LE POINT SUR…
Complications du diabète chez le sujet âgé Savoir les dépister et les prendre en charge n Du fait de l’augmentation de l’espérance de vie des patients diabétiques et de la prévalence élevée du diabète dans le grand âge, les sujets âgés paient un lourd tribut aux complications de cette affection. En dehors des complications classiques métaboliques, macro- et micro-angiopathiques, un certain nombre de syndromes gériatriques sont favorisés par l’existence d’un diabète. Le dépistage de ces complications doit être effectué périodiquement et les moyens de correction appropriés mis en place. Les objectifs de prise en charge du patient diabétique âgé doivent être régulièrement revus en fonction des données de cette évaluation globale. Pr Jean-Frédéric Blicklé*
* Service de Médecine Interne, Diabète et Maladies Métaboliques, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
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ctuellement, plus de la moitié des diabétiques français sont âgés de plus de 65 ans et, dans la tranche d’âge 70-79 ans, plus d’1 homme sur 6 et 1 femme sur 9 sont diabétiques (1). Dans cette population âgée, le diabète demeure un facteur de risque important de surmortalité, de fragilité et de handicap lié à ses complications. Bien que l’étude ENTRED (Echantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) ait objectivé une évolution favorable au cours des dernières années (2), la prise en charge du diabète et le dépistage de ses complications restent insuffisants chez le sujet âgé. Dans cette population, le diabète est extrêmement hétérogène, en fonction de son ancienneté, du passé glycémique des patients, de ses éventuelles complications et comorbidités associées, mais aussi
Actuellement, plus de la moitié des diabétiques français sont âgés de plus de 65 ans.
de l’environnement social de la personne âgée. C’est dire l’importance d’établir pour chaque patient un plan de soins individualisé, régulièrement actualisé en fonction de l’évolution de la situation, détaillant les objectifs à atteindre pour le diabète, les principaux facteurs de risque et la périodicité des examens de surveillance.
Complications métaboliques Hypoglycémie (3)
Elle représente la principale complication iatrogène des traitements par insuline et sulfamides hypoglycémiants. Plusieurs facteurs expliquent la vulnérabilité particulière du sujet âgé vis-à-vis du risque Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126
Complications du diabète chez le sujet âgé
d’hypoglycémie sévère, parfois à l’origine de séquelles définitives : une symptomatologie fréquemment dominée par des signes neurologiques, souvent peu spécifiques et mal reconnus par le patient et son entourage, l’isolement, des apports alimentaires insuffisants, parfois l’existence de troubles cognitifs. En ce qui concerne les hypoglycémies sous sulfamides hypoglycémiants, souvent graves et prolongées, il faut ajouter à cette liste l’insuffisance rénale conduisant à un défaut d’élimination du médicament, les insuffisances hépatiques responsables d’une réduction de leur métabolisation et surtout les interactions médicamenteuses très nombreuses potentialisant leur effet. La prévention des hypoglycémies repose sur la réévaluation régulière du traitement du patient, prenant en compte l’ensemble des comorbidités (en particulier la
particulier infectieuse ou neurologique sur un terrain favorisant : âge supérieur à 70 ans, troubles cognitifs, limitation de l’accès aux boissons, traitements diurétiques ou corticoïdes. Les troubles de la conscience se limitent généralement à une obnubilation, mais ils peuvent s’accentuer sous l’effet d’un traitement mal conduit. Ce dernier doit viser à corriger l’hypovolémie, à combler progressivement le déficit hydrique et à compenser les pertes potassiques. La correction de l’hyperglycémie par l’administration d’insuline doit être lente pour éviter la survenue d’un œdème cérébral à la faveur d’une baisse trop brutale de l’osmolarité. Les complications du décubitus, en particulier thromboemboliques, qui représentent l’autre cause majeure de mortalité de ces patients, doivent également être prévenues. Après la prise en charge de la phase aiguë, il est essentiel de
stress majeur. La carence insulinique, plus profonde que dans le cas du coma hyperosmolaire, est à l’origine d’un emballement de la β-oxydation des acides gras et de la formation massive de corps cétoniques. La présentation clinique et la prise en charge thérapeutique n’ont pas de spécificités particulières chez le sujet âgé en dehors d’une attention plus grande portée à la prévention des complications de décubitus. Le traitement vise à corriger la déshydratation par l’administration de soluté salé isotonique, à corriger l’acidose métabolique par 500 ml de soluté bicarbonaté isotonique uniquement lorsque le pH est inférieur à 7.0, à compenser les pertes potassiques (risque majeur d’hypokaliémie sous l’effet de la correction de l’acidose et de l’entrée du glucose dans les cellules).
