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CARDINALE CARDIOLOGIE

R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e

d www.cardinale.fr

L’infarctus du myocarde : une épreuve à haut risque psychologique La détresse psychologique postinfarctus touche plus de 50 % des patients et multiplie par 2 la mortalité et les complications coronariennes. Quelles sont alors les conséquences pratiques pour le cardiologue ? La réponse de Jean-Pierre Houppe.

cas clinique

avis d’expert

Interspécialités

L’hydatidose intrapéricardique : une localisation cardiaque rare

Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?

Pathologies neurovasculaires : avancées et perspectives

François Carré

Yannick Béjot, Emmanuel Touzé

Hamid Jallal

mise au point

Actualités thérapeutiques de l’année 2013 : que retenir ? François Diévart

DPC

Développement Professionnel Continu

Mars 2014 • Volume 8 • n° 62 • 9 E


sommaire

CARDINALE CARDIOLOGIE

R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Rédacteur en chef : Dr Serge Kownator Rédacteurs en chef adjoints : Pr Victor Aboyans, Dr Stéphane Cosson Directrice de la Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Directrice de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette & illustration : Élodie Lelong • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : ­Imprimerie de Compiègne 2, avenue Berthelot – ZAC de Mercières BP 60524 – 60205 Compiègne cedex

Mars 2014 • Vol. 8 • N° 62

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n Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 66

n mise au point

Actualités thérapeutiques de l’année 2013 Que doit-on retenir ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 67 François Diévart (Dunkerque)

Comité de lecture Dr Walid Amara (Montfermeil) • Dr Pierre Attali (Strasbourg) • Pr François Carré (Rennes) • Dr Gabriel Choukroun (Amiens) • Dr Serge Cohen (Marseille) • Pr Geneviève Derumeaux (Lyon) • Dr François Diévart (Dunkerque) • Dr Jean-Jacques Domerego (Nice) • Dr Alain Ducardonnet (Paris) • Dr Meyer Elbaz (Toulouse) • Pr Michel Farnier (Dijon) • Pr Alain Grynberg (Jouy-en-Josas) • Pr Daniel Herpin (Poitiers) • Dr Jean-Pierre Houppe (Thionville) • Dr Patrick Jourdain (Pontoise) • Pr Christophe Leclercq (Rennes) • Dr François Luizy (Paris) • Dr Marie-Christine Malergue (Paris) • Dr Emmanuel Messas (Paris) • Dr François Philippe (Paris) • Dr Pascal Poncelet (Lille) • Dr Naïma Rahmoun (Oran) • Dr Gilles Traisnel (Lille) • Dr Olivier Varenne (Paris) • Dr Stéphane Zuily (Nancy)

n réflexions L’infarctus du myocarde Une épreuve à haut risque psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 72

Jean-Pierre Houppe (Thionville)

n interspécialités Pathologies neurovasculaires Avancées et perspectives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 79

Yannick Béjot (Dijon), Emmanuel Touzé (Caen)

n avis d’expert

Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ? Éléments de réponse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 83

François Carré (Rennes)

Comité scientifique Pr Michel Bertrand (Lille) • Pr Jean-Pierre Bourdarias (Boulogne) • Pr Jean-Paul Broustet (Bordeaux) • Pr Christian Cabrol (Paris) • Pr Alain Cribier (Rouen) • Pr Vincent Dor (Monaco) • Dr Jean Fajadet (Toulouse) • Dr Guy Fontaine (Paris) • Pr Gilbert Habib (Marseille) • Pr Samuel Lévy (Marseille) • Dr François Luizy† (Paris) • Pr Jean Marco (Toulouse) • Dr Jean-Baptiste Michel (Paris) • Pr Philippe Gabriel Steg (Paris) • Pr Paul Touboul (Lyon) • Pr Bernard Belhassen (Tel-Aviv) Cardiologie Cardinale est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : cardinale@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1960-1646 N° de Commission paritaire : 0115 T 89308 Prix au numéro : 9 e. Mensuel : 10 numéros par an. Abonnement au prix de 75 e TTC/an. Les articles de “Cardiologie Cardinale” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

n cas clinique

L’hydatidose intrapéricardique Une localisation cardiaque rare (à propos d’un cas) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 90

Hamid Jallal, Marouane Belarbi, Sanae Arouia, Anass Zbitou, Nadir Zemraoui, Laila Bendriss, Ali Khatouri (Marrakech)

n petites annonces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Dessin du mois (Jean-Philippe Kevorkian) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photo de couverture : © bramgino – fotolia


éditorial

L’habit ne fait pas le moine !

S

i on en croit le proverbe, l’habit ne ferait pas le moine. Et pourtant, l’apparence, “l’avoir l’air de”, sont souvent érigés aujourd’hui en priorité absolue. On se doit d’apparaître et, au fond, qu’importe ce que l’on est vraiment ! n Serge Cela étant, un article paru Kownator récemment dans Circulation tend à montrer qu’on pourrait être ce qu’on paraît, en tout cas en termes de maladie coronaire. Il s’agit ici d’une étude danoise qui a permis de suivre, jusque trente-cinq ans, 10 885 sujets âgés de 20 à 93 ans, indemnes de maladie coronaire connue. On constate ainsi que paraître âgé, et quel que soit l’âge réel, s’accompagne, chez l’homme et la femme, d’un risque augmenté de

entre ce pli et le vieillissement. Ici, on montre que ces particularités sont associées à un risque coronarien majoré quel que soit l’âge réel ou le sexe, avec en outre un effet de sommation. Ainsi, un sujet ayant une calvitie, un pli auriculaire et un xanthélasma aura, quel que soit son âge, un risque majoré d’environ 50 % de présenter une coronaropathie ; il y a de quoi se faire des cheveux gris ! J’allais oublier, les cheveux gris sont également un marqueur de surrisque qui a été étudié ici, il ne résiste cependant pas à l’ajustement sur les facteurs de risque traditionnels, pas plus que ne le font les rides du visage. En tout cas, et quels que soient l’âge et le sexe de nos patients, on peut trouver un intérêt pronostique à bien les dévisager et à s’intéresser à leurs oreilles. Rien de nouveau encore une fois puisqu’en 1974 déjà, le New England Journal of Medicine publiait une étude

Paraître âgé s’accompagne, chez l’homme et la femme, d’un risque augmenté de coronaropathie et d’infarctus du myocarde. coronaropathie et d’infarctus du myocarde. Que signifie ici “paraître âgé” ? Il s’agit de la présence d’une batterie de particularités physionomiques, comme, la calvitie frontale ou en couronne, la présence d’un arc cornéen ou d’un xanthélasma. Il s’agit aussi des rides du visage ou de la présence d’un pli auriculaire – le saviez-vous, ce pli qui barre le lobe de l’oreille porte le nom de signe de Frank ou de Lichstein. Cette association n’est pas récente, on avait déjà décrit le lien entre la présence d’un pli du lobe de l’oreille et la maladie coronaire, il s’agissait surtout d’établir le lien

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établissant un lien entre pli lobaire et maladie coronaire. Plus tard, on y associait comme autre facteur de risque la pilosité du conduit auditif. Au bout du compte et pour revenir au proverbe, si l’habit ne fait pas le moine, l’aspect peut faire le coronarien… Miroir, Miroir dis-moi... ! n

Bibliographie • Christoffersen M, Frikke-Schmidt R, Schnohr P et al. Visible age-related signs and risk of ischemic heart disease in the general population: a prospective cohort study. Circulation 2014 ; 129 : 990-8.

Cardiologie - Cardinale • Mars 2014 • vol. 8 • numéro 62


Mise au point

Actualités thérapeutiques de l’année 2013

Que doit-on retenir ?

François Diévart (Clinique Villette, Dunkerque)

Introduction L’année 2013 a été riche en données nouvelles en termes de thérapeutique cardiovasculaire et, vu l’espace imparti pour une mise au point sur un tel sujet, un choix, obligatoirement partiel et partial, doit être fait. Les données ici présentées, même si elles comportent plusieurs déconvenues, ont pour objectif de montrer qu’une recherche clinique de qualité perdure et que ses résultats suscitent de nombreuses questions justifiant la poursuite de l’évaluation d’hypothèses par des méthodes fiables allant au-delà de suppositions, aussi intuitives et logiques paraissent-elles.

Remises en cause publiques et retombées potentielles

Début 2013, deux médecins ont fait parler d’eux sur les plateaux télévisés, les antennes de radio et dans les journaux et magazines grand public. À l’origine, c’est parce qu’ils avaient chacun écrit un livre grand public, l’un pour dénigrer le rôle du cholestérol dans la genèse des maladies ischémiques et donc nier l’utilité des statines, l’autre pour affirmer, parce qu’il l’avait « constaté dans sa clientèle », que les génériques sont moins efficaces et moins bien tolérés que les princeps. Leurs allégations ne reposent pas sur des méthodes scientifiques fiables. L’un des deux a même écrit qu’il avait jugé que des don-

nées publiées par une équipe de méthodologistes de renom étaient fausses parce que, selon lui, trafiquées, sans aucune preuve de cette allégation, et il a produit dans son livre les données telles qu’elles devaient être selon lui, sans disposer d’aucun document source autre que son “intuition”. Le problème avec ce battage médiatique est que les patients qui entendent ces allégations ont des difficultés à juger de leur véracité et certains sont alors tentés de ne pas prendre la statine qui leur a été prescrite, avec des conséquences dommageables.

Le traitement a l’effet que l’on croit qu’il a Une étude a montré qu’en prescrivant un placebo il était pos-

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sible d’obtenir les effets attribués au traitement qu’il est censé remplacer. Dans cette étude, l’investigateur a en effet proposé à des étudiants, en ouvert, un traitement bêtabloquant afin de réduire leur anxiété en leur indiquant que ce traitement est efficace et qu’il peut avoir des effets secondaires telle une baisse de pression artérielle et avoir aussi quelques effets indésirables. Le principe de l’étude a été de proposer à toutes les personnes incluses le bêtabloquant sous la forme d’une marque connue, et ce pendant une semaine, puis au terme de la semaine, de diviser aléatoirement la population enrôlée en trois groupes : l’un recevait le même traitement sous la même forme, un autre recevait le même traitement sous la forme d’une autre marque co-commercialisée (le princeps en “comarketing”), et le troisième groupe recevait le même traitement sous forme de générique. Lorsque les critères prédéfinis ont été évalués, l’étude a montré que, dans le groupe ayant gardé le traitement sous la forme du princeps de marque réputée, par rapport aux deux autres groupes, le score d’anxiété a été significativement

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Mise au point

moins élevé, la pression artérielle a été significativement plus basse et les effets indésirables moins fréquents.

suelles ont rapporté certains effets secondaires potentiels de ce traitement après que sa formulation a été changée.

Le “problème” dans cette étude est que toutes les personnes incluses et à tout moment de l’étude n’ont reçu que du placebo, seule la forme externe du “traitement” différait. Ainsi donc, le simple fait de croire qu’un médicament est un générique, voire une marque co-commercialisée, par rapport au princeps de référence, modifie des effets cliniques mesurables.

Ce travail a montré que, dès les premiers jours suivants chacune des trois campagnes télévisuelles rapportant certains effets secondaires potentiels de ce traitement, l’incidence de survenue de ces effets était considérablement augmentée. L’élément intéressant est que, parmi les effets secondaires potentiels de ce traitement, ceux dont l’incidence a été nettement augmentée après les campagnes de presse, ont été uniquement ceux décrits dans ces campagnes de presse et que leur incidence a décru progressivement après ces campagnes.

Et donc, dire que les génériques sont moins efficaces et/ou ont plus d’effets indésirables que les princeps « parce que je l’ai constaté dans ma clientèle » n’a aucune valeur scientifique. Il n’est pas possible d’attribuer spécifiquement un effet constaté à un traitement prescrit. Ce qui est éventuellement constaté, pour peu qu’un effet soit réellement mesuré, peut ne pas être dû au “traitement” mais à la façon dont le patient pense que le traitement doit ou peut agir.

Les campagnes médiatiques influent sur les effets des traitements Une étude parue en 2013 a montré qu’une campagne télévisée faisant état d’effets secondaires d’un traitement particulier induit, dès les jours qui suivent, une augmentation de fréquence de ces effets secondaires. Cette étude a utilisé une base de données dans laquelle des médecins reportent, entre autres, tous les motifs de consultation et traitements de leurs patients consécutifs. L’auteur de l’étude a évalué l’incidence des effets secondaires rapportés par des patients recevant de la levothyroxine, avant et après que des campagnes télévi-

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la campagne de presse dénigrante pourraient être responsables de 4 992 événements cardiovasculaires majeurs et 1 159 décès par an.

