Repères en l a
R e v u e
d i d a c t i q u e
éVALUER
e n
m é d e c i n e
g é r i a t r i q u e
les plaintes cognitives
Comment évaluer une plainte cognitive ? Cette série d’articles, à paraître sur plusieurs numéros de Repères en Gériatrie, insiste sur la place de la clinique et de l’examen neuropsychologique devant différents types de plainte isolée : mémoire, langage, praxie et gnosie, fonctions exécutives et d’attention. Dr Catherine Thomas-Antérion, Aurélie Richard-Mornas, Sandrine Basaglia-Pappas, Michèle Puel
Réseaux de santé
Fiche thérapeutique
Réseaux diabète : le point avec Catherine Gilet, présidente de l’Association Nationale de Coordination des Réseaux Diabète
Le bon usage du médicament chez le sujet âgé fragile : les médicaments de la douleur
page 115
page 119
Démarche diagnostique
Symposium
Prurit de la personne âgée : quand faut-il évoquer une gale ?
Les relations entre sommeil et rythmes circadiens
page 124
page 133
Septembre Juin-Juillet 2013 2012 • Volume 15 14 • n° 127 120 • 9 8E
Repères en la
R e v u e
didac t i q u e
e n
m é d e cin e
g é ria t ri q u e
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Stéphane Desmichelle • Secrétaire de rédaction : Fanny Lentz • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette et illustrations : Elodie Lecomte, Antoine Orry • Chefs de publicité : Emmanuelle Annasse, Catherine Colsenet, Philippe Fuzellier • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef : Pr Benoît de Wazières (Nîmes)
sommaire www.geriatries.org
n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Comité de rédaction Dr Marie-Agnes Artaz (Paris), Dr Boris Bienvenu (Paris), Dr Jean-François Coudreuse (La Rochelle), Dr Olivier Crémieux (Paris), Dr Olivier Dalco (Marseille), Dr Matthieu Debray (Grenoble), Dr Nicolas Duret-Robert (Paris), Dr Nathalie Faucher (Paris), Dr Ariane Floriot (Poissy), Dr Adeline Gouronnec (Ivry S/Seine), Dr Sandrine Greffard (Paris), Dr Sylvie Haulon (Paris), Dr Elodie Heriche (Créteil), Frédérique Lacour (Paris), Dr Olivier Lambotte (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Gilles Lavernhe (Gap), JeanPierre Le Guen (Brest), Dr Armelle Marcilhacy (Lyon), Dr Yann Martin (Lyon), Dr Sophie Moulias (Paris), Dr Marc Paccalin (Poitiers), Dr Eric Pautas (Ivry S/Seine), Dr Clément Pinquier (Ivry S/Seine), Dr Hélène Pitti-Ferrandi (Versailles), Véronique Popovici (Bois-Colombe), Dr Florence Rollot (Paris), Dr Nathalie Salles (Pessac), Dr Catherine Schott-Geisert (Poissy - Saint-Germain), Dr Patricia Senet (Ivry S/ Seine), Dr Caroline Thomas (Paris), Dr Christiane Verny (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Anne Wyss-Gondé (Charleville-Mézières)
Les réseaux diabète en France : où en sommes-nous ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 115
Catherine Gilet (Présidente de l’Association nationale de coordination des réseaux diabète, ANCRED, Chalette-sur-Loing)
n Fiches thérapeutiques
Le bon usage du médicament chez le sujet âgé fragile : des fiches élaborées par un groupe de travail collégial. . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 119 • Fiche “Douleur” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 121
Repères en Gériatrie est une publication Expressions Santé S.A.S, 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : geriatrie@expressiongroupe.fr R.C.S. Paris B 394 829 543 ISSN n° 1767-803X N° de commission paritaire : 0217T78116 Prix au numéro : 9 e. Mensuel. Les articles de “Repères en Gériatrie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
Pr Benoît de Wazieres et Dr Hélène Richard (Nîmes)
n Démarche diagnostique
Le prurit et la personne âgée : réflexion clinique et diagnostic avant d’évoquer une gale . . . . . . . p. 124
Pr Benoît de Wazières (Nîmes)
n évaluer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 127
Plaintes cognitives (1re partie) Comment conduire l’entretien neurologique et l’examen de débrouillage ?
Comité scientifique Pr Gilles Berrut (Nantes), Dr Jacques Boddaert (Paris), Pr Jean-Pierre Bouchon (Paris), Dr Nathalie Charasz (Paris), Pr Jean-Paul Emériau (Pessac), Bernard Hervy (Paris), Dr Pierre Lutzler (Embrun), Pr François Puisieux (Lille), Dr Agathe Raynaud-Simon (Ivry-sur-Seine), Pr Anne-Sophie Rigaud (Paris), Pr Olivier SaintJean (Paris), Dr Pierre Thomas (Limoges), Dr Christophe Trivalle (Villejuif), Pr Bruno Vellas (Toulouse)
p. 114
n à savoir
Comité de Lecture Pr Marc Bonnefoy (Lyon), Pr Philippe Chassagne (Rouen), Pr Thierry Constans (Tours), Dr Patrick Friocourt (Blois), Dr Gaétan Gavazzi (Grenoble), Dr Yves Kagan (Paris)
Juin-Juillet 2013 • Vol. 15 • N° 127
Nous vous proposons, dans ce numétro, le 1er thème d’une une série d’articles sur la conduite à tenir devant une plainte cognitive, rédigés par le Dr Catherine Thomas-Antérion (Lyon), Aurélie Richard-Mornas et Sandrine Basaglia-Pappas (Saint-Etienne), et Michèle Puel (Toulouse).
Introduction L’évaluation de la cognition peut rendre de grands services… ������������������� p. 128 1 n Plainte de mémoire : comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 129
n Congrès - Symposia
Le Congrès du sommeil : les relations entre sommeil et rythmes circadiens . . . . . . . . . . . . . p. 133
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Petites annonces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photos de couverture : © hohojirozame / Fotolia
p. 120 p. 126 p. 137
actualités de la profession
Médicament
EN BREF Un nouveau picto pour la Sexualité des personnes âgées Le Quotidien du Médecin rapporte, dans son édition du 22 mai, les résultats d’une enquête sur la sexualité des séniors présentée dans le cadre des Assises de Sexologie et de Santé sexuelle qui ont eu lieu à Perpignan du 11 au 14 avril. Si la majorité des médecins reconnaît l’existence d’une sexualité à un “certain âge”, 62 % se disent parfois gênés par le sujet. Pour 1 sur 3, elle est abordée “parfois”, et elle l’est “souvent” par seulement 1 sur 100. La question est en général évoquée par le patient (dans 78 % des cas). A lire : Assistants familiaux Laurent Cambon. La professionnalisation des aidants familiaux. Collection Pratiques/ Actions sociales. ESF Editeur, mai 2013, 160 pages. Benzodiazépines et démences Les résultats de l’étude Benzodem, publiés dans “British Medical Journal” confirment l’existence, dans la population française vivant à domicile, d’une association entre prise de benzodiazépines et risque de démence, dont la maladie d’Alzheimer, chez les personnes de plus de 65 ans. Ces données sont convergentes avec les résultats préliminaires de l’Etude des Trois-Cités qui suggèrent un signal englobant l’ensemble des psychotropes et pas seulement les benzodiazépines. L’ANSM a rappellé à cette occasion les règles de bon usage des benzodiazépines à visée anxiolytique et hypnotique. 114
“surveillance renforcée”
L’
ANSM annonce l’arrivée d’un nouveau picto, un triangle noir renversé, commun à toute l’Union européenne. Il devra être présent sur la notice des médicaments “sous surveillance renforcée”. Sur les 103 médicaments figurant dans la première liste publiée par l’Agence européenne du médicament (EMA) le 25 avril dernier, le motif principal d’inscription est le fait de contenir une nouvelle substance active ou un nouveau produit biologique (73 produits). Vient ensuite la nécessité de mettre en place une étude post-autorisation
(37), puis le statut de l’autorisation de mise sur le marché (AMM délivrée à titre exceptionnel ou conditionnel : 27 cas). En aucun cas il ne s’agit de médicaments dangereux. Cette liste ayant pour vocation d’être évolutive et de prendre en compte l’ensemble des médicaments disponibles dans l’UE, elle sera progressivement complétée par des produits identifiés au niveau national comme devant faire l’objet d’une surveillance particulière et sera actualisée tous les mois. Elle est disponible sur les sites Internet de l’ANSM et de l’EMA. ß
Démences
Coopération européenne sur la maladie d’Alzheimer
L
a HAS communique les conclusions et recommandations de l’action conjointe ALCOVE (Alzheimer COoperative Valuation in Europe) lancée en 2011 par la Commission Européenne et 19 Etats membres, et coordonnée par la France. Ces de recommandations sont destinées aux décideurs, mais aussi aux professionnels de santé et aux professionnels sociaux. Elles sont articulées autour de quatre axes : • Améliorer et harmoniser le recueil des données épidémiologiques, pour mieux connaître la maladie et mieux la prendre en charge. Les équipes d’ALCOVE ont affiné, sur la base d’études récentes, fiables et à partir de critères partagés, les estimations en termes de prévalence des démences : en Europe en 2011, elles concernent 6,367 millions de personnes et les prévisions pour 2040 sont estimées à 10,186 millions. La surexposition des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer aux neuroleptiques est confirmée (en institution 25 à 60 % des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer) ; cette surexposition des malades concerne également les autres psychotropes, dont les antidépresseurs. Pour réduire leur usage inapproprié, une “boîte à outils” européenne est proposée. • Poser un diagnostic au moment “opportun”. ALCOVE propose des stratégies progressives avec quatre étapes précises pour le diagnostic de démence. L’objectif est de prendre en compte le contexte du diagnostic, en particulier le
droit de la personne à connaître sa maladie, ainsi que son droit à refuser les explorations, décision qui peut être éclairée par la mise à disposition de l’ensemble des informations sur les examens du diagnostic et les conséquences du diagnostic. • Mettre en place une stratégie globale pour prévenir et traiter les troubles du comportement. ALCOVE propose une synthèse opérationnelle en trois dimensions pour améliorer la qualité de vie des malades et de leurs aidants, et pour retarder l’institutionnalisation. Cette approche consiste en : des services et organisations de soins dédiées aux syndromes psycho-comportementaux des démences (SPCD) tout au long du parcours, des interventions psychosociales pour le couple aidant/aidé, l’usage de traitements non pharmacologiques qui ont démontré leur efficacité sur les SPCD, et l’intervention de personnels compétents. • Respecter le droit et la dignité des personnes. Dans un contexte juridique non homogène, ALCOVE défend l’utilisation de deux “outils” : les directives anticipées (respect des souhaits de la personne lorsqu’elle possédait toute sa lucidité) et une évaluation des compétences (respect de la personne malade dans son humanité, avec sa sensibilité et ses souhaits, en sachant évaluer ses compétences, partant du principe de présomption de compétences et non l’inverse). ß Pour en savoir plus : www.has.fr
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
à savoir
Les réseaux diabète en France Où en sommes-nous ? Catherine Gilet*
Résumé
Ile-de-France
Depuis leur création, les réseaux diabète rencontrent des difficultés. La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) s’interroge sur l’opportunité de continuer leur financement. Un nouveau guide donne de nouvelles orientations. Leur action est recentrée sur la coordination du parcours de santé des patients en situation complexe. Les réseaux se trouvent en difficulté : leurs budgets sont constamment en diminution. Ils ne sont pas accompagnés pour cette évolution. Les réseaux sont incités à évoluer vers des platesformes sans avoir le mode d’emploi. Ils doivent axer leur prise en charge vers des populations précaires, en difficulté, et faire preuve à nouveau d’innovation.
