CARDINALE CARDIOLOGIE
R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e
d www.cardinale.fr
Anticoagulants oraux directs Dans l’anticoagulation des patients porteurs de fibrillation atriale non valvulaire, les anticoagulants oraux directs font maintenant partie du quotidien du cardiologue. Découvrez comment bien les utiliser… mise au point
recommandations
échos des Congrès
Comment bien évaluer les fuites mitrales primaires ?
Cardiomyopathie hypertrophique : stratification du risque de mort subite
Journées de l’hypertension artérielle : à retenir
page 168
page 176
page 163 en pratique
cas clinique
profession
Sel et hypertension artérielle : données issues des études et recommandations
Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol
Prescription médicale hors AMM : nouvel encadrement juridique
page 180
page 173
page 186
Décembre 2013 • Volume 7 • n° 59 • 9 E
éditorial
2014, l’année du changement ?
I
l est de tradition, à chaque nouvelle année, d’invoquer les changements à venir comme si du passé il fallait faire table rase et comme si, d’un coup de baguette magique, tout allait enfin changer. Dans cet exercice, il faut bien le dire, nos politiques n Serge sont passés maîtres. Il n’est bien Kownator sûr pas question d’aborder ici la politique et le propos reste évidemment cardiologique. Le changement, tout aussi fantastique que cela puisse être, n’est pas la réussite de la première implantation, chez l’Homme, d’un cœur artificiel. Le recours en pratique à ce type d’intervention n’est pas encore d’actualité. Non, le changement pourrait venir de deux recommandations très récemment publiées outre-Atlantique. La première
risquerait d’augmenter sérieusement le nombre de personnes traitées en prévention primaire. Ces guidelines ont fait l’objet de débats qui ne devraient pas s’arrêter là, elles sont américaines bien sûr, non européennes, encore moins françaises, ouf diront certains ! Autres recommandations, encore plus récentes, celles très attendues du JNC 8 sur la prise en charge de l’HTA. Elles sont synthétisées en 9 points, nous aurons l’occasion d’y revenir dans Cardinale, mais dès à présent on peut souligner la nouveauté, le seuil de pression systolique cible à retenir pour les sujets de plus de 60 ans est de 150 mmHg, c’est une sorte de révolution. Pour les sujets plus jeunes, 18 à 59 ans, diabétiques et insuffisants rénaux compris, la cible est unique à 140 mmHg avec comme seuil essentiel de déclenchement du traitement, une pression diastolique > 90 mmHg. Là encore, discordance entre les deux
Il est de tradition, à chaque nouvelle année, d’invoquer les changements à venir comme si du passé il fallait faire table rase. porte sur la prise en charge des dyslipidémies et bouscule complètement les principes de prise en charge généralement admis. Exit les seuils cibles de LDL cholestérol. On traiterait, selon ces recommandations, sur la seule base des études randomisées ou des méta-analyses publiées, le niveau de risque, en utilisant les statines et elles seules. Le but ? Une baisse d’au moins 50 % du LDL cholestérol en cas de haut risque, 30 à 50 % pour les niveaux de risque moins élevés. Qui plus est, il serait recommandé de traiter par statines tous les sujets entre 40 et 75 ans dont le niveau de risque à 10 ans, estimé avec un nouveau calculateur, dépasserait 7,5 %. Pour du changement, voilà un changement qui
côtés de l’Atlantique dont il faudra trancher. Voilà donc des changements qui pourraient s’annoncer si tant est qu’on adhère ou non à ces nouveaux principes. Changement à venir également et non des moindres, le rôle de plus en plus important que pourrait jouer la téléphonie mobile pour le suivi des patients. Selon Price Waterhouse Coopers, elle pourrait, à l’horizon 2017, entraîner une économie de 11,5 milliards d’euros en France (93 milliards en Europe) ! Que ferons-nous de cette manne financière ? En attendant tous ces changements, cet éditorial est l’occasion de vous souhaiter à toutes et tous une excellente année 2014 ! n
sommaire
