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2e Partie - Troubles dépressifs dans les pathologies neurologiques

DOSSIER

5 Dépression et migraine A rechercher lors de toute consultation d’un migraineux n

La comorbidité migraine-troubles anxio-dépressifs est connue depuis longtemps. Cette co-

morbidité est d’autant plus présente que la migraine est chronique ou que la migraine évolue vers une céphalée chronique quotidienne avec abus médicamenteux. Elle induit une altération encore plus marquée de la qualité de vie que dans la migraine épisodique, aggrave le handicap de la maladie migraineuse et entraîne des coûts médico-économiques élevés. C’est pourquoi il est fondamental de la rechercher lors de toute consultation d’un migraineux car des traitements médicamenteux et non médicamenteux ont une action prophylactique dans la migraine et la comorbidité anxio-dépressive…

Epidémiologie Migraines et troubles dépressifs

Toutes les études effectuées en population générale avec des critères diagnostiques précis démontrent qu’il existe un risque 2 à 4 fois plus élevé d’être déprimé chez les migraineux que chez les non migraineux (1-4). En population consultante, la moitié des migraineux a souffert ou souffrira d’une dépression majeure et, à l’inverse, un tiers des déprimés souffre de migraine. Cette association entre migraine et dépression est plus forte pour la migraine avec aura que pour la migraine sans aura. Le taux de suicide est également plus important chez les migraineux que chez les contrôles, et ceci indépendamment de la présence d’un trouble dépressif (1).

*Clinique Neurologique, Hôpital Salengro, CHRU de Lille

Neurologies • Février 2012 • vol. 15 • numéro 145

Christian Lucas*

Migraines et troubles anxieux

De même, le risque de souffrir d’un trouble anxieux est plus élevé chez les migraineux que chez les non migraineux : 3 à 5 fois plus important pour le trouble panique, 2 à 2,5 fois pour les troubles phobiques et 5 à 5,5 fois pour l’anxiété généralisée (1, 5-7). On note une coexistence entre dépression et anxiété chez environ 30 % des migraineux (8). Le stress est également considéré comme un facteur déclenchant par plus deux tiers des migraineux. Les événements traumatiques précoces semblent plus fréquents chez les migraineux que chez les contrôles (9-10) et sont un facteur de risque de chronicisation des migraines (10-11).

Impact de la comorbidité psychiatrique chez le migraineux

Trois études ont été réalisées en population générale française sur la thématique migraine et comorbidités psychiatriques.

• L’étude Framig 3 (12) nous avait permis de montrer que le handicap et l’altération de la qualité de vie chez les migraineux sont d’autant plus grands qu’il existe une dimension anxieuse ou une dimension dépressive, et qu’il est encore plus fort lorsque les dimensions anxieuse et dépressive coexistent (Fig. 1). Par ailleurs, l’efficacité et la satisfaction du traitement de crise sont réduits en présence d’une comorbidité psychiatrique. • L’étude SMILE (13-14) avait montré plus d’adaptation dysfonctionnelle face à la migraine chez les patients souffrant de comorbidité psychiatrique (stress perçu, conduites d’évitements et dramatisation plus importants) (Fig. 2). • Enfin, l’étude GRIM 3 (15-16) nous avait appris que le nombre de jours de crise est plus élevé chez les migraineux souffrant de ces comorbidités. 69


Troubles dépressifs dans les pathologies neurologiques - 2e Partie

DOSSIER

Particularités des symptômes dépressifs dans la migraine

Il est parfois difficile au neurologue de faire le diagnostic de dépression : le patient vient consulter pour ses maux de tête et il craint, s’il se plaint de symptômes psychiques, que l’on mette ses douleurs sur le compte de son état mental. Par ailleurs, les symptômes psychiques sont mis sur le compte des douleurs et considérés comme secondaires par le patient qui refuse une prise en charge autonome de ces derniers. C’est pourquoi il importe de rechercher activement des symptômes de dépression qui sans cela passeront inaperçus : tristesse de l’humeur, irritabilité, anxiété, troubles du sommeil qui sont d’ailleurs un facteur de risque de chronicisation de la migraine. Les cognitions dépressives sont souvent centrées sur les céphalées avec le sentiment de ne plus pouvoir faire face à la douleur, de ne plus la supporter, le découragement quant à une possible amélioration. L’aggravation du cours évolutif de la migraine, la multiplication des prises de médicaments de crise doivent aussi alerter quant à une éventuelle survenue d’un épisode dépressif. Certains patients focalisent leurs cognitions anxieuses sur la survenue des crises (phobie des céphalées, angoisse anticipatoire). Ils peuvent adopter une stratégie de coping évitante : multiplier les prises médicamenteuses, ce qui peut conduire à une situation de céphalées par abus médicamenteux (16-17). Ils peuvent en arriver à des conduites d’évitement de tous les éventuels facteurs déclenchants de crises (vent, lu70

