Dia71 p232 238

Page 1

éducation thérapeutique du patient

Qu’apporte un programme d’éducation thérapeutique sur la gestion de l’alimentation ? Dr Laurianne Schreck-Del Bello*, Dr Rémy Klein*

Introduction Le trouble bipolaire est une maladie psychiatrique, sévère et chronique. Il s’agit d’un trouble de l’humeur caractérisé par la survenue d’épisodes maniaques et dépressifs dont la fréquence et l’intensité sont variables. Plusieurs types de troubles bipolaires sont décrits dans les classifications internationales, dont les plus grandes entités sont le trouble bipolaire de type 1, caractérisé par la présence de phases maniaques, souvent le plus sévère, et le trouble bipolaire de type 2, où les phases d’humeur haute sont moins intenses et appelées hypomaniaques. Audelà des fluctuations thymiques, les patients souffrant de trouble bipolaire sont sujets à une grande variété de symptômes, souvent sévères, ayant des répercussions sur leur vie personnelle, affective, sociale et professionnelle.

La problématique alimentaire chez les patients bipolaires

Le trouble bipolaire, pour lequel la comorbidité est souvent la règle, est fréquemment associé à d’autres troubles, psychiques comme somatiques, venant alourdir le fardeau des patients. Parmi *CATTP Récifs, Centre hospitalier G. Marchant, Centre médicopsychologique du secteur 8, Pôle Rive droite Nord-Est, Toulouse

232

© monkeybusinessimages – iStockphoto

DOSSIER

3 Trouble bipolaire

ces comorbidités, les troubles des conduites alimentaires (TCA) ont un lourd impact sur l’état de santé des patients, et sont étroitement liés à la gestion des affects et à l’impulsivité. Les données épidémiologiques récentes font état d’une forte prévalence des troubles des conduites alimentaires chez les patients bipolaires, largement supérieure à la prévalence des TCA en population générale (de l’ordre de 3 à 5 %). Selon les études, la prévalence de tout type de TCA chez les patients bipolaires de type 1 varie de 9 à 27 % (1-2), et de 6 à 18 % chez les patients bipolaires de types 1 et 2 (3-4). Fornaro et al. (5), en 2010, retrouvent même une prévalence de l’ordre de 31 % de TCA dans une population de 148 femmes bipolaires, incluant les types 1, 2 et les

cyclothymiques. En effet, les TCA sont plus présents chez les sujets jeunes et de sexe féminin. Au vu des données récentes de la littérature, il apparaît de plus que les troubles des conduites alimentaires présentent des spécificités chez les patients bipolaires, dans leur présentation clinique (6), mais aussi dans leur mode d’évolution (7). Qu’ils se manifestent avant toute décompensation thymique, ou qu’ils en soient concomitants voire faisant suite aux troubles de l’humeur, les troubles alimentaires jalonnent le parcours des patients bipolaires et en alourdissent le pronostic. En effet, plusieurs auteurs font état des répercussions de cette comorbidité sur la qualité de vie des patients (8), ainsi que sur la gravité de la maladie bipo-

Diabète & Obésité • Septembre 2013 • vol. 8 • numéro 71


éducation thérapeutique du patient

DOSSIER

laire en termes de décompensations thymiques, de risque suicidaire, mais aussi de comorbidités anxieuses ou addictives (9-10). Les TCA les plus fréquemment retrouvés chez les patients bipolaires sont de type boulimique ou hyperphagique, et souvent responsables d’une prise de poids, en l’absence de comportement compensatoire. Aussi, la comorbidité TCA est indéniablement liée à la prise de poids des patients bipolaires (11), pourtant déjà à haut risque d’obésité (12-13), et ce dès la première décompensation thymique (14), et parfois même avant toute prise de traitement (15). Le surpoids et l’obésité entraînent de plus des complications et de graves conséquences sur le plan physique, psychique, affectif, social et professionnel, et aggravent ainsi le pronostic des patients souffrant de troubles de l’humeur. Outre les TCA caractérisés, de type anorexie, boulimie ou hyperphagie boulimique, les patients bipolaires souffrent de perturbation de leur alimentation. En effet, si tous les patients bipolaires ne présentent pas de TCA spécifiés, certains font part de désordres alimentaires, n’ayant pas les mêmes caractéristiques ou la même gravité (6). La présentation clinique de ces perturbations alimentaires est variable, pouvant s’exprimer sur un mode qualitatif ou quantitatif, mais aussi dans la capacité à maintenir une régularité. Les études évaluant la prévalence des crises de boulimie chez les patients bipolaires, retrouvent des taux d’hyperphagie boulimique subsyndromique (ayant tous les critères du trouble Binge Eating Disorder, sauf la fréquence) de l’ordre de 234

