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La prise en charge globale du patient diabétique

d www.diabeteetobesite.org

Diabète :

Médecine personnalisée, maladie chronique Dans la maladie chronique, la coordination des soins, c’està-dire l’intervention de multiples professionnels de santé autour d’un même malade et dans le même temps, et l’éducation thérapeutique sont deux éléments consubstantiels. Entretien avec le Pr Jacques Bringer

ZOOM SUR…

INTERSPÉCIALITÉS

EN PRATIQUE

Quelle place pour le chirurgien bariatrique dans la prise en charge de l’obésité ?

Traitement du diabète de type 2 en périopératoire de la chirurgie de l’obésité

Prise en charge des neuropathies périphériques après chirurgie bariatrique

Dr Philippe Marre

Dr Cécile Ciangura, Dr Timothée Lenglet

Dr Ana Estrade

PSYCHOLOGIE

MISE AU POINT

Les TCA avant et après chirurgie bariatrique

Chirurgie de l’obésité et diabète de type 2 : quoi de neuf ?

Brigitte Quintilla

Pr Patrick Ritz

Février 2014 • Volume 9 • n° 76 • 9 E



La pris e e n c h ar g e g l o ba l e d u pa t i e n t diab Ă© t i q u e

• Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Directrice du développement : Valérie Belbenoît • Directrice de la Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Secrétaire de rédaction : Fanny Lentz • Directrice de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette et illustrations : Erica Denzler, Antoine Orry • Directrice de clientèle/projets : Catherine Patary-Colsenet • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : ­ Imprimerie de Compiègne 2, avenue Berthelot – ZAC de Mercières BP 60524 – 60205 Compiègne cedex

sommaire

Février 2014 • Vol. 9 • N° 76

www.diabeteetobesite.org

n zoom sur

La prise en charge pluridisciplinaire de l’obésité De l’incantation réglementaire à la réalité de terrain, quelle place pour le chirurgien bariatrique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 34 Dr Philippe Marre (Le Port-Marly)

n mise au point

Chirurgie de l’obésité et diabète de type 2 Quoi de neuf au cours de ces 3 dernières années ? . . . . . . . . . . . . . . . p. 39 Pr Patrick Ritz (Toulouse)

Comité de lecture Rédacteur en chef “Obésité” : Pr Patrick Ritz (Toulouse) Rédacteur en chef “Diabète” : Dr Saïd Bekka (Chartres) Pr Yves Boirie (Clermont-Ferrand) Pr Régis Coutant (Angers) Pr Jean Doucet (Rouen) Pr Pierre Gourdy (Toulouse) Pr Véronique Kerlan (Brest) Dr Sylvie Picard (Dijon) Dr Helen Mosnier Pudar (Paris) Dr Caroline Sanz (Toulouse) Dr Anne Vambergue (Lille)

n Profession Médecine personnalisée, maladie chronique Quels sont les enjeux ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 43

Pr Jacques Bringer (Montpellier-Nîmes)

n interspécialités

En périopératoire de la chirurgie de l’obésité Traitement du diabète de type 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 46

Dr Ana Estrade (Toulouse)

Comité Scientifique Pr Bernard Bauduceau (Paris) Pr Rémy Burcelin (Toulouse) Pr Bertrand Cariou (Nantes) Pr François Carré (Rennes) Pr Bernard Charbonnel (Nantes) Dr Xavier Debussche (Saint-Denis, Réunion) Pr Jean Girard (Paris) Pr Alain Golay (Genève) Pr Hélène Hanaire (Toulouse) Dr Michel Krempf (Nantes) Pr Michel Pinget (Strasbourg) Pr Paul Valensi (Bondy) Diabète & Obésité est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai • 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : diabete@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1957-5238 N° de Commission paritaire : 1013 T 88454 Prix au numéro : 9 F. Mensuel : 10 numéros par an. Les articles de “Diabète & Obésité” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

n en pratique

Neuropathies périphériques après chirurgie bariatrique Comment les prévenir et les prendre en charge ? . . . . . . . . . . . . . . . . p. 50

