Interspécialités
Microbiote et athérosclérose
Identification d’un nouveau facteur environnemental Tiphaine Le Roy (ICAN : Institute of Cardiometabolism and Nutrition ; INSERM U939 : Dyslipidémies, Athérosclérose et Inflammation dans les Maladies Métaboliques, Paris)
Joël Doré, Philippe Gérard (INRA, Institut Micalis : Microbiologie de l’Alimentation au service de la Santé ; UMR 1319, Jouy-en-Josas)
Résumé Le tube digestif héberge un écosystème microbien complexe et spécifique à chaque individu. Plusieurs études récentes ont mis en évidence une influence de ce microbiote intestinal sur le métabolisme énergétique et le système immunitaire de son hôte. De ce fait, ce microbiote pourrait constituer un facteur environnemental impliqué dans le développement de l’athérosclérose. Il a ainsi été montré que des composés pro-athérogènes sont produits par certaines bactéries intestinales. De même, certaines bactéries sont capables de métaboliser le cholestérol ou de convertir les acides biliaires, et ainsi de moduler l’absorption des stérols. Enfin, la rupture de l’équilibre entre le microbiote et le système immunitaire pourrait induire une inflammation systémique favorisant le développement de l’athérosclérose.
A
u t ot a l , c h aque êt r e humain abrite environ 1014 bactéries au sein de son tube digestif, ce qui représente dix fois plus de bactéries que de cellules eucaryotes (1). L’ensemble de ces bactéries est désigné sous le nom de microbiote intestinal. La grande majorité des bactéries du microbiote appartiennent à trois phyla : les Firmicutes, les Bacteroidetes et les Actinobacteria. Les espèces présentes ainsi que leurs niveaux de population sont toutefois variables d’un individu à l’autre. En dépit du fait que les bactéries soient encore communément associées à l’inflammation et aux infections,
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les micro-organismes commensaux sont bénéfiques et assurent un certain nombre de fonctions indispensables à l’organisme : absorption des nutriments, synthèse de vitamines, métabolisme des xénobiotiques ou effet de barrière pour n’en citer que quelques-unes.
Microbiote et maladies métaboliques
Assez récemment, il a été mis en évidence l’implication de ce microbiote intestinal dans l’obésité et les pathologies associées. En effet, les souris axéniques, c’est-à-dire dépourvues de microbiote intestinal,
sont protégées contre l’obésité et une insulinorésistance induite par un régime hyperlipidique (2-3). Les raisons expliquant cette résistance sont variées : diminution de l’absorption des nutriments, diminution de la lipogenèse hépatique et du stockage de triglycérides dans les adipocytes. Par ailleurs, il est admis depuis quelques années que l’inflammation joue un rôle majeur dans l’apparition et le développement de maladies métaboliques telles que le diabète de type 2 et l’obésité (4). Par sa nature et son contact permanent avec la muqueuse intestinale, le microbiote est un élément clé du développement d’une inflammation de bas grade et il a effectivement été démontré une implication du microbiote intestinal dans un certain nombre de maladies inflammatoires et/ou métaboliques (maladie de Crohn, diabète de type 2, obésité...). Récemment, il a été observé chez les souris que l’absence de microbiote intestinal est associée à un taux de cholestérol sanguin élevé et à une accélération du développement de l’athérosclérose (5), ce qui ajoute cette dernière à la liste des maladies métaboliques associées au microbiote. Nous
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microbiote et athérosclérose
aborderons dans cet article les différents liens entre microbiote et athérosclérose. L’athérosclérose se caractérise par le dépôt d’une plaque de lipides (athérome) dans la paroi des artères, entraînant par la suite une lésion (sclérose). L’athérosclérose est à l’origine d’une majorité des maladies cardiovasculaires, principale cause de mortalité au monde.
