En pratique
La dysplasie fibromusculaire Prise en charge et perspectives
François Silhol (Centre de compétence des maladies vasculaires rares PACA, Unité d’Hypertension artérielle – F. Silhol, G. Sarlon-Bartoli, A. Pieraccini, B. Vaïsse – CHU Timone, Marseille, francois.silhol@ap-hm.fr)
Le terme de dysplasie fibromusculaire (DFM) s’applique à un groupe de maladies segmentaires, non inflammatoires et non athéroscléreuses touchant la paroi des artères de petit et moyen calibre. Elle touche préférentiellement les femmes avec un ratio de 9 pour 1. L’origine de la maladie ainsi que son évolution est à ce jour inconnue. L’évaluation des lésions, notamment l’évaluation quantitative des sténoses dysplasiques des artères rénales, reste non codifiée.
L
a DFM peut atteindre toutes les artères mais elle touche préférentiellement les artères rénales, les artères carotidiennes intra et extracrâniennes, les artères vertébrales ainsi que
les artères viscérales et les artères des membres. Elle se présente diversement sous forme de sténose, d’anévrisme, de dissection ou d’occlusion des artères. Ces formes multiples expliquent les différentes
Intimale : diaphragme
Médiale : colliers de perles
Hypertrophie fibreuse de la média, rupture de la limitante élastique interne
expressions cliniques initiales de la maladie menant à son diagnostic et allant de simples acouphènes à une dissection artérielle en passant bien sûr par une hypertension artérielle (HTA). Des événements peuvent
Périmédiale
Épaississement intimal circonférentiel sans atteinte des autres tuniques
Les couches externes de la média sont le siège d’un hyperplasie de la matrice extracellulaire refoulant l’adventice
Figure 1 – Présentation de la dysplasie fibromusculaire.
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La dysplasie fibromusculaire
Limitante élastique interne (LEI)
Adventice (A)
Média (M) épaissie et irrégulière
également survenir durant le suivi, les plus fréquents étant neurovasculaires avec une incidence variable selon les séries, pouvant atteindre jusqu’à 24 % des patients.
Lumière (Lu)
Présentation de la DFM Figure 2 – Aspect histologique de la dysplasie fibromusculaire. Coupe histologique de la série de F. Silhol, L. Daniel recueillie par P. Piquet, CHU Timone, Marseille. Coupe histologique photomicroscopique d’une dysplasie médiale (Leica DMD 108 digital photomicroscope) : hypertrophie fibreuse, rupture de la limitante élastique interne. On note une épaisseur variable de la media parfois hypertrophiée dans certaines zones. Certaines cellules musculaires lisses sont remplacées par de la matrice extracellulaire. Dans d’autres zones on observe une atrophie ou une disparition de la media permettant le développement d’anévrismes ou de dissections. Les cellules musculaires lisses apparaissent globalement désorganisées dans l’espace.
Le diagnostic de la DFM est basé sur une classification radiologique corrélée à l’anatomopathologie (1,2). On distingue ainsi principalement trois formes de DFM des artères rénales. • La DFM médiale, la plus répandue (60-70 %), dont l’aspect angiographique typique est une image en “perles enfilées” par succession de sténoses et d’anévrismes situés dans la portion moyenne et/ou distale de l’artère. Ces aspects correspondent histologiquement à des zones d’hypertrophie fibreuse de la média et de rupture de la limitante élastique interne. • La DFM périmédiale ou sousadventicielle (10-20 %), dont l’aspect angiographique est celui d’une sténose dysplasique tubulaire.
Histologiquement, les couches externes de la média sont le siège d’une hyperplasie de la matrice extracellulaire refoulant l’adventice et réduisant la lumière du vaisseau. • La DFM intimale (5 %), qui se présente angiographiquement comme une sténose unifocale et concentrique. Histologiquement, elle est caractérisée par un épaississement intimal circonférentiel sans atteinte des autres tuniques et similaires aux vascularites touchant de plus grands vaisseaux comme les artérites à cellules géantes ou le Takayasu.
