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DOSSIER

1 Interprétation de la mesure

continue du glucose La méthode AGP

n La mesure continue du glucose a fait la preuve de son efficacité pour améliorer l’HbA1c de patients diabétiques de type 1 qui portent ce dispositif. Cela a fait l’objet de nombreuses études cliniques et les méta-analyses confirment un bénéfice de l’ordre de 0,4 % sur l’HbA1c.

Pr Hélène Hanaire*

P

lus le port du dispositif est prolongé, meilleurs sont les résultats. Mais, finalement, avoir l’outil ne suffit pas, le plus important est de savoir s’en servir. C’est ce que montre notamment l’étude “Capteur Evadiac”, et que l’on soit traité par la pompe ou en multi-injections, le fait d’avoir une éducation “optimale” à l’utilisation du capteur de glucose permet d’obtenir les meilleurs résultats en termes de diminution de l’HbA1c. Dans ces conditions où les patients savent s’en servir, le gain sur l’HbA1c se situe entre 0,65 et 0,76 %, alors qu’en l’absence d’éducation optimale à l’utilisation du capteur, les bénéfices sont bien moindres.

Est-il facile d’utiliser la mesure continue du glucose ? Ce n’est pas si facile car les informations sont extrêmement nombreuses, en temps réel, fluctuantes et avec des indications de tendances. Les patients se familiarisent assez bien avec la façon

*Service de Diabétologie, Maladies métaboliques et Nutrition, Hôpital Rangueil, CHU de Toulouse

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Figure 1 - Les informations fournies au patient diabétique de type 1 sont complexes.

de réagir en temps réel aux variations rapides de la concentration du glucose. Cependant, cela peut entraîner des réactions exagérées de correction qui ne portent pas forcément leurs fruits sur l’équilibre glycémique global. L’interprétation avec un peu de recul des données sur le nycthémère est un peu difficile. Dans ces conditions, plusieurs groupes de travail ont réfléchi à l’élaboration d’outils d’aide à l’interprétation de la mesure continue du glucose. Ils ont un intérêt non seulement pour le patient dans la gestion de son traitement, mais aussi pour les médecins qui sont parfois un peu déconcertés par l’avalanche de données fournies par cette technique.

La figure 1 illustre la complexité des informations fournies chez un patient diabétique de type 1, où les profils journaliers sont cumulés sur un seul schéma.

Qu’est ce que la technique AGP ?

L’AGP, pour Ambulatory Glucose Profile, est un système d’analyses de la mesure continue du glucose compilées sur 15 jours (Fig. 2). La mesure continue du glucose est souvent difficile à interpréter, en particulier dans le diabète de type 1, car il y a beaucoup de variabilité et la superposition des profils journaliers peut laisser dans l’embarras le patient et le médecin pour interpréter ce qui se Diabète & Obésité • Mars 2014 • vol. 9 • numéro 77


L’AGP permet de compiler plusieurs données. Tout d’abord, la médiane des concentrations de glucose (Fig. 2, tracé orange) qui donne une idée de l’exposition globale au glucose. La variabilité des concentrations de glucose autour de cette médiane est exprimée sous forme d’intervalle interquartile, c’est-à-dire le range des valeurs dans l’intervalle 25‑75 % autour de la médiane, ainsi que l’intervalle plus large entre le 10e et le 90e percentile. Enfin, la présentation des résultats permet de repérer aisément le risque d’hypoglycémie en fonction des moments de la journée. La figure 3 montre que pour des médianes similaires, c’est-à-dire un équilibre glycémique relativement correct, et une HbA1c à l’objectif, on peut être soit dans une situation de variabilité relativement contenue et assez régulière (Fig. 2), soit dans une variabilité plus intense avec une exposition au risque d’hypoglycémie (Fig. 3). Bien sûr, les choix stratégiques ne seront pas les mêmes pour l’ajustement du traitement. Deux cas cliniques vont illustrer ces aspects. Diabète & Obésité • Mars 2014 • vol. 9 • numéro 77

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passe. L’intention de l’AGP est de fournir un rapport compilé des données qui permet une analyse simple, avec un coup d’œil rapide sur les tendances importantes des glycémies. L’analyse est présentée sous une forme standardisée dans la figure. L’interprétation devient plus facile pour les médecins et les patients. Dans ces conditions, on imagine qu’il sera plus facile d’optimiser l’ajustement du traitement. Un point très important est la capacité à prendre du recul par rapport aux données réelles et l’aptitude à analyser de façon rétrospective les tracés pour prendre des décisions de fond sur l’ajustement du traitement.