Nb réseaux 1 2
Un peu d’histoire
Le concept des réseaux se développe à partir de 1991 sur la base de différentes circulaires avant que l’ordonnance d’avril 1996 leur donne un cadre expérimental. Il faut attendre l’article 84 de la loi du 4 mars 2002, l’article L6321-1 du Code de la santé publique-CSP, pour en avoir une définition légale. Depuis, plusieurs décrets sont venus enrichir cette définition en précisant leurs missions, leurs conditions de fonctionnement, *Présidente de l’Association nationale de coordination des réseaux diabète (ANCRED), Chalette-sur-Loing
Source : Rapport d’activité du FIQCS 2011 Réalisation : CNAMTS DCES août 2012
La Réunion
Guadeloupe
Martinique
Guyane
Un réseau à Mayotte
Figure 1 – Réseaux de diabétologie financés au titre du FIQCS en 2011.
d’évaluation et de financement (1). Les réseaux diabète ont été parmi les premiers à se mettre en place. Dans les années 1990, on observait déjà une augmentation du nombre de patients diabétiques et la limite de la prise en charge conventionnelle imposait, par les professionnels de santé, la mise en place
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
d’une approche pluridisciplinaire. À partir de ce constat, des réseaux se sont créés dans beaucoup de régions de France métropolitaine et des DOM-TOM. Leur nombre culmine à 82. En 2007, il y avait 72 réseaux diabète dans 23 régions. En 2011 il n’en restait plus que 61 (Fig. 1) (2). 115
à savoir
Ce que les réseaux diabète ont apporté
Les réseaux ont pour la plupart permis de développer l’éducation thérapeutique en ambulatoire et d’améliorer le parcours de soins du patient diabétique, notamment la réalisation du bilan annuel recommandée par la HAS et difficilement mise en œuvre. Ils ont permis d’expérimenter de nouveaux modes de rémunération (dont la prise en charge podologique du pied à risque chez le diabétique aujourd’hui inscrite à la nomenclature des actes podologiques remboursés) et de permettre la rémunération d’actes réalisés par plusieurs professionnels (réunion de coordination). La création de Plans Personnalisés de Soins est également à l’initiative des réseaux de santé.
Le point actuellement
Le nombre de réseaux diabète a encore diminué. Certaines régions comme la Basse-Normandie ont mis fin au financement de réseaux. D’autres, comme celui de Gentiane (Jura), évoluent vers des platesformes dédiées à l’éducation thérapeutique.
Pourquoi ces fermetures quand on sait que le nombre de patients augmente ?
Le diabète est une maladie chronique dont la prévalence est en constante augmentation. La prévalence du diabète traité atteint 4,4 % en 2009 alors qu’en 2000 elle n’était que de 2,6 %. Le coût du traitement a lui aussi doublé. Il atteint 12,5 milliards d’euros pour les remboursements effectués, sans parler des frais indirects estimés à 5 milliards d’euros (3). Les réseaux ont été et sont encore très souvent critiqués. 116
Encadré 1 Les 3 axes prioritaires 1. Organiser et planifier le parcours de santé et le suivi du patient en situation complexe, en lien avec l’équipe de soins de premier recours. 2. Apporter un appui aux différents intervenants (professionnels de santé de premier recours, sociaux, médico-sociaux, famille) auprès du patient. 3. Favoriser une bonne articulation entre la ville-hôpital (entrée-sortie d’hôpital) et avec les intervenants des secteurs sanitaire, médico- social et social.
Encadré 2 Les patients en situation complexe Il est proposé de définir ces situations de la manière suivante : • Complexité médicale - Association de plusieurs pathologies et/ou cumul de plusieurs ALD - Degré de sévérité des pathologies - Équilibre non-acceptable depuis plusieurs mois, hospitalisations répétées dans l’année pour la même problématique • Complexité psychosociale : personne ayant un faible recours aux soins - Isolement social, vulnérabilité sociale - Pratiques de santé inadaptées - Intrication de plusieurs pathologies et d’une situation de dépendance, associée à la nécessité de faire intervenir plusieurs acteurs
Les critiques les plus souvent mentionnées sont les suivantes : • Leur manque d’homogénéité. Il faut dire que les différents décrets et circulaires concernant les réseaux étaient peu détaillés. On y mentionnait leurs différentes missions mais pas le mode de mise en œuvre. Voici les missions assignées aux réseaux lors du décret du mois de mars 2010 (articles D.6321-17 de CSP) : - la coordination des professionnels intervenant autour du patient afin de faciliter son parcours de soins ; - des actions collectives de prévention (dépistage, éducation à la santé, éducation thérapeutique) ; - la formation pluridisciplinaire des acteurs et l’échange de bonnes pratiques entre eux ; - la rémunération de professionnels de santé qui réalisent des actes et
des prises en charge hors système conventionnel et hors nomenclature. • L’évaluation. Il y a eu très peu d’évaluation médico-économique. Il est souvent difficile d’exploiter les données des caisses d’Assurance maladie. Plusieurs réseaux ont démontré que l’adhésion d’un patient diabétique à un réseau permettrait aux caisses d’Assurance maladie de faire des économies. • Le nombre de patients pris en charge par les réseaux est jugé souvent insuffisant alors que les réseaux s’occupent de patients complexes. La moyenne des patients pris en charge par an est de 479. Au mois d’octobre 2012, la DGOS a publié un guide méthodologique pour l’évolution des réseaux. On y décrit leurs nouvelles missions. Ce
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Les réseaux diabète en France
guide axe le travail des réseaux sur la prise en charge des patients en situation complexe (4). Ce guide implique une nouvelle organisation pour les réseaux et les réflexions ont commencé dans les régions avec les ARS. Il est également demandé une mutualisation des moyens. La DGOS aimerait que les réseaux monothématiques disparaissent pour devenir des plates-formes plurithématiques. Ainsi, la prise en charge globale du patient serait améliorée. Par exemple, un patient diabétique dialysé et insuffisant cardiaque serait pris en charge par un seul réseau. À son adhésion, un Plan Personnalisé de Santé (ou PPS) serait réalisé. Les problèmes prioritaires seraient ainsi identifiés et, en fonction de ceux-ci, son parcours serait organisé. Il existe déjà des plates-formes qui réalisent ce travail comme la plate-forme Santé du Douaisis. Il a fallu plusieurs années pour mettre en place ce fonctionnement.
L’avenir
En France, le système de santé est cloisonné. On trouve d’un côté le soin et de l’autre le monde social, l’hôpital et le milieu libéral. De par leur fonctionnement, les réseaux permettent un décloisonnement et des échanges entre tous ces milieux.
Prise en charge de patients complexes et en situation précaire
Les réseaux doivent prendre en charge des patients en situation complexe. Un Plan Personnalisé de Santé doit être élaboré et validé par le médecin traitant. Un des objectifs est d’être un appui pour les professionnels de premier recours. En effet, le parcours de ces
patients est aussi complexe que leur situation est chaotique. Ils rencontrent beaucoup de professionnels de santé, médico-sociaux. Une des difficultés est la mise à jour de ce PPS et sa validation en continu. Certains réseaux réfléchissent à ce problème. Nous devons accentuer la prise en charge des populations qui ont des difficultés à accéder aux soins. Il est souvent trop tard lorsqu’ils y accèdent et les complications sont déjà là. Le coût pour la société est important. Si l’on veut faire des
d’outils et de moyens ont été mis en place. Il n’y a pas de cohésion nationale. Chaque agence de santé œuvre séparément. Certaines régions demandent aux réseaux de réfléchir ensemble, d’autres de façon plus arbitraire créent des plates-formes régionales où les réseaux monothématiques doivent trouver leur place. ❚❚L’exemple de la région Centre Pour l’instant, aucune réflexion globale n’a été engagée par l’ARS. Chaque département a ses caracté-
Dans un contexte associant un nombre de diabétiques en augmentation et une pénurie médicale, il semble difficile de rayer de la carte de l’offre de soins les réseaux diabète. économies, il faut axer notre travail sur cette population. Ce n’est pas simple. L’étude Suivi des diabétiques en difficultés (SUDD) a montré que l’on pouvait diminuer le recours aux hospitalisations de ces personnes mais qu’il était difficile de réaliser un suivi (nombre de perdus de vue important).
Le lien Ville-Hôpital
Les réseaux doivent favoriser l’articulation entre la ville-hôpital (entrée-sortie d’hôpital) et avec les intervenants des secteurs sanitaire, médico-social et social. Si le retour à domicile est bien organisé, si des interventions sont planifiées, cela permet d’éviter des réhospitalisations.
