Repères en L A
R E V U E
D I D A C T I Q U E
E N
M É D E C I N E
G É R I A T R I Q U E
L’ESSENTIEL SUR…
LES CANCERS CUTANÉS EN GÉRIATRIE Dr Johanna Clerc-Lions et Pr François Aubin
Mieux les reconnaître pour mieux les soigner Les cancers cutanés ont une incidence qui ne cesse d’augmenter. La population âgée y est particulièrement exposée. Plus le diagnostic est précoce, meilleures sont les chances de survie. Voici une revue des différents types de cancers cutanés et de leur prise en charge thérapeutique.
MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE
EVALUATION DES PLAINTES COGNITIVES
Quelle prise en charge chez le sujet âgé ?
Evaluer la plainte gestuelle ou visuelle Evaluer la plainte exécutive et d’attention
Pr Christine Perret-Guillaume
Dossier coordonné par le Dr Catherine Thomas-Antérion
RETOUR SUR LES JASFGG 2013 Infectiologie et sujet âgé • Les biomarqueurs utiles en urgence Pr Benoît de Wazières, Dr Thibaut Fraisse, Hélène Le Petitcorps et Pr Jacques Boddaert
Novembre-Décembre Septembre 20122013 • Volume • Volume 14 • n° 15120 • n°•129 8 E• 9 E
Repères en L A
R E V U E
D I D A C T I Q U E
E N
M É D E C I N E
G É R I A T R I Q U E
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Cécile Pinault • Secrétaire de rédaction : Fanny Lentz • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette et illustrations : Erica Denzler, Rémi Andrieux • Chefs de publicité : Emmanuelle Annasse, Catherine Patary-Colsenet, Philippe Fuzellier • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne
SOMMAIRE Novembre-Décembre 2013 • Vol. 15 • N° 129
www.geriatries.org
n COMPRENDRE Maladie veineuse thromboembolique : quelle prise en charge chez le sujet âgé ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 162
Pr Christine Perret-Guillaume (Nancy)
Rédacteur en chef : Pr Benoît de Wazières (Nîmes) COMITÉ DE LECTURE Pr Marc Bonnefoy (Lyon), Pr Philippe Chassagne (Rouen), Pr Thierry Constans (Tours), Dr Patrick Friocourt (Blois), Dr Gaëtan Gavazzi (Grenoble), Dr Yves Kagan (Paris)
n ÉVALUER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PLAINTES COGNITIVES
Comment conduire l’entretien neurologique et l’examen de débrouillage ?
COMITÉ DE RÉDACTION Dr Marie-Agnès Artaz (Paris), Dr Boris Bienvenu (Paris), Dr Jean-François Coudreuse (La Rochelle), Dr Olivier Crémieux (Paris), Dr Olivier Dalco (Marseille), Dr Matthieu Debray (Grenoble), Dr Nicolas Duret-Robert (Paris), Dr Nathalie Faucher (Paris), Dr Ariane Floriot (Poissy), Dr Adeline Gouronnec (Ivry S/Seine), Dr Sandrine Greffard (Paris), Dr Sylvie Haulon (Paris), Dr Elodie Heriche (Créteil), Frédérique Lacour (Paris), Dr Olivier Lambotte (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Gilles Lavernhe (Gap), JeanPierre Le Guen (Brest), Dr Armelle Marcilhacy (Lyon), Dr Yann Martin (Lyon), Dr Sophie Moulias (Paris), Dr Marc Paccalin (Poitiers), Dr Eric Pautas (Ivry S/Seine), Dr Clément Pinquier (Ivry S/Seine), Dr Hélène Pitti-Ferrandi (Versailles), Véronique Popovici (Bois-Colombe), Dr Florence Rollot (Paris), Dr Nathalie Salles (Pessac), Dr Catherine Schott-Geisert (Versailles), Dr Patricia Senet (Ivry S/Seine), Dr Caroline Thomas (Paris), Dr Christiane Verny (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Anne Wyss-Gondé (Charleville-Mézières)
p. 168
(3e PARTIE) Dossier rédigé par Dr Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne, Lyon), Dr Aurélie Richard-Mornas (Saint-Etienne), Sandrine Basaglia-Pappas (Saint-Etienne) et Dr Michèle Puel (Toulouse)
3 n Plainte gestuelle ou visuelle, témoignant de difficultés d’intégration visuo-spatiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 169 4 n Plainte exécutive et d’attention. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 171
n L’ESSENTIEL SUR…
Les cancers cutanés en gériatrie Mieux les reconnaître pour mieux les soigner. . . . . . . . . . . . . . . . . p. 173 Dr Johanna Clerc-Lions et Pr François Aubin (Besançon)
COMITÉ SCIENTIFIQUE Pr Gilles Berrut (Nantes), Dr Jacques Boddaert (Paris), Pr Jean-Pierre Bouchon (Paris), Dr Nathalie Charasz (Paris), Pr Jean-Paul Emériau (Pessac), Bernard Hervy (Paris), Dr Pierre Lutzler (Embrun), Pr François Puisieux (Lille), Dr Agathe Raynaud-Simon (Ivry-sur-Seine), Pr Anne-Sophie Rigaud (Paris), Pr Olivier SaintJean (Paris), Dr Pierre Thomas (Limoges), Dr Christophe Trivalle (Villejuif), Pr Bruno Vellas (Toulouse) Repères en Gériatrie est une publication Expressions Santé S.A.S, 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : geriatrie@expressiongroupe.fr R.C.S. Paris B 394 829 543 ISSN n° 1767-803X N° de commission paritaire : 0217T78116 Prix au numéro : 9 e. Mensuel.
n ECHOS DES CONGRÈS
JASFGG : infectiologie et sujet âgé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 179
Pr Benoît de Wazières (Nîmes) et Dr Thibaut Fraisse (Alès)
JASFGG : les biomarqueurs utiles en urgences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 185 Hélène Le Petitcorps et Pr Jacques Boddaert (Paris)
n BULLETIN D’ABONNEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n RENDEZ-VOUS DE L’INDUSTRIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n PETITES ANNONCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les articles de “Repères en Gériatrie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. Assemblés à ce numéro : 2 bulletins d’abonnements (2 pages et 4 pages) Crédit de couverture : © alexluengo / iStock
p. 172 p. 188 p. 189
COMPRENDRE
Maladie veineuse thromboembolique Quelle prise en charge chez le sujet âgé ? n La maladie veineuse thromboembolique est une pathologie fréquente chez les sujets âgés, mais son diagnostic est plus souvent méconnu que chez le sujet jeune car les signes cliniques sont souvent atypiques. Voici récapitulée la démarche diagnostique pour déceler la maladie.
INTRODUCTION La maladie veineuse thromboembolique (MVTE), chez les patients âgés, nécessite la réalisation d’examens complémentaires pour étayer le diagnostic du fait des risques et des problèmes posés par le traitement anticoagulant curatif à cet âge. Ces examens complémentaires doivent être choisis en fonction de chaque situation et de la probabilité clinique ; l’âge et les pathologies associées influencent toutefois leurs résultats et peuvent rendre difficile la confirmation du diagnostic. Le traitement anticoagulant présente des risques hémorragiques accrus en raison d’une polypathologie et d’une polymédication fréquentes, d’un risque de chute, d’atteinte cognitive et d’insuffisance rénale. De par ce contexte, ce traitement doit suivre des règles propres aux sujets âgés.
EPIDÉMIOLOGIE PHYSIOPATHOLOGIE L’incidence de la MVTE augmente de manière exponentielle avec l’âge : comme le montre une étude française réalisée dans la région brestoise où a été retrouvée une *Gériatre, CHU de Nancy
162
Pr Christine Perret-Guillaume*
incidence (pour 1 000 habitants et par an) de 10,8 pour les hommes de plus de 75 ans alors qu’elle est de seulement 0,4 pour la tranche d’âge 20-39 ans ; et de 12 pour les femmes de plus de 75 ans alors qu’elle est de seulement 0,6 pour la tranche d’âge 20-39 ans (1). Ces résultats sont corroborés par plusieurs autres études anglaises et américaines. L’âge entraîne des modifications anatomophysiologiques au niveau veineux : on note, en effet, un vieillissement de l’endothélium veineux, une diminution de la vélocité au repos du flux veineux, une dilatation et une stase veineuses, une diminution de la pompe veineuse en lien avec la diminution de mobilité et la sarcopénie observées dans le grand âge, enfin la présence plus fréquente de maladies dégénératives veineuses. Un état d’hypercoagulabilité est par ailleurs constaté avec le vieillissement : augmentation du facteur VII, de la synthèse de la thrombine, augmentation des fragments 1-2 de la prothrombine, des fibrinopeptides A + B, augmentation des PAP et des D-dimères, enfin diminution de la fibrinolyse (2). Tout cela fait que l’augmentation de l’âge est un facteur de risque propre et indépendant de MVTE. Par ailleurs, les facteurs de risque de
MVTE (antécédents de thrombose veineuse, chirurgie, cancer, obésité, fractures, accident vasculaire cérébral, pathologies cardiaques, immobilisation, thérapeutique…) sont plus fréquents quand l’âge augmente et contribuent à augmenter ce risque. L’augmentation des événements thromboemboliques antérieurs et les pathologies intercurrentes entraînent, chez les sujets âgés, des difficultés d’interprétation des signes cliniques et des résultats des examens complémentaires. Le diagnostic est donc compliqué et retardé, contribuant notamment à une mortalité initiale importante chez les patients hospitalisés âgés (21 % en cas d’embolie pulmonaire, 3 % en cas de thrombose veineuse profonde) (3).
ASPECTS CLINIQUES Le diagnostic clinique de thrombose veineuse profonde (TVP) est erroné une fois sur deux soit par défaut, soit par excès, ce qui fait que l’examen clinique est toujours insuffisant pour affirmer le diagnostic et qu’il doit être toujours confirmé par des examens complémentaires. Le tableau clinique en cas d’embolie pulmonaire (EP) est rarement typique et évocateur, et souvent
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE
fruste : épisode fébrile, dyspnée à type de polypnée ou dyspnée asthmatiforme, angoisse passagère, toux ou douleur thoracique, malaise et chute liés à un trouble du rythme ou un bas débit, aggravation d’une insuffisance cardiaque, syndrome confusionnel. Quelques études ont comparé la clinique de patients âgés et plus jeunes et montrent des résultats convergents : douleurs et hémoptysie moins souvent fréquentes, syncope ou collapsus plus fréquents, hypoxie plus marquée (4, 5, 6). On observe souvent chez les sujets âgés ayant une EP des signes d’hypertension artérielle et une dysfonction du ventricule droit. Des intrications avec une pathologie aiguë concomitante sont, par ailleurs, fréquentes et il faut savoir penser facilement au diagnostic d’EP. Concernant les examens complémentaires de routine, la présence d’un bloc de branche droit ou d’anomalies radiologiques est notée plus fréquente chez les personnes âgées n’ayant pas d’EP en raison de pathologies cardiaques ou respiratoires sous-jacentes, et sont donc peu utiles pour étayer le diagnostic (7, 8). L’établissement d’une probabilité clinique est très utile et garde toute sa validité chez les sujets âgés pour la démarche diagnostique et permet d’orienter les examens complémentaires (8, 9). Cette probabilité clinique peut être établie de manière empirique ou avec des règles de prédiction clinique comme les scores de Wells ou de Genève (Fig. 1) (10, 11, 12). Il a été démontré que ces scores sont aussi fiables, quel que soit l’âge (13).
EXAMENS BIOLOGIQUES Les D-dimères augmentent dans un certain nombre de circonstances dont l’âge avancé, les affections coronariennes, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, les cancers, les affections hépatiques,
Figure 1 - Score de Genève révisé (d’après 12).
les infections, les inflammations, les hématomes, les actes chirurgicaux… La mesure des D-dimères avec un seuil de 500 ng/ml permet d’exclure le diagnostic d’embolie pulmonaire chez 60 % des patients âgés de moins de 40 ans et chez seulement 5 % des patients âgés de plus de 80 ans (14). Et si elle augmente la spécificité diagnostique, l’augmentation de ce seuil baisse la sensibilité diagnostique. Cela en fait un outil diagnostique peu discriminant chez les sujets âgés. Les D-dimères peuvent rester cependant utiles chez les patients âgés ambulatoires en l’absence de comorbidité associée, de traitement anticoagulant et si la probabilité clinique est faible ou modérée.
EXAMENS PARACLINIQUES ❚❚Echo-Doppler veineux des membres inférieurs C’est un examen non invasif qui nécessite un opérateur expérimenté, une relaxation optimale du patient qui est souvent difficile à obtenir chez une personne très âgée. L’examen dure en effet plus de 30 minutes si on examine l’étage sural, ce qui limite sa tolérance, et les difficultés de réalisation augmentent en cas de difficultés de compréhension du sujet (troubles des fonctions supérieures, surdité…), de difficultés de mobilisation des membres inférieurs, d’hypersensibilité cuta-
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
née… L’interprétation des résultats de cet examen est gênée chez les sujets âgés par la présence de séquelles post-thrombotiques plus fréquentes à cet âge. La sensibilité et la spécificité sont satisfaisantes chez les patients symptomatiques et à l’étage proximal, au-dessus du genou (respectivement 83-100 % et 90-100 %) ; moins bonnes en sural (60-94 % et 79-100 %) ; les performances sont nettement moins bonnes chez les patients asymptomatiques notamment en postopératoire de chirurgie orthopédique (sensibilité tombant à 33 % en sural) (15). Très peu d’évaluations spécifiques de l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs ont été réalisées chez les sujets âgés, rendant sa validation difficile. Il a toutefois été montré que c’est un examen intéressant ayant une spécificité élevée en proximal et utile en association avec un scanner spiralé en cas de suspicion d’embolie pulmonaire chez des sujets âgés comparés à des sujets jeunes (16). ❚❚Autres examens des membres inférieurs La phlébographie est l’examen de référence en recherche clinique ; elle est toutefois abandonnée en pratique clinique devant sa tolérance médiocre. Les autres techniques (phlébotomographie incrémentale des membres inférieurs, IRM avec 163
COMPRENDRE
injection de gadolinium au dos du pied) sont en cours d’évaluation. ❚❚Scintigraphie pulmonaire Chez les sujets âgés, la scintigraphie de perfusion et ventilation (si cette dernière est possible) est souvent anormale en raison d’une pathologie cardiaque ou respiratoire intriquée. Elle n’est pas vraiment indiquée en première intention si la réalisation d’un angioscanner thoracique spiralé est possible. Son avantage principal est de ne pas utiliser de produit de contraste iodé. En revanche, elle nécessite une bonne coopération de la personne pour la ventilation, pas toujours évidente chez les sujets âgés. Par ailleurs, cet examen n’est pas toujours disponible et son coût est élevé. En cas de “forte probabilité”, sa valeur prédictive positive est > 90 % et sa valeur prédictive négative est de 95-100 % en cas de “très forte probabilité”. Cependant, une scintigraphie de “probabilité faible ou intermédiaire” n’est pas contributive. On retrouve une proportion d’examens non concluants chez 58 % des personnes de plus de 70 ans contre 32 % chez les moins de 40 ans (8).
