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gérontologie

Les structures nouvelles du 3e plan Alzheimer Equipes, unités, pôles... quels sont leurs rôles ? n Les 3 plans Alzheimer ont fait de la maladie d’Alzheimer un enjeu de société. Parallèlement au renforcement des structures déjà existantes, comme les consultations mémoire, les accueils de jour et les hébergements temporaires, le 3e plan Alzheimer (2008-2012) a suscité la création de structures nouvelles, qui sont venues enrichir la filière de soins pour les malades atteints de la maladie d’Alzheimer et de maladies apparentées (MAMA).

Dr Denise Strubel**

L

A l’heure où les professionnels s’interrogent sur la suite qui sera donnée aux 3 plans Alzheimer, il peut être utile de faire le point sur le déploiement de ces structures, les difficultés rencontrées et le bénéfice ressenti par les professionnels.

* Pôle de Gérontologie, CHU de Nîmes

Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126

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es structures relèvent : • du secteur sanitaire pour les unités cognitivo-comportementales (UCC) et les équipes spécialisées Alzheimer à domicile (ESAD) ; • du secteur médico-social pour les unités d’hébergement renforcé (UHR) et les pôles d’activités et de soins adaptés (PASA) ; • ou de structures d’aide au maintien à domicile pour les Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) et les plateformes d’accompagnement et de répit pour les aidants de malades. Le 3e plan Alzheimer (2008-2012) a suscité la création de structures nouvelles venues enrichir la filière de soins pour les patients atteints d’Alzheimer et de maladies apparentées (MAMA).

Les structures sanitaires nouvelles Les unités cognitivocomportementales (UCC)

Leur création correspond à la mesure 17 du Plan, qui a fixé un objectif de 120 UCC, objectif pratiquement atteint.

L’UCC est une unité spécifique d’hospitalisation de type Soins de suite et de Réadaptation (SSR) le plus souvent de type gériatrique, qui prend en charge des malades atteints de MAMA lors d’une situation de crise comportementale, que le patient soit à domicile ou en EHPAD, avec une prise en soins spé93


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cifique, privilégiant les stratégies non-médicamenteuses. Le fonctionnement d’une UCC est défini par un cahier des charges (1) : • les patients ont bénéficié d’un bilan diagnostique de leur pathologie cognitive ; • ils présentent un trouble du comportement de type perturbateur ; • ils sont autonomes sur le plan moteur ; • la capacité de l’unité est de 1012 lits, tous en chambre individuelle ; • l’unité comporte des espaces collectifs adaptés ; • elle a accès à un plateau technique ; • l’équipe soignante est pluriprofessionnelle avec psychologue, psychomotricien, ergothérapeute, assistant en soins gérontologiques… et développe des prises en charge adaptées, selon un programme d’activités structuré et personnalisé ; • la création de la structure se fait par transformation de lits de SSR avec un financement complémentaire de 200 000 € pour travaux d’aménagement et une enveloppe de 200 000 € pour renforcement de l’équipe. Une première enquête a été effectuée par la DGOS avec la Société française de Gériatrie et Gérontologie en 2011 sur les 43 premières UCC (2) : le cahier des charges est respecté pour l’essentiel mais certains malades n’ont plus leur autonomie locomotrice. La durée moyenne de séjour (DMS) dans ces unités est de l’ordre de 30-40 jours. Le bénéfice est attesté par une diminution nette des scores de l’échelle NPI (Neuropsychiatric Inventory) (3) à la fin du séjour. Cependant, à la sortie, une proportion non-négligeable de malades ne peuvent regagner leur domicile mais entrent en institution. 94

Les difficultés rencontrées dans ces structures sont liées à la sévérité des troubles avec une charge importante pour les équipes soignantes, qui jugent le plus souvent les effectifs insuffisants (2), aux risques liés à l’hétéro-agressivité des patients et aux fréquentes difficultés de sortie, notamment par nombre insuffisant de places d’UHR. Les données portant sur le taux de réhospitalisation des malades accueillis ne sont pas encore disponibles.

