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Le syndrome métabolique Passé et présent Pr Bernard Vialettes*
Introduction Le syndrome métabolique est caractérisé par une constellation d’anomalies métaboliques, vasculaires, hépatiques, inflammatoires… qui s’associent volontiers chez certains individus et leur confèrent un risque significativement accru de diabète de type 2 et de pathologies cardiovasculaires. Ce syndrome a plus de 60 ans d’âge. Il continue de mobiliser les scientifiques puisqu’en avril 2013 on ne dénombrait pas moins de 10 753 publications référencées dans Pubmed sur les seuls motsclés “Metabolic Syndrom”. Depuis 2005 ces publications se sont stabilisées à un rythme annuel compris entre 765 et 1 089 publications/an.
L
e syndrome métabolique usurpe peut-être le nom de syndrome puisque beaucoup s’accordent à penser qu’il ne s’agit pas d’un tableau clinico-biologique que le praticien doive impérativement rechercher et traiter en tant que tel. Il s’agit plutôt d’un concept à valeur éducationnelle et scientifique. Il a le mérite de rappeler aux cliniciens que la lutte contre les facteurs de risque doit être multifactorielle afin de tendre vers la meilleure prévention possible. Il représente aussi un concept opératoire qui a dyna-
*Service de Nutrition-Maladies métaboliques-Endocrinologie, CHU La Timone, Marseille
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misé la recherche scientifique dans ses efforts pour mieux comprendre la diabétogenèse et l’athérogenèse. On peut lui attribuer des ouvertures vers le rôle potentiel de dépôts dits ectopiques de la graisse (viscérale, épicardique, diverses formes de stéatose intra-organe…), de la micro-inflammation associée à ce syndrome, de l’influence de fluctuations de l’état nutritionnel dans les périodes initiales de la vie sur le développement des états d’insulinorésistance. Il est enfin un paramètre intéressant dans les études épidémiologiques et on comprend que beaucoup d’efforts aient été mobilisés pour obtenir une définition clinico-biologique consensuelle du syndrome métabolique. Toutefois, même si cet objectif est pratiquement réalisé, certaines ambigüités persistent, notamment pour les paramètres morphométriques si dépendants des ethnies considérées.
Historique
En 1947, Jean Vague (1) constate qu’il semble exister deux formes d’obésité. L’une se distingue par un excès de graisse au niveau du tronc et en particulier du ventre, qu’il nomme “androïde”, et l’autre par un développement exagéré du tissu adipeux au niveau des cuisses et des fesses, qu’il nomme “gynoïde”. Son hypothèse d’alors était qu’il y avait une véritable différentiation sexuelle de la répartition du tissu adipeux, dépendante des stéroïdes surrénaux et gonadiques. En 1956, il complète son observation en
montrant que l’obésité androïde prédispose au diabète, à l’hyperuricémie et aux pathologies cardiovasculaires (2), tandis que les risques associés à l’obésité gynoïde sont plutôt mécaniques et veineux. Ce concept naissant ne put atteindre une reconnaissance scientifique que grâce à la simplification des paramètres morphologiques qui permettaient de le caractériser. Le critère inventé par Jean Vague pour classer les patients obèses, le “rapport adipo-musculaire brachio-fémoral”, était basé sur de nombreuses mesures (plis cutanés et périmètres) pratiquées à la racine des membres. La consécration du concept fut rendue possible seulement en 1982 grâce à la contribution de Kissebah (3). Celui-ci montrait avec deux mesures particulièrement simples à réaliser (les périmètres corporels mesurés au niveau de la taille (T) et au niveau des hanches (H) au moyen d’un mètre de couturière) que l’obésité “abdominale” se distinguait de son homologue “glutéale” par un rapport T/H plus élevé et devait être considérée comme un facteur de risque d’intolérance au glucose, d’hyperinsulinisme et d’hypertriglycéridémie. En 1987, Ferranini (4) démontrait les relations entre hyperinsulinisme et hypertension artérielle essentielle. Finalement, à la fin des années 1980, Reaven (5) émettait l’idée qu’il existait un véritable cluster d’anomalies métaboliques (hyperglycémie et/ou intolérance au glucose, hypertriglycéridémie, hypoHDLhémie) et vasculaires (HTA et risque vascuDiabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
