Thérapeutique
Prise en charge d’un diabète insulinotraité Intérêt des IDPP4 Pr Emmanuel Cosson*
Introduction
I
l est donc envisageable d’associer les IDPP4 avec une insulinothérapie. Si on prend cependant en compte l’algorithme des nouvelles recommandations (1), l’association IDPP4 et insuline n’est jamais clairement mentionnée : *AP-HP, Université Paris 13, Sorbonne Paris cité, Service de Diabétologie-Endocrinologie-Nutrition, CRNH-IdF, CINFO, CHU Jean-Verdier, Bondy ; Unité de Recherche épidémiologique nutritionnelle, UMR U557 INSERM/U11125 INRA/CNAM/Université Paris 13, Bobigny emmanuel.cosson@jvr.aphp.fr
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- en échec de la trithérapie Metformine-Sulfamides hypoglycémiants-Sitagliptine, un passage à un traitement associant Metformine, Sulfamides hypoglycémiants et insuline est envisagé, mais l’association à un IDPP4 n’est pas considérée ; - lorsque l’insulinothérapie est mise en place initialement par insuline intermédiaire au coucher puis par multi-injection, le
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Les inhibiteurs de la Dipeptidyl Peptidase 4 (IDPP4) ayant actuellement l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) en France sont la Sitagliptine, la Vildagliptine et la Saxagliptine. Ils ont l’AMM en monothérapie lorsque la Metformine est contre-indiquée ou non-tolérée avec un service médical rendu (SMR) considéré insuffisant (SMR 0) ; en bithérapie en association à la Metformine ou aux Sulfamides hypoglycémiants (en cas de contre-indication ou d’effets secondaires à la Metformine), avec un SMR important ; et enfin, en trithérapie, avec la Metformine et les Sulfamides hypoglycémiants, avec un SMR important également. Seule la Sitagliptine est actuellement remboursée dans ce cadre, les dossiers étant déposés pour la Vildagliptine et la Saxagliptine. Quant à l’association avec l’insuline, les dossiers sont également déposés avec une AMM pour les trois molécules, le SMR étant actuellement déterminé pour la Sitagliptine (nul en association avec l’insuline mais important en association avec l’insuline et la Metformine). Les dossiers de Vildagliptine et Saxagliptine sont actuellement déposés (données mars 2013) mais nous verrons ensemble que nous disposons de données avec les trois molécules.
traitement par Metformine est conseillé, par Sulfamides hypoglycémiants également conseillé lorsqu’une insuline basale est instaurée, mais l’association à un IDPP4 n’est pas considérée. Nous envisagerons d’aller plus loin que les recommandations, en considérant les données sur les IDPP4 chez le diabétique insulinotraité : efficacité thérapeutique, Diabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
Prise en charge d’un diabète insulinotraité
intérêt de l’association à la Metformine, efficacité selon le schéma insulinique, efficacité sur les glycémies à jeun et post-prandiales, mécanismes passant par insulinosécrétion et/ou inhibition de la sécrétion de glucagon, tolérance. Nous considérerons également l’intérêt des IDPP4 associés à l’insulinothérapie en cas d’insuffisance rénale.
Efficacité en termes d’HbA1c, avec ou sans metformine, selon le schéma d’insulinothérapie
La première étude publiée avec une association IDPP4-insuline a été réalisée avec la Vildaglitine chez 296 diabétiques de type 2 traités par insuline depuis 6 ans avec une durée moyenne de diabète de 15 ans, une HbA1c à l’inclusion de 8,4 %, chez des patients sans Metformine et avec une dose journalière moyenne d’insuline importante (82 unités réparties en 3 injections). Cette étude d’une durée de 24 semaines a montré une réduction significative de 0,3 ± 0,1 % d’HbA1c (2). Dans des études plus récentes chez des patients avec des doses d’insuline moindres (en moyenne 50 unités par jour) avec la Sitagliptine (3), la Saxagliptine (4), et la Vildagliptine (5), les variations d’HbA1c étaient toutes significatives : -0,6 %, -0,4 %, -0,7 % respectivement (Fig. 1). L’efficacité est identique, que les patients soient traités ou non par Metformine (4-5). Dans cette dernière étude, on notait cependant une efficacité majorée de la Vildagliptine versus placebo sur la glycémie à jeun lorsqu’elle était associée à la Metformine (5). La Metformine pourrait donc potentialiser l’effet de l’IDPP4 sur le système incrétine. Diabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
Il a été montré que la Metformine augmentait les taux de Glucagon Like Peptide 1 (GLP1) (6). Cette action passe probablement par une augmentation de la production de GLP1 (7) et une inhibition de la Dipeptidyl Peptidase 4 (8). Il apparaît également que l’efficacité des IDPP4 est identique que les patients soient sous insuline basale ou sous schéma multi-injection. Cela a été montré dans l’étude avec la Sitagliptine, dans laquelle 74 % des patients étaient sous insuline basale et 26 % sous prémix (3) et sous Vildagliptine, où 40 % des patients étaient sous insuline basale et 60 % sous insuline prémix (5).
