La prise en charge globale du patient diabétique
d www.diabeteetobesite.org
easd 2013 23 - 27 septembre 2013 – Barcelone
Le compte rendu indépendant de nos experts
1. Diabète et grossesse : quoi de neuf ?
Sommaire
Dr Françoise Lorenzini-Grandmottet
2. Inhibiteurs des DPP-4 et maladies cardiovasculaires : les études EXAMINE et SAVOR Dr Bernard Yomtov
3. La calcémie : prédictrice du diabète de type 2
4. Neuropathie diabétique : quoi de neuf ?
Dr Bernard Yomtov
5. Analogue du GLP-1 et insuline : l’association qui fait parler d’elle
Dr Bernard Yomtov
6. Traitement du diabète LADA : intérêt des incrétines Dr Helen Mosnier-Pudar
7. DAWN 2 : aspects psychologiques et qualité de vie Dr Ghislaine Hochberg
Dr Helen Mosnier-Pudar
8. DT1 déclaré dans l’enfance : impact sur les études universitaires, l’emploi et les revenus ultérieurs à l’âge adulte Dr Ghislaine Hochberg
9. Risques cardiovasculaires du diabétique : peut-on les prédire ?
10. Activité physique et vieillissement : mécanismes cellulaires
Dr Éric Marsaudon
11. Recherche de l’équilibre glycémique : le cas des hypoglycémies
Dr Éric Marsaudon
Dr Éric Marsaudon
à SAVOIR
INTERSPÉCIALITÉS
MISE AU POINT
Chirurgie prothétique du genou : est-il nécessaire de perdre du poids ?
Philosophie et éthique de la maladie chronique : réflexion
Le tabagisme chez le sujet obèse : avant et après chirurgie
Yannis Constantinidès
Pr Didier Quilliot
Dr Étienne Cavaignac, Pr Jean-Michel Laffosse
Novembre 2013 • Volume 8 • n° 73 • 9 E
La pris e e n c h ar g e g l o ba l e d u pa t i e n t diab é t i q u e
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Comité Scientifique Pr Bernard Bauduceau (Paris) Pr Rémy Burcelin (Toulouse) Pr Bertrand Cariou (Nantes) Pr François Carré (Rennes) Pr Bernard Charbonnel (Nantes) Dr Xavier Debussche (Saint-Denis, Réunion) Pr Jean Girard (Paris) Pr Alain Golay (Genève) Pr Hélène Hanaire (Toulouse) Dr Michel Krempf (Nantes) Pr Michel Pinget (Strasbourg) Pr Paul Valensi (Bondy) Diabète & Obésité est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai • 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : diabete@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1957-5238 N° de Commission paritaire : 1018T88454 Prix au numéro : 9 F. Mensuel : 10 numéros par an. Les articles de “Diabète & Obésité” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
sommaire
Novembre 2013 • Vol. 8 • N° 73
www.diabeteetobesite.org
n à savoir
Chirurgie prothétique du genou Est-il nécessaire de perdre du poids ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 290 Dr Étienne Cavaignac, Pr Jean-Michel Laffosse (Toulouse)
n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 295
EASD 2013 : la sélection Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres)
1 n Diabète et grossesse : quoi de neuf ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 296 Dr Françoise Lorenzini-Grandmottet
2 n Inhibiteurs des DPP-4 et maladies cardiovasculaires : les études EXAMINE et SAVOR. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 299 Dr Bernard Yomtov 3 n La calcémie : prédictrice du diabète de type 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 300 Dr Bernard Yomtov
4 n Neuropathie diabétique : quoi de neuf ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 302 Dr Bernard Yomtov
5 n Analogue du GLP-1 et insuline : l’association qui fait parler d’elle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 304 Dr Helen Mosnier-Pudar
6 n Traitement du diabète LADA : intérêt des incrétines. . . . . . . . . . . . p. 306 Dr Helen Mosnier-Pudar
7 n DAWN 2 : aspects psychologiques et qualité de vie . . . . . . . . . . . . . p. 307 Dr Ghislaine Hochberg
8 n DT1 déclaré dans l’enfance : impact sur les études universitaires, l’emploi et les revenus ultérieurs à l’âge adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 309 Dr Ghislaine Hochberg
9 n Risques cardiovasculaires du diabétique : peut-on les prédire ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 310 Dr Éric Marsaudon
10 n Activité physique et vieillissement : mécanismes cellulaires . . p. 313 Dr Éric Marsaudon
11 n Recherche de l’équilibre glycémique : le cas des hypoglycémies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 317 Dr Éric Marsaudon
n interspécialités Philosophie et éthique de la maladie chronique Réflexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 321
Yannis Constantinidès (Paris)
n Mise au point
Le tabagisme chez le sujet obèse Avant et après chirurgie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 326
Pr Didier Quilliot (Vandœuvre-lès-Nancy)
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photo de couverture : © DR
p. 294 p. 298
à savoir
Chirurgie prothétique du genou Est-il nécessaire de perdre du poids ? n « Perdez 10 kilos et je vous mettrai la prothèse. » Quel patient obèse atteint d’une pathologie dégénérative invalidante du genou n’a jamais eu à subir cette sentence ? L’obésité, dont la prévalence ne cesse d’augmenter dans toutes les tranches d’âge, et la gonarthrose sont deux problèmes majeurs de santé publique. Leur importance va augmenter dans les années qui viennent et ce de manière exponentielle pour la gonarthrose. Ces deux pathologies peuvent être liées, ce qui va rendre la prise en charge du patient plus difficile aussi bien pour le patient
Introduction En 2005, aux États-Unis, 52,1 % des patients ayant bénéficié d’une arthroplastie de genou étaient obèses. Obésité et gonarthrose sont liées. L’obésité est sans conteste un facteur de risque majeur bien connu de gonarthrose (1). Un obèse dont l’indice de masse corporelle (IMC) est compris entre 30 et 40 a près de 20 fois plus de risque de développer une gonarthrose ; si l’IMC est supérieur à 40 le risque devient supérieur à 30 (2). Les conséquences sont ainsi des gonarthroses de plus en plus fréquentes, et ce chez des sujets de plus en plus jeunes. Inversement, la gonarthrose va entraîner des douleurs de plus en plus invalidantes mais aussi une diminution progressive des mobilités articulaires. Ce handicap fonctionnel sera la cause d’une diminution des activités physiques, ce qui limitera d’autant les possibilités de perte de poids. Nous sommes ici confron*Institut locomoteur, Service de Chirurgie orthopédique, CHU de Toulouse
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Dr Étienne Cavaignac*, Pr Jean-Michel Laffosse*
tés à un cercle vicieux qui paraît difficilement surmontable. C’est pourquoi la prothèse de genou a ici toute sa place car elle va soulager la douleur et améliorer la fonction du genou ; en cela elle peut permettre de littéralement rompre ce cercle vicieux. Cependant, ce geste n’est pas dénué de risque. Dans une première partie, nous vous présenterons brièvement ce qu’est une prothèse de genou ainsi que les moyens d’évaluation que nous utilisons. Nous ferons ensuite le point sur les résultats de la littérature concernant la mise en place de prothèse de genou chez les obèses. Puis nous finirons par les spécificités de la prise en charge orthopédique des patients obèses.
Généralités sur la chirurgie prothétique du genou Le genou est composé de trois compartiments articulaires : les
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que pour son médecin.
compartiments fémoro-tibiaux médial et latéral (articulation entre le fémur et le tibia) et le compartiment fémoro-patellaire (articulation entre le fémur et la rotule). L’atteinte dégénérative peut toucher un compartiment (gonarthrose unicompartimentale) ou plusieurs (gonarthrose bi ou tri-compartimentale). Dans tous les cas, une prothèse totale de
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
Chirurgie prothétique du genou
genou (PTG) peut être proposée pour remplacer la ou les zones atteintes. Une prothèse totale sera ainsi la reconstruction complète de toute l’articulation du genou. Dans les cas où l’atteinte est unicompartimentale, il est possible d’utiliser des prothèses unicompartimentales (PUC). Ces prothèses ne vont remplacer que la zone articulaire lésée, le reste des tissus mous est respecté. Il s’agit d’une approche minimale invasive dans le sens où la voie d’abord est souvent plus petite et qu’il n’est pas nécessaire pour leur mise en place de remplacer autre chose que la partie atteinte. L’évaluation des résultats des prothèses de genou repose sur l’analyse de trois données : la mesure de la fonction du genou et du patient plus généralement, la survie de la prothèse et les complications (générales et locales). La fonction est mesurée à l’aide de scores fonctionnels. Le score IKS (3) (International Knee Society) ainsi que le score KOOS (Knee injury and Osteoarthritis Outcome) (4) sont les deux scores spécifiques du genou les plus utilisés. Il s’agit de scores objectifs dans la mesure où on évalue des mobilités articulaires, les laxités, les capacités fonctionnelles mesurables (ex. : faire un saut). Le WOMAC (5) (Western Ontario and McMaster Universities Arthritis Index) est un score fonctionnel subjectif qui n’est pas spécifique d’une articulation mais renseigne sur les capacités fonctionnelles globales du patient ; il analyse au travers de plusieurs items la douleur, la raideur et les difficultés fonctionnelles. Il faut bien garder à l’esprit que ces scores peuvent être altérés par la pathologie articulaire mais aussi par les comorbidités des patients. Par exemple, un patient obèse va avoir une diminu-
tion de ses scores fonctionnels qui ne sera pas uniquement liée à une atteinte articulaire, les comorbidités cardio-pulmonaires vont aussi influencer le résultat. La survie d’un implant est mesurée par la méthode de Kaplan-Meier ainsi que par la mesure des taux de survie à différents reculs (classiquement 5 ans, 10 ans et 15 ans). Dans ces cas, ce n’est pas le décès du patient qui est l’événement retenu mais la reprise chirurgicale (et plus particulièrement le changement de tout ou partie de la prothèse) pour quelque raison que ce soit du genou opéré. La méthode de Kaplan-Meier donne une estimation de la survie d’un implant en fonction des données de durée de vie. Le taux de survie à X années est le rapport du nombre de genoux “non repris chirurgicalement” sur le nombre de prothèses mises en place à X années de recul. Les complications sont mesurées par le rapport du nombre de complications sur le nombre de prothèses implantées pour la même période. Les complications locales d’une arthroplastie du genou sont divisées en deux grandes familles : les complications septiques (infection) et les complications aseptiques (usure, descellement, instabilité). À ces dernières, il faut associer les complications “générales” telles qu’une thrombose veineuse ou la décompensation d’une comorbidité sous-jacente (diabète…).
Prothèse totale de genou et obésité Résultats fonctionnels Même si les patients obèses ont tendance à avoir des scores fonctionnels préopératoires et
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postopératoires plus faibles que les non-obèses, l’analyse des données de la littérature montre clairement que les patients obèses tirent un bénéfice fonctionnel majeur de la mise en place d’une prothèse totale de genou (PTG) (6). En effet, il est beaucoup plus pertinent d’analyser leur amélioration entre les périodes préopératoire et postopératoire. On constate alors que le bénéfice est au moins aussi important voire même supérieur pour les patients obèses (7).
Survie Une méta-analyse récente étudiant les effets de l’obésité sur le devenir des PTG a mis en évidence que l’obésité augmente le risque de reprise chirurgicale (odds ratio de 1,3 [1,02 ; 1,67]) (8). McCaldem et al. (7) retrouvent une légère diminution du taux de survie chez les obèses par l’étude d’une série de 3 290 patients. La diminution de la survie est surtout plus marquée en cas d’obésité morbide (IMC > 40) (7). Cependant, les taux de survie retrouvés dans la littérature chez les patients obèses restent encore supérieurs à 90 % à 10 ans de recul (6). Par exemple, on retrouve à 10 ans de recul un taux de survie de 98,1 % chez les patients obèses et de 99,9 % chez les patients non obèses (6). Les modalités de pose d’une prothèse sont identiques chez un sujet obèse ou non obèse ; dans tous les cas, les implants sont cimentés et vont pouvoir supporter d’emblée la marche en appui complet ainsi que la mobilisation active et passive du genou, ce qui permettra une rééducation précoce chez tous les patients. Les prothèses de genou (comme les prothèses et implants des autres articulations) sont conçues et testées 291
à savoir
en laboratoire pour résister à des forces et des contraintes très importantes ; elles sont donc très fiables sur le plan mécanique.
Complications Il existe des résultats discordants dans la littérature concernant les complications générales (saignement, thromboses veineuses profondes) ou les complications aseptiques (descellement prothétique, usure des implants). En revanche, il a été montré que l’obésité augmentait le risque de complications infectieuses (risque relatif = 2,38 [1,28-4,55]) (8). Cela est sans doute en rapport avec le risque majoré de complications cutanées ; de même les pathologies associées telles que le diabète constituent un facteur de risque de complications infectieuses. L’obésité apparaît donc comme un facteur de risque de reprise de prothèse et d’échec à long terme. En revanche, à court terme, les résultats fonctionnels sont au moins aussi bons que chez les non-obèses, ce qui autorise tous les espoirs pour la reprise d’activités physiques autrefois limitée par ces problèmes locomoteurs… Il est par ailleurs intéressant de noter que le seuil à partir duquel les chiffres de résultat fonctionnel, de survie ou de complications sont modifiés n’est pas un IMC de 30 mais plutôt supérieur à 40 (7). C’est au stade d’obésité morbide que le geste risque de se compliquer, aussi bien sur le plan local que général.
leurs indications sont plus restrictives. Elles ne pourront pas être proposées dans des stades d’arthrose intéressant plus d’un compartiment. Il faut donc que les patients consultent un orthopédiste dès le début de la symptomatologie pour définir avec lui la prise en charge la plus adaptée.
Résultat fonctionnel De même que pour les PTG, les patients tirent un bénéfice fonctionnel certain d’une PUC. On observe le même phénomène que précédemment décrit. Les scores fonctionnels pré et postopératoires sont plus faibles que chez les non-obèses, cependant les variations sont plus importantes chez les obèses (9).
Les modalités de pose d’une PUC sont identiques chez un sujet obèse ou non obèse ; dans tous les cas, les implants sont cimentés et vont pouvoir supporter d’emblée la marche en appui complet ainsi que la mobilisation active et passive du genou, ce qui permettra une rééducation précoce chez tous les patients.
Survie
La perte de poids avant une prothèse est-elle indispensable ?
Les résultats sont contradictoires en fonction du type d’implants utilisés. Notre équipe a étudié la survie des implants en fonction de l’IMC (10). Nous retrouvons des taux de survie supérieurs chez les patients obèses au recul moyen de 12 ans (7-22 ans) en utilisant la méthode de Kaplan-Meier. Ces résultats ont été confirmés par d’autres auteurs (9, 11).
Complications Les taux de survie sont identiques ou légèrement supérieurs chez les obèses ; quant aux taux de complications, ils sont identiques voire même plus faibles dans cette population.
Prothèse unicompartimentale et obésité
Spécificité de la prise en charge des patients obèses
Indications
Considérations techniques
Les prothèses unicompartimentales (PUC) présentent des résultats similaires chez les obèses et les non-obèses. Malheureusement,
Du fait de la présence plus importante de tissus mous (tissu cutané et revêtement graisseux souscutané plus épais chez le patient
292
obèse), il est nécessaire de réaliser une incision cutanée plus étendue pour l’implantation d’une PTG. Par la même, la durée opératoire sera plus importante (12). Cela n’est pas retrouvé pour la mise en place d’une PUC qui nécessite une plus petite voie d’abord en regard du bord du tendon rotulien, cette zone est en effet peu modifiée par l’obésité (9).
Severson et al. (13) ont montré qu’il n’y avait pas de différence de taux de complications chez les patients ayant subi une chirurgie bariatrique avant ou après réalisation de la prothèse.
La prothèse suffit-elle à faire maigrir ? Kandii et al. (14) ont effectué une revue de la littérature s’intéressant à la perte de poids après prothèse de genou. Ils ne retrouvent pas d’effet important de la mise en place d’une prothèse sur la perte de poids. Il est bien clair que ce n’est pas la prothèse en elle-même qui fera perdre du poids au patient. La mise en place de la prothèse n’est qu’un moyen de permettre une reprise des activités physiques avec un soulagement des douleurs et une amélioration de la fonction. La prothèse de genou est le traitement de la gonarthrose mais n’est certainement pas le traitement de l’obésité. Elle doit être intégrée à un projet global et multidisciplinaire de prise en charge du
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
Chirurgie prothétique du genou
Tableau 1 - Liste des sports en fonction du degré de recommandations de la Knee Society Survey américaine (1999). “Sports autorisés si expérience” signifie que ce sport peut être pratiqué après la prothèse de genou si le patient le pratiquait déjà avant. Sports recommandés/autorisés
Aérobic, vélo d’appartement, bowling, golf, danse, équitation, tir, marche, natation.
Sports autorisés si expérience
Vélo de route, canoë, aviron, randonnée, ski de fond, marche athlétique, tennis (double), musculation sur machine, patinage sur glace.
Sports non recommandés
Squash, escalade, football, tennis (simple), volley-ball, football américain, gymnastique, hockey, basket-ball, jogging, handball.
Indéterminés
Roller, ski de piste, haltérophilie.
surpoids. Par exemple, Stets et al. rapportent une série de prothèse de genou chez des obèses dont la perte de poids après mise en place de la prothèse dans le cadre d’un programme d’amaigrissement était de 21,5 % du poids du corps (15). Idéalement, le programme doit débuter avant la mise en place de la prothèse avec déjà une diminution du poids observé, la prothèse pouvant faire ensuite passer un cap dans la prise en charge par une augmentation des capacités fonctionnelles du genou.
