La prise en charge globale du patient diabétique
d www.diabeteetobesite.org Parmi les 9 400 patients en attente de greffe rénale en France en 2011, 41 % d’entre eux étaient diabétiques.
dossier
Immunologie en diabétologie : une greffe réussie… Immunothérapie d’un patient greffé et diabétique : surveillance entre les explorations spécialisées Dr Arnaud Del Bello
• Altérations immunologiques du diabète de type 1 : que savons-nous ? Dr Danièle Dubois-Laforgue
• Transplantation pour le patient diabétique de type 1 : le point sur la greffe d’îlots de Langerhans Mathieu Armanet, Christophe Broca, Pr Anne Wojtusciszyn
À savoir
Thérapeutique
Épidémiologie
Activité physique et chirurgie bariatrique
L’enzyme 11βHSD1 : une nouvelle cible potentielle
Afrique et diabète : la fin d’un paradoxe
Emmanuel Beck, Pr André J. Scheen
Stéphanie Musso
Stéphane Besançon
Interspécialités
Pharmacologie
Asthme et obésité : une association loin d’être fortuite
L’industrie pharmaceutique face à sa mutation
Pr Alain Didier, Dr Claire Mailhol
Dr Jean-Pierre Lehner
Octobre 2013 • Volume 8 • n° 72 • 9 E
sommaire
La pris e e n c h ar g e g l o ba l e d u pa t i e n t diab é t i q u e
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Octobre 2013 • Vol. 8 • N° 72
www.diabeteetobesite.org
n Interspécialités Asthme et obésité Une association loin d’être fortuite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 250
Pr Alain Didier, Dr Claire Mailhol (Toulouse)
n Thérapeutique L’enzyme 11βHSD1 Une nouvelle cible potentielle pour le traitement du diabète de type 2 et des maladies métaboliques liées à l’obésité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 256
Emmanuel Beck, Pr André J. Scheen (Liège)
n pharmacologie L’industrie pharmaceutique face à sa mutation Qu’en est-il aujourd’hui ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 259
Dr Jean-Pierre Lehner (Paris)
n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p 261
Immunologie en diabétologie : une greffe réussie… Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres) et le Pr Patrick Ritz (Toulouse)
1 n Immunothérapie d’un patient greffé et diabétique Surveillance entre les explorations spécialisées . . . . . . . . . . . . . . . p. 262 Dr Arnaud Del Bello (Toulouse)
2 n Altérations immunologiques du diabète de type 1 Que savons-nous ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 268 Dr Danièle Dubois-Laforgue (Paris)
3 n Transplantation pour le patient diabétique de type 1 Le point sur la greffe d’îlots de Langerhans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 274 Mathieu Armanet, Christophe Broca, Pr Anne Wojtusciszyn (Montpellier)
n Épidémiologie Afrique et diabète La fin d’un paradoxe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 281
Stéphane Besançon (Grenoble)
n À savoir
Activité physique et chirurgie bariatrique Synthèse des études . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 287
Stéphanie Musso (Cahuzac)
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 258 n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 272, 280
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Interspécialités
Asthme et obésité Une association loin d’être fortuite Pr Alain Didier*, Dr Claire Mailhol*
Résumé
L
es relations entre obésité et asthme ont fait l’objet de nombreuses publications depuis plus d’une dizaine d’années. L’obésité est la maladie métabolique la plus fréquente dans le monde au point que sa prévention est devenue l’une des priorités de l’OMS (1). L’asthme et l’obésité ont considérablement progressé en deux décennies dans la plupart des pays du monde. Il pourrait s’agir d’une simple coïncidence liée de façon indépendante aux modifications de notre mode de vie. Néanmoins, un certain nombre de données objectives épidémiologiques,
*Service de Pneumologie-Allergologie, Hôpital Larrey, CHU de Toulouse didier.a@chu-toulouse.fr
250
© Sebastian Kaulitzki – iStockphoto
L’asthme et l’obésité ont considérablement progressé en deux décennies dans la plupart des pays du monde. Un certain nombre de données objectives épidémiologiques, cliniques et de mécanismes physiopathologiques plaident pour un lien réel entre les deux affections. La prise en compte de l’IMC et sa prise en charge éventuelle pourraient donc constituer un élément important du contrôle de la maladie respiratoire, notamment chez les patients présentant un asthme sévère et/ou difficile à contrôler.
cliniques et physiopathologiques plaident pour un lien réel entre les deux affections.
Définition de l’obésité Définie par une accumulation anormale ou excessive de graisse pouvant avoir des conséquences négatives de santé ; elle peut être catégorisée en utilisant l’index de masse corporelle (IMC, BMI des Anglo-saxons) selon le tableau 1. D’autres index peuvent être utilisés en association avec l’IMC. Le tour de taille et le rapport taille/ hanche sont un meilleur reflet que l’IMC de l’obésité abdominale dont on sait qu’elle est directement associée à une adiposité viscérale,
à une inflammation systémique et à un risque cardiovasculaire accru (2). Chez l’enfant, l’obésité est généralement définie par un IMC au-delà du 97e percentile mais le tour de taille et le rapport de conicité qui évalue l’obésité abdominale seraient un meilleur reflet de l’adiposité (3). Tableau 1 – Classification de l’obésité en fonction de l’IMC. IMC (Kg/m2)
Classification chez l’adulte
< 18,5
Maigre
18,5-24,9
Normal
25-29,9
Surpoids
30-34,9
Obésité classe I
35-39,9
Obésité classe II
> 40
Obésité morbide
Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Asthme et obésité
Épidémiologie de l’obésité Les données les plus récentes estiment que 1,6 milliard d’individus dans le monde sont en surpoids (IMC > 25 kg/m2) dont au moins 400 millions sont obèses (2). La prévalence ne cesse d’augmenter et les prédictions de l’OMS à l’horizon 2015 sont d’environ 2,3 milliards d’adultes en surpoids dont 700 millions d’obèses. Tous les groupes ethniques sont concernés par l’obésité (4) mais à des degrés divers : de moins de 5 % en Chine, au Japon et dans certains pays africains, jusqu’à plus de 75 % dans certaines îles de Polynésie. En France, l’enquête OBEPI Roche 2012 indique qu’il y a 15 % d’obèses dans la population générale (contre 8,5 % en 1997) et que 32,3 % de la population adulte est en surpoids (contre 29,8 % en 1997) (5). L’obésité est un problème particulièrement préoccupant chez l’enfant, notamment en Europe où l’on estime qu’en 2013, un enfant sur six présente un excès de poids. L’obésité est une maladie chronique clairement associée à une surmortalité et à une morbidité importante qui ne se limite pas au diabète et aux pathologies cardiovasculaires mais concerne aussi le risque d’accident de la vie quotidienne, de maladies articulaires, voire de cancer (6). En Europe, l’obésité serait responsable de 2 à 8 % des dépenses de santé et de 10 à 13 % des décès (6).
Les relations obésité-asthme Relations épidémiologiques Une méta-analyse de 7 études prospectives a mis en évidence une augmentation de 50 % de la fréquence de l’asthme chez les Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
sujets en surpoids ou obèses (7). Dans ce travail il existe même une véritable courbe “dose-réponse” entre le poids et la prévalence de l’asthme, indépendamment du sexe. Dans une cohorte de 4 773 sujets âgés de plus de 20 ans, Ma et al. (8) ont récemment montré que le pourcentage d’asthmatiques était significativement plus élevé chez les sujets obèses (11,9 %) que chez les sujets ayant un poids normal (6,1 %). Cette association était retrouvée que l’asthme soit considéré comme atopique ou non atopique. En revanche, dans cette étude, il n’a pas été mis en évidence de lien entre insulinorésistance et asthme, ni entre obésité et atopie (définie par la présence de tests cutanés et/ou d’IgE spécifiques pour les pneumallergènes). Cette association a été confirmée récemment par l’étude de Black et al. (9) sur une importante population d’enfants de 6 à 19 ans (plus de 680 000 sujets dont 10 % sont porteurs d’un asthme). L’analyse dégage un odds ratio ajusté (ORa) pour le risque de présenter un asthme de 1,22 pour les sujets en surpoids (IC95 % : 1,20-1,24), 1,37 en cas d’obésité modérée (IC95 % : 1,341,40), et 1,68 lorsqu’il existe une obésité sévère (IC95 % : 1,64-1,73).
Relations physiologiques Néanmoins, ces observations ne suffisent pas à apporter la preuve d’un lien direct entre les deux affections. En effet, l’obésité s’accompagne d’une série de perturbations respiratoires (diminution des volumes pulmonaires, élévation des résistances des voies aériennes) (10) et extra-respiratoires (déconditionnement musculaire, augmentation du travail respiratoire à l’effort) qui peuvent participer à une fréquence plus élevée de manifestations respiratoires pseudo-asthmatiques chez
les sujets en surpoids. La constatation d’un lien temporel avec l’apparition de l’obésité puis de l’asthme dans des suivis de cohorte est un argument important pour renforcer le lien de cause à effet entre les deux pathologies. Ainsi, dans une étude longitudinale de 85 911 infirmières suivies pendant 4 ans, une prise de poids supérieure à 25 kg après l’âge de 18 ans a pu être associée à un risque près de 5 fois supérieur de voir apparaître un asthme de l’adulte (11). Dans ce même sens, une métaanalyse prospective sur un an chez des adultes en surpoids ou obèses a mis en évidence un odds ratio de l’incidence de l’asthme de 1,51 chez les sujets en surpoids et 1,92 chez les obèses avec un effet dose-réponse du BMI (4).
chez l’enfant Des constatations similaires ont été faites chez l’enfant avec parfois des différences notables selon le sexe (12,13). Ces différences peuvent être liées au fait que, chez l’enfant, l’IMC n’est pas forcément un bon moyen d’évaluer l’obésité ou la surcharge pondérale. L’utilisation de marqueurs d’obésité centrale comme le tour de taille, le rapport [tour de taille/taille de l’individu] ou l’index de conicité, calculé par la formule [tour de taille (m)/0,109 x racine carrée (poids en kg/taille en mètre)], permet de mettre en évidence une association plus forte que le seul calcul de l’IMC avec le risque d’asthme et sa sévérité (3). La disparité existe aussi au sein des différentes populations selon leur origine. L’étude de Black et al. montre que l’asthme est plus fréquent chez les enfants afro-américains que chez les hispaniques (ORa : 1,93, IC95 % : 1,89-1,99) qui 251
Interspécialités
sont eux-mêmes moins à risque que les enfants anglo-américains (ORa : 0,75, IC95 % : 0,74-0,77) (9). Malgré les théories reposant sur le rôle de l’environnement hormonal différent chez l’homme et chez la femme pour expliquer l’influence du genre sur le lien entre asthme et obésité, une différence n’est pas toujours constatée, que les études portent sur l’enfant ou sur l’adulte (4). Enfin, le lien obésité-asthme pourrait également fonctionner dans l’autre sens, l’asthme (surtout sévère) pouvant favoriser inactivité et prise de poids en conjonction avec la prise de certains médicaments au premier rang desquels les corticoïdes par voie systémique (14).
Relation obésité et phénotype de l’asthme Bien que les études soient moins nombreuses dans ce domaine, il semble également exister un lien entre obésité et sévérité de l’asthme, ou tout au moins difficultés à contrôler la maladie respiratoire (15-17). Curieusement, ce mauvais contrôle ne paraît pas lié à la présence d’une inflammation bronchique plus importante chez l’asthmatique en surpoids (18). Ce qui soulève l’hypothèse du rôle de certaines comorbidités de l’asthme, plus fréquentes chez l’obèse comme le reflux gastroœsophagien ou le syndrome d’apnées du sommeil. Certains auteurs n’ont pas retrouvé une sévérité plus importante de l’asthme en cas de surpoids ou d’obésité mais ont pu noter plutôt une réduction de la réponse aux traitements de fond comportant une corticothérapie inhalée. Ce qui, de fait, se traduit par une plus grande difficulté à contrôler la maladie (19). Dans 252
la même étude, la diminution de la réponse au traitement de fond chez l’asthmatique obèse ou en surpoids n’est pas observée avec les antileucotriènes, permettant d’évoquer une différence dans la physiopathologie de l’inflammation bronchique dans ce sousgroupe de patients.
Perte de poids et amélioration de l’asthme Si la réduction pondérale chez l’obèse s’accompagne d’une diminution de la prévalence de l’asthme ou tout au moins d’une amélioration des symptômes et/ ou d’un moindre recours aux soins d’urgence, c’est à l’évidence un argument important pour confirmer l’existence d’un lien entre asthme et obésité. Même si les études sont peu nombreuses et portent, en général, sur de petits effectifs, on notera qu’une revue générale récente sur le sujet de l’amélioration de l’asthme et de la perte de poids chez l’obèse, a recensé 15 études ayant utilisé des techniques de perte de poids médicales et/ou chirurgicales (20). Toutes ces études rapportent une amélioration d’au moins un des paramètres de l’asthme indépendamment de l’âge, du sexe, de la région de réalisation de l’étude et du type de technique utilisée. Néanmoins, toutes ces études sont critiquables. En effet, elles sont méthodologiquement conçues pour évaluer l’efficacité de la technique utilisée pour obtenir une perte pondérale. L’évaluation de l’évolution de l’asthme n’est généralement qu’un objectif secondaire ou est effectuée a posteriori. Une étude prospective plus récente a concerné un groupe de patients obèses âgés de 33 à 53 ans, dont 23 étaient asthmatiques et 21 non-asthmatiques (21). Il s’agis-
sait majoritairement de femmes qui ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique avec un suivi de leur asthme à 12 mois. Il a été mis en évidence une amélioration significative du contrôle de l’asthme de 1,5 à 0,75 sur un score basé sur l’Asthma Control Questionnaire (ACQ), de la qualité de vie de 4,9 à 5,9 à partir du Asthma Quality of Life Questionnaire (AQLQ) et sur le critère principal qu’était la réponse au test à la métacholine, avec une PC20 passant de 3,9 à 7,3 mg/ml de métacholine. Pour répondre précisément à l’intérêt de la perte de poids chez l’asthmatique, une étude ambitieuse (Be Well study) a été mise en place aux États-Unis depuis 2010 (22). Elle a pour objectif de comparer, chez des asthmatiques adultes obèses, l’efficacité d’un programme visant une réduction pondérale à une prise en charge classique. Il s’agit d’un programme d’intervention complet et ambitieux comportant des mesures diététiques, un renforcement de l’activité physique et une prise en charge comportementale. Après une période intensive de 13 semaines avec des séances hebdomadaires en groupe, les patients seront revus individuellement 2 fois par mois pendant 4 mois puis suivis par des entretiens téléphoniques 2 fois par mois jusqu’au 12e mois. L’évaluation de l’asthme se fera sur le contrôle de l’asthme, la qualité de vie, l’utilisation des traitements de l’asthme et le recours aux soins médicaux. Il est prévu d’inclure 324 patients dans les deux bras (intervention et prise en charge conventionnelle). Enfin, dans une revue générale récente consacrée au lien entre asthme et obésité, la perte de poids par les moyens non-chirurgicaux, Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Asthme et obésité
par régime basses calories, est associée à l’amélioration des paramètres fonctionnels (23). Un régime hypocalorique aurait un effet positif sur la qualité de vie, les paramètres inflammatoires et le DEP mais pas sur la spirométrie. Une étude observationnelle réalisée en 2010 montre une corrélation entre la perte de poids et l’augmentation du VEMS chez ces patients mais serait sans influence sur les exacerbations et la perception du contrôle de l’asthme (24). À l’inverse, la prise de poids chez les asthmatiques sévères serait associée à une dégradation du contrôle de leur maladie respiratoire. Une revue Cochrane en 2012 portant sur la réduction de poids dans l’asthme chronique a retenu 4 études randomisées (197 adultes) qui ont recours à des régimes hypocaloriques, activité physique, médicaments (25). Deux études (71 patients) utilisent un score de symptôme (Saint George’s respiratory questionnaire), une seule décrit la comparaison des sujets traités et non-traités avec une amélioration des trois axes du questionnaire chez les sujets traités (26). Cette dernière compare aussi plusieurs paramètres fonctionnels respiratoires chez les traités et non-traités et rapporte une amélioration significativement plus importante du VEMS chez les patients traités (+5,3 % contre -1,5 %), la différence persistant à un an. On note une amélioration de la capacité vitale forcée chez les traités contre une aggravation chez les non-traités (différence significative de 7,6 % ; IC95 % : 1,5-13,8 %). En revanche, ces tendances ne se sont pas vérifiées pour le DEP. Une diminution de la consommation de bronchodilatateurs était aussi constatée dans le groupe de sujets traités et restait significative après six mois et après un an, de même que l’on a pu recenser un nombre moins imDiabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
portant d’exacerbations sur l’année (médiane à 1 pour les traités contre 4 pour les non-traités, p = 0,001). Malgré ces résultats, les auteurs concluent que les données de qualité sont encore insuffisantes pour permettre de justifier la réduction de poids chez l’asthmatique lorsqu’il est en surpoids ou obèse, en tout cas lorsque l’argument est d’améliorer l’asthme.
