Revue pluridisciplinaire en neurologie
SPécial
65 AAN th
San Diego 16-23 mars 2013
partie 2
Le compte-rendu i ndépendant Sclérose en plaques
Muscles
• Imagerie: pas de révolution !
• La FSH en tête
• Traitements : les nouveautés de l’AAN • Des grossesses sous haute surveillance
Démences
Sommeil • Traiter le syndrome des jambes sans repos idiopathique
• Les traceurs fluorés de la plaque amyloïde
Epilepsies •M onitoring EEG, états de mal, et retard mental
Nerfs •N erf
périphérique, motoneurone et jonction neuromusculaire : honneur aux Français...
Juin 2013 • Volume 16 • n° 159 • 9 E • www.neurologies.fr
Revue pluridisciplinaire en neurologie
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Relectrice : Fanny Lentz • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne
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Juin 2013 • Vol. 16 • N° 159
n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rédacteur en chef Pr Franck Semah (Lille).
n Dossier Spécial AAN.............................................. p. 200 65th AAN Annual Meeting - San diego, 16-23 mars 2013 2e partie
Comité de rédaction Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Stéphane Auvin (Paris), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Dr Yannick Béjot (Dijon), Dr Stéphanie Bombois (Lille), Dr Benjamin Cretin (Strasbourg), Dr Bénédicte Défontaines (Paris), Dr Romain Deschamps (Paris), Dr David Devos (Lille), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valérie Domigo (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Antoine Gueguen (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Christine Lebrun-Frénay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Pr Yann Péréon (Nantes), Dr Sylvain Rheims (Lyon), Dr Catherine ThomasAntérion (Saint-Etienne), Pr Emmanuel Touzé (Paris), Dr Tatiana Witjas (Marseille), Pr Mathieu Zuber (Paris). Comité de lecture Pr David Adams (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Pr Franck Baylé (Paris), Dr Catherine Belin (Bobigny), DrFlorentBorgel(Grenoble),PrEmmanuelBroussolle (Lyon), Dr Gaëlle Bruneteau (Paris), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Créteil), Dr Olivier Delalande (Paris), Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Thierry Dubard (Reims), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Créteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantéri-Minet (Nice), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Dr Caroline Papeix (Paris), Pr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Pr Didier Smadja (Fort-de-France), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Marc Verny (Paris), Pr Hervé Vespignani (Nancy), Comité scientifique Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr Jean-Louis Baulieu (Tours), Dr Gérard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr William Camu (Montpellier), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr François Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Hubert Déchy (Versailles), Dr Jean-François Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie Hertz-Panier (Paris), DrPierreHinault(Rennes),DrLaurentLaloum(Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Saclay), PrOlivierLyon-Caen(Paris),PrJean-LouisMas(Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Philippe Neau (Poitiers), Pr JeanPierre Olié (Paris), Pr Jean Pelletier (Marseille), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danièle Ranoux (Limoges), Pr Jean Régis (Marseille), Dr Pascal Rémy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris) Neurologies est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai 75011 Paris - Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : neurologies@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0117T78155 - ISSN : 1287-9118 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Neurologies” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
p. 198
Coordonné par Franck Semah (Lille)
Démences n Imagerie des démences : l’arrivée des traceurs fluorés de la plaque amyloïde.......................................................................p. 200 Florence Le Jeune (Rennes) En bref • Café neuroprotecteur et également psychoprotecteur ?............................................p. 201 • Troubles du comportement du sommeil paradoxal (TCSP) et démences..................p. 204 Catherine Thomas-Antérion (Lyon)
Sclérose en plaques n Imagerie de la sclérose en plaques : pas de révolution !................p. 206 Mikael Cohen (Nice)
n Traitements de la SEP : les nouveautés de l’AAN............................p. 207 Caroline Bensa (Paris)
n Les traitements de la SEP : dernier résultats sur CombiRX, le swich natalizumab-fingolimod, et la fampridine........................p. 212 Mikael Cohen (Nice)
n SEP et grossesse : des grossesses sous haute surveillance............p. 216
Caroline Bensa (Paris) En bref • Un effet indésirable inattendu sous fampridine..........................................................p. 214 Caroline Bensa (Paris) • Reproduction et risque de SEP......................................................................................p. 217 Caroline Bensa (Paris)
Nerfs & Muscles n Nerf périphérique, motoneurone et jonction neuromusculaire : honneur aux Français.........................................p. 218 Jean-Philippe Camdessanché (Saint-Etienne)
n Pathologies neuromusculaires : la FSH en tête...............................p. 224 Emmanuelle Folgoas et Yann Péréon (Nantes) En bref • Une jolie observation.....................................................................................................p. 220 Emmanuelle Folgoas et Yann Péréon (Nantes)
Epilepsies n Les épilepsies à l’AAN : monitoring EEG, états de mal, retard mental.....................................................................................p. 227 Philippe Derambure (Lille) En bref • Crises psychogènes non épileptiques : efficacité des traitements agissant sur le système noradrénergique....................................................................p. 228 Philippe Derambure (Lille)
Sommeil n Le syndrome des jambes sans repos idiopathique, ou maladie d’Ekbom : nouveautés sur la prise en charge..............p. 230
Philippe Derambure (Lille) En bref • Sommeil : utilisation d’un traitement par mélatonine chez des patients hospitalisés en unité de soins intensifs..........................................p. 231 Philippe Derambure (Lille)
sommaire suite www.neurologies.fr
