Avis d’expert
Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?
Éléments de réponse
François Carré (Université Rennes 1, INSERM U 1099, Hôpital Pontchaillou ; francois.carre@univ-rennes1.fr)
Introduction Les effets bénéfiques sanitaires, entre autres cardiovasculaires, de la pratique sportive régulière et modérée sont indiscutables. En revanche, les effets du sport intense, et en particulier de compétition, sur l’espérance de vie sont classiquement discutés.
L’effet bénéfique direct d’une Activité physique (AP) pour la santé, en particulier cardiovasculaire, est bien démontré (1-2). Un débat déjà ancien existe concernant le possible effet néfaste d’une pratique sportive trop intense (3). Dans la population générale, une courbe en U reliant l’intensité de la pratique et la survenue d’événement coronarien a ainsi été observée (Fig. 1), relation qui n’existe néanmoins pas entre intensité de l’AP et prévention du diabète de type 2 (4). De même, plus récemment, dans la population de sportifs de compétition de niveau variable, s’est posée la question de l’éventuel effet cardiaque délétère d’une pratique sportive trop intense (5-6).
Fréquence d’événement pour 1 000 sujets/an
“No Pain, No Gain” : vrai aussi pour la santé dans la population générale ?
12
? 8
4
0
Aucune
Occasionnelle
Faible
Modérée
Intense
Type d’activité physique pratiquée Figure 1 – Relation entre intensité de la pratique sportive et risque de survenue d’un accident coronarien dans la population générale masculine adulte d’âge moyen 4045 ans (n = 5 159, suivi 19 ans). D’après (4).
Devant la possibilité d’un effet de type dose-réponse positif de l’AP, la question des dose et intensité “idéales” individuelles de pratique a ensuite été posée (3). En résumé, il apparaît que globalement les bien-
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faits sanitaires obtenus par la pratique d’une AP sont d’autant plus importants que celle-ci est plus intense (7). En notant cependant que les effets d’une pratique de la compétition ne sont pas étudiés (7).
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Le meilleur marqueur actuel de l’espérance de vie est la capacité physique. Cela est confirmé par la relation négative qui existe entre cette capacité physique (estimée par la consommation maximale d’oxygène) et la mortalité toutes causes. En d’autres termes, l’espérance de vie d’un sujet est d’autant plus faible que sa consommation maximale d’oxygène est faible (Fig. 2). Cette relation est indépendante du sexe, de l’âge, de l’ethnicité et des facteurs de risque cardiovasculaire et/ou pathologies chroniques associées (8-11). La capacité physique “critique”, en dessous de laquelle le niveau de mortalité augmente nettement est de 5 METs (Metabolic Equivalent of the Task, 1 MET = 3,5 ml O2/min/kg). Le niveau de capacité physique “idéal” minimal varie bien sûr avec l’âge et le sexe (Tab. 1). L’analyse de la figure 2 montre l’effet majeur du gain de 1 MET entre 5 et 6 METs mais aussi que ce gain se poursuit pour les hauts niveaux de capacité physique. Globalement, un gain de capacité physique de 1 MET diminue de 13 % le niveau de risque de mortalité globale et de 15 % celui de survenue d’un événement cardiovasculaire (12). De plus, il n’est jamais trop tard pour bien faire et chez des hommes nordaméricains de plus de 65 ans, il a été montré que l’amélioration de la capacité physique par une pratique régulière d’une AP était associée à une baisse du risque de mortalité (Hazard ratio = 0,65, CI = 0,46-0,93) (13). En d’autres termes, un peu d’AP est un plus important par rapport à rien mais une AP intense est plus efficace qu’une faible AP (7). Un autre facteur prédictif de la longévité est la tendance à la prise de poids et plus celle-ci est marquée plus courte est l’espérance de vie (14).