La catastrophe intellectuelle de l’année : l’étude Look Ahead

Il est possible de modéliser le risque induit par de telles campagnes

L’étude Look Ahead constitue la plus importante étude ayant évalué les effets d’une modification du mode de vie (alimentation et exercice physique) sur le risque d’événements cardiovasculaires : 5 145 patients ayant un diabète et un excès pondéral (IMC moyen : 36 kg/m2) ont été randomisés et suivis dix ans et l’étude a totalisé 821 événements du critère primaire (décès cardiovasculaires, IDM non fatals, AVC non fatals, hospitalisation pour syndrome coronaire aigu).

À partir des effets démontrés des statines, et de l’estimation du taux d’arrêt des statines tel qu’apprécié par les données d’une consultation, une équipe française a évalué les conséquences potentielles d’une campagne dénigrante. À partir des indications fournies par leurs patients vus en consultation, des cardiologues parisiens ont pris en compte les taux d’arrêt de statines allégués par leurs patients, après la publication d’un ouvrage grand public ayant dénigré les statines. En modélisant les données, les auteurs de ce travail ont indiqué que les arrêts de traitement attribuables à

Un groupe avait une prise en charge standard et l’autre groupe avait des conseils et un encouragement pour réduire sa consommation calorique, modifier sa diététique et augmenter sa pratique d’exercice physique (groupe intervention). Dans le groupe intervention, par rapport au groupe contrôle, la quantité d’exercice a significativement augmenté, le poids, le tour de taille, la Pression artérielle systolique (PAS) et l’hémoglobine glyquée ont significativement diminué et le HDL cholestérol a significativement augmenté.

À retenir n Dans toute prescription, il y a une part d’effet placebo et d’effet nocebo et ces effets sont très dépendants de la représentation qu’un patient a d’un traitement. n Dénigrer un traitement peut induire un effet nocebo et conduire à son arrêt. n L’arrêt d’un traitement bénéfique et justifié peut avoir des conséquences significatives en termes de santé publique.

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actualités thérapeutiques de l’année 2013

À retenir n Dans une étude de forte puissance (821 événements cardiovasculaires, suivi de dix ans), une prise en charge intensive à base d’exercice physique et de modification diététique permettant une perte de poids et une diminution significative du tour de taille ne modifie pas le pronostic cardiovasculaire de diabétiques de type 2 en excès pondéral.

Au terme des dix ans de suivi, il n’y a eu aucune différence significative entre les groupes concernant l’incidence des événements cardiovasculaires du critère primaire, qu’ils soient pris dans leur globalité (RR : 0,95 ; IC 95 % : 0,83-1,09) ou qu’ils soient pris individuellement.

Les déconvenues L’étude HPS 2 Les résultats de l’étude HPS 2 n’ont pas été publiés mais présentés en mars 2013, lors du congrès de l’American College of Cardiology. Cet essai a évalué, contre placebo, l’effet de l’acide nicotinique (associé au laropiprant) chez 25 673 patients à risque cardiovasculaire élevé, les patients recevant par ailleurs une statine. Sous traitement par acide nicotinique, le LDL a diminué de 16 %, le HDL a augmenté de 14 % et les triglycérides ont diminué de 26 %. L’étude a été arrêtée avant son terme prévu pour futilité, du fait d’une absence de bénéfice mis en évidence (RR : 0,96 ; IC95 % : 0,901,03) et de la faible probabilité de mettre en évidence un bénéfice alors que le nombre d’effets indésirables était significativement augmenté (augmentation du risque de diabète, des complications du diabète, des infections et des hémorragies notamment) avec une tendance à l’augmentation de mortalité totale (RR : 1,09 ; IC95 % : 0,99-1,21). Concernant les événements CV du critère primaire, il n’y a pas eu d’effet

significatif (et/ou d’hétérogénéité) que le HDL ait été bas (< 0,35 g/L) ou élevé (> 0,45 g/L) à l’inclusion ou que la triglycéridémie ait été élevée (> 1,51 g/L) ou basse (< 0,89 g/L) à l’inclusion.

L’étude SAVOR Paradoxe, dans le traitement du diabète, il n’est pas demandé qu’un traitement prouve qu’il réduit les événements cardiovasculaires, mais plutôt qu’il ne les augmente pas. C’est ainsi que des essais cliniques évaluant la sécurité cardiovasculaire des nouveaux traitements hypoglycémiants sont conduits dans des populations à risque cardiovasculaire élevé afin d’obtenir une certaine puissance. La saxagliptine, une incrétine, a donc été évaluée contre placebo chez 16 492 diabétiques de type 2 à risque cardiovasculaire élevé, notamment parce qu’ils avaient une maladie coronaire. Au terme de deux ans de suivi, il n’y a eu aucune différence dans l’incidence des événements du critère primaire (décès CV, IDM et AVC) entre les groupes comparés alors que 613 événements étaient survenus

(RR : 1,00 ; IC 95 % : 0,89-1,12 ; p < 0,01 pour la non-infériorité, p = 0,99 pour la supériorité). Sous traitement, il a été mis en évidence une augmentation significative des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (RR : 1,27 ; IC 95 % : 1,07-1,51 : p = 0,007) et une tendance à l’augmentation de la mortalité non cardiovasculaire (RR : 1,27 ; IC 95 % : 1,00-1,62 ; p = 0,51).

Un nouvel anticoagulant

L’edoxaban est un nouvel anticoagulant, actif par voie orale, qui a été évalué contre la warfarine en double aveugle chez des patients ayant une fibrillation atriale non valvulaire dans l’étude ENGAGE AF. Les traitements comparés étaient : 1. Dans le groupe contrôle, la warfarine (avec un INR cible entre 2 et 3). 2. L’edoxaban à 30 mg, 1 fois par jour. 3. L’edoxaban à 60 mg, 1 fois par jour. C’est un total de 21 105 patients, dont l’âge moyen était de 72 ans et le score CHADS2 était en moyenne à 2,8, qui ont été enrôlés dans cet essai. Le résultat de la dose de 30 mg/j, comparativement à la warfarine, a montré que l’edoxaban : • ne lui est pas inférieur (RR : 1,07 ; IC 95 % : 0,87-1,31 ; p = 0,005), ne lui est pas supérieur (RR : 1,13 ; IC 95 % : 0,96-1,34 ; p = 0,10), réduit significativement les hémorragies majeures

À retenir n Diminuer la triglycéridémie et augmenter le HDL cholestérol avec de l’acide nicotinique n’apporte pas de bénéfice clinique et augmente le risque d’effets secondaires. n Dans le plus grand essai mené en double aveugle contre placebo dans le diabète, un traitement par incrétine ne modifie pas le pronostic cardiovasculaire mais augmente significativement le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque.

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Mise au point

À retenir n Comparativement à la warfarine, l’edoxaban à la dose de 30 mg/j ou de 60 mg/j apporte un bénéfice clinique net chez les patients ayant une fibrillation atriale non valvulaire.

(RR : 0,47 ; IC 95 % : 0,41-0,55 ; p < 0,001) ; • réduit les AVC hémorragiques (RR : 0,33 ; IC 95 % : 0,22-0,50 ; p < 0,001), augmente les AVC ischémiques (RR : 1,41 ; IC 95 % : 1,19-1,67 ; p < 0,001), réduit les hémorragies fatales (RR : 0,35 ; IC 95 % : 0,210,57 ; p < 0,001), réduit la mortalité totale (RR : 0,87 ; IC 95 % : 0,79-0,96 ; p = 0,006) et apporte un bénéfice clinique net (RR : 0,83 ; IC 95 % : 0,770,90 ; p < 0,001). Le résultat de la dose de 60 mg/j, comparativement à la warfarine a montré que l’edoxaban : • ne lui est pas inférieur (RR : 0,79 ; IC 95 % : 0,63-0,99 ; p < 0,001), ne lui est pas supérieur (RR : 0,87 ; IC 95 % : 0,73-1,04 ; p = 0,08), réduit significativement les hémorragies majeures (RR : 0,80 ; IC 95 % : 0,71-0,91 ; p < 0,001) ; • réduit les AVC hémorragiques (RR : 0,54 ; IC 95 % : 0,38-0,77 ; p < 0,001), ne réduit pas les AVC ischémiques (RR : 1,00 ; IC 95 % : 0,831,19 ; p = 0,97), réduit les hémorragies fatales (RR : 0,55 ; IC 95 % : 0,36-0,84 ; p = 0,006), ne réduit pas la mortalité totale (RR : 0,92 ; IC 95 % : 0,83-1,01 ; p = 0,08) et apporte un bénéfice clinique net (RR : 0,89 ; IC 95 % : 0,83-0,96 ; p = 0,003).

De nouvelles recommandations

En fin d’année 2013, de nouvelles recommandations nord-américaines ont été publiées pour la prise en charge du cholestérol plasmatique (terme proposé en place de ceux de dyslipidémie et/ou d’hypercholestérolémie) et

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pour celle de la pression artérielle. Ces recommandations font des propositions assez nouvelles et ce, essentiellement parce que le mode d’élaboration a été modifié par rapport aux recommandations précédentes. Les principaux éléments nouveaux dans l’élaboration des recommandations sont notamment les suivants : - Éviter les experts ayant des conflits d’intérêts. - Élargir les groupes de travail en incorporant des experts en méthodologie indépendants et des représentants de patients. - Poser des questions claires préalablement à l’élaboration des recommandations, questions auxquelles il existe des réponses valides. - Éviter les interprétations faites à partir de données non concluantes. - Prendre en compte la totalité des données disponibles et non des données parcellaires. - Prendre en compte les méta-analyses et en leur absence, en faire de nouvelles. - Qualifier différemment la valeur des recommandations (recommandation forte, faible, avis d’expert…), etc. Et ainsi, ces recommandations n’ont envisagé de répondre qu’à

quelques questions et ont apporté quelques réponses comme les suivantes notamment : - Il n’y a pas de cible de LDL validée. - En matière de prise en charge du cholestérol, seules les statines doivent être utilisées. - La dose de statine à utiliser dépend du risque cardiovasculaire : en cas de risque élevé, il faut utiliser une dose élevée, c’est-à-dire une dose dont l’effet connu est de réduire en moyenne d’au moins 50 % le LDL cholestérol ; en cas de risque intermédiaire, il faut utiliser une dose intermédiaire, c’està-dire une dose dont l’effet connu est de réduire en moyenne de 30 à 50 % le LDL cholestérol. - Chez les patients âgés d’au moins 60 ans, un traitement antihypertenseur doit être débuté en cas de PAS supérieure ou égale à 150 mmHg et/ou de Pression artérielle diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mmHg dans l’objectif de diminuer la PAS en dessous de 150 mmHg et la PAD en dessous de 90 mmHg (recommandation forte). - Chez les patients âgés de moins de 60 ans, un traitement antihypertenseur doit être débuté en cas de PAD supérieure ou égale à 90 mmHg dans l’objectif de diminuer la PAD en dessous de 90 mmHg (opinion d’expert). n

Mots-clés : Traitement, Campagne médiatique, Diabète, Anticoagulant, Recommandation

À retenir n Aux États-Unis, le mode d’élaboration des recommandations de pratique a changé pour mieux prendre en compte les données validées de la science et éviter les interprétations de données de faible niveau de preuve. n Pour la prise en charge du cholestérol plasmatique, les cibles de LDL sont abandonnées car jugées non validées et seules les statines justifient d’être utilisées. n Pour la prise en charge de la pression artérielle chez les sujets d’au moins 60 ans, la cible de pression systolique est inférieure à 150 mmHg.

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Dessin du mois

Référence : Jeffcoat M et al. Periodontal Therapy Improves Outcomes in Systemic Conditions: Insurance Claims Evidence. American Academy of Dental Research 43rd Annual Meeting, 2014. Abstract 690 (disponible à https://iadr.confex.com/iadr/43am/webprogram/Paper185450.html). Abréviation : CV = Cardiovasculaire.


Réflexions

L’infarctus du myocarde

Une épreuve à haut risque psychologique Jean-Pierre Houppe (Centre cardiologique et vasculaire, Thionville ; jeanpierrehouppe@wanadoo.fr)

Introduction Depuis l’étude Interheart, publiée il y a maintenant dix ans, et les dernières recommandations de la Société européenne de Cardiologie (ESC) sur la prévention coronarienne éditées en 2012, les cardiologues sont beaucoup plus sensibles à la notion du risque psychosocial. L’évaluation et la prise en charge du stress, de l’anxiété, de la dépression commencent à faire partie intégrante de la prévention primaire au même titre que l’abstention tabagique, l’activité physique et l’équilibre alimentaire.

