revue pluridisciplinaire en neurologie
d www.neurologies.fr dossier
Aux frontières de la
migraine
Migraine avec aura prolongée La migraine avec aura non hémiplégique prolongée existe-t-elle ? Christian Lucas • Migraine confusionnelle, migraine basilaire Des diagnostics d’exclusion Anne Donnet • Neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente L’ex-migraine ophtalmoplégique Dominique Valade
Profession
Recherche biomédicale : l’évolution de la réglementation Bernadette Martins
Epilepsie
A connaître...
Prescrire l’eslicarbazépine : ce qu’il faut savoir...
Le FXTAS, ou “Fragile Xassociated Tremor Ataxia Syndrome”
Benjamin Cretin
Mathieu Anheim
Décembre 2013 • Volume 16 • n°163 • Cahier 1 • 9 €
Revue pluridisciplinaire en neurologie
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Relectrice : Fanny Lentz • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécil Jeannin • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef Pr Franck Semah (Lille). Comité de rédaction Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Stéphane Auvin (Paris), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Dr Yannick Béjot (Dijon), Dr Stéphanie Bombois (Lille), Dr Benjamin Cretin (Strasbourg), Dr Bénédicte Défontaines (Paris), Dr Romain Deschamps (Paris), Dr David Devos (Lille), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valérie Domigo (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Antoine Gueguen (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Christine Lebrun-Frénay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Pr Yann Péréon (Nantes), Dr Sylvain Rheims (Lyon), Dr Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne), Pr Emmanuel Touzé (Paris), Dr Tatiana Witjas (Marseille), Pr Mathieu Zuber (Paris).
sommaire www.neurologies.fr
n Profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 340 La recherche biomédicale : état des lieux de la réglementation en France de 1947 à 2013 Bernadette Martins (Saclay)
n Prescrire... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 344 L'eslicarbazépine : ce qu'il faut savoir Benjamin Cretin (Strasbourg)
n DOSSIER ���������������������������������������������������������������������������������p. 347
Aux frontières de la migraine
Comité de lecture Pr David Adams (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Pr Franck Baylé (Paris), Dr Catherine Belin (Bobigny), Dr Florent Borgel (Grenoble), Pr Emmanuel Broussolle (Lyon), Dr Gaëlle Bruneteau (Paris), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Créteil), Dr Olivier Delalande (Paris), Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Thierry Dubard (Reims), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Créteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantéri-Minet (Nice), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Dr Caroline Papeix (Paris), Pr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Pr Didier Smadja (Fort-de-France), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Marc Verny (Paris), Pr Hervé Vespignani (Nancy), Comité scientifique Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr JeanLouis Baulieu (Tours), Dr Gérard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr William Camu (Montpellier), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr François Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Hubert Déchy (Versailles), Dr Jean-Fr ançois Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie HertzPanier (Paris), Dr Pierre Hinault (Rennes), Dr Laurent Laloum (Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Saclay), Pr Olivier Lyon-Caen (Paris), Pr Jean-Louis Mas (Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Philippe Neau (Poitiers), Pr Jean-Pierre Olié (Paris), Pr Jean Pelletier (Marseille), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danièle Ranoux (Limoges), Pr Jean Régis (Marseille), Dr Pascal Rémy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris) Neurologies est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai 75011 Paris - Tél. : 01 49 29 29 29 Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : neurologies@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0117T78155 ISSN : 1287-9118 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Neurologies” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
Décembre 2013 • Vol. 16 • N° 163 • Cahier 1
1 n Migraine
avec aura prolongée : la migraine avec aura non hémiplégique prolongée existe-t-elle ? Christian Lucas (Lille) 2 n Migraine confusionnelle, migraine basilaire : des diagnostics d'exclusion Anne Donnet (Marseille) 3 n Neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente : l'ex-migraine ophtalmoplégique Dominique Valade (Paris)
n A connaître . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 361 Le FXTAS, ou “Fragile X-associated Tremor Ataxia Syndrome” Mathieu Anheim (Strasbourg)
n Prix et bourses �������������������������������������������������������������������������� p. 338 n Neuroagenda - Soumettre vos abstracts ���������������� p. 358 n Bulletin d’abonnement ������������������������������������������������������ p. 367 n Rendez-vous de l'industrie ������������������������������������������������ p. 367 n INDEX 2013 ������������������������������������������������������������������������������������ p. 368
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www.neurologies.fr Cette publication comporte 2 cahiers : Cahier 1 (36 pages) et Cahier 2 (16 pages). Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages) Photo de couverture: © olly – fotolia
prix et bourses
Appel à candidature Fondation ARSEP
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a fondation ARSEP et AFMTéléthon lancent un appel à candidature pour un à trois projets de recherche sur une durée de 2 ans, portant sur le thème “Immunointervention in demyelinating diseases of the Central Nervous System”, d’un montant de 300 000 € par an. Dépôt des dossiers de candidature Avant le 15 janvier 2014 ARSEP Site : www.arsep.org/fr/237-call-for-proposal-2014.html Copie à adresser également à : ARSEP 14 rue Jules Vanzuppe 94200 Ivry-sur-Seine
tinées à de jeunes équipes œuvrant en France, récemment constituées, pour leur permettre d’acquérir des moyens d’action nécessaires à l’accomplissement de leur programme dans ce domaine. Le thème proposé pour 2014 est le suivant : “Les pathologies rétiniennes”. Dépôt des dossiers de candidature Avant le 10 janvier 2014 Envoi par courrier électronique en un fichier unique (format PDF) à : arthur.servin@institut-de-france.fr Et envoi postal à : Institut de France - Fondation NRJ 23, quai de Conti 75270 Paris cedex 06
Appel à candidature pour le Prix NRJ en Neurosciences
Appel à candidature de la Fondation Simone et Cino del Duca
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réée en 1999, la Fondation NRJ de l’Institut de France se fixe pour objet de concourir à la recherche médicale, notamment dans le domaine des neurosciences.
• Chaque année, elle attribue un Prix de 100 000 euros destiné à récompenser une équipe de chercheurs français ou d’un pays d’Europe ayant acquis une notoriété internationale dans le domaine des neurosciences, pour lui permettre d’accroître ses moyens d’action. Le thème retenu pour 2014 est le suivant : “Troubles du développement du système nerveux central (à l’exclusion des malformations fœtales)”. • Au-delà de son Prix scientifique annuel, la Fondation NRJInstitut de France attribue également chaque année quatre subventions (d’une valeur de 40 000 euros chacune) des-
a Fondation Simone et Cino del Duca décernera en 2014, sur proposition d’un jury constitué de membres de l’Institut de France, trois subventions distinctes, d’un montant global de 125 000 euros chacune. Ces subventions sont destinées à de jeunes équipes françaises, le chef d’équipe devant être âgé de moins de 45 ans (dans l’année d’attribution du prix), conduisant des projets de recherche dans ces domaines : Chimie - Biologie, moléculaire et cellulaire, génomique - Biologie intégrative - Biologie humaine et sciences médicales et leurs applications. Dépôt des dossiers de candidature Avant le 27 janvier 2014 Sur le site Internet de l’Académie des sciences : http://www.academie-sciences.fr/activite/prix/gp_duca.htm
Remise de la Bourse “Harmonie Mutuelle Alzheimer” 2013 Depuis 4 ans, la Fondation de l’Avenir et Harmonie Mutuelle remettent la bourse Harmonie Mutuelle Alzheimer à un chercheur dont le projet vise à faire avancer la recherche médicale. La 4e Bourse récompense le Pr Caroline Hommet (CHRU de Tours), pour son projet intitulé « La neuroinflammation : un possible acteur du déclin cognitif dans la maladie d’Alzheimer ».
Remise du Prix Fondation BNP Paribas de l’Innovation Scientifique 2013 Ce Prix, d’un montant de 230 000 euros sur trois ans, a été décerné au Pr Rachel Auzély (Université Joseph Fourier, Grenoble), responsable de l’équipe “Structure et modifications des polysaccharides” au CERMAV (CNRS), pour la conduite de ses recherches sur la régénération des tissus cérébraux à l’aide d’hydrogels et de cellules souches neurales.