Figure 1 - Evaluation de l’impact de la comorbidité anxio-dépressive chez les migraineux en population générale (étude Framig 3) à l’aide du score MIDAS et de l’échelle de qualité de vie SF12. Noter qu’en présence d’une comorbidité anxio-dépressive le handicap est plus grand et la qualité de vie plus altérée.

Figure 2 - Evaluation de l’impact de la comorbidité anxio-dépressive chez les migraineux vus en médecine générale (étude SMILE) à l’aide des score de stress perçu, de dramatisation et d’évitement. Noter qu’en présence d’une comorbidité anxio-dépressive le patient a des stratégies dysfonctionnelles pour faire face à la maladie migraineuse.

mière, bruits, aliments…) ce qui peut conduire à une restriction du mode de vie considérable.

Les traitements

• Il faut privilégier les molécules ayant une efficacité sur la migraine et sur la comorbidité psychiatrique comme (18) : - l’amitryptiline (elle n’a pas d’effets antidépresseurs aux doses habituellement utilisées pour la migraine mais agit sur l’anxiété et les troubles du sommeil) ; - le divalproate de sodium qui a un effet thymorégulateur ; - le topiramate dont l’efficacité pré-

ventive dans le trouble bipolaire reste à démontrer, mais qui pourrait être intéressant pour traiter et prévenir la dépression chez les patients bipolaires. Cependant la dépression peut aussi être un effet secondaire de ce traitement. • Il est important de dépister la bipolarité chez les migraineux déprimés et, dans ce cas, préférer les thymorégulateurs aux antidépresseurs. • Il arrive que les patients migraineux aient un trouble anxieux généralisé justifiant la mise sous inhibiteurs de la recapture de la Neurologies • Février 2012 • vol. 15 • numéro 145


sérotonine (IRS). Il faut savoir, dans ce cas, relativiser le risque de syndrome sérotoninergique du fait de l’association entre triptans et IRS : il s’agit d’une complication excessivement rare (19). • On retiendra également que la relaxation a un intérêt (grade B dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé) (18) chez les patients migraineux anxieux. Il existe en effet une efficacité démontrée par 70 études contrôlées du biofeedback, de la relaxation et des thérapies de gestion du stress. La difficulté étant de trouver un thérapeute rompu à ces techniques. • On sera particulièrement vigilant quant au risque de céphalées par abus médicamenteux chez les patients présentant une comorbidité psychiatrique (17).

besoins non satisfaits

Il n’existe pas, à ce jour, de molécule idéale pour la prise en charge de la dépression ou de l’anxiété chez un migraineux : l’amitryptilline est utilisée dans la migraine entre 15 et 75 mg/j mais n’a pas d’action antidépressive à ces doses. De plus, la tolérance est souvent moyenne (prise de poids, sécheresse buccale, constipation…). Le divalproate peut entraîner des effets secondaires bien connus : tremblements, troubles digestifs, prise de poids, hépatotoxicité… (nécessité de surveiller les transaminases les 3 premiers mois du traitement). Le topiramate nécessite des augmentations très progressives de la posologie et peut entraîner des effets secondaires neuropsychiques graves même à petites doses (raptus suicidaires, aggravation ou apNeurologies • Février 2012 • vol. 15 • numéro 145

parition d’un syndrome dépressif, troubles mnésiques…). Les IRS n’ont pas d’action de prophylaxie sur la migraine.