Dr Cécile Ciangura, Dr Timothée Lenglet (Paris)

n psychologie Les troubles du comportement alimentaire Avant et après la chirurgie bariatrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 56

Brigitte Quintilla (Toulouse)

n Agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 38 n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 42

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Cette publication comporte une surcouverture Abbott Diabetes Care (½ page). Photo de couverture : © mathisworks - iStock.


zoom sur…

La prise en charge pluridisciplinaire de l’obésité De l’incantation réglementaire à la réalité de terrain, quelle place pour le chirurgien bariatrique ? Dr Philippe Marre*

Introduction L’obésité est devenue une cause de santé publique majeure mobilisant les professionnels de santé et les pouvoirs publics depuis une dizaine d’années, sa prévalence ayant doublé en seize ans, de 1997 à 2013, et concernant 15 % de la population française adulte (1). Après les équipes pionnières il y a une trentaine d’années, seuls quelques chirurgiens viscéraux isolés s’y intéressaient depuis une quinzaine d’années avec de grandes difficultés à mobiliser les spécialistes des autres disciplines. Depuis une dizaine d’années, l’obèse n’est plus systématiquement stigmatisé par les professionnels de santé dont le regard sur sa maladie évolue, parallèlement à celui de la famille, du monde du travail et de la société dans son ensemble. Le discours administratif et médical s’est structuré autour d’une maladie chronique s’avérant très complexe. Initialement isolé face à cette maladie, le chirurgien viscéral, appelé maintenant chirurgien bariatrique, est devenu un acteur parmi les autres au sein d’une équipe pluridisciplinaire intervenant dans la décision thérapeutique dans le cadre des Réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) dans des centres labellisés locaux et régionaux.

L’obésité a longtemps été vécue comme une tare obligeant le patient à vivre caché pour ne pas subir le mépris des autres et notamment des médecins qui méconnaissaient sa maladie, se bornant à donner des conseils diététiques de bon sens (2). Les difficultés de la prise en charge nutritionnelle et psychologique entraînant de médiocres résultats expliquent cet abandon en raison de la complexité de la maladie, de la lenteur des progrès dans sa compréhension, sa connaissance et son traitement. Ce sont les raisons pour lesquelles les premiers vrais succès ont été obtenus par des équipes chirurgicales pionnières depuis une trentaine d’années, notamment en Amérique *CSO IDF Ouest, Le Port-Marly

34

© diego_cervo – iStock.

Rappel historique

du Nord [HESS, MARCEAU (3)] et en Europe [SCOPINARO (4)], avec des interventions chirurgicales modifiant le comportement alimentaire (restriction) ou ayant des conséquences nutritionnelles importantes (malabsorption).

À la fin du XXe siècle, en Europe et en Amérique du Nord, un plus grand nombre d’équipes chirurgicales se sont intéressées à l’obésité (notamment en France : Dargent à Lyon, Mouiel à Nice, Proye à Lille, Zimmerman à Marseille...) Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76


zoom sur…

Difficultés matérielles Très satisfaisante dans son principe, la surveillance des patients obèses rencontre beaucoup de difficultés dans cette population particulière, fort peu compliante. Les consultations de diététiciens et de psychologues ne sont pas remboursées par les organismes de Sécurité sociale. Certains examens biologiques coûteux comme les dosages vitaminiques ne sont également pas remboursés.

Difficultés organisationnelles Les médecins nutritionnistes ne sont pas encore assez nombreux et leur statut de médecin généraliste limite leur rémunération pour des consultations nécessairement longues.

le besoin d’une formation adaptée pour bien prendre en charge leurs patients obèses.

Difficultés psychologiques Ces patients psychologiquement fragiles et de conditions sociales souvent précaires, renoncent volontiers à se faire suivre.