N

éanmoins, dans ses recommandations, aussi bien de prévention que de prise en charge de l’infarctus du myocarde, l’ESC n’aborde pas la question de la répercussion psychique de l’infarctus du myocarde. Un article très récent publié dans Circulation par un groupe de psychiatres vient rappeler aux cardiologues que la

gique peut entraîner un syndrome dépressif, mais aussi de l’anxiété, des manifestations de déni, ou encore un tableau de stress post-­ traumatique. Cette détresse psychologique est toujours un facteur d’évolution péjoratif  ; elle a parfois des conséquences dramatiques, notamment en ce qui concerne le risque de suicide.

« Il y a deux maladies : celle soignée par le médecin et celle vécue par le patient. Ces deux maladies sont différentes à bien des égards. » Arthur Kleinman, The Illness Narratives. dépression postinfarctus est un important facteur de risque de récidive d’événements coronariens mortels et non mortels. La question de l’impact psychologique d’un infarctus du myocarde et de ses conséquences pour l’avenir coronarien du patient est cependant loin de se limiter à la seule dépression. La survenue d’un syndrome coronarien aigu chez un patient indemne jusque-là de souffrance psycholo-

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L’infarctus : un temps de bouleversement, d’épreuve et d’adaptation

risque de mort et se traduit par des peurs spécifiques liées à cette réalité : mort, souffrance, déchéance, abandon. D’un point de vue psychique, la maladie est une expérience singulière d’adaptation qui donne lieu dans de nombreux cas à une remise en cause fondamentale des valeurs sur lesquelles reposait la vie du patient. La maladie définit un enjeu psychique essentiel lié à la mobilisation de ressources psychiques qui font appel à de nouvelles valeurs et qui constituent d’autres raisons de vivre ».

Le bouleversement instantané Le vécu de l’infarctus est en luimême extrêmement riche en ressentis physique et émotionnel. La brutalité de l’événement, la douleur intense, l’appel fréquent du Samu, la frayeur possible de l’entourage, l’hospitalisation, la perception de l’urgence, la coronarographie, l’angioplastie : autant d’événements qui peuvent être traumatisants d’un point de vue psychologique.

L’épreuve du deuil

Le syndrome coronarien aigu, s’il est inaugural, marque pour le patient l’entrée inattendue et définitive dans la maladie chronique. Une fois le mot infarctus prononcé, la vie ne sera plus jamais tout à fait la même. « La maladie chronique grave se caractérise par un

L’annonce du diagnostic marque le début d’un temps d’épreuve, la fin d’une illusoire immortalité et la nécessité de faire le deuil d’une santé parfaite. Les étapes de ce deuil symbolique sont plus ou moins marquées et plus ou moins exprimées, mais toujours présentes. Atteint initialement par la

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L’infarctus du myocarde

stupeur ou l’incrédulité, le patient passe ensuite par le déni, la colère, la tristesse, la culpabilité, la résignation. Certains patients développent des stratégies d’évitement évoluant alors de la stupeur au déni, parfois à la culpabilité honteuse et à la résignation dépressive. En revanche, d’autres pourront entamer un processus d’intégration et d’acceptation de la maladie passant de l’incrédulité passagère à la révolte et à la colère, puis à une phase de tristesse momentanée et constructrice permettant ainsi la mise en place de stratégies d’adaptation efficientes.

Le temps de l’adaptation La survenue de l’infarctus va aussi avoir des conséquences sur la représentation que le patient se fait du monde et de sa vie personnelle. Chaque être humain cherche à trouver un sens à sa vie en se donnant des buts de vie en fonction de ses propres valeurs. La survenue d’un infarctus peut provoquer une perturbation de l’autorégulation, c’est-à-dire des possibilités pour le patient d’atteindre ses buts de vie en raison d’une réelle limitation (insuffisance cardiaque postinfarctus), d’un risque potentiel (peur de la récidive) ou de croyances sur la maladie coronaire (l’activité sexuelle est contre-indiquée après un infarctus). La perturbation des buts de vie entraîne pour le coronarien une baisse de la qualité de vie, une majoration de l’anxiété et des phénomènes dépressifs. Toute nouvelle situation entraîne pour un individu une demande d’adaptation psychologique. C’est ce que les psychologues nomment le coping. To cope signifie : faire face, affronter. Le coping se définit comme « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer

les exigences internes ou externes qui menacent ou excèdent les ressources d’une personne ». Les capacités de coping sont extrêmement variables selon les individus, les situations à affronter, le moment et le contexte global. Ainsi, la survenue d’un infarctus du myocarde ne sera pas vécue de la même manière si le patient a perdu son épouse quelques semaines auparavant ou si pesait sur lui, avant l’accident, une menace de licenciement économique. Pour s’adapter à l’infarctus, le patient considère dans un premier temps les caractéristiques de la situation ; cette étape est fortement influencée par ses croyances et par ses émotions. Dans un second temps il évalue ses capacités à faire face à la situation ainsi que la façon dont il pourra les mettre en jeu. La mobilisation des ressources d’un individu est influencée par la croyance qu’il a sur ses possibilités de contrôle de la situation (« Je décide de ma vie » ou « La vie décide pour moi »). Le type de personnalité et le profil psychologique préexistant influencent également

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le mode de coping (sens du défi, capacité d’engagement, confiance en soi, estime de soi, anxiété, dépression, hostilité). Il est démontré à l’heure actuelle que les stratégies de coping fondées sur l’évitement (déni, désengagement, dépression) sont des indices de mauvais pronostic en postinfarctus, même si le déni peut avoir à la phase initiale du diagnostic un impact positif sur la qualité de vie. Un coping actif centré à la fois sur une meilleure gestion des émotions et sur la confrontation à la réalité du problème de santé posé au patient améliore le pronostic cardiovasculaire.

Le déni

Le déni est un moyen de protection employé par certains patients, surtout les hommes, lors de la phase initiale de l’infarctus. Le déni est souvent utilisé dans toute situation traumatisante par exemple lors de l’annonce du décès d’un être cher : « Ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible… ». Le déni n’est pas une banale mise à distance de la situation comme

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Réflexions

la minimisation ou la banalisation, il s’agit réellement, au sens strict du mot, d’une dénégation de la réalité. Par cette attitude de déni, le patient qui vient d’être victime d’un infarctus parvient à se protéger d’émotions trop difficiles à gérer (angoisse de mort, colère, peur de l’abandon, de la déchéance, sentiment d’injustice). Le déni peut être efficace à court terme : les patients présentant un déni à la phase initiale de l’infarctus se sentent mieux psychiquement et physiquement, et sont hospitalisés moins longtemps. Paradoxalement, ce déni n’entraîne pas, au moins au départ, de troubles de compliance au traitement. En revanche, à plus long terme, le déni a un impact négatif. Les patients en déni ont une plus forte probabilité de comportements à risque : poursuite de l’intoxication tabagique, absence de règles hygiéno-diététiques, défaut d’observance médicamenteuse et de suivi médical.

L’attitude de déni en postinfarctus a généralement été précédée de déni avant l’hospitalisation : refus d’entendre les symptômes douloureux, retard d’hospitalisation. Le déni massif est souvent l’expression d’un type de personnalité qui refuse ses émotions négatives et s’en protège. Le déni est pour ces patients une protection contre la souffrance et le risque d’abandon des autres. Ces patients dénient leur maladie pour correspondre aux normes et aux attentes supposées des autres. Ils veulent paraître forts, solides et invulnérables. Le déni est un comportement difficile à gérer à la fois pour le médecin et pour l’entourage. Face au déni, l’entourage est fréquemment anxieux et exprime souvent ce sentiment par un discours infantilisant ou agressif vis-à-vis du patient. Le médecin, quant à lui, a tendance soit à rationaliser en tenant des raisonnements et en donnant des explications scientifiques, soit à utiliser des arguments

censés provoquer assez de peur pour générer un comportement prudent et raisonnable du patient. Cette attitude médicale est totalement inefficace, car d’une part le patient a très bien compris la situation d’un point de vue cognitif et d’autre part le déni est un refus de ressenti émotionnel. Le patient est donc insensible à la peur. La prise en charge d’un patient en déni repose pour le médecin et l’entourage dans un premier temps sur l’acceptation qu’une phase de déni partiel et adaptatif peut être nécessaire et souvent bénéfique à court terme pour le patient. Dans un second temps, si le déni est massif et persistant, il est indispensable de mettre en place un soutien psychologique afin de permettre au patient de faire face à ses émotions “négatives” (angoisse, colère, tristesse) et une aide éducative afin de mobiliser ses ressources intérieures de changement et d’adaptation. Il ne

Tableau 1 - Le PHQ2. Mode d’emploi : le PHQ2 comprend les questions 1 et 2 et une troisième question : « Souhaitez-vous une aide en ce moment ? ». Le PHQ9 est consultable sur le site : www.medhyg.ch. Au cours de ces 2 dernières semaines, avez-vous été ennuyé(e) par l’un ou l’autre des problèmes suivants ? 1. Vous avez peu d’intérêt ou plaisir à faire des choses

❑ Oui

❑ Non

2. Vous vous êtes senti abattu, déprimé ou sans espoir

❑ Oui

❑ Non

3. Vous avez de la peine à vous endormir ou à dormir, ou vous dormez trop

❑ Oui

❑ Non

4. Vous vous sentez fatigué ou sans énergie

❑ Oui

❑ Non

5. Vous avez peu d’appétit ou mangez trop

❑ Oui

❑ Non

6. Vous vous sentez mal vis-à-vis de vous, vous vous ressentez comme un échec ou sentez que vous vous laissez aller, vous ou votre famille

❑ Oui

❑ Non

7. Vous avez de la peine à vous concentrer en lisant le journal ou en regardant la télévision

❑ Oui

❑ Non

8. Vous bougez ou parlez si lentement que les autres l’ont remarqué Ou vous êtes si agité que vous bougez plus que d’habitude

❑ Oui

❑ Non

9. Vous pensez qu’il vaudrait mieux mourir ou vous voulez vous faire du mal d’une certaine façon

❑ Oui

❑ Non

Interprétation (oui = 1pt / non = 0 pt)

TOTAL : ___________

Dépression majeure si 5 réponses ≥ 2 dont, nécessairement, réponse 1 ou 2 ≥ 2

Autre forme de dépression si 2 à 4 réponses ≥ 2 (ou ≥ 1 pour question 9), dont, nécessairement, réponse 1 ou 2

Selon le total, évaluation de la sévérité de la dépression Sévérité de l’état dépressif

Pas de dépression

Si vous avez coché l’un ou l’autre des problèmes de ce questionnaire, quel degré de difficulté cela a-t-il créé pour vous pour travailler, s’occuper de choses à la maison ou interagir avec autrui ?

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L’infarctus du myocarde

s’agit pas à ce moment de la prise en charge de convaincre mais de mobiliser la motivation intérieure du patient. C’est tout l’intérêt de l’éducation thérapeutique sous ces différents aspects biopsychosociaux en centre de réadaptation cardiaque.

La dépression

En ce qui concerne les complications psychiques de l’infarctus du myocarde, c’est sans aucun doute la dépression qui a été l’objet du plus grand nombre de publications. La dépression est une maladie fréquente : 8 % des Français de 15 à 75 ans ont connu un épisode dépressif au cours de l’année écoulée. Environ 20 % des patients hospitalisés pour infarctus du myocarde souffrent d’un syndrome dépressif caractérisé et près du double présentent des traits dépressifs. La particularité physiopathologique de la dépression du postinfarctus réside peutêtre dans le déclenchement de mécanismes apoptotiques communs au myocarde et à l’hippocampe du cerveau limbique. Il faut rappeler que la dépression est une véritable maladie qui se caractérise par une grande tristesse, un sentiment de désespoir, une perte de motivation et l’impression de n’avoir pas de valeur en tant qu’individu. Le diagnostic de syndrome dépressif majeur repose, selon le DSM 5, sur un questionnaire en neuf questions. Pour affirmer le diagnostic de dépression majeure il est nécessaire et suffisant de présenter cinq signes présents sur neuf (Tab. 1). Un questionnaire plus court en trois questions, tel qu’il a été utilisé par l’ESC, est très utile en cardiologie pour screener les patients au moment de leur infarctus et dans

la phase précoce postinfarctus, par exemple en réadaptation. De multiples études et méta-­ analyses ont prouvé que la dépression est un facteur de risque majeur de survenue et d’aggravation d’une insuffisance coronaire. Le syndrome dépressif n’est cependant pas encore assez évalué et insuffisamment pris en charge dans les suites immédiates de l’infarctus du myocarde. La méta-analyse de 53 études qui vient d’être publiée dans Circulation nous montre que la dépression postinfarctus est un facteur de risque de mortalité globale (risque multiplié par 2,3), de mortalité cardiovasculaire (risque multiplié par 2,7) et d’événements cardiovasculaires non mortels (risque multiplié par 1,6). Par ailleurs, le risque aigu de cette dépression postinfarctus ne doit pas être minimisé. Un travail récent a montré que le risque de suicide dans le mois qui suit un infarctus est multiplié par 3 pour des sujets sans antécédent psychiatrique et par plus de 50 pour des patients aux antécédents dépressifs.