DOSSIER AAN - 1re partie • A lire dans Neurologies 158, mai 2013 Sclérose en plaques n Tout au long de la SEP : d’avant le diagnostic, jusqu’au décès - Caroline Bensa (Paris) n Neuromyélite optique : Le point sur les pathologies du spectre NMO - Mikael Cohen (Nice) En bref • Immunisation et risque de SEP - Caroline Bensa (Paris) • Obésité et SEP : quelles relations ? - Caroline Bensa (Paris) • Névrite optique et déficit en vitamine D - Caroline Bensa (Paris) Démences n Démence (MA, DFT, sclérose hippocampique, APP, DCL, ECT) : clinique, neuropsychologie et biomarqueurs, et neurologie du comportement - Catherine Thomas-Antérion (Lyon) En bref • Pink brain and blue brain ! - Catherine Thomas-Antérion (Lyon) • Ruine de l’âme et du compte en banque... - Catherine Thomas-Antérion (Lyon) Epilepsies n Inflammation et épilepsie : une nouvelle approche thérapeutique ? - Cécile Marchal (Bordeaux) En bref : • L’épilepsie myoclonique juvénile et le cœur : un possible rôle de la mutation SCN5A dans l’épileptogenèse ? Mihaela Bustuchina Vlaicu (Paris) Génétique n Neurogénétique : une avalanche de données, et des défis importants pour nos patients ! - Mihaela Bustuchina Vlaicu (Paris) En bref • La maladie d’Unverricht-Lundborg - Mihaela Bustuchina Vlaicu (Paris) • Attention aux erreurs diagnostiques ! - Mihaela Bustuchina Vlaicu (Paris)
n Formations.................................................................................................................................... p. 198 n Bulletin d’abonnement......................................................................................................... p. 229 n Rendez-vous de l’industrie.................................................................................................. p. 232 Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages), Pré-programme Rencontres de Neurologies (8 pages). Photo de couverture : DR
éditorial
Le tour d’horizon de l’AAN se poursuit et se termine … Franck Semah
N
ous poursuivons dans ce numéro notre tour d’horizon des actualités vues par notre groupe de rédaction lors de la réunion annuelle de l’American Academy of Neurology. Vous découvrirez comment certains ont vu des avancées notables ou des curiosités remarquables, ou parfois ont été déçus. Nous n’oublierons pas le nécessaire “cocorico” pour saluer les travaux de nos collègues. Vous découvrirez, entre autres, comment les vrais registres de grossesse des patientes atteintes d’une SEP se
mettent en place et commencent à fournir des informations fiables sur les répercussions des traitements, les interrogations que se posent nos collègues US un an après la mise à la disposition de l’imagerie de la plaque amyloïde, comment les travaux sur la SLA remettent en question son statut de maladie neurodégénérative, pourquoi les statines ont un effet sur les muscles, les études comparatives entre eux des traitements de la SEP… Bonne découverte !
n
actualités de la profession
Sclérose en plaques
EN BREF Du cannabis pour vos patients ? Migraine : Retrait de Vidora® Le laboratoire Biocodex a annoncé le retrait, à compter du 3 juin, de sa spécialité Vidora® comprimés à 25 mg (indoramine), utilisée dans le traitement de fond de la migraine, à la suite d’une réévaluation du rapport bénéfice/risque, et en particulier de la survenue de troubles du rythme et de la conduction cardiaque, et d’effet indésirables psychiatriques, liés aux propriétés alpha1-bloquante, anti-sérotoninergique et anti-dopaminergique de l’indoramine. Médicaments dopaminergiques L’ANSM a réédité en avril son document relatif au bon usage des médicaments dopaminergiques destiné aux patients, intitulé “Vous et … vos médicaments dopaminergiques” (www.ansm.sante.fr). Radiologie La Société Française de Radiologie et la Fédération d’Imagerie Interventionnelle ont rédigé un “Guide pratique de la radiologie interventionnelle”, libre d’accès et disponible en ligne (http://gri.radiologie.fr/) afin de faciliter les mises à jour régulières. Destiné aux médecins radiologues qui pratiquent la radiologie interventionnelle, aux jeunes radiologues en formation, ce guide recense les procédures les plus éprouvées et pertinentes de la radiologie interventionnelle et fournit des repères régulièrement actualisés, à travers 57 fiches réalisées par des experts reconnus dans leur domaine. 198
L’
autorisation de l’usage thérapeutique du cannabis est entrée dans les textes, au JO du 7 juin. Ce texte annule les restrictions du Code de la Santé publique sur l’usage du cannabis et des tétrahydrocannabinols (THC) - à l’exception de l’usage des dérivés de synthèse qui était autorisé pour les études cliniques. Il rend ainsi possible « la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché à des médicaments contenant du cannabis ou ses dérivés ». Une information parue dans le Vidal News du 14 juin rappelle que, jusqu’à présent, quelques dizaines d’ATU ont été délivrées depuis 2000 pour un comprimé de THC de synthèse, le dronabinol (Marinol®). Désormais, l’ANSM aura la possibilité d’examiner les demandes d’autorisation de médicaments dérivés
du cannabis. Le premier de ces médicaments devrait être le Sativex® du laboratoire Bayer, qui contient des extraits de Cannabis sativa L, le Tetranabinex® et le Nabidiolex®, dont les ingrédients actifs sont le delta-9-tétrahydrocannabinol et le cannabidiol. La Ministre de la Santé, Marisol Touraine, s’est déclarée favorable à l’étude de ce médicament par l’ANSM. Délivré sous forme de spray buccal (à vaporiser sous la langue ou sur la muqueuse de la bouche), il est déjà utilisé dans différents pays européens dans la sclérose en plaques, en particulier pour diminuer les douleurs et la spasticité sévères et résistantes chez certains patients. Il est également utilisé en Grande-Bretagne et au Canada pour soulager les malades atteints de cancer avancé. ß
Médicament
Un nouveau picto pour la “surveillance renforcée”
L’
ANSM annonce l’arrivée d’un nouveau picto, un triangle noir renversé, commun à toute l’Union européenne. Il devra être présent sur la notice des médicaments “sous surveillance renforcée”. Sur les 103 médicaments figurant dans la première liste publiée par l’Agence européenne du médicament (EMA) le 25 avril dernier, le motif principal d’inscription est le fait de contenir une nouvelle substance active ou un nouveau produit biologique (73 produits). Vient ensuite la nécessité de mettre en place une étude post-autorisation
(37), puis le statut de l’autorisation de mise sur le marché (AMM délivrée à titre exceptionnel ou conditionnel : 27 cas). En aucun cas il ne s’agit de médicaments dangereux. Cette liste ayant pour vocation d’être évolutive et de prendre en compte l’ensemble des médicaments disponibles dans l’UE, elle sera progressivement complétée par des produits identifiés au niveau national comme devant faire l’objet d’une surveillance particulière et sera actualisée tous les mois. Elle est disponible sur les sites Internet de l’ANSM et de l’EMA. ß
Formations
DU de réhabilitation neuropsychologique 2014 Objectifs de l’enseignement : Acquisition des connaissances théoriques et pratiques permettant la prise en charge rééducative de patients souffrant de troubles du langage, de troubles attentionnels, dysexécutifs, de troubles neurovisuels, praxiques, de la mémoire et de pathologies dégénératives. Il s’adresse aux médecins, psychologues, orthophonistes et ergothérapeutes.