Difficultés sociales Les patients échappent facilement à la surveillance médicale à l’occasion d’un déménagement, d’un changement de téléphone ou tout simplement du refus de conserver le contact avec le médecin généraliste ou l’équipe bariatrique. D’une manière générale, ce suivi d’une population croissante est très chronophage pour le personnel de santé et de grands espoirs sont mis dans la télémédecine.

Difficultés professionnelles Nombre de médecins généralistes s’estiment peu compétents en matière d’obésité et manifestent

une sous-spécialité de la chirurgie digestive, élargissant progressivement son domaine à la chirurgie métabolique (du diabète notamment), comme en témoigne la création de la SOFFCO-MM. Parvenue à une certaine maturité, elle s’est structurée sous la houlette de la HAS (recommandations de bonnes pratiques) et des ARS (organisation en réseau autour de centres labellisés et spécialisés). Elle doit trouver sa vraie place dans l’ensemble de la prise en charge d’une maladie chronique, multifactorielle, à la fois fonctionnelle dans son origine et organique dans ses conséquences, pour la santé du patient. C’est un véritable enjeu de société, certes économique mais surtout n humain.

Mots-clés : Obésité, Pluridisciplinaire,

Conclusion La chirurgie bariatrique devient

Chirurgien bariatrique

Bibliographie 1. ObEpi – Roche 2012 : enquête nationale sur l’obésité et le surpoids. 2. Vigarello G.Les métamorphoses du gras.Collection Points.Éditions du Seuil.2010. 3. Marceau P. Traitement chirurgical de l’obésité. 2e édition 2012. 4. Scopinaro N, Gianetta E, Civalleri D et al. Bilio-pancreatic bypass for obesity : II. Initial experience in man. Br J Surg 1979 ; 66 : 618-20.

5. Bastard JP, Fève B. Physiologie et physiopathologie du tissu adipeux. Paris : Springer, 2013. 6. Recommandations pour la chirurgie bariatrique des obésités morbides. HAS. 2009. 7. Basdevant A. Plan d’action : obésité-établissements de soins. 2009.

agenda Congrès de la Société Francophone du diabète

American Diabetes Association 74rd Scientific Sessions

11-14 mars 2014 – Paris

13-17 juin 2014 – San Francisco

• Renseignements et inscriptions Site : www.congres-sfd.com

• Renseignements et inscriptions Site : scientificsessions.diabetes.org

Dietecom

16e Entretiens de nutrition

27-28 mars 2014 – Paris

12-13 juin 2014 – Lille

• Renseignements et inscriptions Site : www.dietecom.com/inscription.asp

• Renseignements et inscriptions Marie-Françoise Tahon : marie-francoise.tahon@pasteur-lille.fr

Congrès annuel de la société francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques (SOFFCO)

50th EASD Annual Meeting

22-24 mai 2014 – Versailles

European Association for the Study of Diabetes

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• Renseignements et inscriptions Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76 Site : www.easd.org

• Renseignements et inscriptions Site : www.soffco2014.com

15-19 septembre 2014 – Vienne


Mise au point

Chirurgie de l’obésité et diabète de type 2 Quoi de neuf au cours de ces 3 dernières années ? Pr Patrick Ritz*

Introduction Il y a presque 20 ans, un chirurgien américain publiait un article intitulé : « Qui l’aurait pensé ? Une opération s’avère être le traitement le plus efficace du diabète » (1). Dans cette étude avec un suivi de 14 ans, plus de 80 % des patients avaient un contrôle glycémique satisfaisant. Ce même auteur, de façon polémique lors d’un congrès en 2014 aux ÉtatsUnis, considérait que la communauté médicale et les endocrinologues avaient du mal à être convaincus de l’efficacité et d’un rapport bénéfice-risque favorable de la chirurgie de l’obésité chez les patients diabétiques. Après toute une période de discussions au sujet des rémissions et des “guérisons” du diabète, vient un temps où des essais cliniques de très haute qualité montrent l’efficacité de la chirurgie de l’obésité sur la charge thérapeutique et l’efficacité du contrôle glycémique.