Mécanismes physiopathologiques des liens obésitéasthme Si les liens entre les deux pathologies sont actuellement peu discutables, les mécanismes qui les unissent restent l’objet de nombreuses hypothèses, aucune n’étant formellement vérifiée (27-28). On peut évoquer pêle-mêle : des facteurs génétiques communs aux deux maladies, des facteurs mécaniques comme le rôle aggravant du reflux gastro-œsophagien, luimême susceptible d’être amélioré par la perte de poids, l’influence délétère sur l’inflammation d’un régime riche en certains acides gras qui aboutirait à une surproduction de leucotriènes et de dérivés prostanoïdes, la sécrétion par les adipocytes de médiateurs de l’inflammation (aussi appelés adipokines [29]) au premier rang desquels la leptine, mais aussi la grehline ou l’adiponectine (30). La présence d’une inflammation neutrophilique chez ces asthmatiques obèses ferait partie des éléments du phénotypage (31). Dans une étude portant sur un groupe de femmes asthmatiques obèses opérées (n = 12) et non-opérées (n = 10), le contrôle de l’asthme, l’essoufflement et le recours au traitement étaient améliorés chez les patientes opérées mais il n’y
avait pas d’évolution du NO exhalé, reflet de l’inflammation éosinophilique bronchique (32). Ces résultats sont en faveur d’une amélioration des paramètres ventilatoires par la perte de poids mais d’une influence restreinte sur l’asthme lui-même. Ainsi, dans la plupart des travaux, la perte de poids chez les patients obèses asthmatiques est associée à une amélioration des paramètres ventilatoires, de la qualité de vie, voire de l’hyperréactivité bronchique. Elle aurait en revanche un effet limité sur l’inflammation bronchique éosinophilique (23). Une étude récente portant sur 46 patients obèses (BMI moyen 33,7 ± 3,5 kg/m2) randomisés en 3 bras (avec régime ou exercice physique ou les deux), aurait permis une perte de poids respective de 8,5 kg pour le régime, 1,8 kg pour le bras exercice physique et 8,3 kg pour l’association des deux après 10 semaines. Une amélioration significative était notée sur le contrôle de l’asthme, la qualité de vie ainsi que sur l’inflammation bronchique de type neutrophilique en association avec la réduction des graisses dans la région gynoïde (l’obésité masculine de type androïde stocke les amas au-dessus d’une ligne passant par les épines iliaques, alors que l’obésité féminine de type gynoïde stocke les amas graisseux au-dessous de la même ligne) : une diminution de 1 % de la graisse gynoïde est associée à une réduction de 1,7 % du pourcentage des neutrophiles dans les expectorations (31). Une hypothèse nouvelle fait appel à l’inflammation par un mécanisme neurogénique, en particulier avec la substance P. Celle-ci, outre sa participation à la physiopathologie de l’asthme (bronchoconstriction et hyperréactivité bronchique) aurait un rôle orexigène important dans l’obésité. Un travail récent chez 253
Interspécialités
l’animal a permis de démontrer que le blocage des récepteurs de la substance P entraîne une amélioration des marqueurs de sensibilisation allergénique (diminution des IgE spécifiques de l’ovalbumine) et de l’inflammation bronchique (diminution du score d’inflammation péribronchique) (33). Le mastocyte fait aussi l’objet d’une attention plus particulière, il est alors considéré comme cible et source des adipocytokines contribuant à la présence d’une obésité (34). Enfin, des paramètres d’ordre anatomique comme les modifications des volumes et des débits pulmonaires induits par les modifications morphologiques chez l’obèse, sont aussi évoqués. Chez les patients en rémission de leur asthme après une perte de poids, les auteurs suggèrent que les signes d’asthme seraient en fait des symptômes équivalents d’asthme générés par les modifications mécaniques induites par le surpoids. Dans ce même sens, certaines études mettent en évidence l’association de la perte de poids avec une amélioration des paramètres ventilatoires indépendamment de la réactivité bronchique explorée par un test à la métacholine. Ces modifications pondérales auraient ainsi un impact sur la fonction respiratoire plutôt que sur l’asthme lui-même (35).
On s’oriente donc plutôt vers l’hypothèse que l’asthme de l’obèse serait une entité à part entière, un phénotype parmi d’autres, de mieux en mieux individualisé au sein de la maladie asthmatique (36). Dans la mesure où les liens entre asthme et obésité paraissent exister dès l’enfance, l’influence de facteurs nutritionnels avant la naissance et pendant les premières années de vie a également été mise en avant (28). De nombreux facteurs potentiels ont été identifiés, ils pourraient agir, pour certains, directement sur
prise en compte de l’IMC et sa prise en charge éventuelle pourraient donc jouer un rôle important dans le contrôle de la maladie respiratoire, notamment chez les patients présentant un asthme sévère et/ ou difficile à contrôler. Les mécanismes intervenant dans la relation de l’asthme avec l’obésité font l’objet d’hypothèses nombreuses et de nouvelles cibles se font jour. Des études à grande échelle ayant pour objectif principal leur évaluation dans l’asthme seront nécessaires pour déterminer l’importance de
Les données actuelles sont en faveur d’un lien non seulement entre fréquence de l’asthme et obésité mais aussi entre sévérité ou mauvais contrôle de l’asthme et surpoids. la balance Th1/Th2, pour d’autres, par le biais de modifications de la flore intestinale dont on commence à découvrir qu’elle pourrait avoir un rôle important sur le déterminisme de certaines pathologies, notamment l’asthme et les maladies atopiques.
Conclusion Les données actuelles sont en faveur d’un lien non seulement entre fréquence de l’asthme et obésité mais aussi entre sévérité ou mauvais contrôle de l’asthme et surpoids. La
chacun d’entre eux et découvrir de nouveaux leviers d’action sur ces deux pathologies qui ne peuvent sans doute pas s’ignorer l’une n l’autre. Conflits d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts concernant le sujet de cet article.
Mots-clés : Obésité, Asthme, IMC, Contrôle de l’asthme
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Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Asthme et obésité
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Thérapeutique
L’enzyme 11βHSD1 Une nouvelle cible potentielle pour le traitement du diabète de type 2 et des maladies métaboliques liées à l’obésité n La 11β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 1 (11βHSD1) est une enzyme intervenant dans la transformation de cortisone en cortisol, notamment dans le tissu adipeux et le foie. Elle pourrait être impliquée dans la physiopathologie de l’obésité abdominale, composante centrale du syndrome métabolique, situation proche du syndrome de Cushing. Des inhibiteurs synthétiques sélectifs de la 11βHSD1 sont en cours de développement avec des résultats préliminaires encourageants, mais qui doivent encore être améliorés avant de constituer une véritable approche innovante dans la prise en charge pharmacologique de l’obésité, du syndrome métabolique et du diabète de type 2.
Le syndrome de Cushing se caractérise, notamment, par une obésité centrale, une dysglycémie et une hypertension artérielle. Ces anomalies ressemblent à celles du syndrome métabolique associées à l’obésité abdominale (1,2). Le cortisol est une hormone contrecarrant l’action de l’insuline, et l’insulinorésistance est une anomalie importante dans le syndrome métabolique et le diabète de type 2 (DT2). Bien que la cortisolémie et la cortisolurie soient, en général, normales ou à peine accrues dans l’obésité commune, un hypercorticisme tissulaire local pourrait exister en raison d’un dysfonctionnement de l’enzyme 11β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 1 (11βHSD1), responsable de l’activation de *Assistant **Professeur de clinique ; professeur ordinaire, université de Liège, chef du service Diabétologie, Nutrition et Maladies métaboliques et unité de Pharmacologie clinique, département de Médecine, CHU Liège, Belgique andre.scheen@chu.ulg.ac.be
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cortisone en cortisol, en particulier dans le tissu adipeux et le foie, offrant, dès lors, une nouvelle cible thérapeutique potentielle (3-5). Le présent article a pour but de décrire le rôle de la 11βHSD1, de résumer les anomalies en cas d’obésité, avec ou sans DT2, et de rapporter brièvement les premiers résultats obtenus chez l’Homme avec des inhibiteurs sélectifs de la 11βHSD1.
Rôle de la 11βHSD1 La 11βHSD1 intervient dans la transformation de cortisone (inactive) en cortisol (actif) (Fig. 1) (2-5). L’exposition tissulaire aux glucocorticoïdes est ainsi modulée localement, indépendamment des variations plasmatiques nycthémérales du cortisol. La distribution de la 11βHSD1 est ubiquitaire mais, dans le cas particulier, elle contrôlerait, à un niveau pré-récepteur, les
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Introduction
Emmanuel Beck*, Pr André J. Scheen**
régulations métaboliques dans le tissu adipeux et dans le foie. Dans le tissu adipeux, la 11βHSD1 jouerait, en outre, un rôle capital dans la différenciation cellulaire (3, 5-6). La régulation de cette enzyme se Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
l’enzyme 11βHSD1
fait essentiellement par un contrôle de son expression, mais une régulation post-transcriptionnelle a également été proposée, via l’hexose6-phosphate déshydrogénase (H6PDH) et l’approvisionnement en cofacteur (NADPH) (Fig. 1) (2-4). La régulation de la 11βHSD1 dépend de facteurs inflammatoires, hormonaux, nutritionnels et, potentiellement, pharmacologiques (3, 5-6).
Dysfonctionnement de la 11βHSD1 dans l’obésité De nombreuses données animales sont en faveur d’une dysrégulation de la 11βHSD1 en présence d’une obésité et des modèles de knock-out ou de surexpression de cette enzyme ont confirmé son important rôle métabolique (25). En 1997, une expression de la 11βHSD1 supérieure dans le tissu adipeux périviscéral est retrouvée par rapport au tissu adipeux sous-cutané chez l’Homme, ce qui a conduit au concept de Cushing omental (7). Cependant, les études in vitro ultérieures ne se sont pas révélées univoques (2, 4-6). Les résultats des études in vivo, analysant les contributions respectives du tissu adipeux (viscéral ou souscutané) et du foie, chez l’Homme de poids normal ou le sujet obèse, sont également disparates (8). Dès lors, la cible préférentielle (foie ou tissu adipeux) des inhibiteurs de la 11βHSD1 susceptibles d’être utilisés chez l’Homme reste discutée (2, 4-5). Une diminution d’activité de la 11βHSD1 a été observée chez le sujet obèse non diabétique, mais pas chez le patient obèse DT2 où elle peut même être augmentée (9). Une réduction d’activité de la 11βHSD1 pourrait être un mécanisme protecteur empêchant le sujet obèse Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
d’évoluer vers un DT2. L’échec de ce processus pourrait mener progressivement au DT2 et aux anomalies métaboliques associées.
pondérale, une baisse de la glycémie à jeun, une réduction des marqueurs d’insulinorésistance et une amélioration du profil lipidique (12). D’autres résultats encourageants ont été observés avec le MK-0916 chez le patient obèse DT2 (réduction de 0,3 % du taux d’HbA1c, du poids et de la pression artérielle) (13) ou avec le MK-0736 chez le patient hypertendu (légère réduction du poids corporel, de la pression artérielle et du cholestérol LDL) (14). Ces essais démontrent l’intérêt thérapeutique potentiel des inhibiteurs sélectifs de la 11βHSD1 dans la prise en charge de l’obésité, du syndrome métabolique et du DT2. Cependant, globalement, les résultats cliniques sont encore insuffisants en comparaison de ceux obtenus avec d’autres classes de médicaments déjà disponibles.
Essais d’inhibition pharmacologique de la 11βHSD1 Différents médicaments, utilisés dans le traitement des maladies métaboliques (fibrates, glitazones, metformine), de même que le salicylate, semblent diminuer l’activité de la 11βHSD1, quoique de façon variable (3, 5). L’industrie pharmaceutique tente de développer des inhibiteurs synthétiques, plus puissants et plus sélectifs, de la 11βHSD1 (10, 11). Dans une étude contrôlée de 12 semaines versus placebo chez des patients DT2 sous metformine, une réduction significative du taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) de l’ordre de 0,4-0,5 % avec une dose orale de 100-200 mg par jour d’INCB 013739 a été observée avec, également, une légère diminution
De nouveaux inhibiteurs de la 11βHSD1 sont à une phase précoce de développement (5, 11, 15). Même si cette voie s’avère
CORTISONE (inactive) Tissu adipeux
Foie NADPH
Inhibiteurs sélectifs de la 11 HSD1 Tissu adipeux
11 HSD1
Foie
11 HSD2
Rein
NADP
CORTISOL (actif)
Figure 1 - La 11β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 1 (11βHSD1) transforme la cortisone, inactive sur le plan métabolique, en cortisol, métaboliquement actif, avec le NADPH comme cofacteur, essentiellement dans le tissu adipeux et le foie, et représente une nouvelle cible thérapeutique pour des inhibiteurs sélectifs. Dans le rein, une 11β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2 contrôle la réaction enzymatique inverse, du cortisol vers la cortisone.
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Thérapeutique
prometteuse, le chemin sera sans doute encore long avant qu’un inhibiteur spécifique de la 11βHSD1 puisse être utilisé un jour en clinique.
Conclusion Une alternative dans le traitement de l’obésité pourrait être de s’attaquer, non pas à l’excès de poids en tant que tel, mais bien aux perturbations fonctionnelles
adipocytaires (“adiposopathie”). L’étonnante similitude existant entre le syndrome de Cushing et le syndrome métabolique associé à l’obésité abdominale a suscité l’intérêt pour la 11βHSD1, une enzyme qui transforme la cortisone inactive en cortisol métaboliquement actif au niveau tissulaire. Les études réalisées, même si elles sont assez disparates, plaident pour une dysfonction de la 11βHSD1 dans le tissu adipeux et le foie des sujets obèses
et/ou DT2. Au vu des résultats de quelques essais cliniques préliminaires, l’inhibition de la 11βHSD1 représente une approche innovante potentielle dans le traitement de l’obésité et de ses complications métaboliques, y compris les maladies cardiovasculaires. n
Mots-clés : 11βHSD1, Obésité abdominale, Tissu adipeux, Foie
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Pharmacologie
L’industrie pharmaceutique face à sa mutation Qu’en est-il aujourd’hui ? n
Depuis au moins une décennie, de nombreux facteurs environnementaux conduisent les
grandes firmes pharmaceutiques à reconsidérer leur stratégie.