Perspectives : chronobiologie et céphalées primaires

Le caractère chronobiologique dans les céphalées primaires est clairement établi dans l’algie vasculaire de la face (AVF). La physiopathologie de l’AVF fait intervenir le système trigéminovasculaire (unilatéralité et localisation de la douleur, signes sympathiques et parasympathiques) et un générateur hypothalamique postéro-inférieur (caractère cyclique et à heures fixes des crises suggérant un rythme circadien via la mélatonine et l’acide gamma-aminobutyrique) (20-21). La chronobiologie est même double circadienne et circannuelle avec des périodes “fécondes” de crises aux intersaisons. Ce caractère chronobiologique est moins bien établi dans la migraine, mais existe également cliniquement (patients ayant par exemple électivement des crises nocturnes). Par ailleurs, des variations des concentrations plasmatiques de mélatonine ont été observées dans la crise de migraine (22), sans que l’on sache s’il s’agit d’une conséquence d’une co-participation hypothalamique (celui-ci étant vraisemblablement impliqué dans la physiopathologie de la migraine). Mashura et al. (23) ont montré, dans une étude portant sur 146 patients migraineux vs 74 témoins, une diminution de mélatonine durant les crises de migraine. Il existe également des arguments biochimiques de l’implication des voies mélatoninergiques dans la

migraine chronique (24) qui affecte 2 à 3 % des adultes, soit 1,5 à 2 millions de nos concitoyens (25). Ces modifications plasmatiques de la mélatonine semblent témoigner d’une désynchronisation des rythmes dans la crise de migraine (de nombreux migraineux ont par exemple des crises déclenchées par la dette ou l’excès de sommeil) C’est pourquoi des thérapeutiques ayant des propriétés de resynchronisation des rythmes seraient intéressantes à évaluer dans la maladie migraineuse. n Correspondance Dr Christian Lucas Clinique Neurologique Hôpital Salengro, CHRU Lille Tél. : 03 20 44 68 14 Fax : 03 20 44 60 28 E-mail : clucas@chru-lille.fr Conflits d’intérêt Investigateur principal ou co-investigateur d’essais cliniques ou mission de conseils ou intervenant avec les laboratoires suivants : Allergan, Almirall, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Bouchara Recordati, Euthérapie, GSK, Ménarini, MSD, Pfizer.

Mots-clés : Migraine, Céphalées, Dépression, Suicide, Anxiété, Trouble panique, Troubles phobiques, Stress, Troubles du sommeil, Céphalée chronique quotidienne, Abus médicamenteux, Qualité de vie, Amitryptiline, Divalproate de sodium, Topiramate, Thymorégulateurs, Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, Mélatonine, Chronobiologie

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Bibliographie

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prix Prix France Alzheimer et Fondation de France

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rance Alzheimer et la Fondation de France lancent un appel à projet exceptionnel pour l’attribution d’un prix spécial d’un montant de 400 000 euros destiné à un travail de recherche en sciences médicales d’envergure internationale sur la maladie d’Alzheimer et/ou les maladies apparentées. L’objectif est de favoriser l’obtention de résultats à fort impact sur la compréhension et/ou la prise en charge de la maladie. L’appel à projets vise à promouvoir un programme de recherche interdisciplinaire fondé sur la mise en œuvre d’une collaboration effective entre au moins deux équipes travaillant dans des domaines distincts. Il n’est pas réservé à un axe thématique particulier (physiopathologie, génétique, neuropathologie, biomarqueurs, diagnostic, cibles thérapeutiques...).

Pour présenter un projet Faire parvenir un formulaire d’intention - téléchargeable sur www.francealzheimer.org, (rubrique Recherche) ou sur www. fondationdefrance.org - avant le 19 mars 2012. Les candidats présélectionnés seront ensuite invités à envoyer un dossier complet pour le 21 mai au plus tard. Contact Lyne Valentino Association France Alzheimer (Service études et recherche) Tél. : 01 42 97 48 91 - E-mail : aap@francealzheimer.org n

Prix Institut de France- Fondation Allianz

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e prix, d’un montant de 75 000 euros pour 2012, est destiné à récompenser le responsable de recherches médicales ou biomédicales, fondamentaliste ou clinicien, dont l’œuvre conduit ou peut conduire à des applications susceptibles d’accroître l’espérance de vie par des actions préventives ou curatives. Il peut être attribué à un chercheur travaillant à l’étranger lorsque l’origine ou le développement de ses travaux a été effectué en liaison étroite avec des équipes françaises. Tout chercheur doit faire parrainer sa candidature par une personnalité scientifique de renommée internationale. 72

Adresser un dossier de candidature à : Président de la Commission Scientifique de la Fondation Allianz Institut de France - 87, rue de Richelieu, Case Courrier A 420 75113 Paris cedex 02 Date limite : 9 mars 2012. Renseignements complémentaires : Pauline Couturier Tél. : 01 44 86 72 83 - E-mail : fondation@allianz.fr Site : www.institut-de-france.fr/ Neurologies • Février 2012 • vol. 15 • numéro 145


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