La mutualisation des réseaux
Une des directives du guide méthodologique de l’ARS est la mutualisation entre les réseaux. L’UNR Santé (Union nationale des réseaux) a participé aux débats pendant plus d’un an. Il était prévu une aide pour cette évolution. À ce jour, très peu
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
ristiques. Les populations ne sont pas identiques (rurale, semi-urbaine…), les démographies médicale et paramédicale sont différentes. Dans un département comme le Cher, il existe très peu de réseaux. Pour l’instant, la réflexion se fait à l’échelle du département plutôt qu’au niveau de la région. Dans le Loiret, tous les réseaux financés par le Fonds d’intervention régionale (FIR) se sont rencontrés afin de réfléchir à leur rapprochement. Après la description de chaque fonctionnement, la mutualisation des moyens et des outils n’est pas parue évidente. Le plus important est d’établir une meilleure visibilité de l’offre des réseaux au niveau départemental pour les professionnels de santé de premier recours. Il semblerait qu’il faille également répertorier, au niveau des territoires de santé, l’ensemble des ressources de santé, sociales, médico-sociales et d’éducation thérapeutique. L’ARS a été conviée à cette réflexion qui continue actuellement. Je pense qu’il est important que les réseaux 117
à savoir
diabète engagent une réflexion sur leur avenir et invitent ensuite les agences régionales à cette réflexion.
Rôle d’expertise en ETP (éducation thérapeutique)
À l’heure actuelle, les réseaux diabète qui restent financés sont en grande réflexion et sont un peu perdus. On leur demande de modifier leur façon de travailler. L’éducation thérapeutique qui était une action majeure ne figure plus aujourd’hui parmi les missions des réseaux sauf si l’ARS locale le mentionne. Cela permettait de délocaliser l’offre d’éducation. Celle-ci est principalement pratiquée dans les centres hospitaliers. Heureusement, tous les patients ayant une maladie chronique ne sont pas hospitalisés. Par conséquent, un bon nombre de ces personnes n’ont pas accès à un programme d’éducation thérapeutique. C’est pourtant essentiel lorsque l’on a une maladie chronique comme le diabète où il est demandé aux patients de modifier leurs habitudes de vie. La DGOS pense que les pôles et maisons de santé pourront mettre en place des actions d’éducation thérapeutique.
Actuellement, ces structures n’existent pas dans tout le territoire français et n’ont pas toujours les compétences requises. C’est un nouveau défi pour ces professionnels de santé de premier recours. Les médecins ne peuvent assurer la mise en place de ces dispositifs qui demandent du temps et un savoir-faire particulier. Les réseaux diabète ont cette expertise. Ils peuvent apporter certaines aides : • soutien méthodologique dans la mise en place des programmes, coordination de l’offre d’ETP sur un territoire donné ; • formation des professionnels de premier recours et accompagnement de ceux-ci lors de la mise en place des programmes ; • pour les maisons de santé qui ne disposent pas assez de professionnels de santé, les réseaux peuvent être “prestataires” d’une offre en ETP.
Le rôle de l’ANCRED
L’ANCRED doit permettre aux réseaux diabète d’échanger sur leurs difficultés actuelles. On sait tous que “l’union fait la force”. Sur le terrain, les équipes n’ont pas toujours le temps de se poser pour réfléchir
à leur situation actuelle et leur avenir. L’UNR Santé et l’ANCRED souhaiteraient organiser un séminaire afin de permettre aux réseaux d’exposer leurs difficultés et de réfléchir ensemble à des solutions.
Conclusion
Malgré toutes les difficultés rencontrées, les réseaux diabète sont toujours là. Dans un contexte associant un nombre de diabétiques en augmentation et une pénurie médicale, il semble difficile de les rayer de la carte de l’offre de soins. Ils doivent évoluer mais, même dans une plate-forme, ils devront garder leur spécificité. Les réseaux ont été habitués à se défendre et à évoluer. Il faut continuer. Le travail dans un réseau n’est pas simple et je sais de quoi je parle (coordinatrice d’un réseau depuis 10 ans). La DGOS nous a lancé un défi avec ces nouvelles orientations et nous saurons le relever. n
Mots-clés : Coordination, Mutualisation, Patients complexes, Parcours de soins, Réseau diabète
Bibliographie 1. Morel A, Lecoq G, Jourdain-Menninger D. Évaluation de la prise en charge du diabète. 2012 ; annexe 7-169. 2. Département de la coordination et de l’efficience des soins. Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés. Rapport d’activité 2011 du FIQCS.
118
3. Weill A, Fosse S, Fagot-Campagna A et al. Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques, Entred 2007-2010. 4. Direction générale de l’offre de soins. Octobre 2012. 5. Étude SUDD, site Internet : www.ancred.fr
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Fiches thérapeutiques
Le bon usage du médicament chez le sujet âgé fragile Des fiches élaborées par un groupe de travail collégial n Nous allons vous proposer, dans les numéros de l’année à venir, des fiches thérapeutiques qui ont été élaborées pour aider les médecins prescripteurs de notre hôpital à mieux prescrire chez le sujet âgé fragile.
D
e même que les hôpitaux sont tenus de rédiger un document concernant le bon usage des antibiotiques, nous avons voulu rédiger ce document sur le bon usage du médicament chez la personne âgée fragile. Les fiches ont été élaborées par un groupe de travail collégial, comprenant les médecins du Pôle de Gérontologie, les pharmaciens de plusieurs hôpitaux et des médecins de la communauté hospitalière de territoire du Gard. Le but a été de rédiger des fiches simples, courtes, avec un argumentaire réduit au minimum.
Toute personne de plus de 75 ans hospitalisée est de principe fragile...
Nous devons considérer que toute personne âgée de plus de 75 ans hospitalisée est, de principe, fragile, polypathologique, polymédiquée, et avec des troubles cognitifs. **Médecine gériatrique, Hôpital Carémeau, CHRU de Nîmes **Pharmacien Assistant Spécialiste, Hôpital Carémeau, CHRU de Nîmes
Pr Benoît de Wazieres* et Dr Hélène Richard**
Les volumes concernés sont importants puisque, dans notre région, le Languedoc-Roussillon, 10 % de la population générale a plus de 75 ans (250 000 personnes), mais elle représente : • presque 27 % des journées d’hospitalisation en Médecine, Chirurgie, Obstétrique (MCO) ; • 60 000 personnes sont dépendantes et bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ; • 25 000 sont en EHPAD ; • 1 700 en Long séjour ; • et 5 000 prises en charge par des Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD).
stressant, le “château de cartes” s’écroule… Les épisodes de gastro-entérite à norovirus, en entraînant une déshydratation, peuvent déclencher des hyponatrémies et des insuffisances rénales sévères qui vont déstabiliser le reste du traitement, par exemple.
Ces chiffres, très élevés, ne sont donc pas anecdotiques, et l’évitabilité des effets secondaires des médicaments est un élément essentiel de la bonne prise en soin, avec des impacts directs sur les durées de séjour, les complications, et les coûts en général.
Nous devons donc appliquer un principe de prudence et de précaution maximum, ne proposer que le strict nécessaire, avec des médicaments éprouvés.
Ces patients prennent, en moyenne, entre 7 et 10 principes actifs par jour. L’équilibre est donc précaire. Au moindre événement
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Certaines molécules sont mal tolérées, même chez des adultes jeunes et il n’est donc pas nécessaire de prendre un risque si l’alternative thérapeutique existe. Le Tramadol, du fait de sa mauvaise tolérance attendue, en est un bon exemple.
Nos propositions reposent sur des données de la littérature, mais également sur l’expérience personnelle du groupe de travail. En effet, dans le domaine de la gériatrie, nous manquons souvent d’evidence-based medicine. 119
Fiches thérapeutiques
Nos fiches vous aideront à mettre au point votre livret thérapeutique personnel, même si de nombreux groupes de travail sont actuellement à l’œuvre, notamment par le biais de l’OMEDIT (Observatoire des Médicaments, des Dispositifs Médicaux et des Innovations Thérapeutiques) ou de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie, dans l’établissement de listes de médicaments ou de grand principe de traitement pour les EHPAD.
Une fiche “Douleur”
Nous vous proposons, en avant première, notre fiche sur la douleur qui illustre parfaitement la problématique gériatrique.
En effet, les anti-inflammatoires sont des antalgiques remarquables, et il serait dommage de s’en priver chez un patient monopathologique, quel que soit son âge. En pratique, le gériatre qui prescrirait un AINS chez un patient fragile court à la catastrophe, surtout si ce patient est sous diurétiques ou sous IEC. Pour le Tramadol, son métabolisme est soumis à un polymorphisme génétique, avec quatre groupes : les lents, les intermédiaires, les bons, les ultrarapides. Nous savons donc que certains patients tolèrent bien le traitement, avec un bon effet antalgique, que d’autres présenteront d’emblée des nausées et vomissements,
voire un syndrome confusionnel (accumulation par hypométabolisme). Pour les derniers, le médicament étant inefficace (métaboliseurs rapides), ils auront tendance à augmenter les doses et à faire des hypoglycémies. Etant donné que nous avons des alternatives, mieux vaut ne pas prendre le risque pour nos patients. Bonne prescription…
n
Groupe de travail : • Dr D. Strubel, Dr A. di Castri, Dr M. Corti, Pôle de Gérontologie, CHU Nîmes • Dr H. Richard, Pharmacie CHU Nîmes • Dr S. Armand, Dr A. Pohyer, Hôpitaux des Portes de Camargue
Bulletin d’abonnement à Repères en Gériatrie • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette - Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 - E-mail : geriatrie@expressions-sante.fr
4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 75 E TTC (au lieu de 90 E prix au numéro) q Institutions 80 E TTC q Etudiants 50 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant)
GERIA 127
Frais de port (étranger et DOM-TOM) q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 E par avion pour l’étranger (autre que l’UE)
www.geriatries.org 120
q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... Prénom : . .............................................................................................................. Adresse d’expédition : ..................................................................................... .................................................................................................................................. .................................................................................................................................. Code postal : . ......................... Ville : ............................................................... Tél. : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ ; Fax : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ Mail : ...................................................................................................................... Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Cryptogramme : Expire le : *(bloc de 3 chiffres au dos de votre carte)
Signature obligatoire e
L’abonnement à la revue Repères en Gériatrie vous permet de bénéficier d’un accès illimité et gratuit à l’intégralité des sites d’Expressions Santé Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013: • vol. 15 • numéro 127
neurologies.fr diabeteetobesite.org rhumatos.org cardinale.fr onko.fr
ophtalmologies.org
Fiches thérapeutiques
Guide du bon usage pharmaceutique en Gériatrie
DOULEUR Molécules de référence Douleurs nociceptives • Palier 1 : paracétamol per os ou IV pour les patients ne pouvant pas avaler uniquement. • Palier 2 : aucune molécule de référence retenue : toutes ont une balance bénéfices/risques défavorable. • Palier 3 : oxycodone (mieux tolérée). Douleurs neuropathiques • Molécule de référence : prégabaline (Lyrica®), mieux tolérée que la gabapentine (Neurontin®). • Douleurs localisées (zona) : emplâtres de lidocaïne (Versatis®). Geste ou manipulation douloureux • Oxynorm® 2,5 mg ou Actiskenan® 5 mg si naïf de morphiniques, ou en interdoses si déjà sous morphiniques. • Si ponction artérielle ou lombaire : Emla® patch 1 heure avant. • Si pansement d’escarres : Kalinox® (gaz médical).