22 % (4) à 25 % (16). Des épisodes de perte de contrôle subjective sont retrouvés chez 44 % des patients bipolaires, et paraissent liés à un risque d’obésité accru (17). La prise de poids a le plus souvent une origine multifactorielle chez les patients psychiatriques. Alimentation, traitements psychotropes, sédentarité liée à la maladie psychique (dépression, apragmatisme) et à l’isolement social sont autant de raisons de développer une obésité. Dans ce contexte, la prise en charge des patients bipolaires doit nécessairement bénéficier d’une évaluation systématique des comportements alimentaires et d’un suivi métabolique, afin de mettre en place des stratégies adaptées en termes de traitement et de prévention.

La prise en charge des troubles bipolaires

Aujourd’hui, les patients souffrant de troubles bipolaires bénéficient d’une prise en charge alliant traitements médicamenteux (thymorégulateurs) et psychothérapeutiques. Diverses psychothérapies peuvent être proposées aux patients (psychanalyse, thérapie cognitivo-comportementale, thérapie interpersonnelle, basées sur les rythmes sociaux) et selon des modalités individuelles ou groupales. La psychoéducation fait partie intégrante de la prise en charge des patients bipolaires et semble complémentaire du traitement pharmacologique associé à un suivi régulier, en permettant de diminuer le risque de rechute et de limiter les effets des décompensations.

Elle peut être effectuée en individuel, par le médecin psychiatre par exemple, mais aussi en groupe, permettant alors la mise en place d’échanges entre les patients sur leur maladie. Depuis quelques années, la mise en œuvre de programmes d’éducation thérapeutique, plaçant le patient au centre de ses soins, semble avoir un impact considérable sur l’amélioration du pronostic. Par exemple, en apprenant au patient à reconnaître les signes précoces de rechute, la psychoéducation permet de diminuer le nombre de décompensations maniaques et d’améliorer leur fonctionnement social (18). En effet, plusieurs études tendent à montrer une efficacité de l’éducation thérapeutique sur les réhospitalisations, le nombre et le délai des rechutes, ainsi que l’observance thérapeutique, qu’il s’agisse de groupes de psychoéducation centrée sur le patient (19) ou sur sa famille (20). Cette efficacité semble d’ailleurs plus grande si la prise en charge est effectuée précocement dans l’évolution de la maladie. Ces programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) sont désormais intégrés dans les recommandations de l’HAS concernant le trouble bipolaire (21).

Les particularités de l’éducation thérapeutique en psychiatrie

Les programmes d’éducation thérapeutique sont encore peu nombreux en France dans le domaine des affections psychiatriques, mais sont encouragés à se développer (22). Leur importance a officiellement été mise en lumière par la loi HPST de 2009 et ils s’inscrivent

Diabète & Obésité • Septembre 2013 • vol. 8 • numéro 71


depuis dans le parcours de soins du patient. Selon l’OMS (23) l’éducation thérapeutique vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle se définit comme un ensemble d’activités d’information, de conseil et d’apprentissage, ayant pour objectif de donner au patient des compétences d’autosoins et d’adaptation, et doit être personnalisée en fonction du patient, de sa maladie, et de son vécu de celle-ci. En psychiatrie, les mesures psycho-éducatives font souvent partie de la base de la prise en charge des patients : il s’agit de donner un diagnostic au patient et de l’aider à comprendre sa maladie, son étiologie, ses symptômes et ses traitements. Elles sont souvent délivrées par les soignants, médecins ou infirmiers, dès les prémices de la pathologie. Aujourd’hui se développent des programmes d’ETP visant à renforcer ces mesures psycho-éducatives et à aider le patient à s’approprier sa maladie et à mieux la gérer au quotidien. La prise en charge de groupe apporte de plus une dynamique supplémentaire, et le renforcement de liens sociaux, problématique souvent au cœur de la symptomatologie psychiatrique. Les programmes d’ETP se sont d’abord développés dans la prise en charge de la schizophrénie, puis des troubles bipolaires, même si d’autres programmes se mettent en place, ciblant par exemple les troubles de la personnalité. L’éducation thérapeutique peut aussi concerner la famille du patient, notamment dans des patho-

