Ca59 complet

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CARDINALE CARDIOLOGIE

R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e

d www.cardinale.fr

Anticoagulants oraux directs Dans l’anticoagulation des patients porteurs de fibrillation atriale non valvulaire, les anticoagulants oraux directs font maintenant partie du quotidien du cardiologue. Découvrez comment bien les utiliser… mise au point

recommandations

échos des Congrès

Comment bien évaluer les fuites mitrales primaires ?

Cardiomyopathie hypertrophique : stratification du risque de mort subite

Journées de l’hypertension artérielle : à retenir

page 168

page 176

page 163 en pratique

cas clinique

profession

Sel et hypertension artérielle : données issues des études et recommandations

Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol

Prescription médicale hors AMM : nouvel encadrement juridique

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Décembre 2013 • Volume 7 • n° 59 • 9 E


éditorial

2014, l’année du changement ?

I

l est de tradition, à chaque nouvelle année, d’invoquer les changements à venir comme si du passé il fallait faire table rase et comme si, d’un coup de baguette magique, tout allait enfin changer. Dans cet exercice, il faut bien le dire, nos politiques n Serge sont passés maîtres. Il n’est bien Kownator sûr pas question d’aborder ici la politique et le propos reste évidemment cardiologique. Le changement, tout aussi fantastique que cela puisse être, n’est pas la réussite de la première implantation, chez l’Homme, d’un cœur artificiel. Le recours en pratique à ce type d’intervention n’est pas encore d’actualité. Non, le changement pourrait venir de deux recommandations très récemment publiées outre-Atlantique. La première

risquerait d’augmenter sérieusement le nombre de personnes traitées en prévention primaire. Ces guidelines ont fait l’objet de débats qui ne devraient pas s’arrêter là, elles sont américaines bien sûr, non européennes, encore moins françaises, ouf diront certains ! Autres recommandations, encore plus récentes, celles très attendues du JNC 8 sur la prise en charge de l’HTA. Elles sont synthétisées en 9 points, nous aurons l’occasion d’y revenir dans Cardinale, mais dès à présent on peut souligner la nouveauté, le seuil de pression systolique cible à retenir pour les sujets de plus de 60 ans est de 150 mmHg, c’est une sorte de révolution. Pour les sujets plus jeunes, 18 à 59 ans, diabétiques et insuffisants rénaux compris, la cible est unique à 140 mmHg avec comme seuil essentiel de déclenchement du traitement, une pression diastolique > 90 mmHg. Là encore, discordance entre les deux

Il est de tradition, à chaque nouvelle année, d’invoquer les changements à venir comme si du passé il fallait faire table rase. porte sur la prise en charge des dyslipidémies et bouscule complètement les principes de prise en charge généralement admis. Exit les seuils cibles de LDL cholestérol. On traiterait, selon ces recommandations, sur la seule base des études randomisées ou des méta-analyses publiées, le niveau de risque, en utilisant les statines et elles seules. Le but ? Une baisse d’au moins 50 % du LDL cholestérol en cas de haut risque, 30 à 50 % pour les niveaux de risque moins élevés. Qui plus est, il serait recommandé de traiter par statines tous les sujets entre 40 et 75 ans dont le niveau de risque à 10 ans, estimé avec un nouveau calculateur, dépasserait 7,5 %. Pour du changement, voilà un changement qui

côtés de l’Atlantique dont il faudra trancher. Voilà donc des changements qui pourraient s’annoncer si tant est qu’on adhère ou non à ces nouveaux principes. Changement à venir également et non des moindres, le rôle de plus en plus important que pourrait jouer la téléphonie mobile pour le suivi des patients. Selon Price Waterhouse Coopers, elle pourrait, à l’horizon 2017, entraîner une économie de 11,5 milliards d’euros en France (93 milliards en Europe) ! Que ferons-nous de cette manne financière ? En attendant tous ces changements, cet éditorial est l’occasion de vous souhaiter à toutes et tous une excellente année 2014 ! n


sommaire

CARDINALE CARDIOLOGIE

R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Rédacteur en chef : Dr Serge Kownator Rédacteurs en chef adjoints : Pr Victor Aboyans, Dr Stéphane Cosson Directrice de la Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Directrice de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette & illustration : Nathalie Lyon-Caen, Élodie Lelong • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : ­Imprimerie de Compiègne – 2, avenue Berthelot – ZAC de Mercières – BP 60524 – 60205 Compiègne cedex Comité de lecture Dr Walid Amara (Montfermeil) • Dr Pierre Attali (Strasbourg) • Pr François Carré (Rennes) • Dr Gabriel Choukroun (Amiens) • Dr Serge Cohen (Marseille) • Pr Geneviève Derumeaux (Lyon) • Dr François Diévart (Dunkerque) • Dr Jean-Jacques Domerego (Nice) • Dr Alain Ducardonnet (Paris) • Dr Meyer Elbaz (Toulouse) • Pr Michel Farnier (Dijon) • Pr Alain Grynberg (Jouy-en-Josas) • Pr Daniel Herpin (Poitiers) • Dr Jean-Pierre Houppe (Thionville) • Dr Patrick Jourdain (Pontoise) • Pr Christophe Leclercq (Rennes) • Dr François Luizy (Paris) • Dr Marie-Christine Malergue (Paris) • Dr Emmanuel Messas (Paris) • Dr François Philippe (Paris) • Dr Pascal Poncelet (Lille) • Dr Naïma Rahmoun (Oran) • Dr Gilles Traisnel (Lille) • Dr Olivier Varenne (Paris) • Dr Stéphane Zuily (Nancy)

Décembre 2013 • Vol. 7 • N° 59

www.cardinale.fr

n Éditorial n thérapeutique Les NACO (ou AOD) En pratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 158

Jean-Marc Davy, François Roubille, Frédéric Cransac, Sarah Thomann, Thien Tri Cung (Montpellier)

n recommandations Cardiomyopathie hypertrophique La stratification du risque de mort subite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 163 Najmeddine Echahidi (Limoges)

n Mise au point

Évaluation des fuites mitrales primaires Les pièges à éviter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 168

Marie-Christine Malergue (Paris)

n cas clinique

Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol À propos d’un cas et revue de la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 173

Marouane Belarbi, Ayoub Khanoussi, Adil Adnouni, Fouad El mazani, Charifa Alaoui, Mariam Chettati, Mohamed Naciri, Wafae Fadili, Inass Laouad (Marrakech)

Comité scientifique Pr Michel Bertrand (Lille) • Pr Jean-Pierre Bourdarias (Boulogne) • Pr Jean-Paul Broustet (Bordeaux) • Pr Christian Cabrol (Paris) • Pr Alain Cribier (Rouen) • Pr Vincent Dor (Monaco) • Dr Jean Fajadet (Toulouse) • Dr Guy Fontaine (Paris) • Pr Gilbert Habib (Marseille) • Pr Samuel Lévy (Marseille) • Dr François Luizy† (Paris) • Pr Jean Marco (Toulouse) • Dr Jean-Baptiste Michel (Paris) • Pr Philippe Gabriel Steg (Paris) • Pr Paul Touboul (Lyon) • Pr Bernard Belhassen (Tel-Aviv) Cardiologie Cardinale est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : cardinale@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1960-1646 N° de Commission paritaire : 0115 T 89308 Prix au numéro : 9 e. Mensuel : 10 numéros par an.

n échos des congrès

Journées de l’hypertension artérielle À retenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 176

Pierre Attali (Strasbourg)

n en pratique

Sel et hypertension artérielle Données issues des études et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 180 Béatrice Bouhanick, Bernard Chamontin (Toulouse)

n profession La prescription médicale hors AMM Nouvel encadrement juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 186

Benjamin Attali (Strasbourg)

n Dessin du mois (Jean-Philippe Kevorkian) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Index Cardiologie Cardinale 2013 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les articles de “Cardiologie Cardinale” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photos de couverture : © Sebastian Kaulitzki - Stocklib

p. 172 p. 179 p. 188 p. 189


Thérapeutique

LES NACO (ou AOD) En pratique

Jean-Marc Davy, François Roubille, Frédéric Cransac, Sarah Thomann, Thien Tri Cung (Département de Cardiologie et Maladies Vasculaires, CHU de Montpellier, jm-davy@chu-montpellier.fr)

Introduction

Quand prescrire un AOD : en 1re intention ou chez les patients déjà traités par AVK ?

La première règle est bien entendu de respecter les contre-indications qui sont actuellement : • l’insuffisance rénale sévère avec une clairance de la créatinine < 30 ml par minute ; • les fibrillations atriales chez les patients porteurs de prothèse valvulaire mécanique ou de rétrécissement mitral hémodynamique. Mais ensuite ? La 1re intention est très probablement la place de choix. C’est la pratique quotidienne, en raison de la simplicité d’instauration du traitement, à la fois pour le médecin et pour le patient. C’est aussi

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largement étayé par les études qui confirment l’excès de risque à la fois hémorragique et thrombotique dans les 3 à 6 mois suivant l’instauration d’un traitement antivitamine K, correspondant à la période d’équilibration de l’INR (concept de patients “naïfs”). C’est la justification de la recommandation européenne qui met clairement en classe IIa (indication “raisonnable”) la préférence pour ces anticoagulants oraux directs chez tous les patients qui peuvent en bénéficier. Pourtant, les mêmes recommandations mettent en classe I (indication “recommandée”) le choix de ces anticoagulants, à la place des antivitamines K, “chez les patients dont l’équilibration de l’INR est difficile ou qui ont présenté des

© Sebastian Kaulitzki - Stocklib

Dans l’anticoagulation des patients porteurs de fibrillation atriale non valvulaire (FANV), les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) font maintenant partie du quotidien du cardiologue. Pour les trois médicaments actuellement commercialisés en France (dabigatran, rivaroxaban et apixaban), les études datent de 2009 pour la plus ancienne, puis 2010 et 2011, et ces études ont permis de définir les libellés des autorisations de mise sur le marché (AMM), qui, sans être identiques, sont très similaires. La confirmation de la place de ces médicaments dans la prévention du risque thrombotique de la fibrillation atriale est venue des recommandations internationales : recommandations européennes de 2010, puis 2012, mais aussi américaines et canadiennes.

effets secondaires sous AVK”. Ceci ne veut pas dire que la 2e intention est en classe I, mais souligne deux évidences, qui peuvent en fait être très trompeuses : • si les effets secondaires sont des accidents hémorragiques, la décision est difficile, les deux classes thérapeutiques ayant un risque hémorragique similaire (cf. infra) ; • si l’INR est instable, il faut toujours se méfier d’un souci d’observance méconnu qui sera lui aussi rencontré sous AOD (cf. infra). Enfin, le document publié en septembre 2013 par la HAS rappelant que les antivitamines K sont la référence (historique), et que les anticoagulants oraux directs sont une alternative (nouvelle), ne signifie pas que les antivitamines K doivent être réservés à la première

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LES NACO (ou AOD)

intention, car le libellé de l’AMM est clair pour les trois médicaments qui ont bien sûr l’indication de première intention. En revanche, tous les experts s’accordent sur l’absence de justification scientifique pour proposer un remplacement par AOD chez tous les patients bien équilibrés sous antivitamines K, et qui sont non demandeurs.

Comment initier la prescription d’un AOD ?

L’évaluation de la fonction rénale est fondamentale car c’est elle qui détermine la posologie et c’est un des bénéfices des AOD : la posologie peut effectivement être fixe, grâce à une pharmacocinétique beaucoup plus prévisible, et en raison du mécanisme d’action directe sur la protéine de la coagulation activée

cripteur, dès l’initiation d’un traitement anticoagulant quel qu’il soit. C’est particulièrement important dans le cadre des AOD, car il ne faut pas que la facilité de la prise médicamenteuse entraîne une banalisation de ces médicaments qui ont la même importance que les vitamines K, car très efficaces (65 % de réduction du risque thrombotique, et donc indispensables) mais aussi potentiellement dangereux en raison du risque hémorragique (3 à 4 % par an d’hémorragies majeures, nécessitant hospitalisations ou transfusions). Les éléments à évoquer avec le patient sont toujours : • la notion de fibrillation atriale, de risque thrombotique et d’accident vasculaire cérébral, avec les symptômes annonciateurs ; • la gestion du médicament au quotidien, avec l’heure de la prise, au cours ou en dehors des repas, la gestion de l’oubli d’un comprimé, et

Très probablement ce terme anticoagulant oral direct (AOD) doit être préféré à celui de nouveaux anticoagulants oraux (NACO) qui devient de plus en plus obsolète. (IIa ou Xa). En pratique, chez les patients de moins de 75 ans, sans comorbidités marquées, chez qui on peut espérer une fonction rénale normale, la prescription d’AOD est faite d’emblée, à la dose normale, mais simultanément sont prescrites une biologie rénale et une biologie hématologique (numération et plaquettes). Pour les autres patients, chez qui la fonction rénale n’est pas présumée totalement normale, il faudra attendre les résultats de ces contrôles biologiques avant de proposer la prescription d’un AOD. Le deuxième point, tout aussi fondamental, est le temps consacré à l’information thérapeutique. C’est une obligation de bonne pratique pour tout professionnel de santé, et a fortiori pour le médecin pres-

les règles en cas de coprescription ; • les signes annonciateurs d’hémorragie avec les ecchymoses, les hématuries, les selles noires, la pâleur, l’asthénie. Ces trois points sont schématiquement résumés dans la carte de porteur de traitement anticoagulant oral qu’il faut remettre au patient systématiquement. Enfin, dans le contexte médiatique actuel, si le patient manifeste la moindre réticence, il faut respecter immédiatement son choix plutôt que de risquer une mauvaise observance.

Quand faut-il utiliser la dose réduite ?

