En pratique
Neuropathies périphériques après chirurgie bariatrique Comment les prévenir et les prendre en charge ? Dr Cécile Ciangura*, Dr Timothée Lenglet**
Introduction Les neuropathies périphériques sont des complications dont la fréquence est estimée entre 0,08 et 16 % des interventions de chirurgie bariatrique. Leur délai de survenue est compris entre 4 mois et 14 ans. Les tableaux cliniques décrits sont le plus souvent une polyneuropathie sensitive subaiguë par carence vitaminique (en particulier vitamines B1 et B12, cuivre et polycarentielle), et une mononeuropathie par compression canalaire consécutive à l’amaigrissement rapide, en particulier chez les sujets diabétiques. Des mécanismes inflammatoires et immunologiques pourraient également participer à cette complication. Si elles restent rares, leur pronostic peut être gravissime et la récupération axonale semble liée à la rapidité de la prise en charge. Les facteurs favorisants sont les troubles digestifs et l’absence de prise en charge nutritionnelle. Même si les interventions avec malabsorption sont plus exposées, aucune chirurgie, même purement restrictive, ne semble épargnée. La prévention comprend bien sûr la supplémentation vitaminique, mais aussi l’éducation des patients à reconnaître les signes d’alerte tels que les paresthésies, les douleurs neurogènes et les troubles de l’équilibre.
Introduction
Le système nerveux périphérique comprend les nerfs crâniens, les racines spinales, les ganglions rachidiens postérieurs moteurs ou sensitifs, les troncs nerveux périphériques et leurs ramifications *Praticien hospitalier, Service de Nutrition, Groupe hospitalier La Pitié Salpêtrière–Charles-Foix, Paris cecile.ciangura@psl.aphp.fr **Praticien hospitalier, Département de Neurophysiologie clinique, Groupe hospitalier La Pitié Salpêtrière–Charles-Foix, Paris
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© Juan Herrera – iStockphoto
Nous aborderons dans cet article les atteintes des nerfs périphériques observées après chirurgie bariatrique. Par choix, nous ne détaillerons pas les atteintes neurologiques centrales qui peuvent être également observées après chirurgie bariatrique, au premier rang desquelles la redoutable encéphalopathie de Gayet-Wernicke due à la carence en vitamine B1 et la sclérose combinée de la moelle liée à la carence en vitamine B12.
terminales, et le système nerveux autonome. Parmi les atteintes Neurologiques périphériques (NP), on distingue : • Les mononeuropathies, qui consistent en l’atteinte d’un seul tronc nerveux, par un mécanisme souvent compressif et dont les
manifestations sont motrices et/ ou sensitives dans le territoire nerveux correspondant. • Les mononeuropathies multiples, également appelées multinévrites, qui associent plusieurs mononeuropathies. L’étiologie en est souvent une vascularite. Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76
Neuropathies périphériques après chirurgie bariatrique
• Les polyneuropathies, qui sont des atteintes diffuses et plutôt distales, touchant les fibres sensitives superficielles (sensibilité épicritique, thermique et algique) ou profondes (équilibre), les fibres motrices, ou encore celles du système nerveux autonome. Il est important de préciser si l’atteinte est aiguë (de quelques jours à 1 mois), subaiguë (1 à 2 mois) ou chronique (au-delà de 2 mois).
et dérivation biliopancréatique) paraissent plus fréquemment associées aux NP, il n’est en réalité pas possible d’identifier quelle procédure est associée à une moindre fréquence de NP. En particulier, plusieurs publications rapportent ce type de complication après chirurgie purement restrictive (gastrectomie, gastroplastie verticale calibrée, anneau gastrique et même un cas après un ballon intragastrique) (3).
Prévalence
Si l’encéphalopathie est une complication qui survient précocement après l’intervention, le délai des NP est plus variable et tardif : le délai de survenue est de 4 mois jusqu’à 14 ans après l’intervention chirurgicale (4) !
