Écho des congrès
Retour sur les JASFGG 2013 Les 33e Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (JASFGG) se sont tenues le 8, 9 et 10 octobre 2013 à La Défense à Paris, dont voici un compte rendu. Dans le numéro précédent, ont été résumées les sessions sur l’infectiologie et sur les biomarqueurs. À venir : la session "quoi de neuf en gériatrie ?".
3 Pathologies cardio-vasculaires
Maxime Courtial*
Prise en charge de la fibrillation auriculaire en EHPAD : le propos de deux études D’après les interventions du Dr Oarda Bahri (Rouen) et du Dr Sophie Cocchiello (Paris)
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a FA est une affection fréquente, touchant en particulier les personnes âgées, puisqu’on estime que deux patients sur trois porteurs d’une FA sont âgés de plus de 75 ans. Il s’agit donc d’un véritable enjeu de santé publique. Étant donné le risque important de complications thromboemboliques et notamment d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques, un traitement anticoagulant est justifié, d’autant plus chez les personnes âgées. Par ailleurs, une étude récente a montré que la FA est un facteur de risque indépendant de mortalité globale. Néanmoins, son utilisation est délicate dans la population gériatrique polypathologique et reste bien souvent dépendante de l’expérience et du vécu de chaque praticien.
la prescription des anticoagulants Une étude, menée sur 1 085 patients dans 104 EHPAD de l’interrégion Nord-Ouest, a tenté de mettre en évidence les critères décisionnels conduisant le praticien à une abstention thérapeutique ou à une non-anticoagulation. *Médecine gériatrique, Hôpital Carémeau, CHRU de Nîmes
Elle se base sur de premiers résultats parus en 2012, sur la même population, montrant que 50 % des patients en FA ne bénéficiaient pas d’un traitement par anticoagulants alors que l’indication était posée. Les médecins prescripteurs étaient invités à classer par ordre décroissant les raisons de non-prescription. Les facteurs cités par les prescripteurs en faveur d’une nonanticoagulation sont les chutes (ou antécédents de chutes), l’existence d’un syndrome démentiel, le grand âge et l’existence d’une FA paroxystique. En revanche, ils ne citent pas le risque hémorragique (évalué notamment par le score HAS-BLED). De même, une étude, menée sur 891 patients dans 82 EHPAD au niveau national, avait comme objectif de rechercher la prévalence du traitement anticoagulant en cas de FA chez des patients institutionnalisés en EHPAD, ainsi que les déterminants de sa prescription. Là aussi, les résultats montraient que seulement 50 % des patients en FA bénéficiaient d’un traitement par anticoagulants (contre 15 % sous antiagrégants plaquettaires), bien que tous avaient une indication de traitement (CHA2DS2-VASc ≥ 2). Un poids élevé, un antécédent d’embolie périphérique et un score
Repères en Gériatrie •Janvier 2014 • vol. 16 • numéro 130
de CHA2DS2-VASc élevé étaient des déterminants de la prescription d’anticoagulants. Inversement, les anticoagulants sont moins prescrits si le patient est très âgé ou s’il existe un antécédent hémorragique. Il est intéressant de noter que le Previscan® est l’anticoagulant le plus utilisé (65 %), devant la Coumadine® (19 %) et le Sintrom® (7 %).
Conclusion Ces études mettent en évidence deux éléments : • Il existe une sous-prescription des traitements anticoagulants chez les patients âgés, institutionnalisés en EHPAD, bien que leurs bénéfices dans la prévention des évènements thrombo-emboliques, notamment les AVC, soient clairement établis (niveau de preuve A), et que leurs indications soient validées dans les recommandations de l’European Society of Cardiology dans la prise en charge de la FA. • Le grand âge, le risque de chute et les antécédents hémorragiques semblent être des déterminants de la non-prescription de ces traiten ments.
Mots-clés : Fibrillation auriculaire, Traitement anticoagulant
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Écho des congrès
évaluation d’un programme d’éducation thérapeutique sur les AVK chez les personnes âgées, bilan après quatre ans d’existence D’après une intervention du Dr Nadine Thiriat (Paris)
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es patients âgés traités par AVK sont plus à risque de présenter des effets indésirables, potentiellement graves, du fait d’un équilibre de leur traitement plus difficile à atteindre et à maintenir, compte tenu de la polymédicamentation et de leurs comorbidités. Les AVK représentent la première cause d’hospitalisation pour iatrogénie chez les personnes âgées. Sur cette base a été mis en place, en 2008, un programme d’éducation thérapeutique à l’Hôpital CharlesFoix (Ivry-sur-Seine), destiné aux patients de plus de 75 ans sous AVK. Les patients inclus dans l’étude à la demande d’un médecin, après avoir rempli un questionnaire d’évaluation, bénéficiaient d’une séance d’éducation réalisée
par une Infirmière diplômée d’État (IDE), dans les suites d’une consultation gériatrique spécialisée. Une évaluation initiale réalisée par une IDE estimait la connaissance des patients quant à différents objectifs thérapeutiques : connaître le nom et l’indication de l’AVK, l’INR cible, avoir et utiliser un carnet de surveillance des INR. Une évaluation à distance était réalisée par une IDE un mois plus tard. Au total, 143 patients ont ainsi été inclus dans ce programme, seulement 70 ont pu être interrogés à distance. Fin 2010, l’intervention initiale de l’IDE, par diaporama, a été remplacée par une intervention conjointe médecin-IDE par méta-plan, les questionnaires ont également été modifiés au fil du temps.