Prise en charge multidisciplinaire La prise en charge de ce type de patient doit être pluridisciplinaire. Un bilan d’obésité doit être initié avant la chirurgie prothétique, celui-ci pourra alors mettre en évidence une étiologie à l’obésité qui devra être prise en charge avant la prothèse. De même, il permettra de faire le point sur les comorbidités qui peuvent influencer le devenir de la prothèse. On sait par exemple qu’un équilibre glycémique strict chez les patients obèses diminue les complications, notamment infectieuses (16). Par ailleurs, sur le plan fonctionnel, un bilan articulaire est utile. En effet, avant la mise en place de la prothèse, les traitements
médicaux et fonctionnels peuvent et doivent être optimisés afin de conserver la trophicité musculaire et les mobilités articulaires d’une part et d’initier la perte de poids via des activités physiques d’autre part.
Quelle activité physique après une prothèse de genou ? La Société américaine de chirurgie du genou a établi la liste des sports qu’elle autorisait après une prothèse de genou. Ces données sont résumées dans le tableau 1. Les sports à impacts répétés ou les sports avec contact sont non recommandés ; en revanche, on pourra mettre l’accent sur la réalisation de la marche, du vélo, de la natation ou du golf qui sont des activités permettant de conserver de bonnes capacités musculo-squelettiques et cardiopulmonaires. En dehors des activités sportives, toutes les activités professionnelles et de loisirs sont permises avec sensiblement les mêmes restrictions : éviter les sauts, les impacts répétés et éventuellement le port de charges très lourdes qui peut constituer autant de microtraumatismes répétés pour le genou prothésé.
Conclusion Le nombre de patients obèses ayant
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une gonarthrose à un stade prothétique ne cesse ainsi d’augmenter (17). Les résultats des prothèses de genou sont très proches entre les obèses et les non-obèses. L’éducation thérapeutique à travers une prise en charge pluridisciplinaire ainsi qu’une explication claire des risques encourus sont des éléments clés de la prise en charge. L’obésité en elle-même ne doit pas être considérée comme un frein à la mise en place d’une prothèse de genou dans la mesure où les patients obèses tireront un avantage de ce geste. n
À retenir - Les patients obèses tirent un bénéfice fonctionnel certain de la mise en place d‘une prothèse de genou. - On ne constate une augmentation des complications qu’à partir d’une obésité morbide (IMC supérieur à 40). - La prothèse de genou est le traitement de la gonarthrose et non le traitement de l’obésité.
Mots-clés : Prothèse de genou, Obésité
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à savoir
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DOSSIER
EASD 2013 - La sélection
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Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres)
L
e congrès de l’EASD signe traditionnellement la rentrée Diabétologique. Cette année, cette rentrée s’annonçait particulièrement brûlante sous le ciel de Barcelone et sous les feux de l’actualité, notamment
DPP-4… Ce rendez-vous était donc spécialement attendu et l’équipe de Diabète & Obésité a répondu présente avec 5 rédacteurs indépendants dépêchés pour la circonstance pour vous faire vivre la quintessence des nouveautés en Diabétologie. Bernard Yomtov, Éric Marsaudon, Françoise Lorenzini-Grandmottet, Ghislaine Hochberg et Helen Mosnier-Pudar ont donc repris les communications les plus pertinentes de leur choix afin de vous livrer un large panorama de ce qui fait et ferra l’actualité de notre discipline. Nous leurs sommes très reconnaissants pour leur rigueur et leur professionnalisme qui nous permettent de vous proposer ce numéro, le congrès à peine clôturé. Bonne lecture à tous.
Dr Saïd Bekka
1 Diabète et grossesse ��������������������������������������������������������������������������� p. 296 2 Inhibiteurs des DPP-4 et maladies cardiovasculaires ����������������� p. 299 3 La calcémie ��������������������������������������������������������������������������������������������� p. 300 4 Neuropathie diabétique ��������������������������������������������������������������������� p. 302 5 Analogue du GLP-1 et insuline ��������������������������������������������������������� p. 304 6 Traitement du diabète LADA ������������������������������������������������������������� p. 306 7 DAWN 2 ��������������������������������������������������������������������������������������������������� p. 307 8 DT1 déclaré dans l’enfance ���������������������������������������������������������������� p. 309 9R isques cardiovasculaires du diabétique ��������������������������������������� p. 310 Activité physique et vieillissement ������������������������������������������������� p. 313 Recherche de l’équilibre glycémique ��������������������������������������������� p. 317
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1 Diabète et grossesse Quoi de neuf ? Introduction Arrivant juste après la publication, en août 2013, des recommandations pratiques du Collège américain des gynécologues et obstétriciens qui conseillent de ne pas adopter les nouveaux critères de diagnostic du diabète gestationnel (DG), les sessions du congrès de l’EASD consacrées au DG ont permis de débattre de ce dépistage.
D
epuis l’adoption dans de nombreux pays des critères de l’International Association of Diabetes in Pregnancy Study Groups (IADPSG), l’augmentation du nombre de patientes à prendre en charge a conduit à proposer des dépistages ciblés, selon des critères malheureusement variés. Ce qui n’aide pas à comparer les études !
en ce qui concerne la Politique de dépistage Dans le poster présenté par B. Arcidiacono, on trouve, dans le groupe avec DG, 31,8 % de femmes sans facteur de risque (moins de 35 ans, poids normal, pas d’antécédents familiaux ni personnels), diagnostiquées principalement sur les deux premiers temps de l’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) (55 % T0 ; 39,8 % T1) (1). Le fait intéressant est que ces patientes, 296
malgré une prise en charge appropriée, ont près de 2 fois plus de césariennes (1,92 ; IC 95 % 1,21-3,05) et une morbidité fœtale (macrosomie, hydramnios, admission en unité de néonatalogie) multipliée par 4 par rapport aux sujets témoins. Une communication orale de V. Vasileiou a repris les données de 9 829 femmes ayant accouché dans les 15 années précédentes, en appliquant rétrospectivement les critères de l’IADPSG (2). L’incidence du DG passe de 33 %, taux déjà très élevé, à 53,9 % ! 90 % des femmes étant dépistables sur les deux premiers temps de l’HGPO. Les deux facteurs de risque prépondérants étaient, à égalité, le surpoids (IMC > 25) et l’âge supérieur à 30 ans. Les antécédents maternels de diabète pèsent plus (RR = 1,73) que les antécédents paternels (RR = 1,37). Une femme de plus de 30 ans, avec un IMC supérieur à 25 et des antécédents dans les deux branches familiales, a plus de 83 % de risque de présenter un DG ! Ces deux études confirment la valeur de la glycémie à jeun de l’HGPO, déjà soulignée dans l’étude HAPO, et suggèrent une simplification du dépistage en ne réalisant que les deux premiers temps... mais remettent nettement en cause le caractère non universel du dépistage. Reviendrons-nous au test de 0’Sullivan légèrement modifié ?
dépister sans test de charge Dépister simplement sans test de charge, avec un critère permettant de ne prendre en charge que les femmes qui ont un risque de complications obstétricales, est un rêve que poursuivent certaines équipes. Ont été proposés lors de cette session de l’EASD : - une diminution de l’adiponectine avant 22 SA (7,42 mg/ml vs 10,09 ; p = 0,002) et pendant toute la grossesse (3) ; - une élévation du HOMA index au premier trimestre, avec une VPP de 86,8 % et une VPN de 79,4 pour un cut off à 1,89 (4) ; - l’index de Matsuda qui semble mieux prédire l’insulinorésistance spécifique de la grossesse. Tous ces éléments sont en rapport avec l’insulinorésistance, mécanisme en cause dans le DG, et peut-être nocif en soi. Une communication orale très originale de K. Linder a montré une diminution de la réactivité cérébrale fœtale à des stimuli sonores chez des femmes insulinorésistantes, mais sans DG (5).
prise en charge du DG La prise en charge du DG a été également explorée. Les antidiabétiques oraux sont discutés et font l’objet, en France, de plusieurs programmes hospitaliers de recherche clinique. Une méta-analyse comparant 9 études (dont 4 randomisées) montre
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un impact de la metformine sur la réduction de la prise de poids maternelle, de la macrosomie et des transferts en néonatologie (6). L’utilisation de la metformine paraît aux auteurs plus logique que celle des sulfamides dont les performances seraient moindres.
de poids gestationnelle était associée à une augmentation du poids fœtal, dans l’étude rétrospective d’une cohorte de plus de 15 000 femmes, indemnes de diabète (9). Et ce phénomène semble toucher particulièrement les femmes en excès de poids avant la grossesse.
L’augmentation du nombre de DG diagnostiqués fait rechercher des méthodes de prise en charge plus efficaces et moins consommatrices d’énergie, comme par exemple un logiciel sur smartphone, permettant le transfert direct des résultats de l’autosurveillance (7). Cette équipe anglaise a essayé avec 50 patientes. Seize d’entre elles n’ont pas eu besoin d’échanges directs avec l’équipe soignante qu’elles pouvaient joindre par SMS. En moyenne, une consultation ou un contact téléphonique a été sollicité par patiente, et quatre SMS de la part des soignants ont permis un suivi correct. La satisfaction des patientes était bonne.
De même, un poster du groupe “Atlantic DIP” montre que la prise de poids excessive résulte en un triplement de l’incidence de la macrosomie dans les diabètes prégestationnels, et d’un doublement dans le DG (10). Cette prise de poids anormale double aussi l’incidence de l’hypertension gravidique.
Dans le même ordre d’idée, l’utilisation de CGMS (Continuous Glucose Monitoring System) par une équipe chinoise, dans une étude randomisée, a permis un recours plus fréquent à l’insuline, ce qui était déjà connu, mais aussi une prise de poids moindre (8).
prise de poids gestationnelle Cette question de la prise de poids gestationnelle est émergente depuis deux ou trois ans dans les publications concernant les DG et les diabètes prégestationnels. L’équipe française de E. Cosson a montré que, même en l’absence de diabète, la prise
évolution vers un diabète permanent Après un DG, on le sait, le risque d’évolution vers un diabète permanent est très augmenté. Plusieurs posters ont abordé le sujet sous des angles différents : confirmation de l’insulinorésistance accrue, du syndrome métabolique plus fréquent, mais aussi d’anomalies de l’insulinosécrétion chez des femmes ayant présenté un DG antérieurement (11-13). Trois à six mois après la naissance, l’HbA1c > 5,7 % est un bon marqueur d’un trouble déjà sévère de la glycorégulation, comme le note C.S. Göbl, de l’équipe viennoise de Kautzky-Willer, mais ne permet pas de démasquer les anomalies plus modérées du test de l’HGPO (14).
prise en charge des diabètes de type 1 La prise en charge des diabètes de type 1 pose toujours problème. L’équipe suédoise de
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M. Landin-Olsson donne dans un poster les résultats de sa cohorte de 202 femmes diabétiques de type 1 suivies de manière optimale sur les dix dernières années (15). Ces femmes avaient en moyenne 15,5 ans de diabète, leur HbA1c était basse (55 à 39,2 mmol/mol en fin de grossesse soit 7,2 à 5,7 %), la fréquence de la prééclampsie, de la prématurité, et des césariennes était très augmentée par rapport à la population de référence, et les malformations fœtales touchaient 7 % des enfants. Le même constat est fait par l’équipe des Pays-Bas, dans un poster présenté par L.B.E. Hoeks (16). L’utilisation de pompes souscutanées n’améliore pas le résultat (mais petit effectif dans cette étude portugaise non randomisée) (17). Néanmoins, le CGMS apporte une sécurité chez les femmes enceintes à risque d’hypoglycémies sévères, comme le montre l’équipe de E.R. Mathiesen sur 11 patientes diabétiques de type 1 avec antécédents d’hypoglycémies sévères (18). Fait marquant, seulement 2 patientes étaient traitées par pompe dans cette étude.
en conclusion Encore beaucoup de débats autour du dépistage et de la prise en charge du DG, qui concerne au moins 10 % des gestations (80 000 femmes en France chaque année !). Quant au diabète prégestationnel, comme le dit l’équipe néerlandaise, malgré une prise en charge optimale de la préconception à l’accouchement : Still not good enough! n Dr Françoise Lorenzini-Grandmottet
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Bibliographie
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1. Arcidiacono B, Capula C, Chiefari E et al. Gestational diabetes screening: new considerations on the recent Italian recommendations. PS 1281. EASD 2013, Barcelone. 2. Vasileiou V, Spanou L, Papadimitriou A et al. Gestational diabetes mellitus (GDM) using the new IADSPG criteria: relative importance of different abnormal glucose values and evaluation of risk factors. OP 157. EASD 2013, Barcelone. 3. Bozkurt L, Göbl CS, Leitner K et al. Changes of serum vaspin, adiponectin, MCP-1 and BDNF during course of pregnancy and their association with glucose metabolism. PS 1286. EASD 2013, Barcelone. 4. Zabarovskaya Z, Pavlukova S, Zabarovskaya O. Prediction for development of gestational diabetes mellitus in the 1st trimester of gestation based on levels of HOMA-IR index. PS 1282. EASD 2013, Barcelone. 5. Linder K, Schleger F, Ketterer C et al. Maternal insulin resistance affects foetal brain activity. OP 158. EASD 2013, Barcelone. 6. Khin MO, Vatish M, Gates S, Saravanan P. Effectiveness of metformin in gestational diabetes: systematic review and meta-analysis. PS 1260. EASD 2013, Barcelone. 7. Flechtner-Mors M, Boettcher C, Doering K et al. Accuracy of self-measured blood glucose (SMBG) in 11317 adult diabetes patients based on Clark Error Grid, Parkes Error Grid, ISO 15197 and Bland-Altman-plot. PS 268. EASD 2013, Barcelone. 8. Wei Q, Wang S, Yang Y, Sun Z. Earlier management with continuous monitoring blood glucose decrease gestational weight gain in gestational diabetes mellitus: a randomised clinical trial. OP 162. EASD 2013, Barcelone. 9. Cosson E, Valensi P, Pharisien I et al. Obesity and gestational weight gain both contribute to the risk of large for gestational age babies in women
without gestational diabetes mellitus. PS 1295. EASD 2013, Barcelone. 10. Egan AM, Dennedy MC, Al-Ramli W et al. ATLANTIC DIP: gestational weight gain and pregnancy outcomes in women with pregestational and gestational diabetes mellitus. PS 1274. EASD 2013, Barcelone. 11. Szabo E, Janicsek Z, Fürst A et al. Serum adiponectin levels in women with previous gestational diabetes. PS 1284. EASD 2013, Barcelone. 12. Kankova K, Bartakova V, Maluskova D et al. Estimation of the postpartum glucose intolerance risk in women with gestational diabetes mellitus using routine glycaemic indices assessed in the mid-trimester of pregnancy. PS 1285. EASD 2013, Barcelone. 13. Tänczer T, Janicsek Z, Domjan B et al. The effect of prior gestational diabetes on the shape of the glucose response curve during an oral glucose tolerance test 3 years after delivery. PS 1287. EASD 2013, Barcelone. 14. Göbl CS, Bozkurt L, Prikoszovich T et al. The role of HbA1c as a risk predictor for overt diabetes after pregnancy with gestational diabetes mellitus. PS 1288. EASD 2013, Barcelone. 15. Landin-Olsson M, Ursing D, Strevens H. Outcome of pregnancies in women with type 1 diabetes. PS 1296. EASD 2013, Barcelone. 16. Hoeks LBE, de Valk HW, de Kat AC, Visser GHA. Pregnancy outcomes in diabetic type 1 patients of an academic centre combining endocrine and obstetric care from before conception to delivery; still not good enough. PS 1294. EASD 2013, Barcelone. 17. Saraiva J, Paiva S, Ruas L et al. Type 1 diabetes and pregnancy: continuous subcutaneous insulin infusion systems versus multiple daily injection therapy. PS 1265. EASD 2013, Barcelone. 18. Mathiesen ER, Secher AL, Stage E et al. Real-time continuous glucose monitoring in pregnant women with type 1 diabetes at high risk of severe hypoglycaemia. PS 1266. EASD 2013, Barcelone.
agenda Journée thématique “Diabète de Type 2 et cellule b”
Congrès de la Société Francophone du diabète
13 décembre 2013 – Paris
11-14 mars 2014 – Paris
Organisée par la Société Francophone du Diabète • Renseignements et inscriptions Site : http://www.sfdiabete.org/medical/evenements/ journees-thematiques-sfd/2013-diabete-de-type-2-etcellule-ss
Journées francophones de nutrition
• Renseignements et inscriptions Site : www.congres-sfd.com
Congrès annuel de la société francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques (SOFFCO) 22-24 mai 2014 – Versailles
11-13 décembre 2013 – Bordeaux • Renseignements et inscriptions Site : www.lesjfn.fr
30e réunions scientifiques de l’Association Française d’étude et de recherche sur l’Obésité (AFERO) 16 et 17 janvier 2014 – Dijon
• Renseignements et inscriptions Site : www.soffco2014.com
American Diabetes Association 74rd Scientific Sessions 13-17 juin 2014 – San Francisco • Renseignements et inscriptions Site : scientificsessions.diabetes.org
• Renseignements et inscriptions Site : www.afero.asso.fr
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2 Inhibiteurs des DPP-4 et
maladies cardiovasculaires
Les études EXAMINE et SAVOR Introduction Une session a été consacrée à la présentation des résultats et à des commentaires des études EXAMINE et SAVOR.
intérêt de ces études Ces deux études randomisées en double aveugle avec l’alogliptine (EXAMINE) et la saxagliptine (SAVOR) avaient pour but de repérer un surrisque cardiovasculaire éventuel par rapport au placebo (non-infériorité), voire une supériorité. Elles viennent, d’ailleurs, d’être publiées dans le New England Journal of Medicine (1, 2).
résultats
aigu, décès d’origine cardiaque et revascularisation coronaire. À trente mois, on ne retrouve aucune différence significative entre les deux groupes, ni au niveau de la cible primaire, ni au niveau de la survenue d’hypoglycémies, de pancréatite, de cancer du pancréas ou de passage en dialyse. Cela semble donc rassurant !