CARDINALE CARDIOLOGIE
R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Rédacteur en chef : Dr Serge Kownator Rédacteurs en chef adjoints : Pr Victor Aboyans, Dr Stéphane Cosson Directrice de la Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Directrice de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette & illustration : Nathalie Lyon-Caen, Élodie Lelong • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne – 2, avenue Berthelot – ZAC de Mercières – BP 60524 – 60205 Compiègne cedex Comité de lecture Dr Walid Amara (Montfermeil) • Dr Pierre Attali (Strasbourg) • Pr François Carré (Rennes) • Dr Gabriel Choukroun (Amiens) • Dr Serge Cohen (Marseille) • Pr Geneviève Derumeaux (Lyon) • Dr François Diévart (Dunkerque) • Dr Jean-Jacques Domerego (Nice) • Dr Alain Ducardonnet (Paris) • Dr Meyer Elbaz (Toulouse) • Pr Michel Farnier (Dijon) • Pr Alain Grynberg (Jouy-en-Josas) • Pr Daniel Herpin (Poitiers) • Dr Jean-Pierre Houppe (Thionville) • Dr Patrick Jourdain (Pontoise) • Pr Christophe Leclercq (Rennes) • Dr François Luizy (Paris) • Dr Marie-Christine Malergue (Paris) • Dr Emmanuel Messas (Paris) • Dr François Philippe (Paris) • Dr Pascal Poncelet (Lille) • Dr Naïma Rahmoun (Oran) • Dr Gilles Traisnel (Lille) • Dr Olivier Varenne (Paris) • Dr Stéphane Zuily (Nancy)
Décembre 2013 • Vol. 7 • N° 59
www.cardinale.fr
n Éditorial n thérapeutique Les NACO (ou AOD) En pratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 158
Jean-Marc Davy, François Roubille, Frédéric Cransac, Sarah Thomann, Thien Tri Cung (Montpellier)
n recommandations Cardiomyopathie hypertrophique La stratification du risque de mort subite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 163 Najmeddine Echahidi (Limoges)
n Mise au point
Évaluation des fuites mitrales primaires Les pièges à éviter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 168
Marie-Christine Malergue (Paris)
n cas clinique
Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol À propos d’un cas et revue de la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 173
Marouane Belarbi, Ayoub Khanoussi, Adil Adnouni, Fouad El mazani, Charifa Alaoui, Mariam Chettati, Mohamed Naciri, Wafae Fadili, Inass Laouad (Marrakech)
Comité scientifique Pr Michel Bertrand (Lille) • Pr Jean-Pierre Bourdarias (Boulogne) • Pr Jean-Paul Broustet (Bordeaux) • Pr Christian Cabrol (Paris) • Pr Alain Cribier (Rouen) • Pr Vincent Dor (Monaco) • Dr Jean Fajadet (Toulouse) • Dr Guy Fontaine (Paris) • Pr Gilbert Habib (Marseille) • Pr Samuel Lévy (Marseille) • Dr François Luizy† (Paris) • Pr Jean Marco (Toulouse) • Dr Jean-Baptiste Michel (Paris) • Pr Philippe Gabriel Steg (Paris) • Pr Paul Touboul (Lyon) • Pr Bernard Belhassen (Tel-Aviv) Cardiologie Cardinale est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : cardinale@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1960-1646 N° de Commission paritaire : 0115 T 89308 Prix au numéro : 9 e. Mensuel : 10 numéros par an.
n échos des congrès
Journées de l’hypertension artérielle À retenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 176
Pierre Attali (Strasbourg)
n en pratique
Sel et hypertension artérielle Données issues des études et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 180 Béatrice Bouhanick, Bernard Chamontin (Toulouse)
n profession La prescription médicale hors AMM Nouvel encadrement juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 186
Benjamin Attali (Strasbourg)
n Dessin du mois (Jean-Philippe Kevorkian) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Index Cardiologie Cardinale 2013 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photos de couverture : © Sebastian Kaulitzki - Stocklib
p. 172 p. 179 p. 188 p. 189
Thérapeutique
LES NACO (ou AOD) En pratique
Jean-Marc Davy, François Roubille, Frédéric Cransac, Sarah Thomann, Thien Tri Cung (Département de Cardiologie et Maladies Vasculaires, CHU de Montpellier, jm-davy@chu-montpellier.fr)
Introduction
Quand prescrire un AOD : en 1re intention ou chez les patients déjà traités par AVK ?