Durée des études : de mars à juin 2014. Début des inscriptions : juin 2013 Renseignements et inscriptions Pr Pascale Pradat-Diehl Service de Médecine physique et de réadaptation - Hôpital de la Salpêtrière 47 Bd de l’Hôpital 75651 Paris cedex 13 E-mail : brigitte.darmon@psl.aphp.fr
ß
Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
spécial AAN - 2e partie
démences
Imagerie des démences L’arrivée des traceurs fluorés de la plaque amyloïde... n L’imagerie fonctionnelle métabolique dans les démences, et en particulier dans la maladie d’Alzheimer (MA), a encore été un sujet d’actualité à l’AAN cette année. En France, l’année 2013 doit être l’année de mise sur le marché pour le premier traceur de la plaque amyloïde fluoré. Les cliniciens spécialistes des démences vont avoir à leur disposition un traceur spécifique du dépôt de plaque amyloïde in vivo.
Florence Le Jeune*
L
e dépôt de plaques amyloïdes est l’une des caractéristiques neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer, et la détection in vivo de ces plaques va être réalisable grâce à l’imagerie TEP à la fin de cette année 2013 avec la mise sur le marché de traceurs fluorés. Au cours de sessions dédiées à l’exploration des démences [1], des conférenciers ont pu rapporter des données sur leur expérience et leurs questions quant à l’utilisation de ces traceurs en routine.
Quelques rappels sur les traceurs
Le PIB carboné a été le premier traceur développé et utilisé dans les études comme marqueur in vivo de la plaque amyloïde. Son marquage au carbone (durée de vie de 20 min) empêchant sa commercialisation, des traceurs fluorés (durée de vie de 110 min) ont été synthétisés pour permettre le développement de ce type de traceurs.
*Service de Médecine Nucléaire, Centre E. Marquis, Rennes
200
Figure 1 - Mise en évidence d’un dépôt cortical du traceur de la plaque amyloïde. A : examen considéré comme Aβ+. Absence de fixation corticale du traceur : examen considéré comme Aβ-.
Les principaux sont le florbetaben, le florbetapir et le flutemetamol. Différentes études ont comparé la fixation in vivo du traceur avec celle du référent carboné sans montrer de différence significative pouvant avoir une répercussion sur le plan clinique [2, 3]. Clark et al. ont, de plus, publié deux études montrant des résultats concordants entre la
fixation in vivo du florbetapir et les résultats anatomopathologiques post-mortem [4, 5]. A priori, seule l’analyse binaire des images, en noir et blanc, sera nécessaire pour poser le diagnostic de dépôt de plaques amyloïdes (Fig. 1). L’examen sera classé “amyloïde positif” s’il met en évidence une fixation intense du traceur Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
spécial AAN - 2e partie
sclérose en plaques
1 Imagerie de la sclérose
en plaques
Pas de révolution ! n Pas de réelle révolution dans les différentes communications relatives à l’imagerie… Devant les limites de l’imagerie conventionnelle et des paramètres pris en considération dans notre pratique quotidienne, la tendance est toujours d’essayer d’identifier de nouveaux marqueurs plus fiables et pertinents pour étudier l’atteinte diffuse du tissu nerveux. Ces marqueurs pourraient permettre d’évaluer de façon plus fiable l’efficacité des futurs traitements…
Faut-il intégrer les mesures d’atrophie cérébrale dans le suivi des patients ?
L’atrophie cérébrale a pour avantage de pouvoir être évaluée à partir d’une IRM conventionnelle. Sa mesure est déjà intégrée dans un certain nombre d’essais cliniques. Une étude brésilienne [1] a suivi 191 patients pendant 5 ans. Près de la moitié de ces patients répondaient à la définition de la “liberté d’activité de la maladie”, c’est-à-dire qu’au cours du suivi, il n’avaient pas présenté d’activité clinique (poussée ou progression du score EDSS) ni d’activité radiologique “focale” (apparition de nouvelles lésions T2 ou prises de contraste par le gadolinium). Les auteurs ont pourtant montré que tous ces patients présentaient un taux d’atrophie (mesurée à la fois globalement et également au niveau du corps calleux) supérieur en comparaison à 23 sujets témoins appariés. Les conclusions suggèrent donc que la mesure d’atrophie devrait également faire partie de la définition du concept de liberté d’activité *Service de Neurologie, CHRU de Nice
206
Mikael Cohen*
de la maladie. A l’heure actuelle, plusieurs techniques de mesure d’atrophie existent et une uniformisation devra néanmoins être envisagée avant que ce type de mesure puisse être utilisée en pratique quotidienne.
L’atteinte de ces noyaux a été mise en évidence dès le stade du premier événement démyélinisant [3] et serait un facteur prédictif du risque de conversion vers une SEP. Il s’agirait également d’un facteur prédictif de l’apparition d’un handicap physique et cognitif [4]. n
L’imagerie de la substance grise
Correspondance Dr Mikaël Cohen Service de Neurologie - CHRU de Nice E-mail : cohen.m@chu-nice.fr
Plusieurs communications étaient consacrées à l’étude de la pathologie de la substance grise. L’équipe de Baltimore [2] s’est intéressée à la complexité des lésions retrouvées au niveau du cortex chez 40 patients présentant une SEP rémittente. Les auteurs ont retrouvé des lésions focales mais également des plages d’hypersignal diffus qu’ils ont nommées “substance grise sale” (en analogie au terme de “substance blanche sale” parfois retrouvée chez certains patients), principalement au niveau du cortex insulaire et temporo-mésial. La présence de lésions de substance grise sale était associée à un score EDSS plus élevé et à une charge lésionnelle corticale plus importante. Les noyaux gris centraux sont également des candidats potentiels.