Pour ces médicaments il existe deux doses, une dose normale et

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une dose réduite, qui équivaut à 3/4 de la dose normale pour le dabigatran (73 %) et le rivaroxaban (75 %) mais uniquement 50 % de la dose normale pour l’apixaban. Les libellés pour les deux premiers sont pourtant assez complexes quand ils sont analysés dans le détail, distinguant les cas où la dose réduite est impérative, conseillée, ou simplement à discuter. Le libellé concernant l’âge est par exemple différent, avec une dose réduite impérative au-delà de 80 ans et à discuter au-delà de 75 ans pour le dabigatran, et avec aucune réduction de dose chez le sujet âgé pour le rivaroxaban. Dans la pratique quotidienne, il est nécessaire d’être plus simple et de proposer la dose réduite : • chez tous les patients après 80 ans ; • dès que la clairance de la créatinine est inférieure à 50 ml par minute ; • dès qu’il existe des antécédents hémorragiques significatifs, des antécédents gastriques ou des risques de chutes ou de traumatismes en raison de troubles cognitifs ; • en cas de coprescriptions médicamenteuses : l’aspirine, les anti-inflammatoires, certains médicaments cardiovasculaires (amiodarone, vérapamil), antibiotiques, ou antiviraux ou antifongiques. Pour le troisième, l’apixaban, la gestion de la dose réduite sera sans doute un peu différente, car il faudra analyser trois critères (clairance rénale, mais aussi poids et âge) et proposer cette dose quand deux des trois critères seront présents. La dose réduite est en effet nettement plus faible et ne devra être rencontrée que dans un petit nombre de patients sous apixaban, ce qui correspond d’ailleurs aux études cliniques.

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Thérapeutique

Existe-t-il une limite pour l’âge ?

Il n’y a pas de limite pour l’âge, tant que la fonction rénale l’autorise. Certes, il existe des interrogations, car la proportion de patients très âgés retrouvée dans les études était relativement faible, mais il existe beaucoup de réponses positives : • si le risque hémorragique augmente indiscutablement avec l’âge, le risque thrombotique augmente lui aussi, et le bénéfice net du traitement anticoagulant est largement présent pour les octogénaires ; • dans les trois libellés d’AMM, l’âge lui-même est explicitement une indication ; • même si le pourcentage de sujets très âgés était faible comme pour toutes les études cliniques, il est tout à fait conséquent en nombre absolu dans le cas particulier des AOD, vu la taille des études cliniques (> 80 000 patients avec FA à risque) ; • si l’observance est une préoccupation chez tout patient, chez les patients à partir d’un certain âge, la présence des aidants (famille, infirmière) sécurise certainement l’observance. L’utilisation de la dose réduite doit par contre être systématique après 80 ans, pour le dabigatran comme pour les deux autres AOD.

Existe-t-il des patients contre-indiqués pour les AVK qui sont une indication des AOD ?

Non. Malgré la facilité de prescription, il n’y a aucune raison scientifique à étendre les indications. Seuls les patients qui justifient un traitement anticoagulant oral par AVK peuvent justifier d’un traitement par AOD. Les patients dont le score de risque CHADS VASC est égal à zéro, qui sont sans indication d’AVK, sont toujours contre-indiqués au traitement anticoagulant. De même, les pa 160

tients chez qui le risque hémorragique est trop important, pour qui le traitement antivitamines K a été refusé, constituent toujours une contre-indication formelle à l’utilisation de ces AOD. Dans les deux cas, la balance bénéfices/ risques est défavorable, soit parce que le risque hémorragique est majeur, soit parce que le risque ischémique est minine, et ceci doit toujours être expliqué au patient. En pratique : • les contre-indications des antivitamines K restent des contre-indications pour les AOD ; • il n’y a aucune indication supplémentaire malgré la facilité de prescription.

Existe-t-il des patients indiqués pour les AVK qui sont contreindiqués pour les AOD ?

Oui. Les trois contre-indications aux AOD ont déjà été rappelées, et elles sont actuellement : • l’insuffisance rénale sévère avec une clairance de la créatinine < 30 ml par minute ; • les patients porteurs de prothèse valvulaire mécanique ; • le rétrécissement mitral hémodynamique. Mais des commentaires sont ici nécessaires. • Concernant l’insuffisance rénale sévère, les antivitamines K ont l’avantage du suivi biologique. Mais la balance bénéfices/risques chez les patients avec une insuffisance rénale sévère ou en hémodialyse est très discutée pour les antivitamines K. Le risque thrombotique, comme le risque hémorragique, augmente en effet en présence d’insuffisance rénale. • Concernant les prothèses valvulaires mécaniques, la contre-indication est actuellement formelle,

surtout depuis la publication des résultats de l’étude RE ALIGN en novembre 2013. En revanche, ces médicaments peuvent être utilisés normalement chez les patients avec une bioprothèse valvulaire. Dans le rétrécissement mitral hémodynamique, qui constitue une indication très ancienne des antivitamines K, ces médicaments sont effectivement contre-indiqués. Pour les autres valvulopathies, ils peuvent être utilisés de façon normale, et le terme de fibrillation atriale non valvulaire est finalement inadapté.

Comment utiliser les antiplaquettaires chez les coronariens avec FA ?

C’est certainement l’une des questions les plus complexes, où les réponses ne sont pas définitives, car l’apparition de ces nouveaux anticoagulants a coïncidé avec l’apparition de nouveaux antiplaquettaires et de nouvelles endoprothèses coronaires permettant de réduire la durée de l’obligation d’une double antiagrégation. Cette complexité se traduit dans les recommandations, complexes, détaillées et qui souvent ne sont pas similaires entre rythmologues et coronarographistes. Des messages simples doivent être rappelés. • C’est un problème fréquent, les patients coronariens représentant 20 à 30 % des patients des registres ou des études sur la fibrillation atriale. • L’association d’un traitement anticoagulant et d’un traitement antiplaquettaire augmente le risque hémorragique de 60 %, et le traitement triple (anticoagulant et double traitement antiplaquettaire) augmente le risque hémorragique de 200 %. Chaque fois que l’on prescrit ces associations, il faut donc s’assurer

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LES NACO (ou AOD)

que la balance bénéfices/risques reste positive qu’il s’agisse du risque coronarien ou du risque embolique cérébral. Chez les patients dont la fibrillation atriale est connue, et chez qui une endoprothèse coronaire est nécessaire, il faut dans tous les cas privilégier si possible une endoprothèse non active. Le double traitement antiplaquettaire garde une place dans la prévention du risque embolique cérébral de la fibrillation atriale, malgré un risque hémorragique significatif (études ACTIVE). Au total, il faudra si possible : • un an après l’épisode coronarien, préférer le seul traitement anticoagulant (AOD ou AVK) dans la majorité des cas, réservant l’association avec un antiplaquettaire au patient coronarien difficile ; • dans les 12 mois qui suivent l’accident coronarien les décisions sont plus délicates mais en pratique il faut réduire autant que possible la durée d’une double thérapie antiplaquettaire, à 1 mois après une endoprothèse coronaire passive et à 3 mois après une endoprothèse coronaire active ; • ne pas utiliser de traitement anticoagulant (AOD ni AVK) pendant cette période de quelques mois en privilégiant alors le risque coronarien ; • ne réserver le traitement triple qu’aux patients qui ont à la fois un risque coronarien et un risque embolique cérébral élevé. Enfin, en l’absence de données, l’utilisation des AOD en association avec les nouveaux antiplaquettaires (ticagrélor, prasugrel) est contre-indiquée.

Comment adapter le traitement après un accident hémorragique ?

La conduite à tenir face à un acci-

dent hémorragique a été l’occasion de recommandations spécifiques du Groupe d’Étude de l’Hémostase, qui ne seront pas rappelées ici. En revanche, le problème fréquemment rencontré en consultation est celui de la survenue de divers incidents ou accidents hémorragiques, rapportés soit par le patient soit par son médecin généraliste. Certains patients décrivent de façon plus fréquente des épistaxis, ou des gingivorragies, ou au contraire d’autres patients signalent des ecchymoses moins fréquentes depuis qu’ils ont ces nouveaux traitements AOD. Le suivi biologique n’étant pas nécessaire, et n’étant de toute façon pas documenté (pas de relation connue entre taux sanguin et efficacité antithrombotique ou risque hémorragique), que fautil faire, chez des patients (ou des médecins) souvent inquiets vu l’absence de l’INR ? Il faut d’abord rappeler que : • même si il est équivalent à celui des antivitamines K, le risque hémorragique de ces nouveaux traitements touche sans doute les divers territoires et viscères de façon différente : très certainement beaucoup moindre au niveau cérébral et intracrânien, mais peutêtre plus important au niveau des muqueuses ou du tube digestif. Il est probable qu’un unique effet anti-IIa, ou anti-Xa, ou des effets multiples anti-vitK (II, V, VII et X), comportent des conséquences différentes sur l’hémostase. • Pour un seul traitement AOD, le dabigatran, la dose réduite a été évaluée chez tout patient, montrant ainsi une diminution du risque hémorragique, tout en gardant un bénéfice satisfaisant sur le risque embolique. Au contraire, pour les deux autres médicaments, la dose réduite n’a été documentée que sur une fraction de la population, et on ignore

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son efficacité chez les patients à fonction rénale normale. En pratique : • pour les hémorragies minimes, il faut rassurer le patient. Des épistaxis répétés, unilatéraux, pourront aussi justifier une cautérisation ; • pour les hémorragies plus significatives, il faut proposer la dose réduite d’AOD si les patients étaient sous posologie normale, mais sans doute les AVK si les patients étaient déjà sous posologie réduite, même si ce choix d’un changement n’est pas documenté ; • pour les hémorragies plus importantes, ayant nécessité une hospitalisation, très souvent le traitement par anticoagulant direct sera aussi arrêté, en faveur des AVK ; • enfin, si le patient est réticent à poursuivre le traitement AOD, il faut bien entendu toujours lui proposer un traitement antivitamines K et éviter ainsi tout risque de mauvaise observance.

Comment arrêter les AOD en cas de gestes invasifs, endoscopie, biopsie, ou chirurgie ?

C’est une question fréquemment posée, souvent vécue avec angoisse par les patients ou le médecin traitant, alors que paradoxalement l’action rapide et brève de ces anticoagulants rend la réalisation pratique de ces gestes beaucoup plus facile. Il est sûr que les recommandations présentes dans les libellés AMM sont complexes, avec un nombre de jours d’arrêt variable selon la fonction rénale, et selon le risque hémorragique que présente le geste ou la chirurgie. De son côté, le Groupe d’Études sur l’Hémostase a proposé des recommandations différentes, uniformisant à 5 jours l’arrêt pour tout patient devant subir une

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Thérapeutique

chirurgie majeure, quelle que soit la fonction rénale. Les experts reconnaissent qu’il s’agit en fait d’un principe de précaution, recommandé tant que ces médicaments ne sont pas trop connus et maîtrisés. En effet, en pratique, il faut seulement considérer que ces traitements AOD sont équivalents à des héparines à bas poids moléculaire administrées par voie orale. Les demi-vies brèves, et l’absence de contrôle biologique, sont effectivement très semblables. • Pour tous les patients devant subir une chirurgie majeure, avec une consultation préanesthésique obligatoire, le plus simple actuellement est cette règle de 5 jours d’arrêt. Aucun relais par voie parentérale ne doit être proposé. • Ce n’est que les patients à haut risque embolique associé à la fibrillation atriale qui bénéficieront d’un relais par voie parentérale, par exemple en cas d’accidents vasculaires cérébraux emboliques datant

*Bulletin d’abonnement en page 179 162

de moins de 6 mois. • Pour les patients devant subir une simple endoscopie, ponction diagnostique, infiltration, ou gestes dentaires, il faut proposer un arrêt du traitement la veille du geste, permettant la réalisation de ce geste en toute sécurité. • La reprise du traitement sera très rapide, dès le soir de l’intervention.

La surveillance au long cours

Au total, la surveillance au long cours de ces AOD est particulièrement simple, dès lors que ces diverses considérations ont été prises en compte. Le cardiologue doit cependant être vigilant sur trois points : • la surveillance régulière de la fonction rénale, en pratique tous les 6 mois (comme la TSH pour l’amiodarone), mais ceci ne présente en routine aucune difficulté chez des patients qui ont d’autres patholo-

gies, un diabète, une hypertension artérielle, une insuffisance cardiaque ; • la sensibilité à toutes les questions associées à ces nouveaux traitements anticoagulants, en apportant des réponses précises aux demandes des confrères notamment généralistes (colligées même dans le courrier par exemple) ou aux questions récurrentes que les patients nous posent dans le contexte médiatique actuel ; • une vigilance rigoureuse par rapport au plan de gestion du risque actuellement en cours, en rapportant systématiquement à l’ANSM les divers effets secondaires, hémorragies graves ou symptômes inhabituels. n

Mots-clés : NACO, AOD, Prescription

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Cardiomyopathie hypertrophique

La stratification du risque de mort subite Najmeddine Echahidi (Service Cardiologie, CHU Dupuytren, Limoges, najmeddine.echahidi@chu-limoges.fr)

Introduction La Cardiomyopathie Hypertrophique (CMH), maladie génétique à transmission autosomique dominante, est définie par une épaisseur pariétale du VG ≥ 15 mm (les valeurs de 13 à 14 mm sont considérées comme limites). Sa prévalence dans la population générale est de 0,2 %. La mort subite d’origine cardiaque (MSC), chez des patients non sélectionnés ayant une CMH, est légèrement inférieure à 1 %. Cependant, elle peut être la première manifestation de la maladie et frappe souvent le sujet jeune et l’athlète de compétition. Il est admis que la MSC est liée à la survenue d’arythmies ventriculaires, même si cela n’a, jusqu’à maintenant, pas été clairement prouvé. Le pronostic de la CMH est essentiellement lié au risque de survenue de la MSC, car les patients atteints de CMH sont souvent asymptomatiques et évoluent rarement vers l’insuffisance cardiaque.

L’

incidence élevée d’arythmies ventriculaires dans la CMH est généralement attribuée à la combinaison de plusieurs anomalies structurelles primaires dominées par la désorganisation cardiomyocytaire et la fibrose interstitielle, avec des facteurs déclenchant secondaires tels que l’ischémie myocardique, l’exercice physique intense, une chute de la pression artérielle, ainsi qu’un déséquilibre du système nerveux autonome. Mais il existe dans la CMH une importante hétérogénéité du substrat et des facteurs déclenchant rendant peu précise la valeur prédictive de tout modèle de stratification du risque. L’hétérogénéité des populations étudiées, le faible taux d’événements et les traitements pharmacologiques utilisés limitent également l’application des modèles de prédiction du risque.