La première règle est bien entendu de respecter les contre-indications qui sont actuellement : • l’insuffisance rénale sévère avec une clairance de la créatinine < 30 ml par minute ; • les fibrillations atriales chez les patients porteurs de prothèse valvulaire mécanique ou de rétrécissement mitral hémodynamique. Mais ensuite ? La 1re intention est très probablement la place de choix. C’est la pratique quotidienne, en raison de la simplicité d’instauration du traitement, à la fois pour le médecin et pour le patient. C’est aussi
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largement étayé par les études qui confirment l’excès de risque à la fois hémorragique et thrombotique dans les 3 à 6 mois suivant l’instauration d’un traitement antivitamine K, correspondant à la période d’équilibration de l’INR (concept de patients “naïfs”). C’est la justification de la recommandation européenne qui met clairement en classe IIa (indication “raisonnable”) la préférence pour ces anticoagulants oraux directs chez tous les patients qui peuvent en bénéficier. Pourtant, les mêmes recommandations mettent en classe I (indication “recommandée”) le choix de ces anticoagulants, à la place des antivitamines K, “chez les patients dont l’équilibration de l’INR est difficile ou qui ont présenté des
© Sebastian Kaulitzki - Stocklib
Dans l’anticoagulation des patients porteurs de fibrillation atriale non valvulaire (FANV), les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) font maintenant partie du quotidien du cardiologue. Pour les trois médicaments actuellement commercialisés en France (dabigatran, rivaroxaban et apixaban), les études datent de 2009 pour la plus ancienne, puis 2010 et 2011, et ces études ont permis de définir les libellés des autorisations de mise sur le marché (AMM), qui, sans être identiques, sont très similaires. La confirmation de la place de ces médicaments dans la prévention du risque thrombotique de la fibrillation atriale est venue des recommandations internationales : recommandations européennes de 2010, puis 2012, mais aussi américaines et canadiennes.
effets secondaires sous AVK”. Ceci ne veut pas dire que la 2e intention est en classe I, mais souligne deux évidences, qui peuvent en fait être très trompeuses : • si les effets secondaires sont des accidents hémorragiques, la décision est difficile, les deux classes thérapeutiques ayant un risque hémorragique similaire (cf. infra) ; • si l’INR est instable, il faut toujours se méfier d’un souci d’observance méconnu qui sera lui aussi rencontré sous AOD (cf. infra). Enfin, le document publié en septembre 2013 par la HAS rappelant que les antivitamines K sont la référence (historique), et que les anticoagulants oraux directs sont une alternative (nouvelle), ne signifie pas que les antivitamines K doivent être réservés à la première
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Recommandations
Cardiomyopathie hypertrophique
La stratification du risque de mort subite Najmeddine Echahidi (Service Cardiologie, CHU Dupuytren, Limoges, najmeddine.echahidi@chu-limoges.fr)
Introduction La Cardiomyopathie Hypertrophique (CMH), maladie génétique à transmission autosomique dominante, est définie par une épaisseur pariétale du VG ≥ 15 mm (les valeurs de 13 à 14 mm sont considérées comme limites). Sa prévalence dans la population générale est de 0,2 %. La mort subite d’origine cardiaque (MSC), chez des patients non sélectionnés ayant une CMH, est légèrement inférieure à 1 %. Cependant, elle peut être la première manifestation de la maladie et frappe souvent le sujet jeune et l’athlète de compétition. Il est admis que la MSC est liée à la survenue d’arythmies ventriculaires, même si cela n’a, jusqu’à maintenant, pas été clairement prouvé. Le pronostic de la CMH est essentiellement lié au risque de survenue de la MSC, car les patients atteints de CMH sont souvent asymptomatiques et évoluent rarement vers l’insuffisance cardiaque.