Les équipes spécialisées Alzheimer à domicile (ESAD)

Leur mise en place répond à la mesure 6 du Plan et l’objectif a été fixé à 500 équipes, objectif non-atteint à ce jour (236 équipes étaient opérationnelles en septembre 2012).

• le nombre de séances de réhabilitation à domicile est de 12 (le plus souvent une séance par semaine). La prestation est prise en charge par l’Assurance maladie. Une enquête effectuée par la CNSA en 2011 sur 128 ESAD (5) a montré que le diagnostic était posé dans 92 % des cas, que le MMSE moyen était de 17/30 (avec cependant 22 % de MMSE inférieurs à 15/30), que la prescription était effectuée par le médecin traitant dans deux tiers des cas et que la durée moyenne de prise en charge était de 13 semaines : le cahier des charges est globalement bien respecté. Sur le plan des difficultés rencontrées, la prise en charge par une ESAD n’est pas toujours acceptée

Une enquête effectuée par la CNSA en 2011 sur 128 ESAD (5) a montré que le diagnostic était posé dans 92 % des cas. Cette structure rattachée à un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou un service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD), a pour mission de réhabiliter des malades atteints de MAMA à domicile en assurant dès le diagnostic, l’éducation thérapeutique, un bilan d’adaptation du logement, la réhabilitation et la stimulation cognitive et, le cas échéant, en cas de crise, la prise en charge des troubles du comportement. Le cahier des charges (4) indique que : • la réhabilitation est prescrite par un médecin ; • elle est effectuée par un ergothérapeute ou un psychomotricien ; • le malade est exploré sur le plan de sa pathologie cognitive et présente un score d’au moins 18/30 au MMSE de Folstein ;

et/ou comprise par le patient et sa famille et peut être vécue comme une “intrusion” au domicile. La limite à un score de 18 au MMSE prive des patients à score un peu inférieur d’une prise en charge qui pourrait être bénéfique pour l’autonomie et le bien-être au quotidien.

Les structures médico-sociales Les unités d’hébergement renforcé (UHR)

Elles sont créées dans le cadre de la mesure 16 du Plan, avec un objectif fixé à 300 UHR, soit 5 000 places, objectif pas encore atteint en intégralité. L’UHR propose un accueil séquentiel dans une structure d’hébergement, de type EHPAD (EtaRepères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126


les structures nouvelles du 3e plan alzheimer

blissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou SLD (Soins de Longue Durée) aux moyens humains légèrement renforcés avec un espace adapté. Elle s’adresse à des patients atteints d’une MAMA, mais instables au long cours, car présentant des troubles sévères du comportement, ne permettant pas leur maintien à domicile ou leur accueil dans une unité classique d’hébergement (4). Pour le patient la même tarification qu’un hébergement classique

de 8/30, le score moyen du NPI-ES est de 43 à l’entrée, avec une diminution dans un tiers des cas à un mois ; 34 % des patients prennent un antipsychotique et 40 % un traitement antidémentiel ; la DMS est de 9,6 mois. Ces UHR sont actuellement nettement en nombre insuffisant et rencontrent des difficultés de fonctionnement liées à la sévérité des troubles et à la durée prolongée des séjours ne permettant pas de faire face à une demande crois-

L’enjeu d’une MAIA est la réussite de l’intégration avec le maximum de partenaires. s’applique. Le cahier des charges recommande (4) : • une capacité de 12 à 14 places, uniquement en chambre individuelle ; • un profil de patients présentant à l’échelle NPI (3) un score supérieur à 7 à au moins 1 des 7 items de troubles du comportement perturbateurs (délire, hallucinations, agitation, désinhibition, exaltation, instabilité de l’humeur et troubles moteurs aberrants) ; • l’intégration dans un EHPAD classique lorsque les troubles du comportement ont régressé de façon durable au bout d’un temps variable. Des subventions pour réaliser des travaux de mise en conformité sont accordées si nécessaire. L’admission est demandée par un médecin libéral ou hospitalier, et décidée sur dossier médical par le médecin responsable de la structure. L’enquête effectuée par la CNSA en 2011 (5) sur 38 des 71 UHR existantes montre que : 70 % des UHR sont publiques, leur capacité moyenne est de 15 places et l’effectif moyen de 11 ETP ; l’âge moyen des patients est de 81 ans, un diagnostic est posé dans 96 % des cas, leur MMSE moyen est Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126

sante d’admissions. Un accès à une consultation d’un psychiatre paraît également indispensable ainsi qu’un soutien de l’équipe soignante. Un lien privilégié avec les UCC mérite d’être développé.