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HR 1,2
1
1
0,93
(0,83-1,04)
0,8 0,62
(0,54-0,71)
0,6
0,53
(0,46-0,62)
0,53
(0,44-0,64)
0,48
(0,38-0,60)
0,39
(0,32-0,49)
0,4
0,2
0 ≤4 n = 1 083
4,1-5 n = 1 026
5,1-6 n = 866
6,1-7 n = 835
7,1-8 n = 486
8,1-9 n = 355
>9 METs n = 463
Figure 2 – Hazard ratio (HR) ajustés (âge, pic VO2, pathologies, BMI, pression artérielle systolique, ethnicité ainsi que facteurs de risque, pathologies et traitements cardiovasculaires) pour la mortalité d’hommes (n = 5 390) d’âge moyen 71,4 ± 5 ans (65-92 ans) en fonction de leur capacité physique (1 MET = 3,5 ml O2/min/kg). Suivi moyen 8,1 ans. Intervalle de confiance (95 % ICs) . (%) = pourcentage de décès dans le groupe concerné. D’après (11).
Au total, le mode de vie a un rôle majeur sur l’espérance de vie mais aussi et surtout pour la qualité de vie pendant la vieillesse. L’efficacité de règles hygiéno-diététiques simples que sont le maintien d’un bon équilibre pondéral et tensionnel, une abstinence vis-à-vis du tabac et la réalisation régulière de l’activité physique la plus vigoureuse possible a fait ses preuves dans ce domaine comme l’a confirmé une étude prospective menée sur vingt-cinq ans (15).
naît-on ou Devienton champion ?
Il est classique de dire que pour devenir champion il faut bien choisir ses parents et s’entraî-
ner très durement. Il est en effet indéniable que la capacité physique d’un sujet dépend de deux facteurs majeurs : son capital génétique et son mode de vie, et en particulier le niveau (quantité et intensité) d’AP qu’il pratique régulièrement (16-17). La composante intrinsèque de la capacité physique, c’est-à-dire non liée à l’entraînement joue un rôle majeur comme l’a montré une étude menée chez une lignée de rats progressivement sélectionnés en fonction de leur potentiel physique génétique (14). Mais il est aussi vrai que la capacité physique peut être très significativement améliorée par la pratique régulière d’un entraînement intense spécifique d’une activité physique (18).
Tableau 1 – Capacité physique “idéale” déterminée par épreuve d’effort vis-à-vis de l’espérance de vie en fonction de l’âge et du sexe. D’après une méta-analyse de 33 études (n = 100 000 pour la mortalité et 84 000 pour événements cardiovasculaires), suivi 1-2 ans. 1 MET = 3,5 ml O2/min/kg. D’après (12).
40 ans
50 ans
60 ans
Hommes
9 METs
8 METs
7 METs
Femmes
7 METs
6 METs
5 METs
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L’activité physique et sportive donne un coup de jeune !
Les sportifs de haut niveau d’entraînement vivent-ils moins vieux ?
À notre connaissance, toutes les études, sauf les plus anciennes (21), ont montré une espérance de vie prolongée chez les pratiquants au long cours d’une activité sportive intense. Ainsi, une méta-analyse réalisée sur quatorze études épidémiologiques a conclu à une espérance de vie prolongée et à une mortalité diminuée chez les anciens athlètes de haut niveau
Entraînés Non entraînés
Index de longueur de télomères
Les effets bénéfiques de l’AP sur le vieillissement sont prouvés. La pratique régulière d’un sport allonge la longueur ou diminue la vitesse de raccourcissement des télomères (19-20). Ces télomères correspondent aux séquences de DNA répétitives localisées à la fin des chromosomes. En l’absence d’addition régulière de portions par une télomérase, les télomères se raccourcissent progressivement après chaque division mitotique des cellules somatiques. Ils sont ainsi proposés comme des marqueurs de l’âge biologique. Plusieurs études ont montré qu’une activité physique régulière s’accompagnait d’une augmentation de longueur de ces télomères y compris chez les sujets âgés qui s’entraînent en endurance (Fig. 3). Cette observation est indépendante du niveau individuel de risque cardiovasculaire et de celui des marqueurs cellulaires d’inflammation/adhésion. De plus, il existe une relation positive entre le niveau de VO2max et la longueur des télomères des pratiquants sportifs vétérans (19).