L’anxiété

L’anxiété a été moins étudiée que la dépression dans les suites d’infarctus du myocarde. Les publications montrent cependant qu’il s’agit d’une situation très fréquente et à haut risque pour l’avenir coronarien des patients. Selon la classification du DSM 5, l’anxiété regroupe plusieurs tableaux psychologiques distincts et très variés allant du stress aigu au trouble obsessionnel compulsif, en passant par l’anxiété généralisée, l’agoraphobie et les troubles paniques. L’anxiété

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généralisée se définit par une sensation de danger imminent et d’origine indéterminée, qui allie des symptômes émotionnels, somatiques, cognitifs et comportementaux. Elle est en général évaluée par le questionnaire HAD-anxiété qui regroupe sept questions dont les réponses sont cotées de 0 à 3 (Tab. 2). En phase aiguë d’un infarctus du myocarde, l’anxiété généralisée est observée chez plus de 30 % des patients. Il est intéressant de mentionner certains travaux qui ont montré que la prescription d’anxiolytiques lors de l’hospitalisation pour infarctus ne modifie ni les scores d’anxiété ni la mortalité cardiaque ou la survenue de complications aiguës. Après la phase aiguë, l’anxiété persiste chez environ 15 à 20 % des patients. Le maintien d’une anxiété généralisée après infarctus augmente le risque de récidive d’événements coronariens et de mortalité de 25 à 40 % selon les séries. Une méta-analyse récente sur 5 750 patients retrouve une augmentation du risque de 36 %. Paradoxalement, certains travaux ont montré que l’anxiété était un facteur protecteur après infarctus en arguant du fait que les patients anxieux étaient plus observants et plus soucieux de leur suivi médical. Ces publications sont cependant assez discutables (patients perdus de vue et résultats contradictoires).

Le syndrome de stress posttraumatique (SSPT)

Les premières publications évoquant les liens entre le SSPT et la cardiologie datent de la fin des années 1980. Il s’agissait alors de cas sporadiques. Depuis, une abondante littérature a

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Réflexions

Tableau 2 - Questionnaire d’anxiété HAD (Hospital Anxiety Depression Scale). Auteurs : AS Zygmond et RP Snaith. Traduction française de JP Lépine. 1. Je me sens tendu(e) ou énervé(e) a. La plupart du temps : 3 b. Souvent : 2 c. De temps en temps : 1 d. Jamais : 0 2. J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m’arriver a. Oui, très nettement : 3 b. Oui, mais ce n’est pas trop grave : 2 c. Un peu, mais cela ne m’inquiète pas : 1 d. Pas du tout : 0 3. Je me fais du souci a. Très souvent : 3 b. Assez souvent : 2 c. Occasionnellement : 1 d. Très occasionnellement : 0 4. Je peux rester tranquillement assis(e) à ne rien faire et me sentir décontracté(e) a. Oui, quoi qu’il arrive : 0 b. Oui, en général : 1 c. Rarement : 2 d. Jamais : 3 5. J’éprouve des sentiments de peur et j’ai l’estomac noué a. Jamais : 0 b. Parfois : 1 c. Assez souvent : 2 d. Très souvent : 3 6. J’ai la bougeotte et je n’arrive pas à tenir en place a. Oui, c’est tout à fait le cas : 3 b. Un peu : 2 c. Pas tellement : 1 d. Pas du tout : 0 7. J’éprouve des sensations soudaines de panique a. Vraiment très souvent : 3 b. Assez souvent : 2 c. Pas très souvent : 1 d. Jamais : 0 Le score d’anxiété est obtenu en additionnant les réponses. L’anxiété est considérée comme significative pour un score supérieur à 8.

permis de mieux cerner ce trouble psychologique qui se situe à la fois en amont et en aval de la maladie coronaire. Un SSPT est un facteur de risque d’infarctus, un infarctus est un facteur de risque de SSPT. On parle d’événement traumatisant selon le DSM 5 quand un sujet a été l’objet ou le témoin direct d’une menace de mort, d’une menace ou d’une atteinte à son intégrité physique et qu’il a éprouvé dans

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cette situation un vécu de peur, d’impuissance, d’effroi. Il peut s’agir d’une menace réelle ou fantasmée. L’infarctus du myocarde est un événement à haut risque traumatisant réel ou imaginaire : douleur, malaise vagal, mort subite récupérée, annonce du diagnostic, coronarographie, angioplastie. Dans les traumatismes majeurs, la phase initiale est marquée par un temps de prostration puis d’agita-

tion. Bien souvent le tableau n’est pas aussi typique : le patient décrit simplement, a posteriori, une sensation d’étrangeté, d’irréalité, l’impression d’un rêve éveillé. À la suite du traumatisme, un certain nombre de patients évoluent vers un tableau de stress post-traumatique qui associe un syndrome de répétition (l’événement traumatisant est constamment revécu par le sujet sous forme de flash-back ou de cauchemars), un syndrome d’évitement (le sujet fait des efforts importants pour éviter toute pensée, toute conversation ou toute situation associée au traumatisme), et un syndrome d’hypervigilance anxieuse (le sujet reste en état d’alerte permanente). Ces symptômes sont la conséquence du mode de fonctionnement du cerveau au moment du traumatisme. Face à l’intensité de la menace de mort imminente, réelle ou fantasmée, le patient, dans un espoir de survie, se dissocie de son vécu traumatisant. Son cerveau se met en mode de “déni émotionnel massif”. Cependant, cette menace externe est intégrée, à son insu, dans sa mémoire émotionnelle devenant ainsi une menace interne susceptible de refaire surface à la moindre excitation psychique ou même de façon inopinée. L’événement traumatisant est constamment vécu de façon douloureuse dans un présent émotionnel permanent et ne peut pas se transformer en souvenir cognitif délesté de son poids émotionnel. Cette hyperactivation du cerveau limbique émotionnel provoque une excitation de l’axe hypothalamohypophysaire et une activation du système sympathique. Dans les suites d’un infarctus du myocarde, environ 15 % des

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L’infarctus du myocarde

patients développent un SSPT. Ces taux dépassent 20 % en cas de mort subite récupérée ou après une réanimation cardiaque difficile. Les facteurs prédictifs d’un syndrome de stress post-traumatique après infarctus sont un antécédent de traumatisme psychique antérieur, le sexe féminin, l’intensité du vécu émotionnel, et surtout la peur d’une menace vitale. La survenue d’un SSPT multiplie le risque de mortalité et de récidive d’infarctus par 2. La peur de mourir au moment de la survenue de l’infarctus est un élément prédictif de mort subite dans le mois qui suit le syndrome coronarien aigu. Le SSPT post-infarctus provoque également une altération sensible de la qualité de vie du patient et une moindre observance médicamenteuse. Le SSPT ne doit pas être confondu avec un tableau dépressif. Il nécessite une prise en charge urgente par une thérapie de type cognitivo-comportementale ou plutôt par une thérapie de type EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) qui semble être, à l’heure actuelle, la technique de référence. L’avenir est certainement, comme le font déjà certaines équipes, dans la mise en place d’unités de débriefing émotionnel dans les suites immédiates de l’infarctus à l’instar des unités d’aide psychologique proposées aux victimes de traumatisme après un attentat ou une agression.

Pourquoi un tel impact sur l’évolution coronarienne ?

D’une part, la détresse psychologique postinfarctus favorise une augmentation des comportements à risque : reprise de l’intoxication

À retenir n Après un infarctus du myocarde, plus de 50 % des patients souffrent de détresse psychologique : 20 % de dépression, 30 % d’anxiété et 15 % de stress post-traumatique. n Le déni est un mécanisme de protection fréquent, efficace à court terme et néfaste s’il est massif et durable. n La détresse psychologique postinfarctus multiple la mortalité et les complications coronariennes par 2. n L’effet néfaste de la détresse psychologique s’explique par des modifications comportementales, par une activation sympathique et hypothalamohypophysaire et par des mécanismes proinflammatoires et procoagulants. n La souffrance psychologique doit être systématiquement évaluée en postinfarctus. n La prise en charge doit être assurée par une équipe multidisciplinaire : cardiologues, psychologues, psychiatres et médecins de réadaptation. n Les traitements médicamenteux peuvent être utiles mais ils ne modifient pas le pronostic coronarien. En revanche, l’activité physique et les méthodes psychothérapiques améliorent la qualité de vie et diminuent la mortalité coronarienne.

tabagique, absence d’activités physiques, absence de modification alimentaire, mauvaise observance médicamenteuse, refus de la réadaptation cardiaque, absence de suivi cardiologique. D’autre part, l’anxiété, la dépression et le SSPT postinfarctus entraînent également un dysfonctionnement du système nerveux autonome (activation du système sympathique, inhibition du système parasympathique), une baisse de la variabilité sinusale, une stimulation de l’axe hypothalamohypophysaire. Les complications psychiques postinfarctus, par le biais de secrétions de neurohormones et de neurotransmetteurs, favorisent enfin des phénomènes inflammatoires, des troubles de la coagulation, et une dysfonction endothéliale.

Quelles conséquences pratiques pour le cardiologue ?

La survenue d’un infarctus est un événement majeur dans la vie d’un

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patient et les conséquences psychologiques doivent toujours être analysées et prises en charge le cas échéant.

L’évaluation psychique Dans les suites immédiates de l’infarctus, l’évaluation psychique est très simple. Elle repose sur un interrogatoire libre et sur quelques questions plus systématiques. Un simple « Comment vous sentez-vous psychiquement ? » permet d’engager un échange qui ne se limite pas aux signes physiques (douleur, palpitations, dyspnée). Cet échange peut permettre au patient d’exprimer sa peur, sa colère, son incompréhension, sa tristesse, son désarroi. Il est important que ce soit le cardiologue qui initie ce temps de parole afin que le patient prenne bien conscience de la prise en charge globale qui lui est proposée, même si bien entendu les professionnels de la psychologie prennent ensuite le relais. Il est important de questionner le patient sur ses valeurs et ses buts

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Réflexions

Tableau 3 - Questionnaire d’évaluation du stress psychosocial adapté du modèle de l’ESC. Statut socio-économique

1. Quel est votre niveau d’études ? 2. Êtes-vous travailleur manuel ?

Stress familial et professionnel

1. Avez-vous une possibilité de contrôler votre demande de travail ? 2. Estimez-vous être normalement récompensé pour votre investissement au travail ? 3. Avez-vous des problèmes sérieux dans votre relation de couple ?

Isolement social

1. Vivez-vous seul ? 2. Avez-vous une personne à qui vous confier ?

Dépression

1. Vous sentez-vous triste, déprimé ou sans espoir ? 2. Avez-vous perdu de l’intérêt et du plaisir à vivre ?

Anxiété

1. Vous sentez-vous souvent nerveux, anxieux ou “à cran” 2. Êtes-vous souvent incapable de mettre fin ou de contrôler une préoccupation ?

Hostilité

1. Vous mettez-vous souvent en colère pour des choses banales ? 2. Êtes-vous souvent irrité par le comportement des autres ?

Personnalité de type D

1. Êtes-vous généralement anxieux, dépressif ou irritable ? 2. Évitez-vous de partager vos idées et vos émotions avec les autres ?

de vie et de lui demander en quoi cet épisode d’infarctus contrarie ou risque de perturber à distance ses buts de vie personnels, familiaux et professionnels. La recherche d’une dépression et d’une anxiété ainsi que des autres facteurs psychosociaux est facilitée pour le cardiologue par l’utilisation du questionnaire de l’ESC (Tab. 3). Enfin, la recherche d’un SSPT doit être systématique (le patient a-t-il eu peur de mourir ? Souffre-t-il de flash-back, de cauchemars, a-t-il une conduite d’évitement, se sent-il en état d’alerte permanente ?). Enfin, il est également très important de tenir compte des réactions et de la détresse psychologique de l’entourage, en particulier du conjoint qui parfois souffre beaucoup plus que le patient lui-même.