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Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Profession
La recherche biomédicale Etat des lieux de la réglementation en France de 1947 à 2013 n La réglementation en recherche biomédicale, en France, présente un paysage complexe toujours en mouvement. Des changements significatifs se profilent à court terme sur l’encadrement des recherches. Des interrogations se posent concernant la date de publication des décrets d'application de la loi Jardé et leur interaction avec le règlement européen sur le médicament.
Bref Historique C’est l’histoire qui illustre la nécessité d’une régulation. • 1947, procès de Nuremberg, ou crise et naissance de la bioéthique contemporaine avec la formulation de principes concernant la recherche. • Déclaration d’Helsinki, révisée plusieurs fois de 1964 à 2013. La dernière révision date d’octobre 2013. Elaborée par l’Association médicale mondiale, elle constitue une déclaration de principes éthiques dont l’objectif est de fournir des recommandations aux médecins et participants à la recherche médicale sur des êtres humains. • Les premiers comités de revue des protocoles sont créés en 1970 et siègent au sein des hôpitaux. • Ce n’est qu’en 1988 qu’une loi est appliquée en France, la loi Huriet. Cette loi a été rédigée essentiellement par des pharmacologues afin de pouvoir autoriser les recherches de phase I portant sur le médicament. Elle a été étendue à d’autres catégories de recherches *CEA, NeuroSpin, Saclay
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Bernadette Martins*
(recherches en physiologie, en sciences cognitives, etc.), mais n’était pas vraiment adaptée à ces recherches.
2013 : la loi en vigueur sur le territoire français, la loi 2004-806 du Code de la Santé Publique Il s’agit d’une adaptation, en 2004, de la Directive 2001/20 CE dans le code de la santé publique qui supprime la distinction entre les recherches avec et sans bénéfice individuel direct, point central des analyses des protocoles sous la loi Huriet. L’analyse est fondée sur l’analyse du risque (balance bénéfices/risques). Cette loi renforce les procédures d’autorisation, majore les responsabilités du promoteur et introduit une procédure allégée appelée « Les soins courants ».
Demain, en 2014 ? Recherche impliquant la personne humaine : la loi Jardé (Loi n°2012-300 du 5 mars 2012 parue au JO n°0056 du 6 mars 2012)
❚❚Principes généraux Cette loi a été présentée en 2009 par le député Olivier Jardé et le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale. Elle a subi un long parcours entre les deux chambres et la commission mixte paritaire. A ce jour, on attend les décrets et arrêtés qui permettront son application. Cette loi identifie trois catégories de recherches selon le niveau de risque encouru par la personne qui s’y prête. Elle permet ainsi d’encadrer toutes les recherches suivant l’intervention réalisée sur la personne. On distingue : • Les recherches interventionnelles : Elles comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle. Les règles du consentement restent identiques à celles des actuelles recherches biomédicales. Une autorisation auprès de l’ANSM et un avis favorable du CPP sont nécessaires. • Les recherches interventionnelles qui ne portent pas sur des Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
LA Recherche biomédicale
médicaments et pour lesquelles les risques et contraintes restent minimes : Dans ce cadre et sur décision du CPP, les modalités de consentements pourraient être allégées et nécessiter une information avec non-opposition. Le CPP peut requalifier la recherche. L’ANSM reste seulement informée de la recherche et consultée en cas de doute sur la qualification. • Les recherches non interventionnelles : Il s’agit des recherches pour lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle, sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance. A ce jour, ces recherches étaient réglementées par le CCTIRS (Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé) et la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). La loi Jardé prévoit une soumission au CPP, ainsi qu’une information des sujets et un droit d’opposition de ces derniers sans procédure de consentement écrit. Pour les études épidémiologiques, une information groupée est possible. ❚❚Les autres changements • Les comités de protection des personnes, les CPP : Ceux-ci verront leur rôle diversifié en encadrant toutes les recherches. De plus, la loi a créé une commission nationale placée auprès du ministre de la Santé afin d’harmoniser le fonctionnement de ces comités, jugé très inégal, et de mieux les coordonner. Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
• La procédure de déclaration au ministère de la Recherche de collections de produits biologiques sera également simplifiée. • Les recherches en situation d’urgence : Il sera désormais possible de démarrer la recherche sans l’autorisation préalable de la personne de confiance, de la famille ou des proches, même s’ils sont présents. ❚❚Les principaux décrets et arrêtés en attente de publication • Liste des recherches interventionnelles ne portant pas sur des médicaments et ne comportant que des risques et contraintes minimes : C’est un arrêté en attente de publication après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. • Recommandations de bonnes pratiques pour les recherches interventionnelles ne portant pas sur des médicaments et ne comportant que des contraintes et risques minimes et les recherches non interventionnelles. • Nomination des membres de la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. ❚❚Pourquoi cette loi n’est-elle pas encore applicable ? Un projet de règlement relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain a été publié par la Commission européenne le 17 juillet 2012. Une fois adopté, celui-ci abrogera, dans un délai de 2 ans à compter de sa
publication, la directive 2001/20/ CE. Le but de ce projet de règlement est une simplification dans un but de promotion de la recherche clinique sur le médicament au niveau européen (autorisation à tous les états à partir de l’avis émis par un de ces états, procédure de déclaration simplifiée…). La proposition de règlement va désormais être discutée au Parlement européen, ainsi qu’au Conseil. Son entrée en vigueur n’est pas attendue, semble-t-il, avant 2016. Concrètement, en France, cela induira un régime juridique encadrant les recherches impliquant la personne humaine pour le moins disparate. Les essais cliniques portant sur les médicaments seront régis par ce règlement européen, alors que tous les autres essais seront encadrés par la loi relative aux recherches impliquant la personne humaine dite “loi Jardé”.
Le règlement européen ❚❚Introduction La Commission européenne a publié en juillet 2012 une proposition de Règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, qui abrogera et remplacera la Directive 2001/20/ CE dans un délai de 2 ans à compter de sa publication. On est dans un système de règlement qui par définition est applicable de suite. Les ministres de la Santé des Etats membres examinent les propositions de ce règlement. A ce jour, il semblerait qu’un des pays états membres n’aurait pas fait sa conclusion, ce qui pourrait engendrer du retard. Le but essentiel est de favoriser la recherche au sein de l’Union euro341
Profession
péenne qui est en déclin par rapport aux USA et à l’Asie en : • harmonisant et simplifiant les procédures européennes ; • améliorant la lisibilité des essais cliniques réalisés dans l’UE ; • intégrant un processus d’évaluation basé sur le risque.
dossier qu’une seule fois et non plus dans chaque pays concerné, via un portail géré par la Commission européenne.
❚❚Articulation du règlement et de la loi Jardé La coordination de ces deux textes s’avère compliquée. En effet, le Règlement ne s’appliquera qu’aux études interventionnelles sur le médicament alors que la loi Jardé encadre les recherches interventionnelles sur les médicaments, les recherches interventionnelles sur les produits autres que les médicaments, ainsi que les recherches non interventionnelles. Les décrets d’application de la loi Jardé ne verront probablement le jour qu’après publication du Règlement. Le champ d’application de la loi Jardé est bien plus large que celui de la proposition de Règlement européen. Il faut donc s’attendre à ce qu’une partie de la loi Jardé ne s’applique jamais, du moins en ce qui concerne certaines dispositions relatives aux études interventionnelles sur les médicaments.
• L’évaluation scientifique de l’Etat rapporteur s’imposerait aux autres Etats membres, sauf exceptions suivantes : - violation de la législation nationale (ex pour les médicaments contenant des cellules) ; - différences en matière de pratiques cliniques normales d’un état susceptibles d’entraîner pour le sujet un traitement inférieur ; l’Etat doit notifier son désaccord à l’aide d’une justification avec des arguments scientifiques et socioéconomiques.
❚❚Principaux éléments du règlement européen • Le but est d’harmoniser les systèmes de soumission des demandes d’essais cliniques avec une procédure de déclaration simplifiée, un dossier harmonisé. Les promoteurs soumettront le
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• C’est le promoteur qui proposera l’un des Etats membres concernés comme Etat membre rapporteur.
