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échos des congrès

Faut-il traiter l’hypercholestérolémie chez le sujet de plus de 80 ans ? Introduction À 80 ans, faut-il encore traiter l’hypercholestérolémie ? La question est d’importance à l’heure où les statines sont tellement controversées. Voici les extraits d’un débat qui a réuni deux experts en la matière, Michel Farnier (Dijon) et Eric Bruckert (Paris).

A

vant la discussion, l’orateur a rappelé que l’idée selon laquelle un taux de cholestérol bas chez les sujets âgés augmenterait le risque de morbi-mortalité n’était pas fondée. Le lien retrouvé dans les études épidémiologiques proviendrait surtout du fait que le cholestérol baisse avec l’âge et la maladie.

Dr Michel Farnier : En prévention primaire et secondaire, y a-t-il des données suffisantes pour dire qu’un traitement par statines est efficace chez le sujet âgé ? Pr Eric Bruckert : Nous manquons de

données. Dans les grandes études statines versus placebo, il n’y a pas de différence de bénéfice selon les tranches d’âge. Mais très peu de patients de plus de 80 ans sont inclus dans ces grands essais. En outre, les sujets de plus de 80 ans inclus ne sont pas représentatifs de ceux rencontrés en pratique quotidienne, il y a un biais de sélection (moins de comorbidités, de médicaments).

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MF : Dans ce débat, pourrait-on raisonner en termes de bénéfice de durée de vie ? Chez un sujet âgé en bonne santé, sans pathologie extrême associée, quel pourrait être le bénéfice en termes d’espérance et de conditions de vie ? EB : Chez des sujets de plus

de 80 ans, l’espérance de vie moyenne est inférieure à 5 ans et, pour avoir un bénéfice substantiel des statines, il faut au moins 3 ans. Donc les chances d’éviter un événement cardiovasculaire en prévention primaire chez ces sujets sont relativement faibles. Ainsi, au-delà de 80 ans, la mise en route d’un traitement de prévention primaire est le plus souvent discutable. Ce raisonnement est à nuancer avec le bon sens... Chez un sujet de 80 ans sans comorbidité, avec de multiples facteurs de risque, un traitement par statines peut se justifier. À l’inverse, chez un sujet de 80 ans avec un cancer de la prostate et d’autres comorbidités, ajouter une statine n’est pas raisonnable.

Malheureusement, il n’existe pas de recommandation précise mais le principe suivant paraît sage : • en prévention primaire, pas de mise en route de traitement après 80 ans sauf cas particulier ; • en prévention secondaire, faire comme pour le sujet jeune (avec bon sens...). MF : Une publication récente américaine a étudié les adaptations de prescription chez les sujets de plus de 80 ans sur plus de 80 000 patients. Les résultats sont surprenants car, chez les patients très âgés, on traite plus en prévention primaire qu’en prévention secondaire. C’est l’inverse de ce qu’on attendrait mais cela correspond à la réalité des prescriptions aux États-Unis. EB : Cette étude a été très discutée car souvent, chez les gens âgés de plus de 80 ans, la cause de la mort n’est pas identifiable et il est difficile d’évaluer s’il y a un bénéfice. MF : Donc cela est autorisé pour des personnes avec des hauts facteurs de risques ? Chez des sujets de plus de 80 ans avec une maladie diabétique, a fortiori une coronaropathie traitée par des stents, ça ne se discute pas quel que soit l’âge ? EB : En prévention secondaire,

ça ne se discute pas, quel que soit l’âge… Selon moi, 80 ans avec une

Cardiologie - Cardinale • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 57


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