patients ayant un syndrome de Marfan, opéré ou non ?

Méthode

L’étude COMPARE (COzaar in Marfan PAtients Reduces aortic Enlargement) est un essai thérapeutique contrôlé, conduit en ouvert dans plusieurs centres d’un unique pays. Il a évalué le losartan à 100 mg par jour (après 15 jours sous losartan 50 mg par jour) vs pas de losartan sur l’évolution du diamètre de l’aorte thoracique chez des patients ayant une maladie de Marfan, qu’ils aient été ou non opérés de l’aorte thoracique. Chez les patients opérés, ce sont les diamètres avant et après la prothèse qui étaient évalués. La mesure du diamètre de l’aorte était faite par une IRM à l’inclusion et au terme de 3 ans de suivi. Le critère primaire était l’évolution du diamètre de la racine aortique à 3 ans.

Résultats

Parmi les 233 patients enrôlés, à l’inclusion, 73 % recevaient un bêtabloquant, la pression artérielle était en moyenne à 125/74 mmHg, le diamètre de la racine aortique était en moyenne de 44 mm et 27 % avaient eu une chirurgie aortique. La pression artérielle systolique a significativement diminué (en moyenne de 3 mmHg) chez les patients traités par le losartan. À 3 ans, l’augmentation du diamètre de la racine aortique a été significativement moindre chez les patients sous losartan que dans le groupe contrôle : 0,77 mm dans le groupe traité vs 1,35 mm dans le groupe contrôle (p = 0,014). Par ailleurs, le taux de patients dont le diamètre de l’aorte thoracique n’a pas été modifié a été plus important dans le groupe traité (50 %) que dans le groupe contrôle (31 % ; p = 0,02 pour la comparaison). Il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes en termes de nécessité d’une chirurgie aortique (10 vs 9 patients) et de survenue d’une dissection aortique (0 vs 2 patients).

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Chez les patients ayant eu un remplacement de l’aorte ascendante, la dilatation de l’arche aortique a été moins importante chez les patients traités (0,5 mm) que chez les patients du groupe contrôle (1,01 mm ; p = 0,033 pour la comparaison).

Ça se discute

Oui, le losartan permet de ralentir la dilatation de l’aorte thoracique chez des patients ayant un syndrome de Marfan. Mais, le losartan permet-il d’en améliorer le pronostic, l’étude n’ayant évalué qu’un critère intermédiaire ? Prescrit plus précocement dans le cours évolutif de la maladie, pourrait-il prévenir la dilan tation aortique ?

Bibliographie 1. Groenink M, den Hartog AW, Franken R et al. Losartan reduces aortic dilatation rate in adults with Marfan syndrome: a randomized controlled trial. Eur Heart J 2013.

73


Mise au point

Le traitement de l’insuffisance cardiaque

Où en est-on en cette fin d’année 2013 ?

Yves Juillière (Département de Cardiologie, Institut lorrain du Cœur et des Vaisseaux, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy, y.juilliere@chu-nancy.fr)

L’insuffisance cardiaque est une pathologie sévère et grave pour laquelle les progrès thérapeutiques ont été majeurs au cours des trois dernières décennies. On assiste depuis quelques années à un certain ralentissement : les nouvelles molécules sont plus rares et les grands essais multicentriques plus difficiles à conduire du fait de la nécessité de démontrer une efficacité additionnelle à un traitement déjà bien fourni. Il n’empêche ! L’impact de ce traitement est incontestable. Toutes les données récentes démontrent la baisse de mortalité des patients insuffisants cardiaques traités au XXIe siècle par rapport à ceux pris en charge au siècle dernier (1-2). Malheureusement, ces mêmes analyses confirment la très forte morbidité persistante et tout particulièrement la haute fréquence de réhospitalisations, même si la durée de séjour tend à diminuer.

Recommandations dans l’insuffisance cardiaque systolique

La prise en charge thérapeutique de l’insuffisance cardiaque a fait l’objet de nouvelles recommandations en 2012. Bien entendu, ces recommandations insistent à nouveau sur l’association reine IECbêtabloquants en plus du traitement diurétique visant à réduire les symptômes. Il faut les deux médicaments prescrits à forte posologie. Même si on est tous convaincus de l’efficacité de cette association, il faut bien convenir que la posologie est loin d’être optimale comme le montrent les

74

données de l’observatoire OFICA (3). Si dans certains cas, des effets secondaires ou des pathologies associées peuvent expliquer ce sous-dosage, une prudence excessive du thérapeute est parfois (souvent ?) la cause de cette faible prescription. Le recours à une surveillance par le BNP pourrait être utile pour autostimuler le médecin et convaincre le patient du bien-fondé de l’augmentation des posologies, même en l’absence de symptômes persistants (4).

Qu’apportent-elles de nouveau ?

Trois choses. En premier lieu, la place des antagonistes des

récepteurs aux minéralocorticoïdes (les anciens anti-aldostérones) qui doivent être envisagés en deuxième ligne en cas de persistance des symptômes malgré IEC, bêtabloquants et diurétiques. C’est là l’apport de l’étude EMPHASIS (5) confortant les données déjà établies avec les études RALES et EPHESUS. En deuxième lieu, la place de l’ivabradine qui doit être évoquée si les symptômes sont toujours présents après la quadruple association précédente et si la fréquence cardiaque est supérieure à 70 battements par minute comme l’a montré l’étude SHIFT (6). Il est toutefois un peu curieux de devoir attendre une prescription

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Le traitement de l’insuffisance cardiaque

d’antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes pour se poser la question de la fréquence cardiaque quand on voit l’importance de celle-ci sur le pronostic des patients (7). Et on peut se demander, toujours devant l’importance de réduire la fréquence cardiaque, si la digoxine est vraiment à sa place à la toute dernière extrémité de la stratégie, comme le suggère une étude mettant en parallèle les résultats de SHIFT et ceux de l’étude DIG, si on considère cette dernière avec les critères primaires retenus pour la première (8). En troisième et dernier lieu, la place maintenant excessivement réduite des antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II, confinés aux patients intolérants aux IEC ou bien aux patients ne supportant pas les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes. En dehors de ces trois points, le reste du schéma de traitement reste inchangé. Ces recommandations prennent donc en compte les résultats des deux derniers grands essais positifs dans l’insuffisance cardiaque en adaptant la stratégie d’utilisation des produits. Il faut y ajouter la confirmation du peu d’intérêt pour l’utilisation d’un anticoagulant à titre systématique chez le patient en rythme sinusal pour lequel la dilatation ventriculaire importante fait craindre la formation de thrombus. L’étude WARCEF montre que l’aspirine fait au moins aussi bien (9).

Quid de l’avenir dans l’insuffisance cardiaque systolique ? L’aliskirène

Peut-on espérer de nouvelles molécules et de nouveaux essais positifs dans un avenir proche ?

Un vaste programme de recherche clinique est développé depuis plusieurs années avec l’inhibiteur direct de la rénine qu’est l’aliskirène, encore un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone. Ce programme a été envisagé au vu des résultats d’une étude pilote ALOFT (10) qui avait montré une réduction significativement plus importante du BNP grâce à l’aliskirène en plus de la thérapeutique recommandée et par rapport au traitement standard. Si toutes les études ne sont pas encore terminées, un premier résultat est disponible avec la publication récente de l’étude ASTRONAUT (11). Cet essai a testé l’aliskirène chez des patients sortis de l’hôpital après une décompensation cardiaque en évaluant la mortalité cardiovasculaire ou les réhospitalisations. Malheureusement, le résultat est négatif puisqu’il ne montre pas de supériorité du produit testé. On reste donc sur notre faim et il va falloir s’armer de patience en attendant notamment les résultats de l’étude ATMOSPHERE.

relaxine, peptide secrété naturellement chez la femme enceinte, a des effets qui modulent la réponse cardiovasculaire (augmentation de la vasodilatation et de la fonction rénale) pendant la grossesse. Après une étude pilote (pré-RELAX-AHF) ayant montré des résultats encourageants (13), l’étude RELAX-AHF vient d’être publiée (14). Elle montre une amélioration des symptômes et une réduction de la mortalité à 6 mois. C’est encore une fois encourageant mais il n’est pas certain que ce produit soit disponible rapidement. En effet, un des deux critères primaires jugés sur les symptômes est certes statistiquement positif mais pas l’autre. Et la mortalité globale est certes diminuée significativement mais ce n’était pas un critère secondaire. Quant au critère secondaire de morbi-mortalité, il s’avère être lui négatif. Il faudra attendre la réponse des agences d’enregistrement pour savoir si ce produit, utilisable en perfusion intraveineuse, sera disponible en pratique courante.

Une EPO, en l’occurrence la darbopoïetine, n’a montré aucun effet sur les critères de morbimortalité dans l’étude RED-HF malgré une nette amélioration du taux d’hémoglobine (12). D’autres médicaments sont à l’étude mais leur phase de développement ne permet guère d’espérer de résultat avant plusieurs années au minimum.

Et les traitements nonmédicamenteux ?

La relaxine

Néanmoins, dans l’insuffisance cardiaque aiguë où la plupart des nouvelles drogues des 15 dernières années n’ont pas abouti sur le marché (lévosimendan, nésiritide), un produit vient de donner des résultats intéressants. La

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Resynchronisation et défibrillateur implantable

Les recommandations de l’insuffisance cardiaque systolique font également la part belle à la resynchronisation et au défibrillateur implantable. L’extension aux patients en classe II est confirmée. Mais il faut bien garder à l’esprit que ces techniques électriques ont une efficacité uniquement lorsqu’il existe un bloc gauche (largeur de QRS > 120 ms) comme le confirment les méta-analyses (15). Dans l’avenir, il sera peut-être possible de surveiller à distance la

75


Mise au point

pression pulmonaire des patients grâce à un appareil implanté sous la peau tout comme un pacemaker qui mesurera en temps réel les variations de pression pulmonaire (16).

fonctionnelles sévères par distension de l’anneau lors des dilatations ventriculaires gauches majeures. Un projet PHRC coordonné par le Professeur Jean-François Obadia de Lyon va débuter en France en septembre prochain.

(23). Cette classe de médicaments avait fait naître un grand espoir dans l’insuffisance cardiaque systolique à l’époque d’omapatrilat mais le produit associant un inhibiteur de l’endopeptidase neutre et un IEC avait montré un surcroît

Chirurgie

En matière de chirurgie, les progrès sont constants dans le domaine des assistances ventriculaires. En revanche, l’ancienne contrepulsion aortique semble plutôt mise au placard puisqu’il est montré qu’elle n’apporte rien de plus que le traitement intraveineux pour réduire la mortalité dans le choc cardiogénique de l’infarctus aigu du myocarde (17). Sur le plan de la chirurgie coronaire, l’étude STICH (18) pose un problème puisqu’elle montre qu’en cas de dysfonction ventriculaire gauche, les pontages ne sont pas supérieurs au simple traitement médical en matière de survie à long terme. Cela bat en brèche le vieux dogme issu de l’étude CASS en 1985 qui voulait que ce soit surtout les patients avec dysfonction ventriculaire qui tirent un bénéfice de l’intervention chirurgicale de revascularisation.