Dr Jean-Pierre Lehner*
Les facteurs environnementaux Ils sont nombreux et de différentes origines.
Contraintes réglementaires
Prise en charge des nouveaux médicaments par les organismes de remboursement Elle est devenue plus difficile, en raison de l’augmentation exponentielle des coûts de santé dans les pays occidentaux. La démonstration de la valeur médicale ajoutée du nouveau produit est un élément indispensable à l’obtention du remboursement. Le plan de développement doit comporter des études spécifiques pour satisfaire ce besoin. Cela vient s’ajouter aux contraintes réglementaires mentionnées précédemment. *Médecin, cardiologue, consultant pour l’Industrie pharmaceutique, Paris
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Elles se sont fortement alourdies tant au niveau de l’Union européenne que des États-Unis mais aussi dans les pays émergents. Les Agences réglementaires exigent aujourd’hui des preuves très robustes d’efficacité et de tolérance qui ont considérablement augmenté le coût du développement clinique des produits innovants.
Après la mise sur le marché Le paysage est très différent de ce qu’il était dans le passé : - la nécessité de produire aux Autorités de santé des données de tolérance à intervalles réguliers est maintenant élargie à une analyse de la balance bénéfice-risque en condition réelle d’utilisation du produit ; - la prise en charge, quand elle a été acceptée, est remise en question au moins tous les 5 ans en France, les données d’utilisation sont alors étudiées, en particulier le respect de l’indication ayant donné lieu au remboursement par la collectivité ; - le développement des molécules génériques qui a augmenté de façon considérable, conduisant à de ra-
pides pertes de revenus notamment sur le territoire nord-américain (90 % en quelques semaines), en Europe occidentale la baisse atteint 60 à 70 % en quelques mois. Voilà quelques exemples, donnés sans esprit polémique, qui conduisent les firmes pharmaceutiques ayant une forte activité de recherche et de développement à revoir leur modèle.
Des molécules innovantes Les dernières décennies ont été caractérisées par la recherche, le développement, la commercialisation de 259
pharmacologie
molécules innovantes s’adressant à de larges populations de malades. Cela correspond au modèle du blockbuster. Aujourd’hui on peut penser que ce modèle a atteint ses limites.
Des cibles plus restreintes En matière de médicaments les firmes s’orientent de plus en plus vers des molécules ayant des cibles plus restreintes, voire des maladies rares (maladies orphelines). Cette orientation est facilitée par les progrès des sciences fondamentales qui permettent de disséquer les grandes pathologies en montrant par exemple que tel récepteur est fortement exprimé dans un sous-groupe de malades, montrant que, bien que l’expression clinique de la maladie soit la même, les mécanismes responsables peuvent être différents. Un exemple ancien est la mise en évidence des récepteurs œstrogène et progestérone en pratique courante dans les tumeurs du sein. Cela a conduit à la mise au point de molécules spécifiques adaptées au profil de récepteurs retrouvés dans la tumeur. Cette approche personnalisée du traitement est celle qui prévaut actuellement. Cette approche modifie naturellement la cible potentielle de tout nouveau médicament.
Valeur médicale ajoutée Autre point de changement : la démonstration de la valeur médicale ajoutée qui se développe dans toutes les grandes firmes. Cela implique une modification de l’état d’esprit tant au niveau de la recherche qu’au niveau commercial. Cela nécessite de pouvoir disposer de données épidémiologiques solides afin de pouvoir identifier la population de malades qui bénéficiera au mieux du nouveau traitement.
Solutions thérapeutiques Ainsi, de nombreuses firmes phar260
maceutiques vont-elles chercher en dehors du champ de la pharmacologie classique des voies thérapeutiques pouvant bénéficier aux patients. L’objectif est de pouvoir proposer aux malades non seulement un traitement pharmacologiquement actif mais plus largement des solutions thérapeutiques, prenant en compte l’environnement de la maladie. Différentes approches sont considérées. ❚❚Produits non remboursés Le développement des produits non remboursés (Over the Counter) qui permettent de soulager de nombreux symptômes. ❚❚Information-santé Le développement de l’information-santé afin d’alerter le public pour pouvoir mettre en place des politiques de prévention, utilisant des moyens non médicamenteux. Les messages insistent sur le respect de règles d’hygiène de vie et sur les meilleurs moyens de dépistage. Cela est déjà développé dans la prévention de la pathologie cardiovasculaire ainsi que des cancers. ❚❚Nouveaux outils La mise à disposition de nouveaux outils permettant un meilleur suivi de pathologie chronique nécessitant une adaptation du traitement, par exemple dans le suivi du diabète. ❚❚Approche nutritionnelle La diversification dans des domaines jusqu’alors ignorés par les industriels de la pharmacie, en particulier l’approche nutritionnelle. On sait, notamment, l’importance des régimes alimentaires bien équilibrés pour faciliter la prise en charge des troubles métaboliques. La mise au point de compléments alimentaires médicalement validés est une piste considérée comme prometteuse par les industriels et doit être dévelop-
pée dans le futur. Il y a une évidente synergie entre les médicaments et cette approche. Bien que de grandes sociétés pharmaceutiques aient pris la décision de se séparer de cette activité, d’autres grandes firmes sont très impliquées dans l’approche nutritionnelle (citons par exemple G.S.K, Abbott). Récemment, les laboratoires Bayer ont acquis pour plus d’un milliard de dollars la société Schiff Nutrition International spécialisée dans les suppléments nutritionnels. On voit bien au plan stratégique l’intérêt que pourrait avoir une démonstration d’un meilleur bénéfice pour le patient de l’utilisation d’un médicament innovant en association avec un régime alimentaire plus adapté, en particulier dans le domaine du cancer. Malgré la forte concurrence de groupes spécialisés dans l’alimentaire (Danone® ou Nestlé®, par exemple), l’industrie pharmaceutique, qui met le patient au centre de ses préoccupations, ne peut être qu’un puissant acteur dans le futur.
Conclusion L’industrie pharmaceutique doit s’adapter au nouveau contexte auquel elle fait face. La diversification dans le domaine de la prise en charge des pathologies chroniques est évidemment en tête de liste de ces nouvelles approches. L’industrie considère de plus en plus des offres pour les patients qui ne se limitent aux seuls traitements médicamenteux, mais considère des solutions adaptées aux différentes pathologies. L’approche nutritionnelle représente, bien entendu, une des voies possibles, en particulier dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires liées aux troubles métaboliques et de la surcharge pondérale. L’approche diététique ne n peut être ignorée. Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
DOSSIER
Immunologie en diabétologie : une greffe réussie…
© shubhangi kene – Stocklib.
Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres) et le Pr Patrick Ritz (Toulouse)
1 Immunothérapie d’un patient greffé et diabétique : surveillance entre les explorations spécialisées ����������������������������������������������������������������� p. 262 Dr Arnaud Del Bello
2 Altérations immunologiques du diabète de type 1 : que savons-nous ? ����������������������������������������������������������������������������������� p. 268 Dr Danièle Dubois-Laforgue
3 Transplantation pour le patient diabétique de type 1 : le point sur la greffe d’îlots de Langerhans ����������������������������������������� p. 274 Mathieu Armanet, Christophe Broca, Pr Anne Wojtusciszyn
Immunologie en diabétologie : une greffe réussie...
DOSSIER
1 Immunothérapie d’un patient
greffé et diabétique
Surveillance entre les explorations spécialisées Dr Arnaud Del Bello*
Introduction Depuis des années, les progrès de l’immunosuppression en greffe d’organe solide ont contribué à faire de ce traitement la référence dans de nombreuses pathologies chroniques terminales, permettant non seulement un gain en qualité de vie, mais surtout une nette amélioration du pronostic vital des patients. De fait, on observe une constante augmentation de patients greffés chaque année en France. À titre d’exemple, près de 3 000 patients insuffisants rénaux terminaux ont été transplantés en 2011, amenant le nombre de patients greffés rénaux suivis à cette date à près de 30 000 (1). L’augmentation permanente de ces patients rend nécessaire l’implication de tous les acteurs de santé pour les prendre en charge de manière globale.
*Chef de clinique, spécialité Néphrologie-Transplantation, hôpital de Rangueil, Toulouse
262
L
e diabète est l’une des principales comorbidités rencontrées dans cette population : parmi les 9 400 patients en attente de greffe rénale en France en 2011, 41 % d’entre eux étaient diabétiques (dont 92 % de diabète de type 2) (1) et cette prévalence s’accroît encore après la greffe. L’impact sur le devenir des greffons et des patients fait du dépistage, du traitement ainsi que de la surveillance de cette pathologie un élément capital du suivi de ces patients.
Définition, incidence et prévalence Le diabète est connu pour compliquer la greffe rénale depuis près de 50 ans (2). Depuis, il est clairement établi que cette comorbidité favorise les pertes de greffon, augmente le risque cardiovasculaire et le risque de décès de ces patients (3-5). Devant l’importance de cette pathologie en greffe d’organe, une terminologie spécifique s’est imposée, permettant de mieux définir la prévalence, l’histoire naturelle et l’impact clinique du diabète en transplantation. Ainsi seront différenciés les diabètes et intolérances au glucose préexistants à la greffe, et les TAH (Transplant Associated Hyperglycemia), regroupant les diabètes NODAT (New Onset Diabetes After Organ Transplan-
tation) et les intolérances au glucose postgreffe (3). La définition de ces troubles est directement adaptée des recommandations de la WHO (6-7). L’incidence et la prévalence du diabète NODAT sont variables selon les études et les organes transplantés (d’autant plus qu’avant 2003, les définitions étaient très hétéroclites), mais restent fortes : l’incidence est estimée en greffe rénale, comme en greffe hépatique, entre 15 et 25 % des patients (5, 7-9) après la première année. Elle serait légèrement plus importante en greffe cardiaque et pulmonaire, entre 35 % et 40 % (1011) à un an. Les mécanismes physiopathologiques amenant à l’apparition d’un diabète postgreffe associent une combinaison de facteurs : - augmentation de la clairance de l’insuline (par la restauration d’une fonction rénale en greffe de rein) ; - diminution de la sécrétion d’insuline (rôle du traitement immunosuppresseur) ; - insulinorésistance (rôle de la prise de poids et du syndrome métabolique, du VHC, de l’âge avancé et des corticoïdes).
Facteurs de risque Les principaux facteurs de risque Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
de NODAT sont actuellement bien établis ; certains sont modifiables, d’autres non. Les facteurs prépondérants dans l’apparition d’un diabète en postgreffe semblent être : - l’âge du receveur ; - la présence d’un surpoids, d’une intolérance au glucose en prégreffe ou d’une hépatite C réplicante ; - l’origine ethnique (patients non caucasiens) ; - en postgreffe, l’utilisation d’un protocole avec corticoïdes et tacrolimus (12-13). À noter par ailleurs que la présence d’un rejet est un facteur de risque non négligeable, probablement lié au fait de l’alourdissement de l’immunosuppression et de la dysfonction éventuelle du greffon par la suite. Des outils existent, permettant de déterminer le risque de développement d’un diabète postgreffe, à partir des différents facteurs de risque (14).
Conséquences de la survenue d’un diabète après transplantation La survenue d’un diabète en postgreffe impacte négativement la survie des patients et des greffons. En greffe rénale, plusieurs études ont montré une moins bonne survie du greffon (8, 15). Dans une large étude de cohorte, Revanur et al. ont montré que les patients ayant développé un diabète postgreffe avaient à long terme une fonction rénale similaire aux patients diabétiques en prégreffe, et statistiquement une moins bonne fonction rénale que les patients non diabétiques (16). Par ailleurs, il est nettement reconnu que la survenue d’un diabète postgreffe augmente le risque Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
de décès (8, 17). Ainsi, à la fin de la première année postgreffe, la mortalité des patients ayant développé un diabète postgreffe est identique aux patients greffés avec un diabète préexistant (16). Cet excès de mortalité est expliqué principalement par une augmentation des complications cardiovasculaires (18-19), et ce très rapidement après la greffe, ainsi que des complications infectieuses (8). Il est à noter que les patients greffés présentant une intolérance au glucose sans diabète sont eux aussi à risque de mortalité précoce (20).
Dépistage des patients à risque Au vu des complications et des possibilités thérapeutiques, il est nécessaire de dépister, d’informer et de préparer les patients avant greffe. L’histoire clinique (âge, ethnie, histoire familiale de diabète de type 2, BMI, pression artérielle, recherche d’un syndrome métabolique, dyslipidémie, patient VHC, et type de néphropathie – patient présentant une polykystose héréditaire autosomique dominante, ou non), voire la réalisation d’un test d’hyperglycémie provoquée orale, permettent de prédire efficacement les patients à risque de développer un diabète postgreffe (14). Après greffe, la présence d’une hyperglycémie dans la période postopératoire semble être un bon facteur prédictif de développement de diabète en postgreffe. La réalisation d’un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale est réservée aux patients à risque avec des valeurs correctes d’HbA1c ou sur les autosurveillances glycémiques.
Prise en charge d’un patient greffé et diabétique Adaptation de l’immunosuppression La mise en place du traitement immunosuppresseur, indispensable à la survie du greffon, est responsable d’un effet diabétogène important après greffe. Toutefois, son adaptation au patient diabétique nécessite d’intégrer le risque immunologique individuel du patient, car la survenue d’un rejet impose des traitements spécifiques (dont des bolus de corticoïdes) favorisant bien plus les décompensations glycémiques. L’importance de cette variable dans la prise en charge de ces patients est actuellement toujours débattue. En premier lieu, les glucocorticoïdes utilisés en traitement d’induction et d’entretien de l’immunosuppression induisent : - un état d’insulinorésistance, médié par une diminution de la liaison de l’insuline à ses récepteurs ; - une augmentation de la néoglucogenèse hépatique ; - une diminution de l’utilisation du glucose (21). Cet effet prodiabétogène semble être dose-dépendant (22). Cependant, les principales études ayant étudié l’incidence des diabètes postgreffe dans les protocoles sans corticoïdes au long cours, n’ont pas retrouvé de différence significative par rapport aux protocoles avec corticoïdes, si ce n’est une tendance à la réduction des doses d’insuline (23-24). Toutefois, chez les patients diabétiques en prégreffe, ou à fort risque de développer un diabète postgreffe, il semble utile d’envisager si possible la réalisation d’un protocole sans corticoïdes, ou avec une réduction rapide de la corticothérapie. 263
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Les anticalcineurines font partie des molécules prépondérantes en greffe. Cependant il existe de nombreuses preuves de leur effet diabétogène. La ciclosporine est responsable d’une toxicité directe sur les îlots b de Langherans (25), ainsi que d’une diminution de la sécrétion d’insuline (26), et pourrait même induire un état d’insulinorésistance (27). Toutefois, l’utilisation du tacrolimus, anticalcineurine de référence, semble bien plus diabétogène, par une plus grande insulinorésistance et une nette diminution de la sécrétion d’insuline (8, 28-29). Il pourrait donc être intéressant, chez les patients à haut risque, d’envisager si possible une épargne en anticalcineurine, ou un switch du tacrolimus vers la ciclosporine. Les inhibiteurs de la mTOR (sirolimus et évérolimus) sont eux aussi prodiabétogènes (interactions avec les voies de signalisation de l’insuline, de la lipine, favorisant l’insulinorésistance et la diminution de sécrétion d’insuline), d’autant plus qu’ils sont associés aux anticalcineurines et aux corticoïdes. Seuls les agents antiprolifératifs (acide mycophénolique ou mycophénolate mofétil) sont réputés sans effet diabétogène.
