CARDINALE CARDIOLOGIE
R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e
d www.cardinale.fr
Coupe anatomopathologique cardiaque avec coloration hemalin-éosine. Les dépôts d’amylose extracellulaire sont nombreux et ont détruit l’architecture cardiaque habituelle.
Mise au point
L’amylose cardiaque Le cardiologue est en première position pour faire le diagnostic de cardiopathie amyloïde. Malheureusement, ce diagnostic est souvent évoqué tardivement… Avis d’expert
attitude pratique
Congrès
La e-cigarette : state of the art
Faut-il traiter l’hypercholestérolémie chez les plus de 80 ans ?
Ce qu’on peut attendre de l’AHA 2013
page 110
page 120
page 106 Interspécialités
Échocardiographie
Microbiote et athérosclérose
Le strain en pratique
page 114
page 122
Octobre 2013 • Volume 7 • n° 57 • 9 E
CARDINALE CARDIOLOGIE
R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Rédacteur en chef : Dr Serge Kownator Rédacteurs en chef adjoints : Pr Victor Aboyans, Dr Stéphane Cosson Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette & illustration : Antoine Orry, Erica Denzler • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Comité de lecture Dr Walid Amara (Montfermeil) • Dr Pierre Attali (Strasbourg) • Pr François Carré (Rennes) • Dr Gabriel Choukroun (Amiens) • Dr Serge Cohen (Marseille) • Pr Geneviève Derumeaux (Lyon) • Dr François Diévart (Dunkerque) • Dr Jean-Jacques Domerego (Nice) • Dr Alain Ducardonnet (Paris) • Dr Meyer Elbaz (Toulouse) • Pr Michel Farnier (Dijon) • Pr Alain Grynberg (Jouy-en-Josas) • Pr Daniel Herpin (Poitiers) • Dr Jean-Pierre Houppe (Thionville) • Dr Patrick Jourdain (Pontoise) • Pr Christophe Leclercq (Rennes) • Dr François Luizy (Paris) • Dr Marie-Christine Malergue (Paris) • Dr Emmanuel Messas (Paris) • Dr François Philippe (Paris) •Dr Pascal Poncelet (Lille) •Dr Naïma Rahmoun (Oran) •Dr Gilles Traisnel (Lille) • Dr Olivier Varenne (Paris) • Dr Stéphane Zuily (Nancy) Comité scientifique Pr Michel Bertrand (Lille) • Pr Jean-Pierre Bourdarias (Boulogne) • Pr Jean-Paul Broustet (Bordeaux) • Pr Christian Cabrol (Paris) • Pr Alain Cribier (Rouen) • Pr Vincent Dor (Monaco) • Dr Jean Fajadet (Toulouse) • Dr Guy Fontaine (Paris) • Pr Gilbert Habib (Marseille) • Pr Samuel Lévy (Marseille) • Dr François Luizy† (Paris) • Pr Jean Marco (Toulouse) • Dr Jean-Baptiste Michel (Paris) • Pr Philippe Gabriel Steg (Paris) • Pr Paul Touboul (Lyon) • Pr Bernard Belhassen (Tel-Aviv)
sommaire www.cardinale.fr
n Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 98 n Mise au point
L’amylose cardiaque Une CMH méconnue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 99
Les articles de “Cardiologie Cardinale” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
Thibaud Damy (Créteil), Jean Rosso (Créteil), Dania Mohty (Limoges), Nicole Benhaiem (Créteil), Jehan Dupuis (Créteil), Jean-François Deux (Créteil), Violaine Planté-Bordeneuve (Créteil)
n éCHOS DES CONGRèS
Faut-il traiter l’hypercholestérolémie chez le sujet de plus de 80 ans ? . p. 106
Stéphane Desmichelle (Paris)
n avis d’expert
La E-Cigarette State of the art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 110
Kamel Abdennbi (Paris)
n interspécialités Microbiote et athérosclérose Identification d’un nouveau facteur environnemental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 114
Tiphaine Le Roy (Paris), Joël Doré, Philippe Gérard (Jouy-en-Josas)
n CONGRèS
AHA Scientific Sessions 2013 (Dallas) Quelles surprises et quelles nouveautés nous réserve cet univers impitoyable ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 120
Serge Kownator (Thionville)
n En pratique
Le strain en pratique Évaluation de la fonction et de la contractilité myocardique. . . . . . . . . . . . . . p. 122
Cardiologie Cardinale est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : cardinale@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1960-1646 N° de Commission paritaire : 0115 T 89308 Prix au numéro : 9 e. Mensuel : 10 numéros par an.