Rémission ou guérison En 2009, une méta-analyse indiquait le pourcentage de rémission du diabète de type 2 après les chirurgies les plus fréquemment pratiquées (2) (Tab. 1). Ces chiffres ne sont pas remis en cause par les essais randomisés publiés entre 2008 et 2012.

*CHU de Toulouse

Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76

Dans un essai randomisé au tout début du diabète de type 2, chez des patients peu déséquilibrés (HbA1c 7,8 %) et pour la plupart non insulinés, l’anneau gastrique entraîne une rémission chez 76 % des cas, vs 15 % des cas dans le groupe contrôle à 2 ans de la randomisation (3).

caractère randomisé, souffrent de la non-harmonisation des critères de rémission. Ce qui explique en partie la variabilité des résultats.

Comment définir la rémission ? De plus en plus, une définition simple de la rémission apparaît (6) : • Elle est totale si au bout d’1 an le patient est strictement normoglycémique (glycémie < 100 mg/ dL, HbA1c < 6 %) sans aucun traitement. • Elle est partielle si au bout d’1 an, le patient est entre la normo-glycémie et le diagnostic du diabète (100 < glycémie < 126 mg/dL, HbA1c < 6,5 %) sans aucun traitement.

Chez des patients dont le diabète est plus ancien (9 ans), moins bien équilibré (HbA1c 9,6 %) et le plus souvent insuliné (50 % des patients), à 1 an le taux de rémission est de 12 % dans le groupe contrôle, de 42 % chez les patients ayant reçu un bypass gastrique, et de 37 % chez ceux ayant eu une sleeve gastrectomy (4). Chez des patients un peu différents (HbA1c 8,5 %, IMC à 45, 6 ans de durée de diabète) à 2 ans, le taux de rémission est de 95 % après une diversion biliopancréatique et de 75 % après un bypass. Il n’y avait aucune rémission dans le bras contrôle (5).

On commence à parler de guérison, ou de rémission prolongée, au bout de 5 ans, par analogie avec le cancer. Le débat est byzantin et ne devrait pas focaliser l’attention. Des arguments plus forts dans la pratique clinique méritent d’être

Toutes ces études, malgré leur

Tableau 1 - Rémission du diabète de type 2. Revue systématique de Henry Buchwald (2). % d’excès de l’IMC (> 25 %) perdu

% de rémission du diabète

Diversion biliopancréatique

73

95

Bypass avec Roux-en-Y

63

80

Anneau gastrique

49

57

39


Profession

Médecine personnalisée, maladie chronique Quels sont les enjeux ? n À travers cet entretien, le Pr Jacques Bringer, doyen de la Faculté de Médecine de Montpellier-Nîmes, revient sur le concept de médecine personnalisée et nous en explique les enjeux.

Diabète & Obésité : Que vous évoque le thème de cet article « Médecine personnalisée, maladie chronique » ? Pr Jacques Bringer : Pour moi, cela revient à répondre à la question : « Comment concilier, dans la prise en charge des maladies chroniques, une médecine des maladies avec une médecine de la personne ? ». Aujourd’hui, les maladies chroniques, dont certaines connaissent une progression exponentielle – c’est le cas de l’obésité, du diabète, des maladies cardiovasculaires, du cancer, des maladies respiratoires et des maladies neurodégénératives –, nécessitent un changement profond de la manière de soigner. Ces dernières années, les grands progrès de la médecine ont concerné la connaissance et l’exploration des maladies et le développement des traitements spécifiques à celles-ci. Aujourd’hui, on voit que l’approche centrée sur la maladie est pour une part cloisonnée et aboutit à des stratégies spécialisées avec des recommandations de soins et de traitements spécifiques et à une Éducation thérapeutique des patients (ETP) qui est ellemême cloisonnée. Cela conduit à de multiples examens et à de multiples thérapeutiques qui parfois se retrouvent empilés chez un même patient qui peut avoir plusieurs maladies. En effet, parallèlement à l’épidémie environnementale de certaines maladies chroniques, on observe l’émergence de plus en plus de polypathologies chez une même personne, et ce n’est pas forcément lié au phénomène de l’âge. On peut citer l’exemple d’un patient obèse diabétique, qui a des problèmes cardiaques, respiratoires et rénaux, ce qui est très fréquent. Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76

