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La prise en charge globale du patient diabétique

d www.diabeteetobesite.org

easd 2013 23 - 27 septembre 2013 – Barcelone

Le compte rendu indépendant de nos experts

1. Diabète et grossesse : quoi de neuf ?

Sommaire

Dr Françoise Lorenzini-Grandmottet

2. Inhibiteurs des DPP-4 et maladies cardiovasculaires : les études EXAMINE et SAVOR Dr Bernard Yomtov

3. La calcémie : prédictrice du diabète de type 2

4. Neuropathie diabétique : quoi de neuf ?

Dr Bernard Yomtov

5. Analogue du GLP-1 et insuline : l’association qui fait parler d’elle

Dr Bernard Yomtov

6. Traitement du diabète LADA : intérêt des incrétines Dr Helen Mosnier-Pudar

7. DAWN 2 : aspects psychologiques et qualité de vie Dr Ghislaine Hochberg

Dr Helen Mosnier-Pudar

8. DT1 déclaré dans l’enfance : impact sur les études universitaires, l’emploi et les revenus ultérieurs à l’âge adulte Dr Ghislaine Hochberg

9. Risques cardiovasculaires du diabétique : peut-on les prédire ?

10. Activité physique et vieillissement : mécanismes cellulaires

Dr Éric Marsaudon

11. Recherche de l’équilibre glycémique : le cas des hypoglycémies

Dr Éric Marsaudon

Dr Éric Marsaudon

à SAVOIR

INTERSPÉCIALITÉS

MISE AU POINT

Chirurgie prothétique du genou : est-il nécessaire de perdre du poids ?

Philosophie et éthique de la maladie chronique : réflexion

Le tabagisme chez le sujet obèse : avant et après chirurgie

Yannis Constantinidès

Pr Didier Quilliot

Dr Étienne Cavaignac, Pr Jean-Michel Laffosse

Novembre 2013 • Volume 8 • n° 73 • 9 E


La pris e e n c h ar g e g l o ba l e d u pa t i e n t diab é t i q u e

• Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Directrice du développement : Valérie Belbenoît • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Secrétaire de rédaction : Fanny Lentz • Directrice de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette et illustrations : Erica Denzler, Antoine Orry • Directrice de clientèle/projets : Catherine Patary-Colsenet • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne

Comité de lecture Rédacteur en chef “Obésité” : Pr Patrick Ritz (Toulouse) Rédacteur en chef “Diabète” : Dr Saïd Bekka (Chartres) Pr Yves Boirie (Clermont-Ferrand) Pr Régis Coutant (Angers) Pr Jean Doucet (Rouen) Pr Pierre Gourdy (Toulouse) Pr Véronique Kerlan (Brest) Dr Sylvie Picard (Dijon) Dr Helen Mosnier Pudar (Paris) Dr Caroline Sanz (Toulouse) Dr Anne Vambergue (Lille)

Comité Scientifique Pr Bernard Bauduceau (Paris) Pr Rémy Burcelin (Toulouse) Pr Bertrand Cariou (Nantes) Pr François Carré (Rennes) Pr Bernard Charbonnel (Nantes) Dr Xavier Debussche (Saint-Denis, Réunion) Pr Jean Girard (Paris) Pr Alain Golay (Genève) Pr Hélène Hanaire (Toulouse) Dr Michel Krempf (Nantes) Pr Michel Pinget (Strasbourg) Pr Paul Valensi (Bondy) Diabète & Obésité est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai • 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : diabete@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1957-5238 N° de Commission paritaire : 1018T88454 Prix au numéro : 9 F. Mensuel : 10 numéros par an. Les articles de “Diabète & Obésité” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

sommaire

Novembre 2013 • Vol. 8 • N° 73

www.diabeteetobesite.org

n à savoir

Chirurgie prothétique du genou Est-il nécessaire de perdre du poids ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 290 Dr Étienne Cavaignac, Pr Jean-Michel Laffosse (Toulouse)

n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p. 295

EASD 2013 : la sélection Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres)

1 n Diabète et grossesse : quoi de neuf ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 296 Dr Françoise Lorenzini-Grandmottet

2 n Inhibiteurs des DPP-4 et maladies cardiovasculaires : les études EXAMINE et SAVOR. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 299 Dr Bernard Yomtov 3 n La calcémie : prédictrice du diabète de type 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 300 Dr Bernard Yomtov

4 n Neuropathie diabétique : quoi de neuf ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 302 Dr Bernard Yomtov

5 n Analogue du GLP-1 et insuline : l’association qui fait parler d’elle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 304 Dr Helen Mosnier-Pudar

6 n Traitement du diabète LADA : intérêt des incrétines. . . . . . . . . . . . p. 306 Dr Helen Mosnier-Pudar

