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dossier

2 Sémiologie des troubles

du langage

Des tableaux le plus souvent hétérogènes... n

L’aphasie recouvre une grande variété clinique. Les recherches menées en neurologie,

psychologie et linguistique permettent d’analyser la richesse sémiologique des manifestations linguistiques relevées lors d’un bilan de langage standardisé, cette analyse se faisant selon les niveaux de traitement linguistique : phonétique, phonologique, lexical, sémantique, syntaxique, discursif.

L’

aphasie, définie comme une atteinte du langage acquise dans les suites d’une lésion cérébrale, recouvre une grande variété clinique, que cliniciens, chercheurs, neurologues ou linguistes ont cherché depuis longtemps à classifier et définir à partir d’une sémiologie riche [3]. Ainsi, les manifestations cliniques observées ont-elles été décrites puis regroupées en syndromes, mis en relation avec les localisations cérébrales des lésions. Cette classification qui, dans un premier temps, a opposé une aphasie “en réduction” - motrice, de production - décrite par Paul Broca, à celle décrite par Karl Wernicke - sensorielle, de compréhension - s’est progressivement enrichie d’autres tableaux (conduction, transcorticale, sous-corticale...), s’appuyant sur une corrélation entre localisation cérébrale de la lésion et manifestations linguistiques. Paul Broca a donc initié une approche anatomo-clinique qui a

*Service de Neuropsychologie, Hôpital Neurologique, GHE, Bron

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Anne Peillon*

marqué durablement l’aphasiologie, bien que, très tôt, la notion de zones cérébrales d’association ait été aussi avancée. L’opposition non fluent/fluent est aussi fréquemment utilisée et fait référence à une représentation proche de l’opposition Broca-Wernicke, mais sur la base de la production linguistique du sujet, et non d’une localisation cérébrale. Si ces classifications permettent de garder entre membres d’une communauté scientifique un langage commun, elles ne présentent plus grand intérêt pour l’approche clinique. En effet, les tableaux “purs”, tels que décrits dans la littérature, sont rares, la réalité clinique place le plus souvent les thérapeutes devant des tableaux hétérogènes et difficiles à classer, dont les manifestations vont évoluer au cours du temps. Par ailleurs, elles ne permettent pas de définir un programme thérapeutique puisqu’elles font référence à des symptômes, faits linguistiques observables qui constituent les manifestations de surface d’un trouble, et non aux atteintes des

processus cognitifs ou neurolinguistiques à l’origine de ce trouble, c’est-à-dire la structure profonde. Le clinicien manque alors d’indications sur la fonction altérée à l’origine du trouble en vue d’une démarche thérapeutique. La linguistique et la neuropsychologie ont permis de développer une approche interprétative de la sémiologie, favorisant ainsi la démarche d’évaluation et de remédiation. Parallèlement, l’approche pragmatique et l’apport des sciences sociales guident le clinicien dans une démarche fonctionnelle et écologique, considérant les aspects de la communication et des interactions. Les nouvelles technologies de neuro-imagerie fonctionnelle analysent l’activité cérébrale lors d’une stimulation langagière, observent l’activation de réseaux interconnectés, et confirment l’intérêt des modèles connexionnistes qui développent des modèles basés sur la simultanéité des activations. Les recherches menées en neurologie, psychologie et linguistique Neurologies • Septembre 2013 • vol. 16 • numéro 160


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