2,0
1,5
P < 0,01 *
1,0
0,5
0,0 Jeunes
Âgés
Figure 3 – Comparaison de la longueur des télomères de muscle squelettique (vaste externe) mesurés dans deux groupes d’hommes sains entraînés d’âges différents (jeunes = 24 ans et âgés = 69 ans) et entraînés ou non en endurance. Index de longueur = rapport T/S (18).
avec au premier plan une baisse des accidents cardiovasculaires. Ce bénéfice concerne surtout les pratiquants d’endurance et de sports mixtes. Les résultats selon les études sont plus variables pour les sports explosifs chez qui le bénéfice paraît globalement moins net (22). Une étude s’est intéressée au devenir des athlètes olympiques médaillés en fonction de la couleur de la médaille conquise (or, argent, bronze) et du type de sport pratiqué (endurance, mixte, explosif ). Ainsi, la longévité de 15 174 médaillés olympiques entre 1896 et 2010 originaires de neuf nationalités a été comparée à celle de la population générale appariée par pays, sexe, âge et année de naissance. Globalement, la longévité des athlètes est augmentée de 2,8 ans, avec une augmentation régulière du nombre de survivants par rapport à la population contrôle dès trente ans après l’obtention de leur médaille. Cette amélioration de la longévité est indépendante de la couleur de la médaille obtenue mais ici encore elle paraît plus
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importante dans les sports d’endurance et mixtes que dans les disciplines explosives (21). La longévité des athlètes olympiques (n = 9 889, JO entre 18961936), médaillés ou non cette fois, a aussi été étudiée pour préciser l’impact des contraintes cardiovasculaires (statique et dynamique selon la classification de Mitchell) et physiques (collisions et contacts) des sports (n = 43) pratiqués. Comme le résume le tableau 2, le niveau de contrainte cardiovasculaire et les composantes statiques et dynamiques des sports pratiqués n’ont pas montré d’effet significatif sur la durée de vie des pratiquants. À l’inverse, (Tab. 2) les pratiquants des sports avec collision et contact physique importants ont une espérance de vie diminuée par rapport aux autres sports (23). Cet effet potentiellement délétère des sports de combat n’est cependant pas confirmé par toutes les études (24). Il est à noter que la différence intersexe sur la longévité observée dans la population générale est
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retrouvée chez les athlètes de niveau olympique comme chez les spécialistes de tennis. Ainsi, les anciennes athlètes britanniques vivent en moyenne cinq à sept ans de plus que leurs homologues masculins (25). Globalement, ce sont les pratiquants des sports d’endurance (patineurs de vitesse hollandais, skieurs de fond scandinaves, cyclistes) qui ont été les plus étudiés. En Hollande, l’hiver, le patinage de vitesse a été longtemps utilisé comme moyen de locomotion journalier. Un suivi de trente-deux ans a ainsi montré que, par rapport à la population générale, la mortalité des patineurs sur glace de loisir était diminuée de 28 % et celle des compétiteurs de 24 % (26). La pratique intense du ski de fond apparaît bénéfique (27-28). Une étude s’est intéressée aux compétiteurs (n = 49 219 hommes et 24 403 femmes) qui ont participé à une des épreuves de la Vasoloppet, célèbre semaine de courses de ski de fond suédoise. Ses résultats montrent une baisse de la mortalité des participants de plus de 50 % à celle attendue, cela indépendamemnt du sexe, de l’âge et du classement obtenu lors des compétitions. La mortalité pour cause de cancers et de maladies cardiovasculaires était particulièrement diminuée (28). Le peloton cycliste a aussi été très étudié. Une étude française récente a ainsi analysé la longévité des 786 cyclistes français (30 % en moyenne des coureurs inscrits) qui ont participé au moins une fois au Tour de France entre 1947 et 2012. En septembre 2012, 208 coureurs étaient décédés. La mortalité des cyclistes est apparue comme inférieure de 41 % à
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Tableau 2 – Hazard ratio (CIs 95 %) de mortalité calculé dans une population d’athlètes olympiques (1896-1936) en fonction des contraintes (cardiovasculaires, collision, contact physique) du sport pratiqué, du sexe et de l’âge. Résultats ajustés au sexe, année de naissance et nationalité. D’après (23).