Les résultats montrent une amélioration certaine du savoir des patients sur différents objectifs thérapeutiques, particulièrement sur la connaissance de l’INR cible, des signes hémorragiques et des situations ou traitements pouvant déséquilibrer le traitement. Bien que de nombreuses améliorations soient encore possibles, tant sur le plan du questionnaire que de l’adaptation à un plus large panel, les résultats sont encourageants. Le but est de généraliser ces programmes d’éducation thérapeutique, notamment sur les nouveaux anticoagulants oraux. n
Mots-clés : Antivitamine K, Iatrogénie, Éducation thérapeutique
Mesure du QTc chez des résidents en EHPAD/USLD traités par antipsychotiques D’après une intervention du Dr Denise Strubel (Nîmes)
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es antipsychotiques sont fréquemment utilisés chez les personnes âgées, souvent au long cours. Ils sont cependant associés à une augmentation du risque d’AVC, et de la mortalité cardio-vasculaire, notamment par torsades de pointe. L’objectif principal de cette étude était de déterminer la prévalence de l’allongement du QTc chez les résidents en EHPAD/USLD traités par antipsychotiques au long cours, ainsi qu’une éventuelle corrélation avec l’âge, le sexe, la pathologie pour laquelle le traitement avait été instauré et la mortalité à un an. Le principal problème résidait dans l’absence de normes établies
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pour le QTc ; les normes françaises étaient < 440 ms, et les normes de Framingham < 460 ms pour les femmes et < 450 ms pour les hommes. L’étude montre un allongement du QTc chez 27,3 % des patients selon les normes françaises. Cet allongement était corrélé de façon significative avec l’âge et la prise de traitement anxiolytique, mais indépendant du sexe, de la fonction rénale et du nombre de psychotropes associés. De plus, on ne retrouve pas d’augmentation de la mortalité à un an. Cette étude ne permet pas de conclure formellement à l’allongement du QTc chez les patients traités par antipsychotiques au
long cours du fait de ses limites en termes de nombre de patients inclus, de l’absence de données selon la classe d’antipsychotiques, de leur posologie et de la durée du traitement, ainsi que la non-prise en compte de la classe d’antipsychotiques. Néanmoins, le nombre important de patients traités par antipsychotiques au long cours, ainsi que les effets indésirables graves rapportés dans la littérature, doivent nous pousser à réaliser de plus grandes études et à réduire, dans la mesure du possible, les prescriptions d’antipsychotiques. n
Mots-clés : Antipsychotiques, QTc
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JASFGG 2013
Mesure de la pression artérielle chez des patients âgés présentant des troubles cognitifs : étude de la concordance entre la mesure par un aidant vs la mesure ambulatoire de la pression artérielle D’après une intervention du Dr Matthieu Plichart (Paris)
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Hypertension artérielle (HTA) est une pathologie très fréquente chez le sujet âgé. La réduction de la Pression artérielle (PA) diminue l’incidence des événements cardiovasculaires, l’insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux et le risque de démence jusqu’à l’âge de 80 ans. Toutefois, les traitements antihypertenseurs présentent des effets indésirables, parfois graves chez les patients âgés, notamment l’hypotension orthostatique et une insuffisance rénale. Il est donc important de ne pas méconnaître
une HTA chez un patient âgé, tout en prenant garde à ne pas introduire inutilement de traitement potentiellement iatrogène. Ainsi, la mesure de la pression artérielle au domicile par automesure ou mesure ambulatoire sur 24 heures (MAPA) est recommandée pour le diagnostic d’HTA. Cependant, ces techniques peuvent être difficiles à mettre en œuvre chez des patients âgés présentant des troubles cognitifs. L’étude présentée avait donc pour objectif d’évaluer la concordance entre la MAPA et la prise de la PA
à domicile par un aidant, chez des patients de plus de 75 ans, vivant à domicile et présentant dans le même temps une HTA et une démence. Les résultats montrent une bonne concordance entre ces deux méthodes de mesure et permettent de conclure que la prise de la PA par un aidant serait une excellente alternative à la MAPA chez ce genre de patients. n
Mots-clés : Hypertension artérielle, Mesure de la pression artérielle
Prévalence et déterminants de l’hypotension orthostatique chez 4 335 patients âgés, hypertendus, suivis en médecine générale D’après l’intervention du Dr Jean-Sébastien Vidal (Paris)
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hypotension orthostatique est très fréquente chez les patients âgés. Sa prévalence augmente avec l’âge pour atteindre 30 % des patients de plus de 75 ans. Elle est d’autant plus fréquente que les patients sont institutionnalisés, polypathologiques et, surtout, hypertendus. Parmi les causes, le traitement antihypertenseur est souvent retrouvé et peut être un facteur limitant du
bon contrôle tensionnel dans cette population. L’étude SÉRÉNITÉ avait pour objectif d’évaluer la prévalence et les facteurs associés à l’hypotension orthostatique chez des patients âgés de plus de 75 ans suivis en médecine générale. Les résultats confirment l’importante prévalence de cette pathologie (9,2 %). Un traitement par α-bloquants ou β-bloquants, un