Antibiotiques et cholestérolémie
La découverte d’un lien entre les bactéries intestinales et la cholestérolémie, un facteur de risque essentiel de l’athérosclérose, est ancienne : les travaux de Paul Samuel montrent dès les années 1970 que certains antibiotiques diminuent la cholestérolémie de manière spectaculaire (6). La chlorotétracycline, l’acide 4-aminosalicylique et plusieurs antibiotiques de la famille des aminosides (kanamycine, paromomycine et néomycine) entraînent en effet une réduction de la cholestérolémie allant jusqu’à 30 % en deux semaines, et ce uniquement en cas d’administration orale. Chez ces patients, la diminution de la cholestérolémie était fortement associée à une inhibition de la 7α-déhydroxylation des acides cholique et chénodéoxycholique, autrement dit une inhibition de la conversion des acides biliaires primaires en acides biliaires secondaires. Cette conversion est assurée exclusivement par les bactéries intestinales dans le côlon à partir de la fraction d’acides biliaires n’ayant pas été réabsorbée dans l’iléon et recyclée dans le cycle entérohépatique. Les acides biliaires secondaires sont plus hydrophobes que les acides biliaires primaires, ce qui a pour conséquence une meilleure réabsorption par diffusion passive à travers l’épithélium
colique. L’inhibition de cette transformation suite au traitement antibiotique avait pour conséquence une fuite d’acides biliaires dans les selles et donc une diminution du pool de stérols de l’organisme qui se traduisait par une baisse de la cholestérolémie. Il n’est bien entendu pas envisageable d’utiliser les antibiotiques
population humaine : chez la majorité des individus, plus de 70 % du cholestérol arrivant dans le côlon est ainsi métabolisé par le microbiote, alors que, pour une minorité, moins de 20 % du cholestérol est transformé. Une étude réalisée sur 17 patients a par ailleurs montré que cette capacité de conversion du cholestérol était inversement
Des interactions bactéries-hôte mieux comprises rendraient possibles de nouvelles stratégies thérapeutiques de prévention et/ou de traitement de l’athérosclérose basées sur une modulation du microbiote intestinal. comme traitement de l’hypercholestérolémie, néanmoins, ces travaux démontrent l’implication du microbiote intestinal dans le métabolisme du cholestérol.
corrélée avec le taux de cholestérol sanguin (8). En d’autres termes, plus le microbiote exprime une activité élevée de réduction du cholestérol en coprostanol, plus la cholestérolémie serait faible.
Microbiote et conversion du cholestérol en coprostanol
Si ce métabolisme est décrit depuis des décennies, les bactéries responsables restent très mal connues. Ainsi, seules quelques souches actives, toutes classées dans le genre Eubacterium ont d’abord été isolées à partir d’échantillons fécaux de rats et de babouins, puis à partir de lisier de porc. La souche Eubacterium coprostanoligenes ATCC 51222, administrée oralement, s’est révélée capable de réduire significativement la cholestérolémie de lapins devenus hypercholestérolémiques suite à un régime enrichi en cholestérol. Cet effet perdurait plus d’un mois après la dernière administration de bactéries et était associé à une augmentation de la conversion du cholestérol en coprostanol (9). Cependant, des études réalisées avec d’autres modèles animaux se sont révélées moins probantes. Plus récemment, une souche bactérienne convertissant le cholestérol et issue d’un microbiote fécal humain a été isolée et caractérisée pour la première fois (10). L’effet
Le côlon reçoit également jusqu’à 1 g par jour de cholestérol dont 70 % proviennent de la bile, 20 % de la fraction de l’alimentation non absorbée au niveau de l’intestin grêle et les 10 % restants de la desquamation des muqueuses intestinales (7). Dès les années 1930, il a été montré que le microbiote intestinal était capable de convertir ce cholestérol en coprostanol, non absorbé par l’intestin et éliminé dans les fèces. Il a ensuite été montré que, chez les rats axéniques, c’est-à-dire dépourvus de microbiote intestinal, l’absorption du cholestérol était augmentée, aboutissant à une accumulation plus importante de cholestérol dans le foie par rapport à des rats conventionnels. Plusieurs études, réalisées dans les années 1970, ont montré que ce métabolisme du cholestérol suivait une répartition bimodale au sein de la
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hypocholestérolémiant potentiel de cette bactérie, étroitement apparentée à l’espèce Bacteroides dorei (Fig. 1), reste à ce jour inexploré. Au final, si ce métabolisme pourrait limiter l’absorption du cholestérol et donc le risque de maladies cardiovasculaires, l’impact réel du métabolisme microbien intestinal du cholestérol sur la santé humaine reste largement à étudier.