La cardiologie interventionnelle

La cardiologie interventionnelle s’invite dans la greffe cellulaire avec la délivrance sous-endocardique de cellules mononucléaires autologues issues de la moelle osseuse (19-20). Malheureusement, tout comme les autres études sur le sujet, les résultats sont totalement négatifs. Néanmoins, l’apport de la cardiologie interventionnelle est réel avec le traitement percutané de l’insuffisance mitrale, le système Mitraclip (21) qui se destine à la fois aux valvulopathies organiques et également, et peut-être surtout, aux insuffisances mitrales

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Le traitement de l’insuffisance cardiaque, malgré de fabuleux progrès lors des trente dernières années, laisse entrevoir encore des possibilités intéressantes pour l’avenir.

Et l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée ?

Qu’en est-il du traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée, tout de même présente chez plus de 50 % de nos patients souvent âgés ? Les recommandations demeurent claires : il n’y a aucun traitement, et cette pathologie demeure la seule pathologie cardiovasculaire à ne pas en avoir. Tous les essais menés jusqu’à présent sont négatifs.

Antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes

Des espoirs existent encore. Les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes sont en cours d’évaluation avec l’étude de morbi-mortalité TOPCAT, encouragée par les résultats semi-positifs de l’étude ALDO-DHF (22). Ce travail montrait un effet favorable sur l’amélioration des critères échocardiographiques de dysfonction diastolique mais aucun effet en termes d’amélioration fonctionnelle à l’effort.

Inhibiteurs de l’endopeptidase neutre

L’attrait pour les inhibiteurs de l’endopeptidase neutre ressurgit

important de risque d’angiœdème, ce qui avait conduit à l’arrêt de la recherche. Une nouvelle drogue de cette classe est en phase d’évaluation. Le LCZ696 est un inhibiteur de la néprilysine associé à un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II (le valsartan). L’étude PARAMOUNT (24) vient de montrer un effet favorable sur l’amélioration des symptômes et la baisse du BNP comparativement au valsartan seul chez des patients avec insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Il faudra attendre des études de plus grande envergure pour statuer sur l’intérêt de ce produit. Une autre étude RELAX (25), sans rapport avec la précédente, a testé le sildénafil dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Cette classe médicamenteuse n’a montré aucun effet favorable dans cette pathologie, contrairement aux effets positifs démontrés dans l’hypertension artérielle pulmonaire.

Éducation thérapeutique du patient

Pour terminer, il est important de rappeler le rôle majeur des

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Le traitement de l’insuffisance cardiaque

règles hygiéno-diététiques correctement suivies, notamment en ce qui concerne la restriction hydrosodée. L’éducation thérapeutique doit avoir une part de plus en plus importante dans la prise en charge des patients insuffisants cardiaques car elle permet non seulement une amélioration des conditions de vie, mais également une réduction de la mortalité globale (26-27). La prise en charge dans des cliniques spécialisées d’insuffisance cardiaque

ne semble pas apporter d’effets bénéfiques supplémentaires (28), témoignant probablement du rôle majeur que joue seule l’éducation thérapeutique.

apports futurs seront probablement un peu plus modestes que ceux que l’on a connus avec les IEC et les bêtabloquants. n

Conclusion

Ainsi, le traitement de l’insuffisance cardiaque, malgré de fabuleux progrès lors des trente dernières années, laisse entrevoir encore des possibilités intéressantes pour l’avenir, même si les

Mots-clés : Insuffisance cardiaque systolique, Recommandations, Traitements, Éducation thérapeutique

Bibliographie 1. Chen J, Dharmarajan K, Wang Y, Krumholz HM. National trends in heart failure hospital stay rates, 2001 to 2009. J Am Coll Cardiol 2013 ; 61 : 107888. 2. Pérel C. Taux de patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque en 2008 et évolutions en 2002-2008, France. BEH 2012 ; 41 : 466-70. 3. Logeart D, Isnard R, Resche-Rigon M et al. Current aspects of the spectrum of acute heart failure syndromes in a real-life setting: the OFICA study. Eur J Heart Fail 2013 ; 15 : 465-76. 4. Januzzi JL, Troughton R. Are serial BNP measurements useful in heart failure management? Serial natriuretic peptide measurements are useful in heart failure management. Circulation 2013 ; 127 : 500-8. 5. Zannad F, McMurray JJV, Krum H et al. Eplerenone in patients with systolic heart failure and mild symptoms. N Engl J Med 2011 ; 364 : 11-21. 6. Swedberg K, Komajda M, Böhm M et al. Ivabradine and outcomes in chronic heart failure (SHIFT): a randomised placebo-controlled study. Lancet 2010 ; 376 : 875-85. 7. Böhm M, Swedberg K, Komajda M et al. Heart rate as a risk factor in chronic heart failure (SHIFT): the association between heart rate and outcomes in a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2010 ; 376 : 886-94. 8. Castagno D, Petrie MC, Claggett B, McMurray J. Should we SHIFT our thinking about digoxin? Observations on ivabradine and heart rate reduction in heart failure. Eur Heart J 2012 ; 33 : 1137-41. 9. Homma S, Thompson JL, Pullicino PM et al. Warfarin and aspirin in patients with heart failure and sinus rhythm. N Engl J Med 2012 ; 366 : 1859-69. 10. McMurray JJ, Pitt B, Latini R et al. Effects of the oral direct renin inhibitor aliskiren in patients with symptomatic heart failure. Circ Heart Fail 2008 ; 1 : 17-24. 11. Gheorghiade M, Böhm M, Greene SJ et al. Effect of aliskiren on postdischarge mortality and heart failure readmissions among patients hospitalized for heart failure. JAMA 2013 ; 309 : 1125-35. 12. Swedberg K, Young JB, Anand IS et al. Treatment of anemia with darbepoetin alfa in systolic heart failure. N Engl J Med 2013 ; 368 : 1210-9. 13. Teerlink JR, Metra M, Felker GM et al. Relaxin for the treatment of patients with acute heart failure (Pre-RELAX-AHF): a multicentre, randomised, placebo-controlled, parallel-group, dose-finding phase IIb study. Lancet 2009 ; 373 : 1429-39. 14. Teerlink JR, Cotter G, Davison BA et al. Serelaxin, recombinant human relaxin-2, for treatment of acute heart failure (RELAX-AHF): a randomised, placebo-controlled trial. Lancet 2013 ; 381 : 29-39. 15. Sipahi I, Chou JC, Hyden M et al. Effect of QRS morphology on clinical event reduction with cardiac resynchronization therapy: meta-analysis

Cardiologie - Cardinale • Septembre 2013 • vol. 7 • numéro 56

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Rythmologie

Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013

Mise au point en rythmologie

Walid Amara (Unité de Rythmologie, GHI Le Raincy-Montfermeil, walamara@gmail.com)

L’année 2012 a été riche en nouveautés en rythmologie. La première, et celle-ci a été largement commentée, est l’essor des nouveaux anticoagulants dans la prise en charge de la fibrillation atriale (FA). Deux (le dabigatran et le rivaroxaban) sont déjà utilisés en pratique. Le troisième (l’apixaban) a maintenant une AMM européenne et il est en attente d’un prix dans cette indication. Cet article va traiter des autres nouveautés en rythmologie sur un an, que ce soit les études notables sur l’année ou les recommandations.

Les nouveaux anticoagulants dans la FA

Tous ces nouveaux anticoagulants sont maintenant intégrés dans la dernière mise à jour des recommandations européennes de prise en charge de la fibrillation atriale (1), qui ont été publiées en septembre 2012. Ces recommandations accordent une place de choix aux nouveaux anticoagulants y compris en première intention. Tous les anticoagulants (antivitamines K et les trois nouveaux anticoagulants) sont indiqués en classe I chez les patients ayant un score CHA2DS2VASc de 2 ou plus et en classe IIa chez les patients ayant un score CHA2DS2VASc égal à 1. Les nouveaux anticoagulants sont indiqués en classe I chez les patients ayant des INR instables ou incapables de suivre leurs INR. Ils

78

sont indiqués en première intention chez tous les patients avec une classe de recommandation IIa (Tab. 1). L’une des critiques qui est faite à ces nouveaux anticoagulants est celle de l’absence d’antidote et de monitoring en routine. Des pistes sont maintenant évoquées, notamment concernant la prise en charge en cas d’hémorragie ou de chirurgie urgente. Des recommandations du Groupe d’intérêt en hémostase périopératoire (GIHP) ont ainsi été publiées en fin d’année 2012 (2). Ces recommandations fournissent des “recettes” en cas de chirurgie ou d’hémorragie. Ainsi, en cas de chirurgie urgente, il est possible pour le dabigatran, de doser le dabigatran ou en cas de non-disponibilité d’évaluer le TCA qui donne une idée de l’anticoagulation du patient. Dans le

cas du rivaroxaban, il est possible également de doser le rivaroxaban mais également d’évaluer les tests d’hémostase standard ou de doser un temps de thrombine spécifique du rivaroxaban. Si pour ces deux traitements des antidotes spécifiques n’existent pas, il a été démontré que l’on peut normaliser l’hémostase (chez des patients en dehors d’une situation de saignement toutefois) soit par l’administration d’un complexe prothrombinique (notre bon vieux PPSB), soit par l’administration de FEIBA.

L’ablation de la FA en classe I

Dans ces mêmes recommandations de septembre 2012, la nouveauté est la place de l’ablation de la FA. Celle-ci est pour la première

Cardiologie - Cardinale • Septembre 2013 • vol. 7 • numéro 56


Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013

L’ablation de FA est également indiquée en classe IIa en première intention chez des patients avec une FA paroxystique symptomatique comme alternative au traitement antiarythmique (Tab. 2). Les indications d’ablation de FA en première intention sont issues d’une étude publiée en 2012 dans le New England Journal of Medicine, l’étude MANTRA PAF (3). L’étude MANTRA PAF a inclus des patients présentant une FA paroxystique qui ne recevaient pas de traitement antiarythmique et qui ont été randomisés entre ablation de la FA en première intention et traitement antiarythmique. Sur le critère primaire de charge cumulée de FA à 35 jours et à 2 ans, il n’a pas été noté de différence significative entre les deux stratégies. On note cependant moins de patients présentant une FA à 24 mois (Fig. 1) et une meilleure qualité de vie dans le groupe ablation.