Les neuropathies périphériques sont des complications rares de la chirurgie bariatrique. Leur prévalence varie de 0,08 à 16 % selon les séries, en moyenne à 1,3 % dans une revue exhaustive publiée en 2006 (1). Cette revue reprend toutes les publications de 1974 à 2006, soit 60 cas (96 patients) et 118 séries (9 996 patients). Les atteintes neurologiques périphériques correspondent pour 67 % à des polyneuropathies, et pour 30 % à des mononeuropathies. La cohorte de la Mayo Clinic est particulièrement intéressante (2). Cette série rétrospective porte sur les 435 patients suivis dans ce centre entre 1985 et 2001, opérés d’une chirurgie bariatrique, et comparés à une série contemporaine de patients obèses ayant été opérés d’une cholécystectomie, et appariés pour l’âge et le sexe. Le diagnostic de neuropathie était retenu devant des signes cliniques évocateurs confirmés par un électromyogramme. La prévalence de NP était de 16 % après chirurgie bariatrique contre 3 % après cholécystectomie. Parmi ces NP, 38 % étaient des polyneuropathies à prédominance sensitive, 55 % des mononeuropathies et 7 % des neuropathies radiculaires. Même si les chirurgies avec une composante malabsorptive (by-pass gastrique Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76
Physiopathologie Les facteurs prédictifs d’une NP identifiés sont (2) : - une valeur absolue de perte de poids importante ; - un délai de perte de poids court ; - une symptomatologie gastro-intestinale supérieure à 3 mois ; - la survenue de complications chirurgicales ; - une réhospitalisation ; - l’absence de suivi nutritionnel postopératoire ; - l’absence de supplémentation vitaminique.
Les carences en micronutriments Le premier facteur physiopathologique expliquant la survenue de NP après chirurgie bariatrique est la carence vitaminique, liée à la carence d’apport à laquelle s’ajoute la malabsorption éventuelle. L’expression phénotypique classique des NP carentielles est la polyneuropathie sensitive subaiguë, liée à une dégénérescence axonale. Elle peut être également sensitivomo-
trice, et plus rarement aiguë. Les manifestations cliniques ne sont pas spécifiques d’un micronutriment, et sont souvent d’origine pluricarentielle. Nous le détaillerons plus tard, mais il faut se souvenir que les marqueurs biologiques manquent de sensibilité. Le taux de résolution est variable selon les études, et serait de l’ordre de 50 %. La régénération axonale est lente et prend plusieurs mois. Il semble que l’ancienneté de la carence soit un facteur pronostic négatif. Les facteurs aggravants sont les vomissements, la mauvaise observance des suppléments vitaminiques et la consommation d’alcool. Quand des carences précises en micronutriments sont rapportées, il s’agit de la carence en vitamine B1, vitamine B12 et en cuivre (4). ❚❚La vitamine B1 Elle est un cofacteur du métabolisme du glucose dans les systèmes nerveux, musculaire et cardiaque, ce qui explique le retentissement d’une carence sur le fonctionnement neurologique (5). Elle est également impliquée dans la synthèse de l’acétylcholine et donc dans la transmission nerveuse. Il faut se souvenir que sa demi-vie est de l’ordre de 15 jours, et que son stock très faible peut être effondré en 3 à 6 semaines. Le besoin en vitamine B1 augmente avec l’apport calorique et en glucides, et une carence en B1 peut être démasquée par une charge en glucose. Son absorption intestinale a lieu dans le jéjunum proximal, et il existe une compétition avec l’alcool. La neuropathie périphérique liée à la carence en B1 est appelée béribéri neurologique (par distinction du béribéri cardiaque avec insuffisance cardiaque). Il s’agit 51
En pratique
Les neuropathies périphériques sont des complications dont la fréquence est estimée en moyenne à 1,3 % des interventions de chirurgie bariatrique. d’une polyneuropathie sensitive, motrice, douloureuse, distale, symétrique (comme la neuropathie liée à l’alcool). Elle peut être associée à l’atteinte neurologique centrale aiguë qu’est l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke (confusion, troubles oculomoteurs et syndrome cérébelleux) ou isolée. Le diagnostic est confirmé par la diminution du dosage de thiamine sérique et érythrocytaire ou de l’activité transcétolase érythrocytaire. Cependant, il ne faut pas attendre le résultat biologique et traiter dès la suspicion par de fortes doses de vitamine B1 (cf. infra). ❚❚La vitamine B12 (cobalamine) Elle