Bibliographie 1. Figueira F et al. Challenging the “disease free status” concept in MS. Are we dealing with the appropriate parameters? 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : P01.189. 2. Martini V et al. It’s not always black and white: the “dirty grey” shade of multiple sclerosis. 66th AAN Meeting, San Diego, March 1623, 2013 : P06.110. 3. Niccolini F et al. In vivo detection of thalamo-cortical pathology in patients with clinical isolated syndrome. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : P06.113. 4. Ceccarelli A et al. Deep gray matter atrophy is associated with DTI-defined white matter tract damage in multiple sclerosis. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : PD06.003.
Mots-clés : Sclérose en plaques, Imagerie, Atrophie cérébrale, Substance grise
Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
sclérose en plaques
spécial AAN - 2e partie
2 Traitements de la SEP Les nouveautés de l’AAN n Le retour d’anciennes molécules et les derniers résultats des études sur les molécules acCaroline Bensa* tuelles ou en développement.
Le retour de l’Imurel ?
Taux annualisé de poussées
Une équipe italienne [1] a montré dans un essai multicentrique, randomisé, en ouvert, de 73 SEP-RR sous un interféron bêta (IFN) et 77 sous azathioprine (AZA), que le taux annualisé de poussée (TAP) est inférieur sous AZA que sous IFN ; l’analyse de non-infériorité montre que l’AZA fait au moins aussi bien que l’interféron sur ce paramètre (Fig. 1). L’efficacité sur les critères IRM est également comparable entre AZA et IFN.
0,7 0,6
P = 0,06
0,5 0,4 0,3
AZA IFN
0,2 0,1
Année 1
Année 2
Années 1 + 2
Figure 1 – Azatioprine (AZA) vs interféron (IFN) : taux annualisé de poussées [1].
Mitoxantrone et cancer colorectal
Dans ce travail allemand [2], 676 patients ont été suivis sur une durée médiane de 8,5 ans après le début du traitement. Le risque de cancer après mitoxanthrone est multiplié par 1,5 par rapport à la population générale. La fréquence des leucémies aiguës myéloïdes était dans la fourchette attendue (0,6 %). Le risque de cancer colorectal était multiplié par 3 (délai médian 6A). Pour les autres cancers le risque n’était pas augmenté. Si ces données sont confirmées le dépistage du cancer colorectal devrait faire partie du suivi systématique post-mitoxantrone.
* Service de neurologie, Fondation A de Rothschild, Paris
Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
BG-12 (diméthylfumarate) Sécurité et tolérance : analyse intégrée des phases II et III, vs placebo
Les données poolées de deux études de phase III, DEFINE et CONFIRM, et d’une étude de phase II ont été présentées [3], soit 1 215 patients SEP-RR dans le bras placebo, 1 196 dans le bras 240 mg deux fois par jour et 1 202 patients ayant reçu 240 mg trois fois par jour. L’incidence des évènements indésirables et des événements indésirables graves est semblable dans les trois groupes. Il n’a pas été observé d’infection opportuniste sous BG-12, ni d’augmentation du risque de cancer. Quatre décès ont été relevés, répartis entre les trois
bras, non liés au traitement. Les évènements indésirables les plus fréquents sous BG-12 étaient les flushes et les troubles gastrointestinaux (diarrhées, nausées, douleurs abdominales), dont la fréquence diminuait après le premier mois. Une lymphopénie modérée apparaissait en moyenne après 6 mois de traitement, sans atteindre le seuil pathologique. Seuls 6 % des patients traités par 240 mg deux fois par jour ont présenté une lymphopénie < 500, réversible. Les perturbations des bilans rénaux et hépatiques ont été observées de façon identique entre les trois groupes.
Evolution temporelle de l’effet du traitement
540 patients de DEFINE et 681 pa207
spécial AAN - 2e partie
sclérose en plaques
3 Les traitements de la SEP Derniers résultats sur CombiRX, le switch natalizumab-fingolimod, et la fampridine n Si l’extension de CombiRX confirme de meilleurs résultats radiologiques avec la bithérapie IFN-acétate de glatiramère, cela n’est pas le cas sur le plan clinique par rapport à chacune des molécules. Le switch de patients traités par natalizumab vers le fingolimod est un sujet de débat. Des études complémentaires confirment les résultats les études pivots de la fampridine sur les troubles de la marche des patients avec EDSS 4-7.
IFN + acétate de glatiramère : extension de CombiRX
L’étude CombiRX [1, 2] est une étude originale pour plusieurs raisons. D’une part, il s’agit d’un des seuls essais thérapeutiques de phase III réalisés indépendamment de l’industrie pharmaceutique. D’autre part, il vise à combiner deux molécules couramment utilisées dans l’arsenal thérapeutique de la sclérose en plaques : l’interféron bêta-1a intramusculaire et l’acétate de glatiramère. Cette étude a concerné 1 087 patients présentant une sclérose en plaques rémittente ayant un score EDSS ≤ à 5. L’année dernière, les résultats de la phase initiale de l’étude, réalisée sur une durée de 3 ans, avaient révélé une supériorité de la bithérapie sur les critères radiologiques conventionnels (apparition de nouvelles lésions T2 et prises de contraste par le gadolinium), mais aucun bénéfice en terme de fréquence des poussées ou de progression du handicap. Cette année, les résultats de la phase d’extension sur une durée *Service de Neurologie, CHRU de Nice
212
Mikael Cohen*
100
90
1,0 0,8
88,40 % 82,70 %
84,90 % 0,6
80 0,4 70
60
0,2
Bithérapie
Interféron Béta Acétate de glatiramère
0,0
0,20 %
Bithérapie
0,26 %
0,19 %
Interféron Béta Acétate de glatiramère
Figure 1 - Proportion de patients ne pré-
Figure 2 - Taux annualisé de poussées au
sentant pas de lésions rehaussées par le
cours de l’étude. Absence de supériorité
gadolinium. Supériorité de la bithérapie
de la bithérapie par rapport à la mono-
par rapport à l’interféron bêta (p < 0,04)
thérapie la plus efficace de cette étude
et à l’acétate de glatiramère (p < 0,02).