Brugada asymptomatique ? Le DAI n’est vraiment pas anodin

Le dernier consensus concernant les indications de défibrillateur implantable en cas de syndrome de Brugada date de 2005 (4). Ces indications étaient basées notamment sur l’induction d’un trouble du rythme ventriculaire lors de la stimulation ventriculaire pro-

Tableau 1 – Indication des nouveaux anticoagulants dans la mise à jour des recommandations ESC de prise en charge de la FA non-valvulaire. Indication

Classe de recommandation

Niveau de preuve

I

B

IIa

A

Chez les patients ayant des difficultés à maintenir l’INR dans la cible, présentant des effets secondaires des AVK ou incapables d’avoir des INR Chez les patients ayant une indication aux anticoagulants en préférence aux AVK

Tableau 2 – Indications de l’ablation de la FA. Indication

Classe de recommandation

Niveau de preuve

FA paroxystique symptomatique avec des récurrences sous traitement antiarythmique et qui préfèrent le contrôle du rythme

I

A

Traitement de première intention chez des patients sélectionnés avec une FA paroxystique symptomatique comme alternative au traitement antiarythmique

IIa

B

grammée. Aucun consensus n’a été publié depuis. En 2012, le registre PRELUDE (Programmed electrical stimulation predictive value) a été publié (5). Il a inclus près de 300 patients présentant un syndrome de Bru-

140

Nombre de patients

fois en classe I chez les patients ayant une FA paroxystique avec récurrences symptomatiques sous traitement antiarythmique et qui préfèrent le contrôle du rythme par un opérateur et dans un centre expérimenté.

120

gada. L’étude ne retrouve pas de valeur prédictive à la stimulation ventriculaire programmée. Les facteurs prédictifs d’un risque rythmique étaient les antécédents de syncope, un aspect de type I spontané et une période réfractaire ventriculaire < 200 ms.

p = 0,004 p = 0,012

100 80

FA Symptomatique

60

Toute FA

40

Pas de FA

20 0 RFA

AAD

Figure 1 – FA à 24 mois.

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79


Rythmologie

Faut-il explorer les préexcitations asymptomatiques ?

Il est rappelé dans le consensus publié en 2012 (6) que l’intermittence de la préexcitation est un facteur de bénignité. De même, la disparition abrupte de la préexcitation à l’épreuve d’effort témoigne d’une période réfractaire longue de la voie accessoire. En l’absence de ces critères, une exploration électrophysiologique endocavitaire ou endo-œsophagienne est indiquée. Les critères conduisant à l’ablation sont un RR court en FA inférieur à 250 ms (classe IIa), une TSV inductible (classe IIb) ou selon les caractéristiques du patient en cas de RR en FA > 250 ms (classe IIb).

Les indications de resynchronisation étendues au stade II de la NYHA

Suite aux résultats des études MADIT CRT et RAFT qui ont inclus des patients au stade I et II de la NYHA, les recommandations ESC de prise en charge de l’insuffisance cardiaque (7), ont ouvert la voie à la resynchronisation dès le stade II. Ces nouvelles recommandations vont, ainsi, prendre en compte, outre le stade NYHA, la largeur des QRS et la morphologie des QRS. La place de la resynchronisation dans ces recommandations est résumée dans le tableau 3. La resynchronisation est possible en cas de FA. Une méta-analyse a montré les résultats favorables de l’ablation de la jonction auriculoventriculaire chez ces patients (8). Cette méta-analyse de trois essais

80

Tableau 3 – Indications de resynchronisation dans les recommandations ESC de 2012. Classe NYHA

Indication

Classe de recommandation

Niveau de preuve

III-IV

Rythme sinusal, QRS ≥ 120 ms, aspect de BBG, FE ≤ 35 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité

I

A

III-IV

Rythme sinusal, QRS ≥ 150 ms, sans aspect de BBG, FE ≤ 35 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité

IIa

A

I

A

IIa

A

II

Rythme sinusal, QRS ≥ 130 ms, aspect de BBG, FE ≤ 30 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité

II

Rythme sinusal, QRS ≥ 150 ms, sans aspect de BBG, FE ≤ 30 % avec une espérance de vie > 1 an pour réduire les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité

a retrouvé une baisse de mortalité sous traitement.

Syncope vagale : une nouvelle preuve pour la stimulation cardiaque

L’étude ISSUE 3 (9) a inclus des patients présentant une syncope vasovagale. Les patients ont été implantés d’un holter implantable (Reveal DX/XT). Le holter implantable a été suivi pendant une durée maximale de 2 ans. Les patients étaient éligibles en cas de récidive de syncope associée à une asystolie d’au mois trois secondes ou en cas de diagnostic d’asystolie non-syncopale d’au moins six secondes. Tous les patients ayant ces critères étaient implantés d’un stimulateur cardiaque double chambre.

Ils étaient ensuite randomisés entre stimulation ON ou OFF. Le principal critère de jugement était les récidives de syncope en analyse en intention de traiter (Fig. 2). À 2 ans, il a été noté 25 % de récidives dans le PM ON et 57 % dans le groupe PM OFF, soit une réduction significative du risque de 57 % (p = 0,039). Au total, cette étude montre que l’implantation d’un stimulateur cardiaque chez des patients présentant des syncopes vasavogales récidivantes avec pauses identifiées est efficace pour réduire les récidives de syncope. Cette réduction était substantielle et était de 32 % en termes de réduction absolue et 57 % en termes de réduction relative. Cette étude montre par ailleurs l’intérêt de proposer un holter implantable aux patients présentant une syncope vasovagale.

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Absence de récidive de syncope

Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013

1 .9 .8 .7 .6 .5 .4 .3 .2 .1 0

Pm ON

Pm OFF

p = 0.039

0 Nombre à risque PM OFF 39 PM ON 38

3 31 32

6 25 27

9 21 22

12 Mois 21 16

15 18 14

18 15 13

21 12 13

24 8 11

Figure 2 – Survie sans récidive de syncope à 2 ans.

Conclusion

Au total, l’année 2012 a été riche en nouveautés. Certaines, notamment les recommandations de prise en charge de la FA et de l’insuffisance cardiaque, sont déjà dans les pratiques. Tout ne s’arrête pas là

pour autant. Outre les études, ces derniers mois ont vu l’arrivée, par exemple, du premier défibrillateur implantable IRM compatible ou du défibrillateur à sonde sous-cutanée. Les progrès avancent et ne s’arrêtent donc pas en 2013. n

Mots-clés : Rythmologie, Nouveautés, Anticoagulants, Fibrillation atriale, Insuffisance cardiaque

Bibliographie 1. Camm AJ, Lip GY, De Caterina R et al. 2012 focused update of the ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation: an update of the 2010 ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation. Developed with the special contribution of the European Heart Rhythm Association. Eur Heart J 2012 ; 33 : 2719-47. 2. Recommandation du GIHP. Décembre 2012. 3. Nielsen JC, Johannessen A, Raatikainen P et al. Radiofrequency ablation as initial therapy in paroxysmal atrial fibrillation. New Engl J Med 2012 ; 367 : 1587-95. 4. Antzelevitch C, Brugada P, Borggrefe M et al. Brugada syndrome: report of the second consensus conference: endorsed by the Heart Rhythm Society and the European Heart Rhythm Association.Circulation 2005 ; 111 : 659-70. 5. Priori SG, Gasparini M, Napolitano C et al. Risk stratification in Brugada syndrome: results of the PRELUDE (Programmed electrical stimulation predictive value) registry. J Am Coll Cardiol 2012 ; 59 : 37-45. 6. Consensus PACES, HRS, ACCF, AHA et AAP de prise en charge du pa-

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tient jeune asymptomatique présentant un aspect ECG de Wolff Parkinson White. 7. McMurray JJ, Adamopoulos S, Anker SD et al. ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012: The Task Force for the Diagnosis and Treatment of Acute and Chronic Heart Failure 2012 of the European Society of Cardiology. Developed in collaboration with the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur Heart J 2012 ; 33 : 1787-1847. 8. Ganesan AN, Brooks AG, Roberts-Thomson KC et al. Role of AV nodal ablation in cardiac resynchronization in patients with coexistent atrial fibrillation and heart failure a systematic review. J Am Coll Cardiol 2012 ; 59 : 719-26. 9. Brignole M, Menozzi C, Moya A et al. Pacemaker therapy in patients with neurally mediated syncope and documented asystole: Third International Study on Syncope of Uncertain Etiology (ISSUE-3): a randomized trial. Circulation 2012 ; 125 : 2566-71.

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Réflexions

Les recommandations de bonne pratique clinique

Sont-elles une source du savoir ?

François Diévart (Clinique Villette, Dunkerque)

Il peut être tentant de penser que les recommandations de bonne pratique clinique constituent une source du savoir médical : leur rôle est en effet de faire la synthèse des données acquises de la science et de proposer une conduite médicale issue de cette synthèse…

T

out incite à penser que les recommandations sont la synthèse de la science : • le conseil d’État a, par exemple, estimé récemment que des recommandations, par leur mode d’élaboration, avaient force de loi ; • leurs conclusions sont intégrées dans les cours faits aux étudiants en médecine, dont certains pensent qu’il est plus utile désormais d’apprendre les recommandations que de lire les études scientifiques ; • elles fixent les définitions des maladies, comme par exemple l’hypertension artérielle, les dyslipidémies… • elles servent de support à de très nombreuses publications destinées à montrer en quoi les pratiques sont en accord ou non avec leurs propositions…

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Alors, si elles sont la quintessence de la science, pourquoi arrive-t-il que leurs propositions soient parfois modifiées de façon importante d’un texte à son suivant ? Certains diront que c’est parce que de nouvelles données ont modifié leur valeur. Dans ce cas, il est raisonnable de conclure, qu’elles ne font qu’une synthèse des données de la science à un moment donné et que l’évolution de la science peut invalider des raisonnements jugés établis. Mais, plus troublant encore, comment comprendre, puisqu’elles travaillent sur un même matériau, les données acquises de la science, que des recommandations issues à une même période puissent avoir des conclusions différentes ? Plusieurs raisons semblent pouvoir expliquer un tel paradoxe : • les données acquises sont des faits, et ces faits ont un niveau de

© shefkate – fotolia

« Le névrosé, c’est celui qui construit un château dans les nuages. Le psychotique, c’est celui qui vit dedans. Le psychiatre, c’est celui qui touche le loyer. » Jerome Lawrence

preuve plus ou moins grand. Les recommandations ne sont pas chargées uniquement de faire la synthèse des données de la science, elles sont chargées de les rendre opérationnelles pour le

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Les recommandations de bonne pratique clinique

praticien. Aussi, des experts différents peuvent avoir des façons différentes d’envisager comment les rendre opérationnelles ; • l’ensemble des données acquises de la science n’est peut-être pas pris en compte par chaque groupe d’experts : il pourrait y avoir un tri sélectif des données prises en compte pour faire une synthèse et pour la rendre opérationnelle ; • les recommandations ne sont qu’une interprétation par un groupe d’experts des données acquises de la science et, en fonction des données prises en compte et de leur interprétation, notamment en termes d’opérabilité, des recommandations différentes peuvent être produites au même moment par différents groupes. Ces éléments ne remettent pas en cause le progrès que constituent les recommandations pour la pratique, ils indiquent seulement que 1) la valeur des recommandations peut être nuancée, voire critiquée ; 2) ces recommandations ne peuvent avoir force de loi ; 3) elles ne sont pas une synthèse objective des données de la science et ne peuvent constituer une source fiable du savoir. Cet article a pour objectif d’argumenter les propositions qui viennent d’être présentées.