IDPP4 avec une insuline basale
On attend en particulier une action post-prandiale de l’IDPP4 associé à une insuline basale. Cette action avait été démontrée dans une étude conceptuelle dans laquelle des patients diabétiques de type 2 sous Metformine et Glargine avaient eu un traitement complémentaire par placebo ou Sitagliptine ou Exenatide lors d’un repas test. L’efficacité post-prandiale était la plus marquée sous Exenatide, puis sous Sitagliptine (9). Les profils glycémiques sous Sitagliptine montrent une diminution de la glycémie post-prandiale plus importante que celle de la glycémie à jeun (3) et, après un repas test, la Saxagliptine versus placebo permet une diminution significative des glycémies postprandiales, tandis que la glycémie à jeun ne diminue pas significativement (4). On peut donc imaginer qu’on pourrait éviter un passage d’une insuline basale vers une insulinothé-
rapie multi-injection en associant un IDPP4. Nous ne disposons cependant pas d’étude pouvant le démontrer. On peut juste noter que l’amélioration de l’HbA1c dans les études associant insuline et IDPP4 s’accompagne d’une diminution minime des doses d’insuline avec la Sitagliptine (-3,3 U/j) (3), et non-significative dans les autres études (4-5). Les protocoles demandaient cependant de ne pas modifier les doses d’insuline.
IDPP4 avec une insulinothérapie multi-injection
Un patient traité par multi-injection est a priori plus insulinoprive et on s’attend donc à ce que l’IDPP4 ait une efficacité médiée par une action inhibitrice sur la sérétion de glucagon plus que par une stimulation de l’insulino-sécrétion post-prandiale. L’étude avec la Saxagliptine (4) ne met pas en évidence de variation du taux de peptide C à jeun et de son aire sous la courbe en post-prandial, tandis que le glucagon à jeun n’est également pas modifié versus placebo mais que son aire sous la courbe post-prandiale est diminuée. L’aire sous la courbe postprandiale du glucagon en situation d’hyperglycémie chez les diabétiques de type 2 sous Vildagliptine versus placebo diminue également (10). Des données similaires avec la Vildagliptine avaient été montrées chez des diabétiques de type 1 peptide C négatif (11).
Tolérance de l’association IDPP4insulinothérapie
Les données montrent, alors que l’HbA1c diminue globalement de 0,6 % dans les études après 6 mois d’IDPP4, une neutralité pondérale 179
Thérapeutique
sitagliptine Inclusion
(3)
saxagliptine
8,7 8,6
8,7
8,6
(4) 8,8
vildagliptine 8,8
0
HbA1c (%)
(5) *p < 0,05
-0,2 -0,4 -0,6 -0,8
*
*
-1
*
Poids (Kg) Inclusion
86,5
87,3
87,7
86,2
77,9
Hypoglycémies (% patients)
78,9
0,6
25
0,4
20
0,2
15
0
*
10
-0,2 -0,4
5
-0,6
0
Figure 1 – Association à l’insuline d’un IDPP4 versus placebo (en jaune).
(Fig. 1)
(3-5). Quant aux hypoglycémies, la première étude réalisée en 2007 avait montré une réduction des hypoglycémies alors même que l’HbA1c avait diminué significativement de 0,3 % (2). Cette réduction du nombre de patients faisant des hypoglycémies était valide à la fois pour les hypoglycémies tout venant et pour les hypoglycémies sévères. Dans les trois études plus récentes, le nombre d’hypoglycémies augmente légèrement sous Sitagliptine (3) sans variation significative sous Saxagliptine (4) et Vildagliptine (5) (Fig. 1).