(à noter : le taux annualisé de poussées était significativement plus faible dans
de 7 ans ont été présentés. Cette extension a concerné 687 patients. Sur le plan radiologique, les résultats confirment que les patients traités par bithérapie bénéficient d’un meilleur contrôle des paramètres inflammatoires radiologiques en comparaison aux patients traités par monothérapie (Fig. 1). Paradoxalement, une nouvelle fois, ce gain d’efficacité sur le plan radiologique ne se traduisait pas sur le plan clinique, quel que soit le critère utilisé : le taux annualisé de poussées (Fig. 2), la progression du handicap mesuré par le score EDSS ou l’échelle MSFC,
le groupe acétate de glatiramère vs groupe IFN).
ou l’absence totale d’activité clinique de la maladie. Ces résultats semblent donc écarter la possibilité de proposer aux patients une bithérapie associant ces deux molécules. Ils interrogent également sur les limites de l’utilisation des critères radiologiques conventionnels qui prennent uniquement en compte la composante inflammatoire de la maladie et qui dans cette étude ne sont pas corrélés à l’évolution clinique, y compris sur une longue période de suivi… Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
spécial AAN - 2e partie
sclérose en plaques
4 SEP et grossesse Des grossesses sous haute surveillance n Les résultats d’études ou registres pour les immunomodulateurs actuels et les nouvelles moléCaroline Bensa* cules sont plutôt rassurants, mais le suivi doit se poursuivre.
tériflunomide
Ce traitement est autorisé aux USA et en Australie depuis 2012. Il est non mutagène in vitro, et n’affecte pas la fertilité des rats. Par contre, il a montré une tératogénicité chez les rats et les lapins. En cas de désir de grossesse sous traitement, il est recommandé d’effectuer une procédure d’élimination rapide, jusqu’à des taux plasmatiques ≤ 0,02 mg/l (11 jours). Le tériflunomide est un métabolite du léflunomide (Arava®), utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde depuis 1998. Le registre OTIS des grossesses sous léflunomide (78 grossesses) n’a pas montré de tératogénicité pour ce produit. Sous tériflunomide [1], dans les études princeps et depuis sa commercialisation, 44 grossesses ont été enregistrées. Deux sont en cours, 10 (23 %) ont donné lieu à des fausses couches spontanées (FCS) et 20 à des interruptions de grossesse ; 12 naissances vivantes ont eu lieu. La fréquence des FCS apparaît supérieure à celle de la population générale, à contrôler par un registre prospectif. Les 12 nouveau-nés exposés sont nés en bonne santé, d’un poids moyen de 3 318 g, à terme, sans malformation. La durée d’exposition était de quelques jours à 11 semaines. Il n’a pas non plus été enregistré de
* Service de neurologie, Fondation A. de Rothschild, Paris
216
signal négatif chez les enfants nés d’hommes sous traitement. Ces données sont plutôt rassurantes.
IFN bêta-1a : le registre américain
Entre le 17 mai 1996 et le 31 décembre 2012, 426 300 patients ont été exposés à Avonex®. Les données du US Avonex pregnancy registry data ont été présentées [2]. En l’absence de la possibilité de constituer un groupe contrôle de grossesses de patientes SEP, des experts examinateurs externes ont été recrutés pour évaluer l’existence ou non de malformations. Les nouveau-nés ont été suivis 8 à 12 semaines post-partum. 306 grossesses ont eu pour issues 1 enfant mort-né, 5 IVG, 28 FCS (10,5 %), 272 naissances vivantes, dont 14 (6,3 %) avec des anomalies congénitales. Ces données sont comparables à celles de la population générale, avec la limitation de l’absence de groupe contrôle SEP. Les auteurs prévoient d’utiliser comme base de comparaison les registres d’Europe du Nord.
natalizumab : le registre TPER
L’analyse du registre TPER (Tysabri Pregnancy Exposure Registry) a été présentée [3]. Les bébés étaient suivis 8 à 12 semaines après l’ac-
couchement aux USA, 4 semaines en Europe. Sur 377 grossesses (370 SEP, 7 maladies de Crohn) (Fig. 1), l’issue est connue pour 364, et 356 ont été suivies prospectivement. 9,3 % ont donné lieu à des fausses couches spontanées, ce qui est inférieur au taux de FCS dans la population générale (15 %). Des anomalies congénitales mineures et majeures ont été observées chez 30 enfants dont 3 paires de jumeaux.
BG-12 [4]
Cette molécule n’a pas révélé de tératogénicité fœtale chez l’animal, et n’affecte pas la fertilité des lapins et des rats. Chez l’Homme, 56 grossesses ont été enregistrées au cours des essais thérapeutiques, dont 38 dans les bras sous BG-12. Aucun signal d’alerte n’est apparu concernant l’issue des grossesses, la fréquence des malformations ou des fausses couches spontanées chez les patientes exposées au traitement. Ces données ne sont que préliminaires, et un registre des grossesses chez les patientes exposées sera mis en place en phase IV.
fingolimod : le Gilenya Pregnancy Registry
Le recueil rétrospectif au cours des essais ou dans les études postNeurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
spécial AAN - 2e partie
Nerfs & MUSCLEs
1 Nerf périphérique, motoneurone
et jonction neuromusculaire Honneur aux Français...
n
La douzaine d’heures de vol a suffi à me faire regretter ma sur-spécialité ! Nerf, jonction
neuromusculaire, corne antérieure… manifestement, la crise s’étend aussi au périphérique ! Il est assez clair que les congrès spécialisés coupent l’herbe sous les pieds des congrès généralistes. Et pourtant, quand on est au bal, il faut danser, même si on n’aime pas la musique jouée. Alors allons-y et picorons le meilleur de cette mauvaise année ! Sans chauvinisme, je le promets, les Français en 2013 nous ont sauvé de l’ennui.
Nerf périphérique Neuropathies à la vincristine… les enfants ne sont pas des adultes “modèle réduit” !
L’équipe de Nantes a été mise en lumière, pour ne pas dire “highlightée”, avec un poster exposé deux fois et discuté. Pouclet-Courtemanche et al. [1] ont rapporté rétrospectivement, entre 2009 et 2012, 17 enfants âgés de 1 à 17 ans et ayant présenté une neuropathie périphérique à la vincristine. Alors que le profil attendu est une neuropathie axonale longueur-dépendante, les auteurs ont retrouvé 76,5 % d’atteinte motrice, 11,8 % d’atteinte de nerfs crâniens et 64,7 % de dysautonomie. Dans presque un quart des cas, la marche a été un moment impossible. A l’électroneuromyogramme (ENMG), le profil était toujours axonal, mais la distribution des anomalies était souvent non-lon-
*Service de Neurologie, CHU de Saint-Etienne
218
gueur-dépendante (52,9 %). Dans 4 cas (23,5 %), il s’agissait d’une atteinte multitronculaire. Toutes ces données, et notamment chez les sujets les plus jeunes, s’écartent des connaissances sur les neuropathies à la vincristine de l’adulte et doivent être connues pour un diagnostic et une prise en charge thérapeutique rapides et adaptés.