L’
incidence élevée d’arythmies ventriculaires dans la CMH est généralement attribuée à la combinaison de plusieurs anomalies structurelles primaires dominées par la désorganisation cardiomyocytaire et la fibrose interstitielle, avec des facteurs déclenchant secondaires tels que l’ischémie myocardique, l’exercice physique intense, une chute de la pression artérielle, ainsi qu’un déséquilibre du système nerveux autonome. Mais il existe dans la CMH une importante hétérogénéité du substrat et des facteurs déclenchant rendant peu précise la valeur prédictive de tout modèle de stratification du risque. L’hétérogénéité des populations étudiées, le faible taux d’événements et les traitements pharmacologiques utilisés limitent également l’application des modèles de prédiction du risque.
De nombreux travaux réalisés au cours de la dernière décennie ont contribué à une meilleure compréhension du risque de survenue de la MSC et à l’identification du nombre (relativement faible) de patients devant bénéficier du défibrillateur automatique implantable (DAI), qui représente le seul traitement efficace pour la prévention de la MSC, l’approche pharmacologique (bétabloquant, verapamil, amiodarone, disopyramide) n’ayant pas démontré d’effet préventif de la MSC.
Stratification du risque de la MSC
En prévention secondaire, chez les patients ayant présenté un arrêt cardiaque récupéré, une fibrillation ventriculaire ou une tachycardie ventriculaire avec retentissement hémodynamique, l’implantation
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d’un DAI ne se discute pas, et est actuellement une recommandation de classe I (1), en raison du risque majeur de récidive. Mais, en prévention primaire, la décision n’est pas toujours facile et la stratification repose généralement sur la présence ou non de marqueurs non invasifs du risque de la MSC, issus majoritairement d’études observationnelles, chez des patients souvent cliniquement stables. Parmi les multiples facteurs de risque rapportés dans les études observationnelles (âge jeune, mutation de la troponine T, antécédents familiaux de mort subite, syncope, HVG sévère, gradient intraventriculaire gauche, tachycardie ventriculaire non soutenue [TVNS], dysfonction diastolique, réponse tensionnelle anormale à l’effort, ischémie myocardique, fibrose myocardique, FA…), six ont été identifiés comme facteurs de
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Mise au point
Évaluation des fuites mitrales primaires Les pièges à éviter
Marie-Christine Malergue (Institut Mutualiste Montsouris, Paris ; Institut Cœur effort Santé, Paris)
Introduction L’analyse échographique est la pierre angulaire de la prise en charge des fuites mitrales primaires. Les différentes étapes diagnostiques comportent l’analyse de la morphologie de la valve et du mécanisme de la fuite, sa quantification et le retentissement ventriculaire, bilan dont va dépendre sa prise en charge : surveillance clinique et échographique, plastie mitrale ou, en cas d’aspect anatomique non favorable, remplacement valvulaire par une prothèse, en sachant que la chirurgie conservatrice reste l’option privilégiée. L’échographie est la seule méthode disponible pour quantifier une insuffisance mitrale en routine ; cette quantification est fondamentale et a fait l’objet de recommandations récentes (1-2). De nombreux paramètres sont accessibles mais il n’y a pas de critère infaillible, l’approche doit donc être multiparamétrique et les différentes mesures doivent être confrontées entre elles, ainsi qu’aux indices de retentissement ventriculaire gauche. La cohérence prime et en cas de discordance il est important de remettre en cause ses mesures en connaissant les pièges et les limites.
Les indices de sévérité
Les indices de sévérité des fuites mitrales sont rappelés dans le tableau 1.
Ils sont : • qualitatifs (aspect morphologique de la valve, intensité et forme du flux en Doppler continu, présence d’une zone de convergence, petit jet central, large jet excentrique) ; • semi quantitatifs (largeur de la vena contracta [VC], reflux dans les veines pulmonaires, rapport des ITV mitrale/aortique) ; • quantitatifs (surface de l’orifice régurgitant, volume régurgité,
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ventriculaire gauche, taille de l’oreillette gauche, pression artérielle pulmonaire). Chacun de ces critères a ses limites et ne peut être utilisé seul. La confrontation des paramètres entre eux est un objectif essentiel ainsi que le degré de retentissement sur les cavités gauches et les pressions pulmonaires.