Octobre 2013 • Vol. 7 • N° 57
Dania Mohty (Limoges)
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 113
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éditorial
ils redécouvrent l’Amérique !
D
ans une édition récente de Cardiosource, le “média” de l’ACC, on peut lire l’interview par Spencer King III, rédacteur en chef du JACC Cardiovascular Interventions, de Chris White, cardiologue interventionnel, très orienté vers la n Serge pathologie vasculaire périphéKownator rique, angioplasticien de renom. Le titre de cette rencontre, Peripheral Matters, ou Il faut s’intéresser à la pathologie vasculaire périphérique, pourrait résumer, à lui seul, l’ensemble du propos. L’essentiel de cette discussion tourne autour du rôle du cardiologue interventionnel dans la prise en charge des procédures endovasculaires périphériques. On y aborde la formation et la certification des cardiologues aux interventions péri-
techniques dont les ballons actifs ou les stents biorésorbables. Il fait la part belle à la dénervation rénale, suggérant même qu’au prix d’une intervention de 25 à 30 minutes on pourrait épargner plusieurs dizaines d’années de traitement médical, n’exagérons rien, on retrouve ici l’enthousiasme du cathétériseur dominant ! Toujours est-il que cette prise de conscience de nos collègues américains ne s’adresse pas qu’aux “interventionnels”, on aborde ici le rôle des méthodes diagnostiques y compris les plus élémentaires comme la mesure de l’IPS. On évoque la prise en charge globale du risque cardiovasculaire et la détection précoce des lésions. On met en avant enfin la nécessité absolue de l’interdisciplinarité pour une prise en charge optimale du patient. Neurologues vasculaires, chirurgiens, néphrologues sont, avec les cardiologues, autant de partenaires potentiels dans la prise en charge
On réalise que la maladie vasculaire est ubiquitaire, qu’elle touche l’ensemble du lit artériel et qu’elle ne s’arrête pas aux artères coronaires. phériques. On constate qu’aux USA se sont les cardiologues, devant les chirurgiens et les radiologues, qui réalisent le plus grand nombre de procédures. Au-delà de ces aspects purement “mécaniques” on réalise, il serait temps, que la maladie vasculaire est ubiquitaire, qu’elle touche l’ensemble du lit artériel et qu’elle ne s’arrête pas aux artères coronaires. On découvre même, si l’on peut dire, que l’atteinte périphérique ne se limite pas seulement aux membres inférieurs mais touche également l’aorte, les artères digestives, les rénales bien sûr et les troncs supra-aortiques. On se rappelle ici que le cardiologue est spécialiste du cœur et des vaisseaux, aux USA comme en France, et qu’à ce titre il ne doit pas arrêter sa démarche à la racine de l’aorte. Cet article s’adresse aux cardiologues interventionnels, il met en exergue les dernières
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de ces patients sans oublier bien évidemment, en France notamment, les médecins vasculaires. La spécialité cardiologique a longtemps marginalisé la pathologie vasculaire, nous sommes peut-être, avec le développement des techniques endovasculaires périphériques, entrain d’assister à une transformation des habitudes ? En tout cas, espérons que nous ne serons pas, comme souvent, trop en retard et qu’il ne nous faudra pas 10 ans de plus pour redécouvrir, à notre tour, l’Amérique ! n