Neuropathie amyloïde familiale… les neurologues deviennent thérapeutes ?
Nous connaissons tous la gravité des neuropathies amyloïdes familiales. La possibilité d’un traitement par méglumine Vyndaqel® (tafamidis) représente une grande source d’espoir pour les patients. A quelques jours de la présentation d’un essai contrôlé lors d’un colloque dédié, Sekijima et al. [2] de Matsumoto, Japon, ont rapporté 18 patients traités en ouvert par 500 mg par jour de diflusinal dans des formes de la maladie à début tardif. La comparaison était réalisée avec un groupe contrôle histo-
Jean-Philippe Camdessanché*
rique. Les patients ont été traités 35 ± 2,4 mois. Ce stabilisateur de la TTR a permis d’augmenter le taux de TTR plasmatique (p = 0,001). Concernant l’amplitude du potentiel global d’action de nerf ulnaire, elle diminuait au cours de l’étude de 6,6 % sous diflusinal versus 30,5 % dans le groupe contrôle (p = 0,0003). Dans le même ordre d’idées, le nombre de nerfs tibiaux non stimulables à la fin de l’étude était de 33,3 % sous diflusinal versus 100 % sous placebo (p = 0,002). Ces résultats sont de bon augure. Il faudra ceux de l’étude randomisée pour conclure. Il est important de noter que le diflusinal est aussi peu cher et que la méglumine est coûteuse.
Neuropathies amyloïdes familiales en France… de plus haut, on voit mieux !
• Adams et al. [3] (Paris) ont rapporté l’expérience du centre référent 5 ans après sa création. Son travail met en exergue que, finalement, seulement un quart des patients correspond au profil Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
spécial AAN - 2e partie
Nerfs & MUSCLEs
2 Pathologies musculaires La FSH en tête n
San Diego est une cité américaine sans doute typique, mais possédant les charmes des
bords du Pacifique. La température agréable qui y régnait pendant le congrès n’était cependant pas suffisante pour que les body-builders qui arpentent les plages en été sortent et montrent leurs muscles. Ces derniers étaient donc surtout présents à l’intérieur du Convention Center et c’est la dystrophie facio-scapulo-humérale (FSHD) qui a retenu l’attention.
FSHD2 : avancées franconéerlandaises en génétique [1, 2]
La FSHD reste une physiopathologie mystérieuse qui se dévoile petit à petit. Si FSHD1 et FSHD2 sont cliniquement similaires, les anomalies génétiques en cause ne sont pas les mêmes. Dans les deux cas, il existe une relaxation anormale de la chromatine de la région D4Z4 (chromosome 4), provoquant un défaut de répression du facteur de transcription DUX4 qui conduit à la mort cellulaire. Dans le cas de FSHD1, cette relaxation est liée à une diminution du nombre de répétitions de D4Z4 (1 à 10 au lieu de 11 à 100 normalement). Concernant FSHD2, les mécanismes sont encore mal connus, la relaxation de l’ADN étant ici indépendante du nombre de répétitions de D4Z4. Le gène SMCHD1 (chromosome 18) jouerait un rôle de modulateur épigénétique du fragment D4Z4. En effet, si le taux de la protéine SMCHD1 dans les
*Centre de Référence Maladies Neuromusculaires NantesAngers, Hôtel-Dieu, Nantes
224
Emmanuelle Folgoas et Yann Péréon*
cellules du muscle squelettique diminue, on observe une relaxation de D4Z4 et l’expression inappropriée de DUX4, indépendante d’une diminution des répétitions de D4Z4. Les mutations du gène SMCHD1 pourraient donc être en cause dans les FSHD de type 2.
FSHD1 et SMCHD1
Dans la foulée et confirmant les données ci-dessus, l’équipe de Sabrina Sacconi [3] a présenté une étude réalisée sur 42 patients FSHD1, portant sur la relation entre nombre de répétitions et sévérité de la maladie. Dans les cas typiques, plus le nombre de répétitions est bas, plus l’atteinte est sévère. Mais il existe des cas atypiques où l’on n’observe pas cette concordance génotype/phénotype. Parmi ces 42 patients, 3 avaient un taux de répétitions relativement haut (9 RU) et un phénotype clinique sévère. Ces 3 patients étaient porteurs à la fois de la mutation FSHD1 (contraction de D4Z4) et d’une mutation dans le gène SMCHD1. Une mutation associée de SMCHD1 pourrait donc aggraver les phénotypes FSHD1.
FSHD et hypoacousie
Les formes précoces de FSH peuvent être associées à des déficits neurosensoriels, en particulier aux déficits auditifs. L’équipe de K. Lutz [4] a rapporté 11 cas d’hypoacousie dans une population de 59 patients FSHD. L’étude montre que le déficit neurosensoriel survient entre la naissance et 7 ans, est discret à modéré, bilatéral, d’apparition progressive et porte sur les hautes fréquences. L’hypoacousie est associée à une taille du fragment EcoRI-Blnl plus petite (en moyenne 12,9 kb contre 21,3 kb chez les FSHD non atteints). Il pourrait donc être nécessaire de dépister précocement une hypoacousie chez l’enfant atteint de FSHD (dès la naissance ?), ce d’autant que le fragment EcoRI-Blnl est court, ces patients pouvant bénéficier d’un appareillage précoce.