Le syndrome métabolique
laire accru) réuni autour du couple “hyperinsulinisme-insulinorésistance” qui semblait en être le dénominateur commun. Il proposait le nom de “syndrome X” pour caractériser cette association (6). Le nom de “syndrome métabolique” fut enfin prononcé pour la première fois en 1999 par l’OMS (7). C’est cette appellation qui devait rester et faire oublier les autres : syndrome X, syndrome de Vague ou de Reaven, syndrome polymétabolique… Depuis, le tableau du syndrome métabolique s’est étendu à d’autres versants concernant la fibrinolyse, les diverses stéatoses, la micro-inflammation… Le paradigme qui faisait jouer un rôle essentiel au couple hyperinsulinisme-insulinorésistance (6) est actuellement concurrencé par d’autres hypothèses unificatrices faisant intervenir soit le système rénine-angiotensine (8), soit l’inflammation issue de la flore digestive (9). Enfin, de nombreuses études épidémiologiques ont confirmé que le syndrome métabolique et l’obésité abdominale qui lui est associée étaient de puissants facteurs de risque pour le développement du diabète de type 2 (10), des maladies ischémiques coronariennes (10-12), de la goutte (13) ou de troubles cognitifs et de la maladie d’Alzheimer (14). Cet état est aussi maintenant considéré comme un facteur de risque de cancers (15).
Un tableau clinicobiologique qui ne cesse de croître
Les diverses anomalies réunies sous ce concept sont résumées sur la figure 1. Concernant la glycorégulation, les diverses altérations composent un tableau composite avec hyperglycéDiabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
Hyperglycémie/diabète Hyperinsulinisme/insulinorésistance Hypertension artérielle
Stéatose hépatique et autres dépôts ectopiques
Micro-inflammation CRP, IL6, TNF, PAI-1…
Syndrome des apnées du sommeil
Obésité abdominale
Hyperuricémie
Microalbuminurie Dystrophie ovarienne
Anomalies de la fibrinolyse
Figure 1 – Constellation des anomalies morphologiques, métaboliques, vasculaires, inflammatoires… propres au syndrome métabolique.
mie à jeun, intolérance au glucose, diabète patent et le couple insulinorésistance-hyperinsulinisme. Sur le pan lipidique, les anomalies caractéristiques sont une hypertriglycéridémie, une élévation de l’apoprotéine B, un cholestérol non-HDL élevé, une hypoHDLémie et une hyperlipidémie post-prandiale. En revanche, les lipoprotéines LDL sont seulement qualitativement modifiées. La concentration de LDL cholestérol est souvent normale même si les particules LDL petites et denses sont surreprésentées. Toutes ces modifications du profil lipidique circulant correspondent aux divers éléments de ce que l’on nomme “le risque vasculaire résiduel”, c’est-àdire le risque qu’un traitement bien conduit par les statines est incapable de supprimer (16). Ce syndrome est caractérisé par un développement exagéré de la graisse périviscérale abdominale. Les dépôts lipidiques ectopiques sont aussi augmentés dans le syndrome métabolique. Ils peuvent conduire à des complications spécifiques. La stéatose hépatique en est un élément phare. Elle peut se