❚❚Angioscanner thoracique spiralé L’angioscanner thoracique montre une sensibilité correcte, mais limitée, et une meilleure spécificité. Ses avantages sont de garder de bonnes performances en cas de pathologie pulmonaire, de visualiser le parenchyme pulmonaire (diagnostic différentiel), la veine cave, de permettre des coupes abdominales (diagnostic étiologique) et un diagnostic de thrombose veineuse profonde (phlébotomodensitométrie incrémentale des membres inférieurs). Ses limites sont toutefois une mauvaise visualisation des régions distales et l’utilisation de produit de contraste iodé. Cet examen garde chez les sujets de plus de 75 ans des performances non significativement différentes par rapport à des sujets plus jeunes (17). C’est un examen contre-indiqué en cas d’allergie à l’iode ou en cas de clairance de la créatinine < 30 ml/min, sauf nécessité absolue. ❚❚Autres examens L’échographie cardiaque présente un intérêt mal défini chez le patient âgé en cas de suspicion d’EP. Sa réalisation dans le cadre d’une démarche
diagnostique semble non recommandée en dehors de situations de réanimation (18). L’angiographie pulmonaire doit être considérée comme un examen de référence non applicable en pratique clinique. L’angio-IRM présente une résolution spatiale limitée en périphérie ; par ailleurs, les temps d’acquisition restent longs et l’injection de gadolinium est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère, tout cela n’en faisant pas un examen de routine.
ALGORITHMES DIAGNOSTIQUES Afin de conclure cette démarche diagnostique, il est possible d’utiliser des algorithmes diagnostiques comme celui proposé pour le diagnostic de thrombose veineuse profonde établi d’après Goodacre, 2008 (Fig. 2) (19) ; ou comme celui proposé lors du Congrès d’anesthésie et de réanimation de 2007 concernant la suspicion d’embolie pulmonaire sans signe de choc, que vous trouverez en figure 3 (20). Bien sûr, ce sont seulement des propositions, la démarche clinique est en effet à adapter en fonction de ressources locales que pourra avoir chaque praticien.
Figure 2 - Algorithme diagnostique en cas de suspicion de thrombose veineuse profonde (d’après 19).
164
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE
TRAITEMENT Le propos ne sera pas ici de développer les principes du traitement de la MVTE mais seront abordées quelques particularités du traitement anticoagulant chez les sujets âgés (21).
TRAITEMENTS ANTICOAGULANTS CURATIFS DISPONIBLES Les traitements anticoagulants disponibles dans cette indication sont : • en traitement initial, l’héparine non fractionnée (en IV continue) ou l’héparine calcique (en souscutanée) ; • les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) : fraxiparine (Fraxiparine®, Fraxodi®), enoxaparine (Lovenox®), daltéparine (Fragmine®), tinzaparine (Innohep®), habituellement en traitement initial seulement ; • le fondaparinux (ou Arixtra®), une injection sous-cutanée par jour ; • les antagonistes de la vitamine K (AVK). Pour le traitement au long cours, en relais du traitement héparinique initial : acénocoumarol (Sintrom®) (demi-vie courte 10 heures, 2 prises par jour), fluindione (Previscan®) (demi-vie longue 30 heures, 1 prise par jour), warfarine (Coumadine®) (demivie longue 35-45 heures, 1 prise par jour) ; • le daparanoïde (Orgaran®) : en cas de thrombopénie induite par l’héparine ; • les nouveaux anticoagulants oraux : seul le rivaroxaban (anti-Xa oral direct, Xarelto®) a actuellement cette indication.
possible (sulfate de protamine). Les HBPM sont contre-indiquées en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine selon Cockcroft inférieure à 30 ml/min) et déconseillées en cas d’insuffisance rénale modérée (clairance 30-60 ml/min) (Afssaps, septembre 2002). Chez le sujet âgé, il existe une susceptibilité individuelle et une augmentation de l’activité anti-Xa dans le temps, dépendante de l’HBPM utilisée (l’influence de l’insuffisance rénale semble moindre avec la tinzaparine) ; leur réversion est possible, mais pas toujours évidente, avec le sulfate de protamine. Le fondaparinux est un inhibiteur synthétique et sélectif du facteur X activé qui a une élimination rénale et une demi-vie de 17 heures, pour lequel il n’y a pas de nécessité de numération plaquettaire. Il doit être utilisé avec précaution chez le sujet âgé de plus de 75 ans et chez l’insuffisant rénal modéré (clairance de la créatinine < 50 ml/min) ; sa réversion est délicate. Il est contre-indiqué, comme les HBPM, en cas d’insuffisance rénale sévère ; des accidents hémorragiques ont
été relevés chez les sujets âgés (Afssaps). Les AVK ont une fourchette thérapeutique étroite (en pratique 50 % seulement du temps dans la zone thérapeutique est obtenu), une variabilité importante, des interactions très fréquentes (médicaments, aliments), ils nécessitent une surveillance étroite par INR. Néanmoins, la réversibilité du traitement est possible (vitamine K, facteurs de coagulation). Il existe des polymorphismes génétiques qui peuvent expliquer une hypersensibilité et une résistance aux AVK chez certains sujets. Le risque hémorragique sous AVK est élevé chez la personne âgée, notamment le risque d’accident hémorragique grave (responsable de 4 000 à 5 000 décès par an en France). Les nouveaux anticoagulants : le rivaroxaban est un anti-Xa oral, dont la demi-vie est de 7-12 heures et qui, pour 1/3, a une élimination rénale directe. Il peut être pris en traitement précoce (pas de nécessité d’un traitement héparinique ; c’est le seul traitement anticoagulant PO qui le permet) et au long cours en prévention des récidives
ARGUMENTS POUR ET CONTRE CES TRAITEMENTS CHEZ LES SUJETS ÂGÉS Les héparines non fractionnées peuvent être utilisées en cas d’insuffisance rénale, mais leur monitorage est difficile avec des risques hémorragiques non négligeables. La réversibilité du traitement est
Figure 3 - Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’embolie pulmonaire sans signe de choc (d’après 20).
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
165
COMPRENDRE
de MVTE avec les modalités suivantes : 2 prises par jour de 15 mg de J1 à J21 puis une seule prise par jour de 20 mg. Il est contre-indiqué en cas de clairance de la créatinine à moins de 15 ml/min et sa posologie doit être réduite en cas de clairance de 15 à 30 ml/min. Toutefois il est précisé que les données cliniques sont limitées en cas d’insuffisance rénale sévère. Par ailleurs les sujets de l’étude EINSTEIN-TVP avaient moins de 60 ans de moyenne d’âge et aucun patient n’avait de clairance < 30 ml/min. Dans cette population, le rivaroxaban, comparé à la Coumadine®, réduit significativement le risque de récidive de MVTE sans augmenter le risque hémorragique (22). Le traitement par rivaroxaban ne nécessite pas de surveillance biologique, mais il n’y a pas d’antidote. Si on prend en compte ces remarques, il semble que le fondaparinux doive être utilisé avec précaution chez le sujet âgé, comme les HBPM, et pour un temps le plus court possible. A l’instar d’autres auteurs, l’utilisation du rivaroxaban chez les patients âgés, a fortiori très âgés et fragiles, est peut-être encore prématurée et exige des précautions très importantes, d’autant qu’il n’y a pas de possibilité de réversibilité et que le risque hémorragique semble identique à celui des AVK dans cette indication (23).
QUELQUES CONSIDÉRATIONS PRATIQUES Chez les sujets âgés, la surveillance des traitements anticoagulants est à renforcer : surveillance rénale (HBPM, fondaparinux, nouveaux anticoagulants, clairance selon Cockcroft), INR (AVK), plaquettes. Une crase, une NFSplaquettes et une créatininémie sont bien sûr à réaliser avant tout traitement. Les héparines non 166
fractionnées sont utilisables à la phase précoce de traitement à la posologie de 300-400 UI/kg/j (variabilité individuelle). En cas d’utilisation d’HBPM, la posologie doit être adaptée au poids précis et la durée de traitement doit être la plus courte possible. Une réduction d’emblée des posologies a été proposée par certains auteurs, mais pas dans cette indication, avec une efficacité à discuter (24). Une surveillance de l’activité anti-Xa (pour vérifier l’absence de surdosage ou accumulation) est à réaliser chez le sujet âgé de plus de 75 ans, ou en cas d’insuffisance rénale modérée (clairance inférieure à 60 ml/min), en cas de poids extrême ou en cas de saignement. L’activité anti-Xa est à mesurer 4 heures après la première injection, la deuxième ou troisième injection et au-delà de 10 jours de traitement. L’interprétation de son résultat est propre à chaque HBPM. Le contrôle de numération pla-
quettaire est non obligatoire, mais souhaitable chez les sujets âgés fragiles. La sensibilité augmentée de la personne âgée aux AVK doit faire réduire la posologie au tiers de la posologie utilisée chez l’adulte plus jeune (pour la Coumadine® : posologie à réduire de 1/4 par tranche de 20 ans). Un AVK à longue demivie doit être utilisé pour réduire les fluctuations d’INR et donc diminuer le risque hémorragique. Afin de limiter au maximum le risque de déséquilibre INR en début de traitement, il est conseillé d’utiliser un abaque adapté aux sujets âgés (abaques disponibles pour Coumadine® et fluindione [25, 26]) (Tab. 1 et 2) et de renforcer le monitorage (le risque hémorragique est plus important en début de traitement AVK). Le sujet âgé (et/ ou son entourage), comme le sujet jeune, doit bénéficier d’une éducation thérapeutique. Les situations cliniques nécessitant une surveil-
Tableau 1 - Abaque d’adaptation d’un traitement par warfarine chez les sujets âgés. « Définitions » préalables - par convention : J0 = jour de la première prise de warfarine le soir - prise de warfarine le soir - prélèvements des INR de préférence le matin Schéma d’initiation Posologie trois premières prises : de J0 à J2 inclus 1re prise : J0 2 cp de Coumadine® 2 mg (soit 4 mg) le soir 2e prise : J1 2 cp de Coumadine® 2 mg (soit 4 mg) le soir 3e prise : J2 2 cp de Coumadine® 2 mg (soit 4 mg) le soir Adaptation posologique de la warfarine à J3, fonction de l’INR du matin (pour adapter la 4e prise du soir à J3) INR < 1,3 augmenter à 5 mg/j (2 cp ½) 1,3 ≤ INR < 1,5 maintenir à 4 mg/j (2 cp) 1,5 ≤ INR < 1,7 diminuer à 3 mg/j (1 cp ½) 1,7 ≤ INR < 1,9 diminuer à 2 mg/j (1 cp) 1,9 ≤ INR < 2,5 diminuer à 1 mg/j (½ cp) INR ≥ 2,5 arrêt jusqu’à INR < 2,5 (mesure quotidienne de l’INR) puis reprendre à 1 mg/j (½ cp) Contrôles ultérieurs de l’INR toutes les 24 à 72 heures • fréquence laissée à la discrétion du praticien • adaptation par paliers de 1 mg Attention : ne plus tenir compte du schéma qui n’est valable qu’à J3 Attention : il est souhaitable d’attendre plusieurs jours entre deux modifications de posologie de warfarine. Toute modification intempestive de posologie allonge le délai d’obtention d’équilibre.
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
MALADIE VEINEUSE THROMBO-EMBOLIQUE
Tableau 2 - Abaque d’adaptation d’un traitement par fluindione chez les sujets âgés (26). Dose quotidienne pour obtenir un équilibre en fonction de la valeur d’INR à J2 (où J0 correspond au jour de première prise du traitement) INR J2 (mg/j) Fluindione 1 et 1,1 15 1,2 12,5 1,3 et 1,4 10 1,5 7,5 ≥ 1,6 5
lance renforcée de l’INR sont la survenue d’une infection, d’une poussée d’insuffisance cardiaque, d’une déshydratation, des problèmes d’observance, ou un changement de traitement associé. Une contention élastique doit être associée au traitement anticoagulant. La pose d’un filtre cave doit être discutée en cas de contreindication au traitement anticoa-
gulant ou si il y a récidive avec un traitement correctement mené. La fibrinolyse est un traitement possible même chez le sujet âgé en cas de dysfonction du ventricule droit ou d’instabilité hémodynamique. Les contre-indications doivent, bien sûr, être scrupuleusement respectées.
