Profession
Coup d’œil sur un service de gériatrie Interview du Pr Pascal Couturier du CHU de Grenoble n
La région grenobloise, comptant environ 500 000 habitants, est le siège d'un service de
gériatrie original. Le Pr Pascal Couturier, coordinateur de ce service de gériatrie répond à nos questions.
Repères en Gériatrie : Quels sont les effectifs du service de gériatrie du CHU de Grenoble ? Pr Pascal Couturier : Notre service compte 381 lits, avec 46 en médecine aiguë, 90 en soins de suite et de réadaptation (dont certains réservés à l’unité cognitivo comportementale), 165 lits d’unité de soins de longue durée avec une partie en unité d’hébergement renforcé (UHR), 80 lits en EHPAD dont 15 en unité psychogériatrique. Les admissions se font à 60 % via les urgences, les autres admissions étant directes (lignes directes, consultations, hôpital de jour). La durée de séjour moyenne est de 10 jours pour les unités de médecine de court séjour sur le plateau technique et de 13 jours pour les secteurs pavillonnaires. L’originalité de notre filière est d’avoir des unités mixtes de court séjour et soins de suite, dont l’une est sur le plateau technique et travaille en collaboration étroite avec la cardiologie. Cela permet de prendre en charge des patients en soins de suite médicalisés sur le plateau technique, patients qui trouveraient plus difficilement leur place dans les soins de suite et réadaptation gériatrique éloignés du plateau technique, car trop fragiles et instables.
R.G. : Votre service fait-il partie d’un pôle indépendant ? P.C. : Non, le service fait partie d’un pôle pluridisciplinaire de médecine et gérontologie clinique : tous les maillons de la filière gériatrique (consultations, hôpital de jour, équipes mobiles intra et extra, court séjour, soins de suite et UCC, soins de longue durée et UHR, EHPAD) sont regroupés au sein d’une même clinique, intégrée dans un pôle comprenant la médecine légale, la médecine interne, la médecine vasculaire et la dermatologie. Il est possible que la filière gériatrique évolue vers un pôle indépendant, mais je ne suis pas sûr que ce soit bénéfique tant qu’elle ne recevra pas un traitement équivalent aux autres disciplines en termes de moyens et de ressources. En faisant le choix de se rapprocher du plateau technique et des autres disciplines, la filière peut bénéficier d’une structure porteuse pour les projets de gériatrie, qui concernent l’ensemble de l’institution. C’est pour cela qu’une partie des moyens (notamment du secteur ambulatoire et de l’aiguë) se situent sur plateau technique avec l’ensemble des autres disciplines, et qu’une autre partie est en proximité, dans des secteurs pavillonnaires.
Notre équipe comprend 2 PUPH, 1 assistant chef de clinique, 8 PH dont 3 attachés et 5 assistants ainsi que 7 internes. Nous manquons d’une couverture de praticiens hospitaliers, notamment pour le secteur ambulatoire, que nous arrivons à compenser partiellement grâce à des postes d’assistants et de praticiens attachés. Mais la situation devrait évoluer.
R.G. : Y a-t-il un réseau gériatrique et gérontologique à Grenoble ? P.C. : Il n’y a pas de réseau gériatrique stricto sensu, pour des raisons historiques : à Grenoble, la gérontologie s’est beaucoup développée au sein des soins de ville, grâce aux CCAS et à l’action sociale, et les rela-
56
Repères en Gériatrie • Mars 2014 • vol. 16 • numéro 132
Coup d’Œil sur un service de gériatrie
tions hôpital-ville n’utilisent pas de structure intermédiaire en dehors d’une organisation dénommée “interfilière gériatrique et gérontologique”. Depuis 2009, en région Rhône-Alpes, l’Agence régionale de santé a mis en place des interfilières dont l’objectif est de rapprocher le sanitaire du médico-social. Au sein de l’interfilière gériatrique et gérontologique, il existe une filière gériatrique de référence portée par le CHU de Grenoble et trois filières gériatriques de proximité centrées autour d’une clinique privée, d’une clinique PSPH et d’un hôpital général. Tout cela s’articule avec les services portés par le Conseil général (notamment le dispositif MAIA), les structures de soins à domicile (Soins infirmiers à domicile) et les EHPAD. Ainsi, la filière gériatrique hospitalière a signé une convention avec 36 EHPAD de manière à favoriser les échanges pour l’hospitalisation directe, pour le recours à l’intervention des équipes mobiles extra-hospitalières et pour le développement des actions de formation et de la télémédecine.