Lutte contre le surpoids et le syndrome métabolique Une prise de poids est fréquemment observée après transplantation (30), estimée en moyenne à 3 kg (± 7 kg). Lorsque celle-ci est excessive, elle représente un facteur de mauvais pronostic en termes de survie du patient et du greffon (31). Par ailleurs, l’augmentation du poids après transplantation amène à une augmentation du risque de diabète postgreffe, ainsi que du risque d’hyperten264
sion artérielle et de complications cardiovasculaires (32). La prise de poids considérée comme excessive, à partir de laquelle on peut observer une surmortalité ou une moins bonne survie du greffon, diffère selon les études. Dans l’étude française (19), une augmentation de l’IMC de 5 % à un an postgreffe rénale est associée à une diminution de la survie des patients (HR 2,82 ; IC 95 % 1,11-7,44 ; p = 0,0015) ; le risque apparaît pour des prises de poids supérieures avec augmentation du BMI supérieure à 10 % après 1 an, dans d’autres études (3335). De plus, les patients présentant un BMI supérieur à 30 après 6 mois postgreffe semblent clairement avoir une moins bonne survie que les patients au BMI plus bas, eu égard à un plus grand nombre de diabètes postgreffe, et de complications cardiovasculaires (36). Le manque d’activité physique est lui aussi souvent retrouvé chez ces patients atteints de pathologie chronique. Il convient donc d’être vigilant quant à la prise de poids de ces patients, de les informer, de veiller au respect des règles hygiénodiététiques et si possible de les faire participer à des programmes de prise en charge globale de l’obésité.
pas être le reflet d’une récidive de la néphropathie diabétique, mais être, par exemple, la conséquence d’un rejet chronique. Par ailleurs, la relation entre diabète et traitement immunosuppresseur doit être notée, et toute modification de ce traitement aura des conséquences sur le contrôle du diabète dans les semaines et les mois qui suivent. Enfin, la plupart des patients greffés d’organes solides développent ou conservent une insuffisance rénale en postgreffe, faisant de ces patients des sujets à très haut risque cardiovasculaire, et à haut risque de progression de la maladie néphrologique motivant une prise en charge optimale du diabète.
Surveillance de l’efficacité du traitement
Le traitement très précoce par insuline basale a récemment montré un grand intérêt en vue de réduire le risque de NODAT (37). Le recours rapide à l’insuline, qui diffère de l’attitude préconisée jusqu’alors, peut s’expliquer par une meilleure protection des cellules b dans cette situation où les facteurs d’agression sont multiples. Bien entendu, de manière identique aux patients en IRC non greffés, l’utilisation des antidiabétiques oraux nécessite une adaptation de dose ou sont contre-indiqués en fonction du niveau de fonction rénale.
Bien que les objectifs du traitement soient calqués sur les guidelines développées pour les patients diabétiques de type 2, quelques points sont à souligner. L’histoire naturelle des deux pathologies (NODAT et diabète de type 2) est différente, avec une hyperglycémie postgreffe apparaissant rapidement et un passage à un véritable diabète postgreffe beaucoup plus rapide, et largement dépendant de la dysfonction des cellules b. De plus, la présence d’une albuminurie chez un patient greffé rénal peut ne
Les recommandations HAS 2007 indiquent que ces patients doivent bénéficier d’autocontrôles, sur la base de ce qui est réalisé dans le diabète de type 2. La glycémie à jeun doit être mesurée une fois par semaine jusqu’au troisième mois postgreffe, puis toutes les deux semaines jusqu’au sixième mois, puis mensuellement. Le dosage de l’HbA1c est recommandé tous les trois mois la première année, puis annuellement en l’absence de NODAT.
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Surveillance des complications Comme nous l’avons vu, les patients diabétiques en pré- ou postgreffe sont des patients particulièrement à risque de développement de pathologies cardiovasculaires et infectieuses. Ces patients nécessitent donc un screening régulier cardiaque et vasculaire. Ainsi, le dépistage d’une ischémie myocardique silencieuse ou sa réévaluation, ainsi que le dépistage de la pathologie athéromateuse vasculaire, sont indispensables. La
recherche et le traitement d’une hypertension artérielle, avec des objectifs abaissés à 130/80 mmHg dès qu’il existe une altération de la fonction rénale, une albuminurie, sont indispensables. Encore une fois, la lutte contre le syndrome métabolique est nécessaire.
Conclusion Le diabète représente une importante comorbidité en greffe d’organe solide. Il nécessite un dépistage et une prise en charge spé-
cifique en pré- et postgreffe. Son impact sur la survie des greffons et des patients implique un traitement optimal et une surveillance accrue des complications cardiovasculaires et infectieuses. L’augmentation du nombre de patients greffés chaque année impose un travail en réseau entre médecins spécialistes en greffe, diabétologues et médecins généralistes pour assurer le suivi de ces patients. n
Mots-clés : Immunothérapie, Greffe, Diabète
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2 Altérations immunologiques
du diabète de type 1
Que savons-nous ? Dr Danièle Dubois-Laforgue*
Résumé Le diabète de type 1 (DT1) est caractérisé par une destruction sélective des cellules b pancréatiques d’origine auto-immune, conduisant dans des délais variables à une carence totale en insuline. Son diagnostic positif repose sur la mise en évidence, dans le sérum des patients, d’autoanticorps dirigés contre des déterminants antigéniques insulaires. La maladie résulte d’événements stochastiques survenant sur un terrain de prédisposition génétique et impliquant des facteurs environnementaux, encore largement méconnus. Trois étapes sont déterminantes dans la survenue de la maladie : anomalies de la tolérance centrale, permettant la sélection de lymphocytes autoréactifs ; activation et recrutement de ces lymphocytes au niveau des îlots pancréatiques, par un agent qui reste spéculatif ; altération des mécanismes de régulation périphérique, permettant l’expansion de la réponse immune aboutissant à terme à la destruction des cellules b. La meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le développement de l’auto-immunité, conjointement aux données issues des premiers essais d’immuno-intervention chez l’Homme, ouvre de nouvelles perspectives en termes de prévention secondaire (visant à inhiber la réponse immune déjà engagée) et tertiaire (au stade de diabète, permettant de préserver les cellules b résiduelles). La possibilité d’une prévention primaire de la maladie (visant à éviter le déclenchement de l’auto-immunité) reste utopique, car nécessitant l’identification de l’événement initiateur de la réponse immune et/ou une intervention précoce sur la sélection thymique.
Données cliniques Le diabète de type 1 présente une grande hétérogénéité phénotypique (1). Initialement décrit chez les enfants et caractérisé par une carence insulinique aiguë, le DT1 survient en fait dans la moitié des cas après l’âge de 20 ans, avec un continuum de présentation clinique, allant de l’acidocétose révélatrice au diabète pauci-symptomatique évoquant parfois un diabète de type 2 (forme *MCU-PH, service du Pr Boitard, hôpital Cochin - Hôtel-Dieu, Paris
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reconnue sous le terme de LADA, Latent Autoimmune Diabetes in the Adults). La mise en évidence de marqueurs sériques d’auto-immunité revêt ici tout son intérêt, permettant d’établir le diagnostic étiologique du diabète. De plus, dans un tiers des cas, le DT1 s’associe à d’autres maladies auto-immunes spécifiques d’organes (les plus fréquentes étant les thyroïdites), témoignant d’une auto-immunité plus diffuse. Enfin, dans 10 % des cas, le diabète est familial. Il
est vraisemblable qu’à cette hétérogénéité clinique corresponde une hétérogénéité génétique et immunologique.
Données histologiques L’une des façons d’aborder la physiopathologie des maladies auto-immunes est d’en étudier l’organe cible. Du fait de la mauvaise accessibilité du pancréas, les données histologiques disponibles sont essentiellement issues d’études postmortem ou de modèles murins. Chez la souris NOD (Non Obese Diabetic, modèle de diabète auto-immun spontané), des cellules dendritiques et des macrophages infiltrant le pancréas sont visibles dès l’âge de 3 semaines. Des lymphocytes (à prédominance T, LT) apparaissent ensuite en périphérie des îlots (péri-insulite), puis les envahissent (insulite, initialement constituée de LT de type CD4, puis CD8). L’évolution ultérieure est marquée par une destruction des cellules b (insulite destructrice) et la survenue du diabète après l’âge de 15 semaines. Chez l’Homme, l’insulite apparaît très limitée chez les sujets non diabétiques mais porteurs d’autoanticorps. Au diagnostic de diabète, l’insulite est constituée majoritairement de lymphocytes T CD8, et est nettement plus marquée chez l’enfant Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
que chez l’adulte. Très à distance du diagnostic, l’insulite n’est plus visible, mais il persiste chez certains patients des îlots contenant des cellules b (2). Il est à noter, chez l’Homme comme chez la souris, une distribution focale de l’insulite : au sein du même pancréas coexistent des îlots sains, des îlots infiltrés et des îlots totalement détruits, suggérant un processus évoluant par vagues successives.
Marqueurs immunologiques Les anticorps Les marqueurs immunologiques du DT1 aujourd’hui utilisés sont essentiellement représentés par des autoanticorps spécifiques d’antigènes : anticorps dirigés contre l’insuline (IAA), la glutamate décarboxylase (GADA), la tyrosine phosphatase IA-2 (IA-2A), et plus récemment identifié, le transporteur de zinc ZnT8 (ZnT8A). Ces anticorps sont détectables avant l’émergence de l’hyperglycémie, permettant d’identifier une phase préclinique de la maladie (3). Chez les enfants à risque génétique, ils sont détectables dès l’âge de 9 mois, les IAA étant les premiers à apparaître, suivis des autres spécificités. Le nombre d’autoanticorps présents, plus que leur titre, est prédictif de l’évolution vers le diabète, les IA2-A et les ZnT8A étant de plus des marqueurs de l’agressivité du processus auto-immun. Au diagnostic de diabète, des auto-anticorps sont détectés chez 90 % des patients. Ils persistent à long terme (plus particulièrement les GADA), présents encore chez 60 % des patients après 25 ans d’évolution, ce qui permet de poser, a posteriori, le diagnostic de diabète auto-immun. La signification de la persistance de ces anticorps n’est pas connue. Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Les cellules T L’étude des lymphocytes T, si elle apparaît plus proche de la physiopathologie du DT1 que celle des anticorps (qui n’ont pas d’effet pathogène direct), est de réalisation plus difficile : la fréquence en périphérie des LT autoréactifs est faible, leur technique d’étude délicate et de standardisation récente. Les LT circulants, de surcroît, ne constituent qu’un témoin indirect du processus intrapancréatique. Des anomalies quantitatives ou qualitatives de sous-populations lymphocytaires T ont été observées chez les patients au diagnostic de diabète et dans la période préclinique (cf. infra). De manière plus spécifique, des lymphocytes T CD4 et CD8, dirigés contre l’insuline, la GAD et la tyrosine phosphatase IA-2, ont été mis en évidence chez les patients présentant un DT1 de diagnostic récent et chez les sujets
visant les LT (cyclosporine, corticoïdes) au stade clinique de la maladie sont autant d’arguments en faveur d’un rôle majeur des lymphocytes T dans la survenue du DT1. Il est actuellement admis que les LT CD4 (sous-populations Th1 et probablement Th17) initient et orchestrent la réponse immune adaptative, et que les LT CD8, cytotoxiques, sont les principaux effecteurs de la destruction des cellules b. D’autres cellules interviennent dans la maladie : les macrophages et les cellules dendritiques, qui ont un rôle primordial en tant que cellules présentatrices indispensables à l’activation des LT CD4. Les lymphocytes B, longtemps négligés, interviennent certainement au stade de propagation de l’auto-immunité, de par leur excellente capacité de présentation des antigènes, expliquant en partie l’efficacité des anticorps anti-CD20 (rituximab) en
La possibilité d’une prévention primaire de la maladie (visant à éviter le déclenchement de l’auto-immunité) reste utopique. non diabétiques porteurs d’autoanticorps (4). Les tests cellulaires, outre marqueurs prédictifs dont la valeur reste à définir, pourraient constituer de bons marqueurs intermédiaires au cours des essais de prévention de la maladie.
Les acteurs de la maladie auto-immune
prévention tertiaire de la maladie. Enfin, plusieurs cytokines participent aux différentes phases de la maladie, recrutant et activant les LT (IL12, IL2, IFNg), créant un environnement pro-inflammatoire propice à l’expansion de la réponse immune (IL23, IL17, IL6), ou encore exerçant un effet cytotoxique direct sur les cellules b (TNFa, IL1b).
L’autoantigène cible Les effecteurs Les données histologiques, la mise en évidence, chez des patients transplantés après récidive de la maladie auto-immune sur le greffon, de lymphocytes T capables de lyser les cellules b, ou encore l’efficacité partielle des immunosuppresseurs
La nature de l’autoantigène cible de la réponse immune est encore débattue : une trentaine d’antigènes ont en effet été mis en évidence, dont seuls l’insuline et le transporteur de zinc ZnT8 sont spécifiques des cellules b. Cette multitude d’autoantigènes relève d’une 269
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diversification de la réponse immune une fois les premières cellules b détruites, ces dernières offrant au système immunitaire de nouvelles spécificités antigéniques. Des données indiquent que l’antigène primordial pourrait être l’insuline chez les enfants à risque génétique de développer la maladie. Les données chez l’adulte sont moins évidentes, possiblement en faveur de la GAD. Il est en fait probable que l’autoantigène initial diffère selon les patients, et notamment selon leur génotype HLA de la classe II, dont on connaît l’importance dans la sélection des antigènes présentés au système immunitaire (5).
Anomalies immunologiques Anomalies de tolérance centrale (rev in 6) L’existence de LT autoréactifs en périphérie sous-entend qu’ils ont échappé au niveau du thymus à la sélection négative, qui s’opère lors d’une interaction forte entre le récepteur du lymphocyte T et l’antigène présenté par les cellules thymiques. Le terrain génétique semble déterminant dans les anomalies de cette tolérance dite centrale. Un exemple majeur en est la polyendocrinopathie auto-immune de type 1 (PEA1 ou APECED), maladie rare caractérisée par une auto-immunité endocrinienne diffuse et comportant dans 20 % des cas un DT1. La PEA1 est liée à des mutations du gène AIRE, qui altèrent l’expression (et donc la présentation) d’antigènes tissu-spécifiques au niveau de l’épithélium thymique, favorisant ainsi l’émergence de clones T autoréactifs (7). Au cours du DT1 “classique”, plusieurs polymorphismes génétiques influençant la sélection thymique ont été mis 270
en évidence. Ils concernent en premier lieu les gènes HLA de classe II, qui déterminent 50-60 % de la prédisposition à la maladie. Les molécules codées par les allèles de susceptibilité (DQB1* 0302 et 0201 notamment) permettraient, du fait d’une instabilité du complexe HLApeptide autoantigénique, la sélection de LT autoréactifs. Le VNTR du gène de l’insuline, contrôlant le niveau d’expression de l’insuline, contribue lui pour 5-10 % à la prédisposition à la maladie : les allèles de classe I, associés à une faible expression thymique de l’insuline, favoriseraient la sélection de LT
produisent des cytokines régulatrices (TGFb, IL10). Le syndrome IPEX (Immunodeficiency, Polyendocrinopathy and Enteropathy X-linked), caractérisé par l’existence de multiples manifestations auto-immunes incluant un DT1 de survenue précoce, souligne l’importance des Treg dans le contrôle de la réponse immune. Cette maladie rare est liée à des mutations du gène FOXP3 situé sur le chromosome X, responsables d’une absence de cellules T régulatrices (7). Le DT1 “classique” n’a pas été associé à des polymorphismes de ce gène,
Le rôle même de la cible du processus autoimmun, la cellule b, reste à ce jour peu exploré.