L’extension du jet
C’est un critère apparemment facile et “tentant” : on aurait envie de penser que, plus un jet va loin, plus il est important. Mais l’extension du jet n’est pas recommandée pour quantifier une fuite.
Tableau 1 - Les paramètres de quantification des régurgitations mitrales, d’aprèshémodynamique (2). retentissement Paramètres Qualitatifs : • Morphologie valvulaire • Jet en Doppler couleur • Zone de convergence • Signal Doppler
Modérée Normal Petit central 0 ou petite parabolique
Moyenne Normal Intermédiaire Intermédiaire Dense/parabolique
Sévère Rupture de cordages, prolapsus Large central ou excentrée Importante Dense triangulaire > 7 ou > 8 biplan Onde systolique négative
Semi quantitatifs : <3 Intermédiaire • VC largeur mm S prédominante Effacement de • Flux veineux pulmonaire l’onde S • Profil mitral A prédominante Variable E prédominante (1,5 m/s) • IVTmit/ITV ao <1 intermédiaire > 1,4 Quantitatifs : • SOR mm² < 20 20-29 ≥ 40 • VR (ml) < 30 30-44, 45-59 ≥ 60 • + dilatation VG, OG et PAPS SOR : surface de l’orifice régurgitant, VR : volume régurgité, OG : oreillette gauche, VG : ventricule gauche, VTI : intégrale temps vitesse, VC : vena contracta
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Cas clinique
Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol
À propos d’un cas et revue de la littérature
Marouane Belarbi, Ayoub Khanoussi, Adil Adnouni, Fouad El mazani, Charifa Alaoui, Mariam Chettati, Mohamed Naciri, Wafae Fadili, Inass Laouad (Service de Néphrologie-hémodialyse et Transplantation rénale, CHU Mohamed VI, Marrakech, marouane676@gmail.com)
Les emboles de cristaux de cholestérol (ECC), ou maladie rénale athéro-embolique, sont une pathologie rare, due à la dissémination la plus souvent iatrogène des cristaux de cholestérol à partir de plaques athéromateuses ulcérées, le plus souvent de l’aorte. Décrite initialement par Panum en 1862 (1), elle représente 3-4 % des causes d’insuffisance rénale aiguë. Nous rapportons un cas d’ECC dû à un surdosage en antivitamines k (AVK).
Observation
Il s’agit d’un patient de 78 ans ayant comme antécédents une hypertension artérielle et une hypercholestérolémie depuis 15 ans, suivi pour amylose cardiaque depuis 3 ans compliquée d’un bloc auriculoventriculaire complet et arythmie complète par fibrillation auriculaire, ayant nécessité la pose d’un pacemaker et un traitement anticoagulant par AVK. Il est admis aux urgences pour altération de l’état général, douleur abdominale avec vomissements, mélénas et oligo-anurie.
Figure 1 - Livedo reticularis au niveau du pied droit.
Examen clinique L’examen clinique trouve un patient grabataire, normotendu à 110/60 mmHg, présentant des œdèmes des membres inférieurs avec présence d’un livedo reticularis (Fig. 1) et de nécroses distales des orteils (Fig. 2).
Biologie Le bilan biologique montre une
insuffisance rénale avec une créatinine à 91 mg/L, un taux d’urée à 5 g/L, une hyperkaliémie à 5,6 mmol/L, une hyponatrémie à 125 mmol/L, une anémie hypochrome microcytaire à 6,7 g/dL, un TP à 32 % avec INR à 10 et une protéine C réactive à 22,5 mg/L. Les bilans hépatique et lipidique sont normaux.
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Imagerie L’échographie rénale montre des reins de taille normale bien différenciés sans dilatation des cavités excrétrices et la radiographie thoracique une surcharge hilaire importante.