Acidose lactique (6)
Chez les 70-79 ans, plus d’1 homme sur 6 et 1 femme sur 9 sont diabétiques. fonction rénale) et la capacité du sujet et celle de son entourage à coopérer au traitement. Les choix thérapeutiques viseront à minimiser le risque iatrogène en fonction du contexte.
Hyperosmolarité (4)
Elle complique dans plus d’un tiers des cas un diabète méconnu. Du fait du terrain sur lequel elle survient et de ses complications, sa mortalité reste de l’ordre de 15 %. Elle se caractérise par une hyperglycémie majeure sans cétose, souvent accompagnée d’une hypernatrémie et responsable d’une déshydratation majeure, d’abord essentiellement intracellulaire puis globale, s’installant sur plusieurs jours à la faveur d’une affection intercurrente, en Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126
revoir le traitement du diabète, qui peut souvent être fortement réduit voire parfois arrêté. Le risque d’hypoglycémie est en effet majeur au sortir de l’hôpital. Il faut également mettre en place des mesures de prévention d’un nouvel épisode d’hyperosmolarité, en instaurant une surveillance glycémique lors des affections intercurrentes et surtout en veillant à assurer une hydratation correcte du patient.
Acidocétose (5)
Elle survient le plus souvent sur un diabète de type 1 à la faveur d’une interruption du traitement insulinique ou d’une affection intercurrente, mais elle peut aussi compliquer un diabète de type 2 évolué dans des situations de
Il s’agit d’une complication extrêmement rare mais qui reste grevée d’une mortalité très importante chez le sujet âgé. Elle est classiquement attribuée au traitement par la metformine, mais bien que la responsabilité de ce traitement puisse être retenue dans un certain nombre de cas devant des taux circulants de metformine très élevés, elle est loin d’être en cause dans tous les cas. Les bénéfices du traitement dépassant largement ses risques, il est actuellement admis par tous que la contre-indication systématique à son utilisation chez le sujet âgé est sans fondement. Les autres contre-indications classiques (insuffisance rénale modérée, insuffisance cardiaque) ont également été assouplies au regard des bénéfices du traitement dans ces catégories de patients, à la condition d’utiliser des posologies réduites (1 g/jour) et d’avertir le patient d’arrêter le traitement en 87
LE POINT SUR…
cas d’affection intercurrente ou de traitement susceptible d’entraîner une insuffisance rénale aiguë ou un bas débit tissulaire ou en cas de signes évocateurs d’une acidose lactique débutante.
Complications spécifiques du diabète Complications cardiovasculaires ❚❚Coronaropathie Elle représente la principale cause de mortalité du diabétique et concerne 20 % des patients âgés de 65 à 74 ans (7). Elle est souvent cliniquement asymptomatique (ischémie myocardique silencieuse) ou de manifestation clinique atypique et peut se révéler par un infarctus du myocarde, parfois lui-même asymptomatique et découvert uniquement devant une modification de l’ECG, ou par une insuffisance cardiaque. La valeur diagnostique de l’ECG de repos est faible, mais le test d’effort est rarement réalisable chez le sujet âgé et l’échographie de stress sous dobutamine souvent mal tolérée. La scintigraphie myocardique de perfusion sous dipyridamole apparaît ainsi comme l’examen de choix malgré ses limites. Les investigations invasives ne doivent être réalisées que chez les sujets chez lesquels une procédure de revascularisation peut être envisagée. Le traitement se heurte en effet aux limites imposées par les comorbidités, en particulier l’insuffisance rénale. De ce fait l’approche médicale est souvent privilégiée chez les sujets âgés de plus de 80 ans. Elle repose, comme chez le sujet jeune, sur les β-bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les statines et les antiagrégants, mais il 88
faut souligner que cette attitude découle davantage de l’extrapolation des résultats obtenus chez les sujets jeunes que de la médecine factuelle. Le risque iatrogène des divers médicaments (hypotension, retentissement sur la fonction rénale, hyperkaliémie, douleurs musculaires, saignements) doit être particulièrement suivi. En cas de syndrome coronarien aigu, le recours à la thrombolyse doit prendre en compte le risque élevé, chez le sujet âgé, d’accident vasculaire cérébral hémorragique. Un éventuel geste de revascularisation par angioplastie percutanée ou chirurgie, en règle générale préférable à l’angioplastie percutanée en cas d’atteinte tritronculaire chez le diabétique d’âge moyen, doit être discuté au cas par cas chez les patients de plus de 80 ans.