CONCLUSION La MVTE est une pathologie fréquente chez le sujet âgé, qui peut être grave en raison d’un diagnostic souvent compliqué et retardé. La démarche clinique doit conduire à l’établissement d’une probabilité clinique (établie de manière empirique ou à l’aide de scores) qui garde toute sa validité chez les sujets âgés et permet de mieux orienter les examens complémentaires. L’échoDoppler veineux est un examen non invasif intéressant dans le dia-
gnostic de TVP notamment proximale, mais aussi pour affirmer un diagnostic d’EP. L’angioscanner thoracique spiralé est l’examen de référence pour le diagnostic d’EP en l’absence de contre-indication. La scintigraphie pulmonaire contribue rarement au diagnostic, mais garde sa place, en particulier en cas d’insuffisance rénale ou d’allergie à l’iode. Le traitement consiste en un traitement anticoagulant qui doit prendre en compte tous les risques d’hémorragie, d’interférence médicamenteuse et de surdosage, en particulier en cas d’insuffisance rénale fréquente à cet âge. Des règles d’adaptation de chaque traitement sont propres aux sujets âgés. Un monitorage et une surveillance accrus des risques sont nécessaires. n
Mots-clés : Maladie veineuse thromboembolique, Anticoagulants
BIBLIOGRAPHIE 1. Oger E. Incidence of venous thromboembolism: a community-based study in Western France. EPI-GETBP Study Group. Groupe d’Etude de la Thrombose de Bretagne occidentale. Thromb Haemost 2000 ; 83 : 657-60. 2. Mahé I, Drouet L. Hémostase et coagulation du sujet âgé. Rev Gériatrie 2007 ; 32 : 279-88. 3. Kniffin WD Jr, Baron JA, Barrett J et al. The epidemiology of diagnosed pulmonary embolism and deep venous thrombosis in the elderly. Arch Intern Med 1994 ; 154 : 861-6. 4. Timmons S, Kingston M, Hussain M et al. Pulmonary embolism : differences in presentation between older and younger patients. Age Ageing 2003 ; 32 : 601-5. 5. Kokturk N, Oguzulgen IK, Demir N et al. Differences in clinical presentation of pulmonary embolism in older vs younger patients. Circ J 2005 ; 69 : 981-6. 6. Punukollu H, Khan IA, Punukollu G et al. Acute pulmonary embolism in elderly: clinical characteristics and outcome. Int J Cardiol 2005 ; 99 : 213-6. 7. Stein PD, Gottschalk A, Saltzman HA et al. Diagnosis of acute pulmonary embolism in the elderly. J Am Coll Cardiol 1991 ; 18 : 1452-7. 8. Righini M, Le Gal G, Perrier A et al. The challenge of diagnosing pulmonary embolism in elderly patients: influence of age on commonly used diagnostic tests and strategies. J Am Geriatr Soc 2005 ; 53 : 1039-45. 9. Tiganas D, Durant R, Raschilas F et al. Diagnostic value of the clinical probability score of deep venous thrombosis in the elderly. Rev Med Interne 2005 ; 26 : 931-7. 10. Wells PS, Anderson DR, Bormanis J et al. Value of assessment of pretest probability of deep-vein thrombosis in clinical management. Lancet 1997 ; 350 : 1795-8. 11. Stein PD, Hull RD, Patel KC et al. D-dimer for the exclusion of acute venous thrombosis and pulmonary embolism: a systematic review. Ann Intern Med 2004 ;140 : 589-602. 12. Le Gal G, Righini M, Roy PM et al. Prediction of pulmonary embolism in the emergency department: the revised Geneva score. Ann Intern Med 2006 ; 144 : 165-71. 13. Righini M, Le Gal G, Perrier A et al. Effect of age on the assessment of clinical probability of pulmonary embolism by prediction rules. J Thromb Haemost 2004 ; 2 :1206-8. Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
14. Righini M, Goehring C, Bounameaux H et al. Effects of age on the performance of common diagnostic tests for pulmonary embolism. Am J Med 2000 ; 109 : 357-61. 15. Dauzat M, Laroche JP, Deklunder G et al. Diagnosis of acute lower limb deep venous thrombosis with ultrasound: trends and controversies. J Clin Ultrasound 1997 ; 25 : 343-58. 16. Perrier A, Bounameaux H. Contribution of laboratory tests and venous investigations in the diagnosis of pulmonary embolism. Arch Mal Cœur Vaiss 1995 ; 88 : 1699-707. 17. Perrier A, Howarth N, Didier D et al. Performance of helical computed tomography in unselected outpatients with suspected pulmonary embolism. Ann Intern Med 2001 ; 135 : 88-97. 18. Berman AR, Arnsten JH. Diagnosis and treatment of pulmonary embolism in the elderly. Clin Geriatr Med 2003 ; 19 : 157-75. 19. Goodacre S. In the clinic. Deep venous thrombosis. Ann Intern Med 2008 ; 149 : ITC3-1. 20. Roy PM, Bichri A, Bouet R et al. Embolie pulmonaire : algorithmes diagnostiques. Congrès national d’anesthésie et de réanimation. Médecine d’urgence 2007, p. 589-600. 21. Debray M, Pautas E, Couturier P et al. Oral anticoagulants in the elderly. Rev Med Interne 2003 ; 24 : 107-17. 22. EINSTEIN Investigators, Bauersachs R, Berkowitz SD et al. Oral rivaroxaban for symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med 2010 ; 363 : 2499-510. 23. Siguret V, Gouin-Thibault I, Gaussem P et al. Optimizing the use of anticoagulants (heparins and oral anticoagulants) in the elderly. Drugs Aging 2013 ; 30 : 687-99. 24. Montalescot G, Collet JP, Tanguy ML et al. Anti-Xa activity relates to survival and efficacy in unselected acute coronary syndrome patients treated with enoxaparin. Circulation 2004 ; 110 : 392-8. 25. Siguret V, Gouin I, Debray M et al. Initiation of warfarin therapy in elderly medical inpatients: a safe and accurate regimen. Am J Med 2005 ; 118 : 13742. 26. Lechowski L, Teillet L, Harboun M et al. Determination of regimen fluindione needed for anticoagulation in the elderly. Rev Med Interne 2002 ; 23 : 1022-6.
167
ÉVALUER
PLAINTES COGNITIVES
© hohojirozame / Fotolia
Comment conduire l’entretien neurologique et l’examen de débrouillage ?
Voici les deux derniers articles de la série sur la conduite à tenir devant une plainte cognitive, rédigée par le Dr Catherine Thomas-Antérion (Lyon), le Dr Aurélie Richard-Mornas (Saint-Etienne), Sandrine Basaglia-Pappas (Saint-Etienne) et le Dr Michèle Puel (Toulouse). Dans ce numéro de Repères en Gériatrie, 3e PARTIE : 3 Plainte gestuelle ou visuelle, témoignant de difficultés d’intégration visuo-spatiale : comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? 4 Plainte exécutive et d’attention : comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? Déjà parus : Introduction – L’évaluation de la cognition peut rendre de grands services… (Repères en Gériatrie n° 127) 1 Plainte de mémoire (Repères en Gériatrie n° 127) 2 Plainte de langage (Repères en Gériatrie n° 128)
ÉVALUER
3 Plainte gestuelle ou visuelle,
témoignant de difficultés d’intégration visuo-spatiale
Comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? Dr Catherine Thomas-Antérion*, Dr Aurélie Richard-Mornas**, Sandrine Basaglia-Pappas** et Dr Michèle Puel***
M
ême si les plaintes concernant les praxies ou les gnosies sont des motifs plus rares de consultation, il est impératif de savoir les repérer pour leur propre compte ou dans l’environnement d’une autre plainte (mémoire, langage, etc.).
Cortex pariétal
V1
Il convient de rappeler qu’il faut toujours réaliser parallèlement un examen clinique moteur et sensitif des 4 membres, ainsi qu’un examen de débrouillage du champ visuel. Le neurologue doit extraire du discours les symptômes qui le conduisent à évoquer un diagnostic et orienter le bilan paraclinique : • si l’hypothèse clinique d’une pathologie neurodégénérative est compatible, au risque d’être caricatural, l’apraxie associée à un syndrome extrapyramidal unilatéral évoque en priorité un syndrome cortico-basal ; • les tableaux progressifs d’agnosie visuelle peuvent faire évoquer des formes focalisées postérieures de la MA : syndrome de Benson ; ceux-ci touchent préférentiellement ou majoritairement la voie dorsale (Fig. 1) ; • enfin, rappelons que l’apraxie rapidement progressive (comme * Neurologue, Lyon et EA3082, Laboratoire EMC, Université Lyon 2 **CM2R-Neurologie, CHU Nord, Saint-Etienne ***CM2R-Neurologie Midi-Pyrénées, CHU Purpan, Toulouse
Cortex intero-temporal
Figure 1 - La voie occipito-temporale (voie ventrale) permet la vision des objets (forme, couleur, détails, etc.) (la voie du “Quoi”), et la voie occipito-pariétale (voie dorsale) sous-tend la vision spatiale (localisation, coordination visuomotrice, perception du mouvement, etc.) (la voie du “Où” et du “Comment”) (1).
d’ailleurs l’aphasie) est un mode de révélation classique de la maladie de Creutzfeld-Jakob. L’entretien est fondamental car il va s’attacher à repérer des situations suggérant une agnosie visuelle. Il repose sur l’organisation cérébrale de deux voies visuelles (Fig. 1).
ENTRETIEN DEVANT UNE PLAINTE VISUELLE (GNOSIQUE) L’entretien permet le plus souvent de suspecter ces symptômes dont il faut arriver à faire préciser s’ils
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
sont insidieux et progressifs. Souvent, les personnes ont déjà vu un ophtalmologiste ou un orthoptiste avant le neurologue. Un retard diagnostique est très fréquent. Des plaintes peuvent suffire à prescrire un bilan neuropsychologique, il faut juste savoir les écouter. L’entretien peut être libre, en encourageant le sujet à donner des exemples de la vraie vie, ou l’on peut utiliser le Q-ACP (2). Exemples de plaintes évocatrices d’une agnosie visuelle : • J’ai accroché ma voiture plu169
ÉVALUER
sieurs fois, c’est comme si je ne voyais pas la largeur. • Je ne respecte plus les distances : je me stationne très loin du trottoir, ou je m’arrête trop loin du passage pour piétons, ou carrément dessus. • Je ne peux plus regarder un match de foot, je n’arrive plus à suivre les joueurs quand ils courent sur le terrain. • Il y avait l’autre jour un avion, j’entendais son bruit, je l’ai vu dans le ciel et puis j’ai continué à l’entendre mais je n’arrivais pas à suivre sa trace des yeux. • Je n’arrive pas à voir sur le toit de l’entrepôt voisin tous les panneaux solaires à la fois. • Parfois, je me sers à boire à côté ou je me sers à côté de mon assiette. • Parfois, j’ai du mal à mettre la table. • J’ai du mal à lire, je dois suivre depuis quelque temps avec une règle, je prends des livres écrits plus gros. • S’il y a beaucoup de monde dans une pièce, cela m’arrive de ne pas dire bonjour à tout le monde, il y en a que je ne vois pas… • J’ai du mal à trouver des objets dans mon placard (toujours rangé de la même façon) : l’autre jour, « je ne voyais » vraiment pas les bols. • Il y a des visages que je ne reconnais plus.
simultanée d’objets multiples (recherche d’une simultagnosie), les stratégies d’exploration, la compréhension des rapports spatiaux, etc. Si on suspecte une négligence, un test de barrage de croix (ou des cloches) peut être utile. Enfin, l’examen clinique recherche toujours une ataxie optique (atteinte bilatérale) : le patient ne peut se saisir d’un objet qui est placé dans son champ visuel.
L’examen des gnosies doit viser à explorer rapidement les fonctions sous-tendues par les voies dorsale et ventrale. Il est clairement assez difficile en un temps court de le faire, et sa normalité devant une plainte suspecte ne doit néanmoins pas différer un bilan spécialisé.
Lorsqu’un sujet rapporte des difficultés à manipuler des objets, le plus souvent nouveaux (téléphone, appareil photographique, microonde, etc.), voire totalement inconnus, il convient d’être sûr qu’il s’agit bien d’un trouble des praxies pour distinguer : • ce qui relève de la manipulation ; • ou de la séquence d’actions en termes de programmation, planification, prise de décision, etc. ; • ou de la compréhension de la notice, voire de la mémorisation des différentes étapes décrites sur celle-ci.
❚❚Concernant la voie dorsale Le plus simple est sûrement la description d’une scène visuelle complexe (si on en a l’habitude, par exemple la scène des cookies de la BDAE) pour analyser la vision 170
❚❚Concernant la voie ventrale Les épreuves de dénomination d’objets et/ou de dessin spontané et copié peuvent démasquer une agnosie ; le test des 15 objets mêlés de Pillon permet d’évaluer aisément l’identification d’objets. Il peut s’agir : • d’une agnosie aperceptive (incapacité à reconnaître les objets ou images présentés à la vue) : le sujet présente alors un comportement d’aveugle et des circonlocutions descriptives des objets ; • ou d’une agnosie associative (atteinte des associations visuosémantiques) : le dessin d’objet est correct mais l’appariement catégoriel mauvais.