Traitement et suivi Un traitement par vitamine k est
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échos des congrès
journées de l’hypertension artérielle À retenir
Pierre Attali (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, pierre.attali@chru-strasbourg.fr)
HTA résistante : à propos des recommandations D’après une session DPC (JHTA - Paris le 20 décembre 2013)
quelles Investigations pour l’HTA résistante ? (G. doll, tours)
Il est recommandé de définir une HTA résistante comme une HTA non contrôlée en consultation et confirmée par une mesure en dehors du cabinet médical malgré une stratégie thérapeutique comprenant des règles hygiéno-diététiques adaptées et une trithérapie médicamenteuse antihypertensive depuis au moins quatre semaines à dose optimale tolérée, incluant un diurétique adapté (Classe 1, Grade C, ++++). Les caractéristiques des patients avec une HTA résistante sont les suivantes : • présence d’une PA initialement très élevée ; • atteinte d’organes cibles ; • association à un diabète ou une obésité ; • atteinte athéromateuse vasculaire avec rigidité artérielle ; • âge avancé ; • origine africaine ; • prise excessive de sel. Devant une HTA résistante, les examens suggérés pour la recherche d’une HTA secondaire sont les suivants (en fonction de chaque
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patient, le médecin spécialiste de l’HTA sélectionne dans ce listing l’examen le plus approprié) : • ionogramme sanguin et natriurèse des vingt-quatre heures ; • créatininémie ; • créatininurie et protéinurie des vingt-quatre heures ; • angioscanner abdominal ; • échographie Doppler des artères rénales ; • dosage de la rénine et de l’aldostérone plasmatique pour calcul du rapport aldostérone/rénine plasmatique ; • dosage des métanéphrines et des normétanéphrines urinaires des vingt-quatre heures ; • dosage du cortisol libre urinaire des vingt-quatre heures avec test de freinage rapide (par dexaméthasone 1 mg) ; • oxymétrie nocturne ; • enregistrement polysomnographique (Classe 2, Grade B, ++). La cause la plus fréquente d’HTA secondaire associée à une HTA résistante est le syndrome d’apnées du sommeil (64 %), suivie de l’hyperaldostéronisme primaire (5,6 %) et de la sténose de l’artère rénale (2, 4 %). Les examens suggérés pour la recherche d’une atteinte d’organes cibles sont le dosage de la créatini-
némie, de la micro-albuminurie et de la protéinurie ainsi que la réalisation d’un ECG de repos et d’une échocardiographie. Le bilan vasculaire sera réalisé en fonction du contexte clinique (Classe 2, Grade B, + +).
Investigations pour le bilan étiologique : apports des dosages hormonaux (J.P. fauvel, lyon)
Les dosages hormonaux dans l’HTA résistante concernent essentiellement les hyperaldostéronismes primaires. Les autres causes sont nettement moins fréquentes : hypercorticisme, phéochromocytome, acromégalie, hyperthyroïdie et intoxication à la réglisse. Le diagnostic est difficile car la clinique est rarement évocatrice. Il faut néanmoins dépister ces causes hormonales car elles occasionnent des HTA sévères, augmentent la morbi-mortalité cardiovasculaire et nécessitent un traitement spécifique. Pour le phéochromocytome, il suffit de doser les dérivés méthoxylés
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En pratique
sel et hypertension artérielle Données issues des études et recommandations Béatrice Bouhanick, Bernard Chamontin (Service Médecine interne et Hypertension artérielle, Hôpital de Rangueil, Toulouse, duly-bouhanick.b@chu-toulouse.fr)
Introduction Le sel de table ou sel alimentaire est en quasi-totalité constitué de chlorure de sodium même s’il contient également, en faible proportion, des oligo-éléments comme le fluor ou l’iode. Au Moyen Âge, il servait à augmenter la durée de conservation des aliments en limitant la multiplication des micro-organismes mais aussi à soigner diverses blessures. Son utilisation s’amplifie au cours du XXe siècle car il devient largement utilisé par l’industrie agroalimentaire. S’il semble acquis qu’une limitation des apports en sel réduit la survenue des événements cardiovasculaires dans une population d’hypertendus, l’affaire est toute autre dans la population générale et différents spécialistes s’affrontent sur la nécessité ou pas d’une réduction de l’apport alimentaire en sel avec des points de vue radicalement opposés. Une conférence plénière sur ce thème a même eu lieu en décembre 2012 au congrès de la Société française d’hypertention artérielle et le Pr Staessen a brillamment pris position en défaveur d’une limitation globale des apports sodés dans cette population ! Toutefois, la plupart des Agences de santé suivent les recommandations allant dans le sens d’une réduction des apports sodés, les points de vue opposés restant minoritaires. Notre propos concernera les hypertendus, même si une digression dans la population générale sera envisagée pour situer le contexte.