Les limites des recommandations comme outil de synthèse de la science

En 2011, E. Thiebaut à la faculté de médecine de Nancy, a soutenu une thèse en médecine générale disponible sur Internet et intitulée « Cible tensionnelle après un accident vasculaire cérébral : une question non-résolue ». Pour ce travail, l’auteur a voulu détermi-

ner quelle est la cible tensionnelle après un AVC d’après les textes de recommandations disponibles et ce, tant en ce qui concerne les recommandations sur l’HTA que celles sur l’AVC. On remarquera donc que les recommandations peuvent être envisagées comme la source des connaissances scientifiques. Une première conclusion de ce travail de thèse a été de constater des divergences entre les 9 textes différents de recommandations sur l’HTA. Une différence notable a été l’importance de la bibliographie citée qui allait de 59 à 742 références selon le texte de recommandations. Ces recommandations utilisentelles les mêmes sources bibliographiques ? La réponse fournie par la thèse est négative. En examinant à partir de leurs bibliographies les études citées en références, il a été mis en évidence : - 2 articles cités en commun par 6 recommandations ; - 8 articles cités en commun par 5 recommandations ; - 16 articles communs à 4 recommandations ; - 37 articles communs à 3 recommandations ; - 144 articles communs à 2 recommandations ; - 1 318 articles cités par une seule des recommandations. Seuls 207 articles sont cités par au moins 2 recommandations, soit 13 % de l’ensemble des articles cités. L’auteur de la thèse a ensuite analysé le type de références citées dans les recommandations en fonction des critères suivants : la langue dans laquelle a été publiée la référence, les journaux, la date de publication et le pays d’affiliation du premier auteur. La

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conclusion de cette analyse est la suivante : « Les sociétés à l’origine des recommandations ont visiblement tendance à privilégier, parmi leurs sources, des références dont les auteurs leur sont géographiquement proches. Ceci est particulièrement évident pour les recommandations japonaises : les articles dont le premier auteur est affilié au Japon représentent en moyenne 2 % des citations des cinq autres recommandations, et 37 % des références des recommandations japonaises. On observe un phénomène similaire pour les recommandations canadiennes, où plus de 50 % des références sont d’origine canadienne. Parmi les références des recommandations américaines du JNC, près de 70 % ont un premier auteur affilié aux États-Unis » Les résultats de ce travail sont concordants avec ceux d’autres études publiées comme celle, parue en 2002, dans Diabetes Care et qui comparait les différentes recommandations alors disponibles pour la prise en charge du diabète. Dans ce travail, parmi les 1 446 références citées dans 12 recommandations, 1 033 étaient des citations différentes et seulement 18 % de cellesci (185/1033) étaient communes à 11 de ces recommandations. Ainsi, les recommandations qui ont pour objectif de faire une analyse synthétique des données de la science semblent en faire un tri sélectif, correspondant à l’affinité de leurs experts, pour certaines études, auteurs ou journaux dans lesquels sont publiées ces études. Les recommandations sont-elles donc la synthèse objective des données acquises de la science ? Cet élément constitue un premier problème illustrant les biais

83


Réflexions

cognitifs opérant pour le choix des données. Y a-t-il d’autres biais lorsqu’il s’agit de rendre ces données opérationnelles, c’est-à-dire de les synthétiser pour proposer une conduite à tenir en pratique ? Deux exemples vont illustrer les biais possibles, reposant tous les deux sur des choix de critères intermédiaires comme modus operandi.

Le cas du LDL Des cibles absolues…

Faisant la synthèse des données acquises de la science, depuis une quinzaine d’années, les différentes recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies proposent une démarche quasi-identique : diminuer le LDL jusqu’à une certaine valeur, fixée en termes absolus, d’autant plus basse que le risque cardiovasculaire est élevé. Ce qui différencie les recommandations sur le sujet n’est pas la démarche adoptée, mais la cible proposée, notamment pour les sujets à plus haut risque : moins de 1 g/L, moins de 0,8 g/L ou moins de 0,7 g/L et le caractère optionnel ou non de cette cible. La démarche proposée consiste donc à évaluer le risque cardiovasculaire, à doser le LDL puis à proposer ou non un traitement en fonction de deux critères (le risque et le LDL), pour atteindre un niveau de LDL inférieur à celui recommandé. Le traitement de première intention proposé depuis plusieurs années est constitué par les statines. Pour simple et opérationnelle que soit cette démarche, est-elle validée par les données acquises de la science ? De fait, seuls les essais effectués avec des statines ont montré qu’il existe un bénéfice à diminuer le

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LDL. De très nombreux autres essais n’ont pas montré un tel bénéfice : le LDL est-il un critère de substitution ? Ainsi, en cas d’intolérance aux statines, avons-nous la quelconque garantie qu’utiliser un autre moyen pharmacologique pour diminuer le LDL apportera un bénéfice clinique ? L’atteinte des cibles proposées estelle garante d’un bénéfice cliniquement pertinent ? Dans l’hypothèse où une statine est utilisée à la dose maximale tolérée, et que le patient ne soit pas à la cible recommandée, y a-t-il un bénéfice validé à ajouter un traitement pour atteindre la cible. Aucune donnée acquise de la science ne l’a démontré et plusieurs études (ACCORD lipids, AIM HIGH) ont montré qu’il n’y a pas de bénéfice à associer un autre traitement agissant sur les lipides à une statine. Peut-il être recommandé de ne pas proposer de traitement si le LDL est spontanément à la cible alors que le risque cardiovasculaire est élevé ? Là encore, par exemple en prenant les données de l’étude JUPITER, les données acquises de la science ont montré qu’en cas de LDL proche de 1 g/L, même avec un risque cardiovasculaire intermédiaire, abaisser de moitié cette valeur par une statine apporte un bénéfice clinique. Dès lors, proposer une cible absolue alors qu’elle ne peut être atteinte, par une statine encourage à utiliser des traitements dont le rapport bénéfice-risque n’est pas connu : une telle recommandation peut-elle être considérée comme une synthèse objective et opérationnelle des données de la science garante d’une amélioration de la santé publique ? Ne pas proposer de traitement parce que le LDL

cholestérol est à la cible proposée arbitrairement alors que le risque est élevé, ne constitue-t-il pas une perte de chance pour le patient ? Enfin, sachant que le bénéfice du traitement est proportionnel à la diminution du LDL et donc à la dose de statine utilisée, pourquoi ne réduire que modérément le LDL ?

… ou des cibles relatives ?

Ces recommandations sont donc critiquables et d’ailleurs, depuis 2009, le paradoxe de l’attitude qu’elles proposaient jusque-là de façon unanime a commencé à apparaître. En effet au Canada, en 2009, les recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies offrent deux modes opératoires : • si le risque est élevé (maladie cardiovasculaire, la plupart des diabétiques, ou risque cardiovasculaire absolu supérieur à 20 % à 10 ans) : envisager le traitement chez tous les patients et obtenir un LDL inférieur à 2 mmol/L (0,80 g/L) OU une diminution d’au moins 50 % du LDL (classe 1, niveau A) ; • si le risque est intermédiaire (risque cardiovasculaire absolu compris entre 10 et 19 %) et si le LDL est supérieur à 1,4 g/L, ou le rapport cholestérol total sur HDL est supérieur à 5, ou la hsCRP est supérieure à 2 mg/L ou s’il s’agit d’un homme de plus de 50 ans ou d’une femme de plus 60 ans, ou s’il y a des antécédents familiaux : il faut obtenir un LDL inférieur à 2 mmol/L (0,80 g/L) OU une diminution d’au moins 50 % du LDL (classe 2a, niveau A) ; • enfin, en cas de risque faible (risque cardiovasculaire inférieur à 10 % à 10 ans), si le LDL est supérieur ou égal à 2 g/L : il faut abaisser le LDL de 50 % (classe 2a, niveau A). Il est toujours possible de critiquer cette recommandation, mais qu’y

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Les recommandations de bonne pratique clinique

observe-t-on ? Deux choses importantes : • les cibles absolues ne sont qu’une option thérapeutique et ont disparu chez le sujet à faible risque. Par ailleurs, que le risque soit élevé ou intermédiaire, ces cibles absolues sont très basses ; • il est apparu des cibles relatives, qui constituent d’ailleurs l’unique option pour les patients à faible risque. De telles recommandations sont donc une avancée importante en ce sens qu’elles proposent implicitement et explicitement d’utiliser une statine puissante et à pleine dose, c’est-à-dire permettant de diminuer de 50 % le LDL cholestérol, indépendamment de la valeur du LDL atteinte, voire initiale, en cas de risque élevé. En 2011, les recommandations européennes pour la prise en charge des dylipidémies ont, elles aussi, évolué dans ce sens. Ainsi, chez les patients à très haut risque cardiovasculaire (maladie cardiovasculaire, diabète de type 2, diabète de type 1 avec retentissement viscéral, insuffisance rénale modérée à sévère, risque cardiovasculaire absolu selon la grille SCORE au moins égal à 10 %), l’objectif est d’atteindre un LDL inférieur à 1,8 mmol/L (moins de 0,70 g/L de LDL) et/ou une réduction d’au moins 50 % du LDL quand la cible absolue de LDL ne peut pas être atteinte. L’évolution engagée par ces propositions nouvelles mais encore utilisable en alternative, se fera-t-elle vers l’utilisation exclusive d’une forte dose de statine en fonction du niveau de risque et indépendamment des paramètres lipidiques comme le suggère une autre analyse possible des données acquises de la science ? Et ce, jusqu’à ce qu’il

soit démontré que d’autres traitements de ce qui est dénommé « dyslipidémie » apportent un bénéfice clinique ?

Le cas du diabète

L’objectif du traitement du diabète est de diminuer les complications qui lui sont associées et le moyen principal proposé pour cela dans les recommandations est la diminution de l’HbA1c en dessous d’une valeur absolue. Cette valeur varie selon les recommandations, les patients et les époques (allant de moins de 6,5 % à moins de 8 %) mais force est de reconnaître que le rapport bénéfice-risque d’une telle démarche n’est pas connu.