SAVOR Les résultats de SAVOR ont été présentés par Itamar Raz de Jérusalem. Il s’agit de patients diabétiques, soit coronariens avérés, soit à haut risque cardiovasculaire, recevant soit 5 mg de saxagliptine, soit un placebo. L’événement principal est une association de décès cardiovasculaires, d’infarctus du myocarde non mortels et d’accidents vasculaires cérébraux.
EXAMINE Les résultats d’EXAMINE ont été présentés par Simon Heller de Sheffield. Il s’agit de patients diabétiques de type 2, six semaines après un problème coronaire, qui reçoivent soit l’alogliptine à la dose de 25 mg par jour, soit un placebo. L’événement cible primaire est un composite d’atteinte cardiovasculaire associant infarctus du myocarde, syndrome coronaire
À deux ans, aucune différence significative n’est retrouvée dans les deux groupes à l’exception d’un plus grand nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans le groupe traité par rapport au placebo (289 contre 228, p = 0,007). Comme dans EXAMINE, on ne note pas de surrisque pancréatique. Naweed Sattar, de Glasgow, qui n’a pas participé à ces études,
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en a commenté les résultats et a pointé les faiblesses : - dans les deux études, la baisse de l’HbA1c est très modeste, de -0,35 % environ, ce qui est faible ; - la durée n’est que de deux ans et demi et, dans SAVOR, seulement 78 % des patients sont sous statines contre 90 % dans EXAMINE, alors que le taux devrait être de 100 % ! Enfin, il pointe le problème de l’insuffisance cardiaque et de l’augmentation de masse ventriculaire gauche. Il rappelle que c’est l’insuffisance cardiaque qui est à l’origine de nombreux décès chez les diabétiques et que de nouvelles données seront présentées lors du congrès de l’AHA en novembre prochain. Il recommande donc, pour l’instant, la prudence dans l’interprétation des résultats.
commentaires Il est étonnant de constater la présentation plutôt positive de ces résultats. À ce jour, les doutes persistent. En effet, se focaliser sur une amélioration du risque cardiovasculaire, avec un hypoglycémiant chez les diabétiques sur deux à trois ans avec une baisse de 0,35 % d’HbA1c, est illogique car, dans l’UKPDS, étude de référence, la différence d’HbA1c est de 0,7 % sur une bien plus longue durée. De même, dans l’étude 4S de prévention secondaire, les courbes 299
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ne divergent qu’à la troisième année ! Enfin, l’augmentation de l’insuffisance cardiaque doit faire réfléchir car il s’agit de traitements au long cours sur, parfois, des dizaines d’années. Il faut donc attendre les résultats de l’étude TECOS avec la
sitagliptine afin de pouvoir se prononcer de façon définitive et de savoir si cette classe thérapeutique très bien tolérée a un intérêt au long cours ! n Dr Bernard Yomtov
Bibliographie 1. White WB, Cannon CP, Heller SR et al. Alogliptin after acute coronary syndrome in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2013 ; 369 : 1327-35. 2. Scirica BM, Bhatt DL, Braunwald E et al. Saxagliptin and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med 2013 ; 369 : 1317-26.
3 La calcémie Prédictrice du diabète de type 2 Introduction Lors de la session consacrée aux marqueurs de risque, C. Lorenzo de San Antonio (Texas), a fait un exposé sur « la calcémie prédit l’intolérance au glucose et le diabète de type 2 » (1). .
S
a présentation de l’étude IRAS (The Insulin Resistance Atherosclerosis Study), où les patients ont été suivis durant cinq ans, a montré la survenue de troubles de la glycémie chez 863 patients.
On retrouve une relation non linéaire dès l’augmentation de la calcémie au-delà de 95 mg/l, un accroissement du risque
300
cardiovasculaire, de mortalité globale et cardiovasculaire, une augmentation de l’insulinorésistance, une diminution de l’insulinosensibilité. De même, l’incidence du diabète et de l’intolérance au glucose est accrue (p = 0,020), sans qu’il y ait de relation avec l’apport de calcium. La calcémie serait donc un bon marqueur d’apparition future du diabète.
commentaire Cette présentation est intéressante, mais nous restons sur notre faim, car seule la calcémie totale a été dosée. En effet, il n’y a pas eu de dosage concomitant de vitamine D, ni de parathormone, ni de calcémie ionisée, ce qui réduit de beaucoup la valeur de cette communication !
Depuis plusieurs années, les communications sur diabète et métabolisme phosphocalcique sont de plus en plus nombreuses et, comme le diabète est une maladie en pleine expansion au niveau mondial, on peut se demander si, comme les cardiologues qui s’y intéressent de plus en plus (SAVOR a été présenté d’abord à l’ESC, Congrès européen de cardiologie, avant l’EASD), les rhumatologues ne veulent pas aussi évincer les diabétologues de “ce marché n porteur” ! Dr Bernard Yomtov
Bibliographie 1. Lorenzo C, Hanley AJG, Haffner SM. Calcium concentration predicts future development of diabetes and impaired glucose tolerance: the Insulin Resistance Atherosclerosis study. OP 13. EASD 2013, Barcelone.
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4 Neuropathie diabétique Quoi de neuf ? Introduction Une session entière a été consacrée à la neuropathie diabétique.
bases physiologiques T. Fleming, d’Heidelberg (Allemagne), a fait un exposé sur les bases physiologiques de la neuropathie douloureuse du diabète. Il a insisté sur le rôle de la formation de methylglyoxal au niveau axonal. De plus, le taux axonal d’acides gras augmente lors de la neuropathie, entraînant une hyperexcitabilité axonale avec hyperalgie. Pour lui, ce serait le facteur déclencheur de l’atteinte neuronale.
réversible ou irréversible ? Sa présentation a été suivie de deux autres sur la réversibilité possible de la neuropathie périphérique du diabète de type 2. Un vote a précédé les deux exposés suivants, demandant à l’auditoire s’il pensait que cette affection était réversible ou pas. La majorité du public a voté pour la réversibilité.
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irréversible D. Ziegler, de Düsseldorf, spécialiste mondial de la neuropathie diabétique, s’est fait l’avocat de l’irréversibilité des lésions de la neuropathie périphérique du diabète de type 2. La neuropathie s’accompagne d’une augmentation de la mortalité globale et du risque cardiovasculaire. Son argument principal est l’absence totale de résultats positifs au cours des études cliniques disponibles.
réversible R. Malik, de Manchester, a plaidé la réversibilité de ces lésions en précisant qu’aucune étude spécifique de la neuropathie périphérique au cours du diabète de type 2 n’est disponible. De plus, le diagnostic n’est porté que sur la clinique (douleurs, aspect du pied, abolition des réflexes ostéotendineux, examen au diapason). Il a insisté sur le rôle de la tension artérielle, des paramètres lipidiques et du surpoids dans la formation de la neuropathie. Il a rappelé que, au départ, ce type de neuropathie est une atteinte microvasculaire et que les traitements précoces des facteurs de risque vasculaire pouvaient avoir un effet bénéfique. D’ailleurs, dans l’étude Field, il fait remarquer qu’on observe une diminu-
tion de 50 % de la progression de la neuropathie périphérique dans le groupe fénofibrate par rapport au groupe témoin. Un nouveau vote après les deux plaidoiries a montré que la majorité en faveur de la réversibilité des lésions de la neuropathie périphérique au cours du diabète de type 2 avait augmenté.
COMMENTAIRE Si la physiopathologie permet de mieux comprendre ces lésions, à ce jour, il ne semble pas y avoir de retombées pratiques, thérapeutiques notamment. En revanche, la discussion sur la réversibilité de la neuropathie périphérique du diabète de type 2 était intéressante. En effet, jusqu’aux travaux de P. Fioretto de Padoue, l’accord était quasi unanime sur l’irréversibilité de la neuropathie diabétique ! Depuis, on sait que cette lésion peut régresser. Il n’est donc pas exclu que cela sera bientôt le cas dans cette autre forme de microangiopathie diabétique. Après les nombreuses déconvenues dans ce domaine, l’avenir pourrait enfin n être un peu plus radieux ! Dr Bernard Yomtov
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5 Analogue du GLP-1 et insuline L’association qui fait parler d’elle Introduction Plusieurs études ont été présentées sur l’intérêt et l’efficacité des analogues du GLP-1 en stratégie d’échec de l’insuline basale dans le diabète de type 2. .
quelles associations ? insuline lispro/exénatide L’étude multicentrique internationale randomisée prospective 4B compare l’efficacité et la tolérance, après échec d’une insulinothérapie basale, de l’addition d’une injection d’insuline lispro avant chacun des trois repas, à l’injection d’exénatide matin et soir. Après une première phase de 12 semaines de titration de l’insuline glargine, les patients qui gardent une HbA1c au-dessus de 7 % sont randomisés. Au bout de 30 semaines, l’évolution de l’HbA1c est comparable dans les 2 groupes (-1,10 vs -1,13 %, ns). L’évolution pondérale est, de manière attendue, en faveur du groupe exénatide (-2,4 vs +2,1 kg, p < 0,0001). L’incidence des hypoglycémies modérées est significativement plus faible sous exénatide (29,5 vs 40,7 %, p = 0,004), la différence étant liée à une réduction des épisodes diurnes alors que l’incidence des hypoglycémies nocturnes est comparable dans les 2 groupes. Sans surprise, on retrouve plus d’effets secondaires digestifs dans le groupe exénatide. Malgré cela, les scores de satisfaction vis-à-vis du traitement du 304
diabète et de la qualité de vie sont en faveur de l’exénatide.
lixisénatide Le lixisénatide est un nouvel agoniste du GLP-1 d’action courte, administré en une injection quotidienne. L’analyse des données individuelles (cycles glycémiques journaliers en 7 points) des patients diabétiques de type 2 inclus dans les études de phase III évaluant l’efficacité et la tolérance du lixisénatide vs placebo en association à l’insuline ± anti-diabétiques oraux, suggère que l’efficacité du lixisénatide sur le taux d’HbA1c est principalement liée à son action sur les glycémies postprandiales. En effet, les aires sous courbe de ces profils glycémiques, distinguées en part respective de l’hyperglycémie “basale” (aire comprise entre 5,6 mmol/l et le niveau de glycémie au réveil) et de l’hyperglycémie postprandiale (aire comprise entre le niveau de glycémie au réveil et le profil nycthéméral), montrent, après 24 semaines de traitement, une réduction de l’hyperglycémie postprandiale plus importante sous lixisénatide (21 mmol/h vs 10 mmol/h, p < 0,0001) alors que l’HbA1c diminue de 0,8 % (versus 0,3 % dans le groupe placebo). Dans le même état d’esprit, l’analyse posthoc de l’étude GetGoal-L, qui a démontré que l’ajout d’une injection de lixisénatide, versus placebo, dans le diabète de type 2 traité par insuline basale à dose stable permet de réduire de façon significative le taux d’HbA1c, montre
que cette efficacité est d’autant plus importante que la glycémie à jeun est mieux contrôlée (≤ 6,7 mmol/l). Cela semble confirmer l’action préférentielle de cet agoniste du GLP-1 sur les glycémies postprandiales.
en conclusion Les résultats de ces études suggèrent que l’ajout d’analogue du GLP-1 après échec d’insulinothérapie basale constitue une alternative intéressante au schéma basal-bolus au vu de l’évolution du poids et du risque hypoglycémique en faveur du GLP-1. D’ailleurs, une association fixe analogue du GLP-1/insuline lente est en cours de développement : l’IDegLira, combinant, pour chaque augmentation de dose, 1 unité d’insuline degludec et 0,036 mg de liraglutide. Une étude en ouvert de 6 mois chez 1 663 patients diabétiques de type 2 insuffisamment contrôlés sous metformine ± pioglitazone, a comparé une injection quotidienne d’IDegLira, à celle de degludec ou de liraglutide 1,8 mg. Elle montre une diminution de l’HbA1c significativement plus importante sous IDegLira que sous degludec ou sous liraglutide (-1,9 % vs -1,4 % et -1,3 % respectivement, p < 0,0001). Cette amélioration de l’équilibre glycémique se fait avec un risque réduit d’hypoglycémies, de prise de poids et d’effets indésirables digestifs. n
Dr Helen Mosnier-Pudar
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6 Traitement du diabète LADA DOSSIER
Intérêt des incrétines
Introduction Les effets favorables supposés des inhibiteurs de la DPP-4 sur la fonction cellulaire b et leur rôle possible sur la fonction immunitaire, notamment l’activation des lymphocytes T, ont conduit à faire l’hypothèse de l’efficacité de cette classe thérapeutique dans le diabète LADA (Latent Autoimmune Diabetes in Adults).
P
our tester cette hypothèse, deux études ont été présentées. La première a randomisé 30 patients présentant un LADA récemment diagnostiqué (moins de 3 ans) et gardant une insulino-sécrétion résiduelle (peptide-C à jeun > 0,2 nmol/l) pour
comparer l’effet d’un traitement par insuline seule ou associée à la sitagliptine 100 mg/j. À 12 mois, aucune différence significative entre les 2 groupes sur l’évolution du taux d’HbA1c, de la glycémie à jeun et postprandiale et de la dose d’insuline n’est observée. La fonction b-cellulaire estimée par le dosage du peptide-C à jeun et 2 heures après un repas test s’est détériorée dès le troisième mois dans le groupe traité par insuline seule, alors qu’elle reste stable lors de l’association à la sitagliptine. De plus, dans ce groupe, le peptide-C postprandial et le delta entre le peptide-C à jeun et après le repas test sont significativement plus élevés (p < 0,05). Cette étude pilote est la première à suggérer que la
sitagliptine est capable de protéger la fonction b-cellulaire chez les patients présentant un LADA. Une autre étude a comparé l’impact d’un traitement par sitagliptine sur l’évolution du taux d’HbA1c et de 1,5-anhydroglucitol (1,5AG), marqueur à court terme de l’équilibre glycémique, chez des patients insuffisamment contrôlés sous insuline. En comparaison à des patients avec diabète de type 2 inclus dans la même étude, les patients avec LADA recevant de la sitagliptine ont vu une amélioration significativement plus importante de leur taux d’HbA1c et de 1,5AG, que dans le diabète de type 2. Ces études confirment l’intérêt de l’utilisation des inhibiteurs de DPP-4 dans le LADA, mais des études randomisées contrôlées de plus grande envergure, afin d’évaluer leur intérêt dans le diabète auto-immun, sont nécessaires. n Dr Helen Mosnier-Pudar
FreCan
French
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®
Contour next USB : Dispositif d’Auto Surveillance Glycémique (ASG) destiné aux patients diabétiques. Utilisation : le lecteur de glycémie Contour® next USB de glycémie et la notice des bandelettes réactives. L’ASG ne doit pas être une mesure automatiquement généralisée à l’ensemble des diabétiques ; ni une conformément à l’annexe II de la Directive 98/79/CE. Organisme notifié : Lloyd’s Register Quality Assurance Ltd (LRQA) - Identification n°0088. Remboursemen ®
Bandelettes réactives
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Aspects psychologiques et qualité de vie Dans 17 pays des 4 continents, 500 adultes diabétiques ont rempli un questionnaire portant sur les hypoglycémies sévères (définies comme des hypoglycémies nécessitant l’intervention d’une tierce personne pour le resucrage) et sur la participation ou le bénéfice perçu d’activités d’éducation thérapeutique au cours des 12 mois précédents. Les réponses de 8 596 patients et de leur famille ont été étudiées (16 % DT1 et 84 % DT2). En parallèle, 4 785 soignants des mêmes pays (2 066 médecins généralistes, 1 350 diabétologues, 827 infirmières, 542 diététiciennes) ont également rempli un questionnaire en ligne.
les principaux résultats l’avis des patients Dans la population étudiée, le diabète a un impact négatif sur la qualité de vie : 14 % des patients ont une dépression probable
(score ≤ 28 au questionnaire WHO-5 sur le bien-être), ce qui correspond, selon les pays, à une incidence deux à trois fois plus élevée que la population non diabétique. 46 % déclarent une détresse émotionnelle liée à leur maladie (questionnaire
PAID-5 portant sur les problèmes liés au diabète, score 40). 39 % des patients déclarent que le traitement du diabète trouble leur vie et 56 % ont peur des hypoglycémies sévères (ils déclarent en faire une ou deux par an en moyenne). 62 % des patients pensent que le diabète impacte leur santé physique, 46 % leur bien-être, 44 % leurs finances, 38 % leurs loisirs, 35 % leur travail et 21 % leurs relations familiales et sociales.
l’avis de l’entourage Le diabète est un poids (modéré à lourd) dans la vie familiale, déclarent 35 % des membres de la famille. Il influence d’après eux la santé physique (45 %), le
ARSENAL-CDM - PP667047 - 01/2013 - Bayer Santé - 220 avenue de la Recherche - 59120 Loos - SIREN : 706 580 149 RCS Lille
Introduction
DOSSIER
7 DAWN 2
Des choix éclairés, une consultation dynamisée. Pour vous et vos patients. Contour® next USB de Bayer : • Utilisation simple et intuitive guidée par des messages textuels. • Journal électronique complet intégrant les glucides et l’insuline. • Tendances et comptes rendus à consulter directement sur le lecteur ou sur l’ordinateur. • Logiciel de gestion du diabète Glucofacts® Deluxe embarqué dans le lecteur.