est préservée et l’insuffisance cardiaque est purement diastolique. Le diagnostic est souvent posé devant une décompensation brutale à l’occasion d’une maladie intercurrente ou d’un épisode de fibrillation auriculaire. Les principes du traitement sont les mêmes que chez les sujets plus jeunes et l’efficacité des thérapeutiques identique chez les diabétiques et les non-diabétiques, mais on relève, chez les diabétiques âgés, une sous-utilisation des β-bloquants. ❚❚Artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (AOMI) Le risque d’AOMI est doublé chez le diabétique (1). Les symptômes en sont en principe identiques à ceux du non-diabétique, mais ils
La coronaropathie représente la principale cause de mortalité du diabétique et concerne 20 % des patients âgés de 65 à 74 ans. ❚❚Insuffisance cardiaque Elle représente également une cause importante de mortalité et d’hospitalisation chez le sujet âgé diabétique (8). Le diabétique est environ deux fois plus exposé à l’insuffisance cardiaque que le non-diabétique. L’insuffisance coronarienne et l’HTA en représentent les causes principales, mais les valvulopathies et une myocardiopathie diabétique liée aux répercussions de l’hyperglycémie sur les cellules musculaires cardiaques et à la microangiopathie sont également en cause. Le diabète représente un facteur de gravité dans le pronostic de l’insuffisance cardiaque, en particulier chez la femme âgée. Dans 30 à 50 % des cas, la fraction d’éjection ventriculaire gauche
peuvent être masqués par l’existence d’une neuropathie associée. L’atteinte des vaisseaux jambiers est plus fréquente et plus sévère que chez le non-diabétique. De ce fait, le taux d’amputations est plus élevé chez le diabétique, car les possibilités de revascularisation sont plus réduites. Une autre caractéristique du diabétique est la fréquence de la médiacalcose, qui fausse l’évaluation de l’atteinte artérielle par la mesure de l’indice de pression systolique bras/cheville. Il est établi que la médiacalcose est associée à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire. Les principes de la prise en charge de l’AOMI du diabétique ne diffèrent pas de ceux du non-diabétique. Un geste de revascularisation doit être proposé lorsqu’il est possible Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126
Complications du diabète chez le sujet âgé
Complications microangiopathiques
à celui chez le sujet jeune, mais cette dernière est souvent rendue difficile par la mauvaise dilatation pupillaire, l’existence d’une cataracte, les difficultés de coopération du patient. La chirurgie de la cataracte peut aggraver une rétinopathie diabétique sous-jacente.