• Il existe une catégorie d’essais intitulée à “faible intervention” qui concerne les médicaments autorisés depuis plus de 10 ans ; les promoteurs de ces essais seraient dispensés d’indemniser les participants en cas de dommages. • Les délais de transmission du rapport d’évaluation sont de 25 jours pour les essais à faible intervention, 35 jours pour les autres essais, 40 jours pour les essais comportant un médicament expérimental de thérapie innovante. • Un portail unique associé à une base de données de l’Union européenne sera créé permettant de
déposer une seule demande. Ce portail est géré par la Commission européenne • Il existe une séparation nette entre les composantes de l’évaluation qui relèvent de la coopération entre Etats membres et les éléments à caractère intrinsèquement éthique qui requièrent une évaluation de chaque Etat membre mais qui serait en pratique limitée à vérifier la note d’information de consentement. • Une procédure permet d’“étendre” un essai clinique à des Etats membres supplémentaires. • Les règles relatives à la sécurité ont été rationalisées et modernisées. • Les essais utilisant un médicament expérimental ayant une AMM devraient être soumis à des règles moins strictes, telles que des délais d’approbation plus courts. • Le but est aussi d’obtenir une meilleure transparence sur les résultats des essais cliniques par la publication des rapports au plus tard 5 ans après la fin de l’essai afin que les résultats servent à la communauté scientifique. n Correspondance E-mail : bernadette.martins@cea.fr
Mots-clés : Recherche clinique, Réglementation, Loi Jardé, Comités de Protection des Personnes, Règlement européen
Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
information communiquée en collaboration avec Biogen idec france
Acceptabilité des traitements de 1re intention dans la SEP L’acceptabilité pourrait se définir comme le jugement global que porte le patient sur son traitement au regard des avantages et inconvénients du traitement, de son expérience personnelle et antérieure, mais aussi après avoir reconnu l’intérêt de se traiter ; ceci implique que le patient ait été suffisamment informé en amont et qu’il soit persuadé des bienfaits du traitement. Bien que sous-jacente dans la pratique et déterminante dans le processus d’adhésion au traitement, l’acceptabilité est une notion rarement évoquée dans la SEP. Pourtant, d’après ce que constate le Dr Y. Hervé, elle est parfois difficile, en particulier après un premier évènement démyélinisant, chez des patients jeunes, qui, au-delà d’une première poussée, ne présentent pas de signe neurologique gênant. Et ce phénomène devrait s’amplifier avec toutes les données qui montrent l’intérêt de traiter tôt les patients atteints de SEP, afin de profiter de la fenêtre d’opportunité thérapeutique, pour réduire le risque d’atteindre un score EDSS 3 et ralentir l’activité de la maladie [1]. « C’est d’ailleurs la tendance dans les pratiques comme l’a souligné le Dr Y. Hervé au dernier congrès de l’ANLLF, avec les nouveaux critères qui permettent de poser le diagnostic de SEP plus précocement » (critères de Swanton) [2]. L’acceptabilité du traitement pourrait être un indicateur prédictif de l’adhésion et plus explicatif que le seul constat d’une bonne ou mauvaise adhésion thérapeutique.
Des patients de mieux en mieux informés L’utilisation des nouvelles technologies (ordinateurs, tablettes, androïdes) et d’Internet, ainsi que la multiplication des sites et des blogs spécialisés dans la SEP ont profondément modifié le niveau d’information des patients et de leur entourage sur la SEP et ses traitements. Le Dr Y. Hervé le confirme : « Une grande majorité de nos patients sont déjà bien informés et convaincus de l’intérêt d’un traitement de fond avant même d’en avoir discuté avec nous, avec pour principales motivations, la volonté de vivre le plus normalement possible et de prendre en main leur maladie ». Comment favoriser une bonne acceptabilité du traitement de fond de première intention ? D’après le Dr Y. Hervé : • S’assurer que le patient a bien compris la nécessité de se traiter et qu’il est convaincu de l’efficacité des traitements de fond. • L’informer sur les différents effets secondaires possibles du traitement et lui expliquer qu’il existe des moyens pour les prendre en charge. • Et discuter avec chaque patient des différents schémas thérapeutiques afin qu’il choisisse le traitement qui lui semble le mieux adapté : rythme et dispositif d’injection.
L’acceptabilité du traitement, indispensable pour une bonne adhésion et une efficacité optimale du traitement Un traitement prescrit n’a d’intérêt que s’il est poursuivi par le patient de manière rigoureuse et les données de Steinberg et al. ont démontré l’impact délétère d’un arrêt des traitements de fond de première intention sur l’incidence des poussées [3]. Mais, dans la SEP comme dans d’autres maladies chroniques, l’adhésion au traitement est loin d’être optimale, avec près de 30 à 50 % des patients traités qui ne suivent pas leur traitement régulièrement et avec des arrêts de traitement qui surviennent le plus souvent au cours des deux premières années de traitement [4-7]. Les données présentées par le Dr Y. Hervé au congrès de l’ANLLF mettent en évidence deux facteurs de motivation du patient qui permettent une bonne acceptabilité : d’une par t l’efficacité du traitement et, d’autre par t, l’appropriation du traitement par le patient après en avoir parlé avec son neurologue, avec la notion essentielle de décision par tagée. Par ailleurs, les principales réticences des patients vis-à-vis du traitement sont dominées par le risque de survenue d’évènements indésirables et la fréquence des injections, le rythme des injections constituant parfois plus souvent un frein que l’injection elle-même. On pourrait aussi noter le risque de toxicité perçu par les patients, malgré le recul de près de 20 ans : cela souligne l’intérêt d’un “temps” qui permette au patient d’exprimer des craintes afin que l’on puisse y répondre. Ces données suggèrent qu’au-delà de l’information initiale sur la maladie et ses traitements et de l’instauration d’une relation de confiance, il est sûrement impor tant de rechercher, au moment du choix du traitement, les motivations mais aussi les réticences ressenties par les patients. Cette démarche pourra permettre ensuite d’adapter le discours auprès du patient pour favoriser une meilleure acceptabilité et donc s’assurer d’une adhésion thérapeutique optimale. n
Bibliographie 1. Leray E et al. Evidence for a two-stage disability progression in multiple sclerosis. Brain 2010 ; 133 : 1900-13. 2. Montalban et al. MRI criteria for MS in patients with clinically isolated syndromes. Neurology 2010 ; 74 : 427-34. 3. Steinberg S et al. Impact of adherence to interferons in the treatment of multiple sclerosis: a non-experimental, retrospective, cohort study. Clin Drug Investig 2010 ; 30 : 89-100. 4. Rio J et al. Factors related with treatment adherence to interferon beta and glatiramer acetate therapy in multiple sclerosis. Mult Scler 2005 ; 11 : 306-309. 5. Publication OMS. Adherence to long-term therapies. Juillet 2003. 6. Treadaway K et al. Factors that influence adherence with disease-modifying therapy in MS. J Neurol 2009 ; 256 : 568- 576. 7. Reynolds M et al. Persistence and adherence to disease modifying drugs among patients with multiple sclerosis. Curr Med Res Opin 2010 ; 26 : 663-74.
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Acceptabilité et adhésion des traitements de fond dans la SEP
Prescrire...
L’eslicarbazépine Ce qu’il faut savoir Benjamin Cretin*
En conséquence, certaines interactions médicamenteuses sont à prendre en compte [6].
Introduction L’eslicarbazépine (ESL, Zebinix®) est disponible dans le traitement en add-on des épilepsies partielles de l’adulte depuis 2012. Ce bref texte est une synthèse des informations pertinentes relatives au bon usage de ce nouvel antiépileptique.
Mécanisme d’action L’eslicarbazépine (ESL) est une molécule dérivée de la carbamazépine (CBZ, Tegretol®), à côté de laquelle elle vient donc se ranger dans l’arsenal des antiépileptiques disponibles. Elle est de fait cousine de l’oxcarbazépine (OXC, Trileptal®). Ces trois médicaments partagent le point commun d’être des inhibiteurs des canaux sodiques voltage-dépendants (VoltageGated Sodium Channel ou VGSC) [1]. Ainsi, l’ESL inhibe les neurones à décharge rapide dans certains modèles in vitro et elle a aussi démontré son efficacité in vivo (réduction de la fréquence et de l’intensité des crises dans plusieurs modèles animaux d’épilepsie) [2]. La particularité de l’ESL serait d’agir sur l’ouverture des VGSC, mais aussi sur leur phase de fermeture (période réfractaire du canal, dite aussi période d’inactivation, allongée par l’ESL) [3].