Anomalies de la tolérance périphérique (rev in 6)
mais en revanche à certains du gène CD25. Récemment, une mutation du gène SIRT-1, gène entre autres impliqué dans l’acétylation de FoxP3 nécessaire à sa fonction, a été rapportée dans une famille présentant un DT1 “monogénique” (8). D’une manière plus large, tous les polymorphismes associés à une réduction de l’activation lymphocytaire (gènes PTPN22, CTLA4, UBASH3A…) pourraient contribuer à la survenue du DT1 par le biais d’une baisse de la fonction des Treg.
Différents types cellulaires interviennent dans la régulation de la réponse immune une fois engagée, en particulier les cellules T régulatrices (Treg), lymphocytes T CD4 exprimant à leur surface le marqueur CD25, l’un des composants du récepteur de haute affinité pour l’interleukine 2 (IL2). Ces cellules, dont l’activation et la fonction sont respectivement sous la dépendance de taux faibles d’IL2 et de l’expression du facteur de transcription FoxP3,
L’étude des Treg aux différents stades du DT1 (prédiabète, diabète récent, diabète ancien) indique l’existence d’un nombre normal de ces cellules en périphérie. Un défaut de fonction a été suggéré par certains auteurs, ou encore une résistance des LT effecteurs à leur effet suppresseur, non confirmé par d’autres (9). L’existence en périphérie de LT exprimant FoxP3 mais produisant de l’interferon g (cytokine effectrice) conjointement à
dirigés contre l’insuline. Des polymorphismes des gènes PTPN22 et CTLA-4 associés au DT1 mais également à d’autres maladies auto-immunes (thyroïdites, maladie cœliaque) pourraient induire également des anomalies du processus de sélection négative, par le biais d’une diminution de la signalisation lymphocytaire, et donc de la force d’interaction entre LT autoréactifs et cellules thymiques.
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celle de Treg ayant une réduction de l’expression de FoxP3 a été rapportée chez des patients présentant un DT1 récent. Au niveau des îlots, une étude indique de la même façon une réduction de l’expression de FoxP3 au sein des Treg associée à une expansion de la population Th17, pro-inflammatoire. Il semble en fait exister au cours du DT1 une certaine instabilité des Treg qui, perdant l’expression de FoxP3 (sous l’action de cytokines inflammatoires ?), acquièrent un phénotype Th17 effecteur (10). Un des effets des anticorps antiCD3 et des anticorps anti-CD20, traitements ayant montré une efficacité partielle en prévention tertiaire du DT1, semble bien être l’expansion de Treg. L’effet de l’injection de Treg expandues ex vivo est actuellement à l’étude chez des enfants (11). L’induction de Treg par administration de faibles doses d’IL2 est une autre approche thérapeutique actuellement développée (9). D’autres types cellulaires sont impliqués dans la régulation de la réponse immune. Les cellules iNKT, lymphocytes T présentant un récepteur monomorphe, exercent des fonctions suppressives par le biais de la sécrétion d’IL4. L’injection de ligands du récepteur, tels le glycolipide aGalSer ou la molécule C20:2, prévient la survenue du DT1 chez la souris NOD. Chez les patients présentant un DT1 récent, des anomalies de nombre et/ou de fonction des cellules iNKT circulantes, ainsi qu’une inaptitude des iNKT issues des ganglions pancréatiques à sécréter de l’IL4 ont été décrites (12). Le rôle exact de ces cellules dans la survenue de la maladie n’est pas encore éclairci. Les données concernant d’autres cellules suppressives, telles les Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
LT Tr1, sécrétant de l’IL10, et les LT Th3, sécrétant du TGFb, sont encore très parcellaires.
Rôle de l’immunité innée / interaction avec l’environnement Le rôle de l’environnement dans la survenue du DT1 est suggéré, entre autres, par l’absence de concordance complète pour la maladie chez les jumeaux monozygotes, et par l’augmentation récente de l’incidence de la maladie (de 3 à 4 % par an en Europe), alors même que la prévalence des allèles HLA à fort risque diminue parmi ces nouveaux cas de DT1. Les hypothèses mécanistiques sont multiples : - théorie de l’accélération et de la surcharge, reliant environnement et augmentation des besoins en insuline, et expliquant ainsi l’augmentation particulière de l’incidence de la maladie chez les enfants de moins de 5 ans ; - théorie de l’hygiène, attribuant l’augmentation de l’incidence des maladies auto-immunes à une déviation de la réponse immune du fait d’une moindre stimulation par les agents infectieux ; - théorie du terrain fertile, suggérant l’induction, par les agents infectieux, d’un état propice à l’activation de l’auto-immunité… Les suspects sont également nombreux : agents infectieux et notamment entérovirus, protéines du lait de vache, gluten, céréales, carence en vitamine D, ou plus récemment microbiote intestinal, dont on connaît l’impact sur la maturation et la différenciation des Treg et des LT Th17 (13), excès de sel... Néanmoins, à ce jour, aucun facteur d’environnement n’a fait preuve de son implication directe dans la survenue du DT1. Les raisons en sont diverses : intervention probablement précoce (voire prénatale),
comme suggéré par la cinétique d’apparition, des autoanticorps chez les enfants à risque génétique, caractère probablement ubiquitaire n’ayant un impact que sur une minorité d’individus, diversité d’un patient à l’autre et/ou d’un stade à l’autre (initiation, propagation) de la maladie. Le système immunitaire inné constitue un pont entre environnement et autoréactivité. Négligé jusqu’à récemment dans la physiopathologie du DT1, son rôle dans l’initiation du processus autoimmun apparaît primordial (14). Le recrutement et l’activation des cellules du système inné (macrophages, cellules dendritiques, polynucléaires neutrophiles) sont induits par la reconnaissance de motifs non spécifiques issus d’agents exogènes (lipoprotéines, acides nucléiques, protéines) par des récepteurs (notamment les Tolllike receptors, TLR), exprimés à leur surface et au niveau des cellules endothéliales. Lorsque prolongée, la réponse immune innée induit l’activation de la réponse adaptative, par le biais de cytokines proinflammatoires, en particulier le TNFa. Dans le contexte du DT1, la présentation d’antigènes insulaires produits à l’occasion d’une lyse des cellules b, à des LT autoréactifs, par le système immunitaire inné, pourrait induire une activation du processus auto-immun. La réalité de cette séquence d’événements a récemment été illustrée dans le modèle de la souris NOD, l’événement initiateur étant dans ce cas l’apoptose physiologique des cellules b survenant dans la période périnatale (15). Tout autre événement (exposition à des agents viraux ou toxiques) induisant une lyse des cellules b et une inflammation chronique des îlots, pourrait, selon le même scénario, activer une réponse 271
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auto-immune dirigée contre les cellules b… sous réserve de l’existence de LT autoréactifs.
En conclusion Depuis les premiers essais d’immuno-intervention développés dans les années 1980, plusieurs points clés ont été mis en évidence dans les processus conduisant à la destruction des cellules b au cours du DT1 : effet “permissif” du thymus
dans la sélection de cellules T autoréactives, en partie génétiquement déterminé, stimulation du système immunitaire inné par des facteurs environnementaux ou intrinsèques, décisive dans le déclenchement de l’activation de l’immunité adaptative, existence d’un déséquilibre de la balance entre cellules T effectrices et cellules T régulatrices, d’origine vraisemblablement mixte, génétique et environnementale. Ces données modifient les approches
thérapeutiques de prévention, tournées actuellement vers une limitation de l’activation par le système inné et/ou vers une stimulation des cellules régulatrices. Le rôle même de la cible du processus auto-immun, la cellule b, reste à ce jour peu exploré. n
Mots-clés : Diabète de type 1, Auto-immunité, Cellules b pancréatiques, Prévention
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rendez-vous de l’industrie Lecteur de glycémie et cétonémie
FreeStyle Optium Neo : un système de mesure de la glycémie et de la cétonémie Abbott a annoncé avoir obtenu l’approbation du marquage CE (Conformité Européenne) en Europe pour le système de mesure de la glycémie FreeStyle Optium Neo. Ce système présente les caractéristiques suivantes : • un écran à fort contraste piloté par icônes conçu pour une utilisation facile ; • un design élégant, transportable et discret ; • des alertes de tendance glycémique, qui interpellent visuellement les patients lorsqu’ils sont en hypo- ou hyperglycémie ; • une fonction de gestion de l’insuline, qui permet aux professionnels de santé de planifier le protocole insulinique dans le lecteur pour leurs patients. Partant de la dose prescrite, le lecteur a été conçu pour permettre aux patients d’enregistrer leurs doses d’insuline réelles en utilisant les flèches haut ou bas. Cette fonction a été conçue pour permettre aux patients et aux professionnels de santé d’examiner les doses d’insuline enregistrées et les résultats de glycémie.
272
Le système FreeStyle Optium Neo d’Abbott sera disponible en Europe dans les semaines à venir. Les personnes diabétiques intéressées par le système FreeStyle Optium Neo doivent consulter leur médecin. n
Essai clinique
Évaluer l’efficacité et l’innocuité de la Réparixine dans le cadre d’une greffe de cellules autologues d’îlots La société biopharmaceutique italienne Dompé a annoncé le lancement du REP0112, un essai multicentrique en double aveugle randomisé de phase II/III visant à évaluer l’efficacité et l’innocuité de la Réparixine dans le cadre d’une greffe de cellules autologues d’îlots, une procédure dans laquelle, contrairement à une greffe en provenance d’un donneur, les cellules pancréatiques sont prélevées sur le pancréas du patient lui-même, ayant fait l’objet d’une ablation chirurgicale à cause d’une pathologie pancréatique. Le recrutement du premier patient est prévu pour la fin de l’année 2013 et les résultats sont attendus pour début 2016. n Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
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3 Transplantation pour
le patient diabétique de type 1 Le point sur la greffe d’îlots de Langerhans Mathieu Armanet*, Christophe Broca**, Pr Anne Wojtusciszyn***
Introduction Le concept de greffe pancréatique pour traiter le patient diabétique insulinoprive (DT1) n’est pas récent. Dès 1893, avant même la découverte de l’insuline, Williams tenta la greffe d’un fragment de pancréas de mouton de la taille d’« une noix du Brésil » sous la peau d’un jeune garçon de 13 ans en acidocétose. Si l’expérience se solda par un échec, elle ouvrit le champ à un traitement du diabète par transplantation. C’est en 1966, pour la transplantation de pancréas entier, que de nouveaux essais débutèrent avec succès. Il fallut attendre 1974 pour un nouvel essai de greffe cellulaire par greffe d’îlots de Langerhans. Cependant, les résultats restèrent longtemps bien en dessous de ceux de la transplantation de pancréas seule. Les données spectaculaires rapportées par le groupe d’Edmonton en 2000 (1), ont renouvelé l’intérêt pour la greffe d’îlots. Cette technique est perçue comme une avancée thérapeutique qui, en apportant des résultats bientôt similaires à la transplantation pancréatique, comporte un risque opératoire moins élevé. Les indications sont cependant limitées et doivent être posées consciencieusement, nous allons le voir, après avoir pris en compte les bénéfices et les risques apportés par cette technique.
Procédure d’isolement des îlots de Langerhans L’isolement des îlots de Langerhans à partir de pancréas de donneur multi-organes en état de mort encéphalique nécessite un laboratoire spécialement dédié à la procédure et respectant les conditions de Bonnes Pratiques de Fabrication, et exige savoir-faire et expertise. *Laboratoire de Thérapie cellulaire du Diabète, Institut de recherche en Biothérapie, CHU Montpellier, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier ; Unité de Thérapie cellulaire, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris **Laboratoire de Thérapie cellulaire du Diabète, Institut de recherche en Biothérapie, CHU Montpellier, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier ***Laboratoire de Thérapie cellulaire du Diabète, Institut de recherche en Biothérapie, CHU Montpellier, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier ; Département d’Endocrinologie, Diabète, Nutrition, CHU Montpellier, Hôpital Lapeyronie, Montpellier
274
Les techniques utilisées actuellement dérivent toutes de la méthode semi-automatique développée en 1988 par le Dr Camillo Ricordi à Saint-Louis, USA (2). Elles consistent à fractionner le pancréas en petits “morceaux” par une digestion enzymatique utilisant de la collagénase. Une fois la digestion jugée satisfaisante, la suspension de tissu pancréatique est récoltée et purifiée par centrifugation sur gradient de densité ; les îlots étant plus légers que le reste du tissu pancréatique, ils s’en séparent et peuvent être récupérés facilement. Alors que les îlots de Langerhans ne représentent que 1 à
2 % de la masse pancréatique totale, les préparations obtenues à l’issue d’une procédure d’isolement sont enrichies en îlots (pureté oscillant entre 30 et 80 %) et ne représentent que quelques millilitres de tissu. Une préparation d’îlots éligible pour une greffe chez un patient DT1 doit répondre aux exigences suivantes : • Absence de contamination microbiologique. • Viabilité générale ≥ 70 %. • Proportion d’îlots de la préparation ≥ 30 %. • Volume de tissu à greffer ≥ 10 ml. Une fois conformes aux critères de libération/greffe, les îlots sont conditionnés dans des poches de perfusion identiques à celles utilisées pour les transfusions plaquettaires. Les îlots ainsi conditionnés sont ensuite acheminés, dans un délai maximal de huit heures, en salle de radiologie où s’effectue la greffe des îlots pancréatiques par perfusion.
La greffe d’îlots de Langerhans Bien que de nouveaux sites d’implantation soient explorés (moelle osseuse, muscle) (3), le foie reste encore le site privilégié pour l’injection des îlots chez l’Homme. En général, deux à trois préparations d’îlots (provenant de donneurs différents) sont nécessaires en raison du faible rendement de l’isolement des îlots humains. Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
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Sous anesthésie locale, le radiologue aborde la veine porte par cathétérisme sous contrôle échographique puis les îlots sont injectés dans le flux porte. Ils sont retenus par leur taille au niveau du parenchyme hépatique, dans les capillaires sinusoïdaux, et acquièrent une revascularisation propre (Fig. 1). En France, la technique n’est disponible que dans le cadre d’essais cliniques mais nos voisins européens (Suisse, Belgique, Royaume-Uni...) ainsi que le Canada l’ont reconnue comme technique d’intérêt en routine dans le cadre d’indications bien précises. En France, le réseau collaboratif GR AGIL (Groupe Rhin/Rhône-Alpes-Genève pour la greffe d’îlots de langerhans) et le centre lillois assurent l’offre de soins concernant cette technique. Depuis 2011, un centre parisien de l’AP-HP (Hôpital St-Louis) est habilité par l’Agence nationale de sécurité du médicament à libérer des préparations d’îlots pancréatiques. Montpellier, centre “greffeur” depuis 2006 au sein de GRAGIL, s’apprête à demander cette habilitation afin d’ouvrir l’offre de soins aux villes du sud de la France. Les greffes d’îlots sont actuellement recensées dans un registre international (CITR pour Collaborative Islet Transplant Registry : http://www.citregistry. org/) auquel participe la majorité des centres performants dans ce domaine.