Présentation clinique
La présentation clinique diffère en fonction du territoire atteint (3) : une HTA dans plus de 6 cas sur 10, des maux de tête, des acouphènes, un accident vasculaire cérébral transitoire (près de 9 %) ou constitué (7 %), une dissection (12 % des dysplasies cervicales et 3 % des dysplasies rénales), un anévrisme chez 14 % des patients et bien d’autres ta-
Figure 3 – Aspect d’échographie endovasculaire IVUS d’une dysplasie de l’artère rénale (F. Silhol, J.-L. Bonnet). Succession d’hyperplasie et d’atrophie de la média avec un comportement très spastique de l’artère lors du passage de la sonde endovasculaire.
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bleaux parfois surprenants comme des ischémies mésentériques ou des infarctus du myocarde.
Figure 4 – Dissection complète de l’artère rénale droite. Dissection inaugurale chez un homme de 43 ans, découverte devant une HTA sévère. Noter la présence d’un anévrisme du tronc moyen de l’artère et d’une branche distale. Lésions de dysplasie des branches pré et rétropyélique. Absence d’autres localisations notamment cérébrale au bilan d’extension. L’enquète familiale a révélé la présence d’une DFM médiale asymptomatique carotidienne chez sa mère et d’une DFM médiale rénale chez son père hypertendu. La lésion a été traitée par embolisation de l’anévrisme puis mise en place d’une endoprothèse. À 2 ans :
L’âge moyen de diagnostic de la DFM est d’environ 52 ans. Cliniquement, en fonction du territoire atteint, la présentation clinique de la DFM va varier (4). Une sténose des artères rénales pourra entraîner une hypertension artérielle (HTA) rénovasculaire, la rupture d’un anévrisme, une hémorragie. La DFM des troncs supra-aortiques peut se manifester par des acouphènes pulsatiles et être responsable d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques (avec ou sans dissection) ou plus rarement hémorragiques par rupture d’anévrisme intracrânien. La prévalence des lésions symptomatiques de DFM des TSA reste mal connue. En général, en dehors des anévrismes de taille significative, l’abstention d’une thérapeutique invasive est la règle.
absence d’HTA sans traitement anti-hypertenseur. L’enquète familiale se poursuivra chez les enfants à leur majorité (F. Silhol, J.-M. Bartoli, CHU Timone Marseille).
Épidémiologie
Comme beaucoup de choses concernant cette maladie, la préva-
lence de la DFM n’est pas connue. Elle a été estimée sur d’anciennes observations (5-6) à moins de 4/1 000 dans la population hypertendue d’âge moyen (soit approximativement 8 nouveaux cas pour 100 000 personnes actives et par an). L’existence de formes infracliniques souvent nombreuses, de découvertes fortuites, ainsi que les dernières publications de registres nationaux sont en faveur d’une pathologie beaucoup plus répandue qu’il n’y paraît (7-9). Ainsi, une meilleure compréhension de cette maladie ainsi que de sa prise en charge est essentielle dans notre pratique. La DFM peut être également familiale mais ce cas ne concerne qu’un peu plus de 10 % des DFM. Des éléments épidémiologiques provenant de familles présentant une DFM sont en faveur d’une origine génétique (10). Il est possible que les formes telles que les tortuosités artérielles soient la seule expression de la maladie chez un individu, expliquant que la maladie soit sous-diagnostiquée.
Figure 5 et 6 – Dysplasie ou sténose radique ? Sténose de l’artère rénale droite chez un homme de 49 ans se présentant à la consultation pour HTA sévère récente. ATCD familial : DFM bilatérale chez sa mère. ATCD personnel : maladie de Hodgkin traitée par radiothérapie sous diaphragmatique < 7 ans. Le diagnostic de sténose radique a été retenu après l’analyse anatomopathologique de la pièce opératoire (L. Bali, F. Silhol, B. Vaïsse).