Dystrophie musculaire de Duchenne
Les présentations qui ont concerné la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) étaient moins “pepsi” que celles sur la FSHD. Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
épilepsies
spécial AAN - 2e partie
Les épilepsies à l’AAN Monitoring EEG, états de mal, retard mental n L’affichage du CSA (Compressed Spectral Array) facilite l’analyse du monitoring EEG continu, en améliorant sa sensibilité. Un cas d’état de mal réfractaire ayant persisté 4 mois a été présenté, montrant la difficulté, chez ce type de patients, d’établir un pronostic. Le lacosamide aurait un intérêt dans l’épilepsie réfractaire associée à un retard mental. Philippe Derambure*
Monitoring EEG continu : méthode de détection des crises et des décharges épileptiques
L’enregistrement EEG continu est de plus en plus utilisé dans la détection des crises épileptiques des patients hospitalisés pour des troubles cognitifs non expliqués ou dans le cas de situations neurologiques aiguës qui peuvent se compliquer de crises (encéphalite, AVC, troubles métaboliques aigus, etc.). Le CSA (Compressed Spectral Array) est une méthode de visualisation de l’activité EEG à partir de l’analyse spectrale continue du signal qui affiche à l’écran la puissance dans les différentes bandes de fréquence en fonction du temps (Fig. 1). L’affichage CSA est de plus en plus utilisé dans le monitoring EEG continu, facilitant son utilisation, mais sa sensibilité pour la détection des crises reste inconnue. Une étude [1] a revu 119 enregistrements EEG continus par une analyse en aveugle des résultats affichés par le CSA en comparaison du signal EEG “brut”. Pour cela, deux neurophysiologistes expérimentés ont revu l’ensemble * Service de Neurophysiologie Clinique, CHRU de Lille
Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
Figure 1 - Mode CSA: mode condensé de visualisation de l’activité spectrale continue du signal EEG.
des 111 monitorings, l’un regardant le signal EEG, le deuxième regardant le CSA. Ils devaient tous les deux détecter les crises, les décharges épileptiques périodiques (DEPs), les activités delta rythmiques (ADR), les décharges d’allure épileptique. Parmi les 40 monitorings EEG contenant des crises, la visualisation du CSA a permis de les détecter dans 38 enregistrements (95 %). Le taux de détection de toutes les crises était de 89 % des 1 192 crises. Pour les autres patterns, la sensibilité du
CSA pour détecter les anomalies épileptiformes était de 94 % (66 enregistrements sur 70), des décharges delta rythmiques de 97 % (4 sur 35), et des ralentissements focalisés de 100 % (77 sur 77). Ces résultats indiquent que l’affichage du CSA apportait une très bonne sensibilité pour détecter les crises et les décharges épileptiques, même si, dans de rares cas, des crises focales brèves pouvaient ne pas être identifiées. Ce mode d’analyse pourrait faciliter l’analyse du monitoring EEG continu. 227
épilepsies
6 patients (13 %). Les résultats obtenus étaient indépendants de l’étiologie et de l’importance du retard mental. Selon cette étude, la lacosamide semble avoir un intérêt dans cette population particulière, indépendamment de l’étiologie de l’épilepsie. n
Correspondance Pr Philippe Derambure CHRU de Lille Hôpital Roger-Salengro 2, avenue Oscar Lambret Service de Neurophysiologie Clinique 59037 Lille cedex E-mail : philippe-derambure@chru-lille.fr
spécial AAN - 2e partie
Mots-clés : Epilepsie, EEG continu, Compressed Spectral Array, Etat de mal réfractaire, Lacosamide, Retard mental
Bibliographie 1. Wahlster S et al. Sensitivity of compressed spectral array displays for seizures and other critical patterns in adult long term EEG monitoring. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23, 2013 : P01.021. 2. Standley K et al. Good outcomes possible after a prolonged course of Refractory Status Epilepticus. 66th AAN Meeting, San Diego, March 16-23,
2013 : P01.048. 3. Bermejo P et al. Lacosamide Use in Institutionalized Mentally Retarded and Refractory Epileptic Patients. 66th AAN Meeting, San Diego, March 1623, 2013 : P01.041.
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sommeil
Syndrome des jambes sans repos idiopathique, ou maladie d’Ekbom Nouveautés sur la prise en charge n Le score IRLS peut être un bon indice de l’amélioration des symptômes du SJSR. Une étude pilote suggère que le traitement par stimulation transcutanée anodale serait efficace sur les symptômes sensitivomoteurs. Un traitement dopaminergique pourrait améliorer le bruxisme des patients ; à confirmer...
Comment évaluer l’effet des traitements sur la sévérité des symptômes ?
Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) est une maladie difficile à évaluer du fait de l’hétérogénéité des symptômes, de leur sévérité et de leurs conséquences. L’échelle IRLS est une échelle permettant d’en évaluer la sévérité. Les auteurs de cette étude ont essayé d’utiliser le score IRLS pour déterminer des critères plus objectifs d’amélioration significative des symptômes. Pour cela, ils ont réanalysé une étude européenne ayant évalué l’efficacité de la rotigotine en comparaison à un traitement placebo. Dans cette étude, le score IRLS était de -13,2 ± 10 chez les patients ayant reçu 1 mg de rotigotine, -15,6 ± 9,6 chez les patients ayant reçu 2 mg et -16,1 ± 10,9 chez les patients ayant reçu 3 mg. Chez les patients ayant reçu du placebo, l’évolution du score IRLS était de -8 ± 9,7. * Service de Neurophysiologie Clinique, CHRU de Lille
230
Philippe Derambure*
Trois cent sept patients avaient participé à cette étude et les résultats du score IRLS ont été analysés en fonction de l’effet ressenti par le patient sur l’importance de ses symptômes (score CGI : amélioration minime, importante ou très importante). Cela a montré qu’une diminution du score IRLS de plus de 6 points apparaissait significative, les patients ressentant une amélioration importante ou très importante. Ces résultats confirment que le score IRLS peut être un bon indice de l’amélioration des symptômes du SJSR [1, 2].
Efficacité d’un traitement par stimulation transcutanée spinale
Le SJSR est souvent associé à une augmentation de l’excitabilité médullaire. La stimulation par courant continu transcutané (tsDCS, transcutaneous direct) est une nouvelle méthode non invasive et sans douleur de modulation de l’excitabilité médullaire.