Le traitement immunosuppresseur La transplantation d’îlots doit être suivie d’un traitement immunosuppresseur comme n’importe quelle greffe : ce traitement comporte une phase d’induction diminuant les lymphocytes T, classiquement avec des thymoglobulines(R) ou du Campath (R), puis une 276
Figure 1 – Procédure d’isolement et de transplantation d’îlots de Langerhans.
phase d’entretien qui repose sur l’association tacrolimus-mycophénolate mofétil [PROGR AF (R)- CELLCEPT(R)]. Les protocoles sans corticoïdes (toxiques pou r les cel lu les i nsu li nosécrétrices) sont recommandés et l’utilisation d’anti-TNF pour minorer l’inflammation initiale lors de la phase implantatoire ont montré de meilleurs résultats. La manipulation et la surveillance de ce traitement doivent être réalisées par des équipes expérimentées.
Les indications Actuellement, l’allotransplantation des îlots de Langerhans s’adresse principalement à deux catégories de patients : • Les patients DT1 porteur d’un greffon rénal fonctionnel : greffe d’îlots après rein. • Les patients DT1 présentant une instabilité glycémique sévère malgré une insulinothérapie optimisée : greffe d’îlots seuls. À noter : pour les patients subissant une pancréatectomie totale pour une tumeur non cancéreuse, la réalisation d’une auto-greffe d’îlots de Langerhans est possible.
La greffe d’îlots après rein Elle s’adresse au patient DT1 transplanté d’un rein – donc déjà sous immunosuppresseurs – dont la fonction du greffon rénal est stable, et qui présente un diabète difficile malgré une prise en charge diabétologique optimisée. Cette technique est plus particulièrement adaptée aux patients sans insulinorésistance, sans surpoids, non enclins à l’intervention chirurgicale lourde qu’est la transplantation de pancréas entier ou pour lesquels cette dernière technique est contre-indiquée du fait d’un athérome trop prononcé ou d’un risque opératoire trop important. Les patients greffés rein-pancréas dont le pancréas n’a pas fonctionné sont de très bons candidats en général.
La greffe d’îlots seuls Elle s’adresse au patient DT1 non insuffisant rénal et non transplanté. Ici, l’indication d’une greffe doit mettre en balance le surrisque engendré par la mise en place d’un traitement immunosuppresseur : ces techniques ne sont donc réservées qu’aux patients diabétiques dont l’équilibre glycémique expose à des Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
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2000 : résultats d’Edmonton
Figure 2 – Différentes phases de progression de la technique de greffe d’îlots de Langerhans avec leurs résultats.
complications aiguës (hypoglycémies, acidocétose), à un risque de complication dégénérative très important du fait d’une hyperglycémie prolongée, avec une incapacité clinique ou personnelle à contrer ces phénomènes à l’aide d’une insulinothérapie bien conduite. Comme pour la greffe d’îlots après rein, la greffe d’îlots seuls s’adresse aux patients sans insulinorésistance, dont le poids est idéalement inférieur à 75 kg, non enclins à l’intervention chirurgicale pour une transplantation de pancréas entier.
Les résultats de La greffe d’îlots de Langerhans Les résultats métaboliques (Fig. 2)
La fonction du greffon et l’insulino-indépendance ne désignent pas des situations identiques : la Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
fonctionnalité du greffon, attestée par un peptide-C supérieur à 0,5 ng/ml, affirme la persistance d’une sécrétion endogène d’insuline par les îlots greffés mais ne garantit pas l’arrêt de l’insulinothérapie. ❚❚L’insulino-indépendance Entre 1990 et 1999, le taux d’insulino-indépendance après greffe d’îlots n’excédait pas 10 % à 1 an. En 2000, l’équipe d’Edmonton a publié une série de sept cas consécutifs d’insulino-indépendance après greffe d’îlots chez des patients DT1 non urémiques présentant une labilité glycémique sévère (1). Pour l’ensemble des données du CITR, le taux d’insulino-indépendance avec le protocole d’Edmonton à 1 an était de 50 % (80 % dans les meilleures équipes), 32 % à 3 ans et 25 % à 5 ans. Après 2007 et l’utilisation de plus en plus fréquente de protocoles d’immunosuppression
plus classiques – tacrolimus (Prograf®) et mycophénolate mofétil (Cellcept®) toujours sans corticoïdes – avec induction déplétant les cellules T (Thymoglobulines®, Campath ®) et l’emploi innovant d’anti-TNF alpha (Enbrel®) pour minorer l’inflammation initiale, les résultats s’améliorent encore avec pour cette période 70 % d’insulinoindépendance à 1 an, 50 % à 3 ans environ. Ces derniers résultats sont très proches de ceux rapportés pour la transplantation de pancréas entier (4). ❚❚La fonctionnalité du greffon Un peptide-C positif garantit une stabilité glycémique (5) et la nette amélioration de la fréquence des hypoglycémies, ainsi qu’un bon contrôle glycémique sur l’HbA1c (6). De 1990 à 2000, la fonctionnalité du greffon était en moyenne de 35 % à 1 an (7). Après l’application du protocole d’Edmonton, 277
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la survie du greffon était de 90 % à 1 an et de 70 % à 5 ans garantissant la pérennité d’un équilibre métabolique stable. Après 2007, la fonction du greffon reste présente chez 90 % des patients de façon stable 4 ans après la greffe.
Survie, prévention des complications secondaires, qualité de vie Des études physiologiques ont montré la restauration de la fonction β-cellulaire chez ces patients et la restauration du système autonome avec disparition des hypoglycémies. La réponse à différents sécrétagogues est présente, y compris en ce qui concerne le pic précoce de la sécrétion insulinique en réponse au glucose (8, 9). La restauration de l’équilibre, de la stabilité glycémique et d’une sécrétion hormonale régulée semble rétablir le seuil de perception des hypoglycémies, souvent dangereusement abaissé chez les patients DT1 instables (10). L’équipe de Milan a démontré qu’une fonction – même partielle – du greffon au-delà d’une année était associée à une diminution des risques de mortalité, de maladie cardiovasculaire, et de détérioration rénale à long terme (11, 12). Plus récemment, cette même équipe a fait état d’une amélioration de la neuropathie diabétique chez les patients greffés d’îlots après rein (13). Lors de greffes d’îlots seuls, les résultats sur les complications du diabète sont plus rares et encore souvent discordants. Sur le plan rénal, sous immunosuppression par l’association tacrolimus-sirolimus, un déclin significatif de la fonction rénale est rapporté dans le groupe d’Edmonton. Dix patients sur 41 ont aggravé leur microalbuminurie durant le suivi (14). 278
Tableau 1 – Balance bénéfices-risques pour le choix d’une transplantation chez le patient diabétique de type 1. Bénéfices
Risques
Amélioration de l’équilibre glycémique et restauration d’une sécrétion endogène d’insuline
Risques liés à la procédure
Préservation du greffon rénal si greffe après rein
Risques d’immunisation du patient
Disparition des hypoglycémies et correction de l’instabilité glycémique si greffe d’îlots seuls
Risques liés à l’induction de l’immunosuppression : allergies, rash
Amélioration de la qualité de vie
Risques liés à l’immunosuppression chronique : - infections virales et bactériennes - cancers
Insulino-indépendance dans 50 % des cas à 3 ans
Effets indésirables propres aux immunosuppresseurs (diarrhées, néphrotoxicité, neurotoxicité…)
Prévention des complications secondaires
-
Cependant, comparativement à un groupe de patients non greffés, ces résultats ne semblent pas significativement différents de l’évolution “naturelle” de patients diabétiques de type 1 (15). Une stabilisation de la rétinopathie diabétique est décrite par la plupart des équipes impliquées dans la greffe d’îlots. Une étude comparant des patients greffés à des patients sous traitement médical seul fait état d’une moindre progression de la rétinopathie diabétique dans le groupe ayant bénéficié d’une greffe d’îlots (16). L’absence de progression des lésions rétiniennes et le moindre déclin de la fonction rénale ont été confirmés récemment sur un échantillon de patients plus impor tant ( Thompson, Transplantation, 2011). Sur les lésions macro-angiopathiques, les greffes d’îlots amélioreraient la fonction cardiaque (17) et diminueraient l’épaisseur intima-média (18). Aucune amélioration de morbi-mortalité
cardiovasculaire n’a encore été démontrée. La qualité de vie des patients est augmentée de façon significative grâce, principalement, à la disparition des hypoglycémies (19).
Les complications Les complications dues à la procédure Dans la balance bénéfices/risques à présenter aux patients avant toute proposition de greffe, les complications imputables à la greffe d’îlots de Langerhans doivent être évoquées (20) (Tab. 1). Il existe tout d’abord des complications liées au geste de cathétérisation du tronc porte. Dans le groupe GRAGIL, environ 15 % des procédures se sont compliquées d’une hémorragie au point de ponction. La fréquence des complications liées au geste radiologique diminue actuellement, le registre international ne faisant actuellement cas que de Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
6 % de procédures compliquées (21). Dans la plupart des cas, ces épanchements hémorragiques sont spontanément résorbés. Après infusion, 46 % des patients présentent une élévation des transaminases, avec généralement un retour à la normale en 4 semaines (22). Par ailleurs, les îlots sont actuellement alloués sur la base d’une compatibilité ABO. La compatibilité HLA n’est pas prise en compte. Le recours à 2 ou 3 donneurs pour la réalisation d’une allogreffe complète peut entraîner une sensibilisation vis-à-vis du HLA. Un tiers des receveurs développeraient alors des anticorps anti-HLA, ce qui pourrait restreindre leur accès futur à une transplantation rénale, par exemple, en cas de besoin (22, 23). Contrairement à la transplantation de pancréas, aucun surrisque de mortalité n’a été noté dans les mois suivant la procédure. La mortalité due au geste est nulle.
ce risque. Les principaux risques associés aux immunosuppresseurs sont les suivants : • La néphrotoxicité des anticalcineurines (tacrolimus, ciclosporine). Les patients dont la clairance de la créatinine est inférieure à 50 ml/min, ou avec une protéinurie significative ne doivent pas être retenus pour une greffe d’îlots. • Le risque d’infections bactériennes, virales et fongiques est plus important : infections urinaires, réactivations CMV (rares pour les greffes d’îlots) ou de zona, infection à BK virus, pneumocystose… Un traitement prophylactique anti-CMV et antipneumocystis carinii est recommandé lors des 3 premiers mois posttransplantation. • Le risque de cancer, notamment cutané et hématologique (réactivation Epstein Barr Virus), est significativement augmenté chez les patients greffés soumis à une immunosuppression durable.
Les complications liées à l’immunosuppression
À ces risques majeurs à moyen et long terme, il faut ajouter les autres symptômes possibles lors de la prise de drogues immunosuppressives qui feront éventuellement changer les associations initialement choisies : les anémies ou leucopénies (toutes), les diarrhées chroniques (mycophénolate mofétil surtout, rapamycine), les aphtoses bucales (rapamycine), les retards de cicatrisation buccale (rapamycine) ou pneumopathies interstitielles (rapamycine) ou encore les troubles neurologiques – asthénie, faiblesse, tremblements – (tacrolimus)…
Les complications liées à l’immunosuppression, restent les plus fréquentes. Il faut prendre en compte la présence d’une transplantation de rein préalable et la durée d’exposition totale à l’immunosuppression. Dans le rapport du CITR, Alejandro fait état de 0,87 événement indésirable par an et par patient greffé avec des îlots de Langerhans liés au traitement immunosuppresseur. Par ailleurs, les patients bénéficiant d’une greffe de pancréas ou d’îlots après rein n’ont pas de risque supplémentaire ajouté puisqu’ils sont déjà sous immunosuppresseurs pour leur rein préalablement transplanté. C’est donc plus particulièrement pour les patients chez qui l’indication de greffe d’îlots isolés a été posée qu’il faut mesurer Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Conclusion La transplantation chez le patient DT1 est une affaire de spécialistes. Les transplantations
d’îlots après rein peuvent être proposées aux patients ayant déjà un greffon rénal fonctionnel en place et donc déjà sous immunosuppresseurs. La balance bénéfices-risques prendra en compte d’un côté la difficulté à équilibrer le diabète et les risques de complications secondaires encourus (particulièrement sur la perte du greffon rénal) et de l’autre, les complications techniques des gestes envisagés. Les greffes d’îlots seuls sont à réserver aux patients dont l’instabilité glycémique met leur vie en danger et pour lesquels toutes les solutions envisagées (éducation thérapeutique, infusion insulinique continue, capteurs…) se sont soldées par des échecs. Dans cette indication qui reste exceptionnelle, la balance bénéfices-risques doit intégrer les complications liées aux immunosuppresseurs. Aujourd’hui, les îlots de Langerhans humains sont principalement obtenus à partir de pancréas prélevés sur des sujets en état de mort encéphalique, limitant ainsi le développement de cette thérapie à grande échelle. Pour pallier la pénurie chronique d’organes pour la transplantation, l’utilisation de sources de cellules inépuisables/illimitées capables de sécréter de l’insuline de façon régulée représente une perspective séduisante pour la décennie à venir. Les stratégies visant à promouvoir la régénération des cellules bêta-endogènes chez le malade représentent également une piste d’investigation d’intérêt… n
Mots-clés : Greffe pancréatique, Diabétique de type 1, Îlots de Langerhans
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Bibliographie
DOSSIER
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rendez-vous de l’industrie Insuline
Lecteur de glycémie
Un nouveau stylo injecteur à insuline réutilisable : HumaPen® savvioTM
MyStar Extra®, le premier lecteur de glycémie avec estimation de l’hémoglobine glyquée
Lilly France a annoncé le lancement du stylo injecteur à insuline HumaPen® savvioTM. HumaPen® savvioTM a été créé pour répondre aux besoins des patients qui souhaitent se sentir plus à l’aise et confiant dans la gestion de leur traitement. Ainsi, il s’adapte au style de vie des patients et à leurs personnalités. HumaPen® savvioTM peut être utilisé avec toutes les insulines de la gamme Lilly en cartouche (3 ml) et a été conçu pour ressembler à un petit accessoire personnel plutôt qu’à un dispositif médical. Il dispose d’un design compact, attrayant, durable et disponible en plusieurs couleurs : rouge, bleu, rose, vert, argenté et anthracite. HumaPen® savvioTM est disponible en pharmacies d’officine. Il est remboursé par la Sécurité sociale dans la limite d’un stylo par an et par patient, au tarif en vigueur correspondant à la ligne générique : “auto traitement, stylo injecteur avec aiguilles à cartouches pré remplies” (code LPPR 1132086). Le stylo est garanti six ans, et Lilly s’engage à le remplacer si un problème technique intervenait. n
280
Lors du Congrès annuel de l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD), à Barcelone (Espagne), Sanofi (EURONEXT : SAN et NYSE : SNY) a présenté le lecteur de glycémie MyStar Extra®, premier dispositif d’autosurveillance de la glycémie à fournir des estimations précises de l’hémoglobine glyquée (HbA1c), un indicateur essentiel du contrôle de la glycémie sur le long terme. La fonction “A1c estimée” de MyStar Extra® repose sur une nouvelle méthode d’estimation permettant le suivi de la glycémie moyenne à l’aide des mesures d’autosurveillance glycémique enregistrées dans le lecteur. Désormais approuvés en Europe, MyStar Extra® et le nouvel autopiqueur MyStar SylkFeel®, qui permet aux patients de prélever leur sang pratiquement sans douleur pour le dosage de leur glycémie, seront commercialisés dans certains pays européens à partir du quatrième trimestre de 2013. Ils viendront compléter le nouveau portefeuille MyStar® de Sanofi composé de dispositifs, services et conseils pour une prise en charge simple et efficace du diabète. n
Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
épidémiologie
Afrique et diabète La fin d’un paradoxe Stéphane Besançon*
Introduction Contrairement aux images encore grandement véhiculées par les grandes ONG et les médias, où l’Afrique est souvent présentée comme un bout de brousse où tous les problèmes alimentaires renvoient aux images d’adultes aux visages creusés, vieillis avant l’âge, et d’enfants décharnés aux ventres ballonnés (1), la réalité sur le terrain est tout autre.