❚❚Rétinopathie Par rapport à une population d’âge équivalent, le diabète augmente de 50 % le risque de handicap visuel. Pourtant, à la différence du sujet jeune, la rétinopathie diabétique ne représente que la 4e cause de cécité chez le sujet âgé, après la dégénérescence maculaire liée à l’âge, la cataracte et le glaucome (9). La forme la plus fréquente de rétinopathie grave chez le diabétique âgé est la maculopathie œdémateuse, mais la rétinopathie proliférante peut également s’observer. Au moment du diagnostic, 15 % des diabétiques de type 2 présentent des signes de rétinopathie. Il est donc recommandé de pratiquer chez tous les patients un examen ophtalmologique initial. En l’absence de lésions, le suivi peut être effectué tous les 2 ans si le contrôle glycémique et tensionnel est bon, mais doit être plus rapproché si ces conditions ne sont pas remplies. La rétinophotographie est l’examen de choix, mais les images non-interprétables sont relativement fréquentes chez le sujet âgé (25 % après l’âge de 75 ans). Le recours à l’angiofluorographie doit être limité, en particulier chez les patients à risque cardiovasculaire élevé et ceux traités par β-bloquants. L’existence d’une rétinopathie diabétique ne contre-indique pas un traitement antiagrégant plaquettaire. Le traitement préventif (par le contrôle glycémique et tensionnel) et curatif de la rétinopathie, par la photocoagulation laser, est identique
❚❚Néphropathie La fréquence des altérations de la fonction rénale chez le sujet âgé s’explique par l’effet conjoint de l’hyperglycémie, de l’HTA et du vieillissement. L’atteinte rénale ne résulte d’une glomérulosclérose que dans un tiers des cas, les autres causes étant représentées par la néphroangiosclérose, les uropathies obstructives interstitielles et les atteintes infectieuses (10). Elle s’accompagne d’une augmentation de la mortalité cardiovasculaire. L’évaluation du débit de filtration glomérulaire (DFG) doit être faite au moins annuellement. Bien qu’aucune formule ne soit validée dans les populations très âgées, l’ANSM recommande actuellement l’utilisation de la formule CKD-EPI validée dans des populations de sujets normaux et d’insuffisants rénaux. Le dosage annuel de la micro-albuminurie est recommandé, mais il n’y a pas de preuve claire d’un bénéfice chez les sujets très âgés des stratégies thérapeutiques recommandées chez les diabétiques plus jeunes. La prévention primaire de la néphropathie diabétique repose sur le contrôle glycémique et tensionnel. Au stade d’insuffisance rénale débutante, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) ou les antagonistes des récepteurs AT-1 de l’angiotensine-2 (ARA-2) sont utilisés avec une surveillance de la kaliémie. Il faut surtout insister sur la prévention de la néphrotoxicité des médicaments (notamment anti-inflammatoires
et que l’état du patient le permet. Dans les autres cas, le traitement médical et le développement de la circulation collatérale par la marche doivent être mis en place.
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non stéroïdiens) et des produits de contraste iodés. Le traitement antidiabétique oral doit être adapté en privilégiant les médicaments à élimination hépatique (répaglinide) et ceux dont le risque hypoglycémique est réduit, mais qui peuvent nécessiter une adaptation posologique (inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4). Une insulinothérapie basale peut être associée aux insulinosécréteurs lorsque l’utilisation de la metformine n’est plus possible et, dans certains cas, l’insuline sans antidiabétiques oraux représente la meilleure solution. La prise en charge de l’insuffisance rénale terminale se limite à la question des modalités d’épuration extrarénale (hémodialyse ou DP), la transplantation n’étant plus une option. L’âge ne constitue pas une contreindication à la dialyse, mais une démence évoluée ou des comorbidités engageant le pronostic vital à court ou moyen terme peuvent faire discuter d’une abstention thérapeutique du fait du risque majeur de complications et d’un bénéfice incertain. ❚❚Neuropathie Les neuropathies représentent une complication fréquente du diabète (≈ 30 %). Elles sont extrêmement protéiformes et leur évaluation est fréquemment mal réalisée. Elles sont une cause importante de morbidité et sont associées à une augmentation de la mortalité (11). En présence d’un diabète, une autre cause de néphropathie doit toutefois être envisagée, en particulier si la présentation est atypique. La forme la plus habituelle est la polyneuropathie périphérique sensitive prédominant souvent sur les petites fibres de la sensibilité douloureuse et thermique, mais touchant également les grosses fibres (pallesthésie et proprioception). 89
LE POINT SUR…
Les signes d’appel peuvent être des paresthésies et douleurs lancinantes ou fulgurantes, spontanées ou au contact, accentuées pendant la nuit et améliorées par la marche sur sol froid. Ces formes douloureuses perturbent fortement le sommeil et conduisent souvent à la dépression. Paradoxalement, les patients souffrant de ces douleurs spontanées présentent souvent une abolition de la sensibilité. L’atteinte motrice est tardive et habituellement mineure. Certaines formes de neuropathies douloureuses aiguës peuvent survenir en cas d’hyperglycémie majeure ou lors de sa correction. L’amyotrophie diabétique est également une forme rare, mais extrêmement invalidante de neuropathie. Les mononeuropathies uniques ou multiples, les atteintes des paires crâniennes, en particulier oculomotrices, sont habituellement réversibles. Les atteintes du SNA sont également à l’origine de manifestations variées : hypotension orthostatique, tachycardie permanente, ischémie myocardique silencieuse, mort subite, gastroparésie, diarrhées motrices, vessie neurologique, dysfonction érectile, troubles de la sudation et de l’accommodation.