7 n DAWN 2 : aspects psychologiques et qualité de vie . . . . . . . . . . . . . p. 307 Dr Ghislaine Hochberg

8 n DT1 déclaré dans l’enfance : impact sur les études universitaires, l’emploi et les revenus ultérieurs à l’âge adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 309 Dr Ghislaine Hochberg

9 n Risques cardiovasculaires du diabétique : peut-on les prédire ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 310 Dr Éric Marsaudon

10 n Activité physique et vieillissement : mécanismes cellulaires . . p. 313 Dr Éric Marsaudon

11 n Recherche de l’équilibre glycémique : le cas des hypoglycémies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 317 Dr Éric Marsaudon

n interspécialités Philosophie et éthique de la maladie chronique Réflexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 321

Yannis Constantinidès (Paris)

n Mise au point

Le tabagisme chez le sujet obèse Avant et après chirurgie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 326

Pr Didier Quilliot (Vandœuvre-lès-Nancy)

n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photo de couverture : © DR

p. 294 p. 298


à savoir

Chirurgie prothétique du genou Est-il nécessaire de perdre du poids ? n « Perdez 10 kilos et je vous mettrai la prothèse. » Quel patient obèse atteint d’une pathologie dégénérative invalidante du genou n’a jamais eu à subir cette sentence ? L’obésité, dont la prévalence ne cesse d’augmenter dans toutes les tranches d’âge, et la gonarthrose sont deux problèmes majeurs de santé publique. Leur importance va augmenter dans les années qui viennent et ce de manière exponentielle pour la gonarthrose. Ces deux pathologies peuvent être liées, ce qui va rendre la prise en charge du patient plus difficile aussi bien pour le patient

Introduction En 2005, aux États-Unis, 52,1 % des patients ayant bénéficié d’une arthroplastie de genou étaient obèses. Obésité et gonarthrose sont liées. L’obésité est sans conteste un facteur de risque majeur bien connu de gonarthrose (1). Un obèse dont l’indice de masse corporelle (IMC) est compris entre 30 et 40 a près de 20 fois plus de risque de développer une gonarthrose ; si l’IMC est supérieur à 40 le risque devient supérieur à 30 (2). Les conséquences sont ainsi des gonarthroses de plus en plus fréquentes, et ce chez des sujets de plus en plus jeunes. Inversement, la gonarthrose va entraîner des douleurs de plus en plus invalidantes mais aussi une diminution progressive des mobilités articulaires. Ce handicap fonctionnel sera la cause d’une diminution des activités physiques, ce qui limitera d’autant les possibilités de perte de poids. Nous sommes ici confron*Institut locomoteur, Service de Chirurgie orthopédique, CHU de Toulouse

290

Dr Étienne Cavaignac*, Pr Jean-Michel Laffosse*

tés à un cercle vicieux qui paraît difficilement surmontable. C’est pourquoi la prothèse de genou a ici toute sa place car elle va soulager la douleur et améliorer la fonction du genou ; en cela elle peut permettre de littéralement rompre ce cercle vicieux. Cependant, ce geste n’est pas dénué de risque. Dans une première partie, nous vous présenterons brièvement ce qu’est une prothèse de genou ainsi que les moyens d’évaluation que nous utilisons. Nous ferons ensuite le point sur les résultats de la littérature concernant la mise en place de prothèse de genou chez les obèses. Puis nous finirons par les spécificités de la prise en charge orthopédique des patients obèses.

Généralités sur la chirurgie prothétique du genou Le genou est composé de trois compartiments articulaires  : les

© Sebastian Kaulitzki – Fotolia

que pour son médecin.

compartiments fémoro-tibiaux médial et latéral (articulation entre le fémur et le tibia) et le compartiment fémoro-patellaire (articulation entre le fémur et la rotule). L’atteinte dégénérative peut toucher un compartiment (gonarthrose unicompartimentale) ou plusieurs (gonarthrose bi ou tri-compartimentale). Dans tous les cas, une prothèse totale de

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EASD 2013 - La sélection

© DR

Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres)

L

e congrès de l’EASD signe traditionnellement la rentrée Diabétologique. Cette année, cette rentrée s’annonçait particulièrement brûlante sous le ciel de Barcelone et sous les feux de l’actualité, notamment

DPP-4… Ce rendez-vous était donc spécialement attendu et l’équipe de Diabète & Obésité a répondu présente avec 5 rédacteurs indépendants dépêchés pour la circonstance pour vous faire vivre la quintessence des nouveautés en Diabétologie. Bernard Yomtov, Éric Marsaudon, Françoise Lorenzini-Grandmottet, Ghislaine Hochberg et Helen Mosnier-Pudar ont donc repris les communications les plus pertinentes de leur choix afin de vous livrer un large panorama de ce qui fait et ferra l’actualité de notre discipline. Nous leurs sommes très reconnaissants pour leur rigueur et leur professionnalisme qui nous permettent de vous proposer ce numéro, le congrès à peine clôturé. Bonne lecture à tous.