Les Pôles d’Activités et de Soins Adaptés (PASA)

Ils sont définis également par la mesure 16 du Plan, et l’objectif à atteindre était fixé à 1 700 PASA soit 25 000 places. Les PASA proposent un accueil à la journée dans un lieu adapté, de résidents d’EHPAD présentant une MAMA avec des troubles modérés du comportement, pour des activités thérapeutiques et sociales adaptées (4). Ils ne peuvent accueillir de patients vivant à domicile. Le fonctionnement est défini ainsi : • un lieu dédié sécurisé pouvant accueillir à la journée 12 à 14 résidents venant chacun environ 3 fois par semaine (file active nécessaire de 25 à 30 patients) ; • le score NPI des résidents est supérieur à 3 sur au moins 1 des 10 items de l’échelle NPI (3) ; • le résident n’est pas habituellement agressif ;

• la structure fonctionne 5 jours par semaine avec un personnel dédié ; • elle dispose d’une équipe dédiée avec éventuellement des assistants en soins gérontologiques. Des subventions peuvent être octroyées pour répondre aux contraintes architecturales. Les patients sont adressés au PASA sur proposition de l’équipe soignante après accord du médecin traitant. Eventuellement, 2 à 3 EHPAD peuvent se regrouper pour créer un PASA. L’enquête CNSA effectuée en 2011 sur 229 PASA (5) a fourni des données sur les structures : 51 % des PASA sont dans des EHPAD publiques, 95 % sont sécurisés, la capacité moyenne est de 13,5 places et le personnel dédié est en moyenne de 2,9 ETP, notamment d’assistants en gérontologie ; pour les caractéristiques des patients, l’âge moyen est de 84 ans, leur diagnostic est posé dans 90 % des cas, leur MMSE moyen est de 13/30, avec pour 10 % d’entre eux un score inférieur à 5/30 ; un traitement antipsychotique est prescrit pour 25 % et un traitement antidémentiel pour 37 % des malades ; 55 % des patients ont un trouble du comportement perturbateur et le NPI moyen à l’entrée est de 21. Dans les grandes lignes, les PASA répondent à l’attente. Leur difficulté est de décider de l’arrêt de la prise en charge.

Les structures favorisant le maintien à domicile Les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades D’Alzheimer (MAIA)

Leur création répond à l’objectif de la mesure 5 du Plan, qui doit conduire 95


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à l’ouverture de 1 000 MAIA sur le territoire en 2014, après l’évaluation positive des premières MAIA expérimentales.

rencontrées sont liées aux résistances à l’intégration qui rend chaque partenaire coresponsable du soin.

Les MAIA visent à mettre en place des soins intégrés pour un parcours de soins personnalisé des patients à domicile, surtout dans les situations complexes. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie des patients et de leurs aidants. Pour cela il s’agit de coordonner les soins, mobiliser toutes les ressources du territoire de la MAIA, et décloisonner le sanitaire et le médico-social (6).