Complications multifactorielles ❚❚Pied diabétique Le sujet âgé diabétique est particulièrement exposé au risque de troubles trophiques des pieds (la moyenne d’âge des consultants pieds est de plus de 60 ans) et d’amputation (plus de trois quarts des amputations sont réalisées après 65 ans). Les troubles trophiques des pieds résultent de causes multiples 90
chez le diabétique : neuropathie sensitive et autonome, artériopathie, déformations des pieds, limitations de la mobilité articulaire, chaussage et soins de pédicurie inadaptés… (12). L’infection joue surtout un rôle aggravant. La neuropathie favorise le développement de zones d’hyperkératose aux points d’appui. Celle-ci amplifie la pression sur ces zones et crée des forces de cisaillement, l’infection locale conduisant à la formation du mal perforant plantaire. L’absence de perception douloureuse explique la poursuite de l’appui sur la lésion à l’origine de son aggravation progressive.
dienne des pieds pour repérer toute altération cutanée (phlyctène, coupure, fissure, mycose… ), chaussage adapté (ne pas marcher pieds nus, chaussettes propres en coton ou en laine sans couture, chaussures sans aspérités), lavage et séchage quotidiens des pieds avec une eau à bonne température, taille des ongles sans arrondis aux angles, soins de pédicurie par un professionnel. En cas de survenue d’une plaie, il est impératif d’obtenir immédiatement une mise en décharge en veillant à ce que les moyens utilisés ne soient pas à l’origine eux-mêmes d’autres points de compression.
Tout patient diabétique âgé doit bénéficier annuellement d’un examen des pieds pour évaluer le risque de troubles trophiques. Le pied de Charcot représente une forme particulière de lésion, survenant le plus souvent après un traumatisme mineur, sur un diabète ancien, compliqué de neuropathie végétative. Il se traduit par un œdème chaud du pied, une destruction et une fragmentation osseuse aboutissant après plusieurs mois à une consolidation avec remodelage du pied typiquement en tampon-buvard. Tout patient diabétique âgé doit bénéficier annuellement d’un examen des pieds pour évaluer le risque de troubles trophiques. Ce risque est classé en 4 grades : 0 : absence de neuropathie 1 : neuropathie sensitive associée 2 : neuropathie associée à une artériopathie ou une déformation 3 : antécédents d’ulcération ou d’amputation Les patients à risque (grades 2 et 3) doivent être surveillés plus attentivement et bénéficier d’une éducation : inspection quoti-
Les soins locaux (nettoyage, ablation de l’hyperkératose… ) doivent être effectués par un professionnel expérimenté. Toute évolution défavorable doit conduire à l’hospitalisation. ❚❚Dysfonction érectile Elle reconnaît également des causes multiples chez le diabétique : neuropathie, atteinte vasculaire, traitements associés (diurétiques, β-bloquants) et modifications diverses résultant de l’hyperglycémie, la dépression. Elle représente un marqueur du risque cardiovasculaire. ❚❚Complications articulaires Outre la capsulite rétractile, qui complique surtout les diabètes anciens, le diabète peut être atteint de cheiroarthropathie et d’enraidissement articulaire qui favorisent les chutes et prédisposent aux ulcérations. Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126
Complications du diabète chez le sujet âgé
❚❚Atteintes bucco-dentaires L’hyperglycémie entraîne une réduction du flux salivaire favorisant l’accumulation de la plaque dentaire et augmentant le risque de caries, de gingivites et de parodontites (13). Ces dernières détruisent définitivement les tissus de soutien de la dent et conduisent à sa perte d’où des difficultés de mastication. L’examen buccal doit faire partie du bilan périodique des complications et l’éducation à l’hygiène dentaire, de l’information donnée aux patients. Le détartrage doit être réalisé au moins annuellement.