Molécules alternatives Douleurs nociceptives • Palier 3 : tous les morphiniques . • En cas de douleurs difficiles à équilibrer ou en fin de vie : morphine PSE voie SC ou IV. • Fentanyl patch (Durogesic®) : s’accumule dans le tissu adipeux avec relargage tardif. - Ne doit être prescrit qu’après équilibre de la posologie morphinique. - Effet maximal 12 h après la pose, durée d’efficacité parfois < 72 h. - Le patch à 12 μg/h n’est pas une forme adaptée à l’instauration de traitement.
© 2013 - CHU de Nîmes - Tous droits réservés Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
121
Fiches thérapeutiques
Modalités d’emploi Posologies • Paracétamol : max 3 g/jour. • Tramadol : max 300 mg/jour . • Oxycodone / Morphiniques : titration à l’instauration du traitement NB - pour la titration de l’oxycodone : possibilité d’utiliser la forme buvable pour des prises < 5 mg. • Lidocaïne patch (Versatis®) : 1 patch 12h/24h. - Maximum 3 emplâtres en même temps. - Respecter un intervalle de 12 heures avant l’application de l’emplâtre suivant. Tableau d’équivalence Morphine per os Morphine SC Morphine IV
60 mg 30 mg 20 mg
Fentanyl patch Oxycodone per os Oxycodone SC/IV
25 μg/h 30 mg 20 mg
Rétrocessions A titre dérogatoire, une décision ministérielle du 20 décembre 2004 (JO du 23 décembre 2004), complétée par une décision du 29 avril 2005, a autorisé la rétrocession des médicaments prescrits dans le cadre de la prise en charge de la douleur chronique rebelle et des soins palliatifs, ne figurant pas sur la liste de rétrocession Ex : paracétamol injectable, oxycodone injectable ou solution buvable (réserve hospitalière).
A éviter ! Douleurs nociceptives • Palier 1 : aspirine et dérivés. AINS à proscrire ! • Palier 2 : - tramadol (Contramal®) / tramadol + paracétamol (Ixprim®, Zaldiar®) : effet antalgique modeste, peut être à l’origine d’un syndrome confusionnel ou de nombreux autres effets indésirables ; - n éfopam (Acupan®) : effet antalgique limité et effets indésirables atropiniques ; - codéine et formes associées (codéine + paracétamol : Efferalgan codéiné®) : effet antalgique modeste et effets indésirables fréquents (constipation, syndrome confusionnel). • Palier 3 : ne pas garder le patch de Fentanyl® en cas de fièvre car la diffusion plasmatique est accélérée.
© 2013 - CHU de Nîmes - Tous droits réservés 122
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Démarche diagnostique
Le prurit et la personne âgée Réflexion clinique et diagnostic avant d’évoquer une gale n Avant de poser un diagnostic de gale devant un prurit chez une personne âgée, il faut avant tout éliminer les autres causes, en particulier les causes médicamenteuses, et examiner les sillons.
Pr Benoît de Wazières *
L
e diagnostic de gale reste un diagnostic difficile chez la personne âgée, et ce même pour un dermatologue. En effet, de nombreuses pathologies cutanées, infiniment plus fréquentes que la gale peuvent présenter le même tableau clinique chez la personne âgée (avant tout le prurit sénile, puis les éruptions eczématiformes généralisées et enfin les prurigos). Quelles que soient les manifestations cutanées observées, l’existence d’un prurit nécessite une réflexion initiale basée sur l’examen clinique, un minimum d’anamnèse et de biologie.
Le prurit provoque des lésions dermatologiques comme le prurigo, la lichénification, une hyperpigmentation localisée à la zone du prurit. Les maladies bulleuses, particulièrement la pemphigoïde, se présentent parfois avec un prurit isolé sans aucune lésion cutanée bulleuse.
*Médecine gériatrique, Hôpital Carémeau, CHRU de Nîmes
124
Figure 1 - Sillon interdigital typique chez un sujet de race noire. Notez le trajet sinueux et la fine desquamation.
Quelle démarche devant un prurit ? 1. Eliminer les causes générales de prurit
• Les maladies hématologiques (Vaquez, Hodgkin, mycosis fongoïde...) ; • l’insuffisance rénale ; • l’hypo- ou l’hyperthyroïdie ; • la carence en fer ; • la cholestase ; • le diabète. Le bilan minimum nécessaire comporte donc :
• numération formule sanguine, créatinine, TSH, ferritine, Gamma GT, phosphatases alcalines et glycémie ; • radiographie pulmonaire ; • échographie abdominale.
2. Réviser la liste des médicaments du patient
Certains médicaments sont connus pour être responsable de prurit, voire de maladie bulleuse, comme certains antidiabétiques (Gliptine), l’allopurinol, les sulfamides, les AINS… (Tab. 1).
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Le prurit et la personne âgée
3. Eliminer un prurit sénile
Les personnes âgées ont une sécheresse cutanée physiologique liée au vieillissement. Une des causes principales de prurit dans ce contexte est “l’excès d’hygiène”, avec utilisation de savon entraînant une dermite irritative sur cette peau fragile. Penser à regarder sur la table de la salle de bain les crèmes et savons utilisés ! Le prurit est diffus, sans localisation préférentielle (les zones-bastions de la gale comme les espaces interdigitaux ou les poignets sont peu concernées par le prurit sénile), et il est peu insomniant car d’intensité modérée.
4. Eliminer les prurits localisés • Au niveau des membres inférieurs L’insuffisance veineuse chronique et les bottes scléro-atrophiques post-phlébitiques entraînent des prurits intenses, volontiers eczématisés à la suite d’application intempestive de diverses préparations. • Au niveau du cuir chevelu Classiquement, la gale est absente, mais pas les poux ! Attention aussi aux dermites d’irritation des shampoings. • A un métamère Rechercher des cicatrices séquellaires d’un zona passé inaperçu. Parfois, après un accident vasculaire cérébral, certaines zones voient se développer un prurit féroce. • Au niveau du dos en regard de l’omoplate Penser à la notalgie paresthésique. • Au niveau des mains et des pieds Penser aux neuropathies axonales sensitives.
Tableau 1 - Médicaments responsables de prurit (liste non-exhaustive). Cause du prurit
Médicaments ou classes thérapeutiques
Cholestase
Sulfamides Antidépresseurs Céphalosporines
Pemphigoïde bulleuse, Lyell, Stevens Johnson
Gliptine (DPP4) AINS Antibiotiques…
Sécheresse cutanée
Diurétiques
Libérateurs d’histamines
Tous les dérivés de la codéine et de la morphine
Immuno-allergique
Inhibiteur d’enzyme de conversion Allopurinol Antiépileptiques Pénicillines et dérivés
5. Vérifier Les critères sémiologiques des lésions cutanées de la gale
• La répartition : la gale épargne théoriquement l’extrémité céphalique, touche plutôt les extrémités des mains, des avant-bras, mais elle est par contre surreprésentée au niveau du dos chez les personnes âgées grabataires. • Le prurit est nocturne. • Certaines formes profuses prennent un aspect pseudo-croûteux, pseudo-psoriasiforme, hyperkératosique. • Certaines formes peuvent être bulleuses. • Rechercher des nodules scabieux au niveau des parties génitales, des sillons interdigitaux, et des vésicules perlées...
6. Rechercher des sillons
Les sillons de la gale interdigitaux, lorsqu’ils sont observés, sont pathognomoniques. Vous ne les verrez pas à l’œil nu ! Il vous faut au minimum une loupe. L’idéal est bien entendu un dermatoscope. Certains sont portables et faciles d’utilisation. La dermoscopie est très “utilisateur ET expérience-dépendante”.
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Conclusion • Devant une forme commune de gale, le diagnostic probabiliste, après avoir éliminé les autres diagnostics par les étapes précédentes, est suffisant pour décider de la mise sous traitement et identifier précisément les sujetscontacts. Il n’y a donc pas lieu de mettre en place un traitement d’épreuve critiquable sans faire de démarche diagnostique incluant la recherche du cas index ayant pu transmettre la maladie (chaque EHPAD compte en permanence des résidents présentant un “prurit généralisé avec grattage” !). Le risque est alors de voir la dermatose récidiver et de voir s’installer une parasitophobie chez les soignants et des inquiétudes de “résistance” au traitement pour le prescripteur. • En cas de forme hyperkératosique, l’affirmation formelle du diagnostic par visualisation du sarcopte est requise avant traitement, car celui-ci devra alors être extensif, englobant tous les résidents et les personnels si le patient réside en institution. Vous devrez alors prendre contact avec une 125
Démarche diagnostique
équipe opérationnelle d’hygiène qui vous aidera à gérer si vous avez plusieurs patients atteints. • Les gales profuses doivent être prises en charge en milieu spécialisé (traitement général et local, émollient…). Une mise au point récente de novembre 2012 est disponible sur le site du Haut conseil de la Santé publique. Les modalités de transmission sont bien détaillées
et les propositions de traitement étayées par une analyse fouillée de la littérature. Le traitement par Stromectol® doit être répété dans les huit jours (pas avant sept jours et au plus tard au 14e jour) car il n’est pas actif sur les œufs. Le traitement par Ascabiol® est actuellement en rupture de stock et il n’est pas conseillé chez nos patients âgés présentant des insuffisances respiratoires et cardiaques de leur proposer du Spegal®.