Microbiote et métabolites pro-athérogènes
Le microbiote intestinal métabolise également la choline issue des phospholipides d’origine alimentaire, contenus en grande quantité dans les oeufs, le lait et la viande. Le microbiote intestinal catabolise la choline en triméthylamine (TMA), un gaz entièrement absorbé qui est ensuite oxydé en TMAO (TMA oxyde) dans le foie. Ce composé, le TMAO, s’est avéré être associé à un plus fort risque de maladie cardiovasculaire chez l’Homme (11). Chez la souris, le fait de supplémenter l’alimentation en TMAO ou en choline promeut le développement des plaques d’athérome. Ce phénomène est inhibé si la choline n’est pas administrée par voie orale ou si le microbiote est déplété par un traitement antibiotique, ce qui confirme le rôle du microbiote dans l’action de la choline. Les auteurs de cet article expliquent que le TMAO provoque le développement des lésions via un effet pro-inflammatoire (11). Le TMAO induit en effet l’apparition de cellules spumeuses, des macrophages chargés en lipides infiltrant les plaques d’athérome et contribuant à leur développement. Dans ce cas de figure, le microbiote génère à partir de nutriments particuliers un composé pro-inflammatoire associé à un risque plus élevé de
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Figure 1 – Image en microscopie électronique à balayage de la souche Bacteroides sp. strain D8, première bactérie isolée du microbiote intestinal humain réduisant le cholestérol en coprostanol (10).
maladies cardiovasculaires (Fig. 2). La quantité de phospholipides consommés, ainsi que la capacité plus ou moins forte du microbiote à convertir la choline en TMA, pourraient donc être deux facteurs déterminants dans le développement de l’athérosclérose. Néanmoins, la variabilité du niveau de production de TMA par le microbiote chez les différents individus est à ce jour inconnue. Il a toutefois été démontré que l’administration de la bactérie probiotique Lactobacillus rhamnosus augmentait la production de TMAO chez des souris à microbiote humain (12). Ce résultat suggère que cette fonction métabolique portée par le microbiote peut être plus ou moins exprimée et qu’elle peut être modulée, ce qui pourrait ainsi conditionner le développement de maladies cardiovasculaires ou, à l’inverse, leur prévention.
Microbiote intestinal, inflammation et transport inverse du cholestérol
Les voies métaboliques et les voies inflammatoires sont intimement
liées les unes aux autres. Par exemple, la voie NF-κB, centrale dans l’inflammation, interfère avec la voie de signalisation de l’insuline. Une réaction inflammatoire typique comporte plusieurs étapes, dont la première est la reconnaissance par le système immunitaire de composés inducteurs de l’inflammation, tels que des structures moléculaires d’origine bactérienne et certains nutriments. En générant ces composés, le microbiote influence le métabolisme de son hôte en modulant le niveau d’activation des voies de signalisation de l’inflammation. Des souris déficientes en TLR5, un Toll Like Receptor reconnaissant la flagelline, sont hyperphages et développent plusieurs symptômes du syndrome métabolique, dont une hypercholestérolémie. Ce phénotype coïncide avec un changement de la composition du microbiote intestinal et plusieurs paramètres métaboliques sont transmissibles par un transfert de microbiote de souris TLR5-/- à des souris axéniques sauvages. Ceci démontre qu’une altération du système immunitaire affecte le métabolisme en modifiant la composition et
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microbiote et athérosclérose
Microbiote intestinal
Flavines monoxygénases hépatiques
R2 O
R1
CH3
O O
CH3
P
N
O-
CH3
CH3
O
CH3
O O
Phospholipide
N+
H
CH3
Choline
CH3
CH3 H
CH3
O
CH3
H
N+
N+ CH3
CH3
Triméthylamine
Oxyde de Triméthylamine
Alimentation Œufs Viande Laitages
Athérosclérose
Figure 2 – Métabolisme bactérien des phospholipides alimentaires et athérosclérose. La choline issue de la digestion des phospholipides alimentaires est convertie par le microbiote en triméthylamine, elle-même oxydée dans le foie, ce qui génère un composé fortement pro-athérogène.
