spécial AAN - 2e partie
Nerfs & MUSCLEs
2 Pathologies musculaires La FSH en tête n
San Diego est une cité américaine sans doute typique, mais possédant les charmes des
bords du Pacifique. La température agréable qui y régnait pendant le congrès n’était cependant pas suffisante pour que les body-builders qui arpentent les plages en été sortent et montrent leurs muscles. Ces derniers étaient donc surtout présents à l’intérieur du Convention Center et c’est la dystrophie facio-scapulo-humérale (FSHD) qui a retenu l’attention.
FSHD2 : avancées franconéerlandaises en génétique [1, 2]
La FSHD reste une physiopathologie mystérieuse qui se dévoile petit à petit. Si FSHD1 et FSHD2 sont cliniquement similaires, les anomalies génétiques en cause ne sont pas les mêmes. Dans les deux cas, il existe une relaxation anormale de la chromatine de la région D4Z4 (chromosome 4), provoquant un défaut de répression du facteur de transcription DUX4 qui conduit à la mort cellulaire. Dans le cas de FSHD1, cette relaxation est liée à une diminution du nombre de répétitions de D4Z4 (1 à 10 au lieu de 11 à 100 normalement). Concernant FSHD2, les mécanismes sont encore mal connus, la relaxation de l’ADN étant ici indépendante du nombre de répétitions de D4Z4. Le gène SMCHD1 (chromosome 18) jouerait un rôle de modulateur épigénétique du fragment D4Z4. En effet, si le taux de la protéine SMCHD1 dans les
*Centre de Référence Maladies Neuromusculaires NantesAngers, Hôtel-Dieu, Nantes
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Emmanuelle Folgoas et Yann Péréon*
cellules du muscle squelettique diminue, on observe une relaxation de D4Z4 et l’expression inappropriée de DUX4, indépendante d’une diminution des répétitions de D4Z4. Les mutations du gène SMCHD1 pourraient donc être en cause dans les FSHD de type 2.
FSHD1 et SMCHD1
Dans la foulée et confirmant les données ci-dessus, l’équipe de Sabrina Sacconi [3] a présenté une étude réalisée sur 42 patients FSHD1, portant sur la relation entre nombre de répétitions et sévérité de la maladie. Dans les cas typiques, plus le nombre de répétitions est bas, plus l’atteinte est sévère. Mais il existe des cas atypiques où l’on n’observe pas cette concordance génotype/phénotype. Parmi ces 42 patients, 3 avaient un taux de répétitions relativement haut (9 RU) et un phénotype clinique sévère. Ces 3 patients étaient porteurs à la fois de la mutation FSHD1 (contraction de D4Z4) et d’une mutation dans le gène SMCHD1. Une mutation associée de SMCHD1 pourrait donc aggraver les phénotypes FSHD1.
FSHD et hypoacousie
Les formes précoces de FSH peuvent être associées à des déficits neurosensoriels, en particulier aux déficits auditifs. L’équipe de K. Lutz [4] a rapporté 11 cas d’hypoacousie dans une population de 59 patients FSHD. L’étude montre que le déficit neurosensoriel survient entre la naissance et 7 ans, est discret à modéré, bilatéral, d’apparition progressive et porte sur les hautes fréquences. L’hypoacousie est associée à une taille du fragment EcoRI-Blnl plus petite (en moyenne 12,9 kb contre 21,3 kb chez les FSHD non atteints). Il pourrait donc être nécessaire de dépister précocement une hypoacousie chez l’enfant atteint de FSHD (dès la naissance ?), ce d’autant que le fragment EcoRI-Blnl est court, ces patients pouvant bénéficier d’un appareillage précoce.
