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Gestion du traitement antiagrégant plaquettaire Symposium présenté aux JESFC
Gestion du traitement antiplaquettaire D’après le symposium parrainé par Daiichi Sankyo-Lilly (JESFC - Paris le 16 janvier 2014)
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ans ce symposium consacré à la prise en charge des Syndromes coronaires aigus (SCA), la place des inhibiteurs récents des récepteurs P2Y12 plaquettaires de l’ADP en traitement de première ligne dans les recommandations de l’European Society of Cardiology (ESC) dans les SCA ST+ (2012) et non ST+– (2011) a été rappelée au cours de la présentation de cas cliniques interactifs.
résultats de l’angiographie pour avoir la confirmation du diagnostic avant d’initier un traitement avec un inhibiteur du P2Y12.
Selon les recommandations européennes, la bithérapie antiagrégante plaquettaire doit comporter de l’aspirine et l’un des deux inhibiteurs des récepteurs P2Y12 plaquettaires de l’ADP de référence actuels, le prasugrel (en l’absence d’antécédent d’AVC/AIT et chez les moins de 75 ans, ≥ 60 kg) ou le ticagrélor.
(C. Brasselet, Reims)
Un point a également été fait sur l’actualité récente avec les résultats de l’étude ACCOAST en défaveur de la stratégie de prétraitement par une dose de charge de prasugrel chez les patients SCA non ST+ en amont de la coronarographie. La priorité chez ces patients est d’attendre les
quel traitement antiplaquettaire de référence en 2014 pour les patients avec syndrome coronaire aigu stentés ? Les recommandations de l’ESC concernant la prise en charge des Syndromes coronaires aigus avec sus-décalage du segment ST (SCA ST+) ont été réactualisées en 2012 (1). La bithérapie AAP doit comporter de l’aspirine et l’un des deux inhibiteurs des récepteurs P2Y12 plaquettaires de l’ADP de référence actuels, le prasugrel (en l’absence d’antécédent d’AVC/AIT et chez les moins de 75 ans) ou le ticagrélor. Le clopidogrel est utilisé en cas de contreindication ou si le prasugrel ou le ticagrélor ne sont pas disponibles. Ces recommandations font suite aux essais pivot réalisés avec les inhibiteurs récents des
Cardiologie - Cardinale • Février 2014 • vol. 8 • numéro 61
récepteurs plaquettaires P2Y12. Pour le prasugrel, l’étude TRITON-TIMI 38 (2) est une étude de supériorité qui a comparé le prasugrel 60/10 mg vs le clopidogrel 300/75 mg en association à l’aspirine chez 13 608 patients SCA bénéficiant d’une angioplastie. Sur la totalité de la population de l’étude, les résultats ont montré une réduction du risque de 19 % (p < 0,001) pour le critère principal à 15 mois de suivi (décès cardiovasculaires, IDM non fatal, AVC non fatal) qui s’accompagne d’une augmentation du risque hémorragique (saignements TIMI majeurs non liés au pontage) : 2,4 % vs 1,8 % (p = 0,03). Une réduction très significative des thromboses de stent a été constatée dans le bras prasugrel (réduction du risque de 52 % ; 1,1 % vs 2,4 % ; p < 0,001), observée que l’on se situe en phase précoce (RR = 59 % ; p < 0,0001) ou tardive (RR = 40 % ; p = 0,03) ou avec des stents nus (RR = 48 % ; p = 0,0009) ou actifs (RR = 64 % ; p < 0,0001). Cette étude a également permis d’identifier des sous-groupes à