Bibliographie • http://www.cardiosource.org/News-Media/Publications/ CardioSource-World-Interventional/2013/SeptemberOctober/Conversations-with-Experts-Spencer-Kingand-Christopher-White-on-Peripheral-Interventions. aspx?utm_source=Silverchair%20Information%20 Systems&utm_medium=email&utm_campaign=JACC%20 Supp%20Issue%20%5BPoster%20Abstracts%5D
Cardiologie - Cardinale • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 57
Mise au point
L’amylose cardiaque Une CMH méconnue
Thibaud Damy*, Jean Rosso*, Dania Mohty**, Nicole Benhaiem*, Jehan Dupuis*, Jean-François Deux*, Violaine Planté-Bordeneuve* *Réseau Amylose, Service de Cardiologie, Médecine nucléaire, Anatomo-Pathologie, Hématologie, Imagerie cardiaque et Neurologie, CHU Henri-Mondor, Créteil, thibaud.damy@hmn.aphp.fr **Service de Cardiologie et Centre de référence des amyloses AL, CHU Limoges
Introduction L’amylose est la manifestation de plusieurs maladies systémiques (1). La caractéristique commune de ces maladies est une accumulation extracellulaire de protéines fibrillaires insolubles qui se déposent et envahissent progressivement les tissus, empêchant leur bon fonctionnement (Fig. 1a et 1b). L’infiltration amyloïde cardiaque est responsable d’un épaississement du myocarde créant un aspect de fausse “hypertrophie”. Cette infiltration se complique d’insuffisance cardiaque et de troubles de la conduction. Tout cela explique pourquoi le cardiologue est en première position pour faire le diagnostic de Cardiopathie amyloïde (CA). Malheureusement, ce diagnostic est souvent évoqué tardivement après un diagnostic initial “d’insuffisance cardiaque ± à FEVG préservée” ou de “cardiopathie hypertensive”. Afin d’améliorer l’orientation diagnostique devant une cardiomyopathie et de dépasser ces simples diagnostics, la Société européenne de Cardiologie (ESC) a récemment revu la définition et la classification des cardiomyopathies. Les Cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) sont définies désormais par un simple épaississement du myocarde regroupant ainsi sous le terme CMH des processus physiopathologiques très différents allant d’une hypertrophie des cardiomyocytes observée dans les CMH sarcomériques (mutation troponine, myosine…) à l’infiltration du myocarde.
Classification des amyloses
La classification des amyloses repose sur la nature biochimique de la protéine amyloïde impliquée dans la formation des dépôts. Une vingtaine de protéines peuvent former des fibrilles amyloïdes (fibrinogène, apo A1…). Les formes cardiaques les plus fréquentes sont les amyloses AL (immunoglobuliniques) et les amyloses à transthyrétine (TTR) :
héréditaire (TTR mutée) ou sénile (TTR sauvage) (Tab. 1).
Les amyloses AL
Elles sont liées principalement aux gammapathies monoclonales (MGUS) ou au myélome. Les gammapathies monoclonales sont très fréquentes et touchent environ 10 % des patients de 60 ans. Ces gammapathies se compliquent heureusement rarement
Cardiologie - Cardinale • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 57
d’amylose mais représentent plus de 60 % des cardiopathies amyloïdes.