Dystrophie musculaire de Duchenne
Les présentations qui ont concerné la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) étaient moins “pepsi” que celles sur la FSHD. Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
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• La perte de la marche représente un tournant dramatique dans la vie des patients atteints de DMD et de leur famille. Ciafaloni et al. ont étudié la masse de données du réseau américain Muscular Dystrophy Surveillance, Tracking, and Research Network (MD STARnet). L’étude de la population de patients Duchenne et Becker nés entre 1988 et 2009 a permis de montrer une corrélation entre l’âge des premiers symptômes de la maladie et celui de la perte de la marche [5]. Une porte ouverte enfoncée ? Ou plutôt, la confirmation statistique d’un sentiment clinique. • La question des stéroïdes est longtemps restée en suspens dans la prise en charge des garçons porteurs de DMD, mais un consensus se fait maintenant sur leur administration systématique au cours de la première décennie. Une équipe japonaise [6] a repris les données de 560 patients DMD issues d’un registre de dystrophie musculaire. Les garçons ont été sélectionnés sur les données de la biopsie musculaire (absence de dystrophine) et de la génétique (présence d’une mutation sur le gène de la dystrophine) ; 245 d’entre eux avaient été traités par prednisone, 315 n’en avaient pas reçu. Dans le premier groupe, la perte de marche est survenue à l’âge de 11 ans (10 ans et 6 mois11 ans et 6 mois), alors que les patients non traités ont perdu la marche à 10 ans et 1 mois (10 ans10 ans et 6 mois) (p = 0,0002). Cette étude rétrospective confirme à grande échelle ce bénéfice des corticoïdes qui, même s’il est limité, permet de gagner près d’un an sur l’âge de perte de la marche.
Myopathies des ceintures
Les dystrophies des ceintures Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
représentent un vaste sac d’où émergent plus de 25 myopathies, dont l’origine génétique a pour point commun de provoquer un déficit musculaire proximal. Leur prévalence est estimée de 0,5 à 4 pour 100 000 de par le monde. Wicklund et al. [7] ont dépouillé les résultats obtenus à partir des séquençages réalisés dans les laboratoires Athena Diagnostics, qui réalisent la plupart des diagnostics génétiques aux Etats-Unis. L’étude incluait les gènes CAPN3, CAV3, DYSF, FKRP, LMNA, SGCA, SGCB, SGCD et SGCG. De façon similaire à ce qui est observé en Europe occidentale, les calpaïnopathies représentent le groupe d’anomalies génétiques le plus fréquemment retrouvées (30 %), suivies, par fréquence décroissante par : dysferline (18 %), FKRP (17 %), LMNA (11 %), α-sarcoglycan (9%), β-sarcoglycan (5%), δ-sarcoglycan, caveolin (3 %) et γ-sarcoglycan (3 %). De façon globale, les sarcoglycanopathies représentent le 2e type de pathologie. Dans la session Highlights consacrée aux maladies musculaires, A. Amato est revenu sur plusieurs publications récentes concernant les myopathies inflammatoires et toxiques.
Dermatomyosite et polymyosite : nouveautés thérapeutiques, vraiment ? Rituximab
Une large étude tout juste publiée [8], randomisée, en double aveugle, contre placebo, a permis d’évaluer la sécurité et l’efficacité du rituximab dans les dermatomyosites (DM) et polymyosites (PM) réfractaires. Deux cents pa-
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tients issus de populations adulte et pédiatrique ont été inclus (76 PM, 76 DM, 48 DM juvéniles) et ont reçu le rituximab à J1 pour les uns et à J60 pour les autres. Les principaux critères d’évaluation portaient sur le temps nécessaire pour obtenir une amélioration clinique significative prédéfinie. Si 83 % des patients validaient ce critère d’amélioration, il n’y avait pour autant pas de différence significative entre l’administration précoce et tardive du rituximab.