La prise en charge psychique Elle ne relève pas du domaine strict du cardiologue. Pour orienter son attitude thérapeutique, le cardio-

logue doit cependant savoir que : • les anxiolytiques n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité en cardiologie ; • les antidépresseurs n’ont aucune utilité en cas de dépression mineure ; • les antidépresseurs ne sont indiqués qu’en cas de dépression majeure et pour une durée qui ne doit pas dépasser six mois sauf sur avis psychiatrique ; • les antidépresseurs améliorent l’humeur des patients déprimés en postinfarctus mais ne réduisent pas la surmortalité liée à la dépression ; • l’activité physique est un des piliers majeurs de la prise en charge des troubles psychiques postinfarctus. Elle permet de réduire la mortalité de 25 à 30 % ; • la prise en charge psychologique est efficace et réduit les complications de façon significative (réduction de mortalité d’environ 40 % à cinq ans).

fique concernant le screening et la prise en charge de la détresse psychologique à la phase aiguë et dans les suites d’un syndrome coronarien aigu. Les centres de réadaptation ont cependant devancé ces recommandations et pratiquent maintenant de façon systématique cette prise en charge. La brièveté de nombreuses hospitalisations et le faible taux de patients bénéficiant d’une réadaptation favorisent un déni médical sur l’importance de cet aspect fondamental du pronostic du patient. Sachons prendre quelques instants pour parler humainement avec nos patients. Ce bref moment d’écoute empathique épargnera bien des complications et bien des n dépenses inutiles.

Mots-clés : Infarctus du myocarde, Psychologie,

Conclusion

Bouleversement, Deuil, Adaptation,

Il n’y a à l’heure actuelle aucune recommandation spéci-

Déni, Dépression, Anxiété, Stress post-traumatique

retrouvez la bibliographie complète sur cardinale.fr

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L’infarctus du myocarde

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Interspécialités

Pathologies neurovasculaires Avancées et perspectives

Yannick Béjot (Service de Neurologie, CHU de Dijon), Emmanuel Touzé (Service de Neurologie, CHU de Caen)

évolution des concepts au cours des toutes dernières années Alors que la thrombolyse intraveineuse par rt-PA intraveineux (altéplase) demeure le seul traitement médicamenteux de phase aiguë de l’infarctus cérébral ayant montré une efficacité sur la réduction du risque de handicap, son administration à un grand nombre de patients reste limitée, du fait d’une fenêtre thérapeutique étroite fixée selon les critères de sélection des essais thérapeutiques jusquelà basés sur le délai chronologique (durée d’évolution des signes).

larisation précoce en fonction de la quantification du volume de tissu à sauver pourrait ainsi devenir une option intéressante dans un futur proche, permettant non seulement d’étendre la fenêtre thérapeutique, mais aussi de récuser les patients pour lesquels la balance bénéfice/risque serait défavorable. Ce concept est particulièrement pertinent dans le cadre des infarctus cérébraux du réveil, ou plus largement des infarctus à horaire de début indéterminé, qui représentent environ 20 % des patients. À titre d’exemple, l’essai thérapeutique en cours WAKE-UP, basé sur la sélection des patients à partir des données de l’IRM cérébrale,

Une sélection par l’imagerie des patients candidats à une revascularisation précoce en fonction de la quantification du volume de tissu à sauver pourrait devenir une option intéressante. Au-delà de ce délai chronologique, la notion de délai tissulaire de l’infarctus cérébral émerge ces dernières années. L’apport de l’imagerie cérébrale (scanner de perfusion, mistmatch perfusion/ diffusion ou diffusion/FLAIR à l’IRM) dans la détermination de la viabilité tissulaire au cours d’un infarctus est en cours d’évaluation. Une sélection par l’imagerie des patients candidats à une revascu-

permettra d’évaluer le bénéfice de la thrombolyse intraveineuse chez les patients sans lésion visible en séquence FLAIR (1).

les grands changements au cours des dernières années

Concernant la prise en charge à la phase aiguë, l’organisation des

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filières de soins dédiées aux AVC sur le territoire national, conjuguée à l’extension de la fenêtre thérapeutique d’administration de la thrombolyse intraveineuse suite aux résultats de l’étude ECASS-III publiée en 2008, ont permis d’accroître la proportion de patients pouvant bénéficier de ce traitement (2). Ce bénéfice existe aussi chez les sujets de plus de 80 ans, comme l’a montré l’étude IST‑3 (3). Les grands registres de patients traités par rt-PA IV ont permis d’affiner les indications du traitement et un bon nombre de contre-indications théoriques de la thrombolyse (déficit mineur ou régressif, diabète et antécédent d’AVC, infarctus du myocarde récent, anévrisme intracrânien non rompu…) ne doivent plus être des facteurs limitant l’utilisation du rt-PA. Un autre point majeur démontré par les essais est la nécessité de traiter le plus tôt possible à partir du moment où le patient est pris en charge. Cela amène à organiser les filières pré et intrahospitalières pour optimiser ce délai. En Finlande, l’équipe de Helsinki a ainsi amélioré sa filière et actuellement 50 % des patients éligibles reçoivent le traitement dans les 20 minutes qui suivent leur admission (4). Plus récemment, l’avènement des nouveaux anticoagulants oraux

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Interspécialités

inhibiteurs directs de la thrombine (dabigatran) ou anti-Xa (rivaroxaban et apixaban) a modifié les pratiques médicales dans le cadre de la prévention secondaire des infarctus cérébraux liés à une fibrillation atriale. Ces médicaments ont une efficacité au moins équivalente à celle de la warfarine pour la prévention des embolies cérébrales ou systémiques sans surrisque hémorragique global (5-7). Ils sont associés à une réduction du risque d’hémorragie cérébrale, et à une plus grande facilité d’utilisation (absence de contrôle biologique). Tout cela a contribué à une utilisation de plus en plus large de ces traitements par le neurologue vasculaire. Concernant l’hémorragie intracérébrale, il a été montré récemment qu’un abaissement rapide, soutenu et durable de la pression artérielle à la phase aiguë des hémorragies cérébrales (étude INTERACT-2) pouvait apporter un certain bénéfice fonctionnel (8). En revanche la chirurgie dans les hématomes superficiels n’apporte pas clairement de bénéfice selon les résultats de l’étude STICH-II (9).

les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années

Malgré l’amélioration notable des filières AVC, l’accès aux unités neurovasculaires, pourtant reconnues comme les structures de choix pour la prise en charge aiguë des patients vasculaires (10), reste limité dans certaines régions, en particulier en milieu rural. La démographie médicale neurologique est un facteur limitant la mise en place d’un nombre suffisant de ces structures sur le

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territoire national. Le développement en cours des outils de télémédecine apparaît comme une solution alternative efficace, permettant d’offrir au plus grand nombre la possibilité de bénéficier de la thrombolyse intraveineuse. Des expériences reposant sur des modalités diverses sont en cours d’évaluation dans différentes régions­ (11). L’un des enjeux majeurs des années à venir concernant la prise en charge des infarctus cérébraux à la phase aiguë est le développement de l’approche endovasculaire, permettant une augmentation des chances de reperméabilisation artérielle, en particulier lors des occlusions proximales. Alors que les études préliminaires laissaient entrevoir des résultats intéressants, la publication début 2013 de trois essais thérapeutiques négatifs (IMS-III, SYNTHESIS, MR RESCUE) a jeté un doute au sein de la communauté neurovasculaire (12-14). Bien que reposant sur des protocoles très différents, ces essais n’ont pas démontré de supériorité du traitement endovasculaire sur la récupération clinique des patients, comparé à la thrombolyse intraveineuse par rt-PA, et ce malgré un profil de sécurité superposable entre les groupes. Néanmoins, ces résultats doivent être interprétés avec grande précaution en raison de limites méthodologiques. Parmi les principales critiques, on retiendra la sélection de patients n’ayant pas d’occlusion artérielle (pas d’imagerie artérielle requise pour l’inclusion) et la grande hétérogénéité des dispositifs utilisés et de l’expérience des équipes impliquées dans ces études. Une dizaine d’autres études visant à comparer l’efficacité de la thrombectomie mécanique à celle de la

thrombolyse intraveineuse seule sont en cours, dont l’étude THRACE en France. Les résultats sont attendus avec grand intérêt. À côté de l’altéplase, d’autres molécules thrombolytiques intraveineuses sont en cours d’évaluation. Leur intérêt potentiel résiderait dans une plus large fenêtre thérapeutique d’administration et une meilleure tolérance. Après des résultats encourageants des études de phase II, l’essai DIAS-2 évaluant la desmoteplase chez des patients présentant un infarctus cérébral évoluant depuis trois à neuf heures et sélectionnés sur des paramètres d’imagerie, n’a pas montré de supériorité de la molécule sur la récupération fonctionnelle par rapport au placebo (15). Les résultats des études DIAS-3 (recrutement terminé) et DIAS-4 sont très attendus. Elles ont inclus des patients entre trois et neuf heures, avec une occlusion artérielle et une lésion parenchymateuse de faible volume. Plus récemment, une étude préliminaire a mis en évidence une supériorité de la tenecteplase sur l’altéplase concernant les taux de reperméabilisation et la récupération fonctionnelle des patients présentant un infarctus cérébral de moins de six heures et sélectionnés à partir des données de l’angioscanner cérébral et du scanner de perfusion (16). Ainsi, ces résultats montrent que l’altéplase pourrait être supplantée par d’autres molécules dans les années à venir. Depuis plusieurs années, des traitements adjuvants de la thrombolyse intraveineuse, visant à augmenter son efficacité, sont à l’essai. Après les déceptions successives des différentes thérapeutiques médicamenteuses de

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Pathologies neurovasculaires

neuroprotection testées, d’autres approches sont en développement. L’étude de phase III CLOTBUSTER vise à évaluer le bénéfice et l’innocuité de la sonographie transcrânienne en association à la thrombolyse intraveineuse, se basant sur le principe d’une augmentation attendue des taux de recanalisation chez les patients exposés aux ultrasons (17). L’hypothermie induite à la phase précoce de l’infarctus cérébral apparaît également comme une alternative neuroprotectrice potentiellement séduisante, en dépit des contraintes techniques qu’elle impose (18). L’essai européen EuroHyp est en cours (19).

une contre-indication aux traitements anticoagulants (21). Concernant la prise en charge de la pression artérielle, le concept nouveau de variabilité tensionnelle a émergé ces dernières années (22-23). La variabilité tensionnelle individuelle d’une visite de contrôle à l’autre, au cours d’une même visite, ou sur les enregistrements tensionnels continus de 24 heures est associée à un risque plus fort de récidive vasculaire. Elle serait différente en fonction de la classe médicamenteuse utilisée, plus importante sous inhibiteur cal-

Concernant la prise en charge de la pression artérielle, le concept nouveau de variabilité tensionnelle a émergé ces dernières années. La prévention secondaire immédiate après un infarctus cérébral mineur ou un AIT d’origine non cardio-embolique repose actuellement sur l’administration d’une monothérapie antiagrégante plaquettaire, aspirine ou clopidogrel. L’étude chinoise CHANCE a récemment démontré une réduction du risque d’AVC (ischémique ou hémorragique) de 32 % à 90 jours sous association aspirine-clopidogrel par rapport à l’aspirine seule, sans excès de risque hémorragique significatif (20). Ces résultats sont concordants avec des méta-analyses sur les combinaisons d’antiplaquettaires à la phase aiguë. Une confirmation est attendue à partir d’autres essais thérapeutiques en cours. Par ailleurs, d’autres antiagrégants plaquettaires, notamment le ticagrelor, sont à l’évaluation. Pour la prévention des complications de la fibrillation atriale, la fermeture percutanée de l’auricule est une alternative chez les patients ayant

cique que sous β-bloquants. Des études spécifiques visant à établir le lien entre choix de la classe médicamenteuse, variabilité tensionnelle et risque de récidive sont en cours.

les problèmes encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures

Un des objectifs de la prise en charge en phase aiguë pourrait être de définir des critères (cliniques et d’imagerie) permettant de mieux identifier les patients qui pourraient tirer bénéfice d’une approche dite “intensive” de revascularisation (combinaison IV-endovasculaire, IV-antithrombotique). De plus, de nouvelles stratégies de reperfusion restent à déterminer en cas d’occlusion artérielle étendue ou d’occlusion basilaire pour

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lesquelles la prise en charge actuelle reste insuffisante et qui s’associent à un pronostic fonctionnel et vital très défavorable. Le diagnostic d’AIT reste difficile, y compris pour les neurologues ayant une bonne expérience dans le domaine de la pathologie vasculaire. L’identification de marqueurs spécifiques permettrait d’améliorer le diagnostic des troubles neurologiques transitoires à imagerie normale. Le neurologue vasculaire est de plus en plus fréquemment confronté à la découverte fortuite de lésions asymptomatiques, incluant par exemple les sténoses carotidiennes, malformations artério-veineuses ou encore anomalies de substance blanche cérébrale, pour lesquelles des stratégies de prévention restent à déterminer. Alors que l’infarctus cérébral a bénéficié d’avancées thérapeutiques majeures, l’hémorragie intracérébrale reste le parent pauvre de la neurologie vasculaire. Aussi, la prise en charge des patients a peu évolué au cours de ces dernières années. Les études épidémiologiques montrent une hausse des hémorragies observées chez les plus de 75 ans chez qui la prévalence d’utilisation d’antithrombotiques est en constante augmentation (24). L’essai européen multicentrique PATCH en cours vise à évaluer le bénéfice de la transfusion plaquettaire à la phase précoce des hémorragies cérébrales survenant sous antiagrégants plaquettaires sur le pronostic fonctionnel des patients et la croissance de l’hématome (25). On reste néanmoins dans l’attente d’un traitement innovant dans cette pathologie.