De nombreux travaux réalisés au cours de la dernière décennie ont contribué à une meilleure compréhension du risque de survenue de la MSC et à l’identification du nombre (relativement faible) de patients devant bénéficier du défibrillateur automatique implantable (DAI), qui représente le seul traitement efficace pour la prévention de la MSC, l’approche pharmacologique (bétabloquant, verapamil, amiodarone, disopyramide) n’ayant pas démontré d’effet préventif de la MSC.

Stratification du risque de la MSC

En prévention secondaire, chez les patients ayant présenté un arrêt cardiaque récupéré, une fibrillation ventriculaire ou une tachycardie ventriculaire avec retentissement hémodynamique, l’implantation

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d’un DAI ne se discute pas, et est actuellement une recommandation de classe I (1), en raison du risque majeur de récidive. Mais, en prévention primaire, la décision n’est pas toujours facile et la stratification repose généralement sur la présence ou non de marqueurs non invasifs du risque de la MSC, issus majoritairement d’études observationnelles, chez des patients souvent cliniquement stables. Parmi les multiples facteurs de risque rapportés dans les études observationnelles (âge jeune, mutation de la troponine T, antécédents familiaux de mort subite, syncope, HVG sévère, gradient intraventriculaire gauche, tachycardie ventriculaire non soutenue [TVNS], dysfonction diastolique, réponse tensionnelle anormale à l’effort, ischémie myocardique, fibrose myocardique, FA…), six ont été identifiés comme facteurs de

163


Recommandations

Tableau 1 - Stratification du risque de mort subite. Recommandation

Grade

Niveau

Tous les patients ayant une CMH doivent bénéficier d’une évaluation complète du risque de mort subite dès l’évaluation initiale à la recherche des éléments suivants : – un antécédent personnel de FV, de TV soutenue ou de mort subite, y compris ayant recours à un défibrillateur implantable pour arythmie ventriculaire ; – un antécédent familial de mort subite y compris l’implantation d’un défibrillateur pour arythmie ventriculaire ; – une syncope inexpliquée ; – une TV non soutenue et documentée avec ≥ 3 complexes ventriculaires, ≥ 120 battements/ minute au Holter-ECG des vingt-quatre heures ; – une épaisseur maximale de la paroi ventriculaire gauche ≥ 30 mm.

I

B

Il est raisonnable d’évaluer la réponse de la pression artérielle durant l’effort pour la stratification du risque de mort subite chez les patients atteints de CMH.

IIa

B

La stratification du risque peut être raisonnablement réévaluée tous les 1 à 2 ans chez les patients à risque n’ayant pas reçu de DAI.

IIa

C

L’intérêt des marqueurs de risque suivants n’est pas clair mais peut être considéré chez les patients “limites” : – rehaussement tardif au gadolinium à l’IRM ; – double mutation ou mutations composées ; – obstruction importante de la CCVG.

IIb

C

L’exploration électrophysiologique ne doit pas être utilisée en routine pour évaluer le risque de mort subite.

risque majeurs, et trois peuvent être qualifiés de facteurs d’arbitrage décisionnels (décision de DAI ou pas) ou facteurs de risque mineurs. Le poids de tous ces facteurs de risque est d’autant plus important qu’ils sont identifiés chez des sujets jeunes. En effet, il a été rapporté que les arythmies ventriculaires malignes survenaient de manière prédominante entre l’âge de 11 et 20 ans (2). À noter cependant que leur prévalence est également importante chez les sujets de plus de 55 ans (2). Actuellement, la stratification du risque rythmique est basée principalement sur les recommandations de l’ACC/AHA de 2011 (1) concernant la prise en charge diagnostique et thérapeutique de la CMH. Elle doit être systématique lors de l’évaluation initiale (classe I) et répétée tous les 1 à 2 ans chez les patients à risque n’ayant pas bénéficié d’un DAI (classe IIa). Cette stratification (Tab. 1) comporte :

164

L’identification des facteurs de risque majeurs ❚❚En classe IB 1. Antécédent personnel de FV, de TV soutenue ou de MS, y compris ayant recours à un DAI pour arythmie ventriculaire. 2. Antécédent familial de mort subite y compris l’implantation d’un DAI pour arythmie ventriculaire. 3. Syncope inexpliquée de survenue récente. 4. TVNS documentée, ≥ 3 complexes ventriculaires, ≥ 120 bat/min au Holter-ECG des vingt-quatre heures. 5. Épaisseur maximale de la paroi ventriculaire gauche ≥ 30 mm. ❚❚En classe IIa B Une réponse tensionnelle anormale à l’effort (élévation de moins de 25 mmHg ou chute tensionnelle) surtout si symptomatique. La présence d’un de ces facteurs de risque indique une CMH à haut

IIb

C

IIb

B

III

C

risque de MSC, avec une recommandation Classe IB pour les quatre premiers, et classe IIa B pour la réponse tensionnelle à l’effort. Cependant, tous ces facteurs n’ont qu’une faible valeur prédictive positive (aux alentours de 20 %), mais une bonne valeur prédictive négative (entre 86 et 97 %). Il a été rapporté que l’association de ces facteurs de risque pouvait mieux prédire le risque de MSC, mais en fait d’autres travaux n’ont pas montré de différence en termes de survenue d’une 1re thérapie délivrée par le DAI que les patients aient été implantés en raison de la présence d’un, de deux ou même de plus de trois facteurs de risque (3).

L’identification des facteurs de risque mineurs ou dits “arbitres décisionnels” 1. Présence à l’IRM cardiaque d’un rehaussement tardif au gadolinium. Il existe actuellement un engouement quant à la recherche

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Cardiomyopathie hypertrophique

de ce facteur qui est le reflet de la fibrose myocardique. Sa présence a été associée au risque de progression de la maladie et de la MSC. La fibrose myocardique favoriserait l’instabilité électrique et il a été ainsi rapporté que les arythmies ventriculaires sur Holter rythmique étaient plus fréquentes en cas de présence d’un rehaussement tardif (4). Cependant, ce facteur ne peut être utilisé de manière isolée dans la stratification du risque car il est retrouvé chez plus de 70 % des patients ayant une CMH. 2. Présence d’une double mutation génétique ou d’une mutation composée. La stratification du risque basée sur la présence d’une mutation génétique sévère n’est pour le moment pas validée, en raison de l’importante hétérogénéité génétique de la CMH avec actuellement plus de 1 000 mu-

Figure 1 - Indications du DAI.

Tableau 2 - Sélection des patients pour le DAI. Recommandation

Grade

Niveau

La décision de l’implantation d’un DAI doit être fondée sur le jugement clinique, après discussion du rapport bénéfice/risque, en intégrant l’avis du patient.

I

C

Le DAI est indiqué en cas de CMH avec antécédent d’arrêt cardiaque, de FV, ou de TV avec retentissement hémodynamique.

I

B

Il est raisonnable d’implanter un DAI en cas de CMH avec : – mort subite probablement liée à une CMH chez un ou plusieurs membres d’une famille de 1er degré ; – épaississement de paroi ≥ 30 mm ; – 1 ou plusieurs épisodes inexpliqués de syncope.

IIa

C

Un DAI peut être utile en cas de TV non soutenue en présence d’autres facteurs de risque de mort subite.

IIa

C

Un DAI peut être utile en cas de réponse anormale de pression artérielle à l’effort, en présence d’autres facteurs de risque.

IIa

C

Il est raisonnable de recommander un DAI chez les enfants à haut risque, défini par une CMH + syncope inexpliquée, HVG massive ou antécédent familial de mort subite, après avoir tenu compte de la grande fréquence de complications à long terme.

IIa

C

En l’absence d’autres facteurs de risque, l’intérêt du DAI en cas de salves de TV non soutenue est incertain.

IIb

C

En l’absence d’autres facteurs de risque, l’intérêt du DAI en cas de réponse tensionnelle anormale à l’effort, notamment en présence d’une obstruction significative de la CCVG, est incertain.

IIb

C

L’implantation systématique d’un DAI en l’absence des facteurs de risque de mort subite est délétère.

III

C

L’implantation d’un DAI en vue de pratique de sport de compétition est délétère.

III

C

L’implantation de DAI chez les patients génotype positif mais sans signe clinique est potentiellement délétère.

III

C

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Recommandations

tations identifiées sur plus de 11 gènes incluant plusieurs mutations pour lesquelles la signification pathologique n’est pas résolue. Cependant, la présence d’une double mutation sarcomérique ou d’une mutation composée semblerait être associée à un mauvais pronostic. 3. Présence d’une obstruction importante au niveau de la chambre de chasse ventriculaire gauche. Un gradient sous-aortique ≥ 30 mmHg au repos témoigne d’une élévation de la pression intraventriculaire gauche et du stress pariétal et peut favoriser l’évolution vers l’insuffisance cardiaque terminale. Dans deux études, la présence d’un gradient intra-VG n’était que modestement associée au risque de la MSC même si le résultat était statistiquement significatif (5-6), avec une valeur prédictive positive ne dépassant pas 5 à 10 %. Mais une autre étude n’avait pas retrouvé cette association (7). Les autres limites de ce facteur sont son caractère dynamique ainsi que son importante prévalence dans la CMH (jusqu’à

70 % au repos ou après un exercice physique physiologique).

Indications du DAI en pratique (Fig. 1)

Comme le montre le tableau 2, en prévention secondaire (antécédent d’arrêt cardiaque, de FV ou de TV avec retentissement hémodynamique) l’implantation d’un DAI n’est pas discutée (Classe IB). En prévention primaire, en cas d’antécédent de MSC d’un ou plusieurs parents de 1er degré, d’épaisseur pariétale du VG ≥ 30 mm, ou de syncope inexpliquée, le DAI est une indication raisonnable (Classe IIa C). En cas de TVNS ou de réponse tensionnelle anormale à l’effort sans autres facteurs de risque, l’intérêt du DAI serait incertain (Classe IIb C), mais si l’un ou l’autre de ces facteurs est associé aux autres facteurs d’arbitrage (facteurs mineurs), le DAI serait utile.

dant, les données actuelles sont en faveur d’une reconsidération du pronostic de cette affection, indiquant une mortalité annuelle de l’ordre de 1 % par an. L’objectif de la prise en charge est donc d’abord “de ne pas nuire” au patient. Ainsi, les recommandations actuelles préconisent une stratification du risque rythmique reposant sur l’identification de facteurs de risque majeurs et mineurs de manière non invasive et il est donc inutile d’exposer le patient à une approche invasive et risquée face à une histoire naturelle de bon pronostic et une espérance de vie quasi normale. Néanmoins, il existe des groupes à haut risque de MSC, événement non seulement dramatique car survenant principalement chez le sujet jeune, mais également demeurant difficilement prévisible en prévention primaire. n

Mots-clés :

En conclusion

Cardiomyopathie hypertrophique,

La CMH a été pendant longtemps considérée comme une maladie de pronostic péjoratif. Cepen-

Stratification du risque, Mort subite, Défibrillateur automatique implantable

Bibliographie 1. Gersh BJ, Maron BJ, Bonow RO et al. 2011 ACCF/AHA Guideline for the Diagnosis and Treatment of Hypertrophic Cardiomyopathy: a report of the American College of Cardiology Foundation/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines. Developed in collaboration with the American Association for Thoracic Surgery, American Society of Echocardiography, American Society of Nuclear Cardiology, Heart Failure Society of America, Heart Rhythm Society, Society for Cardiovascular Angiography and Interventions, and Society of Thoracic Surgeons. J Am Coll Cardiol 2011 ; 58 : e212-60. 2. Maron BJ, Shen WK, Link MS et al. Efficacy of implantable cardioverterdefibrillators for the prevention of sudden death in patients with hypertrophic cardiomyopathy. N Engl J Med 2000 ; 342 : 365-73. 3. Maron BJ, Spirito P, Shen WK et al. Implantable cardioverter-defibrillators and prevention of sudden cardiac death in hypertrophic cardiomyopathy. JAMA 2007 ; 298 : 405-12.

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Mise au point

Évaluation des fuites mitrales primaires Les pièges à éviter

Marie-Christine Malergue (Institut Mutualiste Montsouris, Paris ; Institut Cœur effort Santé, Paris)

Introduction L’analyse échographique est la pierre angulaire de la prise en charge des fuites mitrales primaires. Les différentes étapes diagnostiques comportent l’analyse de la morphologie de la valve et du mécanisme de la fuite, sa quantification et le retentissement ventriculaire, bilan dont va dépendre sa prise en charge : surveillance clinique et échographique, plastie mitrale ou, en cas d’aspect anatomique non favorable, remplacement valvulaire par une prothèse, en sachant que la chirurgie conservatrice reste l’option privilégiée. L’échographie est la seule méthode disponible pour quantifier une insuffisance mitrale en routine ; cette quantification est fondamentale et a fait l’objet de recommandations récentes (1-2). De nombreux paramètres sont accessibles mais il n’y a pas de critère infaillible, l’approche doit donc être multiparamétrique et les différentes mesures doivent être confrontées entre elles, ainsi qu’aux indices de retentissement ventriculaire gauche. La cohérence prime et en cas de discordance il est important de remettre en cause ses mesures en connaissant les pièges et les limites.

Les indices de sévérité

Les indices de sévérité des fuites mitrales sont rappelés dans le tableau 1.

Ils sont : • qualitatifs (aspect morphologique de la valve, intensité et forme du flux en Doppler continu, présence d’une zone de convergence, petit jet central, large jet excentrique) ; • semi quantitatifs (largeur de la vena contracta [VC], reflux dans les veines pulmonaires, rapport des ITV mitrale/aortique) ; • quantitatifs (surface de l’orifice régurgitant, volume régurgité,

168

ventriculaire gauche, taille de l’oreillette gauche, pression artérielle pulmonaire). Chacun de ces critères a ses limites et ne peut être utilisé seul. La confrontation des paramètres entre eux est un objectif essentiel ainsi que le degré de retentissement sur les cavités gauches et les pressions pulmonaires.

L’extension du jet

C’est un critère apparemment facile et “tentant” : on aurait envie de penser que, plus un jet va loin, plus il est important. Mais l’extension du jet n’est pas recommandée pour quantifier une fuite.