ENTRETIEN DEVANT UNE PLAINTE GESTUELLE (PRAXIQUE)
Les plaintes concernent le plus souvent la manipulation d’objets, mais peuvent aussi concerner des comportements étranges d’une main : lévitation, agrippement, aimantation, etc. Exemples de plaintes évocatrices d’une apraxie : • Je suis maladroit. • Lorsque je tape sur un clavier, ma main droite traîne et frappe de façon décalée sur les touches. • J’ai du mal pour les gestes avec les deux mains : balayer, plier le linge. • Je n’arrive plus à mettre certains vêtements : accrocher mon soutien-gorge dans le dos, enfiler les manches, un pantalon. • Je me suis aperçu en trayant les vaches que mes mains ne se mettaient plus correctement et automatiquement sous les trayons. • Je n’arrive pas à apprendre de nouveaux pas à mon cours de danse. • Au cours de gymnastique, maintenant, je suis toujours en retard sur les autres, je n’arrive plus à imiter les postures du professeur. • J’écris mal, mon écriture remonte sur la feuille ; je fais des fautes, etc. L’apraxie peut être bilatérale ou unilatérale (le plus souvent sur l’hémicorps gauche). Elle peut n’apparaître que sur commande verbale ou sur imitation. L’examen sommaire se centre sur les membres supérieurs mais en théorie doit être global. Dans certaines situations, les sujets signalent une maladresse du pied, constatée en descendant l’escalier (en dehors d’un déficit moteur) l’examen comprendra des mouvements de rotation du pied - ou une gêne pour s’asseoir en positionnant mal le tronc et les fesses. Le Groupe de réflexion sur les praxies du Centre Mémoire de Ressources et de Recherche
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
PLAINTES COGNITIVES
Ile-de-France Sud a proposé un outil de débrouillage (3). Les auteurs ont sélectionné un certain nombre de gestes avec des prérequis : gestes le moins ambigus possible, pas de gestes séquentiels ou requérant des consignes longues (biais éventuel verbal ou attentionnel), gestes d’utilisation d’objets familiers, propices aux imprécisions ou assimilation, gestes trop simples, trop culturels, etc. Le bilan prend 4 minutes. Trois dimensions sont explorées : • les gestes symboliques ; • les mimes d’actions ; • les gestes abstraits. Il convient, de plus, de toujours rechercher une apraxie mélo-
kinétique : apposer les doigts sur le pouce l’un après l’autre ou pianoter. Cette maladresse peut conduire le sujet à avoir des difficultés à manipuler des objets, elle doit alors être distinguée d’une apraxie idéatoire. Elle est volontiers unilatérale ou très asymétrique. Elle est liée à une atteinte des aires prémotrices (aire 6). La maladie dégénérative dans laquelle peut s’observer une apraxie motrice inaugurale est la dégénérescence corticobasale (DCB), plus volontiers dénommée syndrome corticobasal (SCB) du fait de la variété de ses étiologies histologiques. Elle s’accompagne souvent
d’une main capricieuse ou étrangère. Elle s’observe aussi dans la paralysie supranucléaire progressive (PSP), les deux pathologies pouvant se confondre cliniquement. n
BIBLIOGRAPHIE 1. Purves D, Augustine GJ, Filzpatrick D et al. Neuroscience. Editions De Boeck, 2005. 2. Croisile B, Mollion H. Q-ACP : un questionnaire d’évaluation des plaintes visuelles et gestuelles des patients ayant une atrophie corticale postérieure. Rev Neurol (Paris) 2011 ; 167 : 485-94. 3. Mahieux-Laurent F, Fabre C, Galbrun E et al, et le Groupe de réflexion sur les praxies du CMRR I’île-de-France Sud. Validation d’une batterie brève d’évaluation des praxies gestuelles pour consultation Mémoire. Rev Neurol (Paris) 2009 ; 165 : 560-7.
4 Plainte exécutive et d’attention Comment conduire l’entretien neurologique et le bilan de débrouillage ? Dr Catherine Thomas-Antérion*, Dr Aurélie Richard-Mornas**, Sandrine Basaglia-Pappas** et Dr Michèle Puel***
I
l convient de distinguer ce qui relève : • d’un ralentissement général (bradypsychie) ; • d’un trouble de l’attention (et de la mémoire de travail) ; • et de troubles de l’exécution proprement dits (1) ; pour ces derniers, il n’est pas toujours aisé de distinguer, par exemple, un trouble de la planification de difficultés instrumentales (langage, praxie, gnosie) ou de mémoire. L’entretien et l’examen neurologique vont être particulièrement attentifs au contexte somatique et psychique dans lequel le trouble est rapporté. L’examen neurologique peut notamment * Neurologue, Lyon ; et EA3082, Laboratoire EMC, Université Lyon 2 **CM2R-Neurologie, CHU Nord, Saint-Etienne ***CM2R-Neurologie Midi-Pyrénées, CHU Purpan, Toulouse
orienter l’entretien dans le champ des maladies vasculaires ou des syndromes parkinsoniens. Des questions ciblées sur les situations ayant inquiété le sujet sont autant importantes pour comprendre le trouble neurologique que pour évoquer des hypothèses psychopathologiques : • les troubles de mémoire (hormis des difficultés à récupérer des informations spontanément) = exceptionnels ; • les troubles instrumentaux ; • les difficultés attentionnelles et exécutives = très fréquentes.
LA RECHERCHE DE PATHOLOGIES PSYCHIQUES ASSOCIÉES • Il est assez aisé pour le neuro-
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
logue de repérer un sujet anxieux. Il reste à déterminer si ce trait de caractère est constitutionnel et, si oui, quel évènement récent a pu le décompenser. • Il peut être payant de rechercher des phobies (notamment sociales), une tendance à la vérification (le sujet s’intoxiquant à force de tout noter), des attaques de panique, voire des TOC (le sujet saturant ses ressources attentionnelles). • Il convient aussi de chercher une autre pathologie psychique associée décompensant l’anxiété généralisée ancienne, telle qu’une dépression ou un état de stress posttraumatique. Il est rare, par contre, de poser un diagnostic de novo de maladie bipolaire, de schizophrénie, de PHC, etc., devant une plainte 171
ÉVALUER
cognitive, sachant que toutes ces pathologies peuvent s’accompagner d’un syndrome dysexécutif. • Il est très fréquent qu’un sujet dit dépressif soit adressé chez le neurologue, qui retient ce diagnostic ou le corrige en trouble apathique dans le cadre d’une pathologie neurologique vasculaire ou neurodégénérative. De façon systématique, ces plaintes doivent conduire à rechercher d’autres difficultés, notamment mnésiques ou phasiques (plutôt une aphasie non fluente).
L’EXAMEN DE DÉBROUILLAGE Il comprend les séquences motrices et graphiques de Luria. Le plus rentable est probablement la réalisation de la BREF comprenant au moins les subtests suivants :
IL EST FRÉQUENT D’ENTENDRE LES PHRASES SUIVANTES : • Je n’arrive plus à faire deux choses à la fois. • J’ai du mal à m’organiser (et je dois tout vérifier). • Je ne peux m’empêcher de faire des choses routinières (prendre ma voiture le dimanche et rouler jusqu’à mon travail). • Je répète souvent, car je ne contrôle pas ce que j’ai déjà dit. • J’ai acheté deux fois des courses. • Je laisse brûler les casseroles quand on me dérange parce que cela me distrait, et je ne sais plus que je les ai mises à chauffer. • Je n’arrive plus à lire, je mélange les personnages ou je ne sais plus où j’en suis. • Je ne me rappelle jamais la liste des choses à faire. • Je suis très lent. …
• fluence formelle (mots en “r” en 1 minute) ; • les séquences motrices (le poing/ le côté/ à plat) ; • et les épreuves d’alternance et de Go-No-Go. n
BIBLIOGRAPHIE 1. Godefroy O, et le Groupe de réflexion sur l’évaluation des fonctions exécutives. Fonctions exécutives et pathologies neurologiques et psychiatriques. Marseille : Solal, 2008. 2. Dubois B, Slachevsky A, Litvan I, Pillon B. The FAB: a frontal assessment battery at bedside. Neurology 2000 ; 55 : 1621-6.
Bulletin d’abonnement • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai – 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 – Fax : 01 49 29 29 19 – E-mail : geriatrie@expressiongroupe.fr
4 Je m’abonne
+ Version papier (10 numéros) + Accès gratuit à nos sites médicaux + Version tablette (2 ans d’archives) qA bonnement 75 € TTC (au lieu de 90 E prix au numéro) q Institutions 80 € TTC qE tudiants 50 € TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant)
10 numéros
7 sites spécialisés (plus de 2 ans d’archives)
Application des revues Expressions pour ipad & tablette Androïd
q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : ...................................................................................................................... Prénom : ................................................................................................................ Adresse d’expédition : ..................................................................................... .................................................................................................................................. .................................................................................................................................. Code postal : ........................... Ville : ............................................................... Tél. : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ ; Fax : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ Mail : ....................................................................................................................... Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Expire le : Cryptogramme : (bloc de 3 chiffres au dos de votre carte)
Frais de port (étranger et DOM TOM) GERIA129
q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE
Signature obligatoire E
q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE
L’abonnement à la revue Repères en Gériatrie vous permet de bénéficier d’un accès illimité et gratuit à l’intégralité des sites d’Expressions Santé :
neurologies.fr diabeteetobesite.org geriatries.org cardinale.fr onko.fr rhumatos.fr ophtalmologies.org
L’ESSENTIEL SUR…
Les cancers cutanés en gériatrie Mieux les reconnaître pour mieux les soigner n Les cancers cutanés représentent, tous types confondus, l’une des grandes causes de cancer en France. Leur incidence ne cesse d’augmenter en raison des habitudes de photoexposition et de l’allongement de la durée de vie. C’est pourquoi la population gériatrique est particulièrement concernée.
Dr Johanna Clerc-Lions*, Pr François Aubin*
INTRODUCTION Un diagnostic et une prise en charge précoce des cancers cutanés sont indispensables pour limiter une extension locorégionale délabrante ou une extension métastatique à distance chez une population fragile qui supportera mal une chirurgie lourde ou plusieurs lignes de chimiothérapie. Cela repose sur l’identification des sujets à risque, la reconnaissance des lésions cutanées précoces et la biopsie de toute lésion suspecte.
LES LÉSIONS PRÉCANCÉREUSES LES KÉRATOSES ACTINIQUES Extrêmement fréquentes chez les sujets âgés, elles sont le témoin de la photoexposition antérieure cumulée, souvent favorisée par les professions à risque (agriculteurs, travailleurs BTP...). L’évolution lente vers un carcinome épidermoïde à potentiel métastatique est possible.
* Service de dermatologie, CHU de Besançon
Figure 1 - Kératoses actiniques du visage et du crâne.
❚❚Présentation clinique Ce sont des lésions hyperkératosiques rugueuses (croûteuses) (Fig. 1), parfois erythémateuses ou pigmentées, siègeant sur les zones photoexposées : visage, scalp, cou, avant-bras, dos des mains. Elles sont en général indolores mais saignent facilement à l’arrachage. Ces lésions sont récidivantes. A ne pas confondre avec les kératoses séborrhéiques, qui sont des tumeurs cutanées épithéliales bénignes, correspondant à des papules ou des macules brun-jaune recouvertes de squames grasses comme posées sur la peau (Fig.2). ❚❚Prise en charge thérapeutique (1, 2) Une biopsie ou exérèse complète des lésions doit être faite au
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
Figure 2 - Verrue ou kératose séborrhéique.
moindre doute clinique avec un carcinome épidermoïde (infiltration, ulcération). Le traitement repose sur la destruction systématique des lésions par divers moyens : • la cryothérapie appuyée en première intention. En cas de kératoses actiniques multiples ou étendues, privilégier le traitement 173
L’ESSENTIEL SUR…
Figure 3 - Maladies de Bowen du dos de la main et du pubis.
par imiquimod (Aldara®), 3 applications par semaine pendant 4 à 8 semaines ou 5-FU topique (Efudix® pommade) d’application quotidienne pendant 3 à 4 semaines, à espacer éventuellement en fonction de la tolérance. Le 5-FU présente le meilleur rapport coût/efficacité/tolérance ; • la photothérapie dynamique topique permet de traiter des kératoses actiniques multiples sur des zones étendues. Cela consiste en l’application d’une crème photosensibilisante (Metvixia®) sous occlusion pendant 2 heures sur les lésions à détruire puis l’exposition à une lumière rouge durant quelques minutes. Deux séances à 1 semaine d’intervalle sont nécessaires. Les résultats esthétiques avec cette technique sont très satisfaisants, mais les séances sont souvent douloureuses et justifient une antalgie efficace pouvant aller jusqu’à l’utilisation d’antalgiques de palier 3.
MALADIE DE BOWEN Il s’agit d’un carcinome épidermoïde in situ. La maladie de Bowen touche préférentiellement la femme de plus de 60 ans. Les muqueuses peuvent être atteintes, souvent génitales. Son traitement est recommandé en raison du risque d’évolution vers un carcinome épidermoïde invasif. 174
Figure 4 - Carcinomes épidermoïdes de la lèvre et du gland.
❚❚Présentation clinique Il s’agit d’une plaque érythématosquameuse (Fig. 3) plus ou moins kératosique, irrégulière, d’évolution lente. Le diagnostic clinique est souvent difficile et le recours à la biopsie nécessaire pour confirmer le diagnostic et l’absence d’invasion. Les diagnostics différentiels principaux sont le psoriasis, les kératoses actiniques, les carcinomes basocellulaires. En cas d’atteinte génitale, les diagnostics différentiels sont le psoriasis, le lichen scléro-atrophique, la maladie de Paget, et l’érythroplasie inflammatoire de Queyrat. ❚❚Prise en charge thérapeutique (1, 2) Avant traitement, une vérification histologique du diagnostic est nécessaire. En cas de lésion de petite taille, le traitement repose sur une exérèse chirurgicale ou une cryothérapie appuyée. En cas de lésion de grande taille, ou de lésions multiples, il faut privilégier les chimiothérapies topiques : imiquimod et 5–FU. La photothérapie dynamique topique est également une alternative.
LES CARCINOMES CUTANÉS ÉPITHÉLIAUX (1-3) Les carcinomes épithéliaux cuta-
nés sont les plus fréquents des cancers humains et des cancers cutanés (90 %). Ils sont directement liés au vieillissement cutané intrinsèque (vieillissement physiologique) et extrinsèque (principalement lié à l’exposition solaire). Les principaux facteurs de risque sont donc l’âge, l’exposition solaire cumulative, le phototype clair et les traitements immunosuppresseurs. On distingue deux types de carcinomes épithéliaux : le carcinome basocellulaire (CBC) qui est le plus fréquent (80 % des cancers épithéliaux) et le carcinome spinocellullaire ou épidermoïde (CE) qui présente un potentiel métastatique.