Une véritable épidémie de diabète Le continent africain, à l’image de ce qu’il se passe à l’échelle mondiale, fait face à une véritable épidémie de diabète. La Fédération internationale du Diabète (FID) rappelle que l’on compte, aujourd’hui, 371 millions de Personnes atteintes de diabète (PAD) dans le monde soit 8,3 % de la population adulte mondiale (2). Le diabète compte 6 millions de nouveaux malades chaque année et est responsable de plus de 4 millions de morts annuellement, d’1 million d’amputations (85 % du nombre total d’amputations) et de multiples complications invalidantes (2). L’avenir
*Biologiste, nutritionniste spécialiste des pays en voie de développement, directeur général de l’ONG Santé Diabète (SD), Grenoble stephane.besancon@santediabete.org
Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
semble encore plus alarmant puisque les projections de la FID estiment que le nombre de personnes touchées par le diabète devrait dépasser les 552 millions d’ici à 2030, dont 80 % de ces patients résideront dans les pays intermédiaires et en voie de développement (2), ce qui fera de cette condition l’une des principales causes d’invalidité et de décès dans le monde (2). Le continent africain est déjà très fortement touché par l’épidémie de diabète avec plus de 14 millions de PAD, ce qui représente 4,3 % de la population adulte. L’Afrique va connaître la progression la plus importante de la maladie dans les 20 prochaines années, avec un doublement de la prévalence du diabète (de 3,5 % à 7 %) et du nombre de patients (de 14 à 28 millions) (2). Ces chiffres démontrent la transition épidémiologique qui est en cours en Afrique, du fardeau des maladies transmissibles à celui des maladies non transmissibles (3) (Fig. 1).
En cause : le développement du continent Cette explosion du diabète est reliée directement au développement du continent. En effet, l’Afrique connaît une forte croissance économique, un important développement et, par conséquent, fait face à trois grands défis :
• une augmentation de l’espérance de vie et donc de l’âge des populations : l’espérance de vie moyenne en Afrique subsaharienne est passée de 44 ans en 1970 à 52 ans aujourd’hui (4). Cette augmentation accroît d’année en année le nombre de personnes présentes dans les classes d’âge où se développe le plus le diabète ; • une urbanisation galopante : en 2009, l’Afrique dépassait le milliard d’habitants avec 395 millions de personnes vivant dans des zones urbaines (40 %). En 2050, la population totale des villes africaines passera à 1,23 milliard d’habitants, représentant ainsi 60 % de la population africaine (5). L’urbanisation galopante entraîne une modification des modes de vie avec une forte augmentation de la sédentarité. • une transition nutritionnelle qui se caractérise par une augmentation de la consommation de graisses, de sucres et de produits d’origine animale (6). Ces changements de mode de vie, associés au prestige social du surpoids et de l’obésité, expliquent l’explosion du surpoids et de l’obésité en cours sur le continent, entraînant une transition des formes de malnutrition, de la sousnutrition vers la surnutrition. Ainsi, depuis quelques années, les problèmes de surpoids dépassent les problèmes de sous-poids en Afrique (7). 281
épidémiologie
Région
2011 (millions)
Afrique Moyen-Orient et Afrique du Nord Asie du Sud-Est Amérique du Sud et Amérique Centrale Pacifique occidental Amérique du Nord et Caraïbes Europe Monde
14,7 32,8 71,4 25,1 131,9 37,7 52,6 366,2
2030 (millions)
Augmentation (%)
28,0 59,7 120,9 39,9 187,9 51,2 64,0 551,8
90 83 69 59 42 36 22 51
Figure 1 - Nombre de personnes atteintes de diabète (20-79 ans), en 2011 et 2030, dans le monde (d’après Diabetes Atlas).
Le cas du Mali Le Mali n’échappe pas à ce schéma puisque le pays présente déjà une prévalence de diabète (type 2) dépassant les 3 % de la population adulte (2) associée à une augmentation très forte de l’incidence de facteurs de risque du diabète, notamment le surpoids/l’obésité (21 % chez les plus de 20 ans au Mali) et la sédentarité (19,5 % chez les plus de 15 ans au Mali) (8). La progression alarmante du diabète dans le pays a des répercussions économiques et sociales très importantes, la condition touchant les personnes dans leurs années de vie les plus productives. Le coût des soins du diabète pour les individus et l’État, et le manque de ressources humaines pour s’occuper du nombre accru 282
de malades sont déjà des freins importants à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
La fin d’un paradoxe… mais de nouveaux paradoxes Un système de santé avec des ressources limitées Cette croissance épidémiologique exponentielle du diabète pose une difficulté très importante pour les patients qui font face à des systèmes de santé présentant des ressources limitées et qui ne sont pas en mesure de les prendre en charge. En 2004, une analyse poussée des capacités du système de santé malien dans
la lutte contre le diabète a été réalisée par l’Organisation non gouvernementale (ONG) Santé Diabète et l’International Insulin Foundation (IIF) (9). Santé Diabète est une ONG française née d’une double urgence : combattre le manque d’accès aux soins pour les personnes atteintes de diabète en Afrique et l’absence de prise en compte de cette problématique par les acteurs du développement. Elle est la première ONG internationale spécialisée dans l’amélioration de la prévention et de la prise en charge du diabète en Afrique.
Des difficultés structurelles Les résultats de cette expertise démontraient les capacités très faibles pour assurer la prise en Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Afrique et diabète
charge des personnes atteintes de diabète au Mali (10) : • seulement 2 médecins spécialistes consultant les diabétiques (1 diabétologue et 1 endocrinologue), dans seulement 3 structures nationales situées dans la capitale, Bamako ; • le manque de matériel (lecteurs de glycémie, bandelettes...) qui entraînait un retard de diagnostic des patients et rendait le suivi de ces patients difficile ; • les importantes ruptures de médicaments antidiabétiques ; • l’hémoglobine glyquée (HbA1c) n’était disponible que dans un seul laboratoire privé de la capitale ; • moins de 10 enfants suivis pour un diabète de type 1 avec une espérance de vie très faible puisqu’elle était seulement d’une année après le dépistage de leur diabète ; • pas de programme spécifique de prévention des facteurs de risque du diabète et d’éducation thérapeutique des patients.
Des difficultés économiques En parallèle aux données structurelles, cette expertise a permis de mettre en lumière les difficultés liées au coût du diabète dans un système ne présentant pas de mécanismes de Sécurité sociale. Par exemple, un flacon d’insuline coûtait 10 euros dans un pays ou le salaire mensuel moyen est de 50 euros. Une année d’insuline prélevait donc plus de 17 % des revenus d’une famille. De même, une mesure d’hémoglobine glyquée coûtait 15 euros. Cette faiblesse des capacités de prise en charge associée à un coût prohibitif des traitements entraînent des fréquences de complications très hautes faisant du diabète (11) : Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
• la 1re cause de mise sous dialyse, • la 1re cause d’amputation non traumatique, • la 1re cause de cécité. Et provoquent le décès de 90 % des enfants diabétiques de type 1 moins d’un an après le diagnostic.
Une situation qui n’est pas une fatalité C’est à partir de cette analyse approfondie que l’ONG Santé Diabète a développé un programme structurant présentant une approche globale pour inclure les quatre axes nécessaires à la mise en place d’une prévention et d’une prise en charge de qualité du diabète (12-14).
Renforcer les ressources humaines Des médecins exerçant dans les hôpitaux régionaux et les structures secondaires des différentes régions du Mali ont été identifiés et inclus dans un cycle de Formation médicale continue (FMC) pour assurer, dans un premier temps, la prise en charge d’un diabète non compliqué. Ensuite, ces cycles de FMC ont été enrichis en développant les capacités de dépistage et de prise en charge du pied diabétique, du diabète gestationnel, du diabète de type 1... Les professionnels de santé exerçant dans les autres services de ces structures ont été formés également pour assurer un renforcement complet de la structure : pédiatrie, urgence… Un processus de référence contre référence et de suivi-évaluation a été mis en place entre les structures secondaires et spécialisées. Au niveau des structures primaires, des professionnels de santé ont été formés pour la reconnaissance des symptômes du diabète et le référencement pour le dépistage dans les structures secondaires.
Pour pérenniser le dispositif de formation dans le temps, depuis 2010, un partenariat entre l’ONG, l’hôpital national du Mali et la faculté de médecine a permis d’ouvrir deux diplômes : - le Diplôme d’études spécialisées d’endocrinologie, diabétologie et maladies de la nutrition ; - le Diplôme universitaire de diabétologie.
Renforcer l’accès aux médicaments Un important travail avec la centrale d’achat publique du Mali a permis d’obtenir, sur fonds nationaux, une importante commande nationale comprenant deux types d’antidiabétiques oraux (glibenclamide et metformine) ainsi que de l’insuline. Ces nouveaux produits disponibles dans le secteur public et qui ont fait l’objet de négociations internationales ont permis une forte baisse des coûts pour les patients. Au fur et à mesure de l’arrivée des produits à la centrale de Bamako, une clé de répartition permettait d’approvisionner les structures régionales. Ce travail a permis d’améliorer la disponibilité nationale et locale et donc de renforcer l’accessibilité géographique et financière pour les patients. Un important travail est toujours en cours pour essayer de réduire au maximum les ruptures d’approvisionnement de ces médicaments.
Renforcer les plateaux techniques et les capacités de réalisation des bilans biologiques Le plateau technique de l’hôpital national du Mali a été fortement renforcé pour des analyses approfondies en endocrinologie et diabétologie. Au niveau des structures secondaires, une dotation initiale minimum pour la prise en charge 283
épidémiologie
du diabète a été réalisée après la formation des médecins référents (lecteur de glycémie, tensiomètre, toise, balance, lecteur HbA1c, registre, etc.). Elle a été renforcée progressivement par la dotation de plateaux techniques complémentaires pour quelques complications du diabète (kits pied diabétique, ophtalmoscope…) et pour le dépistage du diabète gestationnel. Un système de gestion des consommables nécessaires pour l’utilisation de ces appareils a été organisé avec les autorités sanitaires pour assurer la pérennité du système.
Développer des programmes de prévention et d’éducation thérapeutique Des outils de prévention et d’éducation spécifiques au milieu local ont été développés. Ces outils (boîte à images, dessins animés, bande dessinée) ont permis au personnel de santé de mettre en place des éducations diabétiques. Ils ont permis aussi de développer des actions larges de prévention, utilisant les médias, et des relais communautaires, pour informer et sensibiliser les populations en matière d’alimentation, d’activité physique, mais également en matière d’accompagnement de la communauté des malades du diabète. Ces actions ont aussi pour but de favoriser les dépistages au sein des populations touchées. Ce travail de renforcement du système de santé a bouleversé la prise en charge des personnes atteintes de diabète comme le montre la situation de la prise en charge du diabète à la fin de l’année 2012 (15). • Un service d’endocrinologie et de diabétologie renforcé (hôpital 284
Tableau 1 - Accès aux traitements pour le diabète : des problèmes économiques et logistiques (17). Pays
Présence de glucomètres
Bandelettes
Seringues
Présence Mali (2003)
43 %
Moins de 10 %
Non dispo54 % nible dans le secteur public
Coût Mali (2003)
76,22 %
38,11 euros Secteur privé environ 0,30 euros
Présence Mali (2010)
100 %
Plus de 75 %
Coût Mali (2010)
35 euros
national du Mali). • Vingt-deux consultations diabète ouvertes dans sept régions du Mali et le district de Bamako prenant en charge plus de 10 000 patients (données avant la crise de mars 2012). • Disponibilité pour chacune des consultations diabète du matériel d’analyse, du matériel d’éducation et du médicament : - formation de 22 médecins référents diabète pour les différentes régions du pays ; - formation de 557 médecins et paramédicaux (infirmiers, sages-femmes…) dans les autres structures sanitaires. • Disponibilité pour chacune des consultations diabète du matériel d’analyse (lecteurs de glycémie, bandelettes, lecteurs HbA1c…), du matériel d’éducation et du médicament (Tab. 1). • Baisse des prix de l’insuline de 48 % (de 10 euros le flacon à un peu plus de 5 euros) et baisse moyenne des prix des ADO par 10 (de 5 euros à moins de 50 centimes d’euros).
Présence de bandelettes urinaires (glycosurie)
Non disponible
Présence de bandelettes urinaires (cétonurie) 13 %
Non disponible
Ok dans le 80 % secteur public 0,15 euros
40 %
19 euros
Non disponible
Non disponible
• Mise en place d’un programme spécifique sur la prise en charge du pied diabétique. • Prise en charge de plus de 180 enfants diabétiques. • Mise en place d’un programme de prévention et d’éducation thérapeutique. • Création d’une vingtaine d’associations locales regroupées dans une faîtière : la Fédération nationale des diabétiques du Mali (Fenadim).
Toujours de nouveaux paradoxes… En cas de crise, le diabète n’est pas une urgence humanitaire Le 22 mars 2012, un coup d’état a plongé le Mali dans une déstabilisation politique qui s’est poursuivie par l’occupation des régions du nord du pays et enfin par la guerre qui a démarré au mois de janvier 2013. Ces troubles ont eu de lourdes conséquences sur le système de santé dans les régions occupées du nord du pays : Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Afrique et diabète
• fuite des ressources humaines ; • destruction des capacités d’analyse au sein des laboratoires et des capacités de fournitures de médicaments ; • déplacement massif des patients dans le sud du pays, entraînant une augmentation des cas de comas diabétiques et de pieds diabétiques. Dès le mois d’avril 2012, les organisations internationales spécialisées ECHO, OCHA et les ONG urgentistes ont développé une réponse humanitaire massive qui n’incluait pas la prise en charge des patients diabétiques malgré l’incidence très importante de la maladie dans les régions nord du Mali. Les patients diabétiques se sont retrouvés en quelques jours sans accès à leurs médicaments et aux professionnels de santé.
Évacuation des enfants diabétiques de type 1 des régions nord vers Bamako Les deux enfants diabétiques de type 1 qui étaient soignés dans la région de Tombouctou et Gao et qui ne pouvaient survivre sans leur insuline ont été, dès les premiers jours de la crise, exfiltrés vers Bamako où ils sont toujours pris en charge depuis cette date.
Réponse dans les régions occupées par la fourniture trimestrielle de tous les intrants nécessaires pour les patients À travers la fourniture des points focaux du ministère de la Santé restés dans les zones occupées (région de Tombouctou, Gao, Kidal et trois districts de la région de Mopti) et la fourniture des équipes des ONG urgentistes
présentes sur zones, l’ONG Santé Diabète a pu maintenir la continuité du traitement en insuline, antidiabétiques oraux mais aussi en réactifs secondaires nécessaires pour le suivi des patients (bandelettes de glycémie et lecteurs de glycémie). De mars 2012 à mai 2013, 1 800 personnes atteintes de diabète ont pu recevoir régulièrement leur traitement sur les différentes régions occupées.