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La dysplasie fibromusculaire
Étiologie
Malgré différentes hypothèses proposées pour expliquer sa pathogénie (génétique, hormonale, environnementale), l’étiologie de la dysplasie demeure inconnue. L’intoxication tabagique est également associée à un risque accru avec des lésions souvent plus sévères et plus étendues. Plusieurs éléments cliniques sont apparus au travers des registres des centres de dysplasie (3). Le fort ratio femme/homme dans la maladie est un élément indiscutable. Dans notre centre, qui suit près de 170 dysplasies, nous avons constaté que l’imprégnation hormonale des femmes précède souvent de nombreuses années le diagnostic des lésions. Il pouvait s’agir d’un traitement hormonal substitutif, d’une stimulation ovarienne, d’un traitement de fibrome ou d’endométriose. Les hommes atteints présentent également souvent des antécédents hormonaux se manifestant notamment par une gynécomastie. Des recherches ont lieu actuellement pour faciliter le diagnostic (microparticules), pour mieux cerner l’histoire naturelle des lésions dysplasiques ainsi que le déterminisme génétique (étude Arcadia/Profile) avec la constitution d’une biobanque. Nous effectuons également des recherches et avons mis en évidence la présence de récepteurs hormonaux dans la paroi des cellules musculaires lisses des artères dysplasiques. L’hypothèse de travail dans notre centre est que la dysplasie fibromusculaire est une maladie génétique – intéressant ces récepteurs hormonaux – dont l’expression dépend de l’intensité de l’exposition hormonale, induisant ainsi le développement des malformations observées histologiquement et macroscopiquement (11).
Les centres de compétence de la fibrodysplasie musculaire en France
La structuration des centres de compétence et de référence a grandement aidé à l’harmonisation de la prise en charge des patients et au développement de protocoles de recherche sur des cohortes étendues. De nombreuses questions restent posées aux cliniciens et aux chercheurs. Quelle est la prévalence de la DFM dans la population ? Quelle est son étiologie ? Quelle est son histoire naturelle ? Pourquoi les femmes sont-elles plus atteintes que les hommes avec un ratio de 9 femmes pour 1 homme atteint ? Pourquoi certaines personnes développent-elles un anévrisme ou une dissection alors que d’autres vont exprimer une sténose en “collier de perles” ? Quel est l’outil diagnostic le plus précis pour diagnostiquer puis quantifier une sténose artérielle dysplasique ? Au-delà de la longue explication que l’on doit fournir au patient lors de l’annonce du diagnostic, les questions que se pose le médecin à la découverte d’une dysplasie sont nombreuses : Quels sont les territoires vasculaires atteints ? Quelle est la sévérité des lésions ? Y a-t-il une indication à un traitement médical ou interventionnel ? Quelle méthode de revascularisation est préférable ? Quel doit être le suivi du patient ? Faut-il réaliser un dépistage familial ? Comment intégrer le patient au registre national ? Devant ces nombreuses inconnues, la présentation complexe de la maladie et la nécessité d’harmoniser la prise en charge des patients ainsi que celle de conduire
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des études avec un nombre important de patients, des groupes de recherche se sont constitués et des centres de compétence ont vu le jour, travaillant pour la compréhension de la maladie ainsi que sur la recherche de son origine. Les centres de compétence labellisés des maladies vasculaires rares permettent d’aider les médecins et les patients dans cette démarche. Le centre de compétence de la Timone recrute des patients provenant de l’ensemble de la région PACA. Il a été créé en 2009 avec les autres centres coordonnés en France à l’initiative du Pr P.-F. Plouin responsable du centre de référence à l’HEGP. Il répond à un besoin d’organiser en France la prise en charge des maladies vasculaires rares. L’essentiel du recrutement concerne des maladies vasculaires rares et notamment les DFM. Après quatre ans d’activité, le centre assure le suivi de près de 200 patients, permettant d’effectuer une exploration vasculaire conforme aux données et recommandations HAS en vigueur, de proposer une discussion d’experts pour chaque cas et un traitement adapté ainsi qu’un suivi spécialisé. La participation avec le centre de référence national, et bientôt européen, à des études communes sur la DFM est essentielle. Le diagnostic de DFM répond au Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) établi en novembre 2010 sous l’égide de la Haute autorité de santé (HAS) (12). Le PNDS pour la dysplasie fibromusculaire a été élaboré par le centre de référence et les centres de compétence, avec le soutien méthodologique de la HAS, en application des dispositions du protocole national. L’objectif est d’expliciter pour les profession-
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nels de santé susceptibles de les prendre en charge la prise en charge optimale et le parcours de soins des patients atteints de DFM symptomatique. Les patients adressés au centre pour suspicion de DFM sont vus en consultation avec l’un des médecins du centre puis des examens complémentaires sont réalisés. Le diagnostic de DFM de l’artère est établi par le médecin du centre et le radiologue expert au vu de l’écho-Doppler et de l’angioscanner. Lorsque l’aspect de perles enfilées est relevé sur l’artère rénale, il est jugé spécifique et le diagnostic est établi. L’angioscanner permet de poser le diagnostic de FMD. En cas de forme focale, les discussions ont lieu pour établir le diagnostic. Chaque cas est discuté par trois médecins cardiologues spécialisés en HTA, un chirurgien vasculaire et deux radiologues.