Quand le design et l’innovation s’allient pour optimiser l’autosurveillance glycémique.
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B s’utilise avec les bandelettes réactives Contour next. Avant toute utilisation, lire attentivement les instructions figurant dans le manuel d’utilisation du lecteur mesure passive, n’entraînant pas de conséquence thérapeutique immédiate. Fabricant : Bayer Consumer Care AG (Suisse). Classification : DMDIV Liste B, nt dans les limites suivantes au titre de la LPP : lecteur (adulte : 1 / 4 ans - enfant : 2 / 4 ans), bandelettes réactives (200 / an pour DT2 non insulinodépendant).
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Système d’autosurveillance glycémique
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DOSSIER
bien-être émotionnel (35 %), les finances (31 %), les loisirs (27 %), le travail et les études (23 %) et les relations (20 %). Pour d’autres, au contraire, il peut renforcer les liens et favoriser une meilleure cohésion sociofamiliale autour du patient. Les membres de la famille veulent s’impliquer dans le traitement (39 %), voudraient aider à mieux vivre avec cette maladie (46 %), mais 37 % ne savent pas comment procéder de façon optimale.
l’avis des soignants Les soignants pensent que la participation active du patient est importante : 85 % souhaitent les aider au maximum. Ils proposent : - la préparation de questions avant la consultation (84 %), - de favoriser (ou maintenir) la participation à des activités collectives pour développer l’autonomie, - de faire référence pour rechercher des informations à des documents divers (livres, Internet, magazines, associations de patients…) (71 %). 60 % des soignants pensent qu’il faut améliorer l’accessibilité à l’éducation thérapeutique du patient ; cela diminuera le poids de la maladie (61 %).
contrôle de leur équilibre glycémique ; 45 % un examen des pieds, 49 % des conseils diététiques ; seuls 32 % déclarent que le soignant leur a posé une question sur leur ressenti : anxiété ou dépression, et 24 % sur les répercussions du diabète dans leur vie quotidienne. Néanmoins, 52 % des soignants pensent avoir posé cette dernière question. Il existe encore un manque exprimé par les patients au niveau de leur prise en charge psychologique, probablement dû à un temps insuffisant consacré pour explorer les difficultés exprimées. Les soignants souhaitent des formations complémentaires : 63 % à la communication avec les patients, mais aussi avec les autres soignants de l’équipe elle-même et en dehors (56 %). 59 % souhaitent une plus grande accessibilité au soutien et à la prise en charge psychologique. 20 % seulement ont eu une formation à la prise en charge des aspects psychologiques du diabète et 59 % en souhaiteraient une. 72 % des soignants pensent que l’implication des membres de la famille est essentielle dans une bonne prise en charge du diabète.
crimination à cause de celui-ci. 33 % des soignants pensent que la discrimination est un problème. Les personnes qui ont vécu une discrimination expriment plus de détresse liée au diabète.
Conclusion DAWN 2 met en évidence que le diabète est un poids psychologique majeur pour le patient mais aussi pour sa famille. Cette étude souligne l’importance de la participation des patients et de leur famille à des programmes d’éducation thérapeutique afin de favoriser leur autogestion de la maladie et de faciliter les échanges. Une amélioration de l’accessibilité à des soutiens psychologiques pourrait améliorer la santé des patients et leur qualité de vie. Les soignants sont impliqués et souhaitent aider les patients au mieux, et également améliorer leurs compétences grâce à des n formations dans ce but.
la discrimination La prise en charge des patients Elle reste centrée principalement sur les soins et les aspects techniques : dans les 12 derniers mois, 72 % des patients ont eu un
19 % des patients déclarent avoir subi une discrimination, une intolérance, un manque de soutien social. 22 % des membres de la famille croient que la personne avec un diabète a subi une dis-
Dr Ghislaine Hochberg, d’après la communication de F. Pouwer, Centre de recherche psychologique sur les maladies somatiques, Université Tilburg (Hollande), pour le groupe d’études DAWN 2.
pour en savoir plus 1. Nicolucci A, Kovacs Burns K, Holt RI et al. Diabetes Attitudes, Wishes and Needs second study (DAWN2™): cross-national benchmarking of diabetes-related psychosocial outcomes for people with diabetes. Diabet Med 2013 ; 30 : 767-77. 2. Kovacs Burns K, Nicolucci A, Holt RI et al. Diabetes Attitudes, Wishes and Needs second study (DAWN2™): cross-national benchmarking indicators
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for family members living with people with diabetes. Diabet Med 2013 ; 30 : 778-88. 3. Holt RI, Nicolucci A, Kovacs Burns K et al. Diabetes Attitudes, Wishes and Needs second study (DAWN2™): cross-national comparisons on barriers and resources for optimal care--healthcare professional perspective. Diabet Med 2013 ; 30 : 789-98.
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DOSSIER
8 DT1 déclaré dans l’enfance Impact sur les études universitaires, l’emploi et les revenus ultérieurs à l’âge adulte DT1 (chez les 19-31 ans) a une durée plus longue et est évolutif, les revenus sont plus faibles (femmes -9,30 % ; p < 0,001, hommes -5,27 % ; p = 0,023). Les effets négatifs les plus importants sont observés chez les personnes sans étude universitaire, principalement les femmes, il n’existe pas de différence significative chez les hommes ayant fait des études universitaires.
Introduction Lorsqu’un diabète de type 1 (DT1) se déclare dans l’enfance, il peut affecter le mode de vie, la scolarité de l’enfant du fait des exigences thérapeutiques et de l’évolution de la maladie. Peu de données existent sur le devenir socio-économique ultérieur. Ce travail enquête sur l’impact du DT1 déclaré dans l’enfance sur les études universitaires, le devenir professionnel et les revenus des jeunes adultes diabétiques.
À partir du registre suédois du suivi des enfants diabétiques (démarré en 1977 ; suivi de 16 000 enfants de moins de 15 ans) rapproché du registre national de suivi longitudinal de la population (données des assurances santé et des enquêtes sur le marché du travail [LISA]), une enquête a été réalisée chez des adultes jeunes (nés entre 1972 et 1978) ayant un DT1 déclaré avant l’âge de 15 ans. L’âge moyen au moment du diagnostic était de 9,5 ans. Chaque inclusion (n = 2 485) a été comparée à 4 contrôles dans la population générale en fonction de la date de naissance et du lieu de résidence au moment du diagnostic sélectionnés dans le registre suédois. Les données sur les revenus étaient disponibles entre 1990 et 2010 (informations annuelles), ce qui a permis d’étudier la période d’après le bac (19 ans) et jusque 31 ans.
• des études universitaires de plus de 3 ans (OR 0,77 ; IC 95 % 0,660,90 et OR 0,78 ; IC 95 % 0,66-0,92 pour les femmes et les hommes respectivement). De plus, à 32 ans, ils travaillent moins, en particulier les femmes (OR 0,64 ; IC 95 % 0,52-0,79 et OR 0,70 ; IC 95 % 0,55-0,90 pour les femmes et les hommes respectivement). Parmi ceux qui ont un travail, ils sont moins rémunérés, (-5 % femmes, p = 0,192 NS et -13 % hommes, p < 0,001). On observe un décalage à partir de 26 ans chez les hommes et 24 ans chez les femmes (Fig. 1). Les hommes ayant fait le moins d’études ont les revenus les plus faibles (-16 % ; p < 0,001). Si le
Résultats Ils font apparaître que les diabétiques de type 1 ont moins souvent : • un diplôme universitaire à 32 ans (OR 0,81 ; IC 95 % 0,700,94 hommes et femmes) ;
Ces résultats montrent que la survenue d’un diabète dans l’enfance impacte négativement le niveau des études universitaires et la possibilité de travailler ultérieurement ainsi que les revenus. L’influence est plus importante chez les femmes, surtout celles qui ne font pas d’études universitaires. n
Dr Ghislaine Hochberg, d’après la communication de S. Persson, G. Dahlquist, U.G. Gerdtham, K. Steen Carlsson. The impact of a childhood onset of type 1 diabetes on higher education and labour market outcomes.
Hommes
Femmes
40 000
Bénéfices annuels (EUR)
Méthodes
(Q3)
30 000
(Q2)
(Q3)
(Q1)
20 000
(Q2)
10 000 (Q1) 0 20
25
30
35
20
25
30
35
Âge Groupe contrôle, premiers quartiles (Q1) Groupe contrôle, second quartile (Q2, médiane) Groupe contrôle, troisième quartile (Q3)
Groupe diabète, premiers quartiles (Q1) Groupe diabète, second quartile (Q2, médiane) Groupe diabète, troisième quartile (Q3)
Figure 1 - Évolution des revenus entre 19 et 31 ans.
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9 Risques cardiovasculaires
du diabétique Peut-on les prédire ?
a bien sûr confirmé le rôle délétère des facteurs de risque traditionnels tels que le tabagisme, l’hypertension, l’âge du patient et l’ancienneté du diabète dans la survenue d’un AVC.
Introduction La première matinée de cette étape espagnole de l’EASD fut consacrée aux présentations de potentiels facteurs prédictifs de survenue de complications cardiovasculaires chez les diabétiques de type 1 comme de type 2. Une petite revue de ces propositions cliniques et biologiques permet de faire le point sur ces avancées.
Les risques d’accidents vasculaires cérébraux chez le diabétique de type 1 C’est une équipe finlandaise qui nous rappelle, pour débuter cette session, que les diabétiques de type 1 font 5 fois plus d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) comparativement aux non-diabétiques, et que ce risque passe à 20 fois plus lorsqu’ils sont âgés de moins 50 ans. Pour tenter d’en déterminer les causes, S. Hagg a rapporté les résultats de l’étude multicen-
trique FinnDiane (pour Finnish Diabetic Nephropathy) qui a suivi 4 083 diabétiques de type 1 pendant 10 ans. À leur inclusion, le profil moyen de ces patients était le suivant : âge 37,4 ans ; durée de diabète 21,3 ans ; 51 % d’hommes ; 46 % de fumeurs, 20 % de néphropathies diabétiques ; 32 % de rétinopathies ; 36 % d’hypertensions. Après 10 ans (9,0 ± 2,7 ans) de suivi, 3,6 % des patients ont présenté un AVC (pour 70 % des AVC ischémiques et pour 30 % des AVC hémorragiques). L’analyse des risques utilisant le modèle proportionnel de Cox
Mais les auteurs soulignent que les complications microvasculaires (notamment néphropathiques), le mauvais contrôle de la glycémie et l’insulinorésistance doivent également être considérés comme des facteurs de risque indépendants, s’agissant aussi bien des AVC ischémiques que des AVC hémorragiques. En revanche, il semble que l’indice de masse corporelle soit corrélé négativement à la survenue d’AVC hémorragiques.
Intérêt du proBNP dans la coronaropathie du diabétique de type 2 Nous connaissons tous l’intérêt du dosage du BNP (peptide
Tableau 1 - Hazard ratio. Tout AVC (n = 149)
Ischémie (n = 105)
Lacunes (n = 58)
Hémorragie (n = 44)
Durée du diabète
1,04
1,06
1,05
NS
Néphropathie
2,28
2,81
2,72
2,63
Rétinopathie
1,90
NS
NS
2,91
HbA1c
1,17
1,23
1,22
1,22
Pression systolique
1,02
1,02
1,02
1,02
HTA
2,52
2,52
3,44
NS
Tabagisme
1,58
1,93
NS
NS
-
-
-
0,88
BMI
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natriurétique de type B) sécrété par les cardiomyocytes ventriculaires et auriculaires1, pour suivre le devenir de la fonction cardiaque de nos patients. C’est sa forme la plus stable, le NT-proBNP, qui fut dosée par une équipe américaine, aux fins d’étudier le rôle potentiellement prédictif de cette protéine en matière de survenue future d’événements cardiovasculaires. Une cohorte de 718 patients diabétiques ou non, préalablement coronarographiés, a donc été suivie pendant 3 ans. Il s’agissait de doser pour tous le proBNP et de réaliser un nouvel examen angiographique systématiquement à l’occasion de tout diagnostic de coronaropathie, pour confirmation. En dehors du fait attendu que les patients diabétiques ont eu plus d’événements cardiaques que les non-diabétiques, le risque de survenue d’une coronaropathie a été significativement corrélé aux taux de proBNP, aussi bien pour les diabétiques (par tiers 6,3 %, 24,1 % et 32,4 % ; p = 0,004) que pour les nondiabétiques (par tiers 11,5 %, 11,4 % et 21,1 % ; p = 0,012) et ce, ajusté sur l’âge, le sexe, le BMI, le tabagisme, l’hypertension, la dyslipidémie. Par ailleurs, le taux de proBNP était significativement plus élevé chez les diabétiques que chez les non-diabétiques et il était également plus élevé dans chacun de ces groupes, chez les patients ayant développé ultérieurement une coronaropathie (hazard ratio de 1,40 [p = 0,003] pour les diabétiques et de 1,19 [p = 0,003] pour les non-diabétiques).
1. Lors d’une distension des tissus cardiaques, notamment en cas d’insuffisance cardiaque, ces cellules musculaires sécrètent en fait du pro-BNP qui sera clivé en périphérie en BNP, la forme active sur la natriurèse rénale, et en NT-proBNP, forme inactive mais de demi-vie plus stable et plus longue après prélèvement, fiabilisant le dosage (une sorte de C peptide !).
Biomarqueurs
Odds Ratio
p-value
NT-proBNP
1,72
< 0,001
Apolipoprotéine CIII
1,26
< 0,001
sRAGE
0,82
< 0,001
Troponine T
0,85
0,002
Interleukine-6
1,16
0,004
Interleukine-15
1,17
0,001
Lors du débat très intéressant avec la salle sur l’intérêt du dosage régulier de cette protéine chez les diabétiques fragiles, le Pr Michel Marre a soulevé l’intérêt d’une étude ultérieure entre coronaropathie, microalbumiurie et proBNP.
Quels biomarqueurs pour les risques cardiovasculaires dans le diabète de type 2 ? Cette question de la prédictibilité des événements cardiovasculaires chez les diabétiques de type 2 par certains biomarqueurs sanguins a été posée par une équipe multicentrique (écossaise, allemande, suédoise, suisse et italienne) qui s’est attachée à analyser les dossiers biologiques de 2 138 diabétiques de type 2, issus de 5 cohortes : GoDARTS (n = 1 204), Scania Diabetes Registry (n = 666), MONICA/KORA (n = 308), IMPROVE (n = 94) et 60year Old Stockholm Study (n = 46). Ont ainsi été étudiés 42 biomarqueurs sanguins potentiels (cystatine C, proBNP, IL-10, IL-6, IL15, VEGF, cathépsis, TNF-alpha, ApoCIII, troponine T…) mis au regard des complications cardiovasculaires majeures, que sont les accidents vasculaires cérébraux et les infarctus du myocarde, survenues chez les diabétiques de ces 5 cohortes.
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Tableau 2 - Odds ratio.
Sur la base d’un modèle de régression logistique, 16 biomarqueurs ont pu être retenus comme significativement liés au développement ultérieur de complications cardiovasculaires, indépendamment des cofacteurs cliniques (âge, sexe, durée du diabète, BMI, tension artérielle, tabagisme), biologiques (LDL, HDL, triglycérides, HbA1c) et thérapeutiques (antihypertenseur, aspirine, statine, insuline). Parmi ces 16 marqueurs objectivés (dont font partie cystatine C et VEGF), 6 d’entre eux sont fortement corrélés aux événements cardiovasculaires majeurs repérés chez les diabétiques : NT-proBNP, Interleukine-6, Interleukine-15, troponine T, récepteurs solubles des produits avancés de la glycation (sRAGE) et apolipoprotéine CIII. Les rôles de proBNP et de troponine T ne sont pas surprenants au regard des données antérieures de la littérature et sont donc confirmés par cette étude. L’implication d’IL62 était déjà connue comme liée à la problématique cardiovasculaire des non-diabétiques, elle est désormais reconnue dans le diabète de type 2. L’IL-153 devient en revanche un nouveau marqueur à surveiller, tandis que la corrélation négative de sRAGE et Apo CIII avec les 2. Cytokine pro-inflammatoire de la plaque d’athérosclérose. 3. Cytokine pro-inflammatoire jusqu’à présent connue pour son rôle dans la maladie cœliaque.
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complications cardiovasculaires du diabétique est une surprise et mérite donc, pour les auteurs, d’autres investigations.
Testostéronémie et risques cardiovasculaires du diabétique de type 2 C’est une étude suédoise portant sur 1 109 patients d’une population rurale de plus de 40 ans qui s’est intéressée à ce potentiel lien entre taux de testostérone et pathologies cardiovasculaires ou morbimortalité globale du diabétique de type 2. B. Daka rapporte donc le devenir métabolique d’hommes (n = 538) et de femmes (n = 571) en les corrélant aussi bien à leurs paramètres cliniques (BMI, tour de taille, pression artérielle, tabagisme) qu’à leurs résultats biologiques (HDL et LDL cholestérol, triglycérides, testostérone [totale et libre], œstradiol, sex hormone-binding globuline [SHBG]). La prévalence du diabète de type 2 était à l’inclusion dans l’étude de 10 % pour les hommes et 7,5 % pour les femmes. Après un suivi de 14 ans en moyenne, 89 infarctus du myocarde furent enregistrés chez les hommes (74 chez les diabétiques et 15 chez les nondiabétiques) et 72 chez les femmes (61 pour les diabétiques et 11 pour les nondiabétiques). L’ajustement sur l’âge selon le modèle proportionnel de Cox a permis de mettre en évidence une corrélation inverse entre la survenue d’un infarctus du myocarde et le taux de testostéronémie chez les hommes diabétiques de type 2 (HR : 0,86). En revanche, rien de 312
significatif n’a pu être observé chez l’homme non diabétique ou chez la femme, diabétique ou non. Ce lien entre testostéronémie basse et survenue d’une coronaropathie reste significatif après ajustement sur le taux de SHBG et d’œstradiol (HR : 0,84), de même qu’après ajustement sur les paramètres cliniques (HR : 0,83). La question de rôle bénéfique de l’androgénothérapie chez ces patients diabétiques de type 2, mérite donc d’être posée à de futurs investigateurs.