R.G. : Quelles actions menez-vous, avec votre équipe, pour diffuser la culture gériatrique ? P.C. : La culture gériatrique est ancienne sur le bassin de Grenoble, grâce à Robert Hugonnot, qui a été l’un des premiers à développer les maisons d’accueil pour personnes âgées dépendantes (les MAPAD), l’hospitalisation à domicile, les centres de jour communautaires et les centres d’évaluation gérontologique. Mais la diffusion de la culture sur le versant gériatrique s’est faite principalement depuis 1997, avec la création de l’unité mobile de gérontologie qui a permis d’intervenir dans les différents secteurs de spécialités médicales, puis, à partir de 2003, de manière systématique vers les secteurs des urgences. Et, depuis 2012, elles interviennent à domicile et en EHPAD au titre du recours pour les situations complexes. Les échanges directs au sujet des patients entre les différentes spécialités, puis la venue sur le plateau technique de la gériatrie (avec notamment le secteur d’hôpital de jour) ont progressivement permis l’intégration de la discipline gériatrique dans l’établissement et son développement. Les axes qu’il reste à mettre en place portent sur l’activité post urgence de gériatrie avec des unités de médecine aiguë de court séjour pour les urgences, des unités de médecine de court séjour classiques, le développement d’une filière de prise en charge des démences au stade des troubles psychocomporRepères en Gériatrie • Mars 2014 • vol. 16 • numéro 132
tementaux (avec à la fois des équipes mobiles, des UCC et des UHR) et bientôt des unités d’oncogériatrie et d’orthogériatrie intégrées dans les services de chirurgie, soit en court séjour, soit en soins de suite.
R.G. : Comment voyez-vous l’avenir de la gériatrie française à 10 ans dans les CHU ? P.C. : Compte tenu du vieillissement de la population, des polypathologies et des situations d’incapacité fonctionnelle, et en dépit de l’amélioration possible de l’espérance de vie sans incapacité, je pense que les hôpitaux prendront en charge davantage de patients plus âgés et plus fragiles. Le virage ambulatoire souhaité par les tutelles et les instances hospitalières ne pourra concerner toutes les populations, notamment celles des patients âgés. Il est donc probable que la population des personnes âgées sera vieillissante au sein des unités d’hospitalisation complète et que le modèle gériatrique des acute care for elder (unités aiguës pour les sujets âgés) continuera de se développer. Il reste nécessaire de mettre en place des structures d’accueil de type hôpitaux de jour, y compris pour les sujets âgés polypathologiques, de manière à pouvoir faire des bilans difficiles à organiser en ambulatoire. Par ailleurs, cela garantit que les sujets âgés ne feront pas les frais d’une mauvaise accessibilité au plateau technique et permettra sans doute d’assurer un vrai soutien à domicile et dans les EHPAD. Dans le même registre, compte tenu des projets de type PAERPA, les coordinations territoriales d’appui ne sauraient être sans le recours aux dispositifs mobiles rattachés à la structure hospitalière, de manière à permettre la meilleure orientation des patients au sein de la filière gériatrique pour les populations justifiant une évaluation ou des soins techniques. n Propos recueillis par Cécile Pinault
Mots-clés : Service de gériatrie, CHU de Grenoble, Fonctionnement, Réseau, Pôle, Culture Gériatrique
57