Diagnostic différentiel
La première difficulté lors de la suspicion d’une dysplasie est d’affirmer le diagnostic. Dans les cas les plus fréquents de dysplasie fibromusculaire multifocale, l’aspect en “collier de perles” ou de “perles enfilées” est pratiquement pathognomonique de DFM médiale. Toutefois, on a décrit des aspects de sténose multifocale au cours de l’intoxication par les sympathomimétiques et les dérivés de l’ergot de seigle. Les antécédents de prise de ces agents vasoconstricteurs orientent le diagnostic. Une hypoplasie congénitale de l’aorte peut être associée à des sténoses des artères rénales avec, dans certains cas, la mise en évidence de lésions similaires à celles observées dans la DFM de type
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Encadré Critères diagnostiques de sévérité d’une sténose athéromateuse de l’artère rénale > 60 % en réduction de diamètre Vélocités systoliques > 200 cm/sec Rapport aorto/rénal > 3,5 Rapport réno/rénal > 2,7 IR < 0,45 TAS > 100 ms Vélocités moyennes constatées au centre de compétence de Marseille avant décision d’angioplastie (34 patients) : Vélocités systoliques = 320 cm/sec Rapport réno/aortique = 4,2
médial à l’examen histologique de l’aorte et/ou de l’artère rénale. Le diagnostic différentiel repose sur l’atteinte aortique. Il est, dans certains cas, difficile d’établir un diagnostic de dysplasie fibromusculaire avec certitude, en dehors des formes médiales typiques, la maladie étant par définition non inflammatoire, les formes intimales peuvent ressembler à d’autres étiologies. C’est le cas de la dysplasie fibromusculaire unifocale. Le premier diagnostic différentiel d’une DFM unifocale proximale est la sténose athéroscléreuse. Les éléments cliniques, l’âge, l’absence de facteurs de risque ou de plaques d’athérosclérose sont souvent déterminants. En cas d’athérome précoce, cette évidence disparaît. Une sténose rénale focale peut être également liée à d’autres étiologies : une artérite de Takayasu, une compression diaphragmatique, une sténose radique de l’artère rénale (13), un syndrome d’Ehlers-Danlos, un syndrome de Marfan, un syndrome d’Alport ou encore une médiolyse artérielle segmentaire (on peut retrouver dans ce cas un aspect d’anévrismes fusiformes multiples associés orientant vers la médiolyse). Parfois on observe
Figure 7 – Dysplasie médiale de l’artère rénale droite. Réglages spécifiques en Doppler énergie directionnel permettant d’apprécier l’anatomie de l’artère et l’aspect en collier de perles (F.Silhol).
Figure 8 – Repérage échographique avant angioplastie. La zone la plus serrée d’une dysplasie de l’artère rénale droite est à 37 mm de l’ostium. Noter le réglage spécifique échographique avec des PRF à 77 cm/ sec, le gain à 53 %, les filtres hauts (F. Silhol).
des lésions artérielles focales lors d’un phéochromocytome. La multitude de ces diagnostics différentiels témoigne plus d’une communauté d’expression que d’une origine identique de ces entités. Mais, là encore, l’évidence de cette simplicité énoncée
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La dysplasie fibromusculaire
Figure 9 – Kit de revascularisation DFM. Le repérage des vélocités Doppler est noté pour le radiologue interventionnel (J.-M. Bartoli, F.Silhol, CHU Timone, Marseille).