Les amyloses à transthyrétine
La transthyrétine (TTR) est une protéine synthétisée par le foie sous forme de monomères. Ces monomères s’assemblent en tétramères qui transportent des protéines (ex. : hormone thyroïdienne, vitamine D) dans le sang. Les amyloses TTR sont de deux types : - amylose à transthyrétine dite sénile où le précurseur est la transthyrétine non mutée (ATTRwt) survenant quasi exclusivement chez des hommes âgés. Les mécanismes de cette amylose ne sont pas connus ; - amylose à transthyrétine héréditaire : la forme familiale où la transthyrétine est mutée (ATTRm) (2). La transmission est autosomique dominante. Plus de 100 mutations pathogènes du gène codant pour la TTR ont été identifiées. Les dépôts tissulaires comportent également de la transthyrétine non mutée. Bien qu’héréditaire, on ne retrouve des antécédents familiaux que dans 50 % des cas. L’atteinte tissulaire est variable suivant la mutation. La mutation ATTR Val30Met
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échos des congrès
Faut-il traiter l’hypercholestérolémie chez le sujet de plus de 80 ans ? Introduction À 80 ans, faut-il encore traiter l’hypercholestérolémie ? La question est d’importance à l’heure où les statines sont tellement controversées. Voici les extraits d’un débat qui a réuni deux experts en la matière, Michel Farnier (Dijon) et Eric Bruckert (Paris).
A
vant la discussion, l’orateur a rappelé que l’idée selon laquelle un taux de cholestérol bas chez les sujets âgés augmenterait le risque de morbi-mortalité n’était pas fondée. Le lien retrouvé dans les études épidémiologiques proviendrait surtout du fait que le cholestérol baisse avec l’âge et la maladie.
Dr Michel Farnier : En prévention primaire et secondaire, y a-t-il des données suffisantes pour dire qu’un traitement par statines est efficace chez le sujet âgé ? Pr Eric Bruckert : Nous manquons de
données. Dans les grandes études statines versus placebo, il n’y a pas de différence de bénéfice selon les tranches d’âge. Mais très peu de patients de plus de 80 ans sont inclus dans ces grands essais. En outre, les sujets de plus de 80 ans inclus ne sont pas représentatifs de ceux rencontrés en pratique quotidienne, il y a un biais de sélection (moins de comorbidités, de médicaments).
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MF : Dans ce débat, pourrait-on raisonner en termes de bénéfice de durée de vie ? Chez un sujet âgé en bonne santé, sans pathologie extrême associée, quel pourrait être le bénéfice en termes d’espérance et de conditions de vie ? EB : Chez des sujets de plus
de 80 ans, l’espérance de vie moyenne est inférieure à 5 ans et, pour avoir un bénéfice substantiel des statines, il faut au moins 3 ans. Donc les chances d’éviter un événement cardiovasculaire en prévention primaire chez ces sujets sont relativement faibles. Ainsi, au-delà de 80 ans, la mise en route d’un traitement de prévention primaire est le plus souvent discutable. Ce raisonnement est à nuancer avec le bon sens... Chez un sujet de 80 ans sans comorbidité, avec de multiples facteurs de risque, un traitement par statines peut se justifier. À l’inverse, chez un sujet de 80 ans avec un cancer de la prostate et d’autres comorbidités, ajouter une statine n’est pas raisonnable.