Tableau 1 - Les paramètres de quantification des régurgitations mitrales, d’aprèshémodynamique (2). retentissement Paramètres Qualitatifs : • Morphologie valvulaire • Jet en Doppler couleur • Zone de convergence • Signal Doppler

Modérée Normal Petit central 0 ou petite parabolique

Moyenne Normal Intermédiaire Intermédiaire Dense/parabolique

Sévère Rupture de cordages, prolapsus Large central ou excentrée Importante Dense triangulaire > 7 ou > 8 biplan Onde systolique négative

Semi quantitatifs : <3 Intermédiaire • VC largeur mm S prédominante Effacement de • Flux veineux pulmonaire l’onde S • Profil mitral A prédominante Variable E prédominante (1,5 m/s) • IVTmit/ITV ao <1 intermédiaire > 1,4 Quantitatifs : • SOR mm² < 20 20-29 ≥ 40 • VR (ml) < 30 30-44, 45-59 ≥ 60 • + dilatation VG, OG et PAPS SOR : surface de l’orifice régurgitant, VR : volume régurgité, OG : oreillette gauche, VG : ventricule gauche, VTI : intégrale temps vitesse, VC : vena contracta

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Évaluation des fuites mitrales primaires

En effet, la relation entre la taille du jet et la sévérité de la fuite présente de nombreuses causes de variabilité, dépendant non seulement des réglages de la machine (intensité du gain) mais également des conditions hémodynamiques. Pour un degré de sévérité similaire, les patients avec une augmentation de la pression auriculaire gauche ou un jet excentré qui “tape” contre la paroi auriculaire, ou chez lesquels l’oreillette gauche est très dilatée, peuvent avoir des jets plus petits que ceux ayant une pression auriculaire gauche normale ou un avec un jet central. Étant donné le nombre important de sources d’erreurs, il n’est pas recommandé d’utiliser le Doppler couleur pour quantifier la sévérité d’une fuite mitrale. Le Doppler couleur permet de faire le diagnostic positif de la fuite mitrale ; seul les jets très petits centraux ou à l’inverse les jets excentriques, allant jusqu’au fond de l’oreillette gauche, peuvent être estimés par leur degré d’extension, mais hormis ces cas extrêmes, les méthodes de quantification sont nécessaires.

La vena contracta

La “vena contracta” est la zone juste après l’orifice et est bien corrélée à la surface du jet régurgitant (3). C’est la partie la plus étroite du jet, zone de haute vitesse, laminaire, située entre la zone d’accélération du flux (PISA) et le jet divergent distal (un peu plus loin que l’orifice régurgitant). Elle est stable au cours de la systole et ne varie pas avec la vitesse du jet (avec les conditions de charge). À côté de ces avantages certains, elle comprend d’assez nombreux inconvénients. Elle est difficile à mesurer car de petite taille. Il est nécessaire d’agrandir au maximum l’image puis de zoomer pour

Figure 1 - A : zone de convergence obtenue en incidence apicale ; B : zone de convergence obtenue en parasternale grand axe, toutes deux mesurées à 1 cm.

minimiser les erreurs de mesure. Il faut bien exiger la présence des trois composantes (zone de convergence, vena contracta et divergence). Son concept repose sur une assomption circulaire ; c’est le cas pour une fuite mitrale primaire qui est le plus souvent circulaire ; ce n’est pas le cas lors d’une fuite mitrale secondaire fonctionnelle, où l’orifice est plus ovalaire. Ce point pourrait être amélioré par une approche 3D, encore du domaine de la recherche clinique. Ainsi, l’analyse de la vena contracta est recommandée quand elle est accessible ; elle témoigne d’une fuite petite lorsque < 3 mm, d’une fuite importante lorsque > 7 mm. Une valeur moyenne > 8 mm en 2D a été rapportée pour définir une fuite mitrale sévère pour toutes causes d’IM, même les fuites mitrales fonctionnelles (4). Si elle est comprise entre 3 et 7 mm, il est nécessaire d’avoir recours à d’autres paramètres. Elle peut être obtenue en cas de jets multiples mais les valeurs respectives ne peuvent être ajoutées.

en cas de jet central. En cas de fuite mitrale directionnelle, telle que le prolapsus de la valve antérieure mitrale, une vue parasternale grand axe ou petit axe donne une bonne incidence pour son calcul (Fig. 1). La limite de Nyquist doit être comprise entre 15 et 40 cm/s afin d’atteindre une forme la plus hémisphérique possible. Le rayon de la PISA est mesuré en mésosystole en utilisant le premier aliasing. La surface de l’orifice régurgitant (SOR) et le volume régurgité (VR) sont obtenus par les formules désormais bien connues (SOR = 2R² x Vitesse d’aliasing/Pic vélocité IM, VR = SOR x VTI mitrale). Le degré de sévérité des fuites primaires permet de classer les fuites en modérée, modérée à moyenne (SOR de 20 à 29 mm² ou un VR de 30 à 44 ml), et moyenne à sévère (SOR de 30-39 mm² et VR de 45 à 59 ml). La fuite est considérée comme sévère lorsque la SOR est supérieure à 40 mm² et le VR > 60 ml. La SOR est un paramètre robuste et de première intention dans la quantification des fuites.

La SOR et le prolapsus mitral

Elle présente cependant de nombreux pièges (5). C’est le cas des fuites qui ne sont pas holosystoliques comme dans le prolapsus mitral (Fig. 2). C’est une erreur fréquente. La PISA est mesurée là où on la voit

La surface de l’orifice régurgitant et le volume régurgité dont elle dépend est la méthode de quantification la plus recommandée. La vue apicale 4 cavités est adaptée

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169


Mise au point

pulsé > 1,5 m/s. Ces deux éléments sont des paramètres additionnels puissants en faveur d’une IM importante. La PISA est un paramètre dont la reproductibilité est médiocre ; celle-ci est améliorée en cas de jet central, et par le caractère constant de la PISA au cours de la systole. Ce n’est donc qu’un élément parmi d’autres, s’inscrivant dans une approche multi paramétrique et dont il faut se méfier en cas de prolapsus mitral.

La valeur de la V max de l’IM Figure 2 - A : la fuite n’est pas holosystolique. Le TM couleur précise la chronologie du flux avec une PISA qui ne survient qu’en méso-télé systole de même que le Doppler continu. B : la fuite est holosystolique avec une PISA constante au cours de la systole en TM couleur et en Doppler continu.

le mieux, en omettant de contrôler qu’il s’agit bien d’une fuite holosystolique. Cette erreur va entraîner une surestimation de la fuite et souvent une incohérence entre une fuite estimée comme importante mais n’entrainant pas de surcharge ventriculaire gauche. En cas d’IM sur prolapsus méso-télé, le souffle n’intéresse pas toute la systole, le Doppler pulsé confirme le timing de la fuite de même que le Doppler continu ; le TM couleur est utile pour confirmer cette chronologie souvent visible pour un œil entraîné (Fig. 2). Appliquer le calcul de la SOR a une fuite non holosystolique expose au risque de surestimation franche de la fuite.

quantification autre que la PISA. Ces fuites méso-télé restent bien tolérées, font rarement l’objet de fuite significative et n’entraînent que peu ou pas de retentissement sur les cavités gauches. De même, les événements au cours du suivi sont moins fréquents qu’en cas de fuite holosystolique (6).

Le volume régurgité (SOR x VTI de l’IM), même s’il ne prend en compte que la VTI méso-télé en réduisant l’erreur effectuée, reste non applicable car basé en partie sur la SOR. Il est donc nécessaire d’avoir recours à un mode de

Plus simple est le rapport des VTI mitral sur aortique qui, s’il est > 1,4, est un élément robuste pour conclure à une fuite sévère, de même qu’un reflux systolique dans les veines pulmonaires et une V max de l’IM en Doppler

170

Il faut alors privilégier d’autres modes de quantification comme la méthode des volumes. Le volume d’éjection est obtenu par le Simpson biplan ; le volume effectivement éjecté dans la voie aortique est obtenu par la VTI sous aortique. La différence entre les deux est donc le volume régurgitant dans l’oreillette gauche.

Le calcul de la SOR, lorsqu’elle peut être utilisée, nécessite l’obtention de la vitesse maximale de l’IM, obtenue au Doppler continu. Cette V max peut varier en fonction des conditions de charge et donner une valeur arbitraire à 5 m/s, peut-être à l’origine d’erreurs ; sous-estimer la V max aura comme conséquence une surestimation du degré de sévérité. Cette V max est parfois d’obtention difficile car la fuite est directionnelle et l’intégralité du flux en Doppler continu n’est pas obtenue en incidence apicale. Il faudra savoir changer d’incidence et obtenir un flux optimal en parasternal gauche (grand axe et petit axe).

La PISA est-elle circulaire ?

Le concept de la PISA repose sur une assimilation géométrique de la zone de convergence qui est hémisphérique. Si les PISA des fuites organiques primaires sont souvent hémisphériques avec un diamètre constant quelle que soit l’incidence, en cas de fuite secondaire, celle-ci est loin d’être circulaire, elle s’étend souvent sur la surface de l’anneau mitral

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Évaluation des fuites mitrales primaires

et change donc de diamètre d’un plan à l’autre. Se contenter d’un diamètre va avoir tendance à sous-estimer les fuites secondaires (Fig. 3). Examiner la PISA en biplan permet assez simplement de vérifier le caractère circulaire ou non de la zone de convergence. L’estimation en 3D de la PISA n’est pas encore de pratique courante et reste du domaine de la recherche clinique. Si l’orifice apparaît non circulaire, une autre méthode de quantification est nécessaire.

En conclusion

Les dernières recommandations insistent sur la nécessité légitime de

quantifier les fuites. Mais aucun des paramètres n’est un paramètre “miracle”. S’il est indis-

Figure 3 - À gauche : la démonstration en 3D que la PISA peut être circulaire ou de

La base de la PISA n’est pas plane

En théorie, l’orifice régurgitant se trouve sur un plan, mais la coaptation des feuillets peut se situer audelà du plan de l’anneau. Le phénomène de convergence se trouve alors modifié. Selon l’angle, le calcul de l’orifice régurgitant va être surestimé (angle < 90°) ou sous-estimé (angle > 180°). Il faudrait en théorie réaliser une correction d’angle qui permettrait de rectifier l’erreur (SOR corrigée = SOR x angle/180). En pratique, cette correction n’est pas réalisée. Ce problème est rencontré également dans la fuite aortique et la fuite tricuspide.

forme plus ovalaire, c’est surtout le cas des fuites secondaires. D’après (2). À droite : biplan démontrant le caractère inégal du diamètre de la PISA.

Figure 4 - La définition du jet contraint. Le jet est dit contraint lorsque la distance d est inférieure au rayon r de la PISA (mitral leaflet : feuillets mitraux, first alias : premier aliasing, LA : oreillette gauche, LV : ventricule gauche). D’après (7).

Le jet est confiné

Le confinement correspond à un orifice se situant sur une surface non plane, butant contre une paroi. Le jet est considéré comme contraint si la distance “d” est inférieure au diamètre de la PISA. C’est une situation fréquemment rencontrée dans les fuites commissurales (Fig. 4 et 5). Là également, une correction d’angle a été proposée (7). Le calcul de la SOR doit donc rester prudent.

Figure 5 - Fuite commissurale postérieure associée à un 2nd jet central.

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Mise au point

pensable de réaliser cette quantification, il faut garder à l’esprit les pièges liés à ces mesures, savoir les mettre en perspective, reconsidérer ses calculs s’ils ne sont pas cohérents entre eux. Cela passe par l’évaluation du retentissement de la fuite sur les cavités gauches et les pressions

pulmonaires. Si la fuite est importante, ce sont les paramètres ventriculaires qui sont décisionnels pour l’indication opératoire. Une IM jugée comme importante est peu probable en cas d’absence de dilatation ventriculaire ; à l’inverse, une fuite estimée modérée avec une dilatation ventri-

culaire gauche et une HTAP doit faire reconsidérer les résultats ou rechercher une autre cause au tableau clin nique et échographique.

Mots-clés : Fuites mitrales primaires, Pièges, Échographie

Bibliographie 1. Joint Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology (ESC); European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), Vahanian A et al. Guidelines on the management of valvular heart disease (version 2012). Eur Heart J 2012 ; 33 : 2451-96. 2. Lancellotti P, Tribouilloy C, Hagendorff A et al. Recommendations for the echocardiographic assessment of native valvular regurgitation: an executive summary from the European Association of Cardiovascular Imaging. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2013 ; 14 : 611-44. 3. Tribouilloy C, Shen WF, Quéré JP et al. Assessment of severity of mitral regurgitation by measuring regurgitant jet width at its origin with transesophageal Doppler color flow imaging. Circulation 1992 ; 85 : 1248-53. 4. Kahlert P, Plicht B, Schenk IM et al. Direct assessment of size and shape

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Dessin du mois

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Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59


Cas clinique

Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol

À propos d’un cas et revue de la littérature

Marouane Belarbi, Ayoub Khanoussi, Adil Adnouni, Fouad El mazani, Charifa Alaoui, Mariam Chettati, Mohamed Naciri, Wafae Fadili, Inass Laouad (Service de Néphrologie-hémodialyse et Transplantation rénale, CHU Mohamed VI, Marrakech, marouane676@gmail.com)

Les emboles de cristaux de cholestérol (ECC), ou maladie rénale athéro-embolique, sont une pathologie rare, due à la dissémination la plus souvent iatrogène des cristaux de cholestérol à partir de plaques athéromateuses ulcérées, le plus souvent de l’aorte. Décrite initialement par Panum en 1862 (1), elle représente 3-4 % des causes d’insuffisance rénale aiguë. Nous rapportons un cas d’ECC dû à un surdosage en antivitamines k (AVK).

Observation

Il s’agit d’un patient de 78 ans ayant comme antécédents une hypertension artérielle et une hypercholestérolémie depuis 15 ans, suivi pour amylose cardiaque depuis 3 ans compliquée d’un bloc auriculoventriculaire complet et arythmie complète par fibrillation auriculaire, ayant nécessité la pose d’un pacemaker et un traitement anticoagulant par AVK. Il est admis aux urgences pour altération de l’état général, douleur abdominale avec vomissements, mélénas et oligo-anurie.

