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LE POINT SUR

2 Chirurgie de l’obésité de

la personne de plus de 65 ans Le point de vue du gériatre

n Rechercher une perte de poids peut être, chez le sujet âgé obèse, un moyen de prévenir l’entrée dans la dépendance. L’évaluation gérontologique va permettre de repérer les sujets qui vont bénéficier de cet amaigrissement. Les résultats de la chirurgie de l’obésité après 60 ans sont très supérieurs à ceux obtenus après restriction calorique, à la fois sur la perte de poids et la régression des comorbidités. Le risque apparaît acceptable au regard des bénéfices attendus. Toutefois, il est indispensable de préciser les bénéfices de la chirurgie de l’obésité chez le sujet de plus de 65 ans en se basant sur des indicateurs spécifiquement gériatriques (autonomie, performances fonctionnelles). Il est également souhaitable de disposer de données relatives au devenir à long terme des sujets opérés, devenir fonctionnel mais également cognitif.

*Gérontopôle, Centre hospitalier universitaire de Toulouse

Hétérogénéité de la population âgée La population âgée constitue un groupe très hétérogène d’un point de vue chronologique mais également physiologique. L’âge chronologique définit la personne âgée mais avec des seuils variables selon les points de vue : • plus de 60 ans pour l’OMS et pour les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) relatives à la chirurgie de l’obésité ; • plus de 65 ans pour la plupart des études scientifiques ; • au-delà de 75 ans pour les sociétés gériatriques. Une personne âgée peut donc avoir 60 ans, ou être centenaire… Pour le gériatre, un patient âgé est naturellement très âgé, très dépendant et polypathologique, son risque nutritionnel majeur est la dénutrition. Ce constat est en ac-

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L’

obésité est une pathologie fréquente chez le sujet âgé : elle concerne plus de 18 % des sujets de plus de 65 ans (15 % chez l’adulte). Les comorbidités associées à l’excès de poids (diabète, hypertension artérielle, troubles respiratoires, arthrose, incontinence…) sont également plus fréquentes après 65 ans (1). L’obésité constitue par ailleurs, chez le sujet âgé, un facteur de risque majeur de dépendance, de perte d’autonomie et ce d’autant plus que l’excès de masse grasse s’associe à une sarcopénie (perte de masse et de fonction musculaires) (2). Dans l’absolu, le sujet âgé obèse devrait donc être pris en charge et une perte de poids recherchée.

Dr Anne Ghisolfi*

cord avec les recommandations de la HAS relatives à la prise en charge de l’obésité de la personne âgée (3). Pourtant, la majorité des personnes de plus de 65 ans vivent à domicile, même si un certain nombre d’entre elles sont fragiles et à risque d’entrée dans la dépendance. Ce risque peut être diminué par la mise en place de 41


LE POINT SUR

programmes de prévention ciblés, par exemple pratique d’une activité physique chez le sujet sédentaire. Le concept de fragilité rend toute sa force à la prévention de la dépendance chez le sujet âgé ; la prise en charge de l’obésité, facteur de fragilité, n’apparaît plus comme un contresens en gériatrie.

Pourquoi ne pas traiter tous les sujets âgés obèses ? L’hétérogénéité de la population âgée est également de mise pour la population âgée en excès de poids. Un sujet âgé obèse peut être “simplement obèse” et très semblable à un sujet jeune ; ou être sarcopénique, à haut risque de perte d’autonomie (2) ; ou bien dénutri ; ou enfin polypathologique, atteint de maladie d’Alzheimer à un stade sévère et d’insuffisance cardiaque. L’évaluation gérontologique explore les différents domaines de la santé du sujet âgé : nutritionnel, mais aussi physique, social, cognitif et permet de préciser l’état de santé du sujet. Elle aide à définir pour chacun un projet thérapeutique adapté : • traitement de la dénutrition chez le sujet dénutri ; • alimentation-plaisir non restrictive chez le sujet atteint de maladie d’Alzheimer à un stade sévère ; • objectif de gain de masse musculaire pour le patient sarcopénique ; • perte de poids chez le sujet obèse “simple”. Les relations entre obésité et mortalité du sujet âgé restent toutefois un facteur limitant de la prise en charge de l’obésité en gériatrie. L’excès de poids apparaît un facteur de protection en présence d’une pathologie hypercatabolisante et la perte de poids au cours d’une maladie semble être un facteur in42

dépendant de surmortalité. Après 70 ans, un IMC compris entre 30 et 35 est ainsi associé à la mortalité la plus faible. Au-delà, elle augmente cependant pour rejoindre le risque des IMC bas. (4). Il existe peu de données étudiant les conséquences en termes de mortalité de la perte de poids intentionnelle. Les durées de suivi sont courtes, et les sujets le plus souvent jeunes (moins de 70 ans). Il semblerait cependant que l’amaigrissement volontaire ne soit pas associé à une surmortalité (5).