Les maladies chroniques doivent donc induire aujourd’hui une réflexion et une organisation vers une stratégie centrée sur le malade que l’on pourrait appeler « la médecine de la personne », par opposition à la « médecine des maladies ». Concrètement, cela veut dire qu’il faut personnaliser les démarches de prise en charge, les éducations, et qu’il faut le faire en conciliant à la fois la compétence sur les maladies mais aussi la coordination nécessaire des soins de l’ETP. Dans notre pays, les lacunes dans la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques sont évidentes. On pourrait dire qu’il y a de très bons professionnels de santé, d’un bon niveau de formation, malheureusement inégalement répartis sur le territoire, mais qu’il y a un amateurisme de la coordination des multiples acteurs de santé qui interviennent autour d’un malade souvent atteint de plusieurs maladies chroniques. La coordination des soins et, dans le même temps, la mise en place d’une ETP accessible et adaptée aux besoins des patients, sont deux éléments synergiques. Un patient qui n’est pas éduqué ne respecte pas la coordination des soins et le fait de bénéficier d’un juste soin à un juste coût. Sans un minimum d’éducation thérapeutique, on favorise l’errance des malades et l’inflation des actes de soins parfois inappropriés ou insuffisamment coordonnés. Le prérequis de l’acceptation de soins coordonnés est l’ETP, facilitant la participation volontaire et comprise des malades à la gestion coordonnée de leurs soins. Cela conditionne l’efficacité des soins en ciblant une meilleure adhésion au traitement et en réduisant le risque de décompensation de la 43


Interspécialités

En périopératoire de la chirurgie de l’obésité Traitement du diabète de type 2 Dr Ana Estrade*

Introduction La chirurgie bariatrique fait désormais partie de l’arsenal thérapeutique du diabète de type 2 : la perte de poids qu’elle induit permet une amélioration voire une rémission du diabète. D’autres facteurs que nous évoquerons sont, indépendamment de la perte de poids, également impliqués dans l’amélioration de la glycorégulation. Malgré tout, la rémission du diabète en postchirurgie n’est pas systématique et les récidives peuvent être fréquentes.

E

n préopératoire, chez un patient diabétique, il paraît indispensable d’équilibrer au mieux le diabète en vue d’une chirurgie bariatrique. En postopératoire, la prise en charge du diabète persistant est encore actuellement mal codifiée et il n’existe pas à l’heure actuelle de recommandations françaises sur le sujet. Les études concernant les traitements antidiabétiques en postchirurgie font l’objet de quelques publications récentes.

*CHU de Toulouse

46

Enfin, les antidiabétiques sont aussi étudiés pour leurs potentiels effets sur les hypoglycémies qui peuvent être rencontrées en postchirurgical.

Impact de la chirurgie bariatrique sur le diabète de type 2 La chirurgie de l’obésité permet des taux de rémission du diabète d’environ 57 % chez les patients bénéficiant d’une chirurgie par anneau gastrique, de 66 % pour les patients opérés de sleeve gastrectomy, de 80 % chez les patients opérés d’un by-pass et de 95 % dans les cas de dérivation biliopancréatique (1). Plus la chirurgie est malabsorptive, plus ce taux de rémission est important. Les mécanismes d’action de la chirurgie impliqués dans la rémission du diabète de type 2 sont multiples et encore imparfaitement connus (2). • En premier lieu, la restriction calorique, par la perte de poids qu’elle entraîne, permet une amélioration de l’équilibre glycémique. Cette restriction est liée à des phénomènes mécaniques (taille de la poche gastrique) mais également à l’augmentation de signaux satiétogènes (augmentation du peptide YY, de l’oxyntomoduline) et à