Dr Saïd Bekka

1 Diabète et grossesse ��������������������������������������������������������������������������� p. 296 2 Inhibiteurs des DPP-4 et maladies cardiovasculaires ����������������� p. 299 3 La calcémie ��������������������������������������������������������������������������������������������� p. 300 4 Neuropathie diabétique ��������������������������������������������������������������������� p. 302 5 Analogue du GLP-1 et insuline ��������������������������������������������������������� p. 304 6 Traitement du diabète LADA ������������������������������������������������������������� p. 306 7 DAWN 2 ��������������������������������������������������������������������������������������������������� p. 307 8 DT1 déclaré dans l’enfance ���������������������������������������������������������������� p. 309 9R isques cardiovasculaires du diabétique ��������������������������������������� p. 310  Activité physique et vieillissement ������������������������������������������������� p. 313  Recherche de l’équilibre glycémique ��������������������������������������������� p. 317


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1 Diabète et grossesse Quoi de neuf ? Introduction Arrivant juste après la publication, en août 2013, des recommandations pratiques du Collège américain des gynécologues et obstétriciens qui conseillent de ne pas adopter les nouveaux critères de diagnostic du diabète gestationnel (DG), les sessions du congrès de l’EASD consacrées au DG ont permis de débattre de ce dépistage.

D

epuis l’adoption dans de nombreux pays des critères de l’International Association of Diabetes in Pregnancy Study Groups (IADPSG), l’augmentation du nombre de patientes à prendre en charge a conduit à proposer des dépistages ciblés, selon des critères malheureusement variés. Ce qui n’aide pas à comparer les études !

en ce qui concerne la Politique de dépistage Dans le poster présenté par B. Arcidiacono, on trouve, dans le groupe avec DG, 31,8 % de femmes sans facteur de risque (moins de 35 ans, poids normal, pas d’antécédents familiaux ni personnels), diagnostiquées principalement sur les deux premiers temps de l’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) (55 % T0 ; 39,8 % T1) (1). Le fait intéressant est que ces patientes, 296

malgré une prise en charge appropriée, ont près de 2 fois plus de césariennes (1,92 ; IC 95 % 1,21-3,05) et une morbidité fœtale (macrosomie, hydramnios, admission en unité de néonatalogie) multipliée par 4 par rapport aux sujets témoins. Une communication orale de V. Vasileiou a repris les données de 9 829 femmes ayant accouché dans les 15 années précédentes, en appliquant rétrospectivement les critères de l’IADPSG (2). L’incidence du DG passe de 33 %, taux déjà très élevé, à 53,9 % ! 90 % des femmes étant dépistables sur les deux premiers temps de l’HGPO. Les deux facteurs de risque prépondérants étaient, à égalité, le surpoids (IMC > 25) et l’âge supérieur à 30 ans. Les antécédents maternels de diabète pèsent plus (RR = 1,73) que les antécédents paternels (RR = 1,37). Une femme de plus de 30 ans, avec un IMC supérieur à 25 et des antécédents dans les deux branches familiales, a plus de 83 % de risque de présenter un DG ! Ces deux études confirment la valeur de la glycémie à jeun de l’HGPO, déjà soulignée dans l’étude HAPO, et suggèrent une simplification du dépistage en ne réalisant que les deux premiers temps... mais remettent nettement en cause le caractère non universel du dépistage. Reviendrons-nous au test de 0’Sullivan légèrement modifié ?

dépister sans test de charge Dépister simplement sans test de charge, avec un critère permettant de ne prendre en charge que les femmes qui ont un risque de complications obstétricales, est un rêve que poursuivent certaines équipes. Ont été proposés lors de cette session de l’EASD : - une diminution de l’adiponectine avant 22 SA (7,42 mg/ml vs 10,09 ; p = 0,002) et pendant toute la grossesse (3) ; - une élévation du HOMA index au premier trimestre, avec une VPP de 86,8 % et une VPN de 79,4 pour un cut off à 1,89 (4) ; - l’index de Matsuda qui semble mieux prédire l’insulinorésistance spécifique de la grossesse. Tous ces éléments sont en rapport avec l’insulinorésistance, mécanisme en cause dans le DG, et peut-être nocif en soi. Une communication orale très originale de K. Linder a montré une diminution de la réactivité cérébrale fœtale à des stimuli sonores chez des femmes insulinorésistantes, mais sans DG (5).

prise en charge du DG La prise en charge du DG a été également explorée. Les antidiabétiques oraux sont discutés et font l’objet, en France, de plusieurs programmes hospitaliers de recherche clinique. Une méta-analyse comparant 9 études (dont 4 randomisées) montre