Figure 2 - La méthode AGP. La variabilité est relativement contenue et assez régulière.

Figure 3 - Variabilité plus intense avec exposition au risque d’hypoglycémie.

Deux cas cliniques Mme V., 35 ans, est diabétique de type 1 (durée : vingt-sept ans), sous un schéma basal-bolus tout analogue. L’analyse du carnet de glycémie montre uniquement des valeurs préprandiales, en général dans la cible. L’HbA1c est à 6,8 %. Elle perçoit mal les hypoglycémies et a présenté des hypoglycémies sévères. Cependant, cela ne l’inquiète pas beaucoup.

notamment dans les périodes nocturnes et avec un risque d’hypoglycémie qui était méconnu par cette patiente. Pour limiter la variabilité de la première période de la soirée, nous avons décidé de réévaluer et de rediscuter la quantité de glucides contenus dans les repas, pour ajuster au mieux le bolus d’insuline rapide du soir. Nous sommes également convenus de réduire la quantité d’analogue lent du soir pour limiter le risque d’hypoglycémies nocturnes.

La figure 4 représente le tracé de mesure continue du glucose de Mme V. Sur cet enregistrement, la médiane du glucose est excellente. Cependant, il y a une très grande variabilité (c’est l’épaisseur du ruban bleu foncé autour du ruban)

La figure 5 représente le second enregistrement réalisé 15 jours plus tard. La médiane est à peu près similaire mais la variabilité est considérablement réduite, ce qui est tout à fait intéressant. Un bien meilleur contrôle de la glycémie

Cas clinique n°1

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DOSSIER Figure 4 - Tracé de mesure continue du glucose de Mme V.

peu haute, mais le risque d’hypoglycémie est considérablement réduit. On pourra donc envisager éventuellement dans un second temps de réajuster la dose d’insuline lente du soir. Ce qui est particulièrement rassurant pour le médecin, c’est l’impression que le risque d’hypoglycémie a reculé alors que la patiente n’en avait pas une conscience très aiguisée.

Cas clinique n°2

Figure 5 - Second enregistrement de Mme V. réalisé 15 jours plus tard.

Figure 6 - Premier enregistrement de M. D.

Figure 7 - Second enregistrement de M. D. réalisé 15 jours plus tard. On observe moins d’hyperglycémies postprandiales dans la matinée et moins d’hypoglycémies l’après-midi.

postprandiale dans la soirée est obtenu, traduisant l’efficacité du 76

recalibrage du repas du soir. Dans le courant de la nuit, la médiane est un

M. D., 37 ans, diabétique de type 1 (durée : douze ans), est traité par pompe à insuline depuis six ans. L’HbA1c reste voisine de 8 % malgré ses efforts : il contrôle 4 glycémies/j (trois avant les repas et une le soir au coucher), il n’y a pas de tendance bien nette à la lecture du carnet. Il a peur des hypoglycémies, surtout la nuit, car il n’est pas sûr de les ressentir. La figure 6 représente le premier enregistrement de M. D. Il ne montre pas d’hypoglycémie mais au contraire une hyperglycémie postprandiale dans la matinée, totalement méconnue du patient puisqu’il ne s’agit pas d’un horaire de surveillance habituel pour lui. Cette hyperglycémie est démasquée et intervient certainement dans le niveau suboptimal d’HbA1c. Le patient est rassuré parce qu’il n’y a pas d’hypoglycémie nocturne. On remarque cependant une tendance à la baisse des glycémies en fin d’après-midi. Cela nous a conduit à prendre la décision ensemble d’augmenter le bolus du petit déjeuner, pour mieux maîtriser la postprandiale, tout en veillant à ne pas induire trop d’hypoglycémies en fin de matinée. Nous sommes également convenus de réduire le débit de base en fin d’après-midi pour limiter le risque d’hypoglycémie à ce moment-là. Diabète & Obésité • Mars 2014 • vol. 9 • numéro 77