Malheureusement, il n’existe pas de recommandation précise mais le principe suivant paraît sage : • en prévention primaire, pas de mise en route de traitement après 80 ans sauf cas particulier ; • en prévention secondaire, faire comme pour le sujet jeune (avec bon sens...). MF : Une publication récente américaine a étudié les adaptations de prescription chez les sujets de plus de 80 ans sur plus de 80 000 patients. Les résultats sont surprenants car, chez les patients très âgés, on traite plus en prévention primaire qu’en prévention secondaire. C’est l’inverse de ce qu’on attendrait mais cela correspond à la réalité des prescriptions aux États-Unis. EB : Cette étude a été très discutée car souvent, chez les gens âgés de plus de 80 ans, la cause de la mort n’est pas identifiable et il est difficile d’évaluer s’il y a un bénéfice. MF : Donc cela est autorisé pour des personnes avec des hauts facteurs de risques ? Chez des sujets de plus de 80 ans avec une maladie diabétique, a fortiori une coronaropathie traitée par des stents, ça ne se discute pas quel que soit l’âge ? EB : En prévention secondaire,
ça ne se discute pas, quel que soit l’âge… Selon moi, 80 ans avec une
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Avis d’expert
La E-Cigarette State of the art
Kamel Abdennbi (Chef du service Réadaptation cardiaque, Hôpital Léopold-Bellan, Paris)
Introduction La cigarette électronique (CE) a fait une entrée fracassante en France avec près de 1,5 million de “vapoteurs” déjà au compteur. La place à lui donner fait grand débat à l’heure actuelle, aussi bien dans notre pays que dans toute l’Europe. D’ailleurs, les législateurs européens viennent d’en proroger la vente libre en dehors des pharmacies. Le rapport Dautzenberg sur la CE, remis à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, il y a quelques mois, a voulu avoir une approche excessivement prudente. En effet, dans notre société schizophrène en matière de réglementation sur le tabagisme, on peut accéder aux vraies cigarettes partout, alors que la CE, produit moins toxique, est menacée par une réglementation excessive ; cela permettrait au tabac, produit infiniment plus dangereux, de conserver son monopole. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que le lobby du tabac essaie de s’approprier cette nouvelle industrie florissante pour mieux la contrôler. Faut-il rappeler, enfin, que le tabac est à l’origine chaque année de 73 000 décès en France mais qu’il rapporte également, à Bercy, une manne financière extraordinaire liée aux taxes.
Qu’est-ce que la e-cigarette ?
La CE est un dispositif électronique muni d’une pile et d’un microprocesseur qui diffuse une solution liquide sous forme de vapeur, qui est inhalée par l’utilisateur (Fig. 1). Elle produit une “fumée artificielle” ressemblant visuellement à la fumée produite par la combustion du tabac. Cette vapeur peut être aromatisée (arôme de tabac blond, brun, de fruits, etc.) et contenir ou non de la nicotine. Les variations des concentrations de nicotine dans le mélange varient de 0 à 18 mg/ml. La e-cigarette n’a pas l’odeur du tabac. Deux techniques sont utilisées, soit par utilisation d’ultrasons, mais ce procédé est complexe à industrialiser et coûteux, soit par une résistance chauffante, la plus fréquemment utilisée. La résistance
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Figure 1 – Composition de la cigarette électronique.
appelée “atomiseur” chauffe alors un liquide (dit “e-liquide”) qui a la propriété de s’évaporer à une température proche de 50°C. Pour “vapoter”, l’utilisateur doit enclencher le chauffage de la résistance. Selon certaines études scientifiques, la CE contient des quantités de particules et substances cancérigènes
ou toxiques beaucoup plus faibles que la cigarette. Le propylène glycol, sous forme de brouillard de micro-gouttelettes, constitue un nuage blanc imitant la fumée des véritables cigarettes. Enfin, les nitrosamines, principaux agents cancérigènes contenus dans le tabac, n’ont été détectés dans les
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Interspécialités
Microbiote et athérosclérose
Identification d’un nouveau facteur environnemental Tiphaine Le Roy (ICAN : Institute of Cardiometabolism and Nutrition ; INSERM U939 : Dyslipidémies, Athérosclérose et Inflammation dans les Maladies Métaboliques, Paris)
Joël Doré, Philippe Gérard (INRA, Institut Micalis : Microbiologie de l’Alimentation au service de la Santé ; UMR 1319, Jouy-en-Josas)
Résumé Le tube digestif héberge un écosystème microbien complexe et spécifique à chaque individu. Plusieurs études récentes ont mis en évidence une influence de ce microbiote intestinal sur le métabolisme énergétique et le système immunitaire de son hôte. De ce fait, ce microbiote pourrait constituer un facteur environnemental impliqué dans le développement de l’athérosclérose. Il a ainsi été montré que des composés pro-athérogènes sont produits par certaines bactéries intestinales. De même, certaines bactéries sont capables de métaboliser le cholestérol ou de convertir les acides biliaires, et ainsi de moduler l’absorption des stérols. Enfin, la rupture de l’équilibre entre le microbiote et le système immunitaire pourrait induire une inflammation systémique favorisant le développement de l’athérosclérose.