PROActive vs UKPDS

En 2005, un essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle contre placebo a montré que la diminution de 0,5 % de l’HbA1c avec un hypoglycémiant, la pioglitazone, ne modifie pas le pronostic cardiaque global de patients ayant une maladie cardiovasculaire. Le nombre de patients inclus dans cette étude a été de 5 238. Pour mémoire, la différence moyenne d’HbA1c (extrapolée à partir des glycémies) entre les groupes comparés était de 0,9 % dans l’étude principale UKPDS 33 et de 0,6 % dans l’étude UKPDS 33 évaluant la metformine, le nombre de patients ayant reçu la metformine dans cette étude étant de 342. En 2006, paraissaient les recommandations françaises pour la prise en charge du diabète. Ces dernières indiquaient : « L’objectif général chez les patients dont l’espérance de vie justifie une prévention des complications de micro- et de macroangiopathie grâce à un bon équilibre glycémique, est l’obtention d’une

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HbA1c inférieure à 6,5 %. » Elles s’appuient essentiellement sur les données de l’étude UKPDS, étude conduite en ouvert et ayant de nombreux biais méthodologiques. L’étude PROactive, méthodologiquement plus fiable, n’est pas citée comme remettant potentiellement en cause le résultat de l’étude UKPDS mais comme une étude ne validant pas le bénéfice d’une molécule : « PROactive ne permet pas de conclure à un bénéfice de la pioglitazone en matière de morbimortalité cardiovasculaire ischémique dans la mesure où il n’y a pas de différence significative pour le critère principal de jugement prenant en compte la mortalité toutes causes confondues et l’ensemble des évènements cardiovasculaires majeurs et les gestes de revascularisation ». Ces recommandations indiquent aussi que la metformine doit être le traitement de première intention, quel que soit le niveau d’IMC car « Les résultats de l’étude UKPDS ont montré que, chez des patients diabétiques de type 2 en surpoids ou obèses, la metformine est capable de réduire le risque des complications micro- et macroangiopathiques (niveau de preuve I) ». En préambule, ces recommandations rappelaient que le niveau de preuve 1 doit être accordé si l’évaluation de l’effet d’un traitement provient d’essais comparatifs randomisés de forte puissance, d’une méta-analyse d’essais comparatifs randomisés ou d’une analyse de décision basée sur des études bien menées. Rappelons que si l’étude PROactive peut répondre au critère d’une étude bien menée, l’évaluation de la metformine ne résulte que d’une seule étude, l’étude UKPDS 34 (le niveau de preuve 1 ne peut donc avoir été donné du fait de plu-

85


Réflexions

sieurs essais comparatifs), dans lequel la metformine a été administrée à seulement 342 patients (il ne s’agit donc pas non plus d’une étude de forte puissance). Comme il n’y a eu qu’une étude, il n’y a pas de méta-analyses d’essais comparatifs randomisés, et enfin, l’étude UKPDS ayant de nombreux biais, elle ne peut être qualifiée d’étude bien menée. Et ainsi, évaluer ce que peut être l’effet d’un traitement à partir de la lecture de recommandations thérapeutiques ne peut être considéré comme une source fiable de connaissance. Ces recommandations proposaient ensuite, qu’en cas d’échec des monothérapies, c’est-à-dire si l’HbA1c reste supérieure à 6,5 % après 6 mois d’une monothérapie, il faut avoir recours à une bithérapie et parmi les bithérapies proposées figurait l’association de metformine et d’un insulinosécréteur c’est-à-dire d’un sulfamide hypoglycémiant. En supposant, comme il est postulé, que l’étude UKPDS 34 soit une étude bien menée, ses résultats devraient être fiables et à prendre en considération. Or cette étude nous renseigne sur l’effet d’une association d’un sulfamide et de metformine, par rapport à une absence de traitement (après qu’une nouvelle modification supplémentaire du protocole ait permis cette association). L’effet de cette association est décrit à la page 861 de la publication de cet essai dans le Lancet du 12 septembre 1998 : « L’addition de metformine à un sulfamide a été associée à une augmentation de 96 % (p = 0,039) du risque de décès en rapport avec le diabète ». Or, les recommandations de 2006 indiquaient : « Une insulinopénie prédominante et l’élévation progressive de l’HbA1c

86

en particulier associée à un IMC < 27 kg/m² orientent vers une association metformine + insulinosécréteur : sulfamide (recommandation de grade B) ». Le grade B dans une recommandation signifie qu’elle repose sur une présomption scientifique…

Le patient diabétique ayant une maladie cardiaque

En 2007, la Société européenne de cardiologie, conjointement avec la Société européenne d’athérosclérose, proposait des recommandations pour la prise en charge du diabète chez les patients ayant une maladie cardiovasculaire. Dans celles-ci, la cible d’HbA1c chez les patients ayant une maladie cardiaque a été fixée comme devant être inférieure à 6,5 %. Pour justifier le bénéfice du traitement du diabète de type 2, dans ces recommandations, il est fait un large recours à une étude conduite dans le diabète de type 1, l’étude DCCT, et à l’analyse épidémiologique issue de l’étude UKPDS. Dans l’étude UKPDS, dans la branche intervention, il n’y a pas eu de réduction du risque d’AVC avec le traitement hypoglycémiant (et même une légère augmentation du risque : risque relatif : 1,11 ; IC 95 % : 0,81-1,51). L’analyse épidémiologique conduite à partir de la base de données de l’étude a évalué la corrélation entre le niveau de glycémie initiale (converti en niveau d’HbA1c par équivalence) et le risque de survenue d’AVC. Dans cette analyse, il a été mis en évidence une augmentation du risque d’AVC de 12 % pour toute élévation supplémentaire de l’HbA1c de 1 % (en valeur absolue). Comment sont exprimés les résultats de cette étude d’observation ? Est-il indiqué « pour chaque

élévation de l’HbA1c de 1 %, le risque d’AVC est augmenté de 12 % » ? Non, il est écrit, « il y a une réduction de 12 % du risque d’AVC pour chaque réduction de 12 % de l’HbA1c », et cela alors que l’étude d’intervention n’a pas permis de le démontrer. Que reprend comme expression des résultats de cette analyse le texte de recommandations de 2007 ? La deuxième formulation, qui est pour le moins ambiguë, sinon fausse.

UKPDS vs ACCORDADVANCE-VADT

Puis en 2008, sont parus les résultats de trois essais thérapeutiques contrôlés évaluant pour l’un, une molécule hypoglycémiante (étude ADVANCE), pour un autre une cible basse et absolue d’HbA1c (étude ACCORD), et pour le dernier une diminution absolue d’HbA1c de 1,5 % (étude VADT). Aucune de ces études n’a montré de bénéfice clinique des traitements, c’està-dire de réduction significative des évènements cliniques, l’étude ACCORD ayant même montré une augmentation de mortalité totale et cardiovasculaire. Donc en 2008, il n’y a pas de données validant l’obtention d’une cible quelconque d’HbA1c dans le traitement du diabète. Et l’étude ACCORD étant méthodologiquement plus fiable que l’étude UKPDS qui comporte de très nombreux biais, il serait logique qu’une recommandation basée sur les données acquises de la science souligne qu’il n’y a pas de bénéfice clairement démontré, notamment en termes de prévention cardiovasculaire, de la réduction de l’HbA1c et qu’il peut même exister un risque. En 2010, de nouvelles recommandations sont proposées par l’Ame-

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Les recommandations de bonne pratique clinique

rican Diabetes Association pour la prise en charge du diabète de type 2. Les principales recommandations sont les suivantes : • le contrôle glycémique est fondamental pour la prise en charge du diabète ; • pour prévenir les complications microvasculaires, il faut diminuer l’HbA1c en dessous de 7 % ; • dans les diabètes de type 1 et 2, les essais thérapeutiques randomisés comparant un contrôle strict de la glycémie contre un contrôle standard, n’ont pas mis en évidence de réduction significative des évènements cardiovasculaires pendant la phase randomisée de l’étude. Les suivis à long terme des cohortes des études DCCT et UKPDS suggèrent que l’abaissement de l’HbA1c en dessous ou proche de 7 % dans les années qui suivent le diagnostic du diabète est associé à une réduction à long terme du risque de maladie macrovasculaire. Jusqu’à ce que plus de preuves soient disponibles, l’objectif global d’une HbA1c apparaît raisonnable pour la plupart des adultes afin de prévenir les complications macrovasculaires ; • les analyses en sous-groupes d’essais cliniques comme DCCT et UKPDS et la preuve d’une réduction de la protéinurie, obtenue dans l’étude ADVANCE, suggèrent un faible mais additionnel bénéfice lors de l’abaissement de l’HbA1c proche de la normale. Aussi, chez des patients sélectionnés, les fournisseurs de soins peuvent raisonnablement atteindre des niveaux d’HbA1c plus bas que l’objectif général de 7 %, si cela peut être atteint sans hypoglycémie ou effet indésirable du traitement… • a contrario, des cibles moins contraignantes d’HbA1c que l’ob-

jectif global de 7 % peuvent être appropriées pour les patients ayant des antécédents d’hypoglycémie sévère, une espérance de vie limitée, des complications microou macrovasculaires avancées, et ayant des comorbidités importantes et ceux ayant un diabète ancien chez lesquels l’objectif global est difficile à atteindre malgré une éducation adaptée à la prise en charge personnelle du diabète, une surveillance adaptée des glycémies, et des doses efficaces de multiples agents hypoglycémiants incluant l’insuline. Les résultats de l’étude ACCORD ne sont pas utilisés comme pouvant remettre en cause ceux de l’étude UKPDS, ils sont utilisés comme ne permettant pas d’envisager des cibles d’HbA1c plus basses que 7 %, sauf chez certains patients : ceux ayant peu de comorbidités et une longue espérance de vie.

aux soins intensifs

Enfin, les recommandations pour la prise en charge du diabète chez les patients ayant une maladie cardiovasculaire émises en 2007 par la Société européenne de cardiologie et la Société européenne d’athérosclérose, indiquaient au chapitre de la prise en charge aux soins intensifs : « Le contrôle strict de la glycémie avec un traitement intensif par l’insuline diminue la mortalité et la morbidité chez les patients hospitalisés en état grave, recommandation de classe 1, niveau de preuve A ». Toutefois, en 2009, un essai thérapeutique contrôlé d’une puissance supérieure à ceux déjà disponibles sur ce thème, montrait qu’un contrôle strict de la glycémie chez des pa-

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tients hospitalisés en soins intensifs augmente significativement la mortalité totale.

Les mécanismes à l’œuvre

Le cas des paradoxes entre les recommandations pour la prise en charge du diabète et les données acquises de la science concernant cette prise en charge semble relever de deux des caractéristiques de la connaissance scientifique : - l’inscription dans un paradigme : celui de la diminution de la glycémie conduisant à critiquer ou faire peu de cas des données remettant en cause ce paradigme ; - le biais cognitif de confirmation d’hypothèse conduisant à favoriser, retenir et promouvoir les données favorisant le paradigme et critiquer ou omettre les données paradoxales.

En synthèse

Les recommandations pour la pratique clinique sont un progrès en ce sens qu’elles peuvent permettre d’unifier des pratiques et de limiter l’utilisation de stratégies inadaptées. Elles ne constituent toutefois pas une source fiable des connaissances scientifiques, ni une synthèse de celles-ci. Leurs principales limites sont qu’elles sont une interprétation des données de la science par un groupe d’experts constitué à un moment donné et que ce groupe agit dans le cadre d’un paradigme. De ce fait, il peut opérer un tri sélectif des données qu’il va utiliser pour mettre en conformité une pratique et ce paran digme.