Pharmacologie L’ESL – dont le nom commercial en France est Zebinix® – est préparée *Département de Neurologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ; Centre Mémoire, de Ressources et de Recherche d’Alsace (Strasbourg-Colmar) ; Laboratoire ICUBE, CNRS (UMR 7237), Université de Strasbourg ; Centre de Compétences des démences rares des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
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• inhibiteur faible du CYP2C19 (principaux substrats : antidépresseurs tricycliques et IRSS, benzodiazépines, phénytoïne, barbituriques, warfarine).
sous forme conjuguée (acétate d’eslicarbazépine) et présentée sous forme de comprimés sécables. L’acétate d’ESL est rapidement absorbé après ingestion per os. Un premier passage hépatique permet un métabolisme rapide par hydrolyse : l’ESL est dissociée de l’acétate pour se retrouver sous forme libre et devenir le véritable principe actif du Zebinix®. Le pic plasmatique est ensuite atteint en 3 à 4 heures et la biodisponibilité est très élevée (> 90 %). Le catabolisme de l’ESL est majoritairement assuré par voie de glucurono-conjugaison hépatique puis d’élimination urinaire. Ainsi, la clairance de l’ESL dépend du débit de filtration rénale [4, 5]. Néanmoins, la transformation enzymatique de l’ESL libère certains métabolites en quantités modérées : l’oxcarbazépine et la R-licarbazépine. Notons que la demi-vie de la molécule est de 20 à 24 heures à l’état d’équilibre (obtenu après 4 à 5 jours de prise). Sur le plan enzymatique, l’ESL a un faible effet sur les cytochromes : • inducteur faible du CYP3A4 (principaux substrats : antiviraux, immunosuppresseurs, chimiothérapies, digoxine, contraceptifs) ;
• Avec les antiépileptiques L’ESL augmente les taux circulants de PHT (+30 % en moyenne) et diminue modérément (-15 %) ceux de la lamotrigine (LTG). Les taux de levetiracetam (LEV), de valproate (VPA), de topiramate (TPM) et de CBZ ne sont pas modifiés. A l’inverse, la phénytoïne (PHT) et la CBZ sont capables, par leurs forts effets inducteurs sur les cytochromes, de diminuer l’exposition à l’ESL. • Avec les traitements non antiépileptiques Il existe une diminution importante des taux de contraceptifs oraux (-37 à 42 %), de simvastatine (-50 %) et de warfarine (-23 %) ; cela peut avoir un impact clinique significatif.
Efficacité de l’eslicarbazépine L’ESL est d’indication restreinte actuellement : dans les épilepsies partielles de l’adulte, avec ou sans généralisation. Elle ne concerne pas les patients nouvellement diagnostiqués car elle n’a pas l’agrément pour être prescrite en monothérapie. L’ESL est donc réservée à la post-monothérapie, c’est-àdire qu’elle ne peut être utilisée qu’en association. D’autres indications viendront sans doute, mais le développement récent de la molécule n’a pas encore apporté de résultats suffisants. Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
L’eslicarbazépine
S’agissant des épilepsies partielles, les résultats globaux ont été publiés dans trois études principales entre 2009 et 2010 [5, 7, 8]. Il faut en retenir que la dose de 400 mg/j (1/2 cp par jour) est en général insuffisante, avec un taux de répondeurs (diminution de la fréquence des crises ≤ 50 %) qui ne diffère pas statistiquement du placebo. A l’inverse, on observe un effet-dose pour les posologies de 800 mg et 1 200 mg/j, puisque le taux de répondeurs passe à 36 % puis 44 % respectivement. Ces résultats sont statistiquement significatifs. Cela dit, le taux médian de réduction des crises était de 35 % avec 800 mg/j et 39 % avec 1 200 mg/j. Les trois études contrôlées ont aussi montré qu’il n’y avait pas d’association médicamenteuse privilégiée pour l’ESL : elle peut être combinée autant à des inhibiteurs des VGSC qu’à d’autres types de molécules, sans différence d’efficacité [9]. Les études n’ont pas montré d’effet synergique de l’association de l’ESL avec un autre antiépileptique (au contraire du duo LTG-VPA par exemple), alors que l’association ESL-CBZ s’est révélée plutôt défavorable en termes de tolérance (donc à éviter, cf. infra). Pour finir, l’ESL est efficace indépendamment du sexe, de l’âge, de l’origine géographique, du nombre d’antiépileptiques concomitants, de la durée d’évolution de l’épilepsie et du type de crises (crises partielles simples vs complexes, frontales vs temporales…).
Tolérance de l’eslicarbazépine Au niveau clinique
Les effets secondaires de l’ESL Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
sont dose-dépendants [9]. Ils surviennent en général en début de traitement et cèdent dans les 2 à 6 semaines suivantes. Le trio sensations ébrieuses-somnolence-céphalées concerne plus de 20 % des patients, et jusqu’à plus de la moitié d’entre eux [9]. Plus généralement, les effets iatrogènes sont classiques de l’imprégnation aux “zépines” (CBZ, OXC) : sensations vertigineuses voire vertiges vrais (20 à 80 %), impression de vue brouillée voire franche diplopie (8 à 15 %). Les troubles de la coordination segmentaire ou de la marche sont courants (5 à 10 %), nausées et vomissements aussi (8 à 15 %). On reconnaît ici les effets indésirables attribués au lacosamide [10], ainsi qu’à la LTG et à la PHT (effets-classe des inhibiteurs de VGSC). L’ESL a une meilleure tolérance cutanée que l’OXC et la CBZ (≈ 1 % de rashs cutanés pour l’ESL contre 6 à 7 % pour OXC ou CBZ) [5, 8, 9, 11]. Enfin, elle n’a pas d’incidence sur la prise de poids ou sur les constantes usuelles (tension artérielle, fréquence cardiaque, température corporelle). Globalement, la tolérance de l’ESL est bonne : taux total d’arrêt des études pour effets indésirables = 14 % [9]. Dans les évaluations randomisées, l’ESL était principalement associée aux trois molécules suivantes (par ordre décroissant) : CBZ, VPA et LTG [9]. LEV, TPM et PHT venaient ensuite. Aucune n’avait d’impact sur la fréquence des effets secondaires, exception faite de la CBZ qui induisait plus souvent une diplopie (≈ 6 fois
plus fréquente), des sensations ébrieuses ou des troubles de la coordination (2-3 fois plus fréquents) [9].
Au niveau biologique L’ESL n’a pas d’effets particuliers sur les paramètres de la coagulation ou sur la fonction rénale, et rarement sur les constantes hématologiques, hépatiques ou hydroélectrolytiques [9]. Bien que peu courants, des effets significatifs existent quand même (généralement peu graves) : • leucopénie et thrombopénie se rencontrent dans moins de 4 % des cas ; • l’hyponatrémie (< 125 mmol/l) survient dans moins de 1 % des cas, et presque exclusivement lors de l’association à la CBZ ; • l’augmentation des enzymes hépatiques apparaît pour moins de 1 % des patients ; • l’augmentation des LDL ne se rencontre que pour les doses de 1 200 mg/j [9].
Au niveau électrocardiographique L’ESL n’a pas d’effets cardiaques cliniquement significatifs (fréquence cardiaque, intervalle QT) mais un allongement du PR est possible ; il doit rendre prudent chez les patients affectés de bloc auriculo-ventriculaire ou de bradycardie [6].