Déterminants métaboliques des risques cardiovasculaires des sujets âgés Dans le domaine des sciences plus fondamentales, les processus de dysfonctionnements mitochondriaux susceptibles d’expliquer la majoration de l’incidence des événements cardiovasculaires chez les sujets âgés, ont été étudiés par l’équipe de M. Federici qui représentait l’université de Rome dans cette session. Liant la sénescence vasculaire à la présence de biomarqueurs métaboliques sanguins, cette équipe a mesuré par spectographie de masse 49 métabolites, qui ont ainsi été ciblés chez 67 patients âgés de 78 ans en moyenne, ayant présenté pour 68 % d’entre eux, des événements cardiovasculaires majeurs (infarctus du myocarde mortels ou non, AVC mortels ou non, artérite sévère des membres inférieurs nécessitant une intervention). Au terme d’un suivi de 3,5 ans, M. Federici a rapporté la survenue de 17 complications
cardiovasculaires : 5 décès d’origine cardiaque, 1 infarctus du myocarde non fatal, 7 AVC non mortels et 4 artérites sévères opérées. Après un ajustement sur les cofacteurs cardiovasculaires habituels, seuls 2 métabolites des 49 biomarqueurs ressortent comme significativement liés à la survenue de ces événements cardiovasculaires : l’acylcarnitine4 de moyenne et longue chaîne (HR : 1,77) et l’alanine5 (HR : 2,18). Les auteurs concluent donc à une association significative entre les processus de vieillissement mitochondrial et l’apparition d’événements cardiovasculaires chez les sujets âgés, diabétiques ou non, et ce indépendamment des cofacteurs de risque habituels.
Marqueurs du complément sérique et risques cardiovasculaires Le système du complément, bien connu des internistes, est un séquençage protéique complexe intervenant dans l’auto-immunité. Son rôle est bien connu dans les processus inflammatoires de nombreuses collagénoses mais aussi dans le développement du diabète de type 2 ou la survenue de complications cardiovasculaires. Les protéines de ce système auto-immun sont des proenzymes inactives qui seront activées en cascade par clivage, lors de leur sollicitation6 jusqu’à la formation finale du complexe soluble C5b-9 (sC5b-9).
4. Forme oxydée des acides gras qui pénètre dans la mitochondrie après bêta-oxydation cytoplasmique. 5. Acide aminé obtenu par transamination du pyruvate dans la mitochondrie. 6. La cascade de la voie du complément est activée par le complexe antigène-anticorps qui fixe C1 qui clivera ensuite C4, recrutant C2 pour devenir C3. Ce complexe C4b2a3b devient C5 convertase clivant C5 en C5a et C5b. Ce dernier lie C6 et C7 pour former C5b7 qui au final s’associera à C8 et C9. Ainsi se trouve formé à la membrane le complexe lytique C5b9.
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L’infarctus du myocarde chez les patients diabétiques de type 2 s’accompagnant d’une majoration de ce complexe sC5b-97, E. Hertle nous a proposé une analyse transversale des patients inclus dans l’étude multicentrique néerlandaise CODAM (pour Cohort on Diabetes and Atherosclerosis Maastricht), focalisée sur les complications macrovasculaires des diabétiques. Il s’agissait d’examiner les possibles liens entre sC5b-9, certains marqueurs de l’athérosclérose (comme l’épaisseur intima-média de la ca7. Également majoré dans les processus inflammatoires, les septicémies, les AVC pour jouer sur la perméabilité endothéliale.
rotide [cIMT] et l’index de pression systolique cheville-bras [AAIx]) et la prévalence des événements cardiovasculaires au sein d’une cohorte à haute prévalence de diabète de type 2. Au sein de la cohorte CODAM, une coupe transversale a donc sélectionné pour analyse 548 patients (61 % d’hommes, de 59 ans d’âge moyen), dont 22 % avaient une intolérance au glucose (IGM) et 26 % un diabète de type 2. Toutes les analyses statiques ont été ajustées sur l’âge, le sexe, le BMI, le tour de taille, les taux de lipides et glycémiques, la pression artérielle, le tabagisme, l’activité physique et les
thérapeutiques médicamenteuses. Les résultats n’ont pas confirmé l’attente initiale, retrouvant une prévalence des atteintes cardiovasculaires à 28 % avec une cIMT à 0,77 ± 0,16 mm, un AAIx à 1,09 ± 0,12 et un taux de sC5b-9 à 113 ± 34 ng/ml. Les auteurs concluent donc, dans cette population ciblée, à l’absence d’association significative entre ce biomarqueur inflammatoire sC5b-9 et la prévalence des atteintes athérosclérotiques ou cardiovasculaires, sur la base des repères cliniques proposés. n Dr Éric Marsaudon
Activité physique
et vieillissement Mécanismes cellulaires Introduction
pouvait apporter au plan cellulaire un entraînement musculaire régulier chez le sujet âgé.
Le bénéfice métabolique de l’activité physique sur la masse musculaire est bien connu. Cette session, consacrée aux sciences fondamentales, s’est donc focalisée sur les mécanismes cellulaires susceptibles de rendre compte de cet effet, en se penchant plus particulièrement sur le sujet âgé.
Activité physique et dynamique mitochondriale musculosquelettique Le vieillissement musculaire s’accompagne d’une diminution du nombre de mitochondries et d’une réduction de leurs fonctions (l’activité enzymatique et la densité
protéique sont réduites tandis que le stress oxydatif augmente), ce qui altère globalement la capacité de travail en aérobie et accélère de fait, les risques cardiovasculaires. Sur la base d’une amélioration des fonctions mitochondriales constatée lors d’un exercice ponctuel, C. Greggio, de l’université de Lausanne, a mesuré ce que
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Pour en évaluer les résultats, furent ainsi analysés la densité et le volume mitochondriaux de 7 sujets sédentaires, comparativement à 8 sujets entraînés (dont l’âge moyen était de 67,3 ans), après biopsie du vaste externe, 48 heures après le dernier exercice. L’entraînement consistait en une activité physique 3 fois par semaine pendant 3 mois tandis que les sujets étiquetés de sédentaires n’effectuaient un exercice qu’une fois par semaine. 313
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Après cette période d’entraînements réguliers, ont été rapportés les résultats suivants : • le BMI des sédentaires est supérieur à celui des sujets entraînés (27,55 kg/m2 versus 21,83 kg/m2 ; p = 0,002) ; • la masse graisseuse est également supérieure chez les sédentaires (28,12 kg versus 11,70 kg ; p = 0,0001) ; • la VO2 max est meilleure chez les sujets entraînés (38,21 ml/ min/kg versus 48,02 ml/min/kg ; p = 0,006) ; • la densité mitochondriale est meilleure chez les sujets entraînés (7,71 % versus 4,41 % ; p = 0,002) ; • la concentration en protéines mitochondriales (les complexes I, IV et V ; p = 0,01 et MNF 1 et 2 ; p = 0,03) est meilleure chez les sujets entraînés de même que leur niveau de mRNA mesuré par western blot. La conclusion souligne donc l’effet bénéfique d’une activité physique modérée et régulière sur la mitochondrie musculaire. Par ailleurs, il semble que l’âge ne soit pas, en lui-même, la cause de la dysfonction mitochondriale musculaire chez les sujets vieillissants, mais que cette dernière soit plutôt la conséquence d’une absence de stimulation mécanique régulière comme le procure l’exercice physique.
Effet de l’entraînement physique sur les mitochondries musculaires C’est la même équipe suisse, représentée par N.T. Broskey, qui s’est intéressée à l’impact de l’exercice physique sur l’oxydation des tissus graisseux de 13 sujets âgés (pour 53 % des 314
hommes, dont l’âge moyen était de 66,15 ans). L’entraînement physique proposé a duré 4 mois, à raison de 3 fois par semaine, débutant à 25 watts pour les femmes et 50 watts pour les hommes, puis augmenté tous les mois jusqu’à 75 % de leur fréquence cardiaque maximale théorique. L’exercice était réalisé sur bicyclette ergométrique, pendant 1 heure, à 55 % de la VO2 max. Comme précédemment, la densité mitochondriale était mesurée après biopsie du vaste externe. Les résultats furent les suivants : • réduction du poids et du BMI de 2,3 % (p = 0,05) ; • réduction de la masse grasse de 8,5 % (p = 0,05) ; • augmentation de la VO2 max de 16,3 % (p = 0,05) ; • majoration de la densité mitochondriale de 58,2 % (p = 0,05) ; • majoration de la dépense énergétique aux dépens du tissu graisseux de 36,3 % (p = 0,002). La densité mitochondriale était corrélée positivement à la capacité musculaire mais pas à la dépense énergétique d’origine graisseuse ou glucidique, tandis que l’efficacité de l’effort physique était corrélée à la VO2 max mais indépendante du poids ou du BMI. Ces données confirment donc les constats de la communication précédente en matière de capacité d’amélioration de la fonction mitochondriale musculaire après un entraînement physique régulier et modéré chez le sujet âgé. Cette action à l’échelle protéique a d’ailleurs une traduction clinique tangible par un accroissement de l’aptitude physique globale à l’effort concomitamment à un effet bénéfique sur la masse graisseuse totale.
étude électrodiab Deux équipes françaises (Caen et Rouen) ont présenté leurs travaux sur les effets métaboliques de l’électrostimulation musculaire. Dans le domaine de la rééducation fonctionnelle, on connaît bien l’effet bénéfique de cette stimulation sur le volume et la force musculaires, il s’agissait ici d’explorer ses potentiels effets positifs sur l’insulinosensibilité et l’amélioration de l’équilibre des diabétiques de type 2, à l’instar de ce qui est habituellement décrit après une activité physique régulière. Cette étude multicentrique prospective a donc inclus 15 patients diabétiques de type 2 (dont l’âge moyen était de 60,1 ans, la durée moyenne de diabète de 12,3 ans, le BMI de 32,9 et l’HbA1c de 7,3 %) sous antidiabétiques oraux et/ou sous analogues du GLP1 depuis plus de 3 mois. L’insulinosensibilité était évaluée par clamp euglycémique hyperinsulinique (80mUI/m2/min) pour chaque sujet, avant toute stimulation (T0), puis 1 h après une électrostimulation unique (T1), puis après une semaine d’électrostimulation biquadricipitale de 25 minutes, quotidienne (T2). Les résultats furent très encourageants puisque pour les patients répondeurs comme pour les nonrépondeurs, l’insulinosensibilité s’est améliorée comparativement à T0, de 11,3 ± 40,8 % (ns) pour T1 et 28,3 ± 38,4 % (p < 0,05) pour T2. S’agissant des 8 sujets qualifiés de répondeurs, les résultats sont bien meilleurs puisque chiffrés à 36,8 ± 37,7 % pour T1 et 58,3 ± 24,9 % pour T2. La mesure calorimétrique de la dépense énergétique indirecte pour une stimulation électrique
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moyenne fut également augmentée de 93,6 ± 176,8 kcal/h (c’est-àdire de + 5,2 ± 9,4 % comparativement au repos). Les auteurs concluent donc qu’après une électrostimulation biquadricipitale quotidienne de 25 minutes pendant une semaine, une amélioration de l’insulinosensibilité d’environ 30 % a pu être constatée chez des patients diabétiques de type 2, et ce malgré une faible dépense énergétique. Ces données sont donc encourageantes pour ces patients souvent obèses et sédentaires, qui par ailleurs peuvent présenter des troubles podologiques, artériels, périphériques ou coronariens susceptibles d’handicaper leurs capacités aux exercices physiques plus conventionnels.
Une meilleure biodisponibilité de l’IGF-1 infléchit la perte d’insulinosensibilité
Après 8 semaines, bien que la tolérance globale au glucose des deux groupes fut la même, l’insulinosensibilité de BP1KO (376,5 ± 20,05) fut significativement meilleure (p < 0,05) que WT (483,94 ± 21,6). Par ailleurs, les souris BP1KO sont plus lourdes (26,4 ± 0,4 g) que les souris sauvages (25,8 ± 0,25) en raison d’une différence en tissus graisseux (KO : 3,7 ± 0,42 g versus WT : 2,3 ± 0,32 ; p < 0,05). Après 16 semaines, la dégradation reste nette dans les deux groupes s’agissant aussi bien de leur tolérance au glucose (KO : 615 ± 63 et WT : 803 ± 40,6) que de leur insulinorésistance (KO : 360 ± 12,4 et WT : 517,5 ± 15,9), mais elle était significativement moins importante dans le groupe BP1KO. Ces souris sécrétaient moins d’insuline que le groupe contrôle en réponse aux tests glucosés et leur prise de poids, après alimenta-
Plusieurs études ont déjà montré une corrélation entre de faibles taux circulants d’IGF-1 et le risque de survenue d’un diabète de type 2. P. Crossey et son équipe irlandaise ont donc considéré qu’une majoration de cette hormone pouvait avoir des effets bénéfiques sur l’insulinosensibilité et l’équilibre glycémique. Le modèle animal utilisé fut la souris déficiente en protéines porteuses d’IGF-1 (souris dites BP1KO), qui augmentent de fait leurs taux libres circulants, comparativement à la souris sauvage (dite WT ou Wild Type). Les deux groupes ont ainsi été nourris, soit sur la base d’une alimentation normale, soit sur celle d’une alimentation diabétogène (45 % de l’apport calorique en lipides). Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
tion hyperlipidique était moindre (12,7 ± 0,3 g) que celle des souris sauvages (19,5 ± 0,44 g ; p < 0,01). L’analyse de leur composition corporelle permettait de constater, après alimentation hyperlipidique, une perte de la masse musculaire au profit du tissu graisseux chez les souris sauvages, tandis que les souris BP1KO gagnaient de la masse maigre aux dépends de la masse grasse. Lors d’une alimentation normale, les souris WT ne changeaient pas de composition corporelle tandis que les BP1KO bénéficiaient toujours d’un gain en masse maigre et d’une perte en masse grasse. Leur profil endocrine, résumé dans le tableau 1, rappelle les différences en leptine, résistine et TNFα. On remarquera que les taux d’IGF-1 libres sont près de
Tableau 1 - Profil endocrine des souris. KO NC
WT NC
KO HF
WT HF
IGF-1 totale (ng/ml)
B
241,3
206,4
-
-
IGF-1 libre (ng/ml)
B
2,578
0,940
-
-
Insuline (ng/ml)
B E
0,782 0,288
0,277 0,353
0,654
0,765
GH (ng/ml)
B E
2,933 6,729
6,002 3,735
6,055
5,166
B E
0,186 0,340
0,630 1,490
6,316
8,173
Résistine (ng/ml)
B E
2,254 1,777
2,445 2,309
3,491
4,065
IL-6 (ng/ml)
B E
6,45 29,17
8,31 18,94
21,64
56,71
B E
10,02 8,57
6,63 3,62
2,49
14,12
B E
15,78 32,21
17,59 18,13
39,63
43,46
B E
1,94 1,70
1,89 1,64
1,64
2,30
Leptine (ng/ml)
MCP-1 (pg/ml) TNFα (pg/ml) Acides gras libres (microg/ml)
KO NC : souris BP1KO, alimentation normale ; WT NC : souris sauvage, alimentation normale ; KO HF : souris BP1KO, alimentation riche ; WT HF : souris sauvage, alimentation riche.
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DOSSIER
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DOSSIER
3 fois plus élevés chez les souris BP1KO comparativement à la souche sauvage alors même que les dosages d’IGF-1 totaux sont pratiquement les mêmes. Les auteurs concluent donc que l’élévation du taux d’IGF-1 libre a un effet bénéfique aussi bien sur la perte de l’insulinosensibilité que sur celle de la tolérance au glucose, toutes deux décrites lors du vieillissement et dans le diabète de type 2. Ils suggèrent que des facteurs améliorant cette concentration hormonale sanguine pourraient être proposés au plan thérapeutique.
Impact de l’exercice physique et du resvératrol sur la pyruvate déshydrogénase musculaire Lors du métabolisme oxydatif des hydrates de carbone, la pyruvate déshydrogénase (PDH) est une enzyme permettant la conversion du pyruvate en acétyl CoA, métabolisé ensuite par le cycle de Krebs dans la mitochondrie. L’exercice physique améliore ces capacités oxydatives musculaires et il semble que, chez le rat, le resvératrol (RSV), un polyphénol retrouvé dans la peau du raisin noir, puisse exercer le même effet bénéfique en utilisant ces voies mitochondriales. Une équipe danoise s’est donc intéressée à l’impact de l’activité physique et du resvératrol sur la capacité musculaire de la souris.