Restriction calorique chez le sujet âgé obèse Deux méta-analyses récentes ont montré que la restriction calorique permet, chez le sujet âgé, d’obtenir une perte de poids moyenne de 3 kg, modeste donc, mais statistiquement significative. L’amaigrissement obtenu s’accompagne de bénéfice en termes de diabète de type 2, d’insuffisance coronarienne et d’arthrose. Le risque le plus important est la perte de masse musculaire et osseuse induite par la restriction calorique. Associée à un programme d’exercice physique en endurance et/ou avec renforcement musculaire, la perte de poids obtenue permet une amélioration des performances fonctionnelles et épargne la masse musculaire (6-7). L’association d’un programme d’activité physique à la restriction calorique doit donc être systématiquement proposée. Le risque de fracture du col du fémur après amaigrissement volontaire reste cependant élevé (8). La chirurgie de l’obésité permet,

chez l’adulte jeune, d’obtenir une perte de poids et une réduction des comorbidités et de la mortalité très supérieures à la restriction énergétique. Chez le sujet de plus de 60 ans, elle est autorisée en France depuis 2009 mais non recommandée. L’indication doit être portée au cas par cas après évaluation du rapport bénéfice/risque (9).

Bénéfice de la chirurgie bariatrique chez le sujet âgé Les données scientifiques disponibles chez le sujet âgé sont relativement abondantes, même si le nombre de sujets de plus de 65 ans est parfois restreint et l’âge des sujets peu avancé. L’analyse des données issues du registre de la Société française et francophone de Chirurgie de l’Obésité (SFFCO) montre, en accord avec la littérature (1, 10), une perte de poids moyenne après chirurgie significativement moindre chez le sujet âgé comparativement à l’adulte jeune. Après un an, la perte de poids moyenne du sujet âgé opéré est de 20 % avec la technique de l’anneau gastrique, 25 % après gastrectomie longitudinale et 30 % après bypass gastrique (Fig. 1). Ces résultats restent toutefois très largement supérieurs à ceux obtenus chez le sujet âgé après restriction calorique, la perte de poids étant dans ce cas limitée à 2 à 3 %. L’amaigrissement semble se maintenir dans le temps (au-delà de cinq ans), même si le nombre de patients perdus de vue et au final la faiblesse de l’échantillon diminuent la force de ces résultats. Aucune étude n’est à notre connaissance disponible à plus long terme chez le sujet âgé, qui permettrait de

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SUjet âgé et diabète

préciser leur aptitude à maintenir à un âge plus avancé la modification des habitudes alimentaires et donc la perte de poids.

A : Âge < 40 ans 40 Perte de poids (%) 10 20 30

0

Comme il en est du poids, la diminution des comorbidités et de la consommation médicamenteuse apparaît moindre chez le sujet âgé comparativement au sujet jeune mais reste cliniquement très significative.

0

Perte de poids (%) 10 20 30

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B : Âge 40-59 ans

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3

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3

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C : Âge ≥ 60 ans

Il n’existe pas à notre connaissance de travaux évaluant l’impact de la chirurgie sur des indicateurs spécifiquement gériatriques tels que l’autonomie, les performances physiques et le risque d’entrée dans la dépendance. Or, les bénéfices attendus peuvent être sensiblement différents dans les deux groupes d’âge. L’espérance de vie est au moins, d’un point de vue théorique, beaucoup plus limitée chez le sujet âgé par comparaison à l’adulte jeune ; la prévention du risque cardiovasculaire n’a pas la même puissance chez le sujet âgé. Par ailleurs, le maintien de l’autonomie et la pré-

AG : anneau gastrique BGRY : by-pass gastrique, Roux-en-Y SG : sleeve gastrectomie

0

Ces résultats très séduisants et superposables (même si à un moindre degré) aux données disponibles chez le sujet jeune doivent cependant être nuancés. Les données disponibles concernent de très jeunes sujets âgés, le plus souvent entre 60 et 70 ans. Les durées de suivi restent courtes, moins de deux ans en moyenne. Les indicateurs choisis pour juger du bénéfice du traitement chirurgical sont ceux de l’adulte jeune : impact sur les comorbidités, diminution du nombre de médicaments et amélioration de la qualité de vie.

AGB RYGB SG

Perte de poids (%) 10 20 30

La qualité de vie des sujets âgés opérés semble de la même manière améliorée dans tous les domaines.

0

3

6 mois

9

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Figure 1 - Perte de poids après chirurgie en fonction de l’âge (données issues du registre de la SOFFCO).

vention du risque d’entrée dans la dépendance, permettant de maintenir une trajectoire de vieillissement réussi (puisque les sujets ont été retenus comme pouvant bénéficier de la chirurgie), sont des indicateurs gériatriques de première importance. L’intérêt d’une perte de poids importante chez le sujet âgé doit donc également être évalué sur ces paramètres, par le suivi des performances physiques, de la force musculaire, de la vitesse de marche et des échelles d’autonomie validées.