Mots-clés : Recommandations, Savoir, Science

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Profession

Le médecin face aux conflits d’intérêts Recommandations de bonnes pratiques Benjamin Attali (Avocat, ATTALI ASSOCIÉS, Strasbourg, avocats@attali-associes.fr)

Le conflit d’intérêts est un sujet dont la maîtrise par le médecin devient à double titre indispensable. D’une part, le contexte social actuel voit une crise de confiance généralisée se développer au point que les autorités politiques françaises aient avancé la nécessité d’une moralisation. D’autre part, plus spécifiquement concernant le monde médical, les crises liées à certains traitements et certains laboratoires pharmaceutiques entraînent une certaine suspicion de la société à l’encontre du milieu médical. Et quand le contexte général croise le contexte médical, comme dans le cas d’une affaire désormais célèbre d’un ancien médecin devenu ministre, à qui il est notamment demandé des comptes sur ses liens avec l’industrie pharmaceutique, le choc a une ampleur particulière. Le praticien est donc contraint d’être informé sur les conflits d’intérêts et d’adopter de bonnes pratiques en la matière.

Il n’existe pas de définition légale spécifique du mot “intérêt”. Le dictionnaire Larousse donne la définition suivante : « Souci de ce qui va dans le sens de quelque chose, de quelqu’un, qui leur est favorable, constitue pour eux un avantage. » Un intérêt est donc un état d’esprit tourné vers le bénéfice de soi-même ou vers un autre intérêt, celui de quelque chose ou de quelqu’un. Pour le médecin, quatre catégories

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d’intérêts se présentent : - l’intérêt personnel du médecin (satisfaction personnelle, intérêt financier...) ; - l’intérêt du patient ; - l’intérêt de la santé publique (intérêt général) ; - l’intérêt d’une autre personne physique (un proche du patient...) ou morale (laboratoires pharmaceutiques...). Le cumul d’intérêts n’est pas problématique lorsque tous ces intérêts sont respectés et qu’aucun n’est sacrifié ou amoindri au bénéfice d’un autre. Le problème se pose lorsqu’un intérêt est privilégié au détriment d’un autre. Dans ce cas, une situation de conflit apparaît.

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Que recouvre la notion d’intérêt pour le médecin ?


Le médecin face aux conflits d’intérêts

Les principales situations de conflits d’intérêts pouvant être vécues par le médecin

Le praticien peut se trouver principalement dans deux situations de conflits d’intérêts : le conflit d’intérêts à l’occasion du traitement médical d’un patient et le conflit d’intérêts à l’occasion d’un acte d’information médicale lié à l’industrie pharmaceutique.

Traitement médical d’un patient

Concernant le conflit d’intérêts à l’occasion du traitement médical d’un patient, le praticien fera face à une contradiction entre l’intérêt de son patient et l’intérêt d’une autre personne. Le conflit peut opposer l’intérêt d’un patient à celui ou ceux d’un ou des proches. Un exemple prégnant d’une telle situation est celui de la circonstance dans laquelle se trouvera le médecin face à un désaccord entre le patient et sa famille à propos de l’arrêt d’un traitement (l’hypothèse maximale ouvrant la question de l’euthanasie) ou d’une interdiction de certaines activités (professionnelles, sportives…). Le conflit peut aussi opposer l’intérêt d’un patient à celui d’un laboratoire pharmaceutique. La prise en compte de l’intérêt d’un laboratoire lors de la prescription d’un médicament ou lors de la proposition de participation à un traitement nouveau n’est pas exclue. Le praticien pourrait en effet avoir des prédispositions psychologiques ou pourrait intentionnellement prendre en compte, en raison d’un lien avec un laboratoire pharmaceutique, l’intérêt de ce dernier. Ce qui pourrait orienter

ses décisions médicales et influencer son exercice médical. Par exemple, face au choix de prescriptions de plusieurs médicaments, le praticien pourrait avoir tendance à se focaliser sur les bénéfices et minimiser les risques d’un médicament produit par un laboratoire pharmaceutique avec qui il entretient une relation particulière. Cependant, l’existence d’un tel conflit est a minima circonscrit par le secret médical faisant obstacle à la transmission d’informations sur l’état ou le traitement médical particulier d’un patient à un laboratoire pharmaceutique et donc à une influence directe et volontaire sur une prescription médicale par un laboratoire pharmaceutique.

Information médicale liée à l’industrie pharmaceutique

Concernant le conflit d’intérêts à l’occasion d’un acte d’information médicale liée à l’industrie pharmaceutique, le praticien se trouvera confronté essentiellement à une rivalité entre l’intérêt d’un laboratoire pharmaceutique et l’intérêt de la santé publique. Cet acte d’information peut être écrit ou oral. En effet, cette situation peut se révéler à l’occasion d’une publication médicale (publication d’un article dans une revue, publication d’un compte-rendu de conférence ou de congrès...), ou à l’occasion d’une intervention orale (lors d’une conférence, dans les médias...). Dans cette hypothèse, le médecin pourrait se trouver en situation de conflit entre un intérêt de santé publique et un intérêt particulier d’un laboratoire pharmaceutique. Ainsi, il pourrait omettre ou amoindrir l’évocation des effets indésirables d’un médicament voire les risques importants liés à la prise d’un médicament.

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Il pourrait à l’inverse exagérer les bénéfices d’un médicament produit par un laboratoire pharmaceutique avec lequel il entretient une relation nourrie. Il pourrait, dans un exposé comparatif de plusieurs médicaments, faire preuve de partialité. Cependant, un cadre de conduites, même s’il ne couvre pas l’intégralité de la matière, s’est mis en place suite à l’édiction de certaines règles juridiques imposant certaines pratiques.

Quel cadre juridique des pratiques pour la résolution du conflit d’intérêts ?

En situation de conflit d’intérêts ou afin de s’en prémunir, le médecin devra respecter certaines règles impératives imposant l’adoption de certaines pratiques. Le serment d’Hippocrate prenait déjà en compte les problématiques de la probité et de l’indépendance du médecin : « Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. (...) Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. (...) Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. »

Règles complémentaires

Des règles sont venues ensuite apporter des compléments. Cinq règles principales et non-exhaustives peuvent être dégagées.

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Profession

❚❚Premièrement Privilégier l’intérêt du patient sur celui d’une autre personne et l’intérêt de la santé publique sur celui d’un laboratoire pharmaceutique. Il sera simplement rappelé l’article L. 1110-5 du Code de la santé publique qui dispose que : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. » Ainsi que l’article R. 4127-2 du même code : « Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. » ❚❚Deuxièmement S’abstenir de toute attitude publicitaire. L’article R. 4127-13 du Code de la santé publique vise en effet cet impératif : « Lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d’une cause qui ne soit pas d’intérêt général. »

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❚❚Troisièmement S’abstenir de faire partie d’une entreprise présentant un risque quant à son indépendance professionnelle. L’article R. 4127-5 du Code de la santé publique rappelle que : « Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. » Cette indépendance a conduit à l’édiction de certaines incompatibilités. L’article R. 4127-26 du Code de la santé publique dispose en effet que : « Un médecin ne peut exercer une autre activité que si un tel cumul est compatible avec l’indépendance et la dignité professionnelles et n’est pas susceptible de

ments, d’appareils orthopédiques ou autres, de quelque nature qu’ils soient. Sont interdits la formation et le fonctionnement de sociétés dont le but manifeste est la recherche des intérêts ou ristournes définis ci-dessus, et revenant aux individus eux-mêmes ou au groupe constitué à cet effet (...). » ❚❚Cinquièmement Déclarer ses liens avec les entreprises, établissements, ou organismes de conseil produisant, exploitant des produits de santé ou intervenant sur eux, lors d’interventions publiques relatives à ces produits. L’article L. 4113-13 du Code de la santé publique édicte en effet que :

Probité et indépendance, telles sont les valeurs cardinales devant guider le praticien en matière de conflits d’intérêts. lui permettre de tirer profit de ses prescriptions ou de ses conseils médicaux. » La création ou l’intégration d’une association destinée en réalité à la promotion d’un laboratoire doit bien évidemment être évitée. ❚❚Quatrièmement S’abstenir de recevoir des intérêts ou ristournes proportionnels ou non au nombre des unités prescrites ou vendues. L’article L. 4113-8 du Code de la santé publique prévoit que : « Sauf les cas mentionnés aux articles L. 4211-3 et L. 5125-2, est interdit le fait, pour les praticiens mentionnés au présent livre, de recevoir, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, des intérêts ou ristournes proportionnels ou non au nombre des unités prescrites ou vendues, qu’il s’agisse de médica-

« Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. (...) » Et l’article R. 4113-110 du même code de préciser que : « L’information du public sur l’existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l’article L. 4113-13 est faite, à l’occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu’il s’agit d’un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur Internet, soit de façon écrite ou orale au début

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Le médecin face aux conflits d’intérêts

de son intervention, lorsqu’il s’agit d’une manifestation publique ou d’une communication réalisée pour la presse audiovisuelle. »

des médecins voire civilement ou pénalement devant les tribunaux.

Précisons que des manquements à ces règles sont susceptibles de poursuites notamment disciplinaires devant le conseil de l’ordre

Probité et indépendance, telles sont les valeurs cardinales devant guider le praticien en matière de conflits d’intérêts. Le médecin

Conclusion

peut en effet se trouver dans une situation où des intérêts peuvent diverger. Certaines règles devront être respectées afin de préserver la confiance du public pour le milieu médical. n

Mots-clés : Conflits d’intérêts, Médecin

Dessin du mois

Référence : Archer E, Shook RP, Thomas DM et al. 45-Year trends in women’s use of time and household management energy expenditure. PLoS One 2013 ; 8 : e56620.

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échos des congrès

symposiums et Congrès À retenir Pierre Attali

(Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, pierre.attali@chru-strasbourg.fr)

Le nouveau paysage de la FA D’après le symposium organisé par le laboratoire Daiichi Sankyo (ESC - Amsterdam le 3 septembre 2013)

Anticoagulation dans la FA : résultats récents et questions en suspens (R. De Caterina, Chieti, IT)

La fibrillation atriale (FA) est une pathologie fréquente, avec une prévalence prévue en augmentation dans les prochaines décennies en Europe, en raison du vieillissement de la population. La morbi-mortalité associée à la FA est considérable, essentiellement en raison du risque augmenté des AVC thromboemboliques, mais aussi des insuffisances cardiaques, des hospitalisations et des décès (1-3). La prise en charge de la FA a été marquée par de récents changements (nouveaux anticoagulants, nouveaux médicaments antiarythmiques et utilisation plus large de l’ablation de la FA par cathétérisme). Ces résultats ont conduit à l’élaboration de recommandations de prise en charge qui ont été publiées en Europe, au Canada et aux États-Unis (49). Quoique la plupart de ces recommandations reposent sur des preuves robustes, elles ne sont pas

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encore totalement mises en pratique. La prophylaxie anti-thrombotique au long cours reste essentielle dans la prise en charge de cette arythmie. Les AVK sont utilisés depuis plus de 60 ans, or, malgré leur efficacité en prévention primaire et secondaire des AVC, leur utilisation n’est pas optimale, en raison des obstacles liés au traitement. Ceux-ci sont nombreux : fenêtre thérapeutique étroite, monitoring et ajustements de posologie fréquents, interaction avec de nombreux médicaments et aliments, délais d’action ou d’inactivation. Les NACO devraient aider à surmonter ces difficultés. Ce sont des inhibiteurs directs, soit de la thrombine ou facteur IIa (dabigatran), soit du facteur Xa (apixaban, rivaroxaban et edoxaban) (10).