A
u t ot a l , c h aque êt r e humain abrite environ 1014 bactéries au sein de son tube digestif, ce qui représente dix fois plus de bactéries que de cellules eucaryotes (1). L’ensemble de ces bactéries est désigné sous le nom de microbiote intestinal. La grande majorité des bactéries du microbiote appartiennent à trois phyla : les Firmicutes, les Bacteroidetes et les Actinobacteria. Les espèces présentes ainsi que leurs niveaux de population sont toutefois variables d’un individu à l’autre. En dépit du fait que les bactéries soient encore communément associées à l’inflammation et aux infections,
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les micro-organismes commensaux sont bénéfiques et assurent un certain nombre de fonctions indispensables à l’organisme : absorption des nutriments, synthèse de vitamines, métabolisme des xénobiotiques ou effet de barrière pour n’en citer que quelques-unes.
Microbiote et maladies métaboliques
Assez récemment, il a été mis en évidence l’implication de ce microbiote intestinal dans l’obésité et les pathologies associées. En effet, les souris axéniques, c’est-à-dire dépourvues de microbiote intestinal,
sont protégées contre l’obésité et une insulinorésistance induite par un régime hyperlipidique (2-3). Les raisons expliquant cette résistance sont variées : diminution de l’absorption des nutriments, diminution de la lipogenèse hépatique et du stockage de triglycérides dans les adipocytes. Par ailleurs, il est admis depuis quelques années que l’inflammation joue un rôle majeur dans l’apparition et le développement de maladies métaboliques telles que le diabète de type 2 et l’obésité (4). Par sa nature et son contact permanent avec la muqueuse intestinale, le microbiote est un élément clé du développement d’une inflammation de bas grade et il a effectivement été démontré une implication du microbiote intestinal dans un certain nombre de maladies inflammatoires et/ou métaboliques (maladie de Crohn, diabète de type 2, obésité...). Récemment, il a été observé chez les souris que l’absence de microbiote intestinal est associée à un taux de cholestérol sanguin élevé et à une accélération du développement de l’athérosclérose (5), ce qui ajoute cette dernière à la liste des maladies métaboliques associées au microbiote. Nous
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Congrès
AHA Scientific Sessions 2013 (Dallas) uelles surprises et quelles nouveautés Q nous réserve cet univers impitoyable ? Serge Kownator
(Centre Cardiologique et Vasculaire, Thionville)
Comme à l’accoutumée, c’est vers les grandes études que toute l’attention va se porter et c’est de ces Late Breaking Clinical Trial (LBCT) sessions que viendront les nouveautés qui pourraient modifier nos pratiques. Nous aurons cinq sessions qui y seront consacrées et, comme à l’habitude, Cardinale s’en fera l’écho, de manière synthétique, au jour le jour sur votre boîte mail et bien sûr peu de temps après dans l’AHA Express. Voici un choix d’études qui sont particulièrement attendues. Bien sûr, ce choix n’est pas exhaustif et, parmi les centaines d’abstracts présentés, gageons qu’un certain nombre pourra retenir notre attention.
ERASE
Cette étude va comparer, chez des patients ayant une artériopathie des membres inférieurs, l’angioplastie, associée à un programme de marche supervisé, à ce programme de marche seul. Faut-il intervenir d’emblée ?
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© SunChan – iStock.
Introduction
CORAL
C’est l’étude que nous attendons à propos de l’angioplastie des artères rénales. Sera-t-elle suffisamment bien menée, avec des résultats suffisamment clairs pour qu’enfin on puisse avoir une attitude bien tranchée face au problème des sténoses athéromateuses des artères rénales ?