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2 Inhibiteurs des DPP-4 et

maladies cardiovasculaires

Les études EXAMINE et SAVOR Introduction Une session a été consacrée à la présentation des résultats et à des commentaires des études EXAMINE et SAVOR.

intérêt de ces études Ces deux études randomisées en double aveugle avec l’alogliptine (EXAMINE) et la saxagliptine (SAVOR) avaient pour but de repérer un surrisque cardiovasculaire éventuel par rapport au placebo (non-infériorité), voire une supériorité. Elles viennent, d’ailleurs, d’être publiées dans le New England Journal of Medicine (1, 2).

résultats

aigu, décès d’origine cardiaque et revascularisation coronaire. À trente mois, on ne retrouve aucune différence significative entre les deux groupes, ni au niveau de la cible primaire, ni au niveau de la survenue d’hypoglycémies, de pancréatite, de cancer du pancréas ou de passage en dialyse. Cela semble donc rassurant !

SAVOR Les résultats de SAVOR ont été présentés par Itamar Raz de Jérusalem. Il s’agit de patients diabétiques, soit coronariens avérés, soit à haut risque cardiovasculaire, recevant soit 5 mg de saxagliptine, soit un placebo. L’événement principal est une association de décès cardiovasculaires, d’infarctus du myocarde non mortels et d’accidents vasculaires cérébraux.

EXAMINE Les résultats d’EXAMINE ont été présentés par Simon Heller de Sheffield. Il s’agit de patients diabétiques de type 2, six semaines après un problème coronaire, qui reçoivent soit l’alogliptine à la dose de 25 mg par jour, soit un placebo. L’événement cible primaire est un composite d’atteinte cardiovasculaire associant infarctus du myocarde, syndrome coronaire

À deux ans, aucune différence significative n’est retrouvée dans les deux groupes à l’exception d’un plus grand nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans le groupe traité par rapport au placebo (289 contre 228, p = 0,007). Comme dans EXAMINE, on ne note pas de surrisque pancréatique. Naweed Sattar, de Glasgow, qui n’a pas participé à ces études,

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en a commenté les résultats et a pointé les faiblesses : - dans les deux études, la baisse de l’HbA1c est très modeste, de -0,35 % environ, ce qui est faible ; - la durée n’est que de deux ans et demi et, dans SAVOR, seulement 78 % des patients sont sous statines contre 90 % dans EXAMINE, alors que le taux devrait être de 100 % ! Enfin, il pointe le problème de l’insuffisance cardiaque et de l’augmentation de masse ventriculaire gauche. Il rappelle que c’est l’insuffisance cardiaque qui est à l’origine de nombreux décès chez les diabétiques et que de nouvelles données seront présentées lors du congrès de l’AHA en novembre prochain. Il recommande donc, pour l’instant, la prudence dans l’interprétation des résultats.

commentaires Il est étonnant de constater la présentation plutôt positive de ces résultats. À ce jour, les doutes persistent. En effet, se focaliser sur une amélioration du risque cardiovasculaire, avec un hypoglycémiant chez les diabétiques sur deux à trois ans avec une baisse de 0,35 % d’HbA1c, est illogique car, dans l’UKPDS, étude de référence, la différence d’HbA1c est de 0,7 % sur une bien plus longue durée. De même, dans l’étude 4S de prévention secondaire, les courbes 299


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ne divergent qu’à la troisième année ! Enfin, l’augmentation de l’insuffisance cardiaque doit faire réfléchir car il s’agit de traitements au long cours sur, parfois, des dizaines d’années. Il faut donc attendre les résultats de l’étude TECOS avec la

sitagliptine afin de pouvoir se prononcer de façon définitive et de savoir si cette classe thérapeutique très bien tolérée a un intérêt au long cours ! n Dr Bernard Yomtov

Bibliographie 1. White WB, Cannon CP, Heller SR et al. Alogliptin after acute coronary syndrome in patients with type 2 diabetes. N Engl J Med 2013 ; 369 : 1327-35. 2. Scirica BM, Bhatt DL, Braunwald E et al. Saxagliptin and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med 2013 ; 369 : 1317-26.

3 La calcémie Prédictrice du diabète de type 2 Introduction Lors de la session consacrée aux marqueurs de risque, C. Lorenzo de San Antonio (Texas), a fait un exposé sur « la calcémie prédit l’intolérance au glucose et le diabète de type 2 » (1). .

S

a présentation de l’étude IRAS (The Insulin Resistance Atherosclerosis Study), où les patients ont été suivis durant cinq ans, a montré la survenue de troubles de la glycémie chez 863 patients.