Figure 1 - Livedo reticularis au niveau du pied droit.

Examen clinique L’examen clinique trouve un patient grabataire, normotendu à 110/60 mmHg, présentant des œdèmes des membres inférieurs avec présence d’un livedo reticularis (Fig. 1) et de nécroses distales des orteils (Fig. 2).

Biologie Le bilan biologique montre une

insuffisance rénale avec une créatinine à 91 mg/L, un taux d’urée à 5 g/L, une hyperkaliémie à 5,6 mmol/L, une hyponatrémie à 125 mmol/L, une anémie hypochrome microcytaire à 6,7 g/dL, un TP à 32 % avec INR à 10 et une protéine C réactive à 22,5 mg/L. Les bilans hépatique et lipidique sont normaux.

Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59

Imagerie L’échographie rénale montre des reins de taille normale bien différenciés sans dilatation des cavités excrétrices et la radiographie thoracique une surcharge hilaire importante.

Traitement et suivi Un traitement par vitamine k est

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Cas clinique

Figure 2 - Nécroses des orteils du pied droit.

instauré, avec prise en charge en hémodialyse mais l’évolution est marquée par le décès du patient suite à un arrêt cardiaque.

Discussion Épidémiologie L’incidence de la maladie des ECC est estimée à 6 par million d’habitants (2). L’âge moyen de survenue est de 66 ans, avec un sex ratio de trois hommes pour une femme (2). Le vieillissement de la population, le développement des indications d’angioplasties ne peuvent que favoriser l’émergence de cette pathologie comme le soulignent TC Leertouwer et al. dans leur méta-analyse de la littérature (3).

favorisant sont reconnus, que ce soit un cathétérisme artériel en vue d’une artériographie couplée ou non à une angioplastie, l’utilisation de traitements anticoagulants voire fibrinolytiques ou encore un acte de chirurgie vasculaire ou cardiaque. Outre le sexe masculin, les facteurs de risque conventionnels d’athérothrombose sont présents : une hypertension artérielle dans 57 à 75 % des cas, un tabagisme actif dans 70 % des cas, un diabète dans 15 à 42 % des cas, une hypercholestérolémie dans 28 % des cas (5, 7). Une maladie coronarienne est retrouvée dans 73 % des cas, une artériopathie des membres inférieurs dans 54 % des cas, une maladie cérébrale vasculaire dans 37 % des cas (5).

Facteurs de risque La maladie des ECC est secondaire à l’ulcération de plaques d’athérome, le plus souvent aortique ou sur les gros troncs artériels du fait d’une hémorragie ou d’une dissection de plaque d’athérome (4). Bien qu’elle puisse survenir spontanément dans près de 12 % des cas (5-6), de nombreux facteurs

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Tableau clinique Les symptômes apparaissent en général de quelques semaines à quelques mois après une artériographie, la mise en route d’un traitement anticoagulant comme chez notre patient ou une intervention de chirurgie vasculaire (8). Les symptômes cliniques à recher-

cher sont l’atteinte rénale : insuffisance rénale, protéinurie, hématurie, HTA. L’atteinte rénale est trouvée dans 76 % des cas. L’atteinte cutanée se manifeste par l’apparition de troubles microcirculatoires cutanés à l’origine d’un livedo, de pétéchies, d’une ischémie distale qui peut évoluer vers la nécrose. D’autres manifestations sont représentées par l’atteinte digestive  : douleurs abdominales, diarrhées voire rectorragies. Une atteinte pancréatique voire hépatobiliaire peut être retrouvée. Le système nerveux central est le quatrième site le plus touché (9). L’atteinte cérébrale est souvent sévère (comas et encéphalites). L’imagerie cérébrale reconnaît en général des infarctus lacunaires multiples (47 % des cas). L’atteinte rétinienne est décelée dans 22 % des cas (10), elle est le plus souvent asymptomatique. Une atteinte pulmonaire peut être trouvée au cours de la maladie des ECC, dominée par une insuffisance respiratoire aiguë avec hémorragie alvéolaire (11) et peut être considérée comme un diagnostic différentiel du syndrome pneumo-rénal. À la biologie, un syndrome inflammatoire est retrouvé chez la majorité des patients (2) avec pour corollaire une hyperleucocytose et une anémie normocytaire. L’hyperéosinophilie est inconstante, retrouvée dans 14 à 75 % des cas. Une preuve histologique doit être obtenue si un diagnostic différentiel a été évoqué (biopsie d’une maille de livedo, biopsie musculaire en présence de myalgies ou ponction biopsie rénale en cas de tableau de glomérulonéphrite rapidement progressive ou atteinte rénale isolée). La confirmation du diagnostic peut être apportée par la

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Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol

réalisation d’un fond d’œil qui ne sera pathologique que dans 22 % des cas, objectivant les cristaux de cholestérol (10). L’artériographie doit être proscrite car elle risque d’aggraver le pronostic, le bilan étiologique justifie de recourir à des explorations non-invasives qui apportent des informations complémentaires que ce soient l’échoDoppler, l’oxymétrie transcutanée ou les pressions systoliques digitales pour évaluer un tableau d’ischémie distale, l’angio-TDM ou l’angio-IRM. Ces deux examens permettent alors de dépister les plaques d’athérome potentiellement emboligènes. L’échographie cardiaque transœsophagienne permet de dépister les plaques d’athérome aortique (> 4 mm) dont la présence est corrélée au risque d’accident vasculaire cérébral (12).

Traitement et suivi Le traitement repose sur des principes stricts : arrêt des anticoagulants, même à doses préventives, sauf présence d’une valve mécanique, afin de permettre le

recouvrement des plaques ulcérées par un nouveau thrombus. Traitement prioritaire de l’insuffisance cardiaque par IEC/sartans/ diurétiques et maîtrise parfaite de l’HTA, recours à l’épuration extrarénale (EER) sans héparine en cas de surcharge hydrosodée réfractaire ou d’IR mal tolérée. Les statines sont recommandées pour leur effet stabilisant de plaques et leur emploi est associé à un meilleur pronostic. Les antiagrégants plaquettaires sont habituellement poursuivis quoique certains ECC ne cessent d’évoluer qu’à leur arrêt (13). La place de la corticothérapie est mal définie en l’absence d’études prospectives. Elle semble améliorer le pronostic rénal et vital. Certains proposent une forte posologie sous forme de bolus de méthylprednisolone, d’autres, plus nombreux, administrent 20 à 25 mg/j pendant un mois suivis d’une décroissance lente. La corticothérapie a souvent un effet spectaculaire sur l’état général et les douleurs (14). Des effets bénéfiques de l’Iloprost ont été décrits

sur un petit nombre de malades. L’exclusion chirurgicale ou par stents couverts des plaques ulcérées doit être discutée pour des sujets relativement jeunes lorsque les autres traitements ont échoué.

Conclusion

La maladie athéromateuse, et surtout l’athérosclérose des artères rénales, est fréquemment associée à des embolies cholestéroliques qui peuvent être responsables de l’insuffisance rénale aiguë, qu’elles soient spontanées ou consécutives aux facteurs déclenchants comme un traitement anticoagulant. Notre observation illustre l’importance d’une surveillance rapprochée du traitement anticoagulant chez les patients athéromateux pour prévenir ce type de complications. n

Mots-clés : Emboles de cristaux de cholestérol, Insuffisance rénale aiguë, Anticoagulants

Bibliographie 1. Moolenar W, Lamers CBHW. Cholesterol crystal embolyzation in the Netherlands. A review of 842 cases filed in the Dutch National pathology information system from 1973 to 1994. Arch Intern Med 1996 ; 156 : 653-7. 2. Fine MJ, Kapoor W, Falanga V. Cholesterol crystal embolyzation : a review of 221 cases in the English literature. Angiology 1987 ; 38 : 769-84. 3. Leertouwer TC, Gussenhoven EJ, Bosch JL et al. Stent placement for renal arterial stenosis : where do we stand ? A Meta-analysis. Radiology 2000 ; 216 : 78-85. 4. Flory CM. Arterial occlusion produced by emboli from eroded aortic atheromatous plaques. Am J Pathol 1945 ; 21 : 549-65. 5. Scolari F, Ravani P, Pola A et al. Predictors of renal and patients outcomes in atheroembolic renal disease : a prospective study. J Am Soc Nephrol 2003 ; 14 : 1584-90. 6. Scolari F, Tardanico R, Zani R et al. Cholesterol crystal embolism: a recognizable cause of renal disease. Am J Kidney Dis 2000 ; 36 : 1089-109. 7. Fukumoto Y, Tsutsui H, Tsuchihashi M et al. The incidence and risks factors of cholesterol embolization syndrome, a complication of cardiac catheterization : a prospective study. J Am Coll Cardiol 2003 ; 42 : 211-6.

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8. Modi K, Rao KV. Clinical presentation and survival on dialysis of patients with atheroembolic renal disease (AERD). In: Presented at 5th Asian Pacific Congress of Nephrology. New Delhi India. 1992. 9. Moolenaar W, Lamers C. Cholesterol crystal embolyzation in the Netherlands. Arch Intern Med 1996 ; 156 : 653-7. 10. Belenfant X, Meyrier A, Jacquot C. Supportive treatment improves survival in multivisceral cholesterol crystal embolism. Am J Kidney Dis 1999 ; 35 : 840-50. 11. Sabatine MS, Oelberg DA, Mark EJ, Kanarek D. Pulmonary cholesterol crystal embolyzation. Chest 1997 ; 112 : 1687-92. 12. Amarenco P, Cohen A, Tzourio C et al. Atherosclerotic disease of the aortic arc hand the risk of ischemic stroke. N Engl J Med 1994 ; 331 : 14749. 13. Belenfant X, Meyrier A, Jacquot C. Supportive treatment improves survival in multivisceral cholesterol crystal embolism. Am J Kidney Dis 1999 ; 33 : 840-50. 14. Nakayama M, Nagata M, Hirano T et al. Low-dose prednisone ameliorates acute renal failure caused by cholesterol crystal embolism. Clin Nephrol 2006 ; 66 : 232-9.

175


échos des congrès

journées de l’hypertension artérielle À retenir

Pierre Attali (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, pierre.attali@chru-strasbourg.fr)

HTA résistante : à propos des recommandations D’après une session DPC (JHTA - Paris le 20 décembre 2013)

quelles Investigations pour l’HTA résistante ? (G. doll, tours)

Il est recommandé de définir une HTA résistante comme une HTA non contrôlée en consultation et confirmée par une mesure en dehors du cabinet médical malgré une stratégie thérapeutique comprenant des règles hygiéno-diététiques adaptées et une trithérapie médicamenteuse antihypertensive depuis au moins quatre semaines à dose optimale tolérée, incluant un diurétique adapté (Classe 1, Grade C, ++++). Les caractéristiques des patients avec une HTA résistante sont les suivantes : • présence d’une PA initialement très élevée ; • atteinte d’organes cibles ; • association à un diabète ou une obésité ; • atteinte athéromateuse vasculaire avec rigidité artérielle ; • âge avancé ; • origine africaine ; • prise excessive de sel. Devant une HTA résistante, les examens suggérés pour la recherche d’une HTA secondaire sont les suivants (en fonction de chaque

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patient, le médecin spécialiste de l’HTA sélectionne dans ce listing l’examen le plus approprié) : • ionogramme sanguin et natriurèse des vingt-quatre heures ; • créatininémie ; • créatininurie et protéinurie des vingt-quatre heures ; • angioscanner abdominal ; • échographie Doppler des artères rénales ; • dosage de la rénine et de l’aldostérone plasmatique pour calcul du rapport aldostérone/rénine plasmatique ; • dosage des métanéphrines et des normétanéphrines urinaires des vingt-quatre heures ; • dosage du cortisol libre urinaire des vingt-quatre heures avec test de freinage rapide (par dexaméthasone 1 mg) ; • oxymétrie nocturne ; • enregistrement polysomnographique (Classe 2, Grade B, ++). La cause la plus fréquente d’HTA secondaire associée à une HTA résistante est le syndrome d’apnées du sommeil (64 %), suivie de l’hyperaldostéronisme primaire (5,6 %) et de la sténose de l’artère rénale (2, 4 %). Les examens suggérés pour la recherche d’une atteinte d’organes cibles sont le dosage de la créatini-

némie, de la micro-albuminurie et de la protéinurie ainsi que la réalisation d’un ECG de repos et d’une échocardiographie. Le bilan vasculaire sera réalisé en fonction du contexte clinique (Classe 2, Grade B, + +).