LES CARCINOMES ÉPIDERMOÏDES INVASIFS Ils touchent autant les hommes que les femmes. L’âge moyen de diagnostic est de 75 ans. Ils se développent à partir de lésions précancéreuses (kératoses actiniques, maladie de Bowen, carcinomes épidermoïdes in situ) ou sur des dermatoses inflammatoires chroniques. Ils peuvent également se développer sur les muqueuses (Fig. 4). Les facteurs de risque de développer des lésions précancéreuses ou un carcinome épidermoïde sont : • les radiations ultraviolettes ; • l’immunosuppression (greffe d’or-
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
LES CANCERS CUTANÉS EN GÉRIATRIE
gane, infection par le VIH, traitements immunosuppresseurs) ; • les dermatoses chroniques (ulcère de jambe, cicatrice de brûlure, radiodermite, lichen scléroatrophique au niveau génital) ; • le tabac ; • l’exposition professionnelle aux hydrocarbures halogénés, à l’arsenic, aux goudrons. ❚❚Présentation clinique Il s’agit de lésion végétante ou bourgeonnante, fréquemment ulcérée, à base indurée, et pouvant saigner facilement aux traumatismes locaux mineurs (Fig. 5). La distinction clinique entre un CE et un CBC n’est pas toujours évidente. Un examen clinique soigneux devra être fait à la recherche d’adénopathies locorégionales suspectes ou de signes de localisations viscérales secondaires (cérébrales, osseuses, hépatiques, pulmonaires…). Dans la population gériatrique, il n’est pas rare de voir un ulcère chronique attribué à une insuffisance veineuse chronique alors qu’il s’agit d’un carcinome épidermoïde (Fig. 6). Le caractère bourgeonnant, saignant, extensif sans tendance à l’amélioration depuis plusieurs mois, voire années, doit inciter à pratiquer des biopsies cutanées pour éliminer un processus néoplasique. ❚❚Prise en charge thérapeutique Devant toute suspicion clinique, la biopsie est indispensable pour confirmation histologique. Le bilan d’extension initial se limite à un examen clinique attentif. Au moindre doute, la réalisation d’une échographie ganglionnaire dans le territoire de drainage de la lésion est justifiée. En cas d’atteinte ganglionnaire avérée, le bilan d’extension comprend une radiographie pulmonaire et une
Figure 5 - Carcinomes épidermoïdes
Figure 6 - Carcinome épidermoïde sur
pré-auriculaire et temporal.
ulcère de jambe.
Figure 8 - Carcinome basocellulaire pagétoïde ou érythéma-
Figure 7 - Carcinome basocellulaire
teux superficiel.
nodulaire.
Figure 9 - Carcinome basocellulaire
Figure 10 - Carcinome basocellulaire
sclérodermiforme.
pigmenté.
échographie abdomino-pelvienne ou un scanner thoraco-abdominopelvien. Les formes métastatiques engagent le pronostic vital.
LES CARCINOMES BASOCELLULAIRES (4) A la différence du CE, le potentiel métastatique du CBC est exceptionnel. ❚❚Présentation clinique • Le CBC nodulaire (Fig. 7) : le plus fréquent, d’aspect clinique caractéristique. Il s’agit d’une papule ou d’un nodule à bordure perlée parcouru de fines télangiectasies. • Le CBC superficiel ou pagétoïde (Fig. 8) : il s’agit d’une plaque érythémato-squameuse mal délimitée, plus ou moins bordée de perles.
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
• Le CBC sclérodermiforme (Fig. 9) : plus rare, il s’agit d’un placard hypopigmenté atrophique mal délimité. • Le CBC pigmenté (Fig. 10) : il pose parfois des problèmes de diagnostic différentiel avec le mélanome. En l’absence de traitement, les CBC s’étendent progressivement avec une destruction locorégionale et un envahissement des tissus sous-jacents (Fig. 11).
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES CE ET DES CBC (1, 3) Le traitement est avant tout chirurgical. En cas de lésion étendue nécessitant une reconstruction, ou en cas de localisation à risque de pré175
L’ESSENTIEL SUR…
judice fonctionnel ou esthétique, l’exérèse doit être assurée avec des marges saines de 3 à 6 mm dans les limites de la faisabilité (zones périorificielles). Une analyse histologique de la pièce opératoire est indispensable pour confirmer la présence de marges saines. La radiothérapie n’est pas recommandée en première intention et ne doit pas être proposée si la chirurgie d’exérèse simple est possible. Elle est indiquée en cas de lésion inopérable ou d’exérèse incomplète, en cas de refus de la chirurgie par le patient. Les carcinomes basocellulaires superficiels (par définition histologique, sans envahissement de la membrane basale) peuvent aussi être traités par chimiothérapie topique (5-FU ou imiquimod) ou photothérapie dynamique topique. La chimiothérapie et la radiochimiothérapie sont surtout utilisées dans les formes métastatiques. Il s’agit, en général, d’une polychimiothérapie associant le cisplatine et le 5-FU plus ou moins un inhibiteur du R-EGF. En fonction de l’état général et du souhait du patient, une prise en charge palliative pourra être envisagée en raison de la toxicité du traitement. Dans tous les cas, une surveillance clinique semestrielle est recommandée la première année puis annuelle à vie pour dépister les récidives ou les nouveaux carcinomes cutanés et pour traiter les lésions précancéreuses.
LES MÉLANOMES (5, 6) Les principaux facteurs de risque sont l’âge, l’exposition solaire cumulative, les antécédents d’érythème actinique, notamment dans l’enfance, l’immunosuppression, le phototype clair, 176
Figure 11 - Carcinomes basocellulaires ulcérés de l’avant-bras, du front et du crâne.
Figure 12 - Mélanomes de type SSM.
un grand nombre de nævi dont le syndrome des nævi atypiques (nombre de nævi supérieur à 50, souvent de taille supérieure à 6 mm et d’aspect irrégulier) et les antécédents personnels et familiaux de mélanome. La grande majorité des mélanomes surviennent de novo, le risque de transformation de nævi préexistants est faible.
PRÉSENTATION CLINIQUE
Figure 13 - Mélanome nodulaire.
Le diagnostic est anatomoclinique. La suspicion diagnostique concernant une lésion pigmentée (macule, papule, nodule) repose sur la règle ABCDE : • A = lésion Asymétrique ; • B = lésion à Bords irréguliers ; • C = lésion à Couleurs multiples/ inhomogène ; • D = lésion de Diamètre supérieur à 6 mm ; • E = Evolutivité de la lésion, il s’agit du critère le plus évocateur. Une lésion mélanique prurigineuse ou saignant facilement au contact est également suspecte. La règle du “vilain petit canard” est valable chez les patients ayant
un nombre élevé de nævi, notamment dans le cadre d’un syndrome des nævi atypiques. Tout nævus d’aspect différent doit attirer l’attention et être minutieusement examiné, une exérèse sera réalisée au moindre doute avec analyse histologique. Toute lésion suspecte doit être soumise à une biopsie et envoyée pour analyse histologique. Les diagnostics différentiels sont les nævi atypiques, les kératoses séborrhéiques, les carcinomes basocellulaires pigmentés et les angiomes thrombosés. Quatre grands types de mélanomes sont distingués sur des critères cliniques et histologiques :
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
LES CANCERS CUTANÉS EN GÉRIATRIE
• le mélanome superficiel extensif, ou SSM (Fig. 12), le plus fréquent. La tumeur débute par une extension horizontale intraépithéliale avant de franchir la membrane basale et de s’étendre en profondeur ; • le mélanome nodulaire (Fig. 13), d’extension verticale d’emblée ; • le mélanome acro-lentigineux (Fig. 14) des extrémités, de moins bon pronostic ; • le mélanome de Dubreuilh ou lentigo malin ou mélanome in situ (Fig. 15) localisé essentiellement au niveau du visage. Certains mélanomes prennent un aspect achromique (Fig. 16) plus ou moins érosif ou ulcéré, parfois trompeur dans un contexte de plaie chronique (Fig. 17). Les facteurs pronostiques péjoratifs sont essentiellement l’épaisseur tumorale (indice de Breslow) supérieure à 2 mm et la présence d’une ulcération macroscopique ou microscopique.
Figure 14 - Mélanome acro-lentigineux de l’ongle, du doigt et plantaire.
Figure 15 - Mélanomes de Dubreuilh.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE Lorsque l’exérèse d’une lésion suspecte confirme le diagnostic de mélanome, le choix du traitement est conditionné par l’épaisseur de la tumeur (indice de Breslow) et son extension ganglionnaire ou à distance (stade TNM). Le stade conditionne le pronostic. En l’absence d’adénopathie macroscopique (clinique et radiologique), le traitement est essentiellement chirurgical. Les marges choisies pour l’exérèse élargie ainsi que la décision de pratiquer ou non la technique du ganglion sentinelle dépendent de l’épaisseur tumorale. La recherche et l’analyse du ganglion sentinelle peuvent être proposées dans un but pronostique. En cas de ganglion sentinelle négatif, le traitement est complet et le patient sera suivi clinique-
Figure 17 - Mélanomes sur plaie Figure 16 - Mélanome achromique pré-
chronique du talon et plantaire chez
auriculaire.
2 patients diabétiques.
ment, biologiquement, et plus ou moins radiologiquement, selon un rythme décidé par le stade du mélanome. Si le ganglion sentinelle est positif, le patient aura un curage ganglionnaire complémentaire. Le nombre de ganglions envahis et la présence d’une effraction capsulaire sont des facteurs pronostiques histologiques péjoratifs qui conditionnent la suite de la prise en charge thérapeutique. En cas d’adénopathie macroscopique décelée, le patient aura d’emblée un curage ganglionnaire. En cas de métastase, un génotypage tumoral doit être effectué pour rechercher une mutation du gène
BRAF. En effet, la présence de cette mutation permet l’introduction d’un traitement ciblé anti-BRAF (vémurafénib : Zelboraf®, 8 cp/j). En l’absence de mutation, une chimiothérapie conventionnelle (dacarabazine, fotémustine) ou une immunothérapie par antiCTLA4 (ipilimumab : Yervoy®) seront discutées.
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
LES CARCINOMES CUTANÉS NEUROENDOCRINES OU CARCINOMES À CELLULE DE MERKEL (CCM) Il s’agit d’un cancer primitif de la peau, dérivé de cellules neuro177
L’ESSENTIEL SUR…
endocrines appelées cellules de Merkel. Ce type de carcinome est bien plus rare : il représente moins de 1 % de l’ensemble des cancers cutanés. Les facteurs de risque sont l’âge, le phototype clair, l’exposition solaire et l’immunosuppression. Le CCM survient généralement chez les sujets âgés. Il est de très mauvais pronostic et évolue de manière agressive au niveau locorégional avec un risque métastatique élevé de l’ordre de 33 %.
PRÉSENTATION CLINIQUE Le diagnostic clinique est souvent difficile et tardif. Il s’agit de papules ou nodules indurés, d’aspect brillant et de couleur vive, rouge ou violacée (Fig. 18) survenant de préférence sur les zones photoexposées, d’évolution rapide.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE (7) Un examen clinique complet comprenant la palpation des aires ganglionnaires est indispensable. Après confirmation histologique (marqueurs immunohistochimiques spécifiques), le bilan d’extension comprend une échographie ganglionnaire et d’emblée un scanner thoraco-abdominopelvien. Si la tumeur est de localisation céphalique, des coupes cérébrales et cervicales sont nécessaires. En l’absence d’adénopathie suspecte ou de localisation
CONCLUSIONS Les cancers cutanés sont extrêmement fréquents chez l’adulte et tout particulièrement dans la population gériatrique.
Figure 18 - Carcinomes neuroendocrines de Merkel sous-palpébral et malaire.
secondaire décelée cliniquement et radiologiquement, le traitement repose essentiellement sur l’exérèse chirurgicale, avec exérèse complémentaire pour obtenir des marges saines d’au moins 2 cm. La recherche et l’analyse du ganglion sentinelle peuvent être proposées à visée pronostique. Une radiothérapie du site opératoire et de l’aire de drainage est recommandée. En l’absence d’atteinte ganglionnaire ou viscérale, une surveillance trimestrielle comprenant un examen clinique et une échographie ganglionnaire sera instaurée pendant 2 ans, puis semestrielle pendant 3 ans en l’absence de signe d’évolutivité. En cas de métastase à distance, le traitement repose sur la chimiothérapie par carboplatine et étoposide ou ciclophosphamide, doxorubicine et vincristine. En fonction de l’état général et du souhait du patient, une prise en charge palliative pourra être envisagée.
Les principaux facteurs de risque sont l’exposition solaire aiguë et chronique cumulée, l’âge, le phototype clair, les antécédents personnels et familiaux de cancer cutané, les dermatoses chroniques et l’immunosuppression. Les biopsies cutanées doivent être pratiquées facilement au moindre doute diagnostic. Un diagnostic précoce, appuyé par une preuve histologique permet d’éviter une évolution locorégionale délabrante ou une évolution métastatique ganglionnaire et viscérale. Il faut se méfier des plaies chroniques sans aucune tendance à la cicatrisation. Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent. Son traitement repose essentiellement sur la chirurgie. Il n’engendre pas de métastase mais peut envahir les tissus sous-jacents et compliquer la prise en charge. Les patients ayant un antécédent de cancer cutané sont à haut risque de récidive et justifient une surveillance rapprochée clinique et plus ou moins radiologique. n
BIBLIOGRAPHIE 1. Lourari S, Paul C, Meyer N. Traitements non chirurgicaux des carcinomes cutanés et de leurs précurseurs. Presse Med 2011 ; 40 : 690-696. 2. Prise en charge diagnostique et thérapeutique du carcinome épidermoïde cutané (spinocellulaire) et de ses précurseurs. Recommandations. Ann Dermatol Venereol 2009 ; 136 (suppl. 5) : S166-86. 3. Firnhaber JM. Diagnosis and treatment of basal cell and squamous cell carcinoma. Am Fam Physician 2012 ; 86(2) : 161-8. 4. Prise en charge diagnostique et thérapeutique du carcinome basocellulaire de l’adulte. Recommandations. Haute Autorité de Santé 2004. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_272312/en/management-of-basal-cell-carcinoma-bbc-in-adults
178
5. Saiag P, Bosquet L, Guillot B et al. ; Société Française de Dermatologie. Management of adult patients with cutaneous melanoma without distant metastasis. 2005 update of the French Standards, Options and Recommendations guidelines. Summary report. Eur J Dermatol 2007 ; 17 : 325-31. 6. Eggermont AM, Robert C. Melanoma in 2011: a new paradigm tumor for drug development. Nat Rev Clin Oncol 2012 ; 9 : 74-6. 7. Boccara O, Girard C, Mortier L, Bens G, Saiag P, Guillot B; Groupe de cancérologie cutanée de la Société française de dermatologie. [Guidelines for the diagnosis and treatment of Merkel cell carcinoma]. Ann Dermatol Venereol 2011 ; 138 : 475-82.