la possible diminution de peptides orexigènes (ghréline). Par ailleurs, l’éviction sélective d’aliments sucrés pour éviter le dumping syndrome peut participer, dans une moindre mesure, à l’amélioration glycémique. La perte de poids diminue ainsi l’insulinorésistance et il existe une plus grande efficacité de l’insuline dans le muscle. • Il existerait, parallèlement à cette diminution de l’insulinorésistance, une amélioration de la sécrétion d’insuline, notamment dans les chirurgies malabsorptives. Ce phénomène survient avant même la perte de poids et serait induit par l’augmentation, entre autres, du GLP1. Enfin, l’augmentation de la sécrétion d’insuline pourrait également être attribuée à une augmentation de la masse des cellules bêta, comme en témoignent les quelques cas discutés de nésidioblastoses après la pose d’un by-pass. Pour autant, la chirurgie ne permet pas la rémission de tous les diabètes et les taux de récidive de diabète postchirurgie ne sont pas anecdotiques. Ils sont évalués à environ 17 à 45 % à 5 ans. Dans l’étude SOS (Swedish Obesity Study) (3), si les taux de rémission à 2 ans s’élèvent à 72 %, ils ne sont plus qu’à 36 % à 10 ans soit une récidive dans 1 cas sur 2. Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76


En pratique

Neuropathies périphériques après chirurgie bariatrique Comment les prévenir et les prendre en charge ? Dr Cécile Ciangura*, Dr Timothée Lenglet**

Introduction Les neuropathies périphériques sont des complications dont la fréquence est estimée entre 0,08 et 16 % des interventions de chirurgie bariatrique. Leur délai de survenue est compris entre 4 mois et 14 ans. Les tableaux cliniques décrits sont le plus souvent une polyneuropathie sensitive subaiguë par carence vitaminique (en particulier vitamines B1 et B12, cuivre et polycarentielle), et une mononeuropathie par compression canalaire consécutive à l’amaigrissement rapide, en particulier chez les sujets diabétiques. Des mécanismes inflammatoires et immunologiques pourraient également participer à cette complication. Si elles restent rares, leur pronostic peut être gravissime et la récupération axonale semble liée à la rapidité de la prise en charge. Les facteurs favorisants sont les troubles digestifs et l’absence de prise en charge nutritionnelle. Même si les interventions avec malabsorption sont plus exposées, aucune chirurgie, même purement restrictive, ne semble épargnée. La prévention comprend bien sûr la supplémentation vitaminique, mais aussi l’éducation des patients à reconnaître les signes d’alerte tels que les paresthésies, les douleurs neurogènes et les troubles de l’équilibre.

Introduction

Le système nerveux périphérique comprend les nerfs crâniens, les racines spinales, les ganglions rachidiens postérieurs moteurs ou sensitifs, les troncs nerveux périphériques et leurs ramifications *Praticien hospitalier, Service de Nutrition, Groupe hospitalier La Pitié Salpêtrière–Charles-Foix, Paris cecile.ciangura@psl.aphp.fr **Praticien hospitalier, Département de Neurophysiologie clinique, Groupe hospitalier La Pitié Salpêtrière–Charles-Foix, Paris

50

© Juan Herrera – iStockphoto

Nous aborderons dans cet article les atteintes des nerfs périphériques observées après chirurgie bariatrique. Par choix, nous ne détaillerons pas les atteintes neurologiques centrales qui peuvent être également observées après chirurgie bariatrique, au premier rang desquelles la redoutable encéphalopathie de Gayet-Wernicke due à la carence en vitamine B1 et la sclérose combinée de la moelle liée à la carence en vitamine B12.