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risque accru de saignements : patients avec antécédents d’Accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’Accident ischémique transitoire (AIT) et patients âgés de plus de 75 ans, pesant moins de 60 kg. Ces patients sont aujourd’hui exclus de la prescription du prasugrel 10 mg en France (4). Dans le sousgroupe des patients SCA ST+, le bénéfice sur le critère principal à 15 mois (10 % vs 12,4 %, soit une réduction du risque de 21 % ; p = 0,02) – significatif dès 30 jours (réduction du risque de 32 % ; p = 0,0017) –, ne s’accompagnait pas d’une augmentation du risque hémorragique (4,8 % vs 5,9 % ; p = 0,23) (2). Chez ces patients SCA ST+, une réduction très significative des thromboses de stent a été également observée dans le bras prasugrel : réduction du risque de 51 % dès 30 jours (1,2 % vs 2,4 % dans le bras clopidogrel ; p = 0,008) confirmée à 15 mois de suivi (1,6 % vs 2,8 %, soit une réduction du risque de 42 % ; p = 0,02) (2). Enfin, le prasugrel s’est également montré plus efficace que le clopidogrel chez les patients diabétiques (n = 3 146) traités par angioplastie et stent (nu ou actif ) et réduit significativement (12,2 vs 17 % ; RRR = 30 % ; p < 0,001) les complications ischémiques du critère principal, sans augmentation concomitante du risque hémorragique (2,6 % dans le bras clopidogrel vs 2,5 % dans le bras prasugrel pour les saignements majeurs ; p = 0,81) (5). Avec le ticagrélor, l’étude PLATO a comparé chez 18 624 patients SCA ST+ ou non ST+ l’efficacité, en association à l’aspirine, du clopidogrel 300/75 mg vs ticagrelor 180 et 90 mg deux fois
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par jour (6). Les résultats à 1 an sur le critère principal (décès CV, IDM non fatals AVC non fatals) montrent une réduction de 16 % (9,8 % vs % ; p < 0,001) du risque sous ticagrélor – bénéfice observé de façon précoce puis au long cours – sans surrisque pour les saignements majeurs (p = 0,43) selon les critères de saignement PLATO (7). Dans le sous-groupe des patients SCA ST+, le bénéfice sur le critère principal est en accord avec les résultats de la cohorte globale de PLATO mais n’est plus significatif 9,4 % vs 10,8 % (p = 0,07) – de même que pour les décès cardiovasculaires (4,5 % vs 5,5 % ; p = 0,07) (8). Un bénéfice significatif en faveur du ticagrélor est en revanche constaté sur la survenue d’infarctus du myocarde excluant l’IDM silencieux (réduction du risque de 20 % ; p = 0,03) et la thrombose de stent (réduction du risque de 25 % ; p = 0,04). Le risque d’AVC, faible dans les deux bras, est cependant plus élevé avec le ticagrélor (1,7 % vs 1,0 % ; p = 0,02). Cette analyse complémentaire ne montre pas de différence concernant l’incidence des saignements majeurs (9 % vs 9,2 % pour le clopidogrel ; p = 0,76) selon les critères de saignement PLATO (8).
syndrome coronaire aigu non St+ : y a-t-il un intérêt à prétraiter en amont de l’angioplastie ? (G. cayla, nîmes)
Dans les Syndromes coronaires aigus sans surélévation du segment ST (SCA non ST+), les dernières recommandations de
l’ESC ont confirmé l’intérêt de la troponine ultrasensible (qui a permis de raccourcir les délais diagnostiques, de l’échocardiogramme et du coroscanner dans les bas risques) et de la stratification du risque ischémique (score GRACE) et hémorragique (score CRUSADE) (9). La pierre angulaire de la prise en charge médicamenteuse demeure le traitement antiagrégant (aspirine à dose de charge 150-300 mg, dose d’entretien 75-100 mg et un inhibiteur du P2Y12) et les anticoagulants. La stratégie invasive est choisie en fonction du niveau de risque avec des indications simplifiées : deux critères principaux justifient la coronarographie (variations des troponines et variations dynamiques du segment ST ou de l’onde T), les autres critères de risque étant considérés comme secondaires et venant essentiellement renforcer l’indication (diabète, insuffisance rénale, dysfonction ventriculaire gauche, angioplastie récente, antécédents de pontage, score GRACE intermédiaire ou élevé, récidive précoce postinfarctus). Le moment où réaliser la coronarographie est fonction de ces différents éléments : dans les 2 heures après le premier contact médical en cas de SCA non ST+ à très haut risque (angor réfractaire, variation dynamique du segment ST, arythmie menaçant le pronostic vital, instabilité hémodynamique), dans les 24 heures après le premier contact médical en cas de risque élevé (score GRACE > 140, douleur thoracique persistante, troponine positive, variations dynamiques du segment ST ou de l’onde T) et dans les 72 heures chez les patients à haut risque (diabète, insuffisance rénale, FEVG < 40 %, antécédents