Etanercept
Dans une étude de 2011, randomisée, contre placebo, menée par le Muscle Group Study [9], l’étanercept était administré à la dose de 50 mg par semaine pendant 52 semaines dans les DM. La prednisone était diminuée pendant les 24 premières semaines, jusqu’à la dose minimale nécessaire. Seize patients ont été inclus (étanercept 11 ; placebo 5). Les résultats ont montré une tendance à l’amélioration clinique sous étanercept, cependant non significative. Il n’y avait pas de différence concernant les effets secondaires (5 rashes dans le groupe traité, 1 dans le groupe placebo). Cinq des 11 sujets traités étaient sevrés en prednisone. Tous les patients ont présenté un échec thérapeutique, survenu au bout de 358 jours dans le groupe étanercept contre 148 dans le groupe placebo (p = 0,0002). La dose de prednisone était de 1,2 mg/j contre 29,2 mg/j dans le groupe non traité par étanercept.
Statines et myopathies
• Deux études publiées par Mammen et al. en 2011 et 2012 [10, 11] ont permis de mieux connaître les effets immunologiques des statines, qui induisent parfois des 225
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myopathies nécrotiques immunomédiées. L’exposition aux statines provoque l’expression d’antigènes de 100 kd et 200 kd en culture cellulaire, celui de 100 kd correspondant à l’HMGCoA réductase. Dans ce centre, 6 % des patients avaient un anticorps anti-HMGCoA réductase positif et, parmi ceux âgés de plus de 50 ans, 92,3 % avaient pris des statines. Par contre, en 2012, sur une large population de patients (n = 1 966) ayant pris ou prenant actuellement une statine, aucun anticorps anti-HMGCoA n’a été mis en évidence, y compris chez les 51 patients ayant une intolérance aux statines. Cet autoanticorps est rare, mais pourrait être spécifique de cette myopathie auto-immune. • L’équipe de Mangla et al. [12] rapporte une corrélation entre myopathies induites par statines et déficit en vitamine D. 84,8 % des patients suivis dans ce centre (n = 244), présentant une “myopathie” induite par une statine, ont un taux de vitamine D inférieur à 30 ng/ml (OR : 3,176 ; 95%CI : 2,17-4,63). Il pourrait donc être intéressant de supplémenter les patients carencés, en
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attendant les données ultérieures d’une étude randomisée.
Fibrates et intolérance à l’effort
Les résultats de l’étude portant sur l’administration de bézafibrate dans les déficiences en CPT II (Carnitine PalmitoylTransferase) et Very Long Chain Acyl CoADehydrogenase (VLCAD) ont été présentés [13]. Bonnefont et al. avaient déjà montré, en 2009 [14], une amélioration de l’activité de ces deux enzymes in vitro après administration de bézafibrate et une amélioration de la qualité de vie (évaluée par auto-questionnaire) chez 6 patients dans une étude non randomisée. Dans cette deuxième étude, en double-aveugle, randomisée, contre placebo, l’oxydation totale des AG en condition d’exercice et le turnover du palmitate ont été évalués chez 10 patients (CPTII = 5 ; VLCAD = 5). L’oxydation des AG et la mesure du pouls pendant l’exercice constituaient les critères primaires. Les résultats montrent une diminution du
taux de LDL, triglycérides et des concentrations d’acides gras (AG) libres après bézafibrate. Il existe une tendance à l’augmentation de l’oxydation mais non significative, sans modification clinique du pouls. L’administration de bézafibrate ne modifie donc pas la bêta-oxydation et présente le désavantage de diminuer le taux des AG disponibles. Après des effets in vitro intéressants, il ne semble donc pas qu’il y ait lieu aujourd’hui de proposer le bézafibrate dans les n déficits en CPTII et VLCAD.
Correspondance Pr Yann Péréon Centre de référence des maladies neuromusculaires rares Nantes-Angers CHU Bd Jacques Monod 44093 Nantes Cedex 01 E-mail : Yann.Pereon@univ-nantes.fr
Mots-clés : Pathologies musculaires, Génétique, FSHD, Dystrophie musculaire de Duchenne, Myopathies des ceintures, Dermatomyosite, Polymyosite, Rituximab, Etanercept, Statines, Fibrates
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Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159