compliquer chez certains patients d’une NASH (Non Alcoolic Steato Hepatitis), premier stade vers le développement d’une cirrhose, voire même vers l’hépato-carcinome. Le rôle des dépôts lipidiques dans d’autres tissus (graisse épicardique) ou cellules (cellules insulinosécrétrices du pancréas) demeure encore discuté. Les effets cardiovasculaires sont divers et dominés par l’hypertension artérielle mais des anomalies plus fines telles que la dysfonction endothéliale, l’excès d’inhibiteur de l’activateur du plasminogène et la microalbuminurie, peuvent aussi être détectées. Il existe aussi un syndrome inflammatoire a minima caractérisé par une élévation de certaines cytokines dans le sang (TNFα, IL-6) ou de marqueurs de l’inflammation (PCR, PAI-1…). D’autres organes sont aussi impliqués. L’hyperuricémie, le syndrome d’apnées du sommeil, le syndrome des ovaires polykystiques et des anomalies cutanées (acanthosis nigricans, molluscum pendulum…) peuvent être associés au syndrome métabolique à des titres divers. 203
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Définition clinico-biologique
L’établissement d’un consensus international sur les moyens de définir le syndrome métabolique a pris de nombreuses années. Il est évident que le syndrome métabolique ne réunit toutes les anomalies décrites dans le chapitre précédent que dans de rares cas. Pour diagnostiquer ce syndrome, il convient de réunir les éléments les plus constants. La communauté scientifique internationale avait une conduite très ambiguë. Elle reconnaissait le concept de syndrome métabolique et s’avérait incapable de définir des critères diagnostiques objectifs. Les propositions de définition ont été nombreuses. Même si les critères diagnostiques étaient relativement semblables, il existait des divergences sur le nombre de critères exigé ou sur les valeurs seuils : OMS (1999), NCEP/ATP3 (2001 puis 2004), IDF (2006). Il fallut attendre 2009 pour que soient publiés des éléments diagnostiques unifiés, fruits d’un travail commun de plusieurs sociétés savantes internationales concernées (17). Les divers critères diagnostiques figurent dans le tableau 1. On remarquera néanmoins que les données morphométriques utilisées pour caractériser la répartition de la graisse restent très dépendantes du fond ethnique des populations (Tab. 2), quand ce n’est pas de sociétés savantes locales. L’évaluation de la prévalence du syndrome métabolique dépend étroitement des critères de définition clinique qui avec le temps se sont beaucoup modifiés. Quelques chiffres permettent cependant de se faire une idée de la fréquence de ce syndrome dans la population générale des pays industrialisés. Aux États-Unis (18), parmi les sujets ayant atteint l’âge de 60 ans, 204
Tableau 1 – Critères utilisés pour le diagnostic clinico-biologique du syndrome métabolique (Joint Interim statement, 17). Critères
Valeurs seuils ou équivalences
Augmentation du périmètre de la taille
Dépendant des populations ou des pays
Élévation de la glycémie
> 1g/L (5,5 mmol/L) à jeun ou diabète patent et/ou traitement antidiabétique
Élévation de la triglycéridémie
> 150g/L (1,7 mmol/L) ou traitement hypolipidémiant
Diminution du cholestérol HDL
< 0,40 g/L (1,0 mmol/L) chez les hommes ; < 0,50 g/L (1,3 mmol/L) chez les femmes ; ou prise de médicaments pour traiter une hypoHDLémie
Élévation de la tension artérielle
Systolique ≥ 130 et/ou diastolique ≥ 85 mmHg ou prise d’un traitement hypotenseur
(Tab. 2)
Tableau 2 – Valeurs seuils recommandées du tour de taille en fonction des populations et/ou des sociétés savantes (inter)nationales pour définir l’obésité abdominale (Joint Interim statement, 17). Populations
Sociétés savantes
Tour de taille (hommes)
Tour de taille (femmes)
Caucasiens
IDF/OMS
94 cm
80 cm
US/Canada
AHA/NHLB1 (ATP3)
102 cm
88 cm
Europe
Sociétés cardiovasculaires européennes
102 cm
88 cm
Asie
IDF
90 cm
80 cm
Japon
Jap. Obes. Soc.
85 cm
80 cm
Chine
CTF
85 cm
80 cm
Moyen-Orient et Méditerranée
IDF
94 cm
80 cm
Afrique subsaharienne
IDF
94 cm
80 cm
Amérique centrale ou du Sud
IDF
90 cm
80 cm
40 % d’entre eux présentent un syndrome métabolique. En France, l’étude “DESIR” (19) faisait état en 2003 d’une prévalence de 17,5 % chez les hommes dans la même tranche d’âge.