Mise en place sur ces zones de kits d’urgence comas diabétiques et pieds diabétiques Le prépositionnement de kits d’urgence (comas diabétiques et pieds diabétiques), composés par les professionnels de santé de l’ONG et du service d’endocrinologie de l’hôpital du Mali, a per-
Une approche avec des résultats très importants pour assurer la survie des patients diabétiques Face à cette situation intolérable, l’ONG Santé Diabète, qui est normalement une ONG de développement, a mis en place dès le mois d’avril 2012, en étroite collaboration avec le ministère de la Santé du Mali, les spécialistes nationaux et le bureau de l’OMS au Mali, une réponse humanitaire pour les patients diabétiques, qui est toujours en cours (16). Cette réponse a été mise en œuvre sur 5 axes (Fig. 2). Ce travail a été soutenu par la région Rhône-Alpes (France), l’Agence française de Développement (AFD) et le Centre de crise du ministère des Affaires étrangères français. Les laboratoires pharmaceutiques Sanofi et Novonordisk ont, également, fait don d’insuline pour soutenir les besoins d’urgence en insuline. Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Figure 2 - Carte du Mali présentant la coupure entre la zone sud et les régions nord occupées durant la crise.
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épidémiologie
mis de prendre en charge, d’avril 2012 à mai 2013, 32 pieds diabétiques et 15 comas diabétiques dans les régions nord.
Prise en charge de 125 patients diabétiques déplacés des régions du nord dans les régions du sud Un travail mené avec le Conseil régional de Tombouctou et la Fédération nationale des Diabétiques du Mali a permis de prendre en charge 125 personnes atteintes de diabète issues des régions nord et déplacées à Bamako depuis plus d’une année.
En résumé L’explosion de l’épidémie de diabète en Afrique pose des problèmes importants à des systèmes de santé disposant de ressources limitées qui sont majoritairement orientées vers la prise en charge des maladies infectieuses. Les difficultés à sur-
monter sont nombreuses, il s’agit de l’accès aux soins, aux traitements, à l’éducation et de la prise en charge des diabétiques et des complications liées au diabète. Ce manque de prise en charge engendre un accès aux soins très limité pour les personnes atteintes de diabète. Cette situation devient encore plus dramatique si le pays plonge dans une crise humanitaire. En effet, le diabète ne fait pas partie des pathologies prises en charge par les organisations internationales et les ONG urgentistes dans les contextes d’urgence humanitaire. À partir de l’exemple du Mali, un des pays les plus pauvres du monde, l’ONG Santé Diabète a pu démontrer, depuis plusieurs années, qu’une approche globale, mise en œuvre en étroit partenariat avec les autorités locales, renforçant le système de santé permettait d’améliorer
fortement les capacités de prise en charge du diabète et donc d’améliorer fortement la qualité de vie des personnes atteintes de diabète. L’expérience complémentaire développée par l’ONG Santé Diabète lors de la crise survenue au Mali a démontré aussi l’importance de prendre en compte le diabète dans une réponse humanitaire globale en tenant compte des problématiques spécifiques engendrées par le diabète dans les situations n d’urgence humanitaire.
Mots-clés : Afrique, Diabète, Épidémie
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286
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à savoir
Activité physique et chirurgie bariatrique Synthèse des études Stéphanie Musso*
Avec une prévalence de 15 % de la population adulte, l’obésité touche en France 6,9 millions de personnes en 2012 (1) dont 550 000 personnes (soit 1,2 % de la population) souffrent d’une obésité dite morbide, c’est-à-dire avec un Indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 40 kg/m². La fréquence de l’obésité et son augmentation sont considérées comme un problème de santé publique en France. Les politiques de santé publique reposent sur la mise en avant du corps associant la santé à un exercice physique régulier et pointent du doigt la sédentarité. Les recommandations de l’HAS (2) soulignent en première intention l’importance des Mesures hygiéno-diététiques (MHD) dans la prise en charge de l’obésité. En deuxième intention, la chirurgie de l’obésité chez l’adulte fait partie des stratégies de prise en charge en cas d’échec des MHD seules. En 2011, 30 000 patients en ont bénéficié, chiffre qui a doublé entre 2006 et 2011 (1). La chirurgie bariatrique permet une perte de poids importante et durable, améliore les comorbidités et la qualité de vie des patients. Pour équilibrer la balance énergétique, l’accroissement du niveau d’activité est une option incontournable. L’activité physique régulière entraîne une diminution de la masse grasse et un maintien voire une augmentation de la masse musculaire. L’Activité physique (AP) fait intégralement partie de l’action thérapeutique dans la prise en charge de l’obésité.
Profil des patients opérés L’enquête de l’Assurance maladie (1) montre qu’en 2011, 4 % des patients atteints d’obésité morbide ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique, 69 % étaient des femmes dont 77 % avaient un IMC supérieur ou égal à 40kg/m². Ces opérations touchent essentiellement les personnes âgées en moyenne de 39 ans pour les femmes et de 41 ans pour les hommes. On retrouve aussi plus de 700 patients de moins de 20 ans. L’obésité étant liée au niveau socio-économique, environ *Enseignante en Activité physique adaptée, SSR de nutrition de la Clinique du Château de Cahuzac
20 % des patients appartiennent à une catégorie sociale plutôt modeste. De plus, les comorbidités ou traitements associés sont fréquents : 1 patient opéré sur 4 est traité pour hypertension artérielle, 1 sur 10 est traité pour diabète, asthme, broncho-pneumopathie chronique obstructive, hypercholestérolémie ou est appareillé pour syndrome d’apnées du sommeil. D’après les recommandations de l’HAS, un suivi s’intègre dans le programme personnalisé du patient. L’enquête de la Cnamts a montré que le protocole de suivi des patients ayant bénéficié d’une
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Introduction
chirurgie n’était pas respecté pour 53 %, et 18 % étaient perdus de vue. Durant 1 an, une étude américaine (3) portant sur le suivi des recommandations de 100 patients opérés a montré que 41 % de ces patients ne les respectaient pas en matière d’AP alors que la plupart des patients les respectaient par rapport à la consommation de graisses. De plus, 63 % arrivaient à éviter les grignotages. Cela montre qu’une éducation en matière d’alimentation et d’AP est recommandée pour un résultat optimal. 41 % des patients opérés ne respectaient pas les recommandations en matière d’AP alors que la plupart des patients les respectaient par rapport à la 287
à savoir
consommation de graisses. De plus, 63 % arrivaient à éviter les grignotages.
Recommandations françaises et internationales en activité physique après chirurgie Les recommandations françaises et internationales s’orientent sur le fait que le patient doit être informé et encouragé à pratiquer une activité physique régulière encadrée par des professionnels. L’American Association of Clinical Endocrinologists (AACE) recommande 30 minutes d’activité physique par jour. L’American Society for Metabolic Bariactric Surgery (ASBS) recommande pour le suivi du patient après chirurgie, de pratiquer une AP pour la perte de poids et son maintien à long terme, mais aussi pour prévenir la perte de masse musculaire. La marche est recommandée dès le lendemain de l’intervention. L’AP est associée à une plus grande perte de poids postopératoire. La synthèse des recommandations de l’expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) (4) ne précise rien sur les effets de l’activité physique sur la santé dans le cadre d’une chirurgie de l’obésité. Mais l’on sait que l’AP a des effets majeurs sur le maintien d’une perte de poids initiale ou permet de limiter la reprise de poids. De plus, elle permet de conserver la masse maigre lors d’un amaigrissement, de préserver ainsi la dépense énergétique de repos et les capacités fonctionnelles de la personne. 288
Le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) (5) a précisé les modalités de l’activité physique chez les patients obèses (opérés ou non), qui se traduit par un encouragement à pratiquer 60 à 90 min d’AP (faisant partie de la vie quotidienne : marche rapide, montée d’escaliers…) par jour pour ne pas reprendre le poids perdu. D’après l’étude de Jacobie et al. (6) qui a regroupé 22 études sur ce sujet et décrit l’évaluation de l’AP après la chirurgie bariatrique, les données ont conclu à une augmentation de l’AP après chirurgie bariatrique et une association positive entre le changement d’AP et la perte de poids liée à la chirurgie. L’étude de Chevallier et al. (7) montre que l’AP est favorisée par la perte de poids. L’AP est associée à une plus grande perte de poids postopératoire. Toutes les études associant la pratique d’AP et l’évolution pondérale ont conclu à une association positive entre la pratique d’une AP et une perte de poids plus favorable, quelle que soit la technique pratiquée. L’AP est donc un élément clé pour les patients opérés, une prise en charge visant à augmenter l’AP quotidienne augmentera le succès de la chirurgie. Les recommandations en matière d’activité physique sont variables, elles préconisent la pratique de 30 min (AACE) à plus de 60 min (NICE), mais toutes s’accordent sur le fait que la pratique d’une activité physique est impérative pour améliorer les bénéfices d’une chirurgie.
Suivi et mise en place de l’activité physique La chirurgie de l’obésité a fait l’objet de plusieurs études scientifiques notamment américaines
qui montrent l’importance de l’AP après chirurgie. L’étude d’Evans et al. (8) porte sur l’observance des recommandations de l’American College of Sports Medicine qui préconise 150 min/semaine d’AP modérée pour des patients opérés d’un bypass. Les patients ont été suivis à 3, 6 et 12 mois après l’opération, leur IMC ainsi qu’une autoévaluation de l’AP (questionnaire IPAQ) ont été réalisés sur les 2 groupes (recommandation/contrôle). Les patients qui ont intégré les 150 min d’AP à leur mode de vie ont eu une plus grande perte de poids à 6 et 12 mois ainsi qu’un pourcentage de perte de masse grasse plus important (67,4 % contre 61,7 % à 12 mois). En revanche, aucune différence significative n’a été montrée 3 mois après l’opération. De plus, Tompkins et al. (9) ont montré un changement de la distance de marche et de la qualité de vie après un bypass. Cette étude réalisée sur 25 patients, avant et après l’intervention (+ 3 et 6 mois) s’est basée sur le test de 6 min de marche et sur le questionnaire de qualité de vie SF-36. Il est ressorti une nette amélioration de la qualité de vie ainsi qu’une augmentation de la distance de marche (414 m contre 551 m après 6 mois en moyenne). Malgré ce résultat, la distance correspondait à 75 % de la distance parcourue par une personne de même âge avec un poids normal. De nombreuses études prouvent que l’AP optimise la perte de poids après chirurgie. Bond et al. (10) montrent que débuter une AP après chirurgie est associé à une meilleure perte de poids et une meilleure santé liée à l’amélioration de la qualité de vie. De plus, les Diabète & Obésité • Octobre 2013 • vol. 8 • numéro 72
Activité physique et chirurgie bariatrique
patients commençant à intégrer l’AP avant la chirurgie, augmentent leur chance de réussite. Evans (11) confirme ces résultats, montrant que la pratique de l’AP de façon suffisante en termes de fréquence, intensité et durée à la fois en préet postopératoire réduit les complications chirurgicales, améliore la perte de poids et la forme physique car l’AP augmente la perte de masse grasse tout en préservant la masse maigre et ainsi réduit l’impact de la perte de poids massive sur le métabolisme de base. Il préconise donc de promouvoir l’AP avant et après la chirurgie. Welch et al. (12) aboutissent à la même conclusion, leur enquête montre que les patients qui adhèrent aux recommandations des conduites diététiques et d’AP, aboutissent à une meilleure perte de poids. Il avance même dans son étude portant sur 200 patients que « adhérer à l’AP était le seul comportement significatif prédicteur d’une perte de poids ». Pour évaluer l’AP, les études utilisent majoritairement des questionnaires d’autoévaluation. Or, comme l’avance l’étude de Jacobie et al. (6), il semblerait
que les patients ayant bénéficié d’une chirurgie surestimeraient leur AP pour être en adéquation avec les recommandations médicales. Malgré le nombre restreint de participants (20 patients), l’étude de Bond et al. (13) a évalué de manière objective (accéléromètre) et en autoévaluation (questionnaire Paffenbarger Physical Activity Questionnaire) l’AP en pré- et postchirurgie. Il est ressorti que 55 % des patients bénéficiant d’une chirurgie déclarent avoir augmenté significativement en pré- et postopératoire l’AP. Néanmoins, les mesures objectives ne corroborent pas ce changement. En effet, la mesure de leur niveau d’activité physique par l’accéléromètre indique que seul 5 % d’entre eux ont respecté les recommandations. L’amaigrissement durable n’est pas seulement une transformation du poids, c’est une transformation de mode de vie notamment au niveau alimentaire et physique. Pour transformer ces habitudes, l’acquisition de connaissances et de compétences dans ces deux domaines est essentielle et nécessite une éducation thérapeutique
pluridisciplinaire du patient. Cette prise en charge peut s’effectuer auprès des médecins généralistes, au sein des séjours de soins de suite et de réadaptation nutritionnelle ainsi qu’auprès des réseaux de santé.
Conclusion L’AP est donc un élément à privilégier pour aider à la perte de poids mais aussi pour son maintien. Tout l’enjeu repose sur le fait que le patient intègre un nouveau mode de vie aussi bien sur le plan alimentaire que sur l’activité physique. Les patients n’étant que brièvement sensibilisés à la pratique de l’AP après chirurgie, il est donc primordial qu’ils soient encouragés et sensibilisés à la pratique d’une AP régulière après chirurgie. Le changement corporel lié à l’opération permet progressivement de s’investir dans des activités physiques. n
Mots-clés : Obésité, Chirurgie bariatrique, Activité physique
Bibliographie 1. Assurance maladie, février 2013. Chirurgie de l’obésité : analyse des pratiques et de leur pertinence. Étude sur la chirurgie bariatrique en 2011. 2. Haute autorité de santé, Recommandations de bonne pratique, Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte, Interventions initiales – Réinterventions janvier 2009. 3. Elkins G, Whitfield P, Marcus J et al. Noncompliance with behavioral recommendations following bariatric surgery. Obes Surg 2005 ; 15 : 546-51. 4. Expertise collective, 2008, Activité physique-Contexte et effets sur la santé. Éditions INSERM. Paris 5. National Institute for Health and Clinical Excellence. Obesity guidance on the prevention, identification, assessment and management of overweight and obesity in adults and children. NICE clinical guideline 43. London: NICE; 2006. 6. Jacobi D, Ciangura C, Couet C, Oppert JM. Physical activity and weight loss following bariatric surgery. Obes Rev 2011 ; 12 : 366-77. 7. Chevallier JM, Paita M, Rodde-Dunet MH et al. Évaluation nationale de la chirurgie bariatrique : facteurs prédictifs de succès de l’anneau gas-
trique dans l’enquête de la Cnamts. Obésité 2007 ; 2 : 306-11. 8. Evans R, Bond DS, Wolfe L et al. Participation in 150min/wk of moderate or higher intensity physical activity yieds greater weight loss after gastric bypass surgery. Presented at the 24th Annual Meeting of the American Society for Bariatric Surgery, June 11-16, 2007, San Diego, California. 9. Tompkins J, Bosch P, Chenowith R et al. Changes in functional walking distance and health-related quality of life after gastic bypass surgery. 10. Bond DS, Phelan S, Wolfe L et al. Becoming physically activity after bariatric surgery is associated with improved weight loss and healthrelated quality of live. Obesity (Silver Spring) 2009 ; 17 : 78-83. 11. Evans R. The role of physical activity participation in weight loss outcomes following weight loss surgery. Am J Lifestyle Med 2010 : 124-9. 12. Welch G, Wesolowski C, Piepul B et al. Physcial activity predicts weight loss following gastric bypass surgery: findings form a support group survey. Obes Surg 2008 ; 18 : 517-24. 13. Bond DS, Jakicic JM, Unick JL et al. Pre- to postoperative physical activity changes in bariatric surgery patients: self report vs objective measures. Obesity (Silver Spring) 2010 ; 18 : 2395-7.