Toute suspicion de gale nécessite donc une démarche logique, avec des étapes incontournables cliniques et biologiques qui, bien souvent, amènent à infirmer le diagnostic, permettant de ramener la sérénité dans les équipes. n
Mots-clés : Dermatologie, Prurit, Gale, Sillons, Diagnostic différentiel, Explorations, Traitement
petites annonces
Vous recherchez un médecin, ou un remplaçant pour compléter votre équipe médicale ? LE POLE DE GéRIATRIE DU CENTRE HOSPITALIER DE LANNION-TRESTEL RECHERCHE 1 MéDECIN TEMPS PLEIN (capacité de gériatrie ou formation en cours souhaitée) Candidature et CV à envoyer à : Monsieur le Directeur Centre Hospitalier BP 70348 - 22303 LANNION Tél. : 02 96 05 71 19 - Fax : 02 96 05 70 57 mail : sec-affairesmedicales@ch-lannion.fr Renseignements : Docteur COLIN (responsable de pôle) Tél. : 02 96 05 70 97 126
Contactez nos services pour une diffusion maximale de votre petite annonce
Votre contact : Claire Lesaint Tél. : 01 49 29 29 20 • Fax : 01 49 29 29 19 Mail : clesaint@expressions-sante.fr ou connectez-vous sur la rubrique “petites annonces“ de nos sites : geriatries.org
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
évaluer
Plaintes cognitives
© hohojirozame / Fotolia
Comment conduire l’entretien neurologique et l’examen de débrouillage ?
Nous vous proposons une série d’articles sur la conduite à tenir devant une plainte cognitive, rédigée par le Dr Catherine Thomas-Antérion (Lyon), Aurélie Richard-Mornas et Sandrine Basaglia-Pappas (Saint-Etienne), et Michèle Puel (Toulouse). Dans ce numéros de Repères en Gériatres, 1re PARTIE : • I ntroduction - L’évaluation de la cognition peut rendre de grands services… • Plainte de mémoire : comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? A paraître prochainement : • Plainte de langage : comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? • Plainte gestuelle ou visuelle, témoignant de difficultés d’intégration visuo-spatiale : comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? • Plainte exécutive et d’attention : Comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ?
*CM2R-Neurologie, CHU Nord, Saint-Etienne
évaluer
introduction
Plaintes cognitives L’évaluation de la cognition peut rendre de grands services... Dr Catherine Thomas-Antérion*, Aurélie Richard-Mornas**, Sandrine Basaglia-Pappas** et Michèle Puel***
S’
il est désormais admis et reconnu que le médecin est en première ligne pour recueillir des plaintes cognitives, celui-ci reste parfois démuni face à des plaintes isolées ou focalisées. D’une part, ces dernières années, l’accent a été mis sur l’examen neuropsychologique du sujet présentant une maladie d’Alzheimer, confondant malheureusement souvent l’examen neuropsychologique de base et un supposé examen “alzheimérologique”, là où d’ailleurs des questions de vie quotidienne sont souvent tout autant utiles. D’autre part, dans l’engouement tout récent pour les marqueurs biologiques et radiologiques, dont on oublie la plupart du temps qu’ils sont des critères de recherche et qu’ils ont un coût, on en vient à négliger la clinique. Il nous semble pourtant, ainsi qu’à quelques autres, qu’une consultation neurologique dans le domaine de la cognition bien organisée peut rendre encore de grands services, et ce de façon peu coûteuse, ce qui en ces temps de disette est utile à rappeler. Cette série d’articles se propose de reprendre le fil conducteur d’une consultation face à quatre situations de plaintes cognitives isolées :
* Neurologue, Lyon ; et EA3082, Laboratoire EMC, Université Lyon 2 **CM2R-Neurologie, CHU Nord, Saint-Etienne ***CM2R-Neurologie Midi-Pyrénées, CHU Purpan, Toulouse
128
• mémoire, • langage, • praxie ou gnosie, • fonctions exécutives et attention. Ces thèmes sont restreints au cadre des maladies neurodégénératives et à quelques diagnostics différentiels fréquents, notamment psychopathologiques. L’idée principale est que l’entretien est fondamental et remplace avantageusement tout ou une partie des tests, qui ne doivent être utilisés que si le praticien en a l’habitude. Les tests de débrouillage sont alors intégrés dans l’entretien, tout en rappelant que le médecin interroge, écoute et réalise un examen neurologique somatique moteur et sensitif, et tient compte des aptitudes sensorielles. La rigueur de l’entretien et de l’examen neuropsychologique tels que décrits ici s’applique à tous les champs de la neurologie. Enfin, ces articles ne donnent aucune recette, mais essayent de développer l’appétit de la neuropsychologie, appétit dont on dit qu’il vient en mangeant ! Il peut parfois faire référence à des épreuves-minute que le GRECO a contribué à diffuser (1, 2). n
Bibliographie 1. Hugonot-Diener L, Barbeau E, Michel BF, Thomas-Antérion C, Robert P. GREMOIRE : tests et échelles de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés. Marseille : Solal, 2008. 2. http://www.site-greco.org.
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
évaluer
1 Plainte de mémoire Comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? Catherine Thomas-Antérion, Aurélie Richard-Mornas, Sandrine Basaglia-Pappas et Michèle Puel
Ce qu’il faut rechercher
L’entretien doit prendre en compte si le sujet est venu seul ou accompagné en consultation, et s’il se plaint spontanément ou non. D’emblée, il faut écouter le discours pour repérer d’éventuels troubles du langage (voir l’article sur le langage p. 355), la perte du fil de la pensée, des incohérences, des réponses imprécises ou à côté, etc. Evidemment, si le sujet ne se plaint pas, l’orientation du diagnostic ne peut se construire qu’avec l’entourage. Ce temps de l’entretien est primordial. En outre, il permet d’avoir une idée de ce que le sujet pense de sa situation et son vécu de celle-ci. 1. En premier lieu (mais comme dans tout temps médical), on s’intéressera aux antécédents médicaux et à la situation psychique, somatique et sociale du moment. 2. Bien sûr, il faut faire décrire qualitativement la plainte de mémoire (Fig. 1) c’est-à-dire déterminer : • son ancienneté (récente ou non) ; • ses répercussions sur les activités de vie quotidienne (prise de notes, adaptation ou réduction de cellesci) ; • et si elle est isolée ou s’accompagne d’autres difficultés cognitives ou comportementales. 3. On s’intéressera toujours à comment le sujet pense qu’il fonctionnait antérieurement (« une excellente mémoire », « jamais été bon », « plus visuel que verbal »,
etc.). Il faut s’attacher à rechercher les situations dans la vraie vie qui l’ont conduit à consulter. 4. Enfin, l’entretien permet de confirmer que ce que le sujet appelle plainte de mémoire n’est pas : • une plainte de langage (« j’oublie les mots, les noms ») ; • une difficulté praxique ou gnosique (« je n’arrive plus à travailler, je suis maladroit, je ne sais plus faire les gestes, on dirait que je les ai oubliés », « je ne reconnais plus les gens ») ; • ou une plainte attentionnelle (voir ci-dessous). Il peut être utile de demander pourquoi il a jugé bon de venir : « parce que j’ai peur d’avoir la maladie d’Alzheimer » (à tort, car il est phobique, ou à raison).
COMMENT ?
Il convient d’écouter comment est formulée la plainte et déterminer les circonstances ou occasions dans lesquelles celle-ci se manifeste (encadré 1).
• Le sujet a-t-il des difficultés d’accès aux souvenirs anciens ? (mécanisme exécutif ) • Est-il aidé par des indices ? • Certains domaines sont-ils plus touchés ? • Les souvenirs biographiques ? Depuis toujours ou récemment ? • Les savoirs ? • Certaines modalités sontelles plus émoussées ? • Verbal ? • Visuel ? • Le sujet a-t-il des difficultés pour apprendre de nouveaux souvenirs ou consolider des informations dans le temps ? • Y a-t-il des productions positives ? Des fabulations ? Des fausses reconnaissances ?
QUAND ?
La survenue dans le temps est très importante à préciser. Bien sûr, il faut rechercher la plainte insidieuse et progressive (impossible
Ancienneté ? Récente ou non Ses répercussions sur les activités de vie quotidienne (AVQ) Prise de notes, adaptation ou réduction des AVQ
PLAINTE Isolée ? Ou s’accompagne d’autres difficultés cognitives ou comportementales ?
Figure 1 - L’évaluation de la plainte de mémoire dans son contexte.
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
129
évaluer
à dater), mais il faut également penser aux difficultés fluctuantes et inopinées, et ce en premier lieu dans deux cadres : 1. la difficulté conjointe (dans le temps) de “trous” dans la biographie, de difficultés d’orientation spatiale et d’oublis aigus et transitoires qui peuvent passer inaperçus et doivent faire penser à une amnésie hippocampique de nature épileptique (encadré 2) ; 2. et les “trous de mémoire” survenant dans le contexte d’une anxiété. Tout changement récent doit faire rechercher : • des modifications psychiques (préoccupations entraînant une baisse des ressources attentionnelles, anxiété, dépression, etc.) ; • des modifications somatiques (les pièges classiques sont les insuffisances respiratoires et cardiaques, le syndrome d’apnées du sommeil, les endocrinopathies, la iatrogénie, etc.).
Encadré 1 Exemple de formulations (et questions à poser) • « J’oublie les mots, mais je les ai dans la tête, les noms des gens. » • Penser qu’il peut s’agir d’une plainte qui ne touche que le langage. • « Je ne sais plus me servir de… » • Faire préciser, pour distinguer un oubli des consignes ou un trouble praxique. • « J’oublie tout. » • Encourager à donner des exemples. • « J’oublie les choses à faire : je commence quelque chose et je ne sais plus où j’en suis. » « J’oublie des RV. » • Perte de la planification de l’action ou oubli, notamment de l’objectif en cours ? • « J’oublie ce qu’on me dit, je fais répéter, mes proches me disent que je fais répéter, j’oublie les choses d’une fois sur l’autre (réunions, rencontres, etc.), je n’enregistre pas, j’efface, je n’imprime pas… » « J’ai totalement oublié un événement X. » « J’ai des trous dans ma biographie. » • Récent ou non ? • « Je ne reconnais pas les gens (célébrités, proches non familiers, familiers). » « J’oublie un itinéraire (ou j’ai un doute cognitif et peur de me perdre) : je me suis perdu, je ne le voyais plus dans ma tête. » • Faire préciser si c’est un endroit connu ou non, d’éventuels changements routiers ou forestiers récents, l’état d’esprit dans lequel le sujet était à ce moment-là, et les circonstances du déplacement.