Les critiques (ou limites) du syndrome métabolique
Un éditorial retentissant publié
en 2006 dans la revue Diabetes Care (20) par des chercheurs américains et européens devait cependant montrer que le concept de syndrome métabolique a certaines limites dont il faut avoir conscience. Une partie de leur éditorial était consacré aux difficultés rencontrées pour établir une définition clinico-biologique du syndrome. Qu’était, selon eux, un syndrome pour lequel nul ne s’accordait sur les critères de diaDiabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
Le syndrome métabolique
gnostic ? On a vu que les efforts de sociétés savantes ont permis de lever au moins partiellement cette critique. Les auteurs par ailleurs s’interrogeaient sur le fait que le risque développé n’était finalement pas supérieur à l’addition des risques provoqués par chaque élément constitutif du syndrome. L’agrégation de ceux-ci ne conférait de ce fait aucun avantage prédictif. En outre, ils ne comprenaient pas comment on pouvait, en mettant ce syndrome en exergue, ignorer des facteurs indéniables de risque d’athérosclérose comme le tabagisme, l’élévation du cholestérol LDL ou l’hérédité. Des scores comme ceux de Framingham ou d’autres sociétés de cardiologie paraissaient selon eux beaucoup plus performants pour organiser une médecine préventive. Enfin, ils remettaient en cause la primauté du couple insulinorésistance-hyperinsulinisme comme élément causal. Cette interrogation persiste puisque certains privilégient l’inflammation ou le système rénine-angiotensine comme mécanisme unificateur. Enfin, ils remarquaient l’absence de traitement univoque de ce syndrome, hormis les classiques règles hygiéno-diététiques. Ces critiques assez fondées, si elles ne retiraient pas au syndrome métabolique son intérêt conceptuel au niveau éducationnel et scientifique, néanmoins faisaient douter de son intérêt clinique à l’échelon individuel.
Les mécanismes en jeu dans le syndrome métabolique
En tant que “syndrome”, le concept de syndrome métabolique obéit très vraisemblablement à Diabète & Obésité • Juin 2013 • vol. 8 • numéro 70
des causes multiples, susceptibles d’interagir entre elles de manière différente d’un sujet à l’autre. Il existe quelques pistes étiopathogéniques qui ne sont pas exclusives les unes des autres.
La génétique
La plupart des anomalies constatées dans le syndrome métabolique ont un déterminisme génétique au moins partiel (exemple : l’obésité, le diabète de type 2, le taux de cholestérol HDL, l’hypertension artérielle, l’hyperuricémie...). L’héritabilité de ces composantes représente des niveaux variables de 40 à 70 % de la variance du trait (21). Les études consacrées au syndrome métabolique per se ont été réunies dans une méta-analyse publiée en 2011 (22). Elle comptabilisait 88 études jugées méthodologiquement adéquates portant sur au moins 25 gènes. L’analyse critique de ces données ne permettait de retenir que 8 polymorphismes (SNPs) associés à 6 gènes candidats, dont la plupart sont impliqués dans le métabolisme lipidique : FTO, TCF7L2, IL6, ApoA5, Apo C3 et CETP. On remarquera en outre que les loci identifiés dans les GWAS (Genome Wide Association Studies) ne représenteraient qu’une très faible partie (au mieux 10 %) de la variance du trait syndrome métabolique (21).
L’environnement
L’accroissement inexorable de la prévalence du syndrome métabolique, non seulement dans les sociétés industrialisées mais aussi dans les pays émergents, plaide fortement pour une participation de l’environnement dans cette pandémie, soit par un rôle direct, soit par des régulations épigénétiques. Le mode de vie dit occidental, caractérisé par la sédentarité, par
une alimentation riche en graisses et notamment en acides gras saturés, en aliments raffinés à forte densité calorique, pauvre en fruits et légumes et par l’abandon des régimes alimentaires traditionnels potentiellement bénéfiques (cf. l’alimentation méditerranéenne) concourt vraisemblablement à cette expansion. Toutefois, les mécanismes restent hypothétiques. Nous voudrions rappeler ici trois théories encore spéculatives, quoique fondées sur des données expérimentales ou épidémiologiques, qui ouvrent de nouveaux jours sur la pathogénie du syndrome métabolique.
Alimentation hyperlipidique, flore intestinale, inflammation et résistance à l’insuline
Ces séquences sont défendues par deux groupes européens qui ont accumulé des données pour les conforter. Un excès de graisses saturées dans l’alimentation induirait une modification de la flore intestinale (9). Ce déséquilibre du microbiote du tube digestif entraînerait une série de phénomènes à distance : modification de la perméabilité de la barrière intestinale et passage de substances bactériennes pro-inflammatoires (LPS), sécrétion de substrats ou d’hormones digestives susceptibles d’induire une augmentation des dépôts lipidiques et une insulinorésistance au niveau des tissus périphériques. Cette hypothèse élégante repose principalement sur l’étude de modèles animaux. L’implication chez l’homme de tels phénomènes est plus délicate à démontrer même si une augmentation des taux de LPS circulant a été décrite chez des sujets obèses présentant un syndrome métabolique (23). Des expériences de transfert allogénique 205
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de flore colique de sujets minces à des patients obèses porteurs d’un syndrome métabolique ont pu, au moins à court terme, atténuer l’insulinorésistance hépatique et musculaire (24).