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Deux souches ont ainsi été retenues : des souris sauvages et des souris KO pour PPAR alpha coactivateur, un coactivateur transcriptionnel mitochondrial. Toutes les souris ont été nourries soit avec des repas normaux, soit avec des repas hyperlipidiques. Quatre propositions nutritionnelles ont ainsi été sélectionnées : alimentation lipidique seule ; alimentation lipidique + RSV (4 g/kg) ; alimentation lipidique + exercice physique ; alimentation lipidique + exercice physique + RSV (4 g/kg). Après 16 semaines d’une alimentation riche en lipides seule, l’activité de la PDH fut bien sûr moindre chez les souris KO que chez les souris sauvages (p < 0,05). Lorsqu’un exercice physique a été associé à l’alimentation riche en lipides, cette activité PDH altérée a été améliorée chez les souris sauvages, tandis qu’elle n’a eu aucun bénéfice chez les souris KO. S’agissant de souris sous RSV et de celles sous RSV avec un exercice, il n’y eut aucun effet sur l’activité mitochondriale. En conclusion, cette expérience animale montre que l’exercice physique freine l’impact négatif de l’alimentation hyperlipidique sur l’activité oxydative mitochondriale musculaire de la souris en passant par un PPAR alpha coactivateur. Par ailleurs, le resvératrol n’a pas démontré d’effet bénéfique sur la pyruvate déshydrogénase et semble même limiter l’action bénéfique de l’activité musculaire concomitante. Cette équipe a donc élargi son étude à l’Homme, dont les résul-
tats furent présentés dans une seconde communication. Ce sont 43 hommes sédentaires, âgés de 64,9 ans en moyenne et dont le BMI moyen était à 24,9, qui furent randomisés en 4 groupes (avec ou sans resvératrol 250 mg, avec ou sans exercice physique) pour une observation sur 8 semaines. Les mesures se sont focalisées sur la VO2 max avant et après cette période expérimentale et sur le contenu en cytochrome C musculaire après une biopsie du vaste externe, avant et après l’étude. Les résultats ont montré que tous les sujets des groupes “exercice + placebo” et “exercice + RSV” comparativement aux patients restés sédentaires, ont augmenté leur VO2 max (respectivement 19 % et 13 %) de même que leur contenu musculaire en cytochrome C oxydase (environ 1,5 fois plus). En revanche, le groupe utilisant un placebo est resté plus performant que le groupe sous RSV tant sur leurs paramètres respiratoires que sur leurs capacités musculaires mesurées par le temps écoulé avant épuisement. En conclusion, comme pour l’animal, le resvératrol, parfois présenté comme un produit aux effets exercice-like au plan mitochondrial, n’a fait preuve d’aucune efficacité sur les performances oxydatives du muscle n squelettique du sujet âgé.
Dr Éric Marsaudon
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K Recherche de
l’équilibre glycémique Le cas des hypoglycémies Introduction Cette session consacrée à l’équilibre glycémique et à la potentielle survenue d’hypoglycémies chez les diabétiques de type 1 comme de type 2, a fait la part belle à la nouvelle insuline degludec qui vient d’avoir l’aval commercial de l’Agence européenne du médicament. La fin d’après-midi fut plus particulièrement consacrée aux attitudes préventives en face des hypoglycémies induites par l’effort.
IDegAsp ou aspart 30 chez les diabétiques de type 2 ? Une métaanalyse IDegAsp1 est une nouvelle insuline associant 70 % d’insuline degludec2 (IDeg) et 30 % d’insuline aspart3 (IAsp) permettant ainsi de combiner en une injection une insuline de très longue durée à une insuline d’action rapide et courte. L’objectif de cette métaanalyse est d’évaluer la survenue des hypoglycémies sous cette nouvelle thérapie comparativement à un traitement combiné de référence, l’insuline biphasique aspart 304 (BIAsp 30). La définition de l’hypoglycémie pour l’étude a été chiffrée en deçà de 3,1 mmol/l5, la sévérité de cette dernière étant cotée par la notion d’une assistance au resucrage.
L’analyse des deux études de phase 3a randomisées, en intention de traiter, de diabétiques de type 2 sous deux injections par jour, soit de IDegAsp, soit de BIAsp, a montré des résultats similaires en termes d’HbA1c (IDegAsp : 7,06 % versus BIAsp 30 : 7,07 %). Néanmoins, la glycémie à jeun était meilleure sous IDegAsp (-1,12 mmol/l ; p < 0,0001) qui, par ailleurs, permettait une moindre prise de poids (-0,50 kg ; p = 0,012). La dose totale d’insuline injectée en fin d’étude était plus faible sous IDegAsp que sous BIAsp 30 (0,9 U/ kg versus 1,1 U/kg ; p < 0,0001) de même que le nombre total d’hypoglycémies (-19 % ; p = 0,03), notamment la nuit (-57 % ; p < 0,0001). Les formes sévères furent peu
fréquentes sur l’ensemble de l’étude et moins nombreuses sous IDegAsp (-39 % ; p = 0,27). Durant la période d’entretien (16 semaines après l’obtention de la valeur glycémique cible et de la stabilisation de la dose d’insuline), la fréquence des hypoglycémies sévères fut significativement moins importante sous IDegAsp que sous BIAsp 30 (-84 % ; p = 0,0061). Il en fut de même pour le nombre total d’hypoglycémies (-31 %) et le nombre d’hypoglycémies nocturnes (-62 %) (Tab. 1). Il n’y a pas eu de différence entre les deux insulines s’agissant des paramètres sécuritaires, notamment de la survenue d’événements cardiovasculaires (IDegAsp : 4 événements versus 7 événements pour BIAsp 30). La conclusion de cette première présentation sponsorisée par Novo Nordisk® est donc bien sûr en faveur de la combinaison degludec-aspart qui réduit significativement la glycémie à jeun avec moins d’insuline, moins de prise
Tableau 1 - Comparaison de la fréquence des hypoglycémies. 1. Insuline ayant obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en 2014 sous le nom de Ryzodeg®. 2. Nouvelle insuline de Novo Nordisk® d’action ultralente qui, sur le plan moléculaire, possède une délétion de la thréonine en position B30 associée au rajout d’une chaîne d’acides gras à 16 carbones en position B29. Sa caractéristique principale est de former des chaînes de multihexamères d’insuline dans le tissu sous-cutané, ce qui allonge sa demi-vie qui est de 25,4 h comparativement à 12,5 h pour la glargine. Au final, sa durée d’action est de plus de 40 heures. Par ailleurs il semble qu’elle possède une très faible variabilité intra-individuelle d’une injection à l’autre. Elle a obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en janvier 2013 sous le nom de Tresiba®. 3. Novorapid®. 4. NovoMix 30®. 5. Soit 0,55 g/l.
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Rapport IDegAsp/BIAsp 30 Période d’entretien
WT NC
Hypoglycémies totales
0,81 ; p = 0,0341
0,69 ; p = 0,0015
Hypoglycémies nocturnes
0,43 ; p < 0,0001
0,38 ; p < 0,0001
Hypoglycémies sévères
0,61 ; p = 0,2661
0,16 ; p = 0,0061
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de poids et moins d’hypoglycémies que sa grande sœur NovoMix 30.
Insuline analogue et fréquence des hypoglycémies sévères chez le diabétique de type 1 : l’essai HypoAna L’insulinothérapie du diabétique de type 1 est parfois difficile au regard des risques d’hypoglycémies induites. Comparativement aux autres insulines, les insulines analogues ont montré un bon contrôle des paramètres glycémiques avec un risque théorique de moindre fréquence d’hypoglycémies. Pour ces molécules, toutefois, la survenue d’hypoglycémies sévères et leur récurrence n’a pas été clairement analysée, les patients à fort risque étant souvent exclus des grandes études. L’essai HypoAna s’est donc attaché à quantifier, chez les patients à haut risque d’hypoglycémies, le risque de survenue d’hypoglycémies sévères après utilisation d’une insuline analogue comparativement à une insuline humanisée.
ciant des insulines analogues a réduit de 31 % (p = 0,007) le risque d’hypoglycémies en intention de traiter et de 30 % (p = 0,012) en per-protocole, correspondant à une réduction de 0,5 épisode par patient et par an (55 % d’hypoglycémies ont été notées avec l’insuline humanisée comparativement à 39 % pour l’association aspart/ detemir). La réduction porte surtout sur les hypoglycémies nocturnes et ce, avec une moyenne glycémique identique (HbA1c : 8,0 ± 1,0 %) dans les deux bras (on note une différence non significative de 0,13 % en faveur de l’association aspart/detemir). La conclusion de cette seconde étude sponsorisée par Novo Nordisk® souligne une réduction significative des risques d’hypoglycémies sévères chez les diabétiques de type 1 traités par l’association aspart/detemir comparativement au traitement par insuline humanisée, tout en assurant un même niveau d’équilibre glycémique global.
Fréquence des hypoglycémies induites par l’exercice sous les insulines deglutec et glargine
aux fins de minorer ces risques d’hypoglycémies à l’effort. Sept études randomisées en intention de traiter ont donc comparé l’insuline IDeg à l’insuline glargine7 (IGlar) une fois par jour. Les essais, de 26 ou 52 semaines, ont été pratiqués aussi bien chez des diabétiques de type 1 (n = 1 116) que chez les diabétiques de type 2 (n = 3 598). Les hypoglycémies argumentées, en lien avec l’activité physique, étaient rapportées par les patients (hypoglycémies : en deçà de 3,1 mmol/l8 ; hypoglycémies sévères : assistance d’un tiers ; hypoglycémies nocturnes : entre minuit et 6 heures du matin). Durant la première période de suivi de 26 semaines, les hypoglycémies non liées à l’effort furent identiques pour tous les groupes (17 % d’hypoglycémies totales ; 36 % d’hypoglycémies la nuit) de même que durant la seconde période d’entretien de 52 semaines (25 % d’hypoglycémies totales ; 49 % d’hypoglycémies nocturnes). S’agissant des hypoglycémies induites par l’effort, les résultats, rapportés dans le tableau 2, objectivent un même pourcentage dans le groupe IDeg que dans le groupe IGlar et ce, pour les diabétiques de type 1 (DT1) comme pour les diabétiques de type 2 (DT2). À noter, dans les deux bras, une plus grande fréquence des hypoglycémies chez les diabétiques de type 1.
L’étude prospective, randomisée en double aveugle a donc inclus 159 diabétiques de type 1 ayant présenté plus de deux hypoglycémies sévères dans l’année précédente. Les deux groupes ont bénéficié, selon un dessin en crossing over, d’un schéma basal-bolus utilisant soit des insulines analogues (aspart/detemir), soit des insulines humanisées (rapide/NPH). Le critère primaire d’analyse fut la fréquence des hypoglycémies sévères définies par la nécessaire assistance d’un tiers pour correction.
L’insuline degludec6 (IDeg), nouvelle insuline basale d’action ultra longue et très stable au plan pharmacologique, a donc été conçue
La conclusion de cette troisième présentation sponsorisée par Novo Nordisk® notifie l’absence de risque supérieur d’hypoglycémies induites par l’effort, après utilisation d’insuline deglutec comparativement à l’insuline glargine.
Après 2 ans, le traitement asso-
6. Commercialisée par Novo Nordisk® et ayant obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en janvier 2013 sous le nom de Tresiba®.
7. Lantus® commercialisée par Sanofi-Aventis®. 8. Soit 0,55 g/l.
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L’exercice physique augmente la consommation glucidique et améliore l’insulinosensibilité, sources d’hypoglycémies bien connues. Leur survenue est fonction de l’intensité de l’effort mais aussi de la dose d’insuline injectée et de ses propriétés pharmacodynamiques.
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DT1
DT1
DT2 basal/ bolus
DT2 basal/ bolus
DT2 basal/ oral
DT2 basal/ oral
IDeg
IGlar
IDeg
IGlar
IDeg
IGlar
Nombre de patients
801
315
753
251
1 734
860
Nombre d’hypoglycémies confirmées
769
303
609
206
779
380
Nombre d’hypoglycémies induites par l’effort (% de confirmation)
614 (80 %)
242 (80 %)
311 (51 %)
106 (51 %)
163 (21 %)
83 (22 %)
Analyse rétrospective des hypoglycémies survenues sous antidiabétiques oraux (étude SIMEU) Cette étude italienne, dont les résultats intermédiaires furent exposés par G. Marchesini représentant l’université de Bologne, s’est intéressée aux 2 889 hypoglycémies survenues chez des diabétiques de type 2, répertoriées dans 38 services d’urgence pendant 18 mois (de janvier 2011 à juin 2012). Les diabétiques concernés par cette enquête avaient en moyenne % des 71 ans, étaient pour 51 hommes et l’hypoglycémie chiffrée disponible était en moyenne de 0,44 g/l. L’analyse des médications utilisées et potentiellement en lien avec cette symptomatologie, précise les données suivantes : dans 64 % des cas, le traitement était à base d’insuline (seule pour 32 % des cas, associée à des antidiabétiques oraux pour 32 % des patients), dans 62 % des cas il s’agissait de sulfamides, dans 55 % des cas de la metformine, dans 15 % des cas de la répaglinide, dans 4 % des cas de l’acarbose, dans 2 % des cas de la pioglitazone, dans
2 % des cas des inhibiteurs des DPP4 et dans 1 % des cas des analogues du GLP-1. Dans 80 % des hypoglycémies induites par des traitements non insuliniques, on retrouvait soit des sulfamides, soit de la répaglinide. Parmi les sulfamides, les plus impliqués furent le glibenclamide (61 %), puis le glimepiride (22 %), le gliclazide (14 %) et le glipizide (1 %). Les hypoglycémies furent responsables de traumatismes 234 fois (157 sous insuline) et d’accidents de voiture 39 fois (25 sous insuline). Les hypoglycémies ont été prises en charge pour 18 % par les patients eux-mêmes et pour 51 % par le personnel hospitalier aux urgences. Dans ces services, le contrôle glycémique sanguin était en moyenne chiffré à 0,78 ± 0,53 g/l et l’hypoglycémie fut traitée par voie orale dans 19 % des cas, par voie intraveineuse pour 28 % des situations et par intramusculaire de glucagon pour 2 % des patients. Dans les suites de l’admission, 44 % des patients ont pu être adressés directement à leur médecin généraliste, 18 % sont restés en observation moins de 24 heures, 31 % ont été hospitalisés pour une
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durée moyenne de 8 jours et 7 % ont refusé cette surveillance. On déplore 6 morts aux urgences et 77 décès en cours d’hospitalisation (9 % du total des admis). La conclusion rappelle le lourd tribut que payent aussi bien les diabétiques que la société (notamment le National Health System), aux hypoglycémies qui ne sont pas seulement dues à l’insuline...
Besoins supplémentaires en hydrate de carbone des diabétiques de type 1 ayant une activité physique standardisée Les patients diabétiques de type 1 bénéficiant d’une insulinothérapie intensive ont tendance à faire des hypoglycémies à l’effort, nécessitant soit une modification des doses d’insuline, soit un apport supplémentaire en hydrates de carbone. Afin de quantifier ces éventuels besoins, une équipe allemande a mené une étude prospective en crossing over de 24 diabétiques de type 1 sous insulinothérapie intensive. Les caractéristiques de ces patients étaient les suivantes : • âge : 41 ± 12 ans ; 319
DOSSIER
Tableau 2 - Hypoglycémies induites par l’effort.
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• 11 femmes pour 13 hommes ; • BMI : 26,5 ± 4,7 kg/m2 ; • durée de diabète : 16 ± 11 ans ; • HbA1c : 9,1 ± 1,5 % ; • dose d’insuline : 0,64 ± 0,22 IE/ kg par jour ; • nombre d’hypoglycémies par semaine : 1,7 ± 1,5 ; • seuil de perception de l’hypoglycémie : 0,60 ± 0,15 g/l. Les volontaires randomisés ont participé à des sessions d’entraînement standardisées (4 km de marche pour environ 60 minutes), débutées à 14 heures et avec trois bras de comportements nutritionnels : • pas de compensation additionnelle ; • compensation par 10 g d’hydrates de carbone ; • compensation par 20 g d’hydrates de carbone. Les collations (barres de muesli) étaient proposées au début et après 30 minutes d’activité. Les contrôles glycémiques étaient proposés à 14 h, 14 h 30, 15 h, 16 h et 8 h le lendemain. Les résultats ont montré que, pendant et après l’effort, indépendamment de l’apport préventif, la glycémie chutait uniformément et approximativement de 1,75 g/l à 14 h (soit 2 heures après le repas), à environ 1,0 g/l à 14 h 30. Les patients ont donc dû être resucrés avec de grandes quantités de glucides (p = 0,0036 pour 40 g comparé à 0 g) qui furent toutefois moindres lorsqu’une administration préalable de glucides avait été proposée (20 g ; p = 0,017 et 40 g ; p = 0,015). Les hypoglycémies furent souvent asymptomatiques et, de fait, dépistées seulement par la fréquence des glycémies capillaires. Pour conclure, les auteurs constatent que la quantité de 320
glucides proposée préventivement pour éviter les hypoglycémies secondaires à un effort modéré de 1 heure, fut trop faible et trop tardive. Ils recommandent toutefois une prise précoce de 40 g d’hydrates de carbone à absorption rapide au cours de l’exercice et suggèrent la poursuite d’essais ultérieurs pour en optimiser l’approche.