Synthèse pratique L’ESL est un médicament autorisé en add-on dans les épilepsies focales de l’adulte, sans originalité de son mode d’action : il s’agit d’un dérivé de molécules connues à action spécifique sur les VGCS (ESL, CBZ, OXC, dites aussi “zépines” et en fait dibenz[/b,f/]azepines). Son intérêt est donc ailleurs : celui de présenter un profil 345
Prescrire...
pharmacologique plus avantageux que ses devancières (longue demi-vie, pas trop inducteur enzymatique ni trop pourvoyeur de dérivés époxydes), et donc une plus grande commodité d’utilisation (une prise par jour, peu d’hyponatrémie ou de rash cutané, bonne tolérance globale) [11]. Seule limitation : l’adaptation des doses pour une clairance de la créatinine < 60 ml/min (prescription interdite pour une clairance < 30 ml/min) [6]. Une surveillance biologique en début de traitement reste recommandée (NFS, bilan hépatique, ionogramme). L’ESL est efficace cliniquement, et ses performances se situent autant dans la moyenne des antiépileptiques usuels [10,12] que de ceux à venir (rétigabine, perampanel, carisbamate, brivaracetam) [13]. Malgré un mode d’action redondant avec celui de la LTG et de
la PHT (inhibition des VGSC), l’ESL peut leur être associée sans déperdition d’efficacité ni addition des effets secondaires. Par contre, ceci ne vaut pas pour la CBZ qui majore clairement la iatrogénie clinico-biologique [5,79]. L’explication provient vraisemblablement de métabolites partagés. L’association CBZ-ESL est donc déconseillée, de même que l’association ESL-OXC (l’OXC est un des métabolites de l’ESL). Bien que peu perturbatrice sur le plan enzymatique, l’ESL reste dotée d’une capacité d’induction dose-dépendante : • cela peut impacter significativement les taux de certains antiépileptiques (cf. pharmacologie) et avoir des conséquences sur le calendrier des crises des patients. De ce point de vue, la dose de 800 mg offre la meilleure efficience (rapport efficacité/tolérance) [9] ; • cela doit aussi être pris en compte lors de la prescription concomitante de contraceptifs
(perte d’efficacité) et dans la surveillance des effets osseux, voire fracturaires, du traitement (supplémentation en vitamine D). n Conflits d’intérêts Aucun. B. Cretin n’a notamment reçu aucune subvention de la part des laboratoires Eisai pour la rédaction de ce texte. Correspondance Dr Benjamin Cretin CMRR d’Alsace, Département de Neurologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Pôle Tête et Cou Hôpital de Hautepierre 1, avenue Molière 67200 Strasbourg E-mail : benjamin.cretin@chrustrasbourg.fr
Mots-clés : Epilepsie, Eslicarbazépine, Inhibiteurs des canaux sodiques voltagedépendants, Pharmacologie, Efficacité, Tolérance, Prescription
Bibliographie 1. Bonifácio MJ, Sheridan RD, Parada A et al. Interaction of the novel anticonvulsant, BIA 2-093, with voltage-gated sodium channels: comparison with carbamazepine. Epilepsia 2001 ; 42 : 600-8. 2. Sierra-Paredes G, Núñez-Rodriguez A, Vázquez-López A et al. Anticonvulsant effect of eslicarbazepine acetate (BIA 2-093) on seizures induced by microperfusion of picrotoxin in the hippocampus of freely moving rats. Epilepsy Res 2006 ; 72 : 140-6. 3. Parada A, Soares-da-Silva P.The novel anticonvulsant BIA 2-093 inhibits transmitter release during opening of voltage-gated sodium channels: a comparison with carbamazepine and oxcarbazepine. Neurochem Int 2002 ; 40 : 435-40. 4. Elger C, Bialer M, Cramer JA et al. Eslicarbazepine acetate: a double-blind, add-on, placebo-controlled exploratory trial in adult patients with partialonset seizures. Epilepsia 2007 ; 48 : 497-504. 5. Elger C, Halász P, Maia J et al.; BIA-2093-301 Investigators Study Group. Efficacy and safety of eslicarbazepine acetate as adjunctive treatment in adults with refractory partial-onset seizures: a randomized, double-blind, placebo-controlled, parallel-group phase III study. Epilepsia 2009 ; 50 : 454-63. 6. Fiche recommandations caractéristiques produit du Vidal, Edition 2013. 7. Ben-Menachem E, Gabbai AA, Hufnagel A et al. Eslicarbazepine acetate as adjunctive therapy in adult patients with partial epilepsy. Epilepsy Res 2010 ; 89 : 278-85.
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Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
dossier
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Aux frontières de la migraine
1 Migraine avec aura prolongée : La migraine avec aura non hémiplégique prolongée existe-t-elle ? p. 348 Christian Lucas (Lille)
2 Migraine confusionnelle, migraine basilaire : des diagnostics d’exclusion ���������������������������������������������������������������������������� p. 352 Anne Donnet (Marseille)
3 Neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente : l’ex-migraine ophtalmoplégique �������������������������������������������������������������� p. 355 Dominique Valade (Paris)
dossier
1 Migraine avec aura prolongée La migraine avec aura non hémiplégique prolongée existe-t-elle ? n L’aura prolongée non hémiplégique au-delà d’une heure existe. Elle est plus fréquente dans l’aura aphasique, puis dans l’aura sensitive et moins fréquente dans l’aura visuelle. La physiopathologie de l’aura prolongée repose sur la dépression corticale envahissante (DCE), avec vraisemblablement des répliques successives de DCE.
L
a migraine avec aura typique est caractérisée par la survenue récurrente (au minimum 2 crises dans la vie) de symptômes neurologiques totalement réversibles, le plus souvent visuels (dans 90 % des cas), incluant des phénomènes positifs (phosphènes, taches ou lignes) et/ou négatifs (scotomes, hémianopsie) et/ ou des symptômes sensitifs, incluant des phénomènes positifs (sensation de piqûre d’épingle) et/ou négatifs (engourdissement) et/ou des troubles phasiques. Ces symptômes se développent progressivement (“marche migraineuse”) sur au moins 5 minutes, et durent pour chaque symptôme entre 5 minutes et une heure [1]. Ce maximum d’une heure a été fixé arbitrairement. Dans la seconde classification de l’ICHD, hormis pour la migraine hémiplégique dans laquelle la durée de l’aura peut être prolongée au-delà d’une heure, n’apparaît pas la notion de migraine avec aura non hémiplégique
*Service de Neurologie et Pathologie Neurovasculaire, Hôpital Salengro, CHRU de Lille
348
(MANH) prolongée. En fait, elle apparaissait dans la toute première classification [2], mais apparaît actuellement dans les complications de la migraine en tant qu’aura persistante sans infarctus (code 1.5.3) avec des symptômes d’aura persistant pendant plus d’une semaine sans signe radiographique d’infarctus. Concernant les auras durant entre 1 heure et une semaine, il faut actuellement les coder comme “probable migraine avec aura”, comme s’il y avait un doute diagnostique, ce qui est gênant pour le patient et le praticien. Nous verrons pourtant qu’il s’agit d’une réalité épidémiologique. Nous ferons également un rappel sur la physiopathologique de l’aura qui permet d’entrevoir pourquoi certaines auras peuvent être prolongées.
Epidémiologie de l’aura prolongée
(Hors migraine hémiplégique) Dans une revue très récente, M. Viana, de l’équipe de P. Goadsby [3], a réalisé une revue de l’ensemble de la littérature sur l’aura migraineuse non hémiplégique.
Christian Lucas*
Ils ont analysé 1 751 publications portant sur l’aura, typique ou non. Ils ont retenu 10 études s’intéressant spécifiquement à la durée de l’aura. Cinq publications ont évalué la proportion de patients avec aura non hémiplégique prolongée au-delà d’une heure et ont trouvé des pourcentages de 12 à 37 % des patients. Six publications ont permis d’avoir des données sur le type d’aura prolongée : 6 à 10 % des patients avec aura visuelle, 14 à 27 % des patients avec aura sensitive et 17 à 60 % des patients avec aura aphasique. A noter des différences méthodologiques dans ces études, avec des durées d’aura recueillies soit sur une crise, soit sur les crises les plus habituelles, soit avec des questionnaires rétrospectifs (avec des biais de recueil possibles) soit avec des agendas prospectifs. Deux études seulement ont été faites avec une méthodologie prospective rigoureuse, dont une en population générale danoise, avec 17 % des patients ayant des auras prolongées et 10 % des patients avec auras visuelles, 14 % des patients Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Aux frontières de la migraine
avec auras sensitives et 22 % des patients avec auras aphasiques [4].