Figure 10 – Contrôle écho-Doppler après angioplastie. Noter les vélocités à 233 cm/sec au niveau de la zone dilatée, correspondant à un bon résultat (Échographie Serge Cohen, CHU Timone).
se heurte aux connaissances que nous avons de formes communes, associées et frontières. Néanmoins, concernant les dissections et les anévrismes isolés, en l’absence d’atteinte associée dans un autre territoire évoquant une DFM, il n’est pas possible de retenir avec certitude le diagnostic de la maladie. Il faut alors rechercher d’autres territoires atteints, des antécédents, une histoire familiale, qui sont susceptibles d’orienter le diagnostic. La présence de tortuosités artérielles, fréquentes en cas de dysplasie, a été décrite dans les registres de suivi. Enfin, la
présence d’anomalies géniques ou chromosomiques permet parfois d’établir un diagnostic différentiel.
Prise en charge des sténoses dysplasiques des artères rénales
Le dépistage de la dysplasie est le plus souvent réalisé par échoDoppler. Son diagnostic est établi par angioscanner. L’ARM peut également être utilisée. Ces examens échouent cependant à estimer le degré de sténose. Le degré de sténose est évalué par
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écho-Doppler. C’est essentiellement cet examen qui, dans notre centre, indique ou non la revascularisation d’une sténose. L’utilisation d’un réglage échographique spécifique pour la dysplasie est une aide précieuse. Compte tenu des vélocités, en général plus élevées que dans les artères rénales normales et même en cas de sténose athéromateuse, l’augmentation des PRF de base, la baisse du gain, l’utilisation du Doppler énergie directionnel sont préférables. En l’absence de critères validés à l’écho-Doppler, l’évaluation du degré de sténose dépend largement de l’expérience acquise par l’opérateur. Aux critères vélocimétriques qui dépassent largement ceux validés pour les sténoses athéromateuses, il faut prendre en compte de nombreux facteurs, notamment la sévérité de l’HTA, la fonction rénale, l’aspect angioscanner. Il ne s’agit bien entendu pas de valeurs de référence ou même d’un consensus d’experts mais du recueil des valeurs de notre centre, constatées avant angioplastie. Parmi les critères associés, la présence d’un coup de râpe acoustique témoignant de turbulences constitue un critère, certes subjectif, mais d’importance pour le diagnostic. Il n’est pas rare d’observer après
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angioplastie des vélocités > 200 cm/ sec avec un excellent résultat sur la PA ce qui nous conforte dans l’utilisation de vélocités Doppler plus élevées dans le diagnostic de sévérité d’une sténose dysplasique. Malgré ce que l’on peut croire, le pourcentage de guérison de l’HTA après revascularisation est inférieur à 50 %. Il est nécessaire d’informer les patients du pourcentage de succès de la procédure, des risques de dissection, des conversions chirurgicales parfois nécessaires. Lorsque la sténose ne semble pas serrée, un traitement médical de l’HTA est préférable à l’intervention. Dans la plupart des procédures endovasculaires concernant les sténoses dysplasiques des artères rénales, la mise en place d’une endoprothèse n’est pas indiquée. Elle est même déconseillée en dehors des complications de la procédure compte tenu des risques de spasmes vasculaires sur stent qui ont été observés, conduisant parfois à une exérèse du stent par chirurgie. Le degré de sténose est souvent surestimé si l’on se base sur les critères écho-Doppler des sténoses athéromateuses, le risque étant alors de dilater des sténoses hémodynamiquement peu serrées, sans effet sur la pression artérielle. Les dysplasies rénales pouvant se présenter de façon très complexe, le repérage de la portion la plus serrée de l’artère est important pour le radiologue interventionnel. Un repérage écho-Doppler, avec mesure de la zone la plus serrée de la dysplasie et son repérage par rapport à l’ostium de l’artère est essentiel. On regroupe toutes les informations, notamment celles émanant de l’écho-Doppler, mais aussi de la MAPA et de l’évaluation de la fonction rénale, en un “kit de revascularisation DFM” faisant le lien entre
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le clinicien, l’échographiste et le radiologue interventionnel. Celui-ci va réaliser durant l’intervention la mesure d’un gradient de pression. Il ne s’agit là que d’une dernière confirmation avant angioplastie, l’angiographie n’étant pas utilisée à des fins diagnostiques compte tenu des risques liés à la méthode, notamment dans cette population. Après l’intervention, un contrôle clinique, échographique et biologique est réalisé systématiquement dans le centre d’HTA à 48 h, 1 mois, 3 mois, 6 mois puis annuellement.