On retrouve une relation non linéaire dès l’augmentation de la calcémie au-delà de 95 mg/l, un accroissement du risque

300

cardiovasculaire, de mortalité globale et cardiovasculaire, une augmentation de l’insulinorésistance, une diminution de l’insulinosensibilité. De même, l’incidence du diabète et de l’intolérance au glucose est accrue (p = 0,020), sans qu’il y ait de relation avec l’apport de calcium. La calcémie serait donc un bon marqueur d’apparition future du diabète.

commentaire Cette présentation est intéressante, mais nous restons sur notre faim, car seule la calcémie totale a été dosée. En effet, il n’y a pas eu de dosage concomitant de vitamine D, ni de parathormone, ni de calcémie ionisée, ce qui réduit de beaucoup la valeur de cette communication !

Depuis plusieurs années, les communications sur diabète et métabolisme phosphocalcique sont de plus en plus nombreuses et, comme le diabète est une maladie en pleine expansion au niveau mondial, on peut se demander si, comme les cardiologues qui s’y intéressent de plus en plus (SAVOR a été présenté d’abord à l’ESC, Congrès européen de cardiologie, avant l’EASD), les rhumatologues ne veulent pas aussi évincer les diabétologues de “ce marché n porteur” ! Dr Bernard Yomtov

Bibliographie 1. Lorenzo C, Hanley AJG, Haffner SM. Calcium concentration predicts future development of diabetes and impaired glucose tolerance: the Insulin Resistance Atherosclerosis study. OP 13. EASD 2013, Barcelone.

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5 Analogue du GLP-1 et insuline L’association qui fait parler d’elle Introduction Plusieurs études ont été présentées sur l’intérêt et l’efficacité des analogues du GLP-1 en stratégie d’échec de l’insuline basale dans le diabète de type 2. .

quelles associations ? insuline lispro/exénatide L’étude multicentrique internationale randomisée prospective 4B compare l’efficacité et la tolérance, après échec d’une insulinothérapie basale, de l’addition d’une injection d’insuline lispro avant chacun des trois repas, à l’injection d’exénatide matin et soir. Après une première phase de 12 semaines de titration de l’insuline glargine, les patients qui gardent une HbA1c au-dessus de 7 % sont randomisés. Au bout de 30 semaines, l’évolution de l’HbA1c est comparable dans les 2 groupes (-1,10 vs -1,13 %, ns). L’évolution pondérale est, de manière attendue, en faveur du groupe exénatide (-2,4 vs +2,1 kg, p < 0,0001). L’incidence des hypoglycémies modérées est significativement plus faible sous exénatide (29,5 vs 40,7 %, p = 0,004), la différence étant liée à une réduction des épisodes diurnes alors que l’incidence des hypoglycémies nocturnes est comparable dans les 2 groupes. Sans surprise, on retrouve plus d’effets secondaires digestifs dans le groupe exénatide. Malgré cela, les scores de satisfaction vis-à-vis du traitement du 304

diabète et de la qualité de vie sont en faveur de l’exénatide.

lixisénatide Le lixisénatide est un nouvel agoniste du GLP-1 d’action courte, administré en une injection quotidienne. L’analyse des données individuelles (cycles glycémiques journaliers en 7 points) des patients diabétiques de type 2 inclus dans les études de phase III évaluant l’efficacité et la tolérance du lixisénatide vs placebo en association à l’insuline ± anti-diabétiques oraux, suggère que l’efficacité du lixisénatide sur le taux d’HbA1c est principalement liée à son action sur les glycémies postprandiales. En effet, les aires sous courbe de ces profils glycémiques, distinguées en part respective de l’hyperglycémie “basale” (aire comprise entre 5,6 mmol/l et le niveau de glycémie au réveil) et de l’hyperglycémie postprandiale (aire comprise entre le niveau de glycémie au réveil et le profil nycthéméral), montrent, après 24 semaines de traitement, une réduction de l’hyperglycémie postprandiale plus importante sous lixisénatide (21 mmol/h vs 10 mmol/h, p < 0,0001) alors que l’HbA1c diminue de 0,8 % (versus 0,3 % dans le groupe placebo). Dans le même état d’esprit, l’analyse posthoc de l’étude GetGoal-L, qui a démontré que l’ajout d’une injection de lixisénatide, versus placebo, dans le diabète de type 2 traité par insuline basale à dose stable permet de réduire de façon significative le taux d’HbA1c, montre

que cette efficacité est d’autant plus importante que la glycémie à jeun est mieux contrôlée (≤ 6,7 mmol/l). Cela semble confirmer l’action préférentielle de cet agoniste du GLP-1 sur les glycémies postprandiales.