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Interspécialités

Le neurologue vasculaire est de plus en plus fréquemment confronté à la découverte fortuite de lésions asymptomatiques. En prévention secondaire, la question des stratégies de traitement antithrombotique chez les patients ayant des événements ischémiques récidivants et chez ceux ayant à la fois des événements ischémiques et hémorragiques, notamment dans le cadre de l’angiopathie amyloïde, reste posée. Un des enjeux majeurs des années à venir est la modulation de la récupération neurologique. Elle repose sur une meilleure compréhension des mécanismes de plasticité cérébrale et sur la

promotion de celle-ci par des stratégies à la fois médicamenteuses (ex. : antidépresseurs sérotoninergiques, neurotrophines) et non médicamenteuses (ex. : stimulation magnétique transcrânienne, thérapies par le mouvement). Enfin, les mécanismes expliquant les troubles cognitifs dans les suites d’un AVC restent insuffisamment compris, et l’évaluation de traitements spécifiques s’impose­. ­ n Cet article est issu de la revue Neurologies n°164 (janvier 2014).

Correspondance • Dr Yannick Béjot Service de Neurologie – CHU de Dijon – Hôpital général 3, rue du faubourg Raines – 21000 Dijon E-mail : yannick.bejot@chu-dijon.fr • Pr Emmanuel Touzé CHU de Caen – Service de Neurologie Avenue de la Côte de Nacre 14033 Caen CEDEX 09 E-mail : touze-e@chu-caen.fr

Mots-clés : Pathologies neurovasculaires, Unités neurovasculaires, AIT, IC, Thrombolyse intraveineuse, Revascularisation, Traitement endovasculaire, Thrombolytiques, Imagerie, Prévention secondaire, Nouveaux anticoagulants oraux, Hémorragie intracérébrale, PA, Viabilité tissulaire, Plasticité cérébrale

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Avis d’expert

Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?

Éléments de réponse

François Carré (Université Rennes 1, INSERM U 1099, Hôpital Pontchaillou ; francois.carre@univ-rennes1.fr)

Introduction Les effets bénéfiques sanitaires, entre autres cardiovasculaires, de la pratique sportive régulière et modérée sont indiscutables. En revanche, les effets du sport intense, et en particulier de compétition, sur l’espérance de vie sont classiquement discutés.

L’effet bénéfique direct d’une Activité physique (AP) pour la santé, en particulier cardiovasculaire, est bien démontré (1-2). Un débat déjà ancien existe concernant le possible effet néfaste d’une pratique sportive trop intense (3). Dans la population générale, une courbe en U reliant l’intensité de la pratique et la survenue d’événement coronarien a ainsi été observée (Fig. 1), relation qui n’existe néanmoins pas entre intensité de l’AP et prévention du diabète de type 2 (4). De même, plus récemment, dans la population de sportifs de compétition de niveau variable, s’est posée la question de l’éventuel effet cardiaque délétère d’une pratique sportive trop intense (5-6).

Fréquence d’événement pour 1 000 sujets/an

“No Pain, No Gain” : vrai aussi pour la santé dans la population générale ?

12

? 8

4

0

Aucune

Occasionnelle

Faible

Modérée

Intense

Type d’activité physique pratiquée Figure 1 – Relation entre intensité de la pratique sportive et risque de survenue d’un accident coronarien dans la population générale masculine adulte d’âge moyen 4045 ans (n = 5 159, suivi 19 ans). D’après (4).

Devant la possibilité d’un effet de type dose-réponse positif de l’AP, la question des dose et intensité “idéales” individuelles de pratique a ensuite été posée (3). En résumé, il apparaît que globalement les bien-

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faits sanitaires obtenus par la pratique d’une AP sont d’autant plus importants que celle-ci est plus intense (7). En notant cependant que les effets d’une pratique de la compétition ne sont pas étudiés (7).

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Avis d’expert

Le meilleur marqueur actuel de l’espérance de vie est la capacité physique. Cela est confirmé par la relation négative qui existe entre cette capacité physique (estimée par la consommation maximale d’oxygène) et la mortalité toutes causes. En d’autres termes, l’espérance de vie d’un sujet est d’autant plus faible que sa consommation maximale d’oxygène est faible (Fig. 2). Cette relation est indépendante du sexe, de l’âge, de l’ethnicité et des facteurs de risque cardiovasculaire et/ou pathologies chroniques associées (8-11). La capacité physique “critique”, en dessous de laquelle le niveau de mortalité augmente nettement est de 5 METs (Metabolic Equivalent of the Task, 1 MET = 3,5 ml O2/min/kg). Le niveau de capacité physique “idéal” minimal varie bien sûr avec l’âge et le sexe (Tab. 1). L’analyse de la figure 2 montre l’effet majeur du gain de 1 MET entre 5 et 6 METs mais aussi que ce gain se poursuit pour les hauts niveaux de capacité physique. Globalement, un gain de capacité physique de 1 MET diminue de 13 % le niveau de risque de mortalité globale et de 15 % celui de survenue d’un événement cardiovasculaire (12). De plus, il n’est jamais trop tard pour bien faire et chez des hommes nordaméricains de plus de 65 ans, il a été montré que l’amélioration de la capacité physique par une pratique régulière d’une AP était associée à une baisse du risque de mortalité (Hazard ratio = 0,65, CI = 0,46-0,93) (13). En d’autres termes, un peu d’AP est un plus important par rapport à rien mais une AP intense est plus efficace qu’une faible AP (7). Un autre facteur prédictif de la longévité est la tendance à la prise de poids et plus celle-ci est marquée plus courte est l’espérance de vie (14).

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HR 1,2

1

1

0,93

(0,83-1,04)

0,8 0,62

(0,54-0,71)

0,6

0,53

(0,46-0,62)

0,53

(0,44-0,64)

0,48

(0,38-0,60)

0,39

(0,32-0,49)

0,4

0,2

0 ≤4 n = 1 083

4,1-5 n = 1 026

5,1-6 n = 866

6,1-7 n = 835

7,1-8 n = 486

8,1-9 n = 355

>9 METs n = 463

Figure 2 – Hazard ratio (HR) ajustés (âge, pic VO2, pathologies, BMI, pression artérielle systolique, ethnicité ainsi que facteurs de risque, pathologies et traitements cardiovasculaires) pour la mortalité d’hommes (n = 5 390) d’âge moyen 71,4 ± 5 ans (65-92 ans) en fonction de leur capacité physique (1 MET = 3,5 ml O2/min/kg). Suivi moyen 8,1 ans. Intervalle de confiance (95 % ICs) . (%) = pourcentage de décès dans le groupe concerné. D’après (11).

Au total, le mode de vie a un rôle majeur sur l’espérance de vie mais aussi et surtout pour la qualité de vie pendant la vieillesse. L’efficacité de règles hygiéno-diététiques simples que sont le maintien d’un bon équilibre pondéral et tensionnel, une abstinence vis-à-vis du tabac et la réalisation régulière de l’activité physique la plus vigoureuse possible a fait ses preuves dans ce domaine comme l’a confirmé une étude prospective menée sur vingt-cinq ans (15).

naît-on ou Devienton champion ?

Il est classique de dire que pour devenir champion il faut bien choisir ses parents et s’entraî-

ner très durement. Il est en effet indéniable que la capacité physique d’un sujet dépend de deux facteurs majeurs : son capital génétique et son mode de vie, et en particulier le niveau (quantité et intensité) d’AP qu’il pratique régulièrement (16-17). La composante intrinsèque de la capacité physique, c’est-à-dire non liée à l’entraînement joue un rôle majeur comme l’a montré une étude menée chez une lignée de rats progressivement sélectionnés en fonction de leur potentiel physique génétique (14). Mais il est aussi vrai que la capacité physique peut être très significativement améliorée par la pratique régulière d’un entraînement intense spécifique d’une activité physique (18).

Tableau 1 – Capacité physique “idéale” déterminée par épreuve d’effort vis-à-vis de l’espérance de vie en fonction de l’âge et du sexe. D’après une méta-analyse de 33 études (n = 100 000 pour la mortalité et 84 000 pour événements cardiovasculaires), suivi 1-2 ans. 1 MET = 3,5 ml O2/min/kg. D’après (12).

40 ans

50 ans

60 ans

Hommes

9 METs

8 METs

7 METs

Femmes

7 METs

6 METs

5 METs

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Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?

L’activité physique et sportive donne un coup de jeune !

Les sportifs de haut niveau d’entraînement vivent-ils moins vieux ?

À notre connaissance, toutes les études, sauf les plus anciennes (21), ont montré une espérance de vie prolongée chez les pratiquants au long cours d’une activité sportive intense. Ainsi, une méta-analyse réalisée sur quatorze études épidémiologiques a conclu à une espérance de vie prolongée et à une mortalité diminuée chez les anciens athlètes de haut niveau

Entraînés Non entraînés

Index de longueur de télomères

Les effets bénéfiques de l’AP sur le vieillissement sont prouvés. La pratique régulière d’un sport allonge la longueur ou diminue la vitesse de raccourcissement des télomères (19-20). Ces télomères correspondent aux séquences de DNA répétitives localisées à la fin des chromosomes. En l’absence d’addition régulière de portions par une télomérase, les télomères se raccourcissent progressivement après chaque division mitotique des cellules somatiques. Ils sont ainsi proposés comme des marqueurs de l’âge biologique. Plusieurs études ont montré qu’une activité physique régulière s’accompagnait d’une augmentation de longueur de ces télomères y compris chez les sujets âgés qui s’entraînent en endurance (Fig. 3). Cette observation est indépendante du niveau individuel de risque cardiovasculaire et de celui des marqueurs cellulaires d’inflammation/adhésion. De plus, il existe une relation positive entre le niveau de VO2max et la longueur des télomères des pratiquants sportifs vétérans (19).