Hazard ratio (% CI)
Hazard ratio (% CI)
Contrainte CV (élevée vs faible)
0,98 (0,92 à 1,0)
Athlètes en général
0,97 (0,91 à 1,0)
Hommes
1,00 (0,94 à 1,0)
Décès après 50 ans
0,97 (0,90 à 1,0)
Nés avant 1900
0,99 (0,87 à 1,1)
Nés après 1900 Sports avec collision (oui vs non)
1,11 (1,06 à 1,1)
Athlètes en général
1,11 (1,07 à 1,1)
Hommes
1,13 (1,08 à 1,1)
Décès après 50 ans
1,08 (1,03 à 1,1)
Nés avant 1900
1,16 (1,08 à 1,2)
Nés après 1900 Sports avec contacts (élevés vs faibles) Athlètes en général
1,16 (1,11 à 1,2)
Hommes
1,18 (1,12 à 1,2)
Décès après 50 ans
1,20 (1,13 à 1,2)
Nés avant 1900
1,16 (1,09 à 1,2)
Nés après 1900
1,17 (1,08 à 1,2)
0,8 1,0 1,2 1,4 Tableau 3 – Prévalence des maladies chroniques chez des anciens athlètes(n = 2 401 vs 1 712 contrôles) de haut niveau finlandais en fonction de la discipline pratiquée. Résultats ajustés pour âge, tabac, IMC. D’après (33).
Discipline sportive
Endurance
Mixtes (collectifs, sprint)
Explosifs (musculation, lancers…)
Maladie coronaire
0,33(0,18-0,61)
0,64 (0,45-0,90)
0,73 (0,51-1,03)
Diabète
0,24 (0,07-0,81)
0,52 (0,29-0,92)
1,21 (0,75-1,95)
Hypertension
0,70 (0,45-1,09)
0,86 (0,65-1,13)
0,70 (0,52-0,94)
Insuffisance cardiaque
0,49 (0,34-0,71)
0,47 (0,36-0,61)
0,83 (0,66-1,04)
Pathologie
Asthme
0,64 (0,21-1,10)
0,68 (0,32-1,41)
0,68 (0,31-1,50)
Bronchite chronique
0,48 (0,21-1,10)
1,07 (0,70-1,64)
0,94 (0,59-1,50)
Emphysème
0,73 (0,31-1,72)
0,46 (0,23-0,92)
0,49 (0,29-0,83)
Arthrose
2,42 (1,26-4,68)
2,37 (1,32-4,24)
2,68 (1,51-4,15)
Toutes causes d’hospitalisation
0,71 (0,70-0,73)
0,86 (0,85-0,87)
0,95 (0,94-0,96)
celle de la population générale masculine française sans modification au fil du temps. Les pathologies cardiovasculaires et cancers étaient les causes principales de décès chez ces sportifs. Pour les 109 cyclistes qui ont participé
au Tour de France entre 1947 et 1951, la prolongation moyenne de l’espérance de vie était de 6,3 ans par rapport à la population générale (29). Cette augmentation de l’espérance de vie confirme celle rapportée dans une étude
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Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?
antérieure menée chez des cyclistes étrangers ayant participé au Tour de France avec la même prolongation de longévité (30). Nous avons aussi observé une moindre mortalité dans une population d’anciens coureurs cyclistes bretons (n = 514, nés entre 1940 et 1970, suivis sur 31 ans) de bon niveau de performance (trente et un). En revanche, nos résultats montraient une tendance à la moindre sous-mortalité chez les coureurs les plus jeunes.