ROSE-AHF trial
On va comparer ici l’efficacité et la tolérance de petites doses de néseritide, de dopamine ou de placebo chez des patients insuffisants rénaux, présentant une insuffisance cardiaque.
TOPCAT
Cette étude teste l’efficacité de la spironolactone dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Une molécule bien connue pour un problème récurrent et non résolu !
MINERVA
Faut-il vraiment privilégier de manière systématique, ou presque, la stimulation double chambre ? Cette étude italienne va nous permettre de savoir si le mode DDD apporte un bénéfice en termes de mortalité, de survenue de tachycardies atriales ou d’hospitalisations par rapport à un algorithme physiologique de stimulation.
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En pratique
Le strain en pratique Évaluation de la fonction et de la contractilité myocardique
Dania Mohty (Service de Cardiologie et Centre de référence national des maladies rares par dépôts d’immunoglobulines, CHU Limoges, dania.mohty@chu-limoges.fr)
Cet article présente le strain myocardique, outil d’évaluation de la fonction et de la contractilité myocardique. Les applications et potentielles indications cliniques sont également envisagées.
Définitions et terminologie
Le strain (S) myocardique est un outil de quantification de la fonction et de la contractilité myocardique intrinsèque. Le mot “strain” signifie une déformation. Le strain segmentaire indique le raccourcissement d’un segment myocardique par rapport à son état initial : S = (L-L0)/L0=Δl/L0. Le strain rate (SR) est la dérivée du strain en fonction du temps, donc une vitesse de déformation : SR = ΔS/Δt. Exemple : deux objets peuvent avoir un même strain de 25 % mais avoir deux strain rate différents si le premier se déforme en une seconde et l’autre en deux secondes. Le SR de l’un sera 0,25 s-1 et l’autre 0,125 s-1. Le 2D speckle tracking imaging est une modalité d’analyse du déplacement ou du strain myocardique tissulaire local par le tracking des speckles au sein de l’image ultrasonique bidimensionnelle. Les speckles sont des marqueurs acoustiques naturels présents au
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sein de l’image échographique 2D du tissu myocardique. Le tracking des speckles est le suivi du déplacement spatial de ces marqueurs, qui peut se faire dans les différents plans de l’espace : longitudinal, radial et circonférentiel. En effet, les logiciels actuels mis à disposition par les constructeurs permettent le traitement spatial et temporel de l’image obtenue en 2D mais également plus récemment en 3D, avec une bonne reconnaissance de ces éléments sur l’image ultrasonique.
Rappel anatomique
Les fibres myocardiques sont disposées de manière hélicoïdale autour de la cavité ventriculaire gauche (1). Les fibres les plus internes (endocarde) sont orientées de façon longitudinale parallèlement à l’axe apex/base. Les fibres à mi-parois ont une orientation circonférentielle. Cette répartition hélicoïdale des fibres myocardiques permet de mieux comprendre les mouvements du myocarde qui se décomposent en raccourcissement
longitudinal (fonction longitudinale) et circonférentiel (fonction circonférentielle), épaississement radial des parois (fonction radiale) et torsion-rotation (twist-untwist) (sens antihoraire à l’apex, et horaire à la base). On retiendra que le raccourcissement longitudinal assuré par la couche sous-endocardique est probablement l’une des composantes principales de la fonction pompe du corps humain. Son altération semble être la plus précoce dans l’insuffisance cardiaque et dans d’autres pathologies myocardiques. L’épaississement radial est assuré par la couche médiane et la torsion-rotation par les fibres épicardiques. Habituellement, le raccourcissement des fibres en systole est indiqué par un S négatif et l’élongation en diastole par un S positif.
DTI-Strain
C’est dans les années 1990 que le strain myocardique a émergé et s’est révélé être un bon paramètre objectif pour l’analyse de la performance myocardique et l’analyse de la contractilité intrinsèque globale
Cardiologie - Cardinale • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 57