Les performances cérébrales sont influencées par les modifications aiguës du niveau glycémique et leur dégradation a également été corrélée à la durée du diabète, à la qualité du contrôle glycémique. Si la relation entre facteurs de risque vasculaire et démence vasculaire semble de fait logique, celle entre diabète et maladie d’Alzheimer apparaît moins claire. Certaines données épidémiologiques suggèrent toutefois une relation en particulier chez les homozygotes 4/4 de l’ApoE, chez lesquels l’hyperglycémie liée au diabète et/ou à l’insulinorésistance pourrait favoriser l’apparition de dépôts amyloïdes.
Syndromes gériatriques
Dépression
En dehors des complications plus ou moins spécifiques du diabète, il est indispensable d’intégrer la prévention et le traitement des syndromes gériatriques dans la prise en charge de la personne âgée diabétique (14). Le diabète est en effet associé par lui-même, ou du fait de ses complications, à des limitations fonctionnelles pour des activités comme la marche, la montée des escaliers, les travaux ménagers lourds… (15). Il est également associé à une prévalence plus importante de troubles cognitifs et d’états dépressifs, de dénutrition et de sarcopénie, de chutes et de fractures. Ces troubles doivent être systématiquement explorés périodiquement par les tests utilisés dans l’évaluation gérontologique standardisée (16-17).
Troubles cognitifs et démence
Les études épidémiologiques mettent en évidence une relation entre déclin cognitif et facteurs majeurs de risque vasculaire, dont le diabète, souvent associé à l’HTA et à une dyslipidémie (18). Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126
Un état dépressif peut résulter des contraintes du traitement sur le mode de vie en particulier, et des complications du diabète. Inversement, la dépression retentit sur la capacité du patient à se prendre en charge et augmente le risque de mortalité (14).
Dénutrition et sarcopénie
Les patients diabétiques sont exposés à une perte de masse et de force musculaires accélérée de 1,5 à 2 fois. Il faut souligner que l’indice de masse corporelle pris isolément est un marqueur très imparfait d’adiposité chez le sujet âgé car, d’une part, la mesure de la taille n’est plus très fiable et, d’autre part, obésité et sarcopénie peuvent coexister. De ce fait, la perte pondérale entre l’âge de 60 et 70 ans est paradoxalement prédictive de la mortalité au cours des dix années suivantes. En revanche, la perte de masse grasse non accompagnée d’une réduction de la masse musculaire reste favorable. Il convient donc de bannir les régimes restrictifs et de dépister les patients dénutris ou à risque de dénutrition et de tenter de mettre
en place des stratégies diététiques et d’activité physique susceptibles d’améliorer leurs performances musculaires.
Chutes et fractures
Le diabète est associé à un risque accru de chutes et de fractures, en particulier humérales et fémorales (14). Les causes de chute sont multiples : troubles sensitifs, raideur articulaire, hypotension orthostatique, troubles visuels, polymédication, hypoglycémies…
Incontinence urinaire
Le diabète est associé chez la femme, en particulier obèse, à un risque accru d’incontinence, accentué par la polyurie osmotique liée à la glycosurie.
Conclusion
Le bilan des complications du diabète chez le sujet âgé dépasse donc le cadre classique des complications du diabète et doit intégrer le dépistage et la prise en charge des grands syndromes gériatriques. Il est essentiel d’établir pour chaque patient les priorités de soins avec une prise en charge du diabète et des facteurs associés de risque cardiovasculaire, proche de celle des patients d’âge moyen chez les sujets âgés autonomes dont l’espérance de vie est encore jugée bonne, mais d’adopter des stratégies de traitement et de surveillance plus personnalisées chez les sujets âgés fragiles ou fortement n dépendants.
Mots-clés : Diabète du sujet âgé, Complications métaboliques, Complications vasculaires, Syndromes gériatriques
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LE POINT SUR…
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