Les formes anévrismales
L’évaluation des anévrismes des artères rénales est souvent meilleure par angioscanner que par écho-Doppler. Il faut rappeler que l’évaluation par les ultrasons requiert une adaptation des réglages, centrée cette fois sur la présence de flux lents avec en particulier la nécessité de réduire la PRF en Doppler couleur ou puissance.
Figure 11, 12 et 13 – Correspondance angioscanner et échographie d’un anévrisme de l’artère rénale gauche. J.-M. Bartoli (angioscanner), F. Silhol et G.
Pronostic des patients atteints de dysplasie
Le pronostic des patients n’est pas connu. Le protocole national Profile permettra probablement de répondre à cette question. Dans la série de J. Olin (NY) aux États-Unis, on relève, au cours du suivi des patients ayant une DFM, 13,4 % d’AIT et 9,8 % d’AVC.
Dépistage de la dysplasie sur les autres territoires vasculaires
Si elle touche préférentiellement les artères rénales, la DFM concerne à égalité de fréquence
Sarlon Bartoli (échographie), CHU Timone Marseille.
les artères carotidiennes et potentiellement toutes les artères de moyen calibre : artères viscérales et artères des membres. Il n’y a pas de consensus concernant la recherche de dysplasie dans un territoire asymptomatique. Il paraît raisonnable de réaliser après la découverte d’une DFM des artères rénales, un angioscanner cérébral avec évaluation des troncs supra-aortiques et des artères intracrâniennes ainsi qu’une recherche de dysplasie des branches de l’aorte abdominale, artères viscérales et artères iliaques, leur découverte pouvant modifier la prise en charge du patient.
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La dysplasie fibromusculaire
La découverte d’une DFM des TSA entraînera un bilan d’extension identique de la maladie. En définitive, tout patient vu pour une DFM aura un angioscanner des territoires carotidiens, rénaux et des branches de l’aorte, artères iliaques incluses. Devant la découverte d’un anévrisme cérébral, un avis multidisciplinaire décidera de la conduite à tenir au cas par cas en l’absence de recommandations établies.
Recherche d’une dysplasie fibromusculaire familiale
La prévalence des atteintes vasculaires dans les familles de patients atteints de DFM (en dehors des seuls cas de DFM familiale) est très élevée chez les collatéraux des premier et second degrés. On note des antécédents familiaux d’AVC (plus de 50 %), d’anévrysmes (plus de 20 %) chez les collatéraux et des morts subites
dans près de 20 % des cas alors que le diagnostic d’une DFM chez un autre membre de la famille n’est établie que dans 7 % des cas. Ces chiffres soulignent d’une part la sévérité de la maladie et d’autre part la probable sous-évaluation diagnostique de la maladie dans les familles de DFM et la population générale. Selon les recommandations HAS, “il est recommandé d’interroger un patient ayant une DFM sur la présence d’une HTA précoce, d’antécédents de dissection, d’anévrisme ou d’hémorragie cérébrale chez ses apparentés du premier degré. Le patient peut alors informer les apparentés concernés de la possibilité d’une DFM familiale”. Dans le cadre des services spécialisés et de protocoles de recherche, nous effectuons une recherche familiale de DFM chez les collatéraux du premier degré qui le souhaitent, l’information étant donnée par le patient à sa famille. La lecture du Protocole national de diagnostic
et de soins de la dysplasie fibromusculaire (téléchargeable sur www.has-sante.fr) sera une aide précieuse pour le médecin désirant approfondir la prise en charge de ses patients.
Conclusion
La dysplasie fibromusculaire est une maladie vasculaire rare dont l’étiologie, l’évaluation et le pronostic sont encore mal connus et en cours de codification. L’objectif du praticien sera d’explorer les patients, de préciser la sévérité et le pronostic de leurs lésions, d’explorer leur famille et d’assurer un suivi en collaboration avec les centres spécialisés. Cela permettra, au travers du registre national et des études prospectives, d’améliorer la compréhension de cette pathologie, sa prise en charge et le pronostic des patients et de leurs familles. n
Mots-clés : Hypertension artérielle, Sténose artère rénale, Dysplasie fibromusculaire
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