est impliquée dans toute une série de réactions enzymatiques du métabolisme de la vitamine B9 (folates) et de l’homocystéine, et dans la synthèse de la myéline et de l’ADN. La carence en vitamine B12 survient souvent à distance de l’intervention car le stock hépatique est suffisant pour 6 à 12 mois (cela peut être plus court en cas de deuxième intervention chirurgicale). La vitamine B12 est couplée aux protéines animales et l’acidité gastrique est nécessaire pour l’en séparer. La vitamine B12 se lie au facteur intrinsèque dans l’estomac et l’ensemble vitamine B12-facteur intrinsèque est absorbé au niveau iléal. Il existe une interférence de la vitamine B12 avec la metformine et le protoxyde d’azote utilisé en anesthésie qui peuvent donc précipiter une carence en B12. Les signes neurologiques ne sont pas systématiquement associés aux autres manifestations de la carence en vitamine B12, et il n’est pas rare d’avoir des signes 52
neurologiques sans anémie mégaloblastique par exemple. On connaît bien la sclérose combinée de la moelle par carence en vitamine B12 caractérisée par l’installation progressive d’une atteinte médullaire postérieure puis latérale responsable d’un trouble proprioceptif et d’un déficit moteur pyramidal, avec des hypersignaux T2 des cordons postérieurs sur l’IRM. Le dosage de la vitamine B12 fait partie du bilan de démence systématique car elle peut donner des atteintes psychiatriques ou cérébrales (confusion, modification du goût, de l’odorat, de la vision). La NP liée à la carence en B12 peut survenir isolément ou en association avec l’atteinte médullaire. Elle consiste en une atteinte sensitive superficielle et/ou profonde, et possiblement une neuropathie optique. L’EMG conclut le plus souvent à une polyneuropathie axonale sensitivomotrice distale et symétrique. Le diagnostic de la carence en B12 est fait par le dosage sérique de vitamine B12 qui est abaissé. Parfois il est normal, et il faut doser les précurseurs des réactions métaboliques qu’elle contrôle : leur augmentation signe l’accumulation par défaut de vitamine B12 et permet de faire le diagnostic de la carence (acide L methylmalonyl CoA et homocystéine) (6). Dans tous les cas, il n’y a aucun risque à instaurer un traitement empirique par vitamine B12 sans attendre le résultat de ces dosages (cf. infra). ❚❚La carence en cuivre Elle donne des tableaux similaires à ceux de la carence en vitamine B12 : atteinte médullaire,
neuropathie sensitive périphérique et neuropathie optique. La carence en cuivre est confirmée par un dosage de cuivre et de céruloplasmine diminué (4, 7). Les carences en vitamines B9, B6, B2, B3 et E sont plus rarement associées à des manifestations neurologiques périphériques dans la littérature (7).
Fragilité neurologique sous-jacente Les patients qui bénéficient d’une chirurgie bariatrique présentent souvent des pathologies métaboliques, elles-mêmes sources de neuropathies, indépendamment de la chirurgie. Il faut donc avoir à l’esprit que ces patients ont potentiellement une fragilité sur le plan neurologique qui va les exposer à plus de complications. On sait que la prévalence des neuropathies périphériques est de 20 % dans le diabète de type 2, et qu’elle peut être indépendante de l’équilibre glycémique. L’intolérance au glucose pourrait expliquer un tiers des neuropathies sensitives “idiopathiques”. Dans une étude observationnelle, la prévalence des NP périphériques était de 11 % pour les personnes intolérantes au glucose, contre 26 % pour les personnes diabétiques et 4 % pour les normoglycémiques. Le syndrome métabolique, en particulier l’obésité et l’hypertriglycéridémie, sont également des facteurs de NP (9). Cette association est discutée pour le syndrome d’apnées du sommeil. Même si la dépendance à l’alcool reste une contre-indication à la chirurgie bariatrique, un antécédent d’alcoolisme est un fort pourvoyeur de NP, avec une prévalence de 10 % (9 à 30 % selon les séries), du fait de sa toxicité nerveuse directe, de sa compétition avec l’absorption intestinale de vitamine B1, Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76
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et de la malabsorption vitaminique en cas de troubles gastropancréatiques associés. Cette fragilité neurologique peut expliquer que ces patients présentent plus de complications neurologiques quand les facteurs impliqués dans la chirurgie bariatrique s’ajoutent.