l’activité du microbiote intestinal. Les lipopolysaccharides (LPS) sont des composés d’origine bactérienne ayant un effet hautement pro-inflammatoire, induisant en conséquence une réponse immunitaire. Or, cette réponse immunitaire est impliquée dans la pathophysiologie de l’athérosclérose (13). Les LPS sont retrouvés en faible concentration dans le sang de personnes saines, ce qui suggère que de petites quantités de LPS seraient continuellement absorbées. Un autre élément impliquant le microbiote comme source de composés proinflammatoires est le fait que les souris axéniques ont une plus faible expression de marqueurs de l’inflammation que les souris conventionnelles (14). Le transport inverse du cholestérol (RCT) sous forme de HDL limite l’excès de cholestérol dans les tissus périphériques. L’efflux de cholestérol par les macrophages de la paroi des artères est un point clé de la protection contre l’athérosclérose par le RCT. Smoak et al. ont récemment démontré que l’apolipoprotéine A,
constitutive des HDL, et les récepteurs TLR 2 et 4 utilisent des voies de signalisation communes, dépendantes de Myd88 (15). Les TLR 2 et 4 seraient donc essentiels au transport inverse du cholestérol. Le transport inverse du cholestérol dans les macrophages est également régulé par LXR (Liver X Receptor). Une étude in vitro récemment publiée rapporte que deux souches probiotiques, Lactobacillus rhamnosus BFE5264 et Lactobacillus plantarum NR64, activaient LXR et augmentaient l’efflux de cholestérol (16). Ces différents éléments laissent supposer que le microbiote a la capacité de moduler le transport inverse du cholestérol.
Microbiote buccal et maladies cardiovasculaires
L’association entre une mauvaise santé bucco-dentaire (parodontite, caries) et un risque élevé d’infarctus du myocarde est connue depuis plus de 20 ans (17). La parodontite est le résultat d’une accumulation de plaque dentaire ayant migré dans le sillon gingivodentaire et
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provoquant la formation de poches parodontales autour de la racine des dents. Ces poches parodontales sont le site d’une infection, d’une inflammation et d’une destruction progressive de l’os parodontal. Un certain nombre d’études suggèrent que les bactéries retrouvées dans environ 50 % des plaques d’athérome auraient une origine buccale. Par exemple, la bactérie pathogène Porphyromonas gingivalis, très fréquemment retrouvée dans les plaques d’athérome, provoque le développement de l’athérosclérose lorsqu’elle est administrée à des souris Apo E KO. Cette bactérie a la capacité de migrer de la bouche aux cellules endothéliales et de s’y multiplier, ce qui fournit un support à l’infiltration de macrophages et à l’inflammation de la plaque d’athérome. Ceci est confirmé par la corrélation entre la quantité d’ADN bactérien retrouvée dans la plaque athérosclérotique et le niveau d’infiltration leucocytaire (18). Les maladies parodontales sont associées à une inflammation systémique chronique de bas-grade qui
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est elle-même un facteur essentiel du développement de l’athérosclérose. Des cytokines pro-inflammatoires (IL1, IL6 et TNFα) ont été observées en concentration plus élevée dans le sang de patients souffrant de parodontopathies et en plus faible quantité chez les patients dont les gencives ont été traitées par nettoyage profond. Cette inflammation serait le résultat d’une activation des monocytes par les LPS d’origine bactérienne. Le microbiote buccal sain contient essentiellement des bactéries à gram positif, qui ne produisent pas de LPS, tandis que les maladies parodontales créent des réservoirs de bactéries à gram négatif, sources de LPS. Parallèlement à cela, le cholestérol total, les LDL, le VLDL et les triglycérides seraient nettement plus élevés chez les sujets souffrant de maladies parodontales.
Probiotiques et prébiotiques
L’obésité et l’athérosclérose sont caractérisées par une augmentation du niveau d’inflammation et une altération du métabolisme des glucides et des lipides, des phénomènes sur lesquels l’impact du microbiote intestinal a été démontré. Une modulation du microbiote intestinal par l’administration de probiotiques ou de prébiotiques pourrait donc améliorer ces pathologies. Les prébiotiques sont des oligo ou des polysaccharides non digérés dans l’intestin grêle et constituant le substrat préférentiel de certaines populations bactériennes supposées bénéfiques. Aussi bien chez l’Homme que chez les rongeurs, il a été démontré que plusieurs souches de lactobacilles pouvaient réduire le taux de cholestérol sanguin. Cette diminution résulterait a priori de la capacité de ces bactéries à hydrolyser les sels biliaires, diminuant ainsi la réabsorption du cholestérol et le pool de stérols.
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Chez l’Homme obèse, l’administration de lait fermenté supplémenté en Lactobacillus gasseri pendant douze semaines réduirait l’adiposité, probablement en diminuant l’absorption de lipides et l’inflammation systémique (19). Par ailleurs, la souche Lactobacillus plantarum 299v et l’espèce Enterococcus faecium ont aussi permis une amélioration du profil lipidique (20, 21). Portugal et al. ont étudié l’impact d’une autre espèce, Lactobacillus delbrueckii, sur le développement de l’athérosclérose sur des souris ApoE KO et n’ont pas observé d’effet de cette bactérie (22). A contrario, d’autres auteurs ont constaté sur le même modèle de souris qu’un
bénéfiques en : • contribuant à réguler le taux de cholestérol et en induisant une maturation du système immunitaire qui semble limiter le développement de l’athérosclérose par rapport à ce que l’on peut observer sur les souris axéniques ; • réduisant le cholestérol en coprostanol, un composé non absorbable (Fig. 3).