mauvais contrôle tensionnel et la prise simultanée d’au moins deux traitements antihypertenseurs étaient des facteurs de risque d’hypotension orthostatique. De plus, les patients présentant une hypotension orthostatique, étaient plus à risque de chutes et d’insuffisance rénale (évaluée sur la clairance de la créatinine). n
Mots-clés : Hypotension orthostatique
Relation entre structure aortique et rigidité artérielle chez le sujet âgé, intérêt du TEP-scanner D’après une intervention du Dr Laure Joly (Nancy)
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e vieillissement vasculaire s’accompagne de remodelage progressif des parois
artérielles des gros vaisseaux cardiaques. Les effets du vieillissement et de l’hypertension sont
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associés à des niveaux plus élevés de rigidité artérielle et d’inflammation sans que leurs rôles res7
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pectifs ne soient précisés. L’objectif de cette étude était de déterminer la relation entre le niveau d’inflammation de l’aorte thoracique et la rigidité artérielle chez des patients hypertendus et non hypertendus âgés. La vitesse d’onde du pouls est un puissant marqueur cardiovasculaire, corrélée à l’inflammation locale, et sert de marqueur de la rigidité aortique. Elle était mesurée par tonométrie d’aplanation. La rigidité artérielle systémique était me-
surée par Imagerie par résonance magnétique (IRM). Enfin, l’inflammation de l’aorte thoracique était mesurée par un TEP-scanner, complété par le dosage de biomarqueurs de l’inflammation (protéine C réactive, IL-6). Les résultats montrent que, chez les personnes âgées, la rigidité artérielle régionale est influencée par les calcifications ainsi que l’inflammation locale, mesurée par TEPscanner au niveau de l’aorte thora-
cique ascendante. De plus, au même âge, les patients hypertendus ont une rigidité artérielle majorée, plus de calcifications et une inflammation plus importante que les patients non hypertendus. Enfin, les biomarqueurs systémiques de l’inflammation n’ont pas de corrélation avec l’inflammation de l’aorte thoracique mesurée par TEP-scanner. n
Mots-clés : Rigidité artérielle, TEP-scanner
Le bénéfice de la pratique d’activité physique chez le senior : revue de la littérature et résultats d’une expérience innovante D’après une intervention du Pr Thomas Vogel (Strasbourg)
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a sédentarité représente un problème de santé publique dans les pays développés, qui concerne tout particulièrement les seniors. Pour autant, les bénéfices pour la santé de la pratique d’une activité physique régulière ne sont plus à démontrer. Une revue de la littérature, basée sur une recherche PUBMED, excluant les études transversales de type cas témoin, confirme les bénéfices d’une activité physique sur la mortalité, la prévention de l’intolérance aux hydrates de carbone, l’optimisation du bilan lipidique, la diminution des chiffres tensionnels, la réduction des AVC et des syndromes coronariens. Plus novateurs sont les
bénéfices sur la cognition, avec une possible réduction des cas incidents de maladie d’Alzheimer ainsi qu’en oncologie, tant en prévention primaire qu’en prévention secondaire. La seconde partie de cette étude visait à évaluer les effets du Programme d’entraînement personnalisé sur cycle (PEP’C), mis en place à la consultation de l’aptitude physique pour la santé (CAPS), sur les paramètres cardio-vasculaires et d’endurance, la vitesse d’onde de pouls et les troubles de la relaxation du ventricule gauche. Les paramètres cardio-vasculaires étaient la consommation maximale d’oxygène et la puissance maximale théorique, l’endurance était évaluée sur
le premier seuil ventilatoire. Le PEP’C consistait en 18 séances de 30 minutes, deux fois par semaine, sur cycle, de puissance et d’intensité adaptées aux capacités de chaque patient. En tout, 150 patients ont été inclus : des “jeunes seniors” et des “seniors âgés”. Les résultats montrent un effet significatif du PEP’C sur les capacités aérobiques de seniors, qui semble améliorer les effets du vieillissement physiologique sur la paroi artérielle et celle du ventrin cule gauche.
Mots-clés : Sédentarité, Activité physique, PEP’C
Facteurs prédictifs de la mortalité après implantation d’une valve aortique (TAVI) pour rétrécissement aortique calcifié (RAC) D’après une intervention du Dr Nawel Ben Aïcha (Rouen)
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e RAC est une pathologie potentiellement grave. Le profil des personnes âgées polypathologiques et fragiles est une contre-indication à une inter-
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vention chirurgicale à cœur ouvert, habituellement proposée dans cette pathologie. La TAVI est une alternative acceptable chez des patients non éligibles à une chirur-
gie et a prouvé une amélioration du stade NYHA à six mois. Néanmoins, le taux de mortalité dans les 30 jours suivant la TAVI est estimé à 10 % ; la complication
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