Encadré 2 Une femme de 63 ans, ayant fait des études supérieures mais n’ayant pas exercé de profession, consulte car elle a présenté une difficulté mnésique aiguë très angoissante. Une amie a évoqué avec elle un de ses 7 petits-enfants, et elle ne voyait plus pendant quelques minutes de qui il s’agissait. La plainte est insolite chez cette femme qui a une vie active et n’a pas modifié récemment ses activités. Elle n’a aucun contexte somatique ou psychique notable. Elle évoque des soucis familiaux auxquels elle semble très bien faire face. Nous retrouvons un épisode confusionnel survenu 3 ans auparavant considéré comme un ictus amnésique : en WE avec des amies, elle a eu « un blanc » de deux heures. Celles-ci l’ont aidée à se coucher sans qu’elle n’en ait le moindre souvenir. Aucun bilan n’a a été pratiqué. En poursuivant l’interrogatoire, la patiente évoque des épisodes dont elle n’a pas parlé spontanément (ne fai-
130
sant pas de lien avec la circonstance qui l’a inquiétée et poussée à consulter). Elle a pu parfois se retrouver face à un interlocuteur sans savoir ce qu’elle était en train de faire, notamment à la messe qu’elle fréquente tous les jours, au moment de communier, elle s’est surprise disant « bonjour » de façon inappropriée au prêtre. Son mari est alors interrogé et raconte des épisodes fugaces de “décrochage” de quelques secondes sans aucun signe d’accompagnement pendant qu’ils discutent, mis sur le compte de l’esprit lunatique de son épouse. Les tests neuropsychologiques classiques sont à la limite de la norme (les épreuves de consolidation en mémoire réalisées à 1 heure et 24 heures étant classiquement les plus rentables). Le bilan paraclinique permettra d’affirmer l’existence de crises convulsives complexes temporales dont l’ancienneté sera impossible à chiffrer. La prise d’un traitement antiépileptique fera disparaître toute la symptomatologie. A trois ans, la patiente n’a plus aucune difficulté.
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Plaintes cognitives
Pas d’autres difficultés cognitives, Pas de situation somatique ou psychique notable Pas de répercussion majeure sur les AVQ MCIa ou MAPD POSSIBLE
Autres difficultés ? Aphasie, apraxie, agnosie, troubles du jugement, fonctions exécutives (FE), comportement (apathie et repli), modifications des AVQ MA POSSIBLE (l’ampleur des difficultés définit le stade léger, modéré, moyen ou sévère)
Oubli récent et répété d’évènements, insidieux et progressif Difficultés "minimes" dans d’autres domaines (langage, FE) sans modification majeure AVQ MDIa ou MAPD POSSIBLE
Autres difficultés ? Aphasie (non fluente), FE, comportement (apathie/désinhibition), éléments frontaux, modifications des AVQ (et désintérêt, indifférence) DFTc avec amnésie hippocampique POSSIBLE ou VCI (Vascular Cognitive Impaiment) ou séquelles vasculaires (classiquement l’entretien, les antécédents, l’examen clinique puis l’imagerie confirment le diagnostic)
Figure 2 - Plaintes de mémoire : que rechercher ?
On voit en quoi l’examen médical est fondamental, notamment dans le cadre des troubles cognitifs légers où, vraisemblablement, beaucoup de ceux-ci sont en lien avec des difficultés anciennes se décompensant avec l’âge (dys). Les sujets consultent « pour des troubles de mémoire » puisque le trouble instrumental se répercute sur leur fonctionnement mnésique (encodage et apprentissage) (voir chapitre langage en p. 355), avec des troubles psychiques sous-évalués ou des pathologies somatiques (et iatrogéniques) négligées. Certes, deux situations peuvent être associées (forme prodromale d’une maladie neurodégénérative et facteur associé), mais il nous semble raisonnable de s’occuper en priorité de ces derniers.
QUOI ?
L’oubli des évènements récents, notamment familiaux, la nécessité de faire répéter, le recours à des stratégies pour compenser, d’abord efficaces puis dépassées, l’oubli de RV, de choses à faire, et
la difficulté de récupérer des informations anciennes font d’emblée penser à une amnésie hippocampique qui, si elle est insidieuse et progressive, oriente vers une pathologie neurodégénérative. Il faut alors, après avoir éliminé des explications à ces troubles, rechercher si la difficulté est isolée ou s’associe à d’autres difficultés. Et ce cliniquement, avant même de réaliser des tests de première ligne (Fig. 2).
Les difficultés anciennes
Les difficultés anciennes dans le domaine de la mémoire sont fréquemment alléguées par les sujets et doivent être recherchées. Les trois situations les plus fréquentes sont les suivantes : 1. trouble dys qui se répercute sur certains apprentissages mnésiques ; 2. modalité mnésique plus efficace qu’une autre - sans que celle-ci soit déficitaire - (capacité auditivoverbale qui permet de se rappeler des dialogues, image mentale qui permet de revoir une scène, etc.) ; 3. la pauvreté des souvenirs bio-
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
graphiques anciens qui s’observe davantage chez les sujets anxieux, mais pas seulement, et n’est pas en soi inquiétante, mais souvent perturbante pour les sujets qui, confrontés à leurs proches, ont souvent le sentiment de ne pas avoir de souvenirs propres.
Le bilan de débrouillage
Le bilan de débrouillage doit comprendre : • un test global ; • et classiquement le MMS qui permet d’objectiver l’amnésie (épreuve des 3 mots et rappel de la date du jour) ; • qui peut être enrichi d’un rappel différé en fin de consultation, visant à confirmer un trouble de l’apprentissage (si un deuxième essai est satisfaisant) ou de la consolidation (si le rappel à long terme est déficitaire) ; ce simple test permet déjà de repérer d’éventuelles autres difficultés. Concernant la mémoire, le temps et la qualité de l’entretien sont souvent primordiaux par rap131
évaluer
port aux tests de première ligne. Nous pouvons toutefois suggérer des règles de base qui sont adaptées à chaque situation : même en première ligne, l’entretien conditionne le choix des outils et aucun bilan ne peut être standardisé. Le neurologue doit choisir d’évaluer la mémoire à court terme et à long terme : mémoire verbale dans sa composante sérielle ou logique (récit d’une histoire) et mémoire visuelle. L’empan de chiffres endroit et envers peut être aussi utilisé comme une tâche interférente. La mémoire verbale immédiate et différée est facilement et rapidement évaluée, en distinguant l’encodage (l’attention), l’apprentissage et la restitution avec le test des 5 mots, qui a un effet plafond mais qui reste un bon test de débrouillage, le fait de pondérer le score des rappels libres améliorant sa sensibilité (1, 2). Le MIS (dont il existe 2 formes parallèles), test utilisant 4 mots sans contrôle de l’encodage, est une alternative à connaître (3). Dans certains cas, tester la mémoire d’une histoire (par exemple le Lion de Barbizet) peut être intéressante, notamment chez les sujets anxieux (4). Deux tests de mémoire épisodique verbale avec support imagé, le TMA-93 (mémoire associative) et le TNI-93 (test des 9 images) qui explore aussi les fonctions exécutives (double encodage verbal et spatial, stratégie de rappel des localisations spatiales), développés pour les sujets peu éduqués, seront peut-être utiles à cette étape, mais ne sont pas encore validés (5). Enfin, il est sûrement très payant de demander à un sujet d’identifier quelques célébrités avec, par exemple, les visages et questions de la batterie TOP 10 concernant José Bové, Ben Laden et Sheila (6). 132
Le B.A.BA du débrouillage en première ligne… après l’entretien • MMS • Récit spontané : caractéristiques des oublis et présentation clinique • Evocation des événements de l’actualité de la semaine (ou du mois) • Rappel des 3 mots du MMS et rappel de la date du jour • Test des 5 mots (rappel libre et indicé en immédiat et différé) ou MIS • Visages célèbres (extrait TOP 10) • Empan de chiffres • Histoire du lion de Barbizet • Et toutes les épreuves nécessaires à la recherche d’une atteinte d’autres fonctions cognitives
Le principal diagnostic différentiel : la plainte attentionnelle
La situation la plus fréquente est celle du sujet qui dit oublier la mémoire et évoque d’emblée des troubles de l’attention qui peuvent entraîner des difficultés d’encodage et/ou de récupération, mais doivent être distingués de l’amnésie. Il faut rechercher le fait : • d’avoir du mal à faire deux choses à la fois ; • d’être sensible aux interférences ; • de ne pas inhiber des comportements routiniers ; • de persévérer ; • de perdre la trame de ce qu’on était en train de faire ; • de se sentir lent, etc. La première cause de ces difficultés est d’ordre psychique et s’observe dans de nombreuses situations psychocognitives, et notamment l’anxiété avec vérification et attaque de panique, les sujets aggravant leur gêne en notant beaucoup trop et en développant des cercles vicieux de vérification (et d’oubli). Leur demander comment ils s’y prennent avec ces difficultés fait souvent le diagnostic. Ces difficultés peuvent témoigner de troubles des FE survenant dans le cadre d’une patholo-
gie neurologique ; l’entretien doit alors rechercher une bradypsychie sans souffrance morale (présence en cas de troubles anxiodépressifs), une iatrogénie, la prise de toxiques, des éléments pouvant évoquer un accident vasculaire cérébral avec séquelles, un syndrome extrapyramidal ou des éléments faisant évoquer une démence avec corps de Lewy. En dehors de ces diagnostics (après un examen clinique et une imagerie cérébrale), le diagnostic de MCI avec troubles isolés des FE peut être évoqué. n
Mots-clés : Cognition, Plainte cognitive, Mémoire, Démence, Amnésie, Anxiété, Test de mémoire
Bibliographie 1. Dubois B, Touchon J, Portet F et al. “Les 5 mots”, épreuve simple et sensible pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Presse Med 2002 ; 31(36) : 1696-9. 2. Croisile B, Astier JL, Beaumont C, Mollion H. Le test des 5 mots chez des patients de plus de 80 ans ayant une forme légère de la maladie d’Alzheimer : intérêt du score total pondéré. La Revue de Gériatrie 2008 ; 33 : 195-204. 3. De Rotrou J, Battal-merlet L, Wenisch E et al. Relevance of 10-min delayed recall in dementia screening. Eur J Neurol 2002 ; 14 : 144-9. 4. Barbizet J, Truscelli D. L’histoire du Lion. Semaine des Hôpitaux 1965 ; 28 : 1688-94. 5. Dessi F, Maillet D, Metivet E et al. Evaluation des capacités de mémoire épisodique de sujets âgés illettrés. Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement 2009 ; 7 : 291-6. 6. Thomas-Antérion C, Puel M. La mémoire collective. Marseille : Solal, 2206.