Registre PREFER in AF

Le tout récent registre d’observation PREFER in AF, multicentrique, multinational (sept pays dont la France) et prospectif a pour objectif d’obtenir des informations approfondies sur les caractéristiques des patients atteints de FA (n = 7 243) et sur leur prise

en charge actuelle, en se focalisant sur la prévention des événements thromboemboliques. La prise en charge des patients en FA en 2012 semble adaptée aux récentes recommandations. En effet, un traitement anticoagulant oral, avec un AVK (majorité des patients) ou un NACO, est prescrit à plus de 80 % des patients éligibles, y compris chez ceux à risque augmenté de saignement. Le contrôle adéquat de l’INR n’est obtenu que chez environ 70 % des patients sous AVK sans différence entre les différents pays européens. Enfin, autre résultat très préoccupant du fait de son impact majeur sur le risque hémorragique, de nombreux patients en FA sont traités avec une plurithérapie anti-thrombotique (approximativement 10 %), c’est-à-dire par l’association d’un anticoagulant avec un voire deux antiagrégants plaquettaires, et dans la grande majorité des cas (respectivement, 95 à 70 % des patients) d’une façon qui semble inappropriée (Fig. 1). Ainsi, ce registre PREFER in AF montre que de nombreux patients

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symposiums et congrès

atteints de FA, bien que traités par un anticoagulant oral, gardent un risque thromboembolique ou hémorragique élevé du fait d’un traitement insuffisamment optimal : sous AVK, près d’un tiers ont un INR en dehors de la zone cible ; par ailleurs, 10 % des patients traités par un anticoagulant oral reçoivent des antiagrégants plaquettaires le plus souvent de façon injustifiée.

Stent nu ≤ 1 mois ?

Non 74 pts. (82,2 %) ACS ≤ 1 an ? Non 63 pts. (85,1 %)

Oui 11 pts. (14,9 %)

Approprié 31 patients (33,0 %)

(R. Giugliano, Boston, USA)

L’objectif de l’étude ENGAGE AF TIMI 48 est de comparer l’efficacité et la sécurité d’emploi de l’edoxaban en une prise quotidienne pour deux dosages, comparativement à la warfarine bien gérée (11-13) (Fig. 2). Lors de la randomisation, les sujets ont été stratifiés selon le score CHADS2 et une réduction de la dose d’edoxaban (basée sur la fonction rénale, le poids corporel ou la prescription concomitante d’un inhibiteur puissant de la P-gp) (14). La posologie pouvait aussi être réduite tout au long de l’essai si l’un de ces critères d’adaptation apparaissait.

DES ≤ 1 an ?

Oui 16 pts. (17,8 %)

ENGAGE AF TIMI 48 : contribution aux connaissances actuelles ?

Inapproprié 63 patients (67,0 %)

Figure 1 - Triple traitement anti-thrombotique dans la FA.

Complications hémorragiques sous edoxaban comparativement à la warfarine

2.5 2.0

33/180

1.5

15 31/244

10

20/250

1.00

17/234

5

0.5

13/235

Ratio (edoxaban/warfarine)

20 Incidence des saignements (%)

L’étude ENGAGE AF TIMI 48, actuellement en cours, teste l’edoxaban vs warfarine chez des patients atteints de FA non valvulaire avec un score CHADS2 ≥ 2 (n = 21 105). ENGAGE AF TIMI 48 est le plus grand essai dans la FA, avec une moyenne de suivi de plus de 2 ans et un design unique qui permet un ajustement de posologie à n’importe quel moment de l’étude. Cette étude inclut également un monitoring rigoureux de l’INR et un schéma extensif de traitement pour la période de transition/ relais de l’edoxaban au terme de l’étude.

Non 90 pts. (95,7 %)

Oui 4 pts. (4,3 %)

0 30 mg OD

60 mg OD

30 mg BID

60 mg BID

warfarine

Pour la même dose totale journalière de 60 mg, plus de saignements ont été observés pour 30 mg BID que pour 60 mg OD.

Figure 2 - Edoxaban dans la FA : étude de phase II.

L’aveugle est maintenu grâce à l’utilisation d’un INR “factice”. Les critères primaires sont, d’une part, un composite des AVC et des embolies systémiques (efficacité), d’autre part, les saignements majeurs selon la classification ISTH (sécurité d’emploi). Les événements CV et la mortalité globale sont également évalués. Pour la fin de l’essai, un plan de transition a été prévu en cas de nécessité de superposition edoxaban/placebo et AVK pour éviter de

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reproduire l’augmentation des AVC et des embolies systémiques constatée au terme d’autres études. Des analyses secondaires d’efficacité et de sécurité stratifiées sur différents paramètres ont été envisagées : score CHADS2, exposition antérieure à un AVK, niveau de TTR des différents centres, événements majeurs avec ou sans ajustement de dose et résultats lors de la période de transition (12).

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échos des congrès

En conclusion, l’étude ENGAGE AF TIMI 48 est le plus grand essai de phase II testant un nouvel anticoagulant oral dans la FA.

Elle devrait fournir des résultats solides sur l’efficacité et la sécurité d’emploi de deux dosages d’edoxaban en une prise quoti-

dienne comparativement à la warfarine bien gérée. Les résultats sont attendus. n

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Améliorer le contrôle des patients hypertendus HTA D’après le symposium organisé par le laboratoire Daiichi Sankyo (ESC - Amsterdam le 3 septembre 2013)

À vaincre sans péril on triomphe sans gloire : comment contrôler 70 % des patients ! (J.J. Mourad, Bobigny, FR)

Selon l’enquête FLAHS 20042010, seuls 50 % des patients traités pour HTA sont contrôlés en France. Ce faible taux s’explique par des facteurs liés aux patients, notamment l’absence de compliance, par des facteurs liés aux médecins, l’inertie thérapeutique, mais aussi par la résistance aux traitements. Parmi les remèdes à ces obstacles figure l’utilisation d’associations médicamenteuses, ce qui est bien illustré par les

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résultats de nombreuses études. Des expériences, telles que celle du programme canadien CHEP, ont montré qu’une prise en charge active des hypertendus avec une actualisation annuelle des recommandations, des programmes de formation des professionnels de santé, conduisent à une franche augmentation du contrôle tensionnel. Ici, il est passé de 13,2 % en 1992 à 64,6 % en 2009. Cette amélioration s’accompagne de bénéfices majeurs en termes de pronostic avec notamment une baisse significative de la mortalité cardiovasculaire. Aux USA, l’enquête NHANES 2012 montre que l’utilisation d’une association fixe d’antihypertenseurs permet

d’obtenir le contrôle de l’HTA dans 60,3 % des cas. Ces expériences ont conduit la ligue française contre l’hypertension à fixer comme objectif, 70 % de patients hypertendus traités et contrôlés en 2015. Il s’agit d’un challenge important, ambitieux, qui doit s’accompagner de mesures fortes. Parmi elles, l’attitude vis-à-vis des patients, avec une prise en compte non seulement des chiffres tensionnels mais aussi et surtout du surcroît de risque qui accompagne l’augmentation de ces chiffres, constitue une étape essentielle. Le regard porté sur le traitement semble également fondamental, il faut passer du traitement à vie au traitement allongeant la vie, de

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symposiums et congrès

trop de médicaments à plusieurs médicaments. Il s’agit réellement de modifier la manière d’appréhender l’HTA. Sept points semblent fondamentaux pour optimiser la prise en charge des patients : 1. la confirmation de l’HTA par les mesures ambulatoires ; 2. le dépistage des défauts de compliance ;

3. l’adaptation thérapeutique en privilégiant les associations fixes ; 4. la lutte contre l’inertie thérapeutique en n’hésitant pas à passer à une triple association quand la double est insuffisante ; 5. le dépistage des HTA secondaires ; 6. le développement de l’éducation thérapeutique ; 7. l’évaluation de la prise en charge.

Les récentes recommandations de la société française d’HTA mettent en avant ces différents points. Par leur simplicité et par l’importance qu’elles accordent aux « rendez vous » patient-médecin, elles devraient permettre, en France, d’atteindre le but fixé, 70 % des patients hypertendus traités et équilibrés en 2015 ! n

les nouveaux anticoagulants oraux en pratique D’après le symposium organisé par le laboratoire Boehringer Ingelheim (ESC - Amsterdam le 2 septembre 2013)

Prévention des AVC dans la FA : des recommandations à la “vraie vie” (G.Y.H. LIp, Birmingham, GB)

Dans la fibrillation atriale (FA), une anticoagulation optimale est associée à une réduction du risque d’AVC (et de décès) (1). Les patients qui sont pendant au moins 70 % de leur temps dans la fourchette thérapeutique de l’INR (2,0 à 3,0) ont une réduction de 79 % du risque d’AVC par rapport à ceux qui le sont moins de 30 % (RR 0,21 ; IC 95 % 0,18-0,25) (Fig. 3). Dans un but très pratique pour maximiser la prévention thromboembolique dans la FA, les recommandations de l’ESC (2) nous proposent de nous focaliser sur l’identification des patients en FA réellement à bas risque thromboembolique plutôt que l’inverse. Les “vrais” patients en FA à bas risque sont plutôt jeunes (âge < 65 ans, sans tenir compte du sexe) et leur FA est isolée avec un score CHA2DS2-VASc égal à 0. Ils ne relèvent donc pas d’un quel-

100 95 90

% de patients sans AVC par rapport au temps passé dans la fourchette thérapeutique (INR 2,0-3,0)

% 85 80 75 70 0

20

40

60

80

100

Temps (mois après le diagnostic) Temps passé dans la fourchette thérapeutique : Pas de warfarine < 30 31-40 41-50 51-60 61-70 < 70

Figure 3 - Anticoagulation dans la FA : risque d’une utilisation sous-optimale.

conque traitement anti-thrombotique. Ce score est tout aussi efficace, voire meilleur, dans l’identification des patients qui risquent de développer un AVC ou un événement thromboembolique que le score CHADS2. Par ailleurs, concernant la perception du risque hémorragique, le score HAS-BLED facilite l’évaluation objective du risque de saignement et incite les cliniciens à bien prendre en compte les facteurs de risque de saignement qui peuvent être corrigés. Cependant, une valeur élevée de ce score ne doit pas automatiquement conduire à exclure un traitement anticoagulant

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oral chez les patients en FA qui le nécessitent. Les NACO sont plus efficaces, plus sûrs et plus maniables que les AVK. Pour cette raison, lorsqu’un traitement anticoagulant oral est recommandé dans une FA non valvulaire, un NACO devrait être considéré, en accord avec les recommandations européennes, pour la majorité d’entre eux. Par contre, pour recommander l’un des NACO par rapport à un autre, les preuves sont insuffisantes. Mais tout de même, certaines caractéristiques liées au patient, adhérence à son traitement et tolérance, ainsi que le coût pour-

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échos des congrès

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cation, un site Web est également proposé pour une actualisation rapide des informations et une mise à disposition de fiches pratiques traduites dans plusieurs langues européennes et en particulier en français (5).