État des lieux
revanche que peu de différence en fonction de l’âge après 25 ans ou de la région. Huit à 10 % des habitants consommeraient plus de 12 g/j : ils sont appelés les gros consommateurs de sel (1).
La consommation moyenne de sel chez les Français est estimée entre 9 et 10 g par jour. Les femmes consommeraient un peu moins de sel que les hommes mais l’apport devient comparable quand il est rapporté à la masse corporelle. Il n’y a en
Que disent les recommandations ?
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Chez les hypertendus
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Les recommandations françaises sur la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) essentielle de 2005, suspendues et encore aujourd’hui appliquées,
proposent de limiter la consommation en sel (NaCl) à 6 g/j (ou 100 mmol/j ou 2,4 g de sodium/j) et rejoignent les recommandations américaines du JNC-VII ou britanniques (2). Cette mesure concerne tous les patients hypertendus quel que soit le niveau tensionnel, avec ou sans traitement pharmacologique associé. Celles sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 de 2006 soulignent l’importance des mesures hygiéno-diététiques dans leur globalité et citent l’importance du régime désodé dans le
Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59
Profession
La prescription médicale hors AMM Nouvel encadrement juridique
Benjamin Attali (Avocat, ATTALI ASSOCIÉS, Strasbourg, avocats@attali-associes.fr)
La prescription médicale hors Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) est désormais pleinement reconnue. Pendant longtemps, cet acte médical était pris entre les feux d’une part du principe de liberté de prescription médicale et d’autre part du principe de précaution à l’égard du patient. L’affaire Mediator® fut le point d’orgue retentissant de la problématique. Deux lois, celle du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et celle du 17 décembre 2012 de financement de la Sécurité sociale, précisées par des décrets, sont notamment venues régir la matière. La possibilité d’une prescription hors AMM est désormais reconnue sous certaines conditions et de nouvelles obligations reposent désormais sur le praticien.
L’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique, pierre angulaire de la règlementation de la prescription médicale hors AMM, dispose : « I. – Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, sous réserve : 1° Que l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans ; 2° Ou que le prescripteur juge in-
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Les conditions de prescription hors AMM
La possibilité d’une prescription hors AMM est désormais reconnue sous certaines conditions et de nouvelles obligations reposent désormais sur le praticien.
Cardiologie - Cardinale • Décembre 2013 • vol. 7 • numéro 59
index cardiologie cardinale 2013
Tous les dossiers et Mises au point •N °54 – Le syndrome d’apnées du sommeil : que doit savoir un cardiologue en 2013 ? •N °55 – Le point sur le syndrome de Raynaud. •N °57 – L’amylose cardiaque : une CMH méconnue. •N °56 – Le traitement de l’insuffisance cardiaque : où en est-on en cette fin d’année 2013 ? •N °58 – La dénervation rénale : ce que l’on peut en penser en 2013. •N °59 – Évaluation des fuites mitrales primaires : les pièges à éviter.