en conclusion Les résultats de ces études suggèrent que l’ajout d’analogue du GLP-1 après échec d’insulinothérapie basale constitue une alternative intéressante au schéma basal-bolus au vu de l’évolution du poids et du risque hypoglycémique en faveur du GLP-1. D’ailleurs, une association fixe analogue du GLP-1/insuline lente est en cours de développement : l’IDegLira, combinant, pour chaque augmentation de dose, 1 unité d’insuline degludec et 0,036 mg de liraglutide. Une étude en ouvert de 6 mois chez 1 663 patients diabétiques de type 2 insuffisamment contrôlés sous metformine ± pioglitazone, a comparé une injection quotidienne d’IDegLira, à celle de degludec ou de liraglutide 1,8 mg. Elle montre une diminution de l’HbA1c significativement plus importante sous IDegLira que sous degludec ou sous liraglutide (-1,9 % vs -1,4 % et -1,3 % respectivement, p < 0,0001). Cette amélioration de l’équilibre glycémique se fait avec un risque réduit d’hypoglycémies, de prise de poids et d’effets indésirables digestifs. n

Dr Helen Mosnier-Pudar

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9 Risques cardiovasculaires

du diabétique Peut-on les prédire ?

a bien sûr confirmé le rôle délétère des facteurs de risque traditionnels tels que le tabagisme, l’hypertension, l’âge du patient et l’ancienneté du diabète dans la survenue d’un AVC.

Introduction La première matinée de cette étape espagnole de l’EASD fut consacrée aux présentations de potentiels facteurs prédictifs de survenue de complications cardiovasculaires chez les diabétiques de type 1 comme de type 2. Une petite revue de ces propositions cliniques et biologiques permet de faire le point sur ces avancées.

Les risques d’accidents vasculaires cérébraux chez le diabétique de type 1 C’est une équipe finlandaise qui nous rappelle, pour débuter cette session, que les diabétiques de type 1 font 5 fois plus d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) comparativement aux non-diabétiques, et que ce risque passe à 20 fois plus lorsqu’ils sont âgés de moins 50 ans. Pour tenter d’en déterminer les causes, S. Hagg a rapporté les résultats de l’étude multicen-

trique FinnDiane (pour Finnish Diabetic Nephropathy) qui a suivi 4 083 diabétiques de type 1 pendant 10 ans. À leur inclusion, le profil moyen de ces patients était le suivant : âge 37,4 ans ; durée de diabète 21,3 ans ; 51 % d’hommes ; 46 % de fumeurs, 20 % de néphropathies diabétiques ; 32 % de rétinopathies ; 36 % d’hypertensions. Après 10 ans (9,0 ± 2,7 ans) de suivi, 3,6 % des patients ont présenté un AVC (pour 70 % des AVC ischémiques et pour 30 % des AVC hémorragiques). L’analyse des risques utilisant le modèle proportionnel de Cox

Mais les auteurs soulignent que les complications microvasculaires (notamment néphropathiques), le mauvais contrôle de la glycémie et l’insulinorésistance doivent également être considérés comme des facteurs de risque indépendants, s’agissant aussi bien des AVC ischémiques que des AVC hémorragiques. En revanche, il semble que l’indice de masse corporelle soit corrélé négativement à la survenue d’AVC hémorragiques.

Intérêt du proBNP dans la coronaropathie du diabétique de type 2 Nous connaissons tous l’intérêt du dosage du BNP (peptide

Tableau 1 - Hazard ratio. Tout AVC (n = 149)

Ischémie (n = 105)

Lacunes (n = 58)

Hémorragie (n = 44)

Durée du diabète

1,04

1,06

1,05

NS

Néphropathie

2,28

2,81

2,72

2,63

Rétinopathie

1,90

NS

NS

2,91

HbA1c

1,17

1,23

1,22

1,22

Pression systolique

1,02

1,02

1,02

1,02

HTA

2,52

2,52

3,44

NS

Tabagisme

1,58

1,93

NS

NS

-

-

-

0,88

BMI

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Diabète & Obésité • Novembre 2013 • vol. 8 • numéro 73


EASD 2013

DOSSIER

K Recherche de

l’équilibre glycémique Le cas des hypoglycémies Introduction Cette session consacrée à l’équilibre glycémique et à la potentielle survenue d’hypoglycémies chez les diabétiques de type 1 comme de type 2, a fait la part belle à la nouvelle insuline degludec qui vient d’avoir l’aval commercial de l’Agence européenne du médicament. La fin d’après-midi fut plus particulièrement consacrée aux attitudes préventives en face des hypoglycémies induites par l’effort.

IDegAsp ou aspart 30 chez les diabétiques de type 2 ? Une métaanalyse IDegAsp1 est une nouvelle insuline associant 70  % d’insuline degludec2 (IDeg) et 30 % d’insuline aspart3 (IAsp) permettant ainsi de combiner en une injection une insuline de très longue durée à une insuline d’action rapide et courte. L’objectif de cette métaanalyse est d’évaluer la survenue des hypoglycémies sous cette nouvelle thérapie comparativement à un traitement combiné de référence, l’insuline biphasique aspart 304 (BIAsp 30). La définition de l’hypoglycémie pour l’étude a été chiffrée en deçà de 3,1 mmol/l5, la sévérité de cette dernière étant cotée par la notion d’une assistance au resucrage.