terminales, et le système nerveux autonome. Parmi les atteintes Neurologiques périphériques (NP), on distingue : • Les mononeuropathies, qui consistent en l’atteinte d’un seul tronc nerveux, par un mécanisme souvent compressif et dont les

manifestations sont motrices et/ ou sensitives dans le territoire nerveux correspondant. • Les mononeuropathies multiples, également appelées multinévrites, qui associent plusieurs mononeuropathies. L’étiologie en est souvent une vascularite. Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76


cardinale.fr

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ophtalmologies.org

geriatries.org

rhumatos.fr

neurologies.fr

onko.fr


Psychologie

Les troubles du comportement alimentaire Avant et après la chirurgie bariatrique Brigitte Quintilla*

Introduction Pour expliquer le possible devenir des Troubles du comportement alimentaire (TCA) après la chirurgie, il me paraît important de comprendre leurs origines. La clinique des sujets souffrant de ces troubles et plus particulièrement les patients atteints de boulimie, hyperphagie, c’est-à-dire, d’une alimentation par excès, nous a souvent montré le rôle des TCA dans l’économie psychique. « La dimension la plus urgente de l’économie psychique qui sous-tend ce type de trouble est le besoin de se débarrasser aussi rapidement que possible des sentiments d’angoisse, de colère, de culpabilité ou de tristesse qui font souffrir voire, dans certains cas, des sentiments agréables ou excitants mais qui sont vécus inconsciemment comme défendus ou dangereux. » J. Mc Dougall

Trauma ou conflit psychique Les TCA représentent une solution comportementale à ce que la subjectivité et l’appareil psychique ne peuvent gérer, comme le trauma ou le conflit non symbolisé qui sont alors, soit refoulés, soit déniés, ou encore barrés. L’acte de manger devient alors le symptôme

*Psychologue clinicienne, CHU de Toulouse

56

élaboré à l’insu de la conscience, qui revient sous une forme inconsciente, indiquant bien une inhibition psychique qui ne peut activer autre chose que la répétition. “Manger” serait une sorte de solution somato-psychique permettant au sujet d’échapper au stress mental généré par le trauma et son souvenir ou le conflit psychique non élaboré et son souvenir. L’appel psychique est ici transformé en un besoin somatique et le corps utilisé pour calmer une angoisse identitaire. De ce fait, nous pouvons considérer que le trouble du comportement alimentaire est davantage une solution psychosomatique que psychologique à la souffrance psychique. Il est un compromis de symptôme, une réponse élaborée de façon inconsciente pour faire face à une impasse à laquelle se heurte le psychisme, impasse qui conduit au saut dans le corporel. Pour résumer, nous pourrions dire qu’en mangeant le sujet se défend de penser ou d’éprouver “un impossible à symboliser”. Les représentations et les affects, que le patient essaie d’éviter, sont bien ceux résultant d’événements traumatiques ayant eu lieu dans sa vie, de façon plus ou moins précoce ; ou ceux résultant d’événements internes ou externes qui, sans être traumatiques, ont tou-

tefois dépassé les capacités habituelles de contenir et d’élaborer les conflits. Cette économie psychique, “Manger”, devient problématique quand elle apparaît comme la “seule” solution dont le sujet dispose pour supporter la douleur psychique. Le trouble du comportement alimentaire devient alors le mécanisme de défense privilégié auquel le sujet a principalement recours pour se protéger contre l’angoisse, les représentations et les affects inélaborables ; c’est bien cela qui pose problème.

“Manger” serait une sorte de solution somato-psychique permettant au sujet d’échapper au stress mental. Processus des TCA Dans les deux cas, trauma ou conflit psychique, le processus se déroule de la façon ci-après. La prise alimentaire crée en quelque sorte un court-circuit biochimique de l’activité psychique. Ce processus permet de rejeter (forclusion) des représentations et des affects inélaborables. Ainsi, les représentations, les affects, les souvenirs ne pouvant être investis, sont refoulés, déniés ou barrés et s’expriment à travers une mise en acte Diabète & Obésité • Février 2014 • vol. 9 • numéro 76


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