2,0

1,5

P < 0,01 *

1,0

0,5

0,0 Jeunes

Âgés

Figure 3 – Comparaison de la longueur des télomères de muscle squelettique (vaste externe) mesurés dans deux groupes d’hommes sains entraînés d’âges différents (jeunes = 24 ans et âgés = 69 ans) et entraînés ou non en endurance. Index de longueur = rapport T/S (18).

avec au premier plan une baisse des accidents cardiovasculaires. Ce bénéfice concerne surtout les pratiquants d’endurance et de sports mixtes. Les résultats selon les études sont plus variables pour les sports explosifs chez qui le bénéfice paraît globalement moins net (22). Une étude s’est intéressée au devenir des athlètes olympiques médaillés en fonction de la couleur de la médaille conquise (or, argent, bronze) et du type de sport pratiqué (endurance, mixte, explosif ). Ainsi, la longévité de 15 174 médaillés olympiques entre 1896 et 2010 originaires de neuf nationalités a été comparée à celle de la population générale appariée par pays, sexe, âge et année de naissance. Globalement, la longévité des athlètes est augmentée de 2,8 ans, avec une augmentation régulière du nombre de survivants par rapport à la population contrôle dès trente ans après l’obtention de leur médaille. Cette amélioration de la longévité est indépendante de la couleur de la médaille obtenue mais ici encore elle paraît plus

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importante dans les sports d’endurance et mixtes que dans les disciplines explosives (21). La longévité des athlètes olympiques (n = 9 889, JO entre 18961936), médaillés ou non cette fois, a aussi été étudiée pour préciser l’impact des contraintes cardiovasculaires (statique et dynamique selon la classification de Mitchell) et physiques (collisions et contacts) des sports (n = 43) pratiqués. Comme le résume le tableau 2, le niveau de contrainte cardiovasculaire et les composantes statiques et dynamiques des sports pratiqués n’ont pas montré d’effet significatif sur la durée de vie des pratiquants. À l’inverse, (Tab. 2) les pratiquants des sports avec collision et contact physique importants ont une espérance de vie diminuée par rapport aux autres sports (23). Cet effet potentiellement délétère des sports de combat n’est cependant pas confirmé par toutes les études (24). Il est à noter que la différence intersexe sur la longévité observée dans la population générale est

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Avis d’expert

retrouvée chez les athlètes de niveau olympique comme chez les spécialistes de tennis. Ainsi, les anciennes athlètes britanniques vivent en moyenne cinq à sept ans de plus que leurs homologues masculins (25). Globalement, ce sont les pratiquants des sports d’endurance (patineurs de vitesse hollandais, skieurs de fond scandinaves, cyclistes) qui ont été les plus étudiés. En Hollande, l’hiver, le patinage de vitesse a été longtemps utilisé comme moyen de locomotion journalier. Un suivi de trente-deux ans a ainsi montré que, par rapport à la population générale, la mortalité des patineurs sur glace de loisir était diminuée de 28 % et celle des compétiteurs de 24 % (26). La pratique intense du ski de fond apparaît bénéfique (27-28). Une étude s’est intéressée aux compétiteurs (n = 49 219 hommes et 24 403 femmes) qui ont participé à une des épreuves de la Vasoloppet, célèbre semaine de courses de ski de fond suédoise. Ses résultats montrent une baisse de la mortalité des participants de plus de 50 % à celle attendue, cela indépendamemnt du sexe, de l’âge et du classement obtenu lors des compétitions. La mortalité pour cause de cancers et de maladies cardiovasculaires était particulièrement diminuée (28). Le peloton cycliste a aussi été très étudié. Une étude française récente a ainsi analysé la longévité des 786 cyclistes français (30 % en moyenne des coureurs inscrits) qui ont participé au moins une fois au Tour de France entre 1947 et 2012. En septembre 2012, 208 coureurs étaient décédés. La mortalité des cyclistes est apparue comme inférieure de 41 % à

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Tableau 2 – Hazard ratio (CIs 95 %) de mortalité calculé dans une population d’athlètes olympiques (1896-1936) en fonction des contraintes (cardiovasculaires, collision, contact physique) du sport pratiqué, du sexe et de l’âge. Résultats ajustés au sexe, année de naissance et nationalité. D’après (23).

Hazard ratio (% CI)

Hazard ratio (% CI)

Contrainte CV (élevée vs faible)

0,98 (0,92 à 1,0)

Athlètes en général

0,97 (0,91 à 1,0)

Hommes

1,00 (0,94 à 1,0)

Décès après 50 ans

0,97 (0,90 à 1,0)

Nés avant 1900

0,99 (0,87 à 1,1)

Nés après 1900 Sports avec collision (oui vs non)

1,11 (1,06 à 1,1)

Athlètes en général

1,11 (1,07 à 1,1)

Hommes

1,13 (1,08 à 1,1)

Décès après 50 ans

1,08 (1,03 à 1,1)

Nés avant 1900

1,16 (1,08 à 1,2)

Nés après 1900 Sports avec contacts (élevés vs faibles) Athlètes en général

1,16 (1,11 à 1,2)

Hommes

1,18 (1,12 à 1,2)

Décès après 50 ans

1,20 (1,13 à 1,2)

Nés avant 1900

1,16 (1,09 à 1,2)

Nés après 1900

1,17 (1,08 à 1,2)

0,8 1,0 1,2 1,4 Tableau 3 – Prévalence des maladies chroniques chez des anciens athlètes(n = 2 401 vs 1 712 contrôles) de haut niveau finlandais en fonction de la discipline pratiquée. Résultats ajustés pour âge, tabac, IMC. D’après (33).

Discipline sportive

Endurance

Mixtes (collectifs, sprint)

Explosifs (musculation, lancers…)

Maladie coronaire

0,33(0,18-0,61)

0,64 (0,45-0,90)

0,73 (0,51-1,03)

Diabète

0,24 (0,07-0,81)

0,52 (0,29-0,92)

1,21 (0,75-1,95)

Hypertension

0,70 (0,45-1,09)

0,86 (0,65-1,13)

0,70 (0,52-0,94)

Insuffisance cardiaque

0,49 (0,34-0,71)

0,47 (0,36-0,61)

0,83 (0,66-1,04)

Pathologie

Asthme

0,64 (0,21-1,10)

0,68 (0,32-1,41)

0,68 (0,31-1,50)

Bronchite chronique

0,48 (0,21-1,10)

1,07 (0,70-1,64)

0,94 (0,59-1,50)

Emphysème

0,73 (0,31-1,72)

0,46 (0,23-0,92)

0,49 (0,29-0,83)

Arthrose

2,42 (1,26-4,68)

2,37 (1,32-4,24)

2,68 (1,51-4,15)

Toutes causes d’hospitalisation

0,71 (0,70-0,73)

0,86 (0,85-0,87)

0,95 (0,94-0,96)

celle de la population générale masculine française sans modification au fil du temps. Les pathologies cardiovasculaires et cancers étaient les causes principales de décès chez ces sportifs. Pour les 109 cyclistes qui ont participé

au Tour de France entre 1947 et 1951, la prolongation moyenne de l’espérance de vie était de 6,3 ans par rapport à la population générale (29). Cette augmentation de l’espérance de vie confirme celle rapportée dans une étude

Cardiologie - Cardinale • Mars 2014 • vol. 8 • numéro 62


Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?

antérieure menée chez des cyclistes étrangers ayant participé au Tour de France avec la même prolongation de longévité (30). Nous avons aussi observé une moindre mortalité dans une population d’anciens coureurs cyclistes bretons (n = 514, nés entre 1940 et 1970, suivis sur 31 ans) de bon niveau de performance (trente et un). En revanche, nos résultats montraient une tendance à la moindre sous-mortalité chez les coureurs les plus jeunes.

Maladies chroniques, facteurs de risque cardiovasculaire et sport de haut niveau

Globalement, à part les pathologies arthrosiques qui sont plus fréquentes, la plupart des pathologies chroniques et les hospitalisations sont plus rares chez les anciens sportifs de haut niveau (Finlandais), quelle que soit leur discipline, que dans la population générale (Tab. 3). Seule la prévalence du diabète de type 2 paraît augmenter chez les anciens spécialistes de sports explosifs, cela pouvant s’expliquer par une hygiène de vie postcarrière déséquilibrée (32-33). La prévalence de certaines pathologies chroniques comme la fibrillation atriale chez les vétérans endurants très entraînés apparaît cependant augmentée (34-35). Il en est de même pour certaines maladies neurologiques dans des sports avec contacts physiques importants comme la sclérose latérale amyotrophique, maladie neurodégénérative à mortalité élevée, rapportée chez les footballeurs italiens (36) et l’encéphalopathie traumatique chronique chez les footballeurs américains et les boxeurs (24, 37).

Curieusement, la longévité des footballeurs et des footballeurs américains semble moins améliorée que celle des autres sportifs. Une étude, unique il est vrai, rapporte que la longévité des footballeurs internationaux allemands est inférieure de 1,9 an (IC 95 % : 0,6-3,2) à celle de la population générale. Cette comparaison défavorable est cependant inversée dans la tranche d’âge étudiée la plus récente (38). Chez des footballeurs professionnels italiens (n = 5 389), une étude rétrospective a observé que la mortalité cardiovasculaire et par cancer était inférieure à celle attendue dans la population générale alors que la mortalité par accident de voiture et par sclérose latérale amyotrophique était significativement augmentée (36). Chez les footballeurs américains, les études sont plus nombreuses et leurs résultats discutés (39). Ainsi, l’espérance de vie des joueurs a été longtemps décrite comme diminuée, surtout du fait des accidents traumatiques. En effet, le football américain, par ses règles et sa violence, est particulièrement touché par les accidents traumatiques aigus et les lésions chroniques, en particulier cérébrales. Mais ces données sont actuellement remises en cause (37, 39). Ainsi, une étude relativement récente a conclu que le joueur de football américain (n = 1 512) vit en moyenne 6,1 ans de plus que la population générale (37). L’adoption de nouvelles mesures de protection et les modifications des conditions de jeu montrent peutêtre leur efficacité (37). Concernant les facteurs de risque cardiovasculaire, la plupart des études concernent les footballeurs américains et les joueurs de baseball et à un moindre niveau ceux de football. Chez les joueurs en activité, par rapport à la population générale, intolérance au glucose et tabagisme sont moins fréquents, les troubles

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lipidiques sont aussi fréquents et l’hypertension artérielle est plus fréquente (40). Le rapport des épaisseurs intima media carotidien n’est pas différent (41). De façon non surprenante, le risque cardiovasculaire absolu est augmenté chez les joueurs avec le surpoids le plus important (42). Plusieurs études récentes ont souligné la prévalence élevée des chiffres tensionnels anormalement élevés chez des footballeurs européens et américains (40, 43-45). Plusieurs explications sont proposées : type d’entraînement suivi, hyperstimulation sympathique, surpoids, mais curieusement la possibilité de la prise de produits interdits comme des anabolisants n’est pas évoquée. On sait pourtant que l’observation récente d’une hypertension artérielle chez un jeune sportif jusqu’alors normotendu doit faire évoquer la possibilité d’un dopage. Enfin, après l’arrêt de la carrière sportive, le maintien d’un mode de vie sain reste le meilleur garant d’une bonne qualité de vie et d’une espérance de vie prolongée (32-33). L’organisme ne semble pas avoir de mémoire des pratiques sportives anciennes interrompues.

Impact du dopage sur l’espérance de vie des sportifs

Il est malheureusement impossible aujourd’hui de taire les risques, en particulier cardiovasculaires, des attitudes dopantes de certains sportifs, quels que soient leurs niveaux et leurs disciplines. Le fait que les études les plus récentes sur la longévité des sportifs ne rapportent pas d’excès de mortalité chez les plus jeunes n’est pas une preuve de l’innocuité de ces pratiques. Il est peut-être encore trop tôt pour voir le résultat de l’utilisation de l’érythropoïétine et de l’hormone de croissance, en vogue depuis 1990.

87


Avis d’expert

Les risques cardiovasculaires aigus (infarctus, arythmies, mort subite) du dopage sont connus. Les risques chroniques sont moins faciles à prouver. Cependant, des études récentes ont rapporté des cas de décès par mort subite ou insuffisance cardiaque aiguë dus à la prise chronique d’anabolisants (46). Ces substances favorisent le développement d’une hypertrophie cardiaque concentrique irréversible et ont une cardiotoxicité directe avec développement de foyers arythmogènes (4748). Leur usage chronique s’associe aussi à des troubles lipidiques et au développement d’une hypertension artérielle systolo-diastolique caractérisée par une perte du cycle nycthéméral de la pression artérielle (47). La prise chronique d’érythropoïétine favorise aussi l’hypertension artérielle et les accidents thromboemboliques et, au moins chez l’animal, peut s’accompagner d’hypertrophie cardiaque excentrique avec dysfonction myocardique (49).

Que conclure ?