logies où il est parfois compliqué pour l’entourage de comprendre et d’accepter les signes de la maladie, et où les symptômes propres de la maladie psychique font que le patient aura des difficultés à percevoir les signes de décompensation. En psychiatrie, peut-être plus qu’ailleurs, il est primordial d’aider le patient à prendre conscience de sa maladie, et à l’accepter. Un travail d’aide aux patients concernant la déstigmatisation de son trouble, et des autres patients qui en souffrent, permettra aussi d’améliorer sa qualité de vie. Dans les affections psychiques, bon nombre de symptômes peuvent être à l’origine d’un refus du diagnostic et d’une rupture de traitement. Un déni des troubles, un manque d’insight, ou des éléments délirants peuvent, par exemple, amener le patient à arrêter son traitement. Aussi, l’éducation thérapeutique du patient psychiatrique peut s’articuler autour des médicaments, nécessaires à la stabilisation du trouble, mais dont l’observance est rarement optimale. En effet, selon une étude (24) évaluant les préoccupations des patients au sujet de leur traitement, la plupart des ruptures thérapeutiques seraient liées au manque d’information.

Principes de l’éducation thérapeutique dans le trouble bipolaire

L’éducation thérapeutique du patient souffrant de trouble bipolaire est principalement indiquée lorsque le patient est stabilisé, en période d’euthymie. En effet, elle nécessite de pouvoir mobiliser certaines compétences intellectuelles et de compréhension, qui peuvent être altérées durant les phases de décompensation (troubles cogni-

Diabète & Obésité • Septembre 2013 • vol. 8 • numéro 71

tifs, trouble de la concentration, distractibilité, etc.). Les programmes d’éducation thérapeutique se déroulent donc principalement sur des séances de groupe, animées par au moins un psychiatre et un autre soignant formé en ETP, en ambulatoire, avec des patients stabilisés. D’autres types d’ETP peuvent avoir lieu en hospitalisation, souvent plus spécifiques, centrés sur un domaine spécifique (le médicament par exemple) et dont les objectifs seront plus élémentaires. Chaque séance d’un programme d’ETP ambulatoire est animée autour d’un thème, clairement défini, mais dont l’élargissement se fait au gré des réflexions des patients. Certains thèmes peuvent par ailleurs s’étaler sur plusieurs séances.

Principales notions abordées en ETP du patient bipolaire

• L’information sur la maladie bipolaire, et son caractère chronique. Le patient va ici apprendre à définir sa propre maladie, et donc à mieux se l’approprier. Ces informations concernent les symptômes des phases dépressives et maniaques, ainsi que les symptômes résiduels ou intercritiques. D’autres informations sont délivrées à propos des étiologies, des causes biologiques du trouble, notamment avec l’idée d’une déculpabilisation et d’une déstigmatisation des malades. Il s’agit de plus d’informer sur les risques de rechute et leur fréquence. Un travail peut aussi être proposé sur le phénomène de déni et sa compréhension • L’information sur les différents facteurs déclenchants d’épisodes 235

DOSSIER

éducation thérapeutique du patient


éducation thérapeutique du patient

DOSSIER

de décompensation, et leurs prodromes. Un travail est alors proposé aux patients pour les entraîner à repérer leurs propres facteurs déclenchants, ainsi que les signes d’alerte pouvant précéder une décompensation. • Des informations sur les traitements : médicamenteux et psychothérapiques. Les traitements pharmacologiques sont abordés, par leur indication, leur fonction (savoir quels sont les traitements de fond, thymorégulateurs, et les traitements symptomatiques) leur posologie, la durée de prise recommandée, leurs avantages et leurs inconvénients. Les effets indésirables et les risques ou non de pharmacodépendance prennent une place certaine lors de ces séances. • L’élaboration d’un plan d’action ou “plan d’urgence”, personnalisé pour chaque patient, correspondant à toutes les stratégies et les recours en cas de signe de décompensation et visant à prévenir les rechutes et à en minimiser les effets. • L’entraînement à la gestion des symptômes, dépressifs ou maniaques, permettant d’améliorer la qualité de vie du malade mais aussi de son entourage. • L’information concernant les risques liés aux consommations de substances telles que les excitants (café, tabac), l’alcool et les drogues, et aux conduites à risques. • L’importance du maintien de rythmes sociaux et biologiques réguliers, et d’une bonne hygiène de vie, comme un sommeil régulier et de qualité. La perturbation de cette hygiène de vie est en effet souvent à l’origine de nouvelles rechutes. Le travail sur la capacité du patient à observer et maintenir ses rythmes psychosociaux peut être favorisé par certains instruments de quantification (25). 236