L’analyse des deux études de phase 3a randomisées, en intention de traiter, de diabétiques de type 2 sous deux injections par jour, soit de IDegAsp, soit de BIAsp, a montré des résultats similaires en termes d’HbA1c (IDegAsp  : 7,06 % versus BIAsp 30 : 7,07 %). Néanmoins, la glycémie à jeun était meilleure sous IDegAsp (-1,12 mmol/l ; p < 0,0001) qui, par ailleurs, permettait une moindre prise de poids (-0,50 kg ; p = 0,012). La dose totale d’insuline injectée en fin d’étude était plus faible sous IDegAsp que sous BIAsp 30 (0,9 U/ kg versus 1,1 U/kg ; p < 0,0001) de même que le nombre total d’hypoglycémies (-19 % ; p = 0,03), notamment la nuit (-57 % ; p < 0,0001). Les formes sévères furent peu

fréquentes sur l’ensemble de l’étude et moins nombreuses sous IDegAsp (-39 % ; p = 0,27). Durant la période d’entretien (16 semaines après l’obtention de la valeur glycémique cible et de la stabilisation de la dose d’insuline), la fréquence des hypoglycémies sévères fut significativement moins importante sous IDegAsp que sous BIAsp 30 (-84 % ; p = 0,0061). Il en fut de même pour le nombre total d’hypoglycémies (-31 %) et le nombre d’hypoglycémies nocturnes (-62 %) (Tab. 1). Il n’y a pas eu de différence entre les deux insulines s’agissant des paramètres sécuritaires, notamment de la survenue d’événements cardiovasculaires (IDegAsp : 4 événements versus 7 événements pour BIAsp 30). La conclusion de cette première présentation sponsorisée par Novo Nordisk® est donc bien sûr en faveur de la combinaison degludec-aspart qui réduit significativement la glycémie à jeun avec moins d’insuline, moins de prise

Tableau 1 - Comparaison de la fréquence des hypoglycémies. 1. Insuline ayant obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en 2014 sous le nom de Ryzodeg®. 2. Nouvelle insuline de Novo Nordisk® d’action ultralente qui, sur le plan moléculaire, possède une délétion de la thréonine en position B30 associée au rajout d’une chaîne d’acides gras à 16 carbones en position B29. Sa caractéristique principale est de former des chaînes de multihexamères d’insuline dans le tissu sous-cutané, ce qui allonge sa demi-vie qui est de 25,4 h comparativement à 12,5 h pour la glargine. Au final, sa durée d’action est de plus de 40 heures. Par ailleurs il semble qu’elle possède une très faible variabilité intra-individuelle d’une injection à l’autre. Elle a obtenu son autorisation de mise sur le marché par l’EMA en janvier 2013 sous le nom de Tresiba®. 3. Novorapid®. 4. NovoMix 30®. 5. Soit 0,55 g/l.

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Rapport IDegAsp/BIAsp 30 Période d’entretien

WT NC

Hypoglycémies totales

0,81 ; p = 0,0341

0,69 ; p = 0,0015

Hypoglycémies nocturnes

0,43 ; p < 0,0001

0,38 ; p < 0,0001

Hypoglycémies sévères

0,61 ; p = 0,2661

0,16 ; p = 0,0061

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Interspécialités

Philosophie et éthique de la maladie chronique Réflexion Yannis Constantinidès*

Introduction Les maladies chroniques sont le plus souvent abordées comme un problème de santé publique : on s’inquiète de leur recrudescence, on s’interroge sur les traitements possibles, etc. Mais avant d’être une catégorie médicale bien identifiée, la pathologie chronique est une expérience radicale de vie qui transforme de part en part le “réprouvé” ayant goûté bien malgré lui de ce fruit amer. Il doit désormais s’accommoder d’une existence diminuée, asservie au rythme de la maladie. L’éducation thérapeutique dont il bénéficie peut certes atténuer son sentiment de dépendance, mais cette autonomie nouvelle reste très relative et surtout constamment assistée. Il est donc absurde de faire du patient le responsable de sa santé même si cela part d’un bon sentiment.