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
ECHO DES CONGRÈS
Retour sur les JASFGG 2013 Les 33e Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (JASFGG) se sont tenues le 8, 9 et 10 octobre 2013 à La Défense à Paris. Dans ce numéro, vous trouverez les résumés des sessions sur l’infectiologie et sur les biomarqueurs. A venir : la démence, les pathologies cardio-vasculaires, les sessions "quoi de neuf ?" et les idées reçues en gériatrie et gérontologie.
1 Infectiologie et sujet âgé Pr Benoît de Wazières*, Dr Thibaut Fraisse**
PHARMACOLOGIE DES ANTIBIOTIQUES D’après une intervention du Pr Rodolphe Garraffo (Nice)
Le professeur Rodolphe Garraffo du service de pharmacologie et toxicologie médicale de Nice nous a présenté une mise au point sur les changements de la pharmacologie des antibiotiques chez le sujet âgé. La base d’une optimisation rationnelle en antibiothérapie repose sur un triptyque : la bactérie avec son niveau de résistance, l’antibiotique avec ses paramètres intrinsèques de pharmacocinétique et pharmacodynamique (Fig. 1) et le patient avec son immunité, sa fonction rénale, etc. Ainsi, l’antibiotique doit atteindre en quantité suffisante le site où se développe l’infection bactérienne, il doit ensuite y rester un temps suffisant pour exercer son action, et sa spécificité doit être suffisante pour limiter les effets toxiques sur les tissus concernés. Certaines propriétés physicochimiques propres aux antibiotiques vont déterminer les caractéristiques d’utilisation. Selon qu’ils sont hydrophiles ou lipophiles, les
*Médecine gériatrique, Hôpital Carémeau, CHU de Nîmes **Court séjour gériatrique, Centre hospitalier Alès-Cévennes, Alès
Concentration dans les tissus et fluides de l’organe en fonction du temps
Effets pharmacologiques et/ou toxiques
Concentration dans le sérum en fonction du temps
Dose
Concentration au site d’infection en fonction du temps
PHARMACOCINÉTIQUE
Effets antibiotiques
PHARMACODYNAMIE
Figure 1 - Paramètres pharmacologiques déterminant l’efficacité des antibiotiques (d’après R. Garraffo).
Tableau 1 - Caractéristiques des antibiotiques hydrophiles et lipophiles. Hydrophiles
Lipophiles
• b-lactamines • Glycopeptides • Carbapenèmes • Aminoglycosides
• Oxazolidinones • Rifampicine • Quinolones • Azalides & Tetracylines
• Passent mal la membrane biologique • Faible volume de distribution • Inactifs sur les germes intracellulaires • Eliminés plutôt par voie rénale
• Diffusion passive à travers la membrane biologique • Grand volume de distribution • Actifs sur les germes intracellulaires • Métabolisme hépatique plus fréquent
antibiotiques ont notamment une diffusion et une absorption très différente (Tab. 1).
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
Le vieillissement naturel de l’organisme entraîne la modification de divers paramètres pharmacociné179
ECHO DES CONGRÈS
tiques de nombreux antibiotiques. Il faut donc prendre en compte ces changements physiologiques et leurs conséquences pharmacologiques, car cela influencera directement l’issue thérapeutique du traitement. L’absorption n’est que modérément touchée, mais il n’en va pas de même pour leur distribution et leur élimination. Ainsi, les personnes âgées se trouveront rapidement en situation de surdosage même à posologies usuelles en l’absence de suivi thérapeutique pharmacologique. Parmi les éléments spécifiques au sujet âgé concernant l’absorption, il faut retenir le ralentissement de la vidange gastrique, l’augmentation du pH gastrique, la diminution de la surface d’absorption et de la motricité gastro-intestinale, la diminution du flux sanguin splanchnique et de l’efficacité des transporteurs membranaires. L’augmentation de la masse grasse du sujet âgé entraîne une augmentation de la demi-vie des antibiotiques lipophiles et la diminution de l’eau corporelle totale augmente la concentration des antibiotiques hydrophiles. En cas de dénutrition, la diminution de l’albumine entraîne une augmentation de la fraction libre des antibiotiques fortement liés comme notamment la ceftriaxone, antibiotique largement utilisé chez la personne âgée. Il y a une augmentation du risque de toxicité pour les antibiotiques à faible index thérapeutique comme les aminosides. L’influence de l’âge sur le métabolisme hépatique reste mal connue. Classiquement, la diminution du métabolisme enzymatique par le cytochrome P450 peut entraîner une augmentation des taux circulant, notamment des quinolones. L’élimination rénale des médicaments est une problématique 180
Tableau 2 - Classement des antibiotiques suivant qu’ils sont temps dépendants ou concentration dépendants. Antibiotiques temps dépendants (T > CMI) Pénicillines Céphalosporines Carbapénèmes Monobactames Macrolides Clindamycine Zyvoxid® …
Antibiotiques concentration dépendants (concentration plasmatique maximale, Cmax, ou aire sous la courbe) Aminosides Fluoroquinolones Métronidazole Glycopeptides Tétracyclines Azithromycine …
quotidienne en gériatrie. La masse rénale et le flux sanguin rénal diminuent d’environ 1 % par an à partir de 40 ans. Ainsi la cinétique de certains antibiotiques éliminés par voie rénale est considérablement modifiée : les aminosides, certaines β-lactamines, certaines quinolones. L’adaptation de la posologie pour les antibiotiques à élimination rénale est alors indispensable et doit se faire en respectant les critères PK/PD. La pharmacodynamique varie chez le sujet âgé par diminution du nombre et de la sensibilité des récepteurs. Cela ne concerne pas l’efficacité des antibiotiques puisque leurs récepteurs cibles sont bactériens. En revanche, la sensibilité aux effets secondaires est plus élevée et l’adaptation PK/PD d’une antibiothérapie est donc indispensable chez un patient âgé fragilisé et soumis à une forte variabilité des paramètres pharmacocinétiques. Ainsi les paramètres de concentration, de temps passé à concentration > CMI 90 (concentration minimale inhibitrice) et l’aire sous la courbe vont être des éléments essentiels d’efficacité du médicament. Les pénicillines en général ont une efficacité temps dépendante, c’est-à-dire que l’efficacité est corrélée au temps passé audessus de la concentration mini-
male inhibitrice. À l’extrême, l’idéal serait une perfusion continue aux pousse-seringues. À l’inverse, les aminosides sont concentration dépendants et nécessitent donc des perfusions uniques avec une dose qui doit être contrôlée par la concentration au pic survenant 30 minutes après la fin de la perfusion. Les fluoroquinolones sont dans le même cas de figure (Tab. 2). Ainsi l’idéal est : • d’avoir un suivi thérapeutique pour les molécules à faible index thérapeutique, c’est-à-dire en pratique, effectuer des dosages pour les aminosides et pour les glycopeptides ; • adapter les posologies en fonction de la clairance de la créatinine, en pratique lorsqu’elle est inférieure à 30 par la méthode de Cockroft ; • adapter la posologie soit en espaçant les administrations si l’antibiotique est concentration dépendant (aminosides) ou baisser la dose unitaire si l’antibiotique est temps dépendant, comme pour les n pénicillines.
Mots-clés : Antibiothérapie, Pharmacologie, Résistance, Aminosides
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
INFECTIOLOGIE JASFGG ET SUJET2013 ÂGÉ
LES BONNES PRATIQUES DE PRESCRIPTION DES ANTIBIOTIQUES EN GÉRIATRIE D’après une intervention du Pr Benoît de Wazières (Nîmes)
Ces molécules, issues initialement des bactéries elles-mêmes, sont maintenant obtenues par chimie de synthèse. Certaines sont bactéricides, d’autres bactériostatiques et c’est le système immunitaire qui fait le reste du travail. Certaines sont concentration dépendantes, d’autres temps dépendantes. Leurs pharmacologie et pharmacocinétique sont complexes, ainsi il est très difficile de prescrire le bon antibiotique, au bon moment, à la dose adaptée au malade, etc. Les durées de traitement se sont considérablement raccourcies. Le prix à investir pour obtenir une autorisation de mise sur le marché étant considérable, les laboratoires sont peu enclins à développer la recherche dans ce domaine (il y a très peu de nouvelles molécules en préparation). Les résistances évoluant vite et devenant préoccupantes, il est nécessaire, comme les antibiotiques sont en voie de disparition, de les protéger ! Trop souvent, l’antibiothérapie est prescrite pour rassurer le malade et le médecin. Les antibiotiques servent essentiellement à prévenir les complications, par exemple éviter un rhumatisme articulaire aigu après une angine, éviter un abcès du poumon. Ils servent parfois à guérir, notamment lors des septicémies pour éviter la dissémination généralisée, et dans les méningites où les délais d’injection des antibiotiques conditionnent le pronostic. L’antibioprophylaxie périopératoire ne sera pas développée dans cet exposé. Les pénicillines ont bénéficié d’une évolution considérable depuis leur découverte. Malheu-
reusement, leur utilisation large a entraîné rapidement des résistances et actuellement, en ville, près de 50 % des bactéries usuelles dans les infections urinaires sont résistantes à l’amoxicilline. Néanmoins, il n’y a pas de résistance du streptocoque, ce qui permet de continuer à les utiliser en prévention, par exemple dans les érysipèles. Les pénicillines restent les premiers antibiotiques prescrits au monde. Elles donnent malheureusement des complications allergiques qui peuvent être graves. Les aminosides sont des antibiotiques concentration dépendants, rapidement bactéricides, qui ont une grande toxicité rénale et auditive, nécessitant donc des prescriptions de très courte durée (une journée à trois jours) avec des dosages plasmatiques : dosage du pic pour l’efficacité, dosages de la vallée pour la toxicité. Ils doivent être prescrits avec des protocoles précis et doivent toujours être associés à d’autres antibiotiques, la perfusion ayant lieu en deuxième position. Les fluoroquinolones sont des antibiotiques remarquablement efficaces, bien absorbés par voie digestive, qui diffusent vite et bien dans la plupart des tissus même complexes (prostate, os), avec malheureusement des toxicités nombreuses et une émergence de résistance rapide. Leur prescription doit être parcimonieuse pour les économiser. Les effets secondaires peuvent être sévères : douleurs musculo-tendineuses généralisées, ruptures de tendons, confusion, complications hématologiques… Les autres antibiotiques ont peu de place en gériatrie sauf avis spé-
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
cialisé. Les macrolides sont bactériostatiques et, chez les personnes âgées immunodéficientes, il vaut mieux utiliser des antibiotiques bactéricides. Eventuellement, la Pyostacine® peut être utilisée dans les infections bronchopulmonaires et cutanées. Les cyclines n’ont plus d’indication. Tous les autres ont des indications très spécifiques et limitées, nécessitant un avis spécialisé (par exemple traitement antituberculeux, Zyvoxid®, nouveau penème, nouvelle cyclines). Manipuler les antibiotiques nécessite du bon sens pour soigner un malade et non un prélèvement : la peau est naturellement colonisée, de même que toutes les plaies, une colonisation urinaire ne nécessite pas de traitement et l’antibiothérapie locale doit être définitivement contre-indiquée (éventuellement pommade cutanée Fucidine® pour un eczéma surinfecté). Il faut donc, pour poser l’indication d’une antibiothérapie, affirmer le processus infectieux. L’infection n’est pas la seule cause des fièvres ou d’augmentation des marqueurs inflammatoires. Les arthrites microcristallines, par exemple, sont très fébriles et très inflammatoires. Un patient déshydraté, un patient avec une phlébite ou une embolie pulmonaire sera fébrile et inflammatoire. Toutes les infections ne sont pas bactériennes (Fig. 2 et 3), en particulier les infections ORL, les rhinopharyngites, les bronchites aiguës, les gastro-entérites aiguës, les angines à TDR négatif… On peut analyser la problématique par organe. Les infections urinaires, lorsqu’elles sont symptomatiques, sont facilement iden181
ECHO DES CONGRÈS
tifiables grâce à l’examen bactériologique des urines. Dans le cadre des infections du système nerveux central (ponction lombaire) ou des endocardites (hémocultures positives), le diagnostic est simple. Au niveau cutané, il est parfois difficile d’affirmer un diagnostic d’érysipèle chez des patients ayant des jambes rouges chroniques sur insuffisance veineuse sévère compliquée d’artérite. Des lésions comme le zona, le pyoderma gangrenosum (Fig. 1) ou une nécrose cutanée peuvent en imposer pour une pathologie infectieuse. Le choix de l’antibiothérapie reste en revanche empirique, en particulier dans les infections pulmonaires où elle est basée sur les statistiques de fréquence des germes selon le site en cause et/ou les circonstances de survenue (pneumocoques dans les pneumonies, germes anaérobies dans les abcès du poumon, pyocyaniques dans les DDB/bronchites chroniques…). Dès que le résultat d’un antibiogramme peut être obtenu, il faut effectuer une désescalade du choix antibiotique initial. Pourquoi maintenir une céphalosporine de troisième génération alors que sur l’examen urinaire, l’Escherichia coli isolé est sensible à l’amoxicilline !
Figure 1 - Exemple de lésions cutanées spectaculaires pouvant faire évoquer une maladie infectieuse. Ici un pyoderma gangrenosum chez un patient porteur d’une anémie sidéroblastique nécessitant une corticothérapie en urgence.
jours être privilégiée. Dès que le malade peut avaler les comprimés et que son état clinique s’améliore, il faut arrêter la voie intraveineuse. Les fluoroquinolones ont une très bonne absorption orale, identique à la voie intraveineuse. Certains antibiotiques sont utilisables par la voie sous-cutanée (attention aux nécroses cutanées aux aminosides). Il ne faut jamais utiliser d’antibiotiques sur les escarres ni
Figure 2 - Patient présentant des lésions d’herpès profuses du visage : immunodépression liée à une leucémie lymphoïde chronique.