Articles par rubrique d Artères • N°58 – La dysplasie fibromusculaire : prise en charge et perspectives. d Cardiologie et vie pratique •N °57 – La E-Cigarette : state of the art. •N °59 – Sel et hypertension artérielle : données issues des études et recommandations. d cas clinique •N °54 – Hémangiome caverneux de l’oreillette droite : à propos d’un cas. •N °59 – Insuffisance rénale aiguë et emboles de cristaux de cholestérol : à propos d’un cas et revue de la littérature. d Cœur •N °54 – La fonction ventriculaire droite : comment l’étudier ? •N °57 – Le strain en pratique : évaluation de la fonction et de la contractilité myocardique. •N °59 – Cardiomyopathie hypertrophique : la stratification du risque de mort subite. d Conférences et congrès •N °54 – Prévenir le risque thromboembolique de la FA : une approche bénéfice-risque. •N °55 – Syndromes coronaires aigus : peut-on encore optimiser leur prise en charge ? •N °56 – Symposiums et congrès : à retenir. •N °57 – Faut-il traiter l’hypercholestérolémie chez le sujet de plus de 80 ans ? •N °57 – AHA Scientific Sessions 2013 (Dallas) : quelles surprises et quelles nouveautés nous réserve cet univers impitoyable ? •N °59 – Journées de l’hypertension artérielle : à retenir. d Grandes études •N °55 – FAST-MI : illustration des progrès continus de la cardiologie. •N °56 – TASTE (ESC 2013) : un argument contre la thrombo-aspiration lors de l’angioplastie primaire. •N °56 – SAVOR (ESC 2013) : la baisse de la glycémie dans le haut risque cardiovasculaire, pas d’effet clinique et peut-être un risque. •N °56 – HOKUSAI VTE (ESC 2013) : l’edoxaban, une option thérapeutique mieux tolérée que les AVK dans le traitement des phlébites et des embolies pulmonaires.
• N°56 – ECHO CRT (ESC 2013) : la durée du QRS, paramètre essentiel pour l’indication de la resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque. • N°56 – RE ALIGN (ESC 2013) : pas de NACO chez les patients ayant une prothèse valvulaire cardiaque mécanique. • N°56 – COMPARE (ESC 2013) : le losartan devient un traitement du syndrome de Marfan avec dilatation aortique. • N°58 – ENGAGE AF (AHA 2013) : l’edoxaban n’est pas inférieur à la warfarine comme anticoagulant dans la fibrillation atriale et réduit significativement le risque hémorragique. • N°58 – TOPCAT (AHA 2013) : échec de la spironolactone dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. • N°58 – STREAM À 1 AN (AHA 2013) : infarctus du myocarde : effet à 1 an de deux modes de prise en charge. • N°58 – CTSN-SMR (AHA 2013) : insuffisance mitrale ischémique : remplacement ou réparation ? • N°58 – ERASE (AHA 2013) : artérite : dilater ou rééduquer ? • N°58 – CORAL (AHA 2013) : il n’y a pas de bénéfice clinique à dilater une sténose artérielle rénale chez l’hypertendu. d Imagerie • N°58 – Écho-Doppler vasculaire : j’ai testé pour vous l’EPIQ. d Opinion • N°54 – Risque cardiovasculaire, cholestérol et statines. Académie Nationale de Médecine, Communiqué adopté le 19 février 2013. d profession • N°56 – Le médecin face aux conflits d’intérêts : recommandations de bonnes pratiques. • N°58 – NACO : l’Assurance maladie, l’ANSM et la HAS nous informent. Beaucoup de bon sens et un rappel des règles de bon usage. • N°59 – La prescription médicale hors AMM : nouvel encadrement juridique. d Recherche • N°57 – Microbiote et athérosclérose : identification d’un nouveau facteur environnemental. d Réflexions • N°54 – Limites de l’essai thérapeutique contrôlé : quelques exemples concrets. • N°55 – Les essais thérapeutiques et leurs conclusions : exemples. • N°56 – Les recommandations de bonne pratique clinique : sontelles une source du savoir ? d Rythmologie • N°56 – Les nouveautés de 2012 qui changent nos pratiques en 2013 : mise au point en rythmologie. • N°58 – Quizz : pourquoi ces deux tachycardies chez le même patient ? d thérapeutique • N°59 – Les NACO (ou AOD) : en pratique.
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