Effets délétères
Néanmoins, le microbiote joue aussi, a priori, un rôle défavorable dans l’athérosclérose en : • permettant le développement d’une inflammation systémique de bas grade via la production
Le microbiote intestinal constitue donc un facteur environnemental supplémentaire influençant le développement de l’athérosclérose. prébiotique, l’inuline, modifiait profondément le profil lipidique et diminuait la taille des lésions athérosclérotiques de 35 % (23). Cependant, des oligosaccharides permettaient seulement une diminution du taux plasmatique de triglycérides alors que le taux de cholestérol et la taille des plaques demeuraient inchangés. Considérés dans leur ensemble, ces éléments suggèrent que chaque probiotique ou prébiotique a une action spécifique et peut améliorer différents paramètres associés aux maladies cardiovasculaires. Néanmoins, les mécanismes d’action de ces probiotiques, ainsi que ceux des populations bactériennes augmentées par les prébiotiques sont encore à identifier.
Au final, bénéfique ou délétère ? Effets bénéfiques
Nous avons donc vu que le microbiote avait des effets probablement
d’antigènes ; • convertissant les acides biliaires primaires en acides biliaires secondaires, ce qui augmente leur réabsorption et maintient le pool de stérols circulants (Fig. 3) ; • générant du TMAO, un composé pro-inflammatoire associé à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires.
En conclusion
La résultante de ces effets favorables et défavorables va dépendre de plusieurs facteurs. Tout d’abord de la composition et des activités du microbiote intestinal qui va métaboliser plus ou moins efficacement certains nutriments et activer plus ou moins fortement le système immunitaire. Cet impact global du microbiote va également découler des substrats fournis au microbiote via l’alimentation. En effet, ces nutriments vont d’une part contribuer à la régulation de la composition du microbiote et d’autre part constituer une source plus ou moins abondante de métabolites ayant un effet démontré dans le
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microbiote et athérosclérose
Cholestérol d’origine alimentaire
Foie
développement de l’athérosclérose. Le microbiote intestinal constitue donc un facteur environnemental supplémentaire influençant le développement de l’athérosclérose et dont l’impact va être la résultante d’un contexte particulier. À ce jour, l’impact du microbiote intestinal sur le métabolisme du cholestérol et l’athérosclérose n’est plus à démontrer. Néanmoins, l’identification des mécanismes et des espèces bactériennes impliqués est nécessaire pour envisager de nouvelles voies thérapeutiques. Des techniques moléculaires, basées sur le séquençage du métagénome intestinal humain, ont récemment mis en évidence une augmentation de l’abondance du genre Collinsella ainsi qu’une sous-représentation des genres Roseburia et Eubacterium dans le microbiote de patients atteints d’athérosclérose par rapport à celui de personnes saines, ce qui laisse supposer un effet respectivement délétère et protecteur de ces groupes bactériens (24). L’utilisation de telles techniques permettra également l’identification des gènes
Acidess biliaires primaires prim maires Veine porte Microbiote intestinal
Acides biliaires primaires
Acides biliaires secondaires
Cholestérol
Déhydroxylation Déconjugaison
Réduction
Cholestérol
Acides biliaires
Cholestérol Coprostanol Excrétion fécale
Figure 3 – Microbiote intestinal et absorption des stérols. Le microbiote peut, d’une part, stimuler la réabsorption des acides biliaires en les déconjuguant et/ou en les déhydroxylant et, d’autre part, convertir le cholestérol en un composé non absorbable, le coprostanol.
bactériens impliqués dans le métabolisme du cholestérol, des acides biliaires et de la choline. Des interactions bactéries-hôte mieux comprises rendraient possibles de nouvelles stratégies thérapeutiques de prévention et/ou de traitement de l’athérosclérose basées sur une modulation du microbiote intestinal. n
Mots-clés : Microbiote intestinal, Athérosclérose, Cholestérol, Coprostanol, Inflammation, Maladies métaboliques, Maladie parodontale
Cet article est issu de la revue Diabète & Obésité n°67 (mars 2013).
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