Physiopathologie de l’aura La compréhension de la physiopathologie de la migraine a beaucoup évolué au cours de ces dernières décennies. Rappelons que, dans la théorie vasculaire développée par Wolff [5], l’aura migraineuse était expliquée par une vasoconstriction primitive transitoire, et la céphalée par une vasodilatation de rebond des artères méningées provoquant l’activation des nocicepteurs périvasculaires [5]. Puis, dans la théorie neuronale, l’aura est expliquée par la survenue d’une dépression corticale envahissante (spreading depression de Leao) [6] avec implication, ensuite, du circuit trigéminovasculaire et libération de différents neuropeptides pro-inflammatoires, dont le CGRP (Calcitonin Gene Related Peptide) ; le tout étant sous-tendu par une susceptibilité génétique. Les modèles cliniques quasi expérimentaux de la migraine
hémiplégique familiale, affection autosomique dominante, font désormais considérer la migraine comme une possible maladie des canaux ioniques (channelopathy), permettant ainsi d’expliquer l’aspect paroxystique, évoluant par crise de la maladie.
La dépression corticale envahissante ou “spreading depression” La dépression corticale envahissante (DCE) correspond à une vague de dépolarisation neuronale et gliale, suivie d’une dépression neuronale de longue durée, observée expérimentalement après application de potassium sur les cortex de rats. Ce phénomène électrique est contemporain d’une vague d’hypoperfusion, puis, quelques heures plus tard, d’une hyperperfusion cérébrale. Cette DCE progresse lentement à la surface du cortex et peut être interrompue par un sillon ou une scissure. La DCE induit une hyperactivité neuronale initiale avec libération massive de K+ et de glutamate,
suivie d’une entrée massive de Na+ et de Ca++ dans les neurones et les astrocytes. Les astrocytes, en situation d’hypofonctionnement, sont alors incapables de protéger le neurone du glutamate et du K+ qui sont en excès dans le milieu extracellulaire avec pérennisation de la dépolarisation neuronale. Le glutamate joue un rôle essentiel avec blocage de la DCE par les antagonistes des récepteurs NMDA. Chez l’Homme, le rôle de la DCE est longtemps resté controversé, du fait de la rareté de déclenchement des DCE et de difficultés à interpréter les phénomènes électromagnétiques observés. Grâce à l’utilisation de stimulations visuelles répétées prolongées en IRMf par effet BOLD, Cao et al. [7] ont pu démontrer que certaines zones cérébrales passaient d’un état de réponse à la stimulation visuelle, vers un état de non-réponse, selon un “front de désactivation” se propageant avec le temps le long de la scissure calcarine à une vitesse de 3-6 mm/min. Ces données ont été confirmées lors de l’étude d’auras migraineuses spontanées par l’équipe de Hadjikhani [8]. Ces phénomènes peuvent entraîner des “ré-
Tableau 1 - Similitudes entre les phénomènes de dépression corticale envahissante chez l’animal et l’aura migraineuse chez l’humain. D’après Tfelt-Hansen, 2009.
Localisation initiale Mode de propagation Excitation, puis dépression Vitesse (mm/min) Unilatéral Vagues répétées Hyperhémie initiale Oligémie persistante Hypoperfusion Autorégulation Réactivité au CO2 Réaction à l’activation Métabolisme cérébral Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Migraine avec aura
DCE chez le rat
Cortex visuel primaire Continu, cortical Oui 3-5 Oui Oui (?) Oui Heures > seuil ischémique Préservée Perturbée Diminuée Normal
Densité neuronale élevée Continu, cortical Oui 2-6 Oui Oui Oui 1,5 h > seuil ischémique Préservée Perturbée Diminuée Normal
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dossier pliques”, à l’instar d’un tsunami, et pourraient expliquer des auras prolongées. Ces phénomènes ne semblent toutefois pas spécifiques à l’aura, puisqu’ils peuvent parfois s’observer au cours de crises migraineuses sans aura [9]. La DCE semble donc bien être à l’origine de l’aura migraineuse (Tab. 1) comme le suggère TfeltHanssen [10], et est vraisemblablement aussi impliquée dans la migraine sans aura, soit avec une DCE survenant dans des zones silencieuses, soit avec perturbation de l’excitabilité corticale, mais sans traduction clinique. Ceci pose la question d’une seule et même maladie migraineuse, sans et avec aura, et la question d’une physiopathologie monoforme ou pas.
Figure 1 - Hypométabolisme prolongé (hémisphère droit) en PET chez une patiente avec migraine hémiplégique familiale avec mutation du gène ATP1A2. PET réalisé lors d’une crise avec hémiparésie et troubles sensitifs G (le SPECT et les IRM T2 et Flair étaient normaux). Dr Anne Donnet, Hôpital de La Timone, Marseille.
Données récentes sur DCE, gènes, hormones et canaux ioniques Des données remarquables sur DCE, gènes, hormones et canaux ioniques ont été publiées par l’équipe de Moschkowitz [11] avec rappels sur les dysfonctionnements des canaux calciques et des pompes en rapport avec des mutations génétiques. La traduction clinique de ce dysfonctionnement ionique est illustrée par la migraine hémiplégique familiale (MHF) pour laquelle quatre types sont à l’heure actuelle connus. Cette maladie représente un lien entre l’implication des gènes et la DCE. Au cours de cette pathologie, les crises sont déclenchées par le stress, l’effort, un traumatisme même minime. Les crises se manifestent par des migraines avec aura et le nombre de 350
Figure 2 - Hypothèse d’un lien physiopathologique avec un possible continuum entre les différents types d’aura. MHF : migraine hémiplégique familiale ; MHS : migraine hémiplégique sporadique ; DCE : dépression corticale envahissante.
crises serait plus important chez la femme. La MHF est en rapport avec une mutation sur le gène CACNA1A pour le type 1 et avec une mutation sur la sous-unité α2 de la pompe ATP-ase dépendante pour le type 2. Les variations de susceptibilité de la DCE entre les deux sexes ont été
testées chez un modèle de souris (R122QK1), avec l’hypothèse que l’imprégnation hormonale pouvait expliquer une proportion plus importante de crises chez la femme. Il a été démontré que l’ovariectomie entraînait chez la souris une diminution de la survenue de la DCE. Les mêmes résultats ont été reproduits Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Aux frontières de la migraine
chez la souris ménopausée. Il existe donc chez l’animal des preuves d’une relation entre les hormones ovariennes et la DCE. Enfin, les travaux de Takano [12] sur la NADH (nicotinamide adénine dinucléotide), substance responsable du transfert d’énergie dans la chaîne mitochondriale et mesurée par techniques fluorométriques, ont démontré que l’hypoxie était un facteur clé du déclenchement de la DCE.
Traitements de l’aura prolongée On ne dispose d’aucune donnée spécifique à cette thématique. Les traitements de fond de la migraine pourraient agir en supprimant la DCE. Dans le travail rapporté par Ayata en 2006 [15], cinq substances ont été essayées chez l’animal (valproate, topiramate, bêtabloquants, amitriptylline et méthysergide), prouvant, avec un délai de plusieurs semaines, que ces substances diminuent la DCE.
Imagerie de l’aura prolongée
Conclusion
Des anomalies transitoires de diffusion en IRM sont tout à fait possibles dans l’aura non hémiplégique prolongée comme a pu le montrer Bereczki [13] dans une observation d’un patient avec aura visuelle à type d’hémianopsie prolongée avec un hypersignal en IRM de diffusion qui s’est normalisé en 8 semaines. Une observation en PET-scan de Guedj et al. [14] a montré un hypométabolisme prolongé hémisphérique droit qui a duré 78 jours ; mais il s’agissait dans ce cas d’une jeune femme avec migraine hémiplégique familiale (Fig. 1).