Investigations pour le bilan étiologique : apports des dosages hormonaux (J.P. fauvel, lyon)

Les dosages hormonaux dans l’HTA résistante concernent essentiellement les hyperaldostéronismes primaires. Les autres causes sont nettement moins fréquentes : hypercorticisme, phéochromocytome, acromégalie, hyperthyroïdie et intoxication à la réglisse. Le diagnostic est difficile car la clinique est rarement évocatrice. Il faut néanmoins dépister ces causes hormonales car elles occasionnent des HTA sévères, augmentent la morbi-mortalité cardiovasculaire et nécessitent un traitement spécifique. Pour le phéochromocytome, il suffit de doser les dérivés méthoxylés

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journées de l’hypertension artérielle

des catécholamines plasmatiques ou urinaires : leur normalité permet d’écarter ce diagnostic. Le syndrome de Cushing, dont il existe des formes frustes, nécessite un dépistage précoce. En pratique, il suffit de pratiquer en ambulatoire un dosage du cortisol urinaire des vingt-quatre heures, une cortisolémie à 16h00, 0h00 et un test de freinage minute à la dexaméthasone sachant que la normale de la cortisolémie à 8h00 est < 50 nmol/L. L’hyperaldostéronisme primaire concerne 10 à 20 % des HTA. Cette HTA est souvent compliquée. Le diagnostic est difficile avec parfois 10 ans de latence. Une hypokaliémie n’est retrouvée que dans moins de 50 % des cas. Les causes d’hyperaldostéronisme primaire sont pour 35 % des cas un adénome surrénalien, pour 64 % des cas une hyperplasie (scanner souvent normal) et pour moins de 1 % des cas des formes familiales. Pour le dépistage, il convient de doser le rapport aldostérone/rénine active. Un hyperaldostéronisme primaire est suspecté lorsque ce rapport est supérieur à 32 avec une aldostéronémie > 160 ng/L. Ce résultat est valide si le patient est sous traitement neutre depuis 2 à 4 semaines, avec une consommation sodée supérieure à 100 mmol/j. Ce dépistage s’adresse au patient avec une HTA modérée à sévère (PAS > 160 mmHg ou PAD > 100 mmHg), au patient avec une HTA et une hypokaliémie avec ou sans diurétique (3,5 mmol/L sous diurétiques, 3,7 mmol/L sans traitement et 3,9 mmol/L sous IEC), au patient avec une HTA associée à une complication précoce (AVC < 40 ans), au patient avec une HTA et un nodule surrénalien, et en cas d’atteinte familiale. Il est préférable de réaliser ces dosages en centre spécialisé.

les recommandations : synthèse (T. denolle, dinard)

En amont des onze recommandations détaillées concernant la prise en charge de l’HTA résistante, quatre points clés sont à retenir. Ils concernent la méthodologie, la définition et les algorithmes de prise en charge par le médecin généraliste et par le médecin spécialiste de l’HTA. La méthodologie de ces recommandations sur l’HTA résistante est la philosophie de ce document avec une volonté de rédiger un document pratique, synthétique et lisible. Pour cela, un groupe de travail pluridisciplinaire a été constitué, avec des médecins libéraux et hospitaliers, des spécialistes et généralistes, tant dans le groupe de travail que dans l’important groupe de lecture (40 membres). Un argumentaire, préalable à la rédaction des recommandations, a été jugé incontournable pour que la méthodologie de ces recommandations soit endossée par la HAS. Une triple cotation a été souhaitée : en classe de recommandations, en grade selon le niveau scientifique et en niveau pour savoir s’il y a un consensus ou non des experts. De même, au groupe de lecture, il a été demandé de coter la précision, la pertinence, l’applicabilité, la correspondance à la pratique et l’utilité (cotation de 1 à 9). Deuxième point : la définition. L’importance d’une définition précise de l’HTA résistante est bien montrée par les résultats d’une étude récente : si l’on prend seulement le critère de trithérapie antihypertensive, 31 % avaient une HTA résistante, mais si l’on inclut dans la trithérapie un diurétique, ce taux diminue à 15 %. De même pour le critère trithérapie à dose maximale, il diminue fortement à 5 %. Enfin, si les deux critères sont associés, le taux s’effondre à 3 %.

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Les deux algorithmes de prise en charge Une fois le caractère résistant de l’HTA confirmé, pour la conduite à tenir, les auteurs ont distingué, de façon pragmatique, la prise en charge initiale par le médecin généraliste de celle dans un 2e temps par le médecin spécialiste de l’HTA. Le médecin généraliste, face à une HTA résistante, doit essayer de répondre à la série de questions suivantes : • Cette HTA est-elle réellement résistante ? C’est-à-dire, comportet-elle une trithérapie adaptée et à dose optimale ? • Y a-t-il un problème d’observance ? • Y a-t-il une HTA isolée de consultation, donc un effet blouse blanche ? • Y a-t-il un facteur, un médicament ou une substance favorisant la résistance de cette HTA ? Si ce premier algorithme n’a pas permis le contrôle de l’HTA, le médecin généraliste devrait passer la main au spécialiste de l’HTA. Le médecin spécialiste de l’HTA doit essayer de remplir une triple mission : rechercher une atteinte d’organes cibles, rechercher une HTA secondaire et envisager le traitement après la trithérapie. Pour la recherche d’une atteinte d’organe cible, autant pour le rein que pour le cœur, la démarche reste classique, mais pour ce qui est du bilan vasculaire, les auteurs n’ont volontairement pas voulu être directifs. Pour la cause de l’HTA, le spécialiste pourra sélectionner à partir du listing d’examens proposés dans les recommandations, le(s) examen(s) le(s) plus approprié(s). Quant au traitement qui suit la trithérapie, deux options sont à discuter : soit passer à une quadrithé-

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échos des congrès

rapie (avec en première intention la spironolactone), et c’est l’une des recommandations les plus fortes, soit envisager la dénervation rénale (qui devrait être encore considérée comme en cours d’évaluation).

Investigation pour le bilan du retentissement : quel bilan cardiaque et vasculaire  ? (P. gosse, bordeaux)

Le bilan cardiovasculaire du retentissement d’une HTA résistante comprend un ECG systématiquement et souvent une échocardio-

graphie pour mesurer la masse ventriculaire gauche indexée et évaluer la fonction cardiaque par la mesure de la FEVG et du strain longitudinal global. L’étude systématique de la rigidité artérielle est plus discutée. La mise en évidence d’une HVG par l’ECG peut se baser sur des anomalies de voltage (RavL ou Cornell : RavL + Sv3 + 8 mm [F] > 28), des anomalies du produit Cornell (Voltage x durée du QRS > 2 440) ou de trouble de la repolarisation (strain). Le critère électrique le plus simple et le plus performant est l’amplitude de l’onde R en AVL : une valeur de 6 mm a une sensibilité de 59 % et une spécificité de 76 %. La présence d’un strain sur l’ECG

basal ou sa modification lors d’ECG répétés ont été associées à un mauvais pronostic. À l’échocardiographie, la valeur de seuil la plus performante de la masse VG indexée pour la prédiction des événements cardiovasculaires est de 51 g/m2,7 : elle a été associée à une sensibilité de 75 %, une spécificité de 57 % et une aire sous la courbe de 0,68. À noter que la présence d’une HVG prédit le caractère résistant d’une HTA dans une population de patients non encore traités. Parmi les critères fonctionnels, le strain global longitudinal diminué semble être plus sensible qu’une altération de la FEVG. n

pour un meilleur contrôle tensionnel D’après le symposium organisé par le laboratoire Daiichi Sankyo (JHTA - Paris le 19 décembre 2013)

Des patients suffisamment informés sur leur HTA ?

(B. Vaïsse, Marseille) Le contrôle tensionnel en automesure reste encore trop insuffisant, environ 50 % (enquête FLAHS). L’observance est un problème crucial : 50 % des patients ne prennent plus leur traitement antihypertenseur à un an.

Comment améliorer l’observance ? Un questionnaire d’observance, simple d’utilisation, est à disposition des médecins. La consultation d’information et d’annonce peut être une aide, chez le sujet nouvellement hypertendu, pour accepter et comprendre sa maladie. La pratique de l’automesure tensionnelle bien utilisée, c’est-

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à-dire avant une visite chez le médecin, doit être encouragée. La CNAM a mis en place un projet pour promouvoir l’automesure tensionnelle dans l’HTA en mettant à disposition gratuitement à l’ensemble des médecins généralistes français un appareil d’automesure tensionnelle. L’amélioration de l’observance, du traitement médicamenteux et des règles hygiéno-diététiques devrait faciliter l’atteinte de l’objectif 2015 de 70 % de patients hypertendus contrôlés.

Une intensification suffisante des traitements ? (X. Girerd, Paris et B. vaïsse, Marseille)

Alors que la moitié des patients hypertendus ne sont pas contrôlés, seule une minorité de

patients sont sous trithérapie antihypertensive. La stratégie thérapeutique proposée par la SFHTA est de commencer d’abord par une monothérapie. Si toutes les classes sont envisageables, il vaut mieux prendre un médicament auquel le patient adhère le plus, ARAII et ensuite IEC, qui sont à 60 % d’adhésion à un an. Au sein d’une classe, tous les agents antihypertenseurs n’ont pas la même efficacité antihypertensive. Ainsi, dans une revue systématique sur les ARA-II, la baisse de la PA sur vingt-quatre heures a été maximale avec olmésartan. La bithérapie fixe doit être envisagée si la monothérapie ne permet pas le contrôle de la PA après un mois de traitement. En cas d’objectifs tensionnels non atteints, plusieurs combinaisons peuvent être essayées

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journées de l’hypertension artérielle

avant le passage à la trithérapie optimale. Par exemple, l’association olmésartan/HCTZ a pu diminuer la PAS jusqu’à 23 mmHg, avec une relation dose-effet de l’ARAII et du diurétique, en particulier chez des patients sensibles au sel. L’autre alternative est l’association d’un bloqueur du SRAA avec un antagoniste calcique, comme dans l’étude ACCOMPLISH, avec en corolaire une diminution des événements coronariens par l’antagoniste calcique. La bithérapie olmésartan/amlodipine a montré un effet-dose remarquable avec une baisse de la PAS atteignant 30 mmHg à la posologie maximale de 40/10 mg. Dans l’étude OLAS, en termes de PA, les deux associations sont efficaces, mais sur le risque diabétogène à 3 ou 4 ans, le risque d’augmentation de la glycémie est plus important avec l’association olmésartan/HCTZ.

Pour un duo gagnant médecin/patient : l’entretien motivationnel du patient (A. Pathak, toulouse)

« La motivation c’est de passer d’une médecine fondée sur les preuves à une médecine fondée sur le patient. » « La porte du changement s’ouvre de l’intérieur. » Dans les recommandations françaises, avant de débuter le traitement, il est préconisé de réaliser une consultation d’information et d’annonce de l’HTA. L’entretien motivationnel repose dans un premier temps sur l’identification du stade de changement dans lequel se situe le patient (selon le modèle de Prochaska). L’ambivalence et la motivation sont au centre d’un processus de changement, mais le changement peut entraîner la résistance du patient.

Les outils sont mémorisables dans l’acronyme OUVER : • poser des questions Ouvertes ; • Valoriser ; • pratiquer l’Écoute réfléchie ; • Résumer. Poser des questions ouvertes consiste à éviter les réponses par oui ou par non, à encourager le patient à s’exprimer, à créer un climat de confiance et d’acceptation. Valoriser/soutenir consiste à ponctuer l’entretien avec des phrases valorisant la démarche, les efforts. Pour conclure, j’identifie le stade de mon patient et s’il est ambivalent, je définis “son” objectif ; je mets en place un entretien motivationnel en tenant compte des outils cités et de l’environnement, et enfin je réalise comment n mon patient évolue.

Mots-clés : HTA, Traitements, Entretien motivationnel, Bilan étiologique, Bilan du retentissement

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En pratique

sel et hypertension artérielle Données issues des études et recommandations Béatrice Bouhanick, Bernard Chamontin (Service Médecine interne et Hypertension artérielle, Hôpital de Rangueil, Toulouse, duly-bouhanick.b@chu-toulouse.fr)

Introduction Le sel de table ou sel alimentaire est en quasi-totalité constitué de chlorure de sodium même s’il contient également, en faible proportion, des oligo-éléments comme le fluor ou l’iode. Au Moyen Âge, il servait à augmenter la durée de conservation des aliments en limitant la multiplication des micro-organismes mais aussi à soigner diverses blessures. Son utilisation s’amplifie au cours du XXe siècle car il devient largement utilisé par l’industrie agroalimentaire. S’il semble acquis qu’une limitation des apports en sel réduit la survenue des événements cardiovasculaires dans une population d’hypertendus, l’affaire est toute autre dans la population générale et différents spécialistes s’affrontent sur la nécessité ou pas d’une réduction de l’apport alimentaire en sel avec des points de vue radicalement opposés. Une conférence plénière sur ce thème a même eu lieu en décembre 2012 au congrès de la Société française d’hypertention artérielle et le Pr Staessen a brillamment pris position en défaveur d’une limitation globale des apports sodés dans cette population ! Toutefois, la plupart des Agences de santé suivent les recommandations allant dans le sens d’une réduction des apports sodés, les points de vue opposés restant minoritaires. Notre propos concernera les hypertendus, même si une digression dans la population générale sera envisagée pour situer le contexte.

État des lieux

revanche que peu de différence en fonction de l’âge après 25 ans ou de la région. Huit à 10 % des habitants consommeraient plus de 12 g/j : ils sont appelés les gros consommateurs de sel (1).

La consommation moyenne de sel chez les Français est estimée entre 9 et 10 g par jour. Les femmes consommeraient un peu moins de sel que les hommes mais l’apport devient comparable quand il est rapporté à la masse corporelle. Il n’y a en

Que disent les recommandations ?

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Chez les hypertendus

180

Les recommandations françaises sur la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) essentielle de 2005, suspendues et encore aujourd’hui appliquées,

proposent de limiter la consommation en sel (NaCl) à 6 g/j (ou 100 mmol/j ou 2,4 g de sodium/j) et rejoignent les recommandations américaines du JNC-VII ou britanniques (2). Cette mesure concerne tous les patients hypertendus quel que soit le niveau tensionnel, avec ou sans traitement pharmacologique associé. Celles sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 de 2006 soulignent l’importance des mesures hygiéno-diététiques dans leur globalité et citent l’importance du régime désodé dans le

Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59


sel et hypertension artérielle

chapitre sur l’hypertension du diabétique sans le détailler. Les recommandations européennes rappellent que l’apport quotidien recommandé chez les hypertendus se situe aux alentours de 4 g/j mais concèdent que cet objectif est difficilement atteignable si bien qu’elles proposent un objectif plus réaliste de moins de 5 g/j. Elles rappellent qu’une alimentation trop salée est une cause d’HTA résistante à rechercher à l’interrogatoire avant toute modification éventuelle de traitement (3).

Dans la population générale L’OMS a fixé pour 2003 une recommandation de consommation maximale à 5 g/j. La réduction en sel est l’un des objectifs du Haut Conseil de la santé publique (HCSP 2010) tandis que dans le PNNS 3 (2011-2015) l’objectif est une diminution de la consommation moyenne de sel dans la population pour atteindre 8 g/j chez l’homme et 6,5 g/j chez la femme et l’enfant (4). Cela correspond à une baisse de l’ordre de 20 % par rapport aux apports de 2002.