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Congrès - Symposia
Le Congrès du sommeil Les relations entre sommeil et rythmes circadiens n Pour la 5e fois, les experts du sommeil se sont réunis lors de ce congrès, à Bordeaux, du 22 au 24 novembre 2012. Les multiples aspects de la pathologie du sommeil ont été abordés : rapport du sommeil avec l’obésité et l’hypoventilation, syndrome d’apnées du sommeil, somnambulisme, rythme veille-sommeil, retentissement cardiovasculaire de la privation de sommeil, insomnie de l’enfant, risques liés à la somnolence, etc. Il est impossible de rapporter de manière exhaustive les conclusions des différents travaux présentés. Il nous est apparu que la session consacrée aux relations entre le sommeil, les rythmes circadiens et les éventuels risques métaboliques constituait un excellent thème de réflexion, tant sur le plan théorique que pratique, car susceptible de déboucher sur des implications thérapeutiques directes.
L
es mécanismes du sommeil sont particulièrement complexes, et dépendent de nombreux facteurs endogènes ou exogènes susceptibles d’en modifier la qualité. Il s’agit d’un véritable phénomène de société : on estime qu’un tiers des Français dort mal ou pas assez. Lorsque l’on connaît le retentissement du manque de sommeil sur les activités quotidiennes des, mieux connaître les facteurs qui entraînent l’insomnie et les moyens de la corriger est essentiel.
Rythmicité circadienne et métabolisme chez l’animal D’après la communication de E. Challet (Strasbourg)
Les rythmes circadiens ont été étudiés chez la souris, dont l’alternance veille-sommeil se fait sur un rythme inverse de celui de l’homme (repos diurne, activité nocturne). La prise alimentaire, le métabolisme énergétique,
l’activité respiratoire sont conditionnés au niveau des noyaux supra-chiasmatiques, siège de l’horloge principale, qui commande les cycles veille-sommeil et les rythmes hormonaux. De ces noyaux dépend également le phénomène de jet-lag, qui correspond à une désynchronisation fonction du cycle lumière-obscurité. D’autres horloges de synchronisation existent, dont dépendent par exemple les rythmes des repas. Leur dérégulation peut entraîner d’importantes perturbations : chez le rat par métaboliques exemple, un état de jet-lag chronique est susceptible d’induire une obésité.
Conséquences métaboliques des troubles du sommeil Les apnées du sommeil D’après la communication de P. Levy (Grenoble)
Depuis une vingtaine d’années, le surpoids et l’obésité sont en
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
constante augmentation. Ce phénomène induit des conséquences métaboliques caractérisées par une augmentation des triglycérides, de la pression artérielle, une diminution du HDL-cholestérol et des anomalies du métabolisme glucidique. Par ailleurs, l’hypoxie intermittente est responsable de troubles du métabolisme des lipides et d’une majoration de l’athérosclérose. De même, le syndrome d’apnées du sommeil favorise le développement d’un diabète de type 2 (Fig. 1) et induit des modifications métaboliques importantes, en particulier il majore le risque d’obésité. Si celle-ci est importante ou est associée à d’autres facteurs métaboliques, l’efficacité du traitement devient aléatoire. On estime que le tissu adipeux joue alors un rôle néfaste, en activant l’inflammation, en majorant les anomalies métaboliques et en favorisant le remodelage vasculaire [1]. De ce fait, l’organisation du traitement par pression positive continue (PPC), en tenant compte de l’âge, des comorbidités, de la 133
Congrès - Symposia
sévérité du syndrome d’apnées constitue un élément essentiel de réussite [2].
manque de sommeil couplé à une désorganisation circadienne D’après la communication de R. Leproult (Bruxelles)
Un protocole d’étude basé sur la dette de sommeil expérimentale a mis en évidence les conséquences métaboliques et cardiovasculaires d’une détérioration du rythme circadien. Lorsque celle-ci survient, l’efficacité du sommeil est diminuée de 17 % [3]. Une trop courte durée de sommeil dans la vie courante entraîne une augmentation du risque de diabète en raison d’une moindre sensibilité à l’insuline. Si le rythme circadien se détériore, ces troubles sont majorés. Ce peut être le cas pour les personnels soumis au travail posté.
sommeil de durée ou de qualité insuffisante D’après la communication de K. Spiegel (Lyon)
Le manque de sommeil est de plus en plus courant dans nos sociétés modernes, soit par restriction volontaire, soit par vieillissement des populations. L’augmentation de la prévalence de l’insomnie touche 10 à 15 % des adultes. Par ailleurs, la prévalence du syndrome d’apnées du sommeil croit parallèlement à celle de l’obésité (17 % de la population adulte). Entre 18 et 55 ans, la moyenne de sommeil est de 6 h 58. 33 % des individus dorment moins de 6 h, 63 % de 7 à 8 h et 4 % plus de 9 h ; et les enfants ne sont pas épargnés : 2/3 des enfants âgés de 3 à 5 ans et 3/4 des enfants et adolescents âgés de 5 à 19 ans souffrent d’un manque chronique de sommeil [4-7]. Par ailleurs, il a été constaté qu’un sommeil court est facteur de risque d’obésité. Il 134
Obésité viscérale Troubles respiratoires nocturnes
Résistance à l’insuline
Diabète
Risque cardiovasculaire
Figure 1 - Troubles respiratoires et risques métaboliques : une interaction complexe. D’après P. Levy.
existe une vraisemblable interaction entre sommeil insuffisant, diabète et obésité : aux USA, par exemple, les zones de prévalence de ces diverses affections se recoupent étroitement [8, 9].
Quelle place pour la mélatonine ?
Sur le même sujet s’est tenu un symposium organisé par le Laboratoire Biocodex. En introduction, le Pr Damien Léger (Paris) a rappelé l’importance de la population souffrant d’insomnie en France. On estime que celle-ci touche environ 20 % des Français, conduisant 10 % d’entre eux à prendre régulièrement des tranquillisants ou des hypnotiques. Ces traitements n’ont rien d’anodin et sont responsables, à plus ou moins long terme, d’effets indésirables. D’où l’intérêt des médicaments à base de mélatonine qui, au lieu d’imposer aux patients un sommeil artificiel, traitent l’insomnie en agissant sur la régulation des rythmes circadiens.
Horloge biologique, mélatonine et rythmes circadiens [10-14] D’après la communication de B. Claustrat (Lyon-Bron)
L’horloge centrale commandant les rythmes circadiens se situe
dans l’hypothalamus, au niveau des noyaux supra-chiasmatiques. Ces rythmes sont ajustés sur une période de 24 heures par l’alternance jour-nuit. Ils traduisent des variations physiologiques de différents paramètres comme la température, le cycle veille/sommeil ou la sécrétion de cortisol. Sur ce rythme de base, peuvent survenir des modifications en liaison avec l’intervention de synchroniseurs dépendants de la vie courante (rythme professionnel, environnement, horaire des repas...). Enfin, les rythmes biologiques sont sous la dépendance de facteurs génétiques, pouvant induire le syndrome d’avance ou de retard de phase. Produite par la glande pinéale, la mélatonine est une hormone essentiellement secrétée pendant la nuit, avec un pic vers 3 ou 4 heures du matin (Fig. 2). Elle est très dépendante de la lumière artificielle, qui peut en supprimer ou en décaler la production. Les récepteurs à la mélatonine sont distribués dans différents tissus, en particulier le système nerveux central. La sécrétion de mélatonine amplifie la baisse nocturne de la température centrale et contribue à la somnolence ; elle conditionne ainsi une véritable ouverture de la “porte du sommeil” et régule le cycle veille-sommeil
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
Congrès du sommeil
par inhibition des systèmes d’éveil La mélatonine à libération immédiate, si elle est efficace pour le traitement des dysrythmies (jetlag) semble moins performante pour la prise en charge de l’insomnie. La mise au point d’une forme à libération prolongée permet une bonne compensation de sa demivie courte et une meilleure régulation du sommeil (Fig. 3). Ceci est encore plus vrai chez le patient de plus de 55 ans, chez lequel, en raison de la calcification de la glande pinéale, la sécrétion de mélatonine décroît de façon drastique : les synchroniseurs sont alors moins bien perçus, conduisant à des rythmes plus estompés, une désynchronisation interne et une tendance à l’avance de phase. (Fig. 2).
D’après la communication de P. Lemoine (Lyon-Meyzieu)
Contrairement à l’insomnie subjective, l’insomnie objective se traduit par une somnolence diurne, des troubles de concentration et de mémorisation. Elle peut être primaire ou secondaire, transitoire, intermittente ou chronique. Des éléments exogènes (café, nicotine, alcool, drogues, certains médicaments) ou liés à l’environnement (bruit, température, insécurité, inconfort, lumière…) peuvent la motiver ou l’entretenir. Par ailleurs, de nombreuses pathologies organiques ou psychiques peuvent en être la cause. Dans ce domaine, les apnées du sommeil représentent une étiologie particulière. La prévalence de l’insomnie est de 30 à 45 % chez les adultes et environ 50 % chez les personnes âgées. Environ 65 % des hypnotiques sont prescrits à des patients de plus de 55 ans (2/3 de femmes). L’insomnie a des répercussions directes, comme la baisse de la vigilance et de la qualité de vie. Les traitements traditionnels
Propension du sommeil
Temps de sommeil
Mélatonine
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24 1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Temps (h)
Figure 2 - La relation de phase entre différents rythmes favorise l’endormissement et le maintien du sommeil [13]. 60 Concentration de mélatonine (% de AUC)
prise en charge de l’Insomnie
Température du corps
50 40 30 20 10
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Temps (h) Mélatonine LI Mélatonine LP
Figure 3 - Cinétique de la mélatonine à libération immédiate et LP [16]. La mélatonine LI atteint immédiatement son pic plasmatique avant d’être rapidement métabolisée [16].
