spécial AAN - 2e partie
sclérose en plaques
4 SEP et grossesse Des grossesses sous haute surveillance n Les résultats d’études ou registres pour les immunomodulateurs actuels et les nouvelles moléCaroline Bensa* cules sont plutôt rassurants, mais le suivi doit se poursuivre.
tériflunomide
Ce traitement est autorisé aux USA et en Australie depuis 2012. Il est non mutagène in vitro, et n’affecte pas la fertilité des rats. Par contre, il a montré une tératogénicité chez les rats et les lapins. En cas de désir de grossesse sous traitement, il est recommandé d’effectuer une procédure d’élimination rapide, jusqu’à des taux plasmatiques ≤ 0,02 mg/l (11 jours). Le tériflunomide est un métabolite du léflunomide (Arava®), utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde depuis 1998. Le registre OTIS des grossesses sous léflunomide (78 grossesses) n’a pas montré de tératogénicité pour ce produit. Sous tériflunomide [1], dans les études princeps et depuis sa commercialisation, 44 grossesses ont été enregistrées. Deux sont en cours, 10 (23 %) ont donné lieu à des fausses couches spontanées (FCS) et 20 à des interruptions de grossesse ; 12 naissances vivantes ont eu lieu. La fréquence des FCS apparaît supérieure à celle de la population générale, à contrôler par un registre prospectif. Les 12 nouveau-nés exposés sont nés en bonne santé, d’un poids moyen de 3 318 g, à terme, sans malformation. La durée d’exposition était de quelques jours à 11 semaines. Il n’a pas non plus été enregistré de
* Service de neurologie, Fondation A. de Rothschild, Paris
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signal négatif chez les enfants nés d’hommes sous traitement. Ces données sont plutôt rassurantes.
IFN bêta-1a : le registre américain
Entre le 17 mai 1996 et le 31 décembre 2012, 426 300 patients ont été exposés à Avonex®. Les données du US Avonex pregnancy registry data ont été présentées [2]. En l’absence de la possibilité de constituer un groupe contrôle de grossesses de patientes SEP, des experts examinateurs externes ont été recrutés pour évaluer l’existence ou non de malformations. Les nouveau-nés ont été suivis 8 à 12 semaines post-partum. 306 grossesses ont eu pour issues 1 enfant mort-né, 5 IVG, 28 FCS (10,5 %), 272 naissances vivantes, dont 14 (6,3 %) avec des anomalies congénitales. Ces données sont comparables à celles de la population générale, avec la limitation de l’absence de groupe contrôle SEP. Les auteurs prévoient d’utiliser comme base de comparaison les registres d’Europe du Nord.
natalizumab : le registre TPER
L’analyse du registre TPER (Tysabri Pregnancy Exposure Registry) a été présentée [3]. Les bébés étaient suivis 8 à 12 semaines après l’ac-
couchement aux USA, 4 semaines en Europe. Sur 377 grossesses (370 SEP, 7 maladies de Crohn) (Fig. 1), l’issue est connue pour 364, et 356 ont été suivies prospectivement. 9,3 % ont donné lieu à des fausses couches spontanées, ce qui est inférieur au taux de FCS dans la population générale (15 %). Des anomalies congénitales mineures et majeures ont été observées chez 30 enfants dont 3 paires de jumeaux.
BG-12 [4]
Cette molécule n’a pas révélé de tératogénicité fœtale chez l’animal, et n’affecte pas la fertilité des lapins et des rats. Chez l’Homme, 56 grossesses ont été enregistrées au cours des essais thérapeutiques, dont 38 dans les bras sous BG-12. Aucun signal d’alerte n’est apparu concernant l’issue des grossesses, la fréquence des malformations ou des fausses couches spontanées chez les patientes exposées au traitement. Ces données ne sont que préliminaires, et un registre des grossesses chez les patientes exposées sera mis en place en phase IV.
fingolimod : le Gilenya Pregnancy Registry
Le recueil rétrospectif au cours des essais ou dans les études postNeurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
sclérose en plaques
marketing a permis d’enregistrer 63 naissances. Dans cette cohorte le taux d’anomalies congénitales est de 6,3 % (3 % dans la population générale). Cette base comporte trop peu de patientes pour conclure, d’autant plus que le suivi rétrospectif a tendance à surestimer les issues défavorables. Le Gilenya Pregnancy Registry [5] a été mis en place récemment, visant à suivre 500 femmes enceintes exposées au fingolimod peu de temps avant ou pendant le début de la grossesse, et à les suivre prospectivement. Pour l’instant, seulement n 16 ont été enrôlées. Correspondance Dr Caroline BENSA Fondation A. de Rothschild Service de neurologie E-mail : cbensa@fo-rothschild.fr
spécial AAN - 2e partie
Patientes inclues de façon prospective n = 377
Issue de la grossesse inconnue / perdues de vue n = 21
Issue de la grossesse connue n = 364
Enfant vivant n = 316
A terme n = 238
Avortement spontané n = 33
Interruption de grossesse n = 14
Grossesse ectopique ou enfant mort-né n=1
Pré-terme n = 48
Figure 1 – Tysabri Pregnancy Exposure Registry : données jusqu’au 23 novembre 2012.
Mots-clés : Sclérose en plaques, Traitement, Grossesse, Interféron, Tériflunomide, Natalizumab, BG-12, Fingolimod
Bibliographie 1. Jung Henson L et al. Pregnancy outcomes from the teriflunomide clinical development program: retrospective analysis of the Teriflunomide Clinical Trial Database. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : S30.005. 2. Tomczyk S et al. Pregnancy outcomes in patients exposed to intramuscular interferon beta-1a (IM IFNβ-1a). 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : S30.006. 3. Cristiano L et al. Evaluation of pregnancy outcomes from the TYSABRI®
(Natalizumab) Pregnancy Exposure Registry. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : P02.127. 4. Gold R et al. BG-12 (dimethyl fumarate) and pregnancy: preclinical and clinical data from the dlinical development program. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : P02.129. 5. Geissbü Hler Y et al. Multinational Gilenya™ (Fingolimod) Pregnancy Exposure Registry: preliminary results. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : P02.134.
• En bref Reproduction et risque de SEP Une équipe danoise a rapproché l’augmentation avec le temps du sex ratio F/H des patients atteints de SEP, passé en 40 ans au Danemark de 1,3/1 à 2,2/1, et l’augmentation de l’âge moyen du premier enfant. D’autres travaux avaient montré que le nombre des grossesses et le nombre d’enfants étaient corrélés à l’âge de début de la maladie. L’incidence de la maladie est maximale pour les femmes après 40 ans. Les Danois ont utilisé le registre national de SEP et le registre des naissances, entre 2000 et 2004, comparant 1 403 cas et 55 045 contrôles. L’âge moyen du premier enfant est comparable entre les cas et les contrôles. En
revanche, le nombre d’enfants (0 vs 1 vs >1) apparaît comme un facteur protecteur vis-à-vis de la maladie, essentiellement dans les 5 ans avant le début de la maladie. L’odd ratio est de 0,54 pour les femmes qui ont un enfant dans les 5 ans avant le début de la maladie, et de 0,68 pour celles qui ont plus d’1 enfant. Chez les hommes, on n’observe pas ce lien entre naissance des enfants et âge de début de la maladie. Les auteurs proposent l’hypothèse que l’immunomodulation positive liée à la grossesse persiste jusqu’à 5 ans. Caroline Bensa (Fondation A. de Rothschild, Paris)
Référence : Magyari M et al. Reproduction and the risk of multiple sclerosis. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : S10.005
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