Risque de la chirurgie de l’obésité chez le sujet âgé Les données les plus anciennes retrouvaient une surmortalité et des complications de la chirurgie plus marquées chez les sujets âgés, et ont été à l’origine des

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recommandations de la HAS en 2009. Ainsi, une étude rétrospective de patients opérés entre 1997 et 2002 aux États-Unis retrouve une mortalité des plus de 65 ans à trente jours de 4,8 % versus 1,7 % chez les moins de 65 ans, à quatre-vingt-dix jours de 6,9 % versus 2,3 % et à un an de 11,1 % versus 3,9 %. Cette même étude a montré que la surmortalité liée à l’âge est limitée par un volume d’actes chirurgicaux pratiqués élevé (11). Cette différence péjorative s’atténue dans les travaux récents, au moins pour la mortalité à court terme : une étude multicentrique incluant plus de 48 000 patients recrutés entre 2005 et 2009 dans les centres experts américains ne retrouve pas chez le sujet âgé de surmortalité statistiquement significative à trente jours postopératoires ; le risque de complication postchirurgicale n’apparaît pas 43


LE POINT SUR

plus élevé chez le patient âgé. En revanche, la durée d’hospitalisation après la chirurgie est prolongée après 65 ans (12). Les données françaises issues du registre de la SOFFCO montrent qu’à un an de suivi après by-pass, les complications chirurgicales (perforations intestinales, occlusion, abcès…) sont significativement plus fréquentes chez le sujet de plus de 60 ans : 12,3 % versus 3,8 % chez l’adulte jeune ; p = 0,03. Les mêmes résultats sont retrouvés pour les complications médicales (thromboses veineuses, infection, dénutrition…) : 7 % versus 0,8 % ; p = 0,01. L’augmentation du nombre de complications en fonction de l’âge n’est pas retrouvée avec les deux autres techniques chirurgicales (gastrectomie longitudinale et anneau gastrique) de manière statistiquement significative (Fig. 2). Le risque apparaît donc plus important chez le sujet âgé, sujet porteur de comorbidités plus lourdes. Ce risque est toutefois diminué dans les centres pratiquant un fort volume d’interventions et apparaît lié à la technique opératoire (risque plus élevé après by-pass). Il peut sembler donc, au moins à court et à moyen terme, être acceptable en regard des bénéfices jugés sur la réduction des comorbidités et de l’amélioration de la qualité de vie. Cependant, les conséquences à long terme chez le sujet âgé ne sont pas à notre connaissance prises en considération. La chirurgie va modifier la prise alimentaire, entraînant en l’absence même de pathologie un risque de défaut de couverture des besoins nutritionnels en acides aminés et micronutriments, cruciaux chez le sujet âgé. Ses effets viennent s’ajouter aux conséquences nutritionnelles 44

Figure 2 - Complications après chirurgie en fonction de l’âge (données issues du registre de la SOFFCO).

du vieillissement : modification de l’appétit, des phénomènes de satiété. Les conséquences du vieillissement, peu perceptibles chez le “jeune” sujet âgé candidat à la chirurgie vont s’accentuer au fur et à mesure de l’avance en âge. Les conséquences à long terme, après dix ans, restent inconnues. Un déficit chronique est susceptible d’avoir des conséquences sur l’état de santé, le fonctionnement cérébral, les performances physiques et est un facteur de fragilité reconnu (13). L’amaigrissement recherché est responsable d’une perte de masse musculaire inévitable, même si limitée par un programme d’activité physique adapté. La perte de muscle peut aggraver la sarcopénie caractéristique du sujet âgé et le risque d’entrée dans la dépendance (2). Enfin, les pathologies majorant les besoins nutritionnels (maladies hypercatabolisantes, cancers) ou modifiant le comportement alimentaire (maladie d’Alzheimer) sont fréquentes chez le sujet âgé et leur prévalence augmente avec l’âge. Le patient opéré ne pourra, du fait de la chirurgie, répondre à la majoration des besoins protéinoénergétiques requis et le risque de dénutrition sera majeur, associé à des difficultés importantes de prise en charge de la dénutrition.

Conclusion Le rapport bénéfice-risque de la chirurgie de l’obésité apparaît favorable chez le sujet âgé éligible après évaluation gérontologique. Cependant, les indicateurs d’efficacité et/ou de risque sont ceux de l’adulte jeune et ne prennent pas en compte les spécificités gériatriques. Des études complémentaires utilisant des indicateurs d’autonomie et de performances fonctionnelles sont indispensables afin de préciser le bénéfice de la chirurgie après 60 ans. Parallèlement, des travaux de suivi à long terme, évaluant les sujets après 70-75 ans, permettraient de préciser les interactions potentiellement délétères des conséquences du vieillissement, des pathologies hypercatabolisantes plus fréquentes et de la chirurgie bariatrique sur la couverture des besoins nutritionnels, le fonctionnement d’organes tels que le cerveau ou le muscle. n

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Mots-clés : Obésité, Chirurgie, Sujet âgé

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