se contentent d’induire le sommeil grâce à une anesthésie légère et aggravent la transition du sommeil à l’éveil. Un “bon traitement” devrait considérer l’ensemble du nycthémère, de manière à améliorer la qualité de vie dans sa globalité. Une mauvaise qualité s’avère bien pire qu’une quantité insuffisante de sommeil, car elle est corrélée à des comorbidités sévères : fatigue, dépression, anxiété, hypertension, diabète, maladies de système. L’horloge biologique conditionne les cycles veille-sommeil. La sécrétion de la mélatonine endogène
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
par la glande pinéale, lors de la diminution de l’intensité lumineuse donne le signal de l’endormissement à l’organisme. Les difficultés d’endormissement, les réveils nocturnes, les réveils précoces, liés à l’âge s’expliquent notamment par la diminution de production de mélatonine. La mélatonine à libération immédiate n’est pas adaptée à la prise en charge de l’insomnie en raison de sa demi-vie trop courte ; l’idée de développer une forme de mélatonine à libération prolongée s’est donc progressivement imposée (Fig. 3). Ainsi est mis 135
à disposition du corps médical Circadin® 2 mg (Biocodex), mélatonine à libération prolongée, qui permet de pallier la diminution de production de mélatonine endogène [15, 16] et, prise 2 heures avant le coucher, améliore significativement la qualité du sommeil, la vigilance matinale [17] et la qualité de vie des patients. Il reste efficace à long terme [18, 19] (Fig. 4), ne provoque pas d’accoutumance, d’effet amnésiant ou d’augmentation du risque de chute, et présente un taux d’effets secondaires comparable au placebo. n Dr Michel Bodin
Latence d’endormissement (min)
Congrès - Symposia
Amélioration de la latence d’endormissement (agenda)
80
Mélatonine LP Placebo
75 70
*
65 60 55
**
50
***
*
45
* p < 0,05 ** p < 0,01 *** p < 0,001
40 0
5
10 15 20 25 Traitement en double aveugle (semaines)
30
35
Effet moyen du traitement (95%CI) : -8,0 (-12,4 -3,7). p < 0,001.
Figure 4 - Efficacité de la mélatonine LP à 6 mois [19].
Mots-clés : Troubles du sommeil, Apnées du sommeil, Troubles métaboliques, Insomnie, Rythmes circadiens, Mélatonine
Bibliographie 1. Drager L et al. Obstructive sleep apnea and dyslipidemia : implications for atherosclerosis Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes 2010 ; 17 : 161-5. 2. Harsch IA et al. Continuous positive airway pressure treatment rapidly improves insulin sensitivity in patients with obstructive sleep apnea syndrome. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 :156-62. 3. Scheer FA et al. Adverse metabolic and cardiovascular consequences of circadian misalignment. Proc Natl Acad Sci USA 2009 ; 106 : 4453-8. 4. Mantz J et al. [Sleep in 6 year-old children: survey in school environment].Arch Pediatr. 1995 ; 2 : 215-20. 5. Mantz J et al. [The characteristics of sleep-wake rhythm in adolescents aged 15-20 years. A survey made at school during ten consecutive days]. Arch Pediatr 2000 ; 7 : 256-62. 6. Patois E et al. [Prevalence of sleep and wakefulness disorders in high school students at the Academy of Lyon]. Rev Epidemiol Sante Publique 1993 ; 41 : 383-8. 7. Institut National du Sommeil et de la Vigilance. La somnolence en France. 2004 8. Institut National du Sommeil et de la Vigilance. Sommeil et rythme de vie. Janvier 2009. 9. Chaput JP et al. Longer sleep duration associates with lower adiposity gain in adult short sleepers. Int J Obes (Lond) 2012 ; 36 :752-6. 10. Claustrat B et al. Melatonin, from the hormone to the drug? Restorative
136
Neurology and Neuroscience1998 ; 12 : 151-7 11. Claustrat B et al. The basic physiology and pathophysiology of melatonin. Sleep Medicine Reviews 2005 ; 9 : 11-24. 12. Claustrat B. Mélatonine et troubles du rythme veille-sommeil. Médecine du Sommeil 2009 ; 6 : 12-24. 13. Lack LC et al. The relationship between insomnia and body temperatures. Sleep Med Rev 2008 ; 12 : 307-17. 14. Lavie P. Melatonin: role in gating nocturnal rise in sleep propensity. J Biol Rhythms 1997 ; 12 : 657-65 15. Arendt J et al. Immunoassay of 6-hydroxymelatonin sulfate in human plasma and urine. J Clin Endocrin Metab 1985 ; 60 : 1166-73. 16. EPAR. Assessment report for Circadin. Procedure No.EMEA/H/C/695,200. 17. Lemoine P et al. Prolonged-release melatonin improves sleep quality and morning alertness in insomnia patients aged 55 years and older and has no withdrawal effects. J Sleep Res 2007 ; 16 : 372-80. 18. Wade AG al. Nightly treatment of primary insomnia with prolonged release melatonin for 6 months : a randomized placebo controlled trial on age and endogenous melatonin as predictors of efficacy and safety. BMC Medicine 2010 ; 8 :1-20. 19. Wade AG et al. Prolonged release melatonin in the treatment of primary insomnia : evaluation of the age cut-off for short- and long-term response. Curr Med Res Opin 2011 ; 27 : 87-98.
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
rendez-vous de l’industrie
Douleur
Change Pain® : changer l’approche de la douleur cronique
64%
des patients considèrent leur douleur comme non contrôlée malgré la prise de traitements antalgiques. Il est donc indispensable de faire changer les pratiques pour optimiser la prise en charge des patients douloureux chroniques. C’est dans ce but que le laboratoire Grünenthal lance le Programme Change Pain®, qui repose sur trois piliers : “Optimiser la communication médecin-patient”, “Améliorer la gestion de la balance bénéfices/risques des traitements antalgiques”, “Intégrer les mécanismes physiopathologiques dans l’approche thérapeutique”. Ce programme est décliné sous forme réunions professionnelles (plus de 500 organisées en ville et à l’hôpital dans toute la France), d’outils innovants utiles pour la pratique quotidienne, comme l’échelle de douleur Change Pain® ou le cercle Change Pain® permettant d’évaluer les attentes des patients (il combine le niveau de soulagement souhaité et les effets indésirables acceptables), ainsi qu’un site internet dédié aux professionnels de santé www.change-pain.fr - proposant des séquences de formation interactives, vidéos d’experts, applications iPhone, informations pratiques sur les outils, mais également de nombreux autres services. Ce programme a été mis en place avec un comité scientifique constitués du Pr Alain Eschalier (CHU de Clermont-Ferrand), du Dr Gérard Mick (Hôpital neurologique, Bron), du Pr Serge Perrot (Hôtel Dieu-Cochin, Paris), du Dr Philippe Poulain (Polyclinique de l’Ormeau, Tarbes) et du Pr Alain Serrie (Hôpital Lariboisière, Paris). Le laboratoire Grünenthal commercialie Zaldiar® et Ixprim® (paracétamol, tramadol), Versatis® (compresse de lidocaïne), Contramal® et Monotramal® (tramadol), Naprosyne® (naproxène), Lindilane® (paracétamol, codéine) et Euflexxa® (acide hyaluronique). n
Douleur
Nouveautés pour l’oxycodone
O
xycontin® LP (oxycodone, antalgique agoniste opioïde pur du laboratoire Mundipharma) est désormais disponible sous forme de comprimés pelliculés à libération prolongée dosés à 15, 30 et 60 mg. Ces présentations s’ajoutent aux dosages existants (5 mg, 10 mg, 20 mg, 40 mg, 80 mg et 120 mg). Par ailleurs, la HAS a émis un avis favorable pour le remboursement des spécialités contenant de l’oxycodone (Oxycontin®, Oxynorm®, Oxynormoro®) dans les douleurs neuropathiques, ainsi que dans les douleurs sévères d’origine cancéreuse et les douleurs aiguës sévères. La HAS indique que, dans les douleurs neuropathiques chroniques, les médicaments de première intention sont certains antidépresseurs, tricycliques
Repères en Gériatrie • Juin-Juillet 2013 • vol. 15 • numéro 127
ou IRS (duloxétine), ou certains antiépileptiques utilisés en monothérapie et le cas échéant en association ; les opioïdes forts ne doivent être proposés qu’après échec des autres traitements disponibles, en s’entourant des précautions d’emploi usuelles de l’utilisation des morphiniques au long cours (ce sont donc des médicaments de deuxième intention). Comme tout stupéfiant, l’oxycodone expose à un risque de dépendance à prendre en compte dans le cadre de son utilisation au long cours. n
Démences
Amyvid®, marqueur de la plaque amyloïde
C
yclopharma annonce la signature d’un contrat avec le Laboratoire Eli Lilly pour la fabrication d’Amyvid® (florbetapir) en France. Approuvé par l’agence européenne en janvier, Amyvid® doit être utilisé en complément de l’évaluation clinique. Un résultat négatif indique une densité très faible à nulle de plaques amyloïdes, ce qui est incompatible avec un diagnostic neuropathologique de MA au moment de l’examen. Une TEP positive témoigne de la présence à des degrés divers de plaques amyloïdes ce qui est cohérent avec un diagnostic neuropathologique de MA ; mais un Amyvid® positif ne signe pas forcément un diagnostic de MA ni d’un autre trouble cognitif. Les images obtenues ne doivent être interprétées que par des médecins nucléaires formés dans l’interprétation des images TEP avec le (18F)florbetapir. n
Parkinson
Ipsen met en place des partenariats de recherche
I
psen a signé avec la société Oncodesign et le Laboratoire de Neurobiologie et Thérapie Génique de l’Université Catholique de Louvain (groupe expert étudiant les rôles de LRRK2 et de l’alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson) un accord de partenariat de recherche pour le développement de nouveaux agents thérapeutiques contre la cible LRRK2 sur un n panel de modèles pharmacologiques de la MP.
Logiciels
Une aide à la prescription en ligne
W
EDA commercialise un logiciel d’aide à la prescription interfacé à la base de médicaments VIDAL Expert, certifié par le référentiel HAS. Il offre les fonctionnalités indispensables pour une gestion rapide, sécurisée et efficace des prescriptions, telles qu’elles sont définies par la HAS (exhaustivité, neutralité, complétude, exactitude et fraîcheur de l’information sur le médicament). n
137