Vildagliptine versus placebo, une augmentation significative de ce même glucagon en situation d’hypoglycémie. Cette donnée est rassurante, montrant que la contrerégulation reste possible sous IDPP4 (10). Une expérimentation du même type a été réalisée chez les diabétiques de type 1, montrant également une diminution significative de la sécrétion de glucagon en post-prandial, tandis qu’on notait une augmentation similaire sous placebo et sous Vildagliptine en situation d’hypoglycémie (12).
Nous disposons d’études mécanistiques très intéressantes sur l’absence d’augmentation voire la diminution des hypoglycémies sous IDPP4, alors même que l’HbA1c diminue. Lors d’un clamp hypoglycémique réalisé chez des patients diabétiques de type 2, on observe, alors même que la sécrétion en glucagon diminue sous
IDPP4 et insulinothérapie chez l’insuffisant rénal
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Il existe une autre situation où l’insulinothérapie est nécessaire non pas en raison d’un déséquilibre sous antidiabétiques oraux mais en raison d’une insuffisance rénale. Nous ne disposons actuel-
lement que d’une étude dans laquelle un IDPP4 est associé à une insulinothérapie dans ce cadre (13). Dans cette étude, 221 diabétiques de type 2 ont été recrutés. Tous avaient une insuffisance rénale sévère et étaient insuffisamment contrôlés sous insulinothérapie : la clairance moyenne était de 21 ml/min, l’HbA1c à l’inclusion de 7,7 %, l’ancienneté du diabète étant de 19 ± 9 ans, avec une dose d’insuline moyenne autour de 50 unités par jour. La Vildagliptine 50 mg par jour a été comparée à un placebo, avec une réduction significative de 0,6 % de l’HbA1c après 24 semaines de traitement. On notait une neutralité pondérale et en termes d’hypoglycémies.
Conclusion
Au total, l’association IDPP4-insulinothérapie est bien envisageable chez le diabétique de type 2, avec une diminution de 0,6 % en Diabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
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moyenne de l’HbA1c, avec une sécurité en termes d’hypoglycémies et une neutralité pondérale qui sont remarquables. Cela a été démontré également dans l’insuffisance rénale terminale avec la Vildagliptine 50 mg par jour. De mon point de vue, des études complémentaires sont nécessaires pour placer ces IDPP4 dans l’algorithme proposé par la HAS. En échec de la trithérapie Metformine-Sulfamides hypoglycémiants-Sitagliptine, on pourrait envisager en association du traitement par insuline au coucher-Metformine soit un sulfamide hypoglycémiant, soit un IDPP4, dont les coûts journaliers respectifs sont, d’après la HAS (1),
de 0,22-0,58 et 1,50-1,62 € par jour respectivement. Une étude est actuellement mise en place (étude Addonis) dont le coordinateur est Jean-François Gauthier. En cas d’échec d’une insulinothérapie basale associée à la Metformine, une randomisation vers un traitement basal bolus (le coût journalier d’injection de bolus est évalué par la HAS à 1,08-1,11 € par jour) versus un traitement par IPDD4 pourrait être évaluée. n Conflits d’intérêts E.C. déclare avoir des activités de conseils avec les industriels pharmaceutiques LifeScan, Novo-Nordisk, Janssen, Lilly, Sanofi-Avantis et avoir
réalisé des conférences ou enseignements postuniversitaires pour Astra-Zeneca, BMS, LifeScan, Lilly, MSD, Novartis, Novo-Nordisk, Sanofi-Avantis, Takeda. Il a déjà été invité en tant qu’auditeur à des congrès ou conférences par toute industrie pharmaceutique. Il a reçu une aide financière dans le cadre de travaux de recherche par Astra-Zeneca, BMS, Merck Lipha, Novo-Nordisk et Pfizer.
Mots-clés : IDPP4, Insulinothérapie, Diabétique de type 2, Sitagliptine, Vildagliptine, Saxagliptine
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agenda 49th EASD Annual Meeting
Journées Francophones de Nutrition
23-27 septembre 2013 – Barcelone
11-13 décembre 2013 – Bordeaux
European Association for the Study of Diabetes • Renseignements et inscriptions Site : www.easd.org
Diabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
• Renseignements et inscriptions Site : www.lesjfn.fr
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