Atteintes nerveuses compressives Les atteintes monotronculaires par compression canalaire sont fréquentes en cas d’amaigrissement important : le tissu graisseux protecteur est perdu et le nerf se retrouve en contact plus direct avec les reliefs osseux périphériques. Ces manifestations sont dues à l’amaigrissement important et rapide, et ne sont pas spécifiques de la chirurgie. La symptomatologie est spécifique du niveau de compression, et peut être bilatérale : les compressions du nerf médian au canal carpien, du nerf sciatique poplité externe au col du péroné, et du nerf ulnaire au coude sont les plus fréquentes. Le traitement est mécanique : orthèse, kinésithérapie, voire chirurgie décompressive. Les patientes diabétiques semblent plus exposées à ce type de pathologies (2, 10).
Phénomène immunologique et inflammatoire Plusieurs cas de syndrome de Guillain-Barré ont été rapportés après chirurgie bariatrique. L’explication physiologique n’est pas évidente et des traitements spécifiques par immunoglobulines ont été associés à des vitaminothérapies probabilistes pour ces polyneuropathies périphériques aiguës et subaiguës (11). Thaisettawatkul et al. ont rapporté un infiltrat inflammatoire de cellules mononuclées associé à la dégénérescence axonale sur quelques biopsies de nerf sural chez des Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76
Même si les interventions avec malabsorption sont plus exposées, aucune chirurgie, même purement restrictive, ne semble épargnée. patients présentant des polyneuropathies subaiguës (2). La présentation clinique des patients n’est pas précisée dans l’article, mais on peut imaginer que pour les 4 patients (sur 71) ayant dû subir une biopsie, les données cliniques et/ou l’EMG et l’étude du liquide céphalorachidien n’étaient pas seulement évocateurs d’un problème carentiel. Bien que les mécanismes physiopathologiques ne soient pas connus, cette association entre chirurgie et manifestations infectieuses et/ou inflammatoires, peut être rapprochée des données observées dans l’étude SOS avec une mortalité liée aux infections à 12 % des patients opérés contre 3 % dans le groupe des patients suivis médicalement (12).
En pratique En pratique, il faut bien sûr penser avant tout à la neuropathie carentielle devant des manifestations de polyneuropathies périphériques, prélever les vitamines mais ne pas attendre les résultats pour commencer à traiter car il n’y a pas de corrélation systématique entre les résultats biologiques et les symptômes. D’autre part, il n’y a pas d’association systématique avec les atteintes extraneurologiques liées à cette carence. L’exemple le plus parlant de ces situations est la polyneuropathie par carence en vitamine B12 sans diminution du dosage sérique (un tiers des cas) et sans anémie macrocytaire (un tiers des cas). Un avis neurologique doit être requis car les tableaux ne sont pas forcément caractéristiques et il ne faut pas méconnaître une neuropathie d’autre origine qui reste possible dans tous les cas.