• L’entraînement à la gestion du stress, des événements de vie perturbants, déstabilisants, par exemple par l’expérimentation de technique de résolution de problème. • L’accompagnement dans la mise en place de stratégies d’adaptation, de coping, face à la stigmatisation, et aux difficultés relationnelles et sociales liées à la maladie (travail, relations sociales). Il s’agit de proposer un espace aux patients leur permettant d’aborder tous les sujets dont ils ne peuvent pas parler avec leur entourage “non-malade”. • Les réponses à des questions concrètes et/ou personnelles, selon chaque cas, comme par exemple la question de la grossesse et des risques par rapport à la maladie, ou encore la question du risque suicidaire et de sa gestion. • L’information concernant les réseaux de soins et les réseaux associatifs, et la transmission des coordonnées d’associations de patients et/ou de familles, de groupes d’entraide mutuelle, et les échanges autour de ce que ces différents soutiens peuvent apporter aux patients. La prise en charge en groupe d’ETP permet aussi parfois de procurer aux patients une première expérience de socialisation, et ces derniers pourront par la suite exprimer le désir de recréer ce type de situation groupale dans d’autres contextes.

La question des troubles alimentaires dans l’ETP des patients bipolaires

La problématique alimentaire est intégrée dans la prise en charge en éducation thérapeutique des patients bipolaires. Elle préoccupe

très fréquemment les patients et les patientes, qui l’abordent souvent principalement par le biais de leur prise de poids, et de leur image du corps. L’alimentation est régulièrement abordée au fil des séances, pouvant se greffer aux divers thèmes précédemment abordés, ou constituer un des thèmes principaux de séance. En effet, les questions de l’alimentation, des troubles alimentaires et du poids peuvent être rapportées lors de l’évocation des comorbidités du trouble bipolaire par exemple, mais aussi à l’occasion des séances concernant le traitement médicamenteux et ses effets indésirables, ou encore lorsque sont évoqués les signes faisant craindre une décompensation, se manifestant parfois par une modification des comportements alimentaires (période d’anorexie, crise de boulimie nocturne, etc.). Certaines informations seront systématiquement délivrées concernant les comorbidités et complications du trouble bipolaire. Il est important que les patients sachent, le plus précocement possible, que leur trouble principal les rend à risque de développer des troubles des conduites alimentaires, souvent en lien avec leur impulsivité, leur perte de contrôle, mais aussi un surpoids, voire une obésité, et les complications psychiques et somatiques qui en découlent. Lors des séances d’ETP, une attention particulière sera portée sur les risques de développer un syndrome métabolique ou d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, et les mesures à mettre en place à visée curative ou préventive.

Diabète & Obésité • Septembre 2013 • vol. 8 • numéro 71


Par ailleurs, certaines séances peuvent être dédiées à la question de l’alimentation, et des règles hygiéno-diététiques.

À retenir n La prévalence des TCA chez les patients souffrant de trouble bipolaire est estimée entre 6 et 31 % (3-5) selon le type de TCA étudié, et est donc large-

L’éducation thérapeutique du patient bipolaire consiste notamment à la délivrance d’informations diététiques de base, simples et indispensables, comme la constitution de repas équilibrés et variés. Certains patients peuvent de plus bénéficier d’une prise en charge en repas thérapeutique, réel accompagnement au repas, depuis sa préparation, et le choix des aliments, jusqu’à sa réalisation et sa dégustation. L’idée est ici de rendre à l’alimentation deux de ses fonctions principales : nutritive et relationnelle. L’ETP peut encore toucher à la gestion du trouble alimentaire, par tout ce qu’elle peut fournir au patient dans sa compétence à gérer l’impulsivité, la frustration, les événements stressants, les pensées négatives, ou toute autre difficulté liée au trouble bipolaire et pouvant jouer un rôle de facteur déclenchant de trouble alimentaire. En effet, tout événement stressant ou toute fluctuation thymique peut engendrer une modification des conduites alimentaires, par la déstructuration des repas par exemple, la perte des repères et des rythmes alimentaires, ou par le déclenchement de conduites impulsives, souvent autoagressives, comme par exemple la crise de boulimie ou les vomissements provoqués. L’objectif sera alors de proposer au patient d’autres stratégies de gestion des affects que celles mises en place de façon automatique et impactant la prise alimentaire. Il s’agit de donner aux patients la compétence d’identifier le lien entre leurs émotions et leur comportement alimentaire, et de le comprendre, savoir ce qui