Une étude pilote [3] a été réalisée chez 20 patients présentant un SJSR et 14 sujets contrôles. Tous les participants ont reçu une session de stimulation cathodale, anodale ou SHAM (placebo) au niveau médullaire thoracique pendant 15 minutes (2,5 mA ; 0,056 mA/cm2). Pour évaluer l’excitabilité médullaire, l’analyse du reflexe H a été utilisée. Le ration Hmax/Mmax, et le rapport H2/H1 de 2 stimulations à 7 différents intervalles de temps ont été déterminés. Ces paramètres ont été mesurés avant l’application du courant transcutané médullaire et 30 minutes après. Les patients présentant un SJSR avaient un rapport H2/H1 significativement augmenté pendant les périodes où les symptômes étaient les plus ressentis (surtout la période vespérale), par rapport aux sujets contrôles. L’application d’un courant par stimulation anodale entraînait une diminution du rapport H2/H1 pour les intervalles 0,2 et 0,3 seconde, corrélée avec une amélioration des symptômes du SJSR, rapportée par les patients sur une échelle analogique. L’application d’un courant par stimulation cathodale entraîNeurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
rendez-vous de l’industrie
Démences
Amyvid®, marqueur de la plaque amyloïde
C
yclopharma annonce la signature d’un contrat avec le Laboratoire Eli Lilly pour la fabrication d’Amyvid® (florbetapir) en France. Approuvé par l’agence européenne en janvier, Amyvid® doit être utilisé en complément de l’évaluation clinique. Un résultat négatif indique une densité très faible à nulle de plaques amyloïdes, ce qui est incompatible avec un diagnostic neuropathologique de MA au moment de l’examen. Une TEP positive témoigne de la présence à des degrés divers de plaques amyloïdes, ce qui est cohérent avec un diagnostic neuropathologique de MA ; mais un Amyvid® positif ne signe pas forcément un diagnostic de MA ou d’un autre trouble cognitif. Les images obtenues ne doivent être interprétées que par des médecins nucléaires formés dans l’interprétation des images TEP avec le (18F)florbetapir. n
Sclérose en plaques
Fampyra® : indiqué dans les troubles de la marche des patients SEP
B
iogen Idec France a mis à disposition Fampyra® (comprimés LP de fampridine 10 mg, boîtes de 28 comprimés pour initiation du traitement et de 56 comprimés pour 1 mois de traitement), indiqué dans les troubles de la marche des patients ayant un EDSS 4 à 7. Fampyra® peut être prescrit quel que soit le type de SEP (rémittente, progressive), et éventuellement associé à un traitement immunomodulateur et un traitement antispastique. Le traitement doit être instauré et évalué par des neurologues ayant l’expérience de la prise en charge de la SEP. Du fait de son mécanisme d’action et de sa voie d’élimination principalement rénale, Fampyra® est contre-indiqué chez les patients épileptiques ou ayant des antécédents d’épilepsie, chez les patients présentant une insuffisance rénale même légère et chez les patients traités par inhibiteurs de l’OCT2. Les essais cliniques ont permis d’identifier des patients répondeurs, avec une réponse clinique
maximale après 2 semaines. La réponse au traitement sera donc évaluée après 14 jours de traitement par une épreuve de marche chronométrée et le ressenti du patient. En l’absence d’amélioration à l’épreuve de marche, ou rapportée par le patient, le neurologue devra interrompre Fampyra®. n
Neurovasculaire
Nouveaux anticoagulants oraux (NACO) : recherche d’un antidote
L
es données précliniques ont montré l’intérêt d’un fragment d’anticorps monoclonal humanisé à fonction antidote (Fab) : très forte affinité de liaison avec le dabigatran (haute spécificité sans effet sur d’autres molécules, y compris la warfarine) ; diminution rapide et dose-dépendante des saignements induits expérimentalement, prolongée jusqu’à 6 heures après l’injection intraveineuse ; réversion de l’effet anticoagulant du dabigatran (démontrée par des tests de coagulation ex vivo). A la suite de ces résultats, le laboratoire Boehringer Ingelheim a mis en œuvre une étude clinique de phase I. n
Maladies rares
Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique : AMM pour Privigen®
L
a commission Européenne a accordé une nouvelle AMM à Privigen® (immunoglobuline humaine pour injection IV concentrée à 10 % et stabilisée par de la L-Proline voie IV à 10 %, CSL Behring) dans la polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC). Cette autorisation se fonde sur les résultats de l’étude PRIMA (Privigen Impact on Mobility and Autonomy) chez 28 patients atteints de PIDC, qui ont présenté une amélioration clinique de leur maladie se traduisant par un changement significatif du score INCAT (Inflammatory Neuropathy Cause and Treatment). 61 % des patients ont répondu à Privigen®, parmi ceux-ci 50 % dans les 4 semaines suivant l’initiation du traitement, et une amélioration fonctionnelle lors de l’évaluation de la force de préhension des deux mains et de la déficience motrice. n
Mieux-vivre-avec-la-sep.com :
un site pratique au plus près des besoins du patient
T
eva Laboratoires, présent dans la SEP depuis plus de 25 ans, poursuit son engagement auprès des patients et leur famille avec un site pratique, complet et régulièrement mis à jour, conçu pour répondre à toutes les interrogations du patient sur sa maladie et sa vie au quotidien : • la SEP (ses causes, son évolution, les poussées, les symptômes physiques, l’impact psychologique...) ; • sa prise en charge (les traitements, les différents intervenants de la prise en charge et le rôle de chacun...) ; • la vie professionnelle (les droits et obligations, les adaptations possibles, les revenus...) ; • la vie personnelle et sociale (parler de la SEP à ses proches, impact sur la sexualité, les voyages, l’activité physique et sportive...) ; • les démarches et les aides (l’ALD, le rôle des MDPH, le handicap et l’invalidité, 2 les aides financières et techniques...) ;
• les idées reçues (rôle des vaccins, l’hérédité, la grossesse...) ; • ou encore les contacts et liens utiles (associations, réseaux...). Trouver la bonne information au bon moment est parfois difficile pour les patients ; l’objectif de mieux-vivre-avec-la-sep est d’apporter des réponses claires à ces questions très concrètes, complétées par l’éclairage des différents acteurs de la prise en charge de la maladie (neurologue, psychologue, infirmière, rééducateur... ) sous forme de courtes séquences vidéos. Mieux-vivre-avec-la-sep a été élaboré avec des experts de la SEP, validé par un comité scientifique (Pr Pierre Clavelou, Pr Patrick Hautecœur et Pr Jérôme de Sèze), et testé par des patients de l’Association Française des Sclérosés enDiabète Plaques (AFSEP). n & Obésité • Mars 2010 • vol. 5 • numéro 37