Maladies chroniques, facteurs de risque cardiovasculaire et sport de haut niveau
Globalement, à part les pathologies arthrosiques qui sont plus fréquentes, la plupart des pathologies chroniques et les hospitalisations sont plus rares chez les anciens sportifs de haut niveau (Finlandais), quelle que soit leur discipline, que dans la population générale (Tab. 3). Seule la prévalence du diabète de type 2 paraît augmenter chez les anciens spécialistes de sports explosifs, cela pouvant s’expliquer par une hygiène de vie postcarrière déséquilibrée (32-33). La prévalence de certaines pathologies chroniques comme la fibrillation atriale chez les vétérans endurants très entraînés apparaît cependant augmentée (34-35). Il en est de même pour certaines maladies neurologiques dans des sports avec contacts physiques importants comme la sclérose latérale amyotrophique, maladie neurodégénérative à mortalité élevée, rapportée chez les footballeurs italiens (36) et l’encéphalopathie traumatique chronique chez les footballeurs américains et les boxeurs (24, 37).
Curieusement, la longévité des footballeurs et des footballeurs américains semble moins améliorée que celle des autres sportifs. Une étude, unique il est vrai, rapporte que la longévité des footballeurs internationaux allemands est inférieure de 1,9 an (IC 95 % : 0,6-3,2) à celle de la population générale. Cette comparaison défavorable est cependant inversée dans la tranche d’âge étudiée la plus récente (38). Chez des footballeurs professionnels italiens (n = 5 389), une étude rétrospective a observé que la mortalité cardiovasculaire et par cancer était inférieure à celle attendue dans la population générale alors que la mortalité par accident de voiture et par sclérose latérale amyotrophique était significativement augmentée (36). Chez les footballeurs américains, les études sont plus nombreuses et leurs résultats discutés (39). Ainsi, l’espérance de vie des joueurs a été longtemps décrite comme diminuée, surtout du fait des accidents traumatiques. En effet, le football américain, par ses règles et sa violence, est particulièrement touché par les accidents traumatiques aigus et les lésions chroniques, en particulier cérébrales. Mais ces données sont actuellement remises en cause (37, 39). Ainsi, une étude relativement récente a conclu que le joueur de football américain (n = 1 512) vit en moyenne 6,1 ans de plus que la population générale (37). L’adoption de nouvelles mesures de protection et les modifications des conditions de jeu montrent peutêtre leur efficacité (37). Concernant les facteurs de risque cardiovasculaire, la plupart des études concernent les footballeurs américains et les joueurs de baseball et à un moindre niveau ceux de football. Chez les joueurs en activité, par rapport à la population générale, intolérance au glucose et tabagisme sont moins fréquents, les troubles
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lipidiques sont aussi fréquents et l’hypertension artérielle est plus fréquente (40). Le rapport des épaisseurs intima media carotidien n’est pas différent (41). De façon non surprenante, le risque cardiovasculaire absolu est augmenté chez les joueurs avec le surpoids le plus important (42). Plusieurs études récentes ont souligné la prévalence élevée des chiffres tensionnels anormalement élevés chez des footballeurs européens et américains (40, 43-45). Plusieurs explications sont proposées : type d’entraînement suivi, hyperstimulation sympathique, surpoids, mais curieusement la possibilité de la prise de produits interdits comme des anabolisants n’est pas évoquée. On sait pourtant que l’observation récente d’une hypertension artérielle chez un jeune sportif jusqu’alors normotendu doit faire évoquer la possibilité d’un dopage. Enfin, après l’arrêt de la carrière sportive, le maintien d’un mode de vie sain reste le meilleur garant d’une bonne qualité de vie et d’une espérance de vie prolongée (32-33). L’organisme ne semble pas avoir de mémoire des pratiques sportives anciennes interrompues.