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gestion du traitement antiagrégant plaquettaire
de pontage, récidive douloureuse après infarctus). Concernant le traitement antiagrégant, le prasugrel (dose de charge 60 mg puis dose d’entretien à 10 mg/ jour) est recommandé (niveau de preuve I B) chez les patients avec SCA ayant eu une coronarographie (absence d’antécédents d’AVC ou d’AIT, moins de 75 ans, poids ≥ 60 kg), en cas de décision d’angioplastie. Le ticagrélor (dose de charge 180 mg puis 90 mg 2 fois par jour) est recommandé (niveau de preuve I B) comme inhibiteur du P2Y12 chez les patients SCA présentant un risque modéré à élevé, quelle que soit la stratégie de prise en charge adoptée et y compris chez les patients traités initialement par clopidogrel. La place du clopidogrel chez ces patients devant bénéficier d’une stratégie invasive est désormais limitée aux cas où le prasugrel ou le ticagrélor ne peuvent être utilisés. Chez les patients ( jusqu’à 10 % des patients avec un SCA non ST+) pour qui un pontage est envisagé en cas d’atteinte pluritronculaire, après prise en compte du score Syntax et discussion pluridisciplinaire (Heart Team
Discussion®), le geste chirurgical peut être pratiqué – en raison du risque accru de saignement – avec un délai de 5 jours en cas de dose de charge de 600 mg de clopidogrel et de 7 jours selon les AMM des inhibiteurs récents du P2Y12. Sur la question de l’intérêt du prétraitement dans les SCA non ST+, l’étude ACCOAST (10), réalisée spécifiquement dans une population de 4 033 patients SCA non ST+ avec majoration des troponines (≥ 1,5 x VLN) devant bénéficier d’une stratégie invasive dans les 2 à 48 heures après la randomisation, ne montre pas de bénéfice à une stratégie de prétraitement par une dose de charge de prasugrel (30 mg en amont de la coronarographie puis 30 mg après la coronarographie vs placebo puis 60 mg après la coronarographie) en termes de réduction des événements ischémiques (critère primaire : décès CV, IDM, AVC et revascularisation par anti-GP 2b/3a en urgence à 7 jours) : 10 vs 9,8 % en cas de prétraitement (HR = 1,02 ; p = 0,81). À 30 jours, l’évolution sur ce critère principal est strictement comparable entre les deux bras : 10,8 vs 10,8 % (HR = 0,997 ; p = 0,98). La straté-
gie de prétraitement majore en revanche, et de façon significative, le risque de saignement majeur (TIMI) au moment du geste de revascularisation à 7 jours (2,6 % vs 1,4 % soit un HR à 1,90 ; p = 0,006) et à 30 jours (2,9 % vs 1,5 % soit un HR à 1,97 ; p = 0,002). Concernant le critère principal d’efficacité, il n’existe aucune différence dans les différents sousgroupes de population étudiés (y compris chez les patients les plus à risque de thrombose – diabétiques, sujets âgés, score GRACE élevé, accès radial vs fémoral) à 7 et à 30 jours. Les résultats d’ACCOAST montrent que chez les patients SCA non ST+ devant être pris en charge dans les 2 à 48 heures, la dose de charge de 60 mg de prasugrel doit être administrée au moment de l’angioplastie, ce qui confirme le design utilisé chez les patients SCA non ST+ dans l’étude TRITON. Ces résultats ne sont pas applicables n aux patients SCA ST+.
Mots-clés : Antiplaquettaire, Syndrome coronaire aigu, Prétraitement, Angiographie
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