LA PERTE DOULOUREUSE DE L’INNOCENCE ORGANIQUE La maladie, même bénigne ou passagère, est toujours une expérience marquante dans la mesure où l’on y prend brutalement conscience des limites réelles de son corps. Cette lucidité amère tranche avec l’insouciance, la légèreté de la “bonne” santé. Georges Canguilhem a en ce sens très opportunément comparé le fait de tomber malade à la Chute biblique, les “coupables” étant impitoyablement chassés du paradis de l’harmonie physique et spirituelle, et condamnés à errer sans fin en échange d’une connaissance claire et douloureuse dont ils se seraient au fond bien passés. « La santé, c’est l’innocence organique. Elle doit être perdue, comme toute innocence, pour qu’une connaissance soit possible. » (1)

LES LEÇONS DE LA MALADIE

*Philosophe et formateur en éthique médicale, Paris

La maladie agit ainsi comme un terrible révélateur de la précarité mais aussi de la grande valeur pour nous de la santé, qui nous semblait jusque-là aller de soi. C’est avec nostalgie que nous contemplons alors la condition édénique (la santé parfaite) dont nous sommes déchus.

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Canguilhem parlait de la maladie grave en général, mais cette métaphore suggestive de la Chute s’applique tout particulièrement à la maladie chronique puisqu’un patient guéri retrouvera rapidement ce sentiment illusoire mais précieux d’invulnérabilité que le malade au long cours n’éprouvera plus jamais. Même si « aucune guérison n’est retour à l’innocence biologique » (2), la reconquête de la santé fait que l’on peut oublier cette alerte et redevenir insouciant voire imprudent, un luxe que ne peuvent à l’évidence se permettre ceux qui doivent vivre en permanence avec leur maladie. C’est la possibilité de l’excès, de l’abus de santé, comme le dit Canguilhem, qui leur est ôtée. La rupture existentielle entre l’avant et l’après, que symbolise l’annonce du diagnostic, ne saurait être plus marquée qu’ici.

« Vivre d’une autre vie » Vivre avec ce savoir que l’on est foncièrement malade modifie évidemment toute la représentation du monde que l’on a. Les progrès, notamment technologiques, dans la prise en charge des maladies chroniques, du diabète en particulier, ont occulté cette dimension subjective pourtant fondamentale du 321


Mise au point

Le tabagisme chez le sujet obèse Avant et après chirurgie Pr Didier Quilliot*

Introduction

Le tabagisme chez le sujet obèse D’après l’enquête OBEPI 2012 (1), 17,1 % des obèses fument. Curieusement, en France, cette prévalence est moindre que dans la population générale (38 % des hommes et 30 % des femmes selon l’INPES). Dans d’autres pays, notamment anglo-saxons, le tabagisme est plus fréquent chez les sujets obèses que dans la population générale (40 à 60 %) (2), le tabagisme et l’obésité étant plus fréquents dans les classes socio-économiques défavorisées.

Relation tabac, corpulence et composition corporelle À tous les âges de la vie, on constate une relation négative *Unité d’Assistance nutritionnelle-Unité transversale de Nutrition – Unité multidisciplinaire de Chirurgie de l’Obésité – Service de Diabétologie-Maladies métaboliques et Nutrition, CHU de Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy

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© Roman Sigaev – Stocklib

À la question « L’arrêt du tabac vous paraît-il nécessaire avant chirurgie bariatrique ? », la majorité des médecins et chirurgiens répondrait oui. À la question « L’exigez-vous de vos patients ? », bon nombre répondrait non ! Pourtant, l’arrêt du tabac fait partie des mesures à prendre pour diminuer les risques opératoires, au même titre que les autres facteurs de risque habituellement pris en charge en préopératoire (syndrome d’apnées du sommeil, hypertension, équilibre glycémique, risque thromboembolique…).

entre consommation de tabac et IMC (3). Ainsi, le fumeur entretient un “sous-poids”, correspondant à 2 points d’IMC ou 3 à 5 kg (4). C’est, en moyenne, le poids qui sera repris après sevrage. Ce “sous-poids ” masque des modifications de la répartition de la masse grasse. Si, en moyenne, la masse grasse viscérale est plus basse chez le fumeur que chez le non-fumeur, on observe une augmentation de la masse grasse viscérale parallèlement à l’augmentation du tabagisme (5). Cette augmentation de la masse grasse abdominale va de pair avec une diminution de la masse maigre. Le tabagisme favorise donc la sarcopénie, probablement par un mécanisme direct en inhibant la synthèse protéique musculaire et indirectement par défaut de sollicitation.

Pourquoi un sous-poids chez le sujet fumeur ? ❚❚Une augmentation des dépenses sans augmentation des apports La nicotine entraîne une augmentation des dépenses énergétiques, sans augmentation des apports. Par quels mécanismes ? Le principal mécanisme expliquant ce “sous-poids” est lié à l’effet stimulant de la nicotine sur le système nerveux sympathique (SNS), touchant à la fois l’adrénaline et la noradrénaline (6). Cette stimulation est responsable d’une activation de la lipolyse, démontrée chez l’Homme grâce à la microdialyse du tissu adipeux sous-cutané. La nicotine active aussi directement la lipolyse par le biais de récepteurs cholinergiques présents au niveau de l’adipocyte (7). Cet effet

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