Impact du dopage sur l’espérance de vie des sportifs
Il est malheureusement impossible aujourd’hui de taire les risques, en particulier cardiovasculaires, des attitudes dopantes de certains sportifs, quels que soient leurs niveaux et leurs disciplines. Le fait que les études les plus récentes sur la longévité des sportifs ne rapportent pas d’excès de mortalité chez les plus jeunes n’est pas une preuve de l’innocuité de ces pratiques. Il est peut-être encore trop tôt pour voir le résultat de l’utilisation de l’érythropoïétine et de l’hormone de croissance, en vogue depuis 1990.
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Les risques cardiovasculaires aigus (infarctus, arythmies, mort subite) du dopage sont connus. Les risques chroniques sont moins faciles à prouver. Cependant, des études récentes ont rapporté des cas de décès par mort subite ou insuffisance cardiaque aiguë dus à la prise chronique d’anabolisants (46). Ces substances favorisent le développement d’une hypertrophie cardiaque concentrique irréversible et ont une cardiotoxicité directe avec développement de foyers arythmogènes (4748). Leur usage chronique s’associe aussi à des troubles lipidiques et au développement d’une hypertension artérielle systolo-diastolique caractérisée par une perte du cycle nycthéméral de la pression artérielle (47). La prise chronique d’érythropoïétine favorise aussi l’hypertension artérielle et les accidents thromboemboliques et, au moins chez l’animal, peut s’accompagner d’hypertrophie cardiaque excentrique avec dysfonction myocardique (49).
Que conclure ?
Deux conclusions principales peuvent être proposées après cette
revue des données actuellement à notre disposition. D’une part, l’importance des effets bénéfiques de la pratique d’une activité physique et sportive est en partie proportionnelle à son intensité. Il n’y a pas de données actuelles montrant que la pratique de la compétition proprement dite augmente ces effets bénéfiques. La pratique prolongée d’une activité sportive intense et de la compétition ne raccourcit pas la durée de vie. Elle peut même l’allonger, surtout dans les disciplines d’endurance et mixtes. Cela rassure donc sur la bonne tolérance des efforts intenses que ces sportifs s’imposent. Il est cependant trop tôt pour éliminer formellement les effets potentiellement néfastes du dopage chronique. Mais, rapporter cette longévité accrue à la seule pratique sportive intensive serait un raccourci simpliste. En effet, plusieurs facteurs peuvent participer au bénéfice observé. Le capital génétique intervient pour une grande part et on peut penser que le même résultat aurait été observé si ces sportifs de haut niveau s’étaient contentés d’avoir une vie saine
avec une pratique sportive moins intense. Le contexte socio-économique, le mode de vie après la fin de carrière et en particulier les règles hygiéno-diététiques avec poursuite ou non d’une activité physique jouent aussi un rôle important. En d’autres termes, ce serait une erreur de penser que pour vivre vieux il faut avoir participé aux jeux Olympiques ou au Tour de France. D’autre part, les données actuelles des études sur la longévité ne permettent pas de conclure que ce type de pratique sportive soit toléré par tous les sujets et ne puisse pas chez certains favoriser l’apparition de pathologies en particulier myocardiques aiguës ou chroniques. D’où la nécessité d’un suivi médical, en particulier pour ceux qui débutent tardivement et avec un niveau de risque cardiovasculaire élevé cette pratique sportive. n
Mots-clés : Sport intense, Risque cardiovasculaire, Espérance de vie
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Cardiologie - Cardinale • Mars 2014 • vol. 8 • numéro 62
Une pratique sportive intense raccourcit-elle l’espérance de vie ?
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