ment supérieure à celle des populations non-cliniques. n Cette comorbidité alourdit le pronostic des patients bipolaires et est associée à un risque accru d’obésité (11). n La gestion des émotions affecte le comportement alimentaire des patients bipolaires. n La psychoéducation, recommandée par l’HAS dans le traitement du trouble bipolaire, a montré une efficacité en termes de diminution des rechutes, d’observance thérapeutique (19) et d’amélioration du fonctionnement social (18). n Les principales notions abordées sont l’information sur la maladie, ses prodromes, ses traitements, et l’élaboration de stratégies pour faire face aux décompensations, mais aussi à tous types de situations stressantes et aux difficultés relationnelles et sociales. n La problématique alimentaire est abordée régulièrement lors des séances d’éducation thérapeutique, au travers notamment de la question de la prise de poids et de l’image corporelle.

en est déclencheur, afin de pouvoir le gérer différemment, souvent à l’aide de méthodes cognitives ou comportementales. Enfin, certaines séances autour de l’image corporelle et de l’estime de soi, peuvent faciliter le repérage et l’amélioration de troubles des conduites alimentaires. Certains patients bipolaires souffrent en effet de TCA caractérisés, mais d’autres ont des formes subsyndromiques ou allégées, et même si aucun TCA ne peut être suspecté lors d’une évaluation globale du patient, il est fréquent de retrouver chez eux des signes isolés comme des crises de boulimie nocturnes, une dysmorphophobie, des préoccupations inadaptées concernant le poids ou la silhouette, des régimes restrictifs drastiques, sous-tendus par des distorsions cognitives. De plus, il est fréquent de voir la symptomatologie alimentaire de

Diabète & Obésité • Septembre 2013 • vol. 8 • numéro 71

ces patients évoluer selon leur thymie, et parfois en réponse aux émotions et pensées négatives dont ils souffrent. La prise en charge en ETP permet de repérer ces phénomènes, d’en parler, de les confronter à l’expérience des autres patients, et d’y apporter des réponses en termes de mesures préventives et de restructuration des pensées ou des comportements. Bien sûr, si un TCA est diagnostiqué, le patient doit alors être orienté vers une prise en charge adaptée, spécifique de son TCA et complémentaire de l’ETP. Le diagnostic d’une telle comorbidité peut en effet avoir des répercussions cliniques et thérapeutiques (notamment pharmacologiques) dans la prise en charge du trouble bipolaire.

Conclusion

L’ETP fait aujourd’hui partie intégrante de la prise en charge des patients souffrant de troubles bipo237

DOSSIER

éducation thérapeutique du patient


éducation thérapeutique du patient

DOSSIER

laires. Elle a pour objectif d’aider le patient à reconnaître ses symptômes et à comprendre la maladie pour la faire sienne, de favoriser l’adhésion thérapeutique et de donner les compétences pour réagir de façon adaptée et rapide face aux signes de décompensation. Parmi les diverses sphères perturbées chez ces patients, celle des comportements alimentaires est évidemment abordée, lors de séances dédiées mais aussi au fil du programme, avec des bénéfices

attendus en termes de comportement alimentaire et de réduction pondérale. À ce jour, les programmes d’ETP dans le trouble bipolaire doivent continuer à se développer, par leur nombre, afin de pouvoir les proposer à tous les malades concernés, mais aussi par l’élargissement de leurs champs d’action. Par ailleurs, des programmes spécifiques d’éducation thérapeutique pour les patients souffrant de troubles des conduites alimentaires pour-

raient être bénéfiques, à la fois aux patients pris en charge pour anorexie, boulimie ou hyperphagie boulimique, mais aussi à ceux présentant d’autres troubles psychiatriques, dont les TCA représentent des comorbidités fréquentes. n

Mots-clés : Trouble bipolaire, Troubles des conduites alimentaires, Éducation thérapeutique