Fluctuations marquées de l’état nutritionnel et développement du syndrome métabolique
Barker (25) a développé un concept, le thrifty phenotype hypothesis, qui pourrait expliquer certains cas de syndrome métabolique. Il avait constaté que les enfants ayant présenté un retard de développement dans la période périnatale avait un sur-risque de développer à l’âge adulte une obésité et un syndrome métabolique. Il en déduisait que la succession d’une dénutrition sévère et d’une phase de récupération nutritionnelle modifiait le fonctionnement des gènes par des processus d’épigénétique en donnant la préférence à ceux qui sont impliqués dans les voies métaboliques d’épargne (26). Ces constatations ont été confirmées par de nombreuses études dont en France le suivi de la cohorte de la maternité d’Haguenau (27). Le concept a même été étendu dans le temps. Des individus exposés dans l’enfance à une famine pouvaient à l’âge adulte exprimer plus souvent un syndrome métabolique (28). Des enfants ou des adolescents ayant reçu des thérapeutiques très agressives, retentissant sur l’alimentation (irradiation corporelle totale, chimiothérapie, greffe allogénique de moelle), sont aussi plus exposés à l’âge adulte au développement d’un syndrome métabolique (29). Ce phénomène d’adaptation des flux métaboliques, suite à des séquences “jeûne-réalimentation”, est assez voisin de ce qui est décrit chez des espèces 206
animales migratrices ou hibernantes que RJ Johnson appelle the fat storage condition (30), et dans lesquels les insulinorésistances hépatiques et musculaires sont des éléments essentiels. Il existe des arguments très forts pour considérer que l’augmentation de la prévalence de l’obésité, du syndrome métabolique et du diabète, observée dans certaines populations (Sahel, DOM-TOM en France…) est liée au moins en partie au fait que ces peuples ont été soumis à une transition nutritionnelle et économique particulièrement marquée et rapide. Le basculement de la dénutrition vers la (sur)nutrition peut activer les mécanismes d’apposition adipeuse et d’insulinorésistance propres au syndrome métabolique.
rapeutique peut être sous-tendue spécifiquement par la constatation de l’existence d’un syndrome métabolique chez un patient. Les mesures hygiéno-diététiques de prévention du diabète ou de l’athérosclérose sont le plus souvent justifiées par d’autres situations (pour le diabète une agrégation familiale ou des antécédents de diabète gestationnel, pour l’athérosclérose, une HTA, un tabagisme, des antécédents familiaux ou un excès de cholestérol LDL…). Un sondage réalisé par TNS-SOFRES en France en 2004 montrait que seulement 1 % des généralistes interrogés étaient capables de citer correctement les 5 critères utilisés pour le diagnostic du syndrome métabolique, alors même que 53 % d’entre eux étaient convain-
Le syndrome métabolique doit être considéré plus comme un outil conceptuel que comme une véritable cible thérapeutique. D’autres pistes se sont ouvertes récemment, impliquant les polluants organiques (31), mais les données épidémiologiques concordantes manquent encore pour confirmer cette hypothèse basée seulement sur des travaux animaux et quelques observations.
Au total
Après ces presque 70 ans d’existence, on ne peut que constater qu’il existe un hiatus entre les travaux scientifiques et la pratique clinique. Le syndrome métabolique demeure un sujet d’étude très populaire et, dans le même temps, l’utilisation de ce concept dans la pratique clinique quotidienne par les praticiens reste très limitée. De fait, on peut réellement se demander quelle conduite thé-
cus qu’il s’agissait d’un puissant facteur de risque coronarien. On peut en conclure que le syndrome métabolique doit être considéré plus comme un outil conceptuel que comme une véritable cible thérapeutique. Il n’empêche que depuis l’observation princeps de Jean Vague en 1947, il a joué (et il continue de jouer) un rôle exceptionnel d’outil et de stimulant dans les recherches menées en diabétologie et en nutrition. n
Mots-clés : Syndrome métabolique, Obésité abdominale, Insulinorésistance
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