Deux conclusions principales peuvent être proposées après cette

revue des données actuellement à notre disposition. D’une part, l’importance des effets bénéfiques de la pratique d’une activité physique et sportive est en partie proportionnelle à son intensité. Il n’y a pas de données actuelles montrant que la pratique de la compétition proprement dite augmente ces effets bénéfiques. La pratique prolongée d’une activité sportive intense et de la compétition ne raccourcit pas la durée de vie. Elle peut même l’allonger, surtout dans les disciplines d’endurance et mixtes. Cela rassure donc sur la bonne tolérance des efforts intenses que ces sportifs s’imposent. Il est cependant trop tôt pour éliminer formellement les effets potentiellement néfastes du dopage chronique. Mais, rapporter cette longévité accrue à la seule pratique sportive intensive serait un raccourci simpliste. En effet, plusieurs facteurs peuvent participer au bénéfice observé. Le capital génétique intervient pour une grande part et on peut penser que le même résultat aurait été observé si ces sportifs de haut niveau s’étaient contentés d’avoir une vie saine

avec une pratique sportive moins intense. Le contexte socio-économique, le mode de vie après la fin de carrière et en particulier les règles hygiéno-diététiques avec poursuite ou non d’une activité physique jouent aussi un rôle important. En d’autres termes, ce serait une erreur de penser que pour vivre vieux il faut avoir participé aux jeux Olympiques ou au Tour de France. D’autre part, les données actuelles des études sur la longévité ne permettent pas de conclure que ce type de pratique sportive soit toléré par tous les sujets et ne puisse pas chez certains favoriser l’apparition de pathologies en particulier myocardiques aiguës ou chroniques. D’où la nécessité d’un suivi médical, en particulier pour ceux qui débutent tardivement et avec un niveau de risque cardiovasculaire élevé cette pratique sportive. n

Mots-clés : Sport intense, Risque cardiovasculaire, Espérance de vie

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Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?

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Cas clinique

L’hydatidose intrapéricardique

Une localisation cardiaque rare (à propos d’un cas) Hamid Jallal*, Marouane Belarbi**, Sanae Arouia*, Anass Zbitou*, Nadir Zemraoui**, Laila Bendriss*, Ali Khatouri* (*Service de Cardiologie, Hôpital militaire Avicenne, Marrakech, Maroc, jalal-hamid@hotmail.com ; **Service de Néphrologie-Hémodialyse, Hôpital militaire Avicenne, Marrakech, Maroc)

Le kyste hydatique du cœur est une affection parasitaire qui représente le développement au niveau du cœur de la forme larvaire du Taenia Echinococcus granulosus (1). La localisation cardiaque à l’intérieur du péricarde est très rare et représente 10 % des localisations cardiaques, elle est rarement primitive mais souvent secondaire à une rupture d’un kyste hydatique du VG à développement sous-épicardique. Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 65 ans opérée avec succès de deux kystes hydatiques intrapéricardiques comprimant les cavités droites.

Observation

Il s’agit d’une patiente âgée de 65 ans, asymptomatique sur le plan cardiovasculaire, hémodialysée chronique depuis un mois sur néphropathie indéterminée, avec découverte fortuite d’une masse intracardiaque lors d’une ETT systématique. L’examen clinique a objectivé une TA basse à 90/60 mmHg et un roulement diastolique au foyer tricuspidien. L’ECG s’inscrit en rythme sinusal avec des ondes T négatives en septal profond, la radiographie thoracique (face/profil) (Fig. 1) a révélé une opacité paracardiaque déformant l’arc inférieur gauche. Le bilan biologique a objectivé une légère hyperéosinophilie avec un syndrome inflammatoire. La sérologie hydatique était négative. L’échocardiographie transthoracique (Fig. 2 et 3) a montré un VG de taille et de fonction normales, et des cavités droites de dimensions réduites par une masse kystique de 82x24 mm de siège péricardique

90

Figure 1 - Opacité paracardiaque déformant l’arc inférieur gauche.

entraînant un rétrécissement tricuspidien modéré avec un gradient moyen à 6 mmHg. La TDM thoraco-abdominale a secondairement corroboré le diagnostic en mettant en évidence la présence de deux formations kystiques intrapéricardiques au contact des cavités droites. La plus grande (Fig. 4) est

uniloculaire et hypodense à paroi épaisse comprimant l’OD et le VD, et la plus petite (Fig. 5) à projection apicale, multivésiculée. Par ailleurs, le reste de l’abdomen est sans particularité, à part un kyste polaire rénal droit banal. La coronarographie faite dans le cadre du bilan préopératoire a montré une

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L’hydatidose intrapéricardique

Figure 2 - Compression des cavités droites par une masse hypoéchogène.

Figure 4 - Image hypodense intrapéri-

Figure 3 - Incidence sous-costale

Figure 5 - Image hypodense véhiculée

montrant une masse kystique intra­

(flèche).

péricardique.

sténose à 75 % de l’IVA moyenne, avec un refoulement du réseau coronaire droit par la masse (Fig. 6). Sur le plan thérapeutique, la patiente n’a pas été mise sous albendazole en raison de l’urgence chirurgicale, puis a été confiée aux chirurgiens pour geste curatif. L’ablation des kystes a été faite avec succès et les suites opératoires ont été simples. L’examen anatomopathologique a confirmé le diagnostic de kyste hydatique du cœur.

Discussion

L’Echinococcus granulosus est un ténia qui vit à l’état adulte dans le tube digestif du chien, et dont le développement larvaire provoque chez l’Homme une parasitose sous forme de kyste hydatique.

Localisation Le kyste hydatique du cœur est

Figure 6 - Refoulement du réseau droit.

cardique (flèche).

rare, représentant 0,5 à 2 % de l’ensemble des localisations hydatiques (1). La revue de la littérature a montré la prédominance de la localisation ventriculaire gauche du kyste hydatique (60 %). En effet, l’importante masse musculaire et la riche vascularisation du ventricule gauche expliquent la prédominance du kyste hydatique à ce niveau (2). Le septum interventriculaire est touché dans 9 à 20 % des cas, alors que le ventricule droit et l’oreillette droite sont touchés dans 4 à 17 % des cas (3). Le péricarde dans 10 % des cas (4). La revue de la littérature de 1910 à ce jour (un siècle) a montré treize cas de tamponnade hydatique.

Symptomatologie Les circonstances de découverte sont nombreuses. En effet, la symptomatologie est variable suivant le stade évolutif du kyste, son siège par rapport aux orifices valvulaires et sa localisation dans

Cardiologie - Cardinale • Mars 2014 • vol. 8 • numéro 62

le cœur droit ou gauche (5). Le kyste peut se développer dans le temps et entraîner des dysfonctionnements valvulaires, comme dans notre cas, et peut se rompre. La réaction inflammatoire est sévère, il s’agit d’une péricardite exsudative, riche en albumine avec une hyperéosinophilie, en général stérile. Le tableau de péricardite est volontiers spontanément régressif (6). Le risque majeur est la survenue d’une tamponnade ou d’une constriction secondaire à la chronicité de l’épanchement péricardique. Les péricardites avec épanchement sont de plusieurs types (7) : l’hydatycopéricarde et la polykystose cardiopéricardique.

Diagnostic Sur le plan paraclinique, la radiographie thoracique ne permet pas de fournir des éléments spécifiques quant à l’origine hydatique. Le signe le plus fréquemment retrouvé est la cardiomégalie avec ou sans déformation des contours du cœur. L’échographie cardiaque est l’examen clé du diagnostic positif (8). Elle permet de visualiser la ou les masses cardiaques et de préciser leurs aspects. Le kyste a une apparence liquidienne avec fréquemment des vésicules filles ou des trabéculations. Plus rarement, la masse est pleine et correspond à un kyste rompu.

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Cas clinique

L’hyperéosinophilie n’est pas spécifique des infections parasitaires (9). Si la sérologie hydatique est positive avec un taux significatif, le diagnostic peut être retenu (10). En revanche, si les tests sont négatifs, on ne peut pas exclure formellement le diagnostic d’hydatidose. En effet, dans certains cas, comme chez notre patiente, les kystes sont sérologiquement muets, “réaction faussement négative” s’ils sont calcifiés, ou bien s’ils sont de petite taille (11). L’intérêt du scanner et de l’imagerie par résonance magnétique est également apprécié dans la littérature. Ces examens contribuent particulièrement à préciser les rapports avec les structures cardiaques, et en particulier les coronaires.

Prise en charge Le risque évolutif vers les complications graves impose un diagnostic et une prise en charge chirurgicale rapide. Le traitement chirurgical est la seule attitude qui puisse assurer la guérison du kyste hydatique. Le but du traitement chirurgical est de soulager le cœur afin d’assurer une hémodynamique satisfaisante. La kystectomie, la périkystectomie et le capitonnage de la cavité donnent les meilleures chances de guérison (12). La circulation extracorporelle est d’une grande utilité dans la réalisation d’un bilan myocardique et péricardique complet, seul garant d’une guérison définitive sans récidive hydatique (2).

Conclusion

L’hydatidose cardiaque est une affection rare et d’expression clinique souvent aberrante mais dont le diagnostic devra être évoqué, surtout dans notre contexte épidémiologique particulier. Elle est grevée de complications potentiellement graves. La rupture intrapéricardique avec risque de tomponnade est la complication inéluctable de l’échinococcose intrapéricardique. La gravité de cette localisation nécessite sa recherche par échocardiographie systématique chez tout patient atteint ou suspect d’hydatidose et sa cure chirurgicale systématique sous circulation extracorporelle. n

Mots-clés : Kyste hydatique péricardique, Imagerie, Chirurgie sous CEC

Bibliographie 1. Mrad Dali K, Tlili K, Ly M et al. Radioclinical profile of cardiopericardial hydatid: report of 17 cases. Ann Cardiol Angeiol 2000 ; 49 : 414-22. 2. Jerbi S, Kortas C, Dammak S et al. Cardio-pericardial hydatid cyst. Report of 19 cases. Tunis Med 2004 ; 82 : 152-7. 3. Elhattaoui M, Charei N, Bennis A et al. Cardiac hydatid cysts: report of 10 cases. Arch Mal Coeur Vaiss 2006 ; 99 : 19-25. 4. Yaliniz H1, Tokcan A, Salih OK, Ulus T. Surgical treatment of cardiac hydatid disease: A report of 7 cases. Tex Heart Inst J 2006 ; 33 : 333-9. 5. Trigano JA, Mourot F, Talmoudi T et al. Symptomatology of hydatid cyst of the heart. Study of a continuous series of 13 cases and value of x-ray computed tomography. Arch Mal Cœur Vaiss 1985 ; 13 : 1895-9. 6. Zalila S, Slimane ML, Labidi S, Ben Naceur M. Cardiac hydatidosis (apropos of 13 cases). Tunis Med 1986 ; 64 : 607-14.

7. Birincioğlu CL, Bardakci H, Küçüker SA et al. A clinical dilemma: cardiac and pericardiac echinococcosis. Ann Thorac Surg 1999 ; 68 : 1290-4. 8. Klodas E, Roger VL, Miller FA Jr et al. Cardiac echinococcosis: case report of unusual echocardiographic appearance. Mayo Clin Proc 1995 ; 70 : 657-61. 9. Bourée P, Lançon A. Diagnostic d’une hyperéosinophilie sanguine. Revue française des Laboratoires 2000 ; 321 : 67-71. 10. Bourée P, Heiderijk P et al. Les Échinococcoses. Revue française de Laboratoire 1991 ; 228 : 19-28. 11. Salehi M, Soleimani A. Cardiac echinococcosis with negative serologies: a report of two cases. Heart Lung Circ 2007 ; 566 : 1-3. 12. Kaplan M1, Demirtas M, Cimen S, Ozler A. Cardiac hydatid cysts with intracavitary expansion. Ann Thorac Surg 2001 ; 71 : 1587-90.

rendez-vous de l’industrie autorisation de mise sur le marché

Demande d’AMM pour l’edoxaban

L

e laboratoire Daiichi Sankyo a annoncé le dépôt d’une demande d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA) pour l’edoxaban, son inhibiteur direct du facteur Xa, administré par voie orale en une prise par jour. En Europe, Daiichi Sankyo demande une AMM pour l’edoxaban dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des événements emboliques systémiques (EES) chez les patients souffrant de fibrillation atriale non valvulaire (FANV), ainsi que pour le traitement de la thrombose veineuse profonde (TVP) ou de l’embolie pulmonaire (EP) et pour la prévention des récidives de maladies thromboemboliques veineuses (TEV) symptomatiques. Une fois

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l’autorisation obtenue, l’edoxaban pourra être commercialisé dans tous les pays membres de l’Union européenne. La demande d’AMM est basée sur les données fournies par un vaste programme mondial de développement clinique comparant l’edoxaban en une prise par jour à la warfarine, traitement de référence actuel pour la fibrillation atriale (FA) ou la TEV. Les deux études cliniques sur lesquelles s’appuie cette demande, ENGAGE AF-TIMI 48 et Hokusai-VTE, sont les plus grandes études comparatives jamais réalisées sur un nouvel anticoagulant administré par voie orale dans cette population de patients, incluant respectivement 21 105 et 8 292 patients. L’edoxaban est en cours d’évaluation règlementaire par le ministère japonais de la santé, du travail et de la protection sociale pour le traitement de la FANV et de la TEV symptomatique. n

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