Quel est le meilleur algorithme pour réduire le risque d’hypoglycémie à l’effort chez les diabétiques de type 1 sous pompe à insuline ? Puisqu’il n’existe pas encore de consensus en matière d’ajustement des doses d’insuline pour les diabétiques de type 1 sous pompe à insuline lors d’une activité physique, l’équipe de G. Charpentier a présenté ses réflexions en la matière. L’étude a réuni 20 diabétiques de type 1 pratiquant une activité physique de loisir, dont l’HbA1c était inférieure à 9 %. Ces derniers ont effectué 4 tests physiques à 48 heures d’intervalle (30 minutes de bicyclette ergométrique) 3 heures après un repas et ce, à 2 niveaux d’intensité (50 % et 75 % de la VO2 max mesurée avant tout effort). Pour ces deux paliers, deux réductions de débit basal était proposées : 50 % ou 80 % pour les efforts à 50 % de VO2 max, et 80 % ou 100 % pour les efforts à 75 % de la VO2 max. Cette réduction était assurée pendant l’effort et 2 heures après. Les hypoglycémies étaient mesurées par CGMS. Les caractéristiques des patients étaient les suivantes : • 11 hommes ; • BMI : 24 ± 5 kg/m2 ;
• âge moyen : 45 ± 12 ans ; • HbA1c : 7,9 ± 0,7 % ; • ancienneté du diabète : 17,6 ± 10 ans ; • sous pompe depuis 5 ans ; • pratique du sport de loisir : en moyenne 4,3 heures par semaine. Pour une activité modérée (50 % de la VO2 max), la réduction de 80 % des débits de base a permis d’éviter plus d’hypoglycémies que dans le cas d’une réduction de 50 %, sans pour autant voir apparaître concomitamment d’hyperglycémies. Pour une activité intensive (75 % de la VO2 max), le meilleur ajustement a été d’arrêter la pompe durant l’effort et de reprendre les débits habituels à la fin de l’exercice. Dans tous les cas, la glycémie la plus basse est apparue à la fin de l’effort (30 minutes). Pour les sujets assurant un effort à 50 % de la VO2 max, la diminution de la glycémie était en moyenne de 0,72 g/l. Pour ceux réalisant un effort à 75 % de la VO2 max, la diminution fut de 0,67 g/l pour un débit arrêté et de 0,72 g/l lorsque la réduction des débits était de 80 %. En conclusion, il semble que pour prévenir les hypoglycémies lors d’un effort modéré, une réduction de 80 % des débits de base durant l’activité et 2 heures après, soit une recommandation acceptable. Lors d’un effort plus intense, la solution passera par un arrêt temporaire des débits, qui ne doivent être repris qu’à la fin de l’exercice. Bien sûr, même après arrêt, il faut garder à l’esprit que l’action de l’insuline sous-cutanée résiduelle peut être responsable de malaises, suggérant peut-être une seconde piste passant par la réduction des doses 30 minutes avant l’effort. n
Dr Éric Marsaudon
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
Interspécialités
Philosophie et éthique de la maladie chronique Réflexion Yannis Constantinidès*
Introduction Les maladies chroniques sont le plus souvent abordées comme un problème de santé publique : on s’inquiète de leur recrudescence, on s’interroge sur les traitements possibles, etc. Mais avant d’être une catégorie médicale bien identifiée, la pathologie chronique est une expérience radicale de vie qui transforme de part en part le “réprouvé” ayant goûté bien malgré lui de ce fruit amer. Il doit désormais s’accommoder d’une existence diminuée, asservie au rythme de la maladie. L’éducation thérapeutique dont il bénéficie peut certes atténuer son sentiment de dépendance, mais cette autonomie nouvelle reste très relative et surtout constamment assistée. Il est donc absurde de faire du patient le responsable de sa santé même si cela part d’un bon sentiment.
LA PERTE DOULOUREUSE DE L’INNOCENCE ORGANIQUE La maladie, même bénigne ou passagère, est toujours une expérience marquante dans la mesure où l’on y prend brutalement conscience des limites réelles de son corps. Cette lucidité amère tranche avec l’insouciance, la légèreté de la “bonne” santé. Georges Canguilhem a en ce sens très opportunément comparé le fait de tomber malade à la Chute biblique, les “coupables” étant impitoyablement chassés du paradis de l’harmonie physique et spirituelle, et condamnés à errer sans fin en échange d’une connaissance claire et douloureuse dont ils se seraient au fond bien passés. « La santé, c’est l’innocence organique. Elle doit être perdue, comme toute innocence, pour qu’une connaissance soit possible. » (1)
LES LEÇONS DE LA MALADIE
*Philosophe et formateur en éthique médicale, Paris
La maladie agit ainsi comme un terrible révélateur de la précarité mais aussi de la grande valeur pour nous de la santé, qui nous semblait jusque-là aller de soi. C’est avec nostalgie que nous contemplons alors la condition édénique (la santé parfaite) dont nous sommes déchus.
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Canguilhem parlait de la maladie grave en général, mais cette métaphore suggestive de la Chute s’applique tout particulièrement à la maladie chronique puisqu’un patient guéri retrouvera rapidement ce sentiment illusoire mais précieux d’invulnérabilité que le malade au long cours n’éprouvera plus jamais. Même si « aucune guérison n’est retour à l’innocence biologique » (2), la reconquête de la santé fait que l’on peut oublier cette alerte et redevenir insouciant voire imprudent, un luxe que ne peuvent à l’évidence se permettre ceux qui doivent vivre en permanence avec leur maladie. C’est la possibilité de l’excès, de l’abus de santé, comme le dit Canguilhem, qui leur est ôtée. La rupture existentielle entre l’avant et l’après, que symbolise l’annonce du diagnostic, ne saurait être plus marquée qu’ici.
« Vivre d’une autre vie » Vivre avec ce savoir que l’on est foncièrement malade modifie évidemment toute la représentation du monde que l’on a. Les progrès, notamment technologiques, dans la prise en charge des maladies chroniques, du diabète en particulier, ont occulté cette dimension subjective pourtant fondamentale du 321
Interspécialités
rapport à un corps constamment et définitivement diminué. Accepter cette réalité désolante oblige le patient à une réorganisation psychique d’autant plus délicate qu’elle doit intervenir parfois très précocement ou, ironiquement, dans la force de l’âge. On comprend dès lors que certains malades soient passablement irrités par la méthode Coué préconisée par les livres blancs qui assurent que l’on peut vivre « normalement » ou « comme les autres » tout en ayant une maladie chronique. Cela part, certes, d’une bonne intention, mais le cancéreux ou le diabétique mesure aisément ce qui le distingue des autres, qui n’ont pas à surveiller leur propre corps sans arrêt, et sait pertinemment que la vie à peu près normale qu’il mène est rendue possible par une routine sans faille du soin. Ce n’est pas la même normalité ici et là, comme l’a montré Canguilhem, dans la mesure où la « normativité biologique » du malade chronique est bien inférieure à celle de l’homme sain ; ses possibilités de vie sont réduites et l’expérience constante qu’il fait est celle de sa limitation, de sa dépendance.
Envisager le corps dans sa globalité Rejetant l’affirmation par Claude Bernard d’une continuité du normal et du pathologique, qui permettait notamment de justifier une approche purement quantitative du diabète, Canguilhem avance l’idée d’une différence qualitative entre les deux états qui apparaît clairement si on se place comme Hippocrate du point de vue du corps dans sa globalité. Plutôt donc que de réduire le diabète à un taux variable de glycémie, il faut l’envisager comme « un événement intéres322
La pathologie chronique est une expérience radicale de vie qui transforme de part en part le “réprouvé” ayant goûté bien malgré lui de ce fruit amer. sant l’organisme vivant pris dans son tout » : « devenir diabétique c’est changer de rein, proposition qui ne semblera absurde qu’à ceux qui identifient une fonction et son siège anatomique » (3). La démarche quantitative n’occulte pas seulement la vie psychique de la maladie, elle est aussi scientifiquement inexacte, car partielle et simpliste. C’est en effet dans le but de mieux appréhender médicalement le diabète que Canguilhem insiste sur l’altération radicale de l’état normal du corps que cette pathologie entraîne : « Être malade c’est vraiment pour l’Homme vivre d’une autre vie, même au sens biologique du mot. Pour en revenir encore une fois au diabète, la maladie n’est pas du rein, par la glycosurie, ni du pancréas par l’hypo-insulinémie, ni de l’hypophyse ; la maladie est de l’organisme dont toutes les fonctions sont changées » (4). Localiser la maladie par commodité, c’est ignorer le fait pourtant évident que le diabète affecte l’ensemble du corps et pas seulement tel ou tel organe. Le « sentiment de vie contrariée » (5) du diabétique correspond ainsi rigoureusement à la réalité organique.
Une maladie sans fin Trahi par son propre corps Comme l’on peut aujourd’hui survivre malgré une insuffisance rénale chronique, les médecins tendent à banaliser l’expérience du diabète, sous prétexte qu’il est
de mieux en mieux “géré”. Or, si l’on prend vraiment au sérieux le vécu douloureux du malade chronique, on s’aperçoit qu’une prise en charge efficace n’atténue pas l’impression désagréable d’être trahi par son propre corps. Un auteur diabétique parle de la sorte du « changement définitif de statut et d’identité » (6) qui s’opère au moment de l’annonce de la maladie. On n’a plus affaire à la même personne une fois le couperet tombé : la maladie, devenue une réalité quotidienne et incontournable, oblige le malade à modifier profondément sa perception de la vie et de son être propre. Il ne s’agit pas tant pour lui de surmonter le déni pour aller vers l’acceptation, comme l’affirme la vulgate psychologique dominante, mais de prendre simplement acte de ce changement qui a de toute façon déjà eu lieu et de coïncider avec son nouveau moi diminué. Philippe Barrier évoque de la sorte avec humour sa « carrière de diabétique » (7), cette seconde vie étant plus subie qu’assumée.
Privé de son avenir Le malade chronique est de fait privé de son avenir, qui se résout en destin. Sa vie devient totalement prévisible, tout entière centrée sur le traitement, qui est lui aussi chronique. De là se dégage une impression de fatalité assez désespérante. Comme l’écrit la philosophe Claire Marin, elle-même atteinte d’une maladie chronique, « tout ce qui est pénible dans l’expérience ponctuelle de la maladie est sans
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philosophie et éthique de la maladie chronique
cesse réitéré dans la maladie chronique. En ce sens, l’image de Sisyphe est peut-être l’une de celles qui illustrent le parcours du malade et la manière dont il peut se représenter lui-même » (8). Difficile en effet d’imaginer Sisyphe heureux d’être sous constante surveillance médicale…
Une sorte de schizophrénie temporelle Le malade chronique n’a pas le loisir, comme tout un chacun, de perdre son temps. Non qu’il lui soit forcément compté, mais parce qu’il doit le “gérer” au mieux, sa vie étant rythmée par son affection, ce qui lui ôte toute spontanéité. La manière de percevoir le temps est de ce fait radicalement différente puisqu’on est contraint d’être constamment à l’écoute de son corps, que l’on oublie en revanche lorsqu’il fonctionne bien. Être atteint d’une maladie sans fin entraîne ainsi une sorte de schizophrénie temporelle, comme le souligne très justement Claire Marin : « Dans la maladie chronique, le rapport au temps est d’autant plus complexe que les temporalités se chevauchent, le malade doit jongler avec une logique de l’instant et celle de la durée. Il lui faut à la fois savoir vivre au jour le jour, pour profiter des bons moments, dans la temporalité de l’instant, et d’autre part, ne pas renoncer à penser dans la durée et s’efforcer d’agir dans la continuité : s’astreindre à la constance, à la régularité dans le suivi des traitements, des prescriptions, dans le respect des interdictions, pour juguler la maladie. Entre épicurisme forcé et logique de la prudence, le malade est pris dans un dilemme sans fin » (9).
Expérience éminemment singulière, la maladie chronique oblige celui qui en pâtit à rebâtir sa vie autour d’elle, donc à lui donner sens. Certes, on peut par bravade refuser cette vie réglée à l’extrême, cette confiscation du temps vécu, mais ce serait se condamner à une accélération de la maladie, à une exacerbation de sa chronicité.
Une autonomie bien réduite La non-compliance, qu’elle soit simple négligence ou refus conscient de se conformer, est malgré tout l’expression d’une saine révolte contre la loi d’airain de la maladie, son ordre établi. Pour filer la métaphore biblique du paradis perdu, la tentation est grande de ne pas suivre les recommandations des médecins tout-puissants. Aller à l’encontre de son intérêt vital, c’est faire preuve au mieux de légèreté, au pire d’inconscience, mais cela peut être aussi un moyen extrême d’affirmer sa liberté, comme l’a bien montré Descartes dans sa lettre au Père Mesland du 9 février 1645 : « Il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d’admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c’est un bien d’affirmer par là notre libre arbitre ».
UNE RESPONSABILITÉ ÉCRASANTE Le paradoxe est que l’on fait aujourd’hui consister l’autonomie du malade dans la compliance, dans l’autosurveillance continue. Le but de l’éducation thérapeutique du patient, on le sait, est de le responsabiliser, d’en faire un acteur du soin. Ce faisant, on le
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considère comme un être rationnel, pouvant et devant s’occuper de sa propre santé alors même que sa volonté est altérée par la maladie. Claire Marin estime ainsi que l’on fait peser une trop lourde responsabilité sur le patient en lui demandant une constance, une continuité dans l’effort que l’on rencontre rarement même chez les personnes saines (10). Cette injonction paradoxale (« Soyez autonome ! ») trahit la persistance d’un certain paternalisme médical d’après Philippe Barrier : « Le patient se trouve l’objet, non seulement de prescriptions, mais bien souvent d’admonestations adressées par le discours médical. Cet équilibre perdu, et qu’il lui faut à tout prix reconquérir par l’effort et le traitement, lui est souvent présenté, en tant que norme, comme un devoir » (11). Cette obligation d’autonomie est bien sûr diversement vécue par les patients. Si la plupart se plient au jeu sans rechigner, c’est-à-dire se montrent suffisamment “compliants”, quelques-uns adoptent des conduites de fuite là où quelques autres, au contraire, finissent par confondre autosurveillance et surveillance policière : « Certains malades, soumis régulièrement à dialyse rénale, résolvent le problème de leur autonomie en s’évadant par le sommeil pendant toute la séance, déléguant la surveillance à l’équipe médicale. D’autres adoptent une attitude diamétralement opposée : ils surveillent les gestes de l’infirmière, prêts à intervenir en cas 323
Interspécialités
d’erreur, s’enquièrent de leurs tests biologiques, etc. » (12). De quoi nuancer le discours incantatoire sur l’empowerment du patient, qui reprendrait la maîtrise de son existence grâce à une meilleure connaissance de sa maladie et une participation plus active au traitement. L’intérêt d’une éducation thérapeutique du malade n’est nullement en cause, mais suffit-elle à transformer magiquement un être vulnérable en manager de sa santé, sûr de lui et décideur ? Cette manière très libérale de se représenter le patient idéal comme un “battant” qui ne baisse jamais les bras a quelque chose de profondément indécent parce qu’elle méconnaît (délibérément ?) les effets psychiques dévastateurs d’une maladie au long cours et qu’elle culpabilise ceux qui “se laissent aller”. La catégorie même de maladie chronique paraît quelque peu suspecte si l’on se place du point de vue de la biopolitique telle que l’a définie Michel Foucault. L’« invention » (13) des maladies chroniques après la Seconde Guerre mondiale s’accompagne en effet de la fiction du parfait gestionnaire qui s’organise sans faille sur la durée. Sa maladie devient pour ainsi dire l’essence de son être et sa carte d’invalidité sa carte d’identité. Mais ce statut officiel de malade chronique, qui comporte certes quelques bénéfices secondaires (la prise en charge à 100 % par exemple), masque plus qu’il ne traduit le ressenti de la personne malade.
Peut-on vraiment être responsable de sa santé ? Si l’idée d’éduquer le malade pour limiter les fautes de régime dues 324
à l’ignorance remonte à Hippocrate, l’éducation thérapeutique du patient, elle, s’inscrit clairement dans l’évolution interne de la biopolitique. Elle constitue le dernier stade de l’éducation – ouvertement paternaliste – pour la santé, qui remonte au XIXe siècle. On s’adresse désormais directement à l’individu, que l’on encourage à devenir un “autosoignant”, un “expert de sa propre maladie”, mais les recommandations des soignants reposent sur des statistiques établies à l’échelle des populations ; elles ne sont pas réellement personnalisées. Les messages éducationnels souffrent ainsi d’une grande généralité qui ne facilite guère l’observance thérapeutique.
Autonomie : une notion vague Le patient est donc paradoxalement sommé de devenir autonome grâce à l’application stricte des normes prescrites par le pouvoir médical. Autonomie idéale, consacrée par la loi sur les droits des malades de 2002, mais en réalité assistée par les médecins. L’écart parfois abyssal entre cette autonomie supposée du patient-acteur de sa propre santé et sa dépendance bien réelle par rapport au protocole du soin n’est pas sans rappeler la définition incantatoire de la santé par l’OMS (« état de complet bien-être physique, mental et social »). On lui préférera la définition beaucoup plus modeste proposée par le médecin français René Dubos : « pouvoir encore fonctionner » (14). Pour donner un contenu précis à la notion vague d’autonomie, il faut en effet commencer par la revoir à la baisse. Le patient adéquatement informé gagne certes en autonomie mais il reste évidem-
ment sous l’emprise de la maladie ; il doit toujours rester sur ses gardes, « s’espionner sans cesse soi-même », comme disait Épictète dans un autre contexte. Si la maladie incurable est comme une prison, pour inverser un mot célèbre d’Adorno, l’éducation thérapeutique bien dispensée donne simplement une plus grande marge de liberté au prisonnier à vie.