Bibliographie 1. McElroy SL, Strakowski SM, Keck PE Jr et al. Differences and similarities in mixed and pure mania. Compr Psychiatry 1995 ; 36 : 187-94. 2. Ramacciotti CE, Paoli RA, Marcacci G et al. Relationship between bipolar illness and binge-eating disorders. Psychiatry Res 2005 ; 135 : 165-70. 3. McElroy SL, Altshuler LL, Suppes T et al. Axis I psychiatric comorbidity and its relationship to historical illness variables in 288 patients with bipolar disorder. Am J Psychiatry 2001 ; 158 : 420-6. 4. Castrogiovanni S, Soreca I, Troiani D, Mauri M. Binge eating, weight gain and psychosocial adjustment in patients with bipolar disorder. Psychiatry Res 2009 ; 169 : 88-90. 5. Fornaro M, Perugi G, Gabrielli F et al. Lifetime co-morbidity with different subtypes of eating disorders in 148 females with bipolar disorders. J Affect Disord 2010 ; 121 : 147-51. 6. Torrent C, Vieta E, Crespo JA et al. Barcelona Bipolar Eating Disorder Scale (BEDS): a self-administered scale for eating disturbances in bipolar patients. Actas Esp Psiquiatr 2004 ; 32 : 127-31. 7. Schoofs N, Chen F, Braunig P et al. Binge eating disorder and menstrual cycle in unmedicated women with bipolar disorder. J Affect Disord 2011 ; 129 : 75-8. 8. Seixas C, Miranda-Scippa A, Nery-Fernandes F et al. Prevalence and clinical impact of eating disorders in bipolar patients. Rev Bras Psiquiatr 2012 ; 34 : 66-70. 9. Wildes JE, Marcus MD, Fagiolini A. Eating disorders and illness burden in patients with bipolar spectrum disorders. Compr Psychiatry 2007 ; 48 : 516-21. 10. Brietzke E, Moreira CL, Toniolo RA, Lafer B. Clinical correlates of eating disorder comorbidity in women with bipolar disorder type I. J Affect Disord 2011 ; 130 : 162-5. 11. McElroy SL, Keck PE Jr. Obesity in bipolar disorder: an overview. Curr Psychiatry Rep 2012 ; 14 : 650-8. 12. McElroy SL, Frye MA, Suppes T et al. Correlates of overweight and obesity in 644 patients with bipolar disorder. J Clin Psychiatry 2002 ; 63 : 20713. 13. Susce MT, Villanueva N, Diaz FJ, de Leon J. Obesity and associated complications in patients with severe mental illnesses: a cross-sectional survey. J Clin Psychiatry 2005 ; 66 : 167-73.

238

14. Bond DJ, Kunz M, Torres IJ et al. The association of weight gain with mood symptoms and functional outcomes following a first manic episode: prospective 12-month data from the Systematic Treatment Optimization Program for Early Mania (STOP-EM). Bipolar Disord 2010 ; 12 : 616-26. 15. Maina G, Salvi V, Vitalucci A et al. Prevalence and correlates of overweight in drug-naive patients with bipolar disorder. J Affect Disord 2008 ; 110 : 149-55. 16. Krüger S, Shugar G, Cooke RG. Comorbidity of binge eating disorder and the partial binge eating syndrome with bipolar disorder. Int J Eat Disord 199 ; 19 : 45-52. 17. Wildes JE, Marcus MD, Fagiolini A. Prevalence and correlates of eating disorder co-morbidity in patients with bipolar disorder. Psychiatry Res 2008 ; 161 : 51-8. 18. Perry A, Tarrier N, Moriss R et al. Randomised controlled trial of efficacy of teaching patients with bipolar disorder to identify early symptoms of relapse and obtain treatment. BMJ 1999 ; 318 : 149-53. 19. Colom F, Vieta E, Martinez-Aran A et al. A randomized trial on the efficacy of group psychoeducation in the prophylaxis of recurrences in bipolar patients whose disease is in remission. Arch Gen Psychiatry 2003 ; 60 : 402-7. 20. Miklowitz DJ, George EL, Richards JA et al. A randomized study of family-focused sychoeducation and pharmacotherapy in the outpatient management of bipolar disorder. Arch Gen Psychiatry 2003 ; 60 : 904-12. 21. Recommandation HAS trouble bipolaire, mai 2009. 22. Cadiot F, Verdoux H. Pratiques d’éducation thérapeutique en psychiatrie. Enquête auprès des psychiatres hospitaliers d’Aquitaine. Encephale 2012. 23. Rapport de l’OMS-Europe, publié en 1996, Therapeutic patient education – continuing education programmes for Health Care providers in the field of chronic diseases, traduit en français en 1998. 24. Morselli PL, Elgie R. GAMIAN Europe, BEAM survey survey: information on current and past treatment of bipolar disorder generated by a patient questionnaire. Bipolar Disord 2002 ; 4 : 131. 25. Mork TH, Flaherty JF, Frank EF et al. The social rhythm metric: an instrument to quantify the daily rhythms of life. J Nerv Ment Disease 1990 ; 178 : 120-6.

Diabète & Obésité • Septembre 2013 • vol. 8 • numéro 71


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.