On peut retenir globalement de la littérature que : 1. l’aura prolongée non hémiplégique au-delà d’une heure existe, et affecte 12 à 37 % des patients ; 2. elle est plus fréquente dans l’aura aphasique (17 à 60 % des patients), puis dans l’aura sensitive (14 à 27 %), et moins fréquente dans l’aura visuelle (6 à 10 %) ; 3. la physiopathologie de l’aura prolongée repose sur la DCE, avec vraisemblablement des répliques successives de DCE ; 4. un continuum physiopathologique entre aura typique, prolongée,
basilaire et hémiplégique est plausible, sous-tendu par la génétique et des phénomènes glutamatergiques ; 5. aucune donnée n’est disponible au plan thérapeutique (Fig. 2). Une 3e classification de l’ICHD est disponible dans sa version bêta depuis quelques semaines [16]. La notion de migraine avec aura prolongée n’apparaît pas non plus. Cette version bêta doit évoluer vers une version définitive. Gageons qu’au vu des toutes dernières données épidémiologiques, ce code diagnostique soit réinstauré. n
Correspondance Dr Christian Lucas Service de Neurologie et Pathologie Neurovasculaire Hôpital Salengro, CHRU de Lille 59037 Lille Cedex E-mail : christian.lucas@chru-lille.fr
Mots-clés : Migraine, Aura, Aura non hémiplégique prolongée, Dépression corticale envahissante, Hypoxie, Canaux ioniques, Génétique, Imagerie, PET
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dossier
2 Migraine confusionnelle,
migraine basilaire Des diagnostics d’exclusion
n Aux frontières des présentations “classiques” de la maladie migraineuse, se trouvent un certain nombre d’entités, qui se caractérisent par leur rareté, leurs difficultés à être classées sur le plan nosologique, et le fait qu’il s’agit de manière systématique de diagnostics d’exclusion. Parmi celles-ci, figurent la migraine confusionnelle et la migraine basilaire.
La migraine confusionnelle Chez L’enfant et l’adolescent La migraine confusionnelle est un syndrome rare décrit essentiellement chez l’enfant et l’adolescent. Initialement, considéré comme un équivalent migraineux de l’enfant [1], il n’est pas retenu aujourd’hui dans le cadre des syndromes périodiques de l’enfant. Par ailleurs, les trois classifications de l’International Headache Society, dont la dernière version a été publiée en juillet 2013 (ICHD-3 bêta), ne reconnaissent pas cette entité [2]. La première description d’une migraine avec altération de la conscience a été faite en 1873 par Liveing. Plus récemment, Glascon et Barlow, en 1970, rapportaient des observations - toujours en population pédiatrique - de migraine se présentant sous la forme de syndrome confusionnel. A ce jour, environ 62 cas sont décrits dans la littérature. Cette expression clinique correspondrait à 0,04 % des séries de migraine chez l’enfant [3].
*Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur, CHU Timone, Marseille
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Chez l’enfant, le tableau clinique se traduit par l’installation brutale d’un état confusionnel avec troubles de la conscience, agitation, amnésie. La présence d’une céphalée n’est pas constante ; si elle est présente, elle peut survenir pendant ou après l’épisode confusionnel. L’épisode confusionnel apparaît souvent, mais de manière non systématique, dans les suites du déroulement d’une aura migraineuse comprenant troubles visuels et paresthésies. Il se termine souvent par un endormissement. La durée de l’épisode confusionnel varie de 2 à 24 heures. Un traumatisme crânien mineur est souvent décrit comme facteur déclenchant [4]. L’évolution se fait sans séquelles. Une récurrence est rapportée dans 25 % des cas.
Chez l’adulte Ce tableau, initialement décrit chez l’enfant, a été plus récemment rapporté chez l’adulte. Ainsi, Gantenbein et al., en 2011 [5], rapportent une série de 10 patients, incluant 8 adultes et 2 adolescents, pour lesquels le diagnostic de migraine confusionnelle a été retenu. Le tableau chez l’adulte est compa-
Anne Donnet*
rable à celui de l’enfant, comportant désorientation temporospatiale, troubles de la parole, difficultés de reconnaissance des visages familiers, et plus rarement apraxie. Ces symptômes peuvent durer plusieurs heures et les épisodes peuvent être récurrents. Ils surviennent souvent dans les suites du déroulement d’une aura migraineuse plus classique, visuelle, paresthésique et/ou aphasique. Aucune pathologie sous-jacente n’a été retrouvée, et on note toujours une régression complète des symptômes.
La dépression corticale envahissante Même si les mécanismes physiopathologiques sont incertains, il est vraisemblable que la migraine confusionnelle soit liée à une dépression corticale envahissante, touchant soit la partie postérieure de l’hémisphère dominant, soit les régions temporo-basales.
Un diagnostic d’exclusion Il s’agit toujours d’un diagnostic d’exclusion, surtout lors du premier épisode. Ainsi, les étiologies suivantes doivent être éliminées [5] : Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Aux frontières de la migraine
• épilepsie (crises partielles complexes, confusion post-critique) ; • encéphalite ; • troubles vasculaires ; • troubles métaboliques, toxiques ou post-traumatiques… La migraine confusionnelle peut également être le symptôme d’une maladie sous-jacente : • Le CADASIL [6] : sa traduction clinique peut se faire soit sous la forme d’une migraine avec aura typique, soit d’une migraine avec aura atypique. La migraine confusionnelle peut être le révélateur d’un CADASIL, parfois plusieurs années avant l’apparition d’autres symptômes neurologiques [7] . La migraine confusionnelle est retrouvée dans 30 à 60 % des CADASIL [7]. • La migraine hémiplégique [8] : il s’agit d’une variété rare et autosomique dominante de migraine avec aura rattachée à ce jour à quatre gènes, dont trois codent pour des transporteurs ioniques et un quatrième, qui code pour une protéine régulatrice associée au complexe d’exocytose. La confusion mentale a été rapportée au cours de certaines crises de migraine hémiplégique familiale. • Syndrome de céphalées et déficits neurologiques transitoires avec pleïocytose du LCR [9] : la pseudomigraine avec lymphocytose du LCR. C’est une entité nosologique rare, d’étiopathogénie actuellement inconnue, dont l’évolution est le plus fréquemment bénigne. L’électroencéphalogramme peut soit être normal, soit montrer un ralentissement important de l’électrogenèse, se normalisant en 1 à 3 jours après le retour à la normale [9]. Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Le traitement Le traitement de la migraine confusionnelle est controversé. Le valproate IV [3, 6, 10] ou le perchlorpérazine IV [11] ont été proposés. Cependant, il s’agit de résultats rapportés sur de petits effectifs lors d’études ouvertes, et aucune recommandation ne peut être faite à ce sujet.
Au total Ce diagnostic doit donc être connu chez l’enfant comme chez l’adulte, même s’il s’agit toujours d’un diagnostic d’élimination, une fois qu’épilepsie partielle, CADASIL, migraine hémiplégique et pseudomigraine avec pléiocytose du LCR ont été éliminés.
La migraine basilaire ou migraine avec aura du tronc cérébral Avec la troisième version de la classification de l’IHS (ICHD-3 bêta) [2], le terme de migraine basilaire disparaît pour être remplacé par celui de “migraine avec aura du tronc cérébral”. En effet, le terme basilaire faisait référence au tronc basilaire et l’implication de ce dernier dans la physiopathologie des crises est douteuse. Cette entité est reconnue comme une entité à part entière, au même titre que la migraine sans ou avec aura, ou que la migraine hémiplégique.
Les critères de la migraine avec aura du tronc cérébral Ces critères sont les suivants: A. Au moins 2 crises correspondant aux critères B-D ; B. Aura consistant en symptômes visuels, sensitifs et/ou touchant le langage, tous totalement réversibles, mais sans déficit moteur ou symptôme rétinien ; C. Aura correspondant à au moins 2
des symptômes du tronc cérébral : 1. dysarthrie, 2. vertige, 3. acouphène, 4. hypoacousie, 5. diplopie, 6. ataxie, 7. baisse du niveau de vigilance ; D. Au moins 2 des 4 caractéristiques suivantes : 1. au moins 1 des symptômes de l’aura se développe progressivement sur > 5 minutes, et/ou 2 ou plus des symptômes apparaissent de manière successive ; 2. chaque aura dure individuellement de 5 à 60 minutes ; 3. au moins un des symptômes de l’aura est unilatéral ; 4. l’aura est accompagnée, ou suivie dans les 60 minutes, par une céphalée ; E. Non attribué à une autre affection, en particulier un accident ischémique transitoire aura été éliminé.