Autosoignant : un statut difficile à assumer On est loin ici de l’autonomie au sens fort d’autodétermination puisqu’on subit précisément de plein fouet le déterminisme de la maladie. Le statut flatteur d’autosoignant est à partir de là difficile à assumer parce que personne ne peut prendre entièrement en charge sa maladie. Si l’on peut parfaitement et utilement prendre une part active au traitement, est-on pour autant responsable de sa santé, comme un certain discours médico-médiatique nous le laisse croire ? Rien n’est moins sûr, tant le fait d’être malade relève d’une nécessité implacable. Parler d’une amélioration de la qualité de vie grâce à l’éducation thérapeutique est en ce sens trompeur parce que la vie du malade chronique reste, comme on l’a vu, qualitativement inférieure à celle d’une personne saine. L’“expertise” acquise par le patient au terme du transfert de connaissances et de compétences médicales est sans conteste une grande avancée dans la prise en charge des maladies chroniques, mais ce savoir nouveau n’est pas synonyme de pouvoir absolu, loin s’en faut. Mettre l’accent exclusivement sur cette éducation objective
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philosophie et éthique de la maladie chronique
peut même conduire à occulter la vulnérabilité et la subjectivité du patient. Car le déni n’est pas forcément du côté de ce dernier, comme le fait remarquer Philippe Barrier, qui a pu le constater de première main : « Il y a souvent, me semble-t-il, de la part du médecin, comme un déni de l’importance de la dimension psychologique, représentative, émotionnelle et affective dans la gestion du diabète » (15). Expérience éminemment singulière, la maladie chronique oblige celui qui en pâtit à rebâ-
tir sa vie autour d’elle, donc à lui donner sens. C’est ce sens très personnel, difficile à formuler, que le médecin doit toujours prendre en considération. n
Mots-clés : Diabète, Subjectivité, Autonomie, Dépendance, Compliance, Empowerment, Biopolitique
notes 1. Canguilhem G. Le Normal et le pathologique. Paris : PUF, 1984 : 59. 2. Ibid. : 156. 3. Ibid. : 43. 4. Ibid. : 49-50. 5. Ibid. : 85. 6. Barrier P. Le Corps malade, le corps témoin. Les Cahiers du Centre Georges-Canguilhem 2007 ; 1 : 85. 7. Ibid. : 96. 8. Marin C. La Maladie chronique ou le temps douloureux. In: Hirsch E. Traité de bioéthique, tome III. Paris : Érès, 2010 : 122.
* Bulletin d’abonnement en page 294
9. Ibid. : 125. 10. Cf. Ibid. 11. Barrier P. Le Corps malade, le corps témoin. Op. cit. : 89. 12. Moulin AM. Le Corps face à la médecine. In Courtine JJ et Vigarello G. Histoire du corps, tome III. Paris : Seuil, 2005 : 33-34. 13. Ibid. : 33. 14. Cf. Dubos R. L’Homme ininterrompu, chap. IV. Paris : Denoël, 1972. 15. Barrier P. Le Corps malade, le corps témoin. Op. cit. : 97.
Mise au point
Le tabagisme chez le sujet obèse Avant et après chirurgie Pr Didier Quilliot*
Introduction
Le tabagisme chez le sujet obèse D’après l’enquête OBEPI 2012 (1), 17,1 % des obèses fument. Curieusement, en France, cette prévalence est moindre que dans la population générale (38 % des hommes et 30 % des femmes selon l’INPES). Dans d’autres pays, notamment anglo-saxons, le tabagisme est plus fréquent chez les sujets obèses que dans la population générale (40 à 60 %) (2), le tabagisme et l’obésité étant plus fréquents dans les classes socio-économiques défavorisées.
Relation tabac, corpulence et composition corporelle À tous les âges de la vie, on constate une relation négative *Unité d’Assistance nutritionnelle-Unité transversale de Nutrition – Unité multidisciplinaire de Chirurgie de l’Obésité – Service de Diabétologie-Maladies métaboliques et Nutrition, CHU de Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy
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© Roman Sigaev – Stocklib
À la question « L’arrêt du tabac vous paraît-il nécessaire avant chirurgie bariatrique ? », la majorité des médecins et chirurgiens répondrait oui. À la question « L’exigez-vous de vos patients ? », bon nombre répondrait non ! Pourtant, l’arrêt du tabac fait partie des mesures à prendre pour diminuer les risques opératoires, au même titre que les autres facteurs de risque habituellement pris en charge en préopératoire (syndrome d’apnées du sommeil, hypertension, équilibre glycémique, risque thromboembolique…).
entre consommation de tabac et IMC (3). Ainsi, le fumeur entretient un “sous-poids”, correspondant à 2 points d’IMC ou 3 à 5 kg (4). C’est, en moyenne, le poids qui sera repris après sevrage. Ce “sous-poids ” masque des modifications de la répartition de la masse grasse. Si, en moyenne, la masse grasse viscérale est plus basse chez le fumeur que chez le non-fumeur, on observe une augmentation de la masse grasse viscérale parallèlement à l’augmentation du tabagisme (5). Cette augmentation de la masse grasse abdominale va de pair avec une diminution de la masse maigre. Le tabagisme favorise donc la sarcopénie, probablement par un mécanisme direct en inhibant la synthèse protéique musculaire et indirectement par défaut de sollicitation.
Pourquoi un sous-poids chez le sujet fumeur ? ❚❚Une augmentation des dépenses sans augmentation des apports La nicotine entraîne une augmentation des dépenses énergétiques, sans augmentation des apports. Par quels mécanismes ? Le principal mécanisme expliquant ce “sous-poids” est lié à l’effet stimulant de la nicotine sur le système nerveux sympathique (SNS), touchant à la fois l’adrénaline et la noradrénaline (6). Cette stimulation est responsable d’une activation de la lipolyse, démontrée chez l’Homme grâce à la microdialyse du tissu adipeux sous-cutané. La nicotine active aussi directement la lipolyse par le biais de récepteurs cholinergiques présents au niveau de l’adipocyte (7). Cet effet
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le tabagisme chez le sujet obèse
lipolytique direct par la nicotine toucherait préférentiellement le tissu adipeux sous-cutané et pas le tissu adipeux viscéral, ce qui expliquerait l’augmentation relative de la masse grasse viscérale. Comme le montrent les modèles animaux, la stimulation de la lipolyse peut avoir une répercussion sur la balance énergétique et peut favoriser une perte de poids. L’activation du SNS entraîne également une diminution de la sécrétion d’insuline, et donc son effet anabolisant, expliquant également le lien probable entre tabagisme et diabète. Néanmoins, chez l’Homme, le principal mécanisme expliquant cette modification de la balance énergétique est probablement l’augmentation de la thermogenèse postprandiale (8). La thermogenèse postprandiale dite “facultative” dépend en effet de la stimulation du SNS et peut être inhibée par les bêtabloquants. Cette thermogenèse postprandiale est nettement accentuée lorsque la cigarette est accompagnée d’un effort physique ou d’une consommation de caféine. ❚❚Une absence de mécanisme compensateur L’augmentation des dépenses énergétiques n’est pas compensée par une augmentation des apports alors même que l’inhibition de la sécrétion de leptine, proportionnelle à la consommation tabagique, et liée à la stimulation du SNS, devrait favoriser cette compensation (9). D’autres mécanismes sont donc en cause, notamment l’action centrale de la nicotine sur la satiété. Longtemps débattu, cet effet semble aujourd’hui avéré. Les récepteurs à l’acide nicotinique (notamment les a4b2 nicotinic acetylcholin receptors) sont présents dans toutes les zones du système nerveux central et donc également au niveau des centres de régulation de la faim et
de la satiété (10). La nicotine a un double effet sur cette régulation, un rôle activateur sur les cellules sécrétant la ProOpioMelanoCortine (POMC), qui renforce la satiété, et un effet contraire, activateur sur les cellules sécrétant le Neuropeptide Y, stimulant la faim, mais cet effet est inhibé par l’excitation sympathique. L’effet satiétogène de la nicotine est donc prédominant sur l’effet orexigène.
La prise de poids à l’arrêt du tabac ❚❚Pourquoi une prise de poids lors du sevrage tabagique ? Lors de l’arrêt du tabac, les dépenses énergétiques diminuent, du fait notamment de la disparition de l’effet de la nicotine sur la thermogenèse. La levée de l’effet stimulant sur POMC diminue la satiété, et la levée d’inhibition sur la sécrétion d’insuline facilite la reprise de poids. Une appétence particulière pour les produits sucrés peut apparaître. Cet effet est expliqué par l’existence de sites à haute affinité pour la 3H nicotine responsable d’une augmentation de la sécrétion de sérotonine. L’ingestion de produits sucrés peut permettre de restaurer cette sécrétion de sérotonine lors de la disparition de cette stimulation. Au final, on peut estimer que lorsque la consommation est de 20 cigarettes par jour, la dépense énergétique augmente de 200 kcal. À l’arrêt du tabac, cette déperdition calorique disparaît et les apports augmentent en moyenne de 300 kcal, du fait de l’augmentation de l’appétit, de l’attirance pour le sucré, de la restauration des sensations gustatives et des troubles du comportement alimentaire éventuellement compensateurs (voir paragraphe suivant). La balance énergétique s’inverse avec une différence d’environ 500 kcal/j (11).
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Dans une méta-analyse (12), la prise de poids est en moyenne, 1 an après le sevrage, de 4,7 kg. La courbe d’évolution du poids des fumeurs rejoint donc progressivement la courbe des non-fumeurs, les femmes reprenant un peu plus que les hommes. Néanmoins, cela cache une grande disparité. En effet, environ 20 % des fumeurs perdent du poids, 1/3 prennent moins de 5 kg mais 14 % des fumeurs prennent plus de 10 kg ! La prise de poids durant les premières semaines est prédictive de la prise de poids totale. La surveillance pondérale et de certains facteurs prédictifs devrait permettre de prendre en charge précocement ces patients. ❚❚Quels sont les facteurs prédictifs de la prise de poids après sevrage ? Les principaux facteurs sont la consommation tabagique avant le sevrage, l’absence d’activité physique, l’âge (plus élevé chez les sujets jeunes), les sujets de peau noire (11), et des facteurs génétiques, bien démontrés dans les études de jumeaux (13). Les troubles du comportement alimentaire jouent également un rôle majeur dans les prises de poids importantes.
Les liens entre troubles du comportement alimentaire et tabagisme Les Troubles du Comportement Alimentaire : une raison pour commencer à fumer chez les filles Les préoccupations esthétiques ou alimentaires sont des raisons pour débuter un tabagisme, notamment chez les filles au moment de l’adolescence. Ainsi, elles déclarent avoir commencé à fumer surtout pour 327
Mise au point
“compenser” des pulsions alimentaires (risque relatif = 2,15 ; 1,163,97), pour essayer de perdre du poids (RR = 2,09 ; 1,15-3,79) ou pour ne pas grossir (RR = 1,96 ; 1,08-3,53) (14). 40 % des adolescents (étude portant sur 6 961 enfants âgés de 13 ans) sont persuadés que le tabac leur permet de contrôler plus facilement leur poids. Cette idée est surtout présente chez les filles et surtout lorsqu’elles se restreignent pour contrôler leur poids. Il y a donc, dans la population, une surestimation majeure du rôle du tabac dans le maintien du poids
Un tabagisme compensatoire Le tabagisme compensatoire est très fréquent chez les femmes. Dans un échantillon de 107 femmes, 27 % déclarent fumer pour compenser des crises alimentaires, 46 % pour éviter des crises et 58 % pour avoir moins faim (15).
Le binge eating (BE) après sevrage tabagique Les femmes ayant des troubles du comportement alimentaire (TCA) à type de Binge Eating (BE) (16) ont environ 3 fois plus de risque de prendre beaucoup de poids à l’arrêt du tabac (+11,4 kg +/- 11,2 vs 5,0 kg +/- 6,9). Le dépistage des TCA préexistant au sevrage devrait permettre d’éviter les prises pondérales majeures grâce à une prise en charge adaptée. Un autre trait de comportement semble favoriser les prises de poids importantes, il s’agit de la sensibilité aux signaux externes (“externalité”). Les sujets fumeurs ayant une forte sensibilité aux signaux externes (vue, odeur, situations donnant envie de fumer), ont en effet également une forte sensibilité aux signaux externes alimentaires (envie forte de manger en présence d’odeur ou à la vue d’aliments sans sensation de faim). 328
L’arrêt du tabac chez les sujets obèses : obésité ou tabagisme, faut-il choisir ? Les études épidémiologiques montrent que les sujets obèses non fumeurs (IMC > 30) ont en moyenne un niveau de risque de mortalité comparable aux fumeurs de corpulence normale (17). Mais le tabagisme semble avoir un effet délétère beaucoup plus important chez les sujets obèses. Il y aurait donc une interaction forte entre tabac et obésité sur le risque de mortalité. Les études transversales montrent que le risque de mortalité est multiplié par 5,2 chez le sujet fumeur ayant un IMC > 35, contre 1,88 chez le sujet obèse sevré. Alors que, dans cette étude, l’obésité (IMC > 35) seule entraîne une augmentation du risque de 1,87 (18). Conclusion : la priorité chez les patients obèses fumeurs est bien à l’arrêt du tabac !
Pourquoi arrêter de fumer avant une intervention chirurgicale ?
est de 1,36. Le risque de morbidité concerne surtout les complications cardiovasculaires (OR entre 1,38 et 2,09) et respiratoires (OR entre 1,37 et 1,73) (19).
Pourquoi arrêter de fumer Après chirurgie bariatrique ? L’augmentation du risque de complications concerne surtout les complications pulmonaires (insuffisance respiratoire aiguë, pneumopathies et risque thromboembolique), les risques d’infection du site opératoire et le risque d’ulcère anastomotique. Pour la chirurgie réparatrice, le risque d’infection est multiplié par 14 chez le fumeur et le tabagisme est associé à un retard de cicatrisation (20). Au final, le taux de complications est multiplié par 5,16 chez le fumeur, entraînent une augmentation importante de la durée de séjour (21).
Pourquoi arrêter de fumer avant chirurgie bariatrique ?
Le tabagisme est un facteur de complications postopératoires et concerne toutes les chirurgies. En chirurgie réparatrice, c’est un facteur majeur de retard de cicatrisation et d’infections. Même en pédiatrie, une étude montre que le tabagisme passif lié au tabagisme des parents représente un facteur de risque opératoire ! Ce facteur n’est cependant pas retrouvé dans toutes les études, notamment en chirurgie bariatrique, probablement parce que les conséquences du tabagisme (BPCO, coronaropathie, artériopathie….) masquent l’effet du tabagisme. En prenant en compte ces facteurs confondants, on estime qu’en moyenne le risque de mortalité postopératoire
Nombre d’effets négatifs du tabagisme sont réversibles à l’arrêt du tabac. L’oxygénation des tissus et le métabolisme aérobie s’améliorent rapidement, quelques heures après le sevrage. Les effets qui touchent l’inflammation et l’immunité sont en grande partie réversibles au bout de 3 à 4 semaines de sevrage. Les capacités de cicatrisation sont également partiellement restaurées. En revanche, les effets prolongés du tabagisme sur le renouvellement épidermique ou la prolifération des fibroblastes ne sont corrigés qu’après une longue période de sevrage (22). Très peu d’études se sont intéressées à l’effet du sevrage tabagique sur l’incidence des complications. Néanmoins, deux études
Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73
le tabagisme chez le sujet obèse
randomisées sont disponibles. La première, publiée dans The Lancet en 2002 (23), a montré qu’un sevrage de 6 à 8 semaines avant chirurgie permettait de réduire le risque de complications d’un facteur 2,8 (18 % vs 52 %). Une autre étude a montré qu’un sevrage de 4 semaines permettait de diviser par 2 ce risque (10 % vs 22 %) (24).
après chirurgie bariatrique : Alternance d’addictions ? Plusieurs études ont montré que la chirurgie bariatrique peut favoriser l’émergence de dépendances, notamment à l’alcool (25) et aux substances (26). Dans notre expérience, les fumeurs qui ont arrêté pour l’intervention reprennent leur tabagisme dans 92,6 % des cas au cours de l’année qui suit. La chirurgie bariatrique semble favoriser également la rechute du tabagisme
des anciens fumeurs sevrés. La rechute du tabagisme après chirurgie s’accompagne plus souvent de l’émergence de troubles du comportement alimentaire. Il s’agit d’un tabagisme compensatoire déjà décrit. En revanche, les patients qui ont bénéficié d’une prise en charge de leur TCA grâce à une thérapie de type cognitivo-comportementale avant la chirurgie, ont plus de chance de rester sevrés, comme cela a été montré dans une autre étude (27).
Conclusion Le sevrage tabagique est donc utile et nécessaire avant chirurgie bariatrique. Les arguments sont suffisamment solides pour l’imposer aux patients. • Le sevrage tabagique apporte un bénéfice pour la santé des sujets obèses au moins aussi important, et fort probablement plus important, que la perte de poids.
• Le tabagisme augmente les risques de complications postopératoires. • La chirurgie bariatrique est une chirurgie programmée qui permet d’envisager un sevrage. • La motivation, souvent majeure, des patients pour la chirurgie bariatrique permet de renforcer leur motivation pour arrêter de fumer. • La prise en charge des troubles du comportement alimentaire en préopératoire permet de faciliter le sevrage tabagique. • La prise de poids à l’arrêt du tabac est l’un des freins essentiels au sevrage tabagique. La perspective de la chirurgie lève cet écueil. • Le sevrage imposé par la chirurgie permettra au fumeur d’avoir une expérience de sevrage facilitant le n sevrage ultérieur.
Mots-clés : Obésité, Chirurgie bariatrique, Tabagisme
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