L’électromyogramme permet de confirmer le diagnostic de neuropathie périphérique. Il précise en outre la topographie, le type de fibres atteintes et le processus axonal et/ou démyélinisant. D’autres explorations peuvent être nécessaires telles que l’IRM médullaire et cérébrale, la ponction lombaire, voire la biopsie neuromusculaire selon l’orientation clinique. Il n’y a pas de recommandation spécifique pour la prise en charge de ces situations. Pour préciser l’origine carentielle, et indépendamment de la recherche des autres causes de NP, on peut proposer de réaliser un dosage de vitamine B12, d’acide méthylmalonyl CoA et homocystéine, de vitamine B9 sérique et érythrocytaire, de vitamine B1, B6, E, cuivre et céruloplasmine, à compléter éventuellement par un dosage de vitamine B2, A, zinc et sélénium. Le traitement vitaminique doit être “empirique et large”, car même si les micronutriments identifiés à l’origine de ces manifestations neurologiques sont souvent les vitamines B1, B12 et le cuivre, l’origine en est souvent multicarentielle et le patient est dans une situation nutritionnelle globalement défavorable. La toxicité d’un surdosage en micronutriments est exceptionnelle. Elle concerne la vitamine A pour des doses de l’ordre de 25 000 UI/j (10 000 UI/j pour la femme enceinte), et associe une hypertension intracrânienne, des nausées, des vomissements, des douleurs osseuses dans sa forme aiguë, et une atteinte hépatique dans sa présentation chronique. Cette 53
En pratique
situation est rarissime. L’autre risque de surdosage concerne la vitamine B6 qui occasionne en lui-même des neuropathies périphériques. Les cas rapportés dans la littérature semblent historiques pour des doses massives en aigu et atteignant 2 à 5 g/j pendant plusieurs mois ou 100 à 200 mg/j pendant plusieurs années en chronique (5). La prise en charge urgente des polyneuropathies périphériques ne met pas le patient dans une telle situation à risque. Il faut bien se souvenir qu’il n’a pas été rapporté de surdosage en vitamines B1 et B12. En corollaire, la recharge vitaminique doit être réalisée à « bonnes » doses. Par exemple, une proposition de traitement curatif d’une carence en vitamine B12 correspond à 1 000 µg par jour en intramusculaire pendant 1 semaine, puis 1 000 µg par semaine pendant 1 mois, puis 1 000 µg par mois. Cela est très différent des multivitamines qui n’apportent que 1 à 4 µg par jour de vitamine B12. Il en est de même pour la vitamine B1 dont le traitement curatif nécessite 100 à 1 000 mg IV par jour alors que la multivitamine n’en apporte que 1,4 mg. Il n’y a pas de consensus en termes de traitement. L’usage des réanimations neurologiques devant un tableau aigu est de donner en urgence : - 1 g IV de vitamine B1 ;
- 500 mg IV de vitamine B6 ; - 250 mg IV de vitamine PP ; - 1 000 µg IM de vitamine B12 ; - 1 flacon IV de Nonan® ; - 1 flacon IV de Cernevit®. Quand la voie parentérale est utilisée, le soluté doit être du sérum physiologique, et en aucun cas du glucosé qui précipiterait une carence en vitamine B1. L’ancienneté de la carence semble associée à l’irréversibilité des atteintes et il est donc primordial de supplémenter dès que le diagnostic est suspecté. Il est important d’évoquer une neuropathie périphérique carentielle même devant des tableaux cliniques “bizarres”, et de se souvenir que les sujets opérés ont un terrain à risque de neuropathie, indépendamment de la chirurgie (syndrome métabolique, diabète…). L’évaluation attentive préopératoire de ces patients devrait permettre de les repérer, et éventuellement de documenter l’atteinte préopératoire par un EMG de référence. Les cas publiés dans la littérature concernent majoritairement des patients avec des troubles digestifs et sans suppléments vitaminiques. Même si les chirurgies malabsorptives sont plus exposées, aucune procédure ne semble épargnée par ce type de complication. La
prévention doit être réalisée quelle que soit la procédure chirurgicale. Elle comprend la recherche et la correction des carences en préopératoire et au long cours, car le délai de survenue des neuropathies périphériques atteint jusqu’à 14 ans ; la prescription des multivitamines systématiques ; mais aussi l’information des patients sur les signes d’alerte tels que les fourmillements, les douleurs à type de décharges électriques et brûlures, les troubles de la sensibilité, de l’équilibre, de la marche, de la vision (et aussi confusion, faiblesse…) en postopératoire. La prudence devrait être de mise pour les interventions par sleeve pour lesquelles le peu de recul actuel ne paraît pas suffisant pour rassurer quant au risque de complications neurologiques tardives (3). Pour le soignant, il est important de savoir repérer les patients à risque de complications neurologiques en postopératoire : vomissements, complications chirurgicales, amaigrissement rapide, maladies intercurrentes. Dans ces cas, il est important d’ajouter en systématique des multivitamines et de la vitamine B1 par voie IV ou IM. n
Mots-clés : Neuropathie périphérique, Polyneuropathie, Mononeuropathie, Carence vitaminique, Chirurgie bariatrique
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Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76