Avons-nous des recommandations solides ? Sel et pression artérielle Une réduction de l’apport sodé jusqu’à environ 100 mmol/j se traduit par une baisse de la pression artérielle systolique (PAS) de 6 mmHg et de la pression artérielle diastolique (PAD) de 3 mmHg chez l’hypertendu (5). Elle peut faciliter le contrôle tensionnel d’un hypertendu et contribuer à la diminution du traitement antihypertenseur. Une réduction des

apports sodés à l’échelon d’une population permet de réduire les pressions artérielles de façon dose-dépendante, aussi bien chez l’hypertendu que chez le “pré-hypertendu” (6). Les réponses interindividuelles sont hétérogènes, tributaires d’influences environnementales, comportementales et génétiques : une revue Cochrane récente sur 167 études conclut, chez l’hypertendu, à une baisse de la PAS de -5,5 mmHg chez le caucasien, de -6,4 mmHg chez le sujet noir et de -10,2 mmHg chez le sujet asiatique (7). Mais, au final, les pressions artérielles sont un marqueur intermédiaire de risque : qu’en est-il sur la morbimortalité cardiovasculaire ?

Apports sodés et événements cardiovasculaires Les données restent controversées. Il a été estimé, aux ÉtatsUnis, qu’un programme permettant une réduction de 3 g/j de la consommation de sel diminuerait le nombre d’insuffisances coronaires de novo de 60 à 120 000 par an, celui des accidents vasculaires cérébraux (AVC) de 32 à 66 000, celui des infarctus du myocarde (IDM) de 54 à 99 000 et que le nombre de décès serait quant à lui diminué de 44 à 92 000, soit un bénéfice estimé comparable à celui attendu d’un programme de sevrage tabagique. Le rapport coût-efficacité semble même plus marqué que celui d’un traitement antihypertenseur (8). Une méta-analyse suggère une augmentation du risque d’AVC de 6 % pour une augmentation des apports sodés de 50 mmol/j tandis que l’impact sur les événements cardiovasculaires est à la limite seulement de la significativité (9). Le suivi observationnel des patients issus des études ran-

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domisées TOHP, chez des adultes “pré-hypertendus” soumis à une réduction des apports sodés de 25 à 35 %, montre qu’outre la baisse des pressions artérielles (PA), on assiste à une réduction de la survenue des événements cardiovasculaires de 30 % après ajustement sur les facteurs confondants sur les 10 à 15 années de suivi (10). C’est dans des populations très consommatrices de sel qu’une relation causale continue indépendante et directe entre apport sodé et événements cardiovasculaires est démontrée. À l’inverse, une méta-analyse sur 6 250 patients qui concerne hypertendus et normotendus, si elle démontre que la réduction sodée s’accompagne d’une baisse de la natriurèse et d’une baisse modeste des PA, ne parvient pas à montrer de baisse significative de la mortalité et de la morbidité cardiovasculaires dans ces deux populations. Les auteurs estiment que, si effet positif il y a, il demeure très limité (11). Dans un commentaire virulent de l’étude, un défaut de puissance est cependant évoqué (12). Chez des patients diabétiques de type 1, une association entre sel, morbimortalité et insuffisance rénale est trouvée mais pas dans le sens escompté puisque ce sont des apports bas qui sont associés à l’insuffisance rénale et non l’inverse (13). Dans le diabète de type 2, une association entre mortalité et natriurèse basse est aussi trouvée ce qui fait dire aux auteurs que si la relation causale n’est pas démontrée, des études d’intervention sont nécessaires (14). Au final, le vibrant plaidoyer en faveur d’une réduction des apports sodés dans la population américaine témoigne des enjeux importants de santé publique (15).

181


En pratique

Tableau 1 - Comparaison des 11 premiers groupes d’aliments vecteurs des apports en sel entre INCA 1 et INCA 2 chez les adultes (> 18 ans) (17). Libellé

Moyenne des apports en sel (mg)

Ordre de contribution des apports en sel INCA 1

INCA 2

Pain et panification sèche

1967

1

1

Charcuterie

852

2

2

Condiments et sauces

650

9

3

Plats composés

627

5

4

Fromages

522

4

5

Soupes et bouillons

440

3

6

Pizzas, quiches, pâtisseries salées

306

6

7

Légumes (hors pommes de terre)

264

/

8

Poissons

226

/

9

Sandwichs

221

7

10

Pâtisseries et gâteaux

200

8

11

Toutefois, lorsque c’est la prise en charge diététique globale qui est prise en compte, une amélioration des événements cardiovasculaires se dessine avec une réduction de risque de décès cardiovasculaires de 35 %, d’IDM de 14 % et d’AVC de 19 % chez des patients traités en prévention secondaire (16).

Comment faire en pratique ? Les sources alimentaires de sel Le sodium est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme et une consommation quotidienne d’au moins 2 g de sel est indispensable. Le sel naturellement présent dans les aliments ou les boissons représente environ 20 % des apports totaux, le sel ajouté à la cuisson et aux plats représente 10 à 20 % des apports quotidiens (soit 1 à 2 g/j) tandis que 70 % du sel consommé est dû aux aliments manufacturés. L’apport en sel est directement corrélé à la prise énergétique totale. D’après l’enquête INCA 1, six groupes d’aliments les plus

182

contributeurs de sel sont identifiés, qui représentent 70 % des apports en sel en moyenne et 80 % des apports chez les forts consommateurs de sel : - pain et biscottes (qui apportent 25 % du sel), - charcuteries (13 %), - soupes (10 %), - fromages (9 %), - plats cuisinés (9 %), - quiches, pizzas et pâtisseries salées (4 %). Deux autres postes importants chez les enfants, par leur fréquence de consommation, sont également pris en compte dans une enquête de l’Anses évaluant la baisse de la quantité de sel entre 2003 et 2011 : les viennoiseries et les céréales (17). Ainsi, on assiste à une baisse de la quantité de sel dans tous les postes excepté pour les viennoiseries et la charcuterie. Entre 2003 et 2011, on assiste aussi à des modifications des contributions des groupes d’aliments à l’apport sodé (Tab. 1).

Des changements nécessaires La réduction des apports sodés est

une véritable décision politique qui engage la société civile, toute l’industrie agroalimentaire et qui passe par : - une mobilisation des pouvoirs publics ; - une communication répétée et intelligente visant à favoriser la diversité alimentaire et une consommation raisonnable des aliments fort contributeurs ; - une mobilisation sur le terrain au travers, notamment, du médecin généraliste. L’éducation des patients ne sera possible qu’à condition d’uniformiser l’étiquetage des produits en signalant la quantité de sodium. Il est ainsi intéressant de savoir que, lorsque c’est la teneur en sodium (Na+) qui est mentionnée sur l’étiquette, appliquer un facteur de correction en multipliant par 2,54 permet d’avoir la quantité approchée de sel (ou chlorure de sodium ou NaCl). Malheureusement, les diverses enquêtes successives de l’INCA montrent en réalité que la baisse issue de l’évolution des teneurs en sel des aliments les plus contributeurs entre 2003 et 2011 ne se situerait qu’aux alentours de 4 à

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sel et hypertension artérielle

10 %, soit bien loin des 20 % souhaités. L’Anses préconise donc dans sa conclusion de compléter cet engagement volontaire de réduction du sel par des mesures « le cas échéant réglementaires » donc plus coercitives mais précédées d’une étude d’impact (17). Une évaluation plus précise des apports en sel est ainsi requise en présence d’une HTA ou d’une insuffisance cardiaque et elle s’intègre dans l’estimation des apports glucido-lipidiques (Tab. 2).

Aliment

Teneur en sel en 2003 (g/100 g)

Teneur en sel en 2011 (g/100 g)

Pain, baguette courante

1,88

1,58

Céréales chocolatées sucrées enrichies en vitamines et minéraux

0,53

0,53

Pétales de maïs natures enrichies en vitamines et minéraux

2,27

1,72

Croissant ordinaire

1,35

1,37

Croissant au beurre

1,26

1,26

Camembert

1,53

1,54

Emmental

0,77

0,64

Fromage bleu d’Auvergne

2,96

2,84

1,51-1,73

1,55-1,69

Quelques recommandations

Fromage de chèvre

Les conseils sont personnalisés, adaptés au patient et restent simples comme : • ne pas resaler avant de goûter, éviter la salière sur la table ; • réduire drastiquement le sel dans les eaux de cuisson ou dans la poêle ; • apprécier la quantité journalière de pain (une demi-baguette = 100 g, c’est 1,6 g de sel) ; • limiter : - les biscuits apéritifs (50 g de chips soit un sachet individuel = 1 g de sel) et les olives (4 à 7 olives = 1 g de sel), - la quantité de fromage (les fromages bleus et de chèvre sont les plus salés), - la charcuterie (jambon cru et saucisson sec essentiellement), - les pizzas ou quiches, - les bouillons-cubes, prisés par ceux qui cuisinent et qui perdent le bénéfice de cet effort (ou plaisir) ; • faire attention aux soupes, y compris maison (1 petite assiette = 1 g de sel) ; • éviter les conserves.

Jambon cru

5,43

4,94

Les eaux gazeuses peuvent apporter entre 1 200 et 1 700 mg de sodium par litre (Vichy St-Yorre®, Vichy Célestin®) ce qui correspond, chez des patients ayant une

Tableau 2 - Sélection de quelques aliments vecteurs de sel dans l’enquête de l’Anses (17).

Jambon cuit

1,86-1,93

1,70-1,87

Saucisson sec

4,73

4,94

Pizza royale

1,44

1,09

Soupe aux poireaux préemballée à réchauffer

0,73

0,69

Raviolis viande sauce tomate

1,19

0,89

dysrégulation sodée, à un équivalent de NaCl de 3 à 4 g/j. Les eaux de Badoit® (sodium : 165 mg/L) et l’eau Quezac® (sodium : 255 mg/L) se situent dans la zone intermédiaire. Les quantités de sel sont enfin négligeables pour une consommation quotidienne raisonnable des eaux La Salvetat® (sodium : 7 mg/L) et Perrier® (sodium : 25 mg/L). Moins connu, les boissons sucrées, sodas, thés glacés et limonades peuvent contribuer au déséquilibre tensionnel, et pas seulement au travers de l’excès pondéral, et méritent d’être encadrés (18). Chez l’hypertendu, les recommandations françaises soulignent que cette réduction sodée s’inscrit si possible dans le cadre d’une éducation thérapeutique. Les mesures peuvent être hiérarchisées et étalées dans le temps avec une réévaluation au cours du suivi (2).

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Les Britanniques insistent sur l’importance de l’oral mais aussi de l’écrit (sous la forme de guides ou de conseils pratiques) pour modifier les habitudes alimentaires. Les recommandations européennes disent aux patients de ne pas ajouter de sel aux aliments, d’éviter les aliments trop salés (!) comme les préparations alimentaires industrielles au profit d’aliments cuisinés à partir d’ingrédients naturels riches en potassium (3).

Comment surveiller ? À l’échelon individuel L’apport en sel est directement corrélé à la prise énergétique totale. Une réduction des apports sodés peut se traduire par une perte pondérale, rapide les premières semaines car la rétention hydrosodée est réduite, plus lente par la suite,

183


En pratique

la traduction d’une réduction de l’apport énergétique. Les chiffres de PA s’améliorent indépendamment d’une modification de traitement médicamenteux, notamment chez les gros saleurs. Les patients disent parfois qu’ils ont “dégonflé” avec moins de rétention hydrosodée. La natriurèse des 24 h (voire sur 8 h dans certains travaux) est directement corrélée à la baisse des PA dans des études courtes reprises sous forme d’une méta-analyse : une baisse de 75 mmol/j est associée à une baisse moyenne des PAS/PAD de -5 mmHg/-3 mmHg chez l’hypertendu (19). Cependant, lors d’un travail longitudinal de 6 ans sur plus de 1 000 hypertendus, la corrélation entre PAS (et pas PAD) et natriurèse, bien que de moindre amplitude, est bien retrouvée mais sans démonstration d’un impact sur la morbimortalité (20). Reste à savoir que si la natriurèse des 24 h est utilisable pour quantifier les apports sodés à l’échelon d’une population, sa variabilité intra-individuelle explique qu’un seul prélèvement ne soit pas le fidèle reflet des apports sodés d’un individu. S’ajoute à cela le fait qu’elle est difficilement réalisable en pratique (un recueil d’urine des 24 h n’est pas aisé, elle mérite d’être validée par la diurèse souvent disponible, mais aussi par la créatininurie qui ne l’est pas toujours) et interprétable seulement en l’absence de prise de diurétiques ou de bloqueurs du système rénine-angiotensine. Lorsque les conditions idéales sont réunies, alors ingérer 6 g/j de sel équivaut à une natriurèse aux alentours de 100 mmol par 24 h et chaque gramme supplémentaire équivaut à rajouter 17 mmol : très instructif par exemple en hospitalisation à l’entrée des patients… Pas sûr toutefois qu’il faille en généraliser l’utilisation en routine.

184

Dans le domaine de la recherche, il a été montré une relation directe entre consommation de sel et prise de liquides, chaque gramme supplémentaire correspondant à une prise de 100 ml, mais bien difficile à objectiver en pratique clinique (21). La réduction sodée s’accompagne d’une augmentation de la rénine et de l’aldostérone mais aussi de l’adrénaline et de la noradrénaline mais cela reste aussi du domaine de la recherche (7). Au final, c’est l’interrogatoire couplé à une analyse diététique plus fine qui, bien souvent, est le seul moyen d’apprécier les prises sodées et la prise d’antihypertenseurs, en plus de toutes les considérations précédentes entravant l’interprétation de la natriurèse. On comprend d’ailleurs toute la difficulté qu’il y a à évaluer une politique de santé publique basée sur la réduction des apports sodés, faute d’indicateurs…

À l’échelon collectif Une surveillance de l’étiquetage des produits, de la quantité de sel ponctuellement relevée, le suivi de l’application de mesures dans la restauration collective (pas de salière sur la table, réduction de la taille des sachets de sel, alimentation variée et diversifiée) et la pratique d’enquêtes alimentaires sur des populations ciblées, ou pas, complètent le dispositif de surveillance.

Le concept de sensibilité individuelle au sel est-il valide ?