Les manifestations de la migraine avec aura du tronc cérébral Le concept de migraine basilaire a été largement décrit par Bickerstaff en 1961, comme la réduction de l’état de conscience, sans syndrome confusionnel, chez de jeunes adultes. Il s’agit d’une expression rare de la maladie migraineuse - 3-19 % des migraines de l’enfant -, dont l’âge de début est variable, allant de 7 ans [12] à 17 ans (10-50 ans) [13]. La plupart des patients ont également des migraines avec aura visuelle, sensitive ou aphasique pendant la migraine basilaire ou en dehors de celle-ci [13]. Par définition, il n’y a pas d’aura motrice, l’existence d’un déficit moteur conduisant immédiatement au diagnostic de migraine hémiplégique, même s’il existe une expression basilaire associée. 353
dossier Le nombre d’auras est variable : 2 auras : 31 % ; 3 auras : 45 % ; 4 auras : 8 % ; 5 auras : 8 % ; 6 auras : 8 %. L’aura la plus fréquente est le vertige, dont la présentation est variable : • rotatoire : 65 % ; • illusion de déplacement : 43 % ; • positionnelle : 22 % ; en sachant que plusieurs de ces symptômes peuvent se chevaucher.
Le diagnostic différentiel Il s’agit là encore d’un diagnostic d’élimination, et des observations de migraine basilaire secondaires ont été rapportées : accident ischémique dans le territoire vertébro-basilaire, médulloblastome, télangiectasie du pont [14], dolichoectasie vertébrobasilaire [15]…
La génétique Les études génétiques dans cette entité ont donné des résultats divergents pour les mutations des gènes ATP1A2 [16] et CACNA1A [13, 17].
Le traitement Le traitement n’est pas codifié, mais repose essentiellement sur l’utili-
sation des antiépileptiques (topiramate [12], lamotrigine [18]), mais l’efficacité de l’acétazolamide [17] ou du bloc du grand nerf occipital [19] a été rapportée. On rappellera qu’il s’agit d’une contre-indication à l’utilisation des triptans, même si une bonne tolérance des triptans a été rapportée [20].
Les diagnostics différentiels Deux diagnostics différentiels sont à évoquer devant un tableau de migraine avec aura du tronc cérébral : • la migraine hémiplégique, qui se traduit par des auras complexes et prolongées, au sein desquelles on retrouve des auras de type basilaire dans 70 % des cas ; • le deuxième diagnostic différentiel est le vertige migraineux [21] qui vient d’apparaître dans l’Appendix de la nouvelle classification des céphalées.
et un bilan paraclinique complet est nécessaire. Elles surviennent plus volontiers chez l’enfant et l’adolescent, mais sont décrites également, même s’il s’agit de cas exceptionnels, chez l’adulte. Il existe un chevauchement entre migraine basilaire, migraine hémiplégique et migraine basilaire, même si ces trois concepts sont à ce jour bien distincts. n Correspondance Dr Anne Donnet Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur, Pôle Neurosciences Cliniques, CHU Timone, Marseille Tél. : 04 91 38 43 45 E-mail : anne.donnet@ap-hm.fr
Mots-clés : Migraine confusionnelle, Migraine basilaire, Migraine avec aura du tronc cérébral, Enfant, Adolescent, Dépres-
En conclusion Migraine confusionnelle et migraine avec aura du tronc cérébral sont des entités rares. Il s’agit toujours d’un diagnostic d’exclusion,
sion corticale envahissante, CADASIL, Migraine hémiplégique, Pseudomigraine avec lymphocytose du LCR, Epilepsie, Migraine hémiplégique, Vertige migraineux, Antiépileptiques
Bibliographie 1. Al-Twaijri WA, Shevell MI. Pediatric migraine equivalents: occurrence and clinical features in practice. Pediatr Neurol 2002 ; 26 : 365-8. 2. Headache Classification Committee of the International Headache Society (IHS). The International Classification of Headache Disorders, 3rd edition (beta version). Cephalalgia 2013 ; 33 : 629-808. 3. Avraham SB, Har-Gil M, Watemberg N. Acute confusional migraine in an adolescent: response to intravenous valproate. Pediatrics 2010 ; 125 : e956-9. 4. Ferrera PC, Reicho PR. Trauma-triggered migraine. Am J Emerg Med 1996 ; 14 : 276-8. 5. Gantenbein AR, Riederer F, Mathys J et al. Confusional migraine is an adult as well as a childhood disease. Cephalalgia 2011 ; 31 : 206-12. 6. Martikainen MH, Roine S. Rapid improvement of a complex migrainous episode with sodium valproate in a patient with CADASIL. J Headache Pain 2012 ; 13 : 95-7. 7. Sathe S, De Peralta E, Pastores G, Kolodny EH. Acute confusional migraine may be a presenting feature of CADASIL. Headache 2009 ; 49 : 590-6. 8. Merwick A, Fernandez D, McNamara B, Harrington H. Acute encephalopathy in familial hemiplegic migraine with ATP1A2 mutation. BMJ Case Rep 2013 Jun 10 ; 2013. doi:pii: bcr2013009750. 9. Chapman KM, Szczygielski BI, Toth C et al. Pseudomigraine with lymphocytic pleocytosis: a calcium channelopathy? Clinical description of 10 cases and genetic analysis of the familial hemiplegic migraine gene CACNA1A. Headache 2003 ; 43 : 892-5. 10. Fujita M, Fujiwara J, Maki T et al. The efficacy of sodium valproate and a MRA finding in confusional migraine. Brain Dev 2007 ; 29 : 178-81. 11. Khatri R, Hershey AD, Wong B. Prochlorperazine-treatment for acute confu-
354
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Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Aux frontières de la migraine
3 Neuropathie
ophtalmoplégique douloureuse et récurrente L’ex-migraine ophtalmoplégique n La neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente, décrite à la fin du XIXe siècle par Charcot, est une pathologie rare qui survient le plus souvent dans l’enfance. La forme typique correspond à une migraine sévère pouvant durer plusieurs jours, suivie d’un ptôsis et d’une diplopie dus à une atteinte isolée d’un nerf oculomoteur.
L
e terme de “migraine ophtalmoplégique” ne doit plus être employé puisqu’il a disparu de la nouvelle classification internationale des céphalées dans sa forme ICHD-3 bêta parue en juillet 2013 [1]. On parle maintenant de “neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente”. Il s’agit d’une pathologie caractérisée par des attaques d’ophtalmoplégie suivant des céphalées migraineuses sévères.
lées [4]. Certes, cette analyse n’est pas fondée sur l’étude d’une population, mais uniquement sur un sous-groupe de patients consultants dans les centres spécialisés, mais il n’empêche que cela confirme la rareté de l’affection, d’autant que sa définition a plusieurs fois changé au cours des différentes classifications.
Cette pathologie, décrite depuis la fin du XIXe siècle par Charcot [2], survient le plus souvent dans l’enfance et est considérée comme rare chez l’adulte. Il s’agit d’une maladie rare puisque l’incidence est autour de 0,7 cas par million d’habitants [3] et, dans la seule série française, 9 cas furent observés sur une période de 3 ans dans 13 centres tertiaires de prise en charge de la migraine parmi 52 973 patients vus pour cépha-
La première définition, proposée par Walsch [5], associait une histoire de migraine évoluant en gravité, une ophtalmoplégie qui suivait la sémiologie migraineuse et bien sûr l’exclusion de toute autre cause par une artériographie ou une exploration chirurgicale.
*Centre Urgences Céphalées, Hôpital Lariboisière, Paris
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Clinique et évolution de la classification
La première classification internationale (ICHD-1) [6] avait pour but d’éliminer les formes symptomatiques qui étaient considérées comme un sous-type de migraine figurant parmi les formes cliniques de celles-ci. Elles devaient
Dominique Valade*
donc être distinguées des autres formes de migraine par des paralysies oculomotrices récurrentes.
Les critères de 2004 Lors de la deuxième classification (ICHD-2) publiée en 2004 [7], elle sort de la notion de migraine et quitte donc le groupe des céphalées primaires pour passer dans un groupe hétérogène dit « des névralgies des nerfs crâniens et des causes centrales de douleur de la face et autres céphalées » ; elle est à ce moment-là rapprochée du syndrome de Tosa Hunt. A partir de ce moment, cette pathologie n’est plus considérée comme un sous-type de migraine, bien qu’elle continue à porter le titre de “migraine ophtalmoplégique”. D’autre part, elle peut être symptomatique puisqu’elle n’est plus de facto une céphalée primaire. Les critères