Dans la plupart des maladies infectieuses, les premières heures de la maladie conditionnent le pronostic. Les méningites sont une urgence absolue avec injection immédiate à la moindre suspicion, dans les pneumonies, le délai idéal pour injecter la première dose d’antibiotiques se situe entre quatre et huit heures après le début des symptômes. Figure 3 - Patient présentant des pustules diffuses sur l’ensemble du corps avec fièvre
Concernant les modalités d’administration, la voie orale doit tou182
à 39°C, polynucléaires > à 15 000 et CRP élevée : il est urgent de traiter ce syndrome de Sweet avec une corticothérapie ! Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
JASFGG 2013
dans la vessie… Certaines durées de traitement sont bien codifiées par des études scientifiques validées, par exemple la prévention du rhumatisme articulaire aigu par l’Oracilline®. Dans beaucoup d’autres pathologies, la durée de traitement repose sur des études scientifiques de faible niveau de preuve. La tendance est à la diminution de la durée des traitements dans les pneumonies, pyélonéphrites, méningites, la septicémie, etc. Cela permet de diminuer les effets secondaires, par exemple les colites à Clostridium. Elle est souvent prescrite trop longtemps
dans les prostatites ou les bronchites. L’interaction principale avec des antibiotiques est la déstabilisation de l’INR, particulièrement avec les fluoroquinolones et l’amoxicilline/acide clavulanique. Prescrire un antibiotique chez un patient prenant des anticoagulants (AVK) nécessite de faire un contrôle de la coagulation dans les 48 heures. En conclusion, un des principaux effets secondaires des antibiotiques est de favoriser l’émergence des résistances bactériennes. La quantité d’antibiotiques prescrits a un impact important sur
l’émergence des résistances, or la France reste un des tout premiers prescripteurs et consommateurs en Europe. Ce n’est donc pas un hasard si nous sommes au premier rang des bactéries résistantes, voire totalement résistantes telles qu’elles ont été observées récemment dans le sud de la France. Nous devons donc montrer l’exemple chez les personnes âgées qui sont particulièrement exposées aux risques infectieux. n
Mots-clés : Résistance, Adaptation, Maladie infectieuse
PRESCRIPTION DES AMINOSIDES CHEZ LE PATIENT ÂGÉ D’après une intervention du Dr Thibaut Fraisse (Alès)
Les aminosides sont des antibiotiques rapidement bactéricides avec un index thérapeutique étroit. Ils sont habituellement utilisés dans les états septiques graves (choc septique, endocardite…) pour avoir une efficacité antibactérienne plus rapide ou élargir le spectre lors du traitement probabiliste. La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) ont élaboré en mars 2011 des recommandations de bonne pratique pour l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) (1) qui ont été présentées dans un précédent numéro de Repères en Gériatrie (septembre 2012, volume 14, n° 120, p. 193-194). Une enquête nationale de pratique de la prescription des aminosides après 75 ans a été effectuée en 2012 auprès des infectiologues et gériatres français par l’inter-
médiaire de l’intergroupe SPILF/ Société Française de Gériatrie et Gérontologie. Comment bien prescrire les aminosides chez le patient âgé ? Quelles sont les pratiques constatées en France chez les patients de plus de 75 ans ?
INDICATIONS DES AMINOSIDES
Les aminosides sont recommandés dans le traitement probabiliste des infections graves (sepsis sévère ou choc septique) pour accélérer la bactéricidie et élargir le spectre initial, couvrant d’éventuelles bactéries multirésistantes. La synergie avec les β-lactamine peut être utilisée dans certaines infections graves comme l’endocardite. Les résultats de l’enquête de l’intergroupe SPILF/SFGG rétrospective sur l’année 2012 concernent 38 centres participants dont 15 services de courts séjours géria-
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
triques, 4 SSR et EPHAD/USLD. 184 patients d’âge moyen de 84 ans (75-102 ans) ont été inclus. Les aminosides étaient utilisés essentiellement dans les infections urinaires (60 patients), l’endocardite (36 patients) et 30 infections bactériémiques sans porte d’entrée isolée. Les bactéries le plus souvent isolées étaient S. aureus (34 souches), E. coli (31 souches), streptocoques (21 souches) et entérocoques (18 souches).
NOMBRE D’ADMINISTRATIONS QUOTIDIENNES
La dose unique journalière est recommandée pour l’administration des aminosides. L’endocardite à entérocoque est la seule situation où une administration en 2 prises/jour peut être utilisée. Les aminosides sont en effet des antibiotiques dits concentration dépendants : pour être efficaces, 183
ECHO DES CONGRÈS
leur Cmax doit être supérieure de 8 à 10 fois à la CMI de la souche bactérienne. Seule l’administration de la dose en 1 prise par jour permet d’obtenir une Cmax efficace pour les souches ayant des CMI élevées. La répartition de la dose en l’administrant en plusieurs prises par jour (2 ou 3) diminuerait d’autant la Cmax et par conséquent l’efficacité. La néphrotoxicité des aminosides est liée à un mécanisme saturable de transport dans les cellules rénales. L’administration des aminosides en monoprise diminue donc l’exposition rénale et permet d’administrer de plus fortes doses sans accroître la toxicité rénale. Rybak et al. (2), en 1999, avaient montré que la toxicité rénale des aminosides survenait avec une dose 4 fois plus importante d’aminosides lorsqu’on l’utilisait en monoprise contre 2 prises par jour. Lors de l’enquête SPILF/SFGG, 97 % des prescriptions d’amikacine étaient en dose unique journalière et 90 % des prescriptions de gentamicine chez les patients de plus de 75 ans.
VOIE D’ADMINISTRATION
La voie intraveineuse est recommandée pour l’administration des aminosides. La voie sous-cutanée doit être évitée en raison du risque de nécrose cutanée et d’une possible diminution du pic plasmatique avec risque d’échec, surtout pour les bactéries ayant des CMI élevées. L’amikacine est le seul aminoside à posséder l’indication pour la voie intramusculaire. Cette voie est contre-indiquée pour les patients sous anticoagulants. Ce n’est pas une voie de recours en cas de sepsis sévère qui nécessite souvent d’autres traitements parentéraux (antibiotique, soluté de remplis184
sage…). Elle ne peut pas non plus être utilisée au long cours. Une indication limitée pourrait être en monothérapie dans le traitement d’une infection urinaire documentée à germe multirésistant avec difficulté d’accès veineux. L’utilisation intraveineuse prédomine chez les patients de plus de 75 ans avec 95 % des administrations. L’utilisation d’amikacine IM et SC a été rapportée occasionnellement (9 patients) dans notre enquête.
POSOLOGIE Les recommandations de l’AFSSAPS sont pour la gentamicine une dose de 3 à 8 mg/kg/j et pour l’amikacine de 15 à 30mg/kg/j. En cas d’infection sévère ou de suspicion d’infection à germe ayant une CMI élevée pour les aminosides, il est préférable d’utiliser les posologies plus élevées pour atteindre les objectifs pharmacodynamiques (Cmax > 8-10 CMI). La diminution de posologie risque de compromettre l’efficacité bactériologique et de faire émerger des souches résistantes à l’aminoside utilisé sans diminuer la toxicité. La toxicité est plus liée à l’exposition aux aminosides (nombre d’injections/jour, durée de traitement) et à leur accumulation en cas d’insuffisance rénale. Lorsqu’il est nécessaire d’utiliser un aminoside chez un patient âgé, même insuffisant rénal, il est préférable de faire une seule injection à pleine dose que de diminuer la posologie sur une durée plus longue. Dans l’enquête SPILF/SFGG, il existe une sous-utilisation des aminosides avec des posologies moyennes inférieures aux recommandations : 13,5 mg/kg/j pour l’amikacine et 3,5 mg/kg/j pour la gentamicine.
DOSAGE PLASMATIQUE DES AMINOSIDES Les dosages plasmatiques des aminosides peuvent être utilisés, en particulier chez le patient âgé. Le dosage de la Cmax est prédictif de l’efficacité. Il est utile en cas de traitement d’infection sévère (choc septique) ou pouvant être liée à une bactérie multirésistante. L’objectif pour les traitements probabilistes est de 30-40 mg/l pour la gentamicine et 60-80 mg/l pour l’amikacine. Le dosage de la résiduelle (Cmin) est associé au risque néphrotoxique. Il doit être réalisé chez le patient insuffisant rénal ou à risque d’insuffisance rénale lors d’injections répétées. La réinjection d’aminoside ne se fait que lorsque la Cmin est inférieure à 0,5 mg/l pour la gentamicine et 2,5 mg/l pour l’amikacine. Dans l’enquête que nous avons réalisée, les dosages sont assez rarement utilisés : 20 % pour la Cmax et 38 % des patients pour la Cmin. Lorsqu’ils sont réalisés, les objectifs pharmacocinétiques recommandés sont rarement atteints : 1 % de Cmax et 37 % des Cmin corrects. Mais surtout, il existe une sous-utilisation des résultats des dosages avec seulement 44 % d’adaptation de posologie en fonction de la Cmax et 24 % d’adaptation de l’intervalle entre les injections selon la Cmin.
COMMENT DIMINUER LA NÉPHROTOXICITÉ ?
Il est recommandé de privilégier la dose unique journalière et des durées courtes (1 injection, jusqu’à 3-5 jours) d’administration. Le dosage de la Cmin peut être utile en cas d’injections répétées pour éviter l’accumulation et la néphrotoxicité des aminosides. Enfin, il convient
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
JASFGG 2013
de limiter les autres facteurs de risque d’insuffisance rénale bien connus des gériatres : déshydratation, rétention d’urine, traitements néphrotoxiques associés… Dans l’enquête de prescription des aminosides après 75 ans, il a été montré que les facteurs de risque de survenue d’une aggravation de la fonction rénale > 25 % en analyse multivariée étaient la durée de traitement ≥ 3 jours (odds ratio : 5,25 [2,16-12,74]) et l’association à au moins un autre traitement néphrotoxique (odds ratio : 5,79 [1,57-21,38]). La prise de traitements néphrotoxiques est extrêmement fréquente chez les patients de plus de 75 ans avec 70 % de patients recevant au moins un traitement néphrotoxique, en majorité les diurétiques (60 %), les IEC (30 %), sartan (22 %), vancomycine (17 %)
et les produits de contraste iodé (16 %).
Remerciements : Tous les centres participants à l’enquête de l’intergroupe SPILF/SFGG. A Barrel, G Puigserver, C Jarry, M Debray, JF Desson,
CONCLUSION
P Suel, D Phardin, C Clément, V Baudoux,
Les aminosides sont utiles dans les infections sévères et/ou à bactéries résistantes pour leur bactéricidie rapide permettant de diminuer rapidement l’inoculum. Leur index thérapeutique est étroit, avec une efficacité liée à la Cmax (> 8-10 x la CMI) et une toxicité liée à la Cmin. Ils ont le plus souvent un intérêt comme “booster” à l’initiation de l’antibiothérapie. Il est alors préférable d’utiliser une posologie optimale (ne pas sous-doser) quitte à ne pas répéter les injections. n
V Bérard, G Gavazzi, S Kripciak, B de Wa-
Mots-clés : Aminosides, Prescriptions, Infections graves
zières, M Paccalin, C Peng, JL Lequintrec, E Piet, L Legout, E Forrestier, AL Lecapitaine, A Dinh, JL Schmit, F Mechai, D Croisier-Bertin, JP Stahl, C Lechiche, A Sotto, D PatialDelon, D Rioux, G Lefalher, A Makinson, K Repesse, D Entrecanale, B Fougère, S Bayle, M Guillet, V Vitrat, Y Hansmann, J Marchal-Fenninger.
BIBLIOGRAPHIE 1. Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Update on good use of injectable aminoglycosides, gentamicin, tobramycin, netilmycin, amikacin. Pharmacological properties, indications, dosage, and mode of administration, treatment monitoring. Med Mal Infect 2012 ; 42 : 301-8. 2. Rybak MJ, Abate BJ, Kang SL et al. Prospective evaluation of the effect of an aminoglycoside dosing regimen on rates of observed nephrotoxicity and ototoxicity. Antimicrob Agent Chemoth 1999 ; 43 : 1549-55.
2 Biomarqueurs Quels sont ceux utiles en urgence ? Hélène Le Petitcorps*, Pr Jacques Boddaert*
MÉTHODOLOGIE ET CRITÈRES À CONNAÎTRE POUR COMPRENDRE L’INTÉRÊT D’UN BIOMARQUEUR D’après la communication du Dr Yonathan Freund (Paris)
La fonction d’un biomarqueur peut être abordée sous différents axes. Il peut avoir à la fois un rôle dans l’aide au diagnostic, au pronostic, à la stratification du risque,
*Centre de gériatrie, GH Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, Paris
au monitoring. Quelques critères permettent de caractériser l’intérêt d’un biomarqueur : • la sensibilité : si le patient est malade alors le test est positif (principe du dépistage de masse) ; • la spécificité : si le patient est sain alors le test est négatif (confir-
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
mation diagnostique pour VIH ou cancer par exemple) ; • la valeur prédictive négative (VPN) : si le test est négatif alors le patient est sain ; • la valeur prédictive positive (VPP) : si le test est positif alors le patient est malade. 185
ECHO DES CONGRÈS
VPN et VPP sont utiles pour exclure une maladie dans un groupe précis, par exemple la troponine dans la douleur thoracique ou les D-dimères dans l’embolie pulmonaire. Il est assez courant de raisonner également sur le ratio de prévalence qui permet d’apprécier l’apport diagnostique d’un marqueur en y ajoutant la probabilité
pré-test clinique (prévalence de la maladie dans le groupe de patients présentant un signe clinique). Par exemple, le ratio de prévalence de la PCT pour un seuil à 0,5 ng/ml est de 44. Cela signifie que ce seuil est franchi 44 fois plus fréquemment chez un patient présentant une infection bactérienne que chez un patient non septique. Enfin, la courbe ROC est une re-
présentation graphique de la sensibilité en fonction de la spécificité. Elle est utile pour les tests quantitatifs. En fonction du seuil choisi, on peut ainsi trouver le meilleur compromis entre sensibilité et spécificité ou, si l’on préfère, privilégier l’une à l’autre. Une aire sous la courbe supérieure à 0,85 correspond à un test ayant de bonnes pern formances diagnostiques.