La réponse tensionnelle liée aux apports sodés varie d’un patient à l’autre et c’est un phénomène appelé la sensibilité au sel. Cette

hétérogénéité de réponse serait tributaire de plusieurs facteurs dont l’âge, le sexe, le niveau tensionnel, le poids, les prises d’alcool, l’activité physique et des facteurs génétiques (22). Ainsi, il vient d’être montré qu’une activité physique soutenue est inversement corrélée à la sensibilité au sel sur les PA (23). Une forte sensibilité au sel est associée à une morbimortalité cardiovasculaire accrue (24). Concrètement, dans la plupart des études, un patient est dit sensible au sel si la différence des PA moyennes mesurée entre un régime salé et un régime peu salé excède 5 %, soit une augmentation en moyenne de la PAS/PAD de +6/+4 mmHg. De surcroît, en pratique clinique, il n’est pas rare de constater une amélioration du contrôle tensionnel par la seule réduction des apports sodés, en particulier chez le patient gros saleur, obèse, peu actif et remis en charge, et parfois chez le sujet noir, ce qui nous fait dire que, oui, le concept semble validé…

Les associations médicamenteuses antihypertensives

On ne peut qu’extrapoler et se dire (mais pas démontrer) qu’une association de bloqueurs du système rénine-angiotensine et de diurétiques thiazidiques qui augmentent la natriurèse provoque une baisse tensionnelle d’autant plus nette que le patient est sensible au sel. Récemment, un travail mené chez l’hypertendu résistant a comparé une stratégie utilisant en plus d’un sartan, d’un inhibiteur calcique et d’un diurétique thiazidique à faible dose, soit des diurétiques en association (ajout d’antialdostérones et de diurétiques de l’anse), soit

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sel et hypertension artérielle

des bloqueurs du système rénineangiotensine (IEC et bêtabloquants) : c’est la première stratégie par la déplétion sodée qui semble la plus efficace avec 58 % des patients à l’objectif contre 20 % dans l’autre groupe (25).

Conclusion

Si une réduction des apports sodés semble avoir démontré un

bénéfice dans la population hypertendue, un débat persiste sur son impact dans la population générale. Les objectifs fixés par les différentes recommandations sont variables chez l’hypertendu et encore non atteints. Seule une politique de santé publique incitative, notamment auprès de l’industrie agro-alimentaire, couplée à une information inlassablement renouvelée de la

population pourraient laisser présager d’un bénéfice sur la morbimortalité. n

Mots-clés : Sel, Hypertension artérielle, Événements cardiovasculaires, Recommandations

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185


Profession

La prescription médicale hors AMM Nouvel encadrement juridique

Benjamin Attali (Avocat, ATTALI ASSOCIÉS, Strasbourg, avocats@attali-associes.fr)

La prescription médicale hors Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) est désormais pleinement reconnue. Pendant longtemps, cet acte médical était pris entre les feux d’une part du principe de liberté de prescription médicale et d’autre part du principe de précaution à l’égard du patient. L’affaire Mediator® fut le point d’orgue retentissant de la problématique. Deux lois, celle du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et celle du 17 décembre 2012 de financement de la Sécurité sociale, précisées par des décrets, sont notamment venues régir la matière. La possibilité d’une prescription hors AMM est désormais reconnue sous certaines conditions et de nouvelles obligations reposent désormais sur le praticien.

L’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique, pierre angulaire de la règlementation de la prescription médicale hors AMM, dispose : « I. – Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, sous réserve : 1° Que l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans ; 2° Ou que le prescripteur juge in-

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Les conditions de prescription hors AMM

La possibilité d’une prescription hors AMM est désormais reconnue sous certaines conditions et de nouvelles obligations reposent désormais sur le praticien.

Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59


La prescription médicale hors AMM

dispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient. (...) » Le recours à une prescription hors AMM suppose la réunion d’au moins deux conditions.

À la condition relative à l’absence d’alternative médicamenteuse, le recours à une prescription hors AMM suppose la caractérisation d’au moins l’une des deux conditions suivantes :

Les recommandations temporaires d’utilisation visées sont mises à disposition des prescripteurs. Elles sont établies après information du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché. Les recommandations temporaires d’utilisation sont élaborées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ces recommandations sont assorties d’un recueil des informations concernant l’efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d’utilisation de la spécialité par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou l’entreprise qui l’exploite, dans des conditions précisées par une convention conclue avec l’agence. La convention peut comporter l’engagement, par le titulaire de l’autorisation, de déposer dans un délai déterminé une demande de modification de cette autorisation. À titre exceptionnel, en présence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché, une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation. Cette recommandation temporaire d’utilisation ne peut être établie que dans l’objectif soit de remédier à un risque avéré pour la santé publique, soit d’éviter des dépenses ayant un impact significatif sur les finances de l’Assurance maladie.

• Que l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Les RTU visées sont celles établies par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

• Que le recours à la spécialité soit jugé indispensable par le prescripteur, au regard des données acquises de la science, pour améliorer ou stabiliser l’état de santé du patient. Le prescripteur est par principe juge de sa prescription hors AMM.

Condition 1 Le recours à une prescription hors AMM n’est possible qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse, c’est-à-dire en l’absence d’autres médicaments bénéficiant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Une prescription est non conforme à une AMM lorsqu’elle est non conforme aux indications thérapeutiques ou aux conditions d’utilisation du produit telles que mentionnées dans l’AMM. Les spécialités pharmaceutiques visées sont celles bénéficiant d’une AMM, que l’AMM soit européenne ou nationale, que le médicament soit délivré sur prescription ou non, que le médicament soit de référence ou un générique... Sont donc en revanche exclus les médicaments encore en essai clinique, homéopathiques...

Condition 2

Cette recommandation ne peut excéder trois ans.

Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59

Cependant, son recours à une telle prescription doit pouvoir se justifier. Deux critères ressortent de la nouvelle législation. D’une part, la prescription doit être indispensable pour améliorer ou stabiliser l’état de santé du patient. Une prescription hors AMM superflue qui viendrait s’ajouter à une autre suffisante pour le traitement médical serait jugée injustifiée. D’autre part, la légitimité de la prescription hors AMM sera jugée par le prisme de la conformité aux données acquises de la science. Par nature, la science étant évolutive, la justification d’une prescription hors AMM l’est aussi.

Les obligations du praticien

Le recours à une prescription hors AMM étant justifié au regard des conditions exposées plus haut, le médecin devra conformément à la nouvelle législation respecter trois obligations essentielles.

Informer le patient Premièrement, le praticien devra informer son patient : • de la non conformité de la prescription de la spécialité pharmaceutique à son autorisation de mise sur le marché ; • de l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée ; • des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament ; • des conditions de prise en charge, par l’Assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite. Il est recommandé au praticien de se préconstituer la preuve de la transmission de ces informations par un écrit préétabli reprenant ces quatre types d’informations.

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Profession

Rappelons que le patient doit être en mesure d’apporter un consentement libre et éclairé concernant son traitement et notamment dans un cadre hors AMM. À défaut d’un tel consentement, le patient pourrait invoquer un défaut d’information. La Cour de cassation a jugé que l’absence d’information sur le non-respect des indications prévues par l’AMM du traitement, quoique pratiqué couramment et sans risque connu, est nécessairement à l’origine d’un préjudice moral, en ce qu’elle prive le patient de sa faculté de donner un consentement éclairé.

Mentionner sur l’ordonnance le caractère hors AMM de la prescription Deuxièmement, la nouvelle loi prévoit expressément l’obligation du médecin de porter sur l’ordonnance la mention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché ». Il est recommandé au praticien de porter une mention très lisible de taille importante ne laissant aucun doute sur le cadre hors AMM de la prescription.

Motiver la prescription dans le dossier médical du patient Troisièmement, le médecin doit motiver sa prescription dans le dossier médical du patient. Il est recommandé au praticien de justifier de sa prescription au regard des conditions évoquées plus haut. Il est conseillé de justifier de la double condition exigée par la nouvelle législation et de ne pas se contenter d’une formulation vague. À cet effet, il est recommandé d’insister sur la justification de l’absence d’alternative médicamenteuse ainsi que sur celle de la recommandation temporaire d’utilisation visée ou du caractère indispensable, au regard des données acquises de la science, du recours à la spécialité pharmaceutique pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient. En cas de non-respect de ces trois obligations du praticien, des mises en cause civiles, pénales ou disciplinaires sont possibles.

Conclusion

Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, sous réserve : • que l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans ; • ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient. Une triple obligation repose sur le médecin : informer le patient, mentionner sur l’ordonnance le caractère hors AMM de la prescription et motiver la prescription dans le dossier médical du patient. n

Mots-clés : Prescription médicale hors AMM, Juridique, Obligations

rendez-vous de l’industrie Syndrome d’apnées du sommeil

Nouveau dispositif de diagnostic chez les patients cardiaques

S

orin Group a annoncé l’obtention du marquage CE et le lancement en France de la gamme des pacemakers Reply 200 dotés de la fonction de suivi du syndrome d’apnées du sommeil. Les pacemakers Reply 200 SR et DR permettent le dépistage automatique des patients présentant un risque d’apnées du sommeil, et ce, grâce à un capteur de mesure de la ventilation minute. L’index de troubles respiratoires (RDI), détecté et calculé par le pacemaker, a été validé en comparaison avec la polysomnographie, l’examen de référence pour diagnostiquer le syndrome d’apnées du sommeil. Avec la fonction SAS du Reply 200, les médecins ont accès à l’évaluation des événements respiratoires anormaux pendant la nuit sur une période de 6 mois et peuvent visuali 188

ser les informations essentielles et notamment le degré de sévérité du SAS pour les patients qui en sont atteints. Les pacemakers Reply 200 sont les plus petits pacemakers au monde et possèdent le meilleur rapport longévité/taille (12 ans de longévité dans un pacemaker de 8 cm3). En plus du suivi du syndrome d’apnées du sommeil, le Reply 200 DR dispose du mode SafeR™, une fonction automatique et intelligente qui préserve la conduction électrique cardiaque naturelle du patient. n

Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59


index cardiologie cardinale 2013

Tous les dossiers et Mises au point •N °54 – Le syndrome d’apnées du sommeil : que doit savoir un cardiologue en 2013 ? •N °55 – Le point sur le syndrome de Raynaud. •N °57 – L’amylose cardiaque : une CMH méconnue. •N °56 – Le traitement de l’insuffisance cardiaque : où en est-on en cette fin d’année 2013 ? •N °58 – La dénervation rénale : ce que l’on peut en penser en 2013. •N °59 – Évaluation des fuites mitrales primaires : les pièges à éviter.

Articles par rubrique d Artères • N°58 – La dysplasie fibromusculaire : prise en charge et perspectives. d Cardiologie et vie pratique •N °57 – La E-Cigarette : state of the art. •N °59 – Sel et hypertension artérielle : données issues des études et recommandations. d cas clinique •N °54 – Hémangiome caverneux de l’oreillette droite : à propos d’un cas. •N °59 – Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol : à propos d’un cas et revue de la littérature. d Cœur •N °54 – La fonction ventriculaire droite : comment l’étudier ? •N °57 – Le strain en pratique : évaluation de la fonction et de la contractilité myocardique. •N °59 – Cardiomyopathie hypertrophique : la stratification du risque de mort subite. d Conférences et congrès •N °54 – Prévenir le risque thromboembolique de la FA : une approche bénéfice-risque. •N °55 – Syndromes coronaires aigus : peut-on encore optimiser leur prise en charge ? •N °56 – Symposiums et congrès : à retenir. •N °57 – Faut-il traiter l’hypercholestérolémie chez le sujet de plus de 80 ans ? •N °57 – AHA Scientific Sessions 2013 (Dallas) : quelles surprises et quelles nouveautés nous réserve cet univers impitoyable ? •N °59 – Journées de l’hypertension artérielle : à retenir. d Grandes études •N °55 – FAST-MI : illustration des progrès continus de la cardiologie. •N °56 – TASTE (ESC 2013) : un argument contre la thrombo-aspiration lors de l’angioplastie primaire. •N °56 – SAVOR (ESC 2013) : la baisse de la glycémie dans le haut risque cardiovasculaire, pas d’effet clinique et peut-être un risque. •N °56 – HOKUSAI VTE (ESC 2013) : l’edoxaban, une option thérapeutique mieux tolérée que les AVK dans le traitement des phlébites et des embolies pulmonaires.

• N°56 – ECHO CRT (ESC 2013) : la durée du QRS, paramètre essentiel pour l’indication de la resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque. • N°56 – RE ALIGN (ESC 2013) : pas de NACO chez les patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique. • N°56 – COMPARE (ESC 2013) : le losartan devient un traitement du syndrome de Marfan avec dilatation aortique. • N°58 – ENGAGE AF (AHA 2013) : l’edoxaban n’est pas inférieur à la warfarine comme anticoagulant dans la fibrillation atriale et réduit significativement le risque hémorragique. • N°58 – TOPCAT (AHA 2013) : échec de la spironolactone dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. • N°58 – STREAM À 1 AN (AHA 2013) : infarctus du myocarde : effet à 1 an de deux modes de prise en charge. • N°58 – CTSN-SMR (AHA 2013) : insuffisance mitrale ischémique : remplacement ou réparation ? • N°58 – ERASE (AHA 2013) : artérite : dilater ou rééduquer ? • N°58 – CORAL (AHA 2013) : il n’y a pas de bénéfice clinique à dilater une sténose artérielle rénale chez l’hypertendu. d Imagerie • N°58 – Écho-Doppler vasculaire : j’ai testé pour vous l’EPIQ. d Opinion • N°54 – Risque cardiovasculaire, cholestérol et statines. Académie Nationale de Médecine, Communiqué adopté le 19 février 2013. d profession • N°56 – Le médecin face aux conflits d’intérêts : recommandations de bonnes pratiques. • N°58 – NACO : l’Assurance maladie, l’ANSM et la HAS nous informent. Beaucoup de bon sens et un rappel des règles de bon usage. • N°59 – La prescription médicale hors AMM : nouvel encadrement juridique. d Recherche • N°57 – Microbiote et athérosclérose : identification d’un nouveau facteur environnemental. d Réflexions • N°54 – Limites de l’essai thérapeutique contrôlé : quelques exemples concrets. • N°55 – Les essais thérapeutiques et leurs conclusions : exemples. • N°56 – Les recommandations de bonne pratique clinique : sontelles une source du savoir ? d Rythmologie • N°56 – Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013 : mise au point en rythmologie. • N°58 – Quizz : pourquoi ces deux tachycardies chez le même patient ? d thérapeutique • N°59 – Les NACO (ou AOD) : en pratique.

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