Les plateformes d’accompagnement et de répit

Le fonctionnement est assuré par : • le pilote de la MAIA, qui construit le guichet intégré avec le maximum d’acteurs professionnels des secteurs sanitaire et médico-social, avec entre autres l’utilisation d’outils communs, notamment pour l’évaluation ; • les gestionnaires de cas (2 à 4 par MAIA) appliquent l’intégration dans les cas complexes, avec un suivi rapproché des situations après mise en place de propositions d’aide. Ce fonctionnement comporte également la mise en jeu de 2 tables de concertation : • la table stratégique avec les décideurs et les financeurs ; • la table tactique qui réunit les représentants des professionnels de terrain. L’activité des MAIA devrait se mesurer par la simplification du parcours du malade, marqueur de l’intégration. D’autres marqueurs d’activité sont le taux d’hospitalisation, le taux de traitements antipsychotiques… L’enjeu d’une MAIA est la réussite de l’intégration avec le maximum de partenaires. Les difficultés 96

La mesure 1 du Plan est consacrée aux structures de répit avec renforcement du nombre de places d’accueil de jour et d’hébergement temporaire, ainsi que mise en place des plateformes d’accompagnement et de répit des aidants. L’objectif fixé est de 150 plateformes réparties dans tout le territoire. Une plateforme de répit doit obligatoirement être adossée à un accueil de jour et proposer une palette diversifiée d’interventions auprès des aidants (7), pour lutter contre l’isolement et le repli sur soi, préserver la socialisation du couple malade/aidant et prolonger le maintien à domicile. Les actions proposées peuvent comporter : • des séances d’information sur la maladie, voire de l’éducation thérapeutique ; • du soutien de l’aidant soit individuel, soit en groupe ; • des soins de répit. L’accueil de jour reçoit une dotation forfaitaire de 100 000 € pour financer la plateforme.

On ne dispose pas encore d’évaluation des plateformes existantes en dehors des données de l’expérimentation des 12 premières plateformes. Les difficultés que peuvent rencontrer ces plateformes sont celles auxquelles se heurtent toutes les structures de répit avec une résistance à l’aide chez les aidants, d’origine multifactorielle, et qui nécessite d’être accompagnée dans le temps.

Conclusion

Toutes les structures innovantes du plan Alzheimer doivent répondre au mieux aux besoins et aux attentes des malades et des aidants. Elles partagent une éthique du soin qui privilégie la qualité de vie du malade et des aidants et permet de mettre en place un parcours de soins personnalisé. Cependant, les objectifs chiffrés n’étant pas encore atteints, il faut espérer que cet effort pourra se poursuivre à travers un nouveau plan, même plus étendu à d’autres affections neurologiques. n

Mots-clés : Plan Alzheimer, Structures, UCC, ESAD, UHR, PASA, MAIA, Plateformes

Bibliographie 1. Circulaire N°DGOS/O2/O1/DGS/MC3/2008/291 du 15 septembre 2008 relative à la mise en œuvre du volet sanitaire du plan Alzheimer 2008-2012. 2. Noblet-Dick M, Ballandier G, Demoures G et al. Etat des lieux des Unités Cognitivo-Comportementales (UCC) en France : résultats d’une enquête nationale. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil (soumis). 3. Robert Ph, Médecin I, Vincent S et al. L’inventaire Neuropsychiatrique : validation de la version française d’un instrument destiné à évaluer les troubles du comportement chez le sujet dément. L’Année Gérontologique 1998 ; 5 : 63-86. 4. Circulaire N°DGAS/DSS/DHOS/2009/195 du 06 juillet 2009 relative à la mise en oeuvre du volet médico-social du plan Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012. 5. Rapports d’activités 2011 : Équipes Spécialisées Alzheimer à domicile (ESA) Pôles d’Activités et de Soins Adaptés (PASA) Unités d’Hébergement Renforcées (UHR) (Mesures 6 et 16 du plan Alzheimer 2008-2012) www.plan-Alzheimer.gouv.fr/mesue-no17.html. 6. Circulaire interministérielle N°DGCS/SD3A/DGOS/2011/12 du 13 janvier 2011 relative à la mise en œuvre de la mesure 4 du plan Alzheimer : déploiement des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA). 7. Circulaire DGCS/SD3A/2011/261 du 30 juin 2011 relative à la mise en œuvre des mesures médicosociales du plan Alzheimer 2008-2012 (mesure 1).

Repères en Gériatrie • Mai 2013 • vol. 15 • numéro 126


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