INTÉRÊTS ET LIMITES DU BNP CHEZ LE PATIENT ÂGÉ D’après la communication du Pr Yann-Erick Claessens (Monaco)
Le BNP et son cofragment inactif, le NT-proBNP, sont fabriqués quasi uniquement au niveau des myocytes du ventricule gauche. Leurs performances diagnostiques sont bonnes chez le sujet âgé. Leur utilisation a un impact médico-économique et pronostique, influençant la morbimortalité. En 2008, l’European Society of Cardiology (ESC) a proposé un algorithme repris par la Haute autorité de santé (HAS) quant à l’usage et l’interprétation des BNP et NT-proBNP chez un patient dyspnéique (Fig. 1). Cependant, les particularités des patients âgés généralement comorbides influencent la généralisation de ces recommandations, en raison de : • la diminution du débit de filtration glomérulaire, avec l’âge, mais surtout avec les pathologies associées. Les concentrations circulantes de BNP et NT-proBNP sont inversement corrélées à la fonction rénale. Une adaptation de leurs seuils d’interprétation s’avère donc nécessaire. Par exemple, on retiendra 1800 pg/ml pour le NT-proBNP chez le patient âgé contre 450 pg/ml chez le sujet jeune non 186
insuffisant rénal. Se pose en plus le problème du patient âgé et insuffisant rénal chez qui le seuil passe à plus de 2000 pg/ml ; • l’importance de la polypathologie. De nombreuses pathologies peuvent augmenter le BNP, comme le syndrome coronarien aigu, l’insuffisance ventriculaire droite, l’état de choc, le sepsis sévère, l’anémie, la fibrillation auriculaire ou l’accident vasculaire cérébral… Or, un certain nombre de ces pathologies peuvent s’observer dans une dyspnée aiguë du patient âgé et il est habituel d’être confronté à un patient présentant plusieurs de ces pathologies au cours d’un même épisode de décompensation ; • la hausse isolée du biomarqueur sans signe clinique. L’étude d’une petite cohorte de 80 patients nonagénaires hollandais bien portants a montré que la hausse du NTpro-BNP était corrélée à des anomalies échographiques sans pour autant qu’il existe de retentissement clinique aigu. Ainsi, contrairement à la population générale, le bénéfice du dosage du BNP chez le sujet âgé dyspnéique est actuellement controversé en terme de mor-
talité comme l’a montré une étude suisse randomisée de 500 patients dyspnéiques de plus de 70 ans consultant aux urgences. Ils bénéficiaient soit du dosage du BNP et d’une prise en charge selon un algorithme, soit d’une prise en charge “usuelle”. Il y avait alors un bénéfice dans le groupe BNP concernant le nombre, la durée et le coût des hospitalisations par rapport au groupe conventionnel, mais pas de bénéfice sur la mortalité. Une autre lecture de ces résultats peut être qu’à mortalité comparable, le recours aux biomarqueurs permet une réduction de la durée de séjour et des coûts inhérents. Par ailleurs, chez le patient âgé, dans 50 % des cas, plusieurs causes de dyspnée sont possibles et leur association l’est tout autant. Une étude française, menée par le Pr Patrick Ray en 2006, a montré l’importance de la performance diagnostique dans la prise en charge des patients âgés dyspnéiques. Ainsi, si le diagnostic d’OAP n’était pas porté précocement (dès les urgences), la mortalité à 30 jours passait de 11 % chez les patients diagnostiqués à 25 % chez
Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
JASFGG 2013
les patients non diagnostiqués. Enfin, il semble que la zone grise du biomarqueur, traduisant l’incertitude, soit finalement bien réduite par le sens clinique du praticien et l’apport des autres examens complémentaires pratiqués en urgence (électrocardiogramme, radiographie de thorax, biologie standard). En effet, la prise en compte des résultats de ces examens permet de réduire cette zone à seulement 5 % des patients dyspnéiques. n
Examen clinique, ECG, Radiographie
BNP ≤ 100 pg/ml NT-proBNP ≤ 300 pg/ml
BNP = 100-400 pg/ml NT-proBNP300-450 pg/ml (≤ 50 ans) 300-900 pg/ml (50-75 ans) 300-1800 pg/ml (≥ 75 ans)
BNP ≥ 400 pg/ml NT-proBNP≥ 400 pg/ml (≤ 50 ans) ≥ 900 pg/ml (50-75 ans) ≥ 1800 pg/ml (≥ 75 ans)
IC peu probable
Diagnostic incertain/Echographie
IC probable
Figure 1 - Algorithme pour l’utilisation du dosage des BNP et NT-proBNP dans le diagnostic étiologique d’une symptomatologie suspecte d’insuffisance cardiaque.
INTÉRÊTS ET LIMITES DE LA TROPONINE CHEZ LE PATIENT ÂGÉ D’après la communication du Dr Camille Chenevier-Gobeaux (Paris)
La définition de l’infarctus du myocarde associe l’évidence d’une souffrance myocardique (symptômes cliniques et modification ECG) à la détection d’une variation d’un marqueur d’ischémie cardiaque (troponine) qui doit être mesuré avec précision. La labilité et le temps de latence des résultats de la troponine conventionnelle (Tn) doit main-
tenant faire privilégier le dosage de la Tn hypersensible (TnHs) (en ng/l et de détection précoce), pour un ensemble de raisons : jusqu’à présent la détection des Tn I et T n’était pas standardisée, ces immunodosages n’étaient pas équivalents, et les valeurs de seuil n’étaient pas transposables.
ter des concentrations 10 fois inférieures et permet de mesurer de façon précise le 99e percentile. La sensibilité diagnostique se voit donc améliorée, avec une détection actuellement possible dès H0, et un délai du 2e dosage raccourci à 3 h (contre 4 à 6 h antérieurement).
L’utilisation de la TnHs, plus sensible, permet de détec-
Une des limites évidentes de cette détection précoce est le recrute-
Douleur thoracique et ECG non contributif
Douleur ≥ 6 h TnHs ≤ 14 ng/l (99e percentile)
TnHs ≥50 ng/l à H0 ou TnHs ≥14 ng/l à H0 Et ∆H3≥ 20 % ou ∆H3≥ 10 ng/l
Exclusion du diagnostic d’infarctus du myocarde
Haut risque d’infarctus du myocarde
Figure 2 - Algorithme pour l’utilisation du dosage de la TnHs dans le diagnostic étiologique d’une symptomatologie suspecte de SCA non STEMI (d’après ESC 2012). Repères en Gériatrie • Novembre-Décembre 2013 • vol. 15 • numéro 129
187
ECHO DES CONGRÈS
ment de “faux positifs”. Rappelons en effet que les Tn sont des marqueurs cardiospécifiques, mais non coronarospécifiques, dont les taux peuvent augmenter dans l’embolie pulmonaire, la dissection aortique, le sepsis par exemple. De plus, chez le sujet âgé, il faut insister sur la moindre fréquence : • des douleurs thoraciques dans les souffrances coronaires ; • de la sémiologie atypique (au
premier rang de laquelle on trouve la dyspnée, les tableaux pseudo-digestifs) ; • des SCA non STEMI (ST-Elevation Myocardial Infarction) avec souvent un retard au diagnostic. Ainsi, lors d’un SCA après 75 ans la mortalité est doublée et, après 85 ans, les complications au décours (choc cardiogénique, AVC, saignement et mortalité) sont également multipliées par un facteur entre 2 et 6 (Fig. 2).
En ce sens, dans la population gériatrique, les variations de la TnHs sont particulièrement utiles, avec cependant un coût à prendre en compte, en comparaison d’une valeur isolée. Si l’arrivée de la TnHs permet de diagnostiquer plus rapidement ou d’exclure le SCA, elle requiert une analyse plus fine des dosages et de leur cinétique qui ne seront interprétés qu’en fonction du contexte n clinique.
INTÉRÊTS ET LIMITES DE LA PCT CHEZ LE PATIENT ÂGÉ D’après la communication du Dr Gaëtan Gavazzi (Grenoble)
Aucun consensus n’a encore été clairement établi quant à la valeur de la procalcitonine (PCT) pour l’aide au diagnostic des infections. Lors d’une infection bactérienne, la PCT est fabriquée au niveau des cellules thyroïdiennes. Elle est normalement absente en condition physiologique et s’élève en cas d’infection. Contrairement à la population générale, il semble que la PCT ne puisse pas être considérée comme un excellent marqueur positif de l’infection. En effet, il a été montré que le seuil de 0,05 ng/ml, à partir duquel une infection bactérienne doit être suspectée, ne s’applique pas systématiquement chez les patients âgés : la PCT pouvant varier de
0,05 à 0,25 ng/ml chez des sujets de plus de 75 ans consultant aux urgences, mais non infectés… Les causes de ce manque de sensibilité ne sont pas encore établies, mais pourraient être liées à des modifications de la réponse inflammatoire avec l’âge. La spécificité reste excellente comme dans la population générale. Concernant la gravité dans la population âgée, la plupart des études montrent une corrélation entre l’importance de la hausse de la PCT et l’augmentation de la mortalité à 30 jours d’un épisode infectieux. Mais, là encore, ces données doivent être confirmées dans la population très âgée comorbide. Actuellement, les pistes les plus intéressantes concernent l’utilisation
de la PCT pour guider la durée des antibiothérapies, et des études sont en cours.
CONCLUSION L’utilisation de ces biomarqueurs intervient comme une aide à la prise en charge du patient, mais il est indispensable de tenir compte de l’indication du contexte et souvent du manque de données dans la population gériatrique. Surtout, aucun biomarqueur ne doit se substituer à la démarche diagnostique clinique. n
Mots-clés : Biomarqueurs, BNP, NT-proBNP, TnHs, Procalcitonine
RENDEZ-VOUS DE L’INDUSTRIE CHIRURGIE
MÉDICAMENT
Un kit pour la fracture du poignet
Prolia® et ostéoporose post-ménopausique
L
a société New Clip commercialise Initial R®, un kit à usage unique pour la chirurgie du radius. 40 000 fractures du poignet surviennent chaque année, principalement chez les patients âgés souffrant d’ostéoporose. Le kit comprend un implant de dernière génération et l’ensemble des instruments nécessaires à l’acte chirurgical. Ils sont stériles et conditionnés dans un coffret permettant un stockage optimisé. n
L
e médicament Prolia® (denosumab) est remboursé (à 65 %) depuis le 27 septembre 2013 dans le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique chez la femme à risque élevé de fractures, en relais des bisphosphonates. Les patientes devront être préalablement traitées par bisphosphonates pendant au moins 3 mois consécutifs au cours de l’année précédant l’instauration de Prolia®. n
PETITES ANNONCES
LA CLINIQUE SAINT-PIERRE À PONTARLIER Etablissement de Soins de Suite et de Réadaptation (60 lits d’hospitalisation complète et 5 places Hôpital de Jour) située à Pontarlier (25) et faisant partie du groupe Capio Santé, 2e opérateur français de l’hospitalisation privée en France (5000 salariés - 28 cliniques), s’inscrivant dans une action volontaire d’offrir à ses patients la meilleure qualité d’accueil et de sécurité des soins.
RECHERCHE
MÉDECIN GÉRIATRE ou MÉDECIN GÉNÉRALISTE EXPÉRIMENTÉ EN GÉRIATRIE ou MÉDECIN GÉNÉRALISTE ATTIRÉ PAR LA GÉRIATRIE H/F à temps plein ou partiel en CDI ou en CDD MISSIONS - être partie prenante d’une équipe médicale de 3 praticiens, - participer activement aux projets médicaux centrés sur la prise en charge de la personne âgée polypathologique, - assurer la gestion médicale du patient (admission et élaboration du projet thérapeutique, suivi, et préparation de la sortie), - garantir l’ensemble des processus visant la qualité et la sécurité dans la prise en charge médicale - participer aux instances (CLUD – CLIN- CME). En vous positionnant comme personne ressource et force de proposition, vous contribuez activement : - à faire évoluer les processus d’organisation en accord avec les exigences réglementaires et les orientations stratégiques de ‘établissement. - à permettre à l’établissement : => de se distinguer en matière d’innovation dans l’efficience quotidienne de la prise en charge au service des patients et des familles ; => de faire valoir sa position de site incontournable dans l’offre de soins au regard des attentes des administrations de tutelle.
PROFIL : Nous recherchons une personne ayant : - un doctorat en médecine et une capacité en gériatrie (expérience minimum dans la fonction non exigée) - Ou un/une généraliste expérimenté(e)en gériatrie - Ou un/une généraliste attiré(e) par la gériatrie
Poste à pourvoir très rapidement – Statut : selon convention FHP- Rémunération très intéressante et selon expérience. ECRIRE A : Merci d’adresser votre candidature (curriculum vitae et lettre de motivation) par mail ou par courrier à : Clinique Saint Pierre - 6 rue Emile Thomas - BP 139 -25302 PONTARLIER CEDEX Ou par E-mail : scaillot@capio.fr - P : 06.85.20.14.22
Vous recherchez un médecin, ou un remplaçant pour compléter votre équipe médicale ? Contactez nos services pour une d iffusion maximale de votre petite annonce
Votre contact : Claire Lesaint Tél. : 01 49 29 29 20 • Fax : 01 49 29 29 19 Mail : clesaint@expressiongroupe.fr ou connectez-vous sur la rubrique “petites annonces“ de nos sites : geriatries.org
LE POLE DE GERIATRIE DU CENTRE HOSPITALIER DE LANNION-TRESTEL RECHERCHE 1 GERIATRE A TEMPS PLEIN POUR SON SERVICE DE MEDECINE GERIATRIQUE (capacité de gériatrie ou formation en cours souhaitée) Candidature et CV à envoyer à : Monsieur le Directeur Centre Hospitalier BP 70348 - 22303 LANNION Tél. : 02 96 05 71 19 Fax : 02 96 05 70 57 mail : sec-affairesmedicales@ch-lannion.fr Renseignements : Docteur COLIN (responsable de pôle) Tél. : 02 96 05 70 97