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La figure 7 représente le second enregistrement 15 jours plus tard. Il est curieux : on constate une nette amélioration de l’hyperglycémie postprandiale dans la matinée, il y a moins d’hypoglycémies dans l’après-midi, mais il y a une énorme variabilité dans le milieu de l’après-midi qui est difficile à expliquer (tracé bleu clair, entre le 10e et le 90e percentile ; cela traduit des événements rares puisque le tracé bleu foncé est moins variable au même moment). Cela nous a conduit à retourner à l’enregistrement journalier des mesures de glucose (Fig. 8).

Figure 8 - Enregistrement journalier des mesures de glucose.

On constate deux pics hyperglycémiques extrêmement intenses en postprandial dans l’après-midi correspondant à des bolus oubliés. C’est la superposition des grands pics hyperglycémiques et des valeurs glycémiques mieux maîtrisées qui expliquait la variabilité. Les tracés montrent également des bolus oubliés en fin de journée, sujet qui a été retravaillé avec le patient.

Que peut apporter de plus la mesure continue de glucose et l’AGP en particulier ? Comme nous l’avons vu, cette technique apporte aujourd’hui une représentation graphique avec la médiane, la variabilité et le risque d’hypoglycémie. Un rapport plus complet sera bientôt disponible, il fournira deux autres éléments : • Le profil journalier, qui permettra de superposer très rapidement au profil complet les évolutions au jour le jour. • Un tableau statistique, qui donnera une moyenne de glycémies sur 15 jours, avec une estimation Diabète & Obésité • Mars 2014 • vol. 9 • numéro 77

Figure 9 - Système du feu tricolore.

d’HbA1c, et d’autres critères de variabilité, en particulier le temps passé dans certaines zones de glycémies pour un ajustement plus précis du traitement. La validité de cette technique sur 15 jours repose sur le caractère prédictif d’une mesure pour une échelle de temps plus longue, de l’ordre de 30 jours. La corrélation entre l’estimation de l’HbA1c et la mesure du glucose est juste, comme cela a été démontré par Nathan dans une corrélation combinant des mesures de glycémies capillaires et des mesures continues du glucose. La question de la représentativité de ces 15 jours par rapport aux trois derniers

mois mérite d’être posée, mais il s’agit d’une estimation utile pour les patients. En effet, cette estimation représente l’ensemble des événements sur les 15 jours passés, desquels les patients ont gardé la mémoire, ce qui les aidera sans doute à se caler pour ce qu’ils feront ensuite. On attend également de cet outil des éléments d’interprétation qui aideront les patients à la prise de décision dans l’ajustement de leur traitement. Cela fonctionnera sur un système de feu tricolore – orange, vert et rouge –, qui indiquera pour trois paramètres : la médiane du glucose, le risque 77


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d’hypoglycémie et la variabilité en dessous de la médiane, si le tracé s’en écarte un peu, beaucoup, ou s’il est dans les objectifs (Fig. 9). Ces feux tricolores correspondront aux différentes périodes de la journée, ce qui aidera à la prise des décisions dans ces périodes précises où il y a des anomalies, et où le patient est sûr de devoir faire un ajustement.

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Cet outil aidera également les personnes à se questionner sur les raisons du déséquilibre en repérant, en fonction des différents moments de la journée, s’il y a des facteurs de causalité comme une alimentation irrégulière, des omissions de traitement, une variabilité de l’activité physique, ou d’autres paramètres. Cela signifie qu’au-delà de l’outil

d’interprétation des résultats, nous allons avancer vers un véritable outil d’aide à la prise de décision et à l’éducation des patients. n

Mots-clés : Diabète, Mesure continue du glucose, AGP

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