Débuter et maintenir une anticoagulation optimale : considérations pratiques

(J. Oldgren, Uppsala, SE)

Les NACO sont l’option préférée pour la prévention des AVC d’une FA selon les mises à jour des recommandations ESC de 2012. L’une des raisons de cette préférence est la réduction significative des saignements intracrâniens par rapport à la warfarine (Fig. 5). Les patients chez qui est envisagé un relais de la warfarine doivent débuter le NACO lorsque l’INR est inférieur à 2. Une évaluation à l’état basal de la fonction rénale par la clairance de la créatinine selon Cockcroft et sa réévaluation régulière lors du suivi sont recommandées chez les patients qui débutent un traitement par un NACO quelconque.

La cardioversion

Une cardioversion élective peut être réalisée de façon sûre sous dabigatran. En effet, un très grand nombre de cardioversions électriques et pharmacologiques ont été effectuées dans l’étude RE-LY sous les deux dosages de dabigatran, avec celui de 110 mg (n = 647) et celui de 150 mg (n = 672). À noter qu’une échocardiographie transœsophagienne n’a été réalisée que chez environ 1/4 des patients (respectivement pour chacun des deux dosages, chez 155 et 162 patients). Dans les 30 jours qui ont suivi la cardioversion, les AVC ou les embolies systémiques n’ont pas été significativement différentes entre le dabigatran et la warfarine (avec respectivement pour les 2 dosages du dabigatran, 110 mg et 150 mg, HR 1,28 ; p = 0,71 et HR 0,49 ; p = 0,40). Les données à long terme obtenues grâce à l’étude d’observation RELY-ABLE qui a suivi l’étude RE-LY, en prolongement de 2 ans après son achèvement, ont confirmé que les taux d’AVC, de saignements majeurs et de décès, observés pendant l’étude RE-LY avec le dabigatran, ont persisté durant cette période d’observation supplémentaire de 2 ans.

1.4 1.2 1.0 HR (IC 95 %)

raient peut-être aider ce choix. Une évaluation de la fonction rénale (par le calcul de la clairance de la créatinine selon Cockcroft), à l’état basal et lors du suivi, est impérative chez ces patients, quel que soit le NACO. Ce contrôle devait être fait annuellement au minimum et plus fréquemment (au moins 2 à 3 fois par an) chez ceux qui sont atteints d’une insuffisance rénale modérée. Par contre, aucun NACO (dabigatran, rivaroxaban et apixaban) n’est recommandé chez les patients avec une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine selon Cockcroft < 30 ml/mn). Dans l’étude RE-LY, les patients qui adhèrent à leur traitement par dabigatran ont de meilleurs résultats en termes d’efficacité et de sécurité d’emploi que les patients sous warfarine (HR 0,84 ; IC 95 % 0,74-0,95) (Fig. 4). À partir du registre mini-sentinelle chez les nouveaux utilisateurs de dabigatran et de warfarine, l’incidence des saignements digestifs et intracrâniens était significativement moindre sous dabigatran que sous warfarine (1,6 vs 3,5 et 1,8 vs 3,4 respectivement pour la localisation des saignements, pour 100 000 jours à risque) (3). Dans un registre prospectif à l’échelle nationale, il n’a pas été montré d’excès de saignements intracrâniens ou gastro-intestinaux ou d’excès d’infarctus du myocarde (0,30 vs 0,40) chez les patients traités par dabigatran, par rapport à la warfarine (4). Un guide très pratique, sous l’égide de l’EHRA, pour l’utilisation des NACO chez les patients atteints de FA non valvulaire, a été récemment publié. Dans ce guide, sont présentés quinze scénarios difficiles dans le maniement des quatre NACO (deux déjà disponibles, dabigatran et rivaroxaban, et les deux très prochainement, apixaban et edoxaban). En relation avec cette publi-

0.8 0.6 0.4 0.2 0 Dabigatran 150 mg BID

Dabigatran 110 mg BID

Rivaroxaban 20 mg OD

Apixaban 5 mg BID

Figure 5 - NACO : réduction des saignements intracrâniens par rapport à la warfarine.

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symposiums et congrès

Optimisation de la protection ­ péri-opératoire avec les NACO

(J. Eikelboom, Hamilton, CA)

Chaque année, environ 10 % des patients sous traitement anticoagulant oral nécessitent une interruption de ce traitement en vue d’une procédure chirurgicale ou invasive. En raison de la longue demi-vie des AVK, une interruption de 5 jours est nécessaire avant une intervention majeure : un traitement de relais est donc nécessaire en cas de risque thromboembolique modéré ou élevé. Cela occasionne des coûts supplémentaires, des inconvénients et augmente le risque péri-opératoire (6, 7). Les NACO ont une demi-vie plus courte et un effet anticoagulant plus prévisible que les AVK. Avant la réalisation d’une chirurgie élective, les recommandations pratiques de l’EHRA préconisent de tenir compte de l’âge du patient, d’un éventuel antécédent de complication hémorragique d’une intervention, de la prise de médicaments concomitants, de la fonction rénale, et de la nature de l’acte chirurgical (5). En effet, il est nécessaire de distinguer les interventions à bas risque (endoscopie avec biopsie ou biopsie prostatique) de celles à haut risque (ablation complexe d’une TV ou isolation des veines pulmonaires) (8).

L’arrêt des NACO avant une intervention

Quand faut-il arrêter un NACO avant une intervention chirurgicale planifiée ? Trois éléments doivent

être pris en compte : la clairance de la créatinine, le NACO prescrit et le risque de l’intervention. Ainsi, si le risque hémorragique est bas et/ ou si une hémostase locale est possible, le geste peut être effectué au creux de concentration du NACO, c’est-à-dire 12 ou 24 heures après la dernière prise. Globalement, pour le dabigatran, la durée de l’interruption peut varier entre 1 et 4 jours. Dans une analyse de sous-groupe de l’étude RE-LY, portant sur 4 587 actes (geste invasif ou acte chirurgical), le dabigatran a été interrompu avant la procédure et repris après l’hémostase et la warfarine a été gérée selon la pratique locale. Le dabigatran, dans ses 2 dosages, et la warfarine ont eu des taux similaires de saignement en péri-procédure, en incluant les saignements majeurs et fatals. À noter par ailleurs que les complications thrombotiques étaient également aussi fréquentes. Concernant les patients qui ont dû être opérés en urgence, les saignements majeurs n’ont pas été significativement différents. Cependant, chez les patients qui ont eu à subir une procédure très urgente, dans les 48 heures après l’arrêt de l’anticoagulation, le dabigatran a été associé à un moindre risque hémorragique que la warfarine (9).

Quand reprendre le traitement par dabigatran après un geste chirurgical ?

Selon les recommandations européennes, le traitement doit être repris dès l’hémostase complète achevée. En pratique, selon l’EHRA, on

distingue les situations suivantes : • lorsque la procédure est suivie d’une hémostase immédiate et complète, le NACO peut être repris 6 à 8 h après l’intervention ; • pour la plupart des autres interventions chirurgicales, la reprise est possible dans les 48 à 72 h ; • pour les procédures associées à une immobilisation, une HBPM peut être administrée 6 à 8 h après l’acte chirurgical (après l’hémostase obtenue) ; et le NACO peut être repris dans les 48-72 heures après le geste chirurgical ; • après une ablation de FA, les deux risques, hémorragique et thromboembolique, semblent être similaires pour le dabigatran et la warfarine. En conclusion, en raison de leur courte demi-vie et de leur début d’action rapide, les NACO autorisent une plus courte interruption que la warfarine durant une intervention chirurgicale. Dans l’étude RE-LY, la moitié des patients traités par dabigatran nécessitant un geste invasif l’ont eu dans les 48 heures de l’arrêt du traitement anticoagulant oral. Comparativement à la warfarine, le dabigatran a été associé à des taux de complications hémorragiques ou thrombotiques périopératoires similaires. Cependant, le dabigatran, dans ses 2 dosages, a été associé à un plus bas risque de saignement péri-opératoire lorsque le médicament a été stoppé dans les 48 h de l’acte chirurgical. n

Mots-clés : NACO, Fibrillation atriale, AVC, Intervention chirurgicale

Bibliographie 1. Gallagher AM, Setakis E, Plumb JM et al. Risks of stroke and mortality associated with suboptimal anticoagulation in atrial fibrillation patients. Thromb Haemost 2011 ; 106 : 968-77. 2. Camm AJ, Lip GY, De Caterina R et al. 2012 focused update of the ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation: an update of the 2010 ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation. Developed with the special contribution of the European Heart Rhythm Association. Eur Heart J 2012 ; 33 : 2719-47. 3. Southworth MR, Reichman ME, Unger EF. Unger, Dabigatran and postmarketing reports of bleeding. N Engl J Med 2013 ; 368 : 1272-4. 4. Larsen TB, Rasmussen LH, Skjøth F et al. Efficacy and safety of dabigatran etexilate and warfarin in “real-world” patients with atrial fibrillation: a prospective nationwide cohort study. J Am Coll Cardiol 2013 ; 61 : 2264-73. 5. Heidbuchel H, Verhamme P, Alings M et al. EHRA practical guide on the use of new oral anticoagulants in patients with non-valvular atrial fibrillation: executive summary.

Eur Heart J 2013 ; 34 : 2094-106. 6. Broderick JP, Bonomo JB, Kissela BM et al. Withdrawal of antithrombotic agents and its impact on ischemic stroke occurrence. Stroke 2011 ; 42 : 2509-14. 7. Robinson M, Healey JS, Eikelboom J et al. Postoperative low-molecular-weight heparin bridging is associated with an increase in wound hematoma following surgery for pacemakers and implantable defibrillators. Pacing Clin Electrophysiol 2009 ; 32 : 378-82. 8. Heidbuchel H, Verhamme P, Alings M et al. European Heart Rhythm Association Practical Guide on the use of new oral anticoagulants in patients with non-valvular atrial fibrillation. Europace 2013 ; 15 : 625-51. 9. Healey JS, Eikelboom J, Douketis J et al. Periprocedural bleeding and thromboembolic events with dabigatran compared with warfarin: results from the Randomized Evaluation of Long-Term Anticoagulation Therapy (RE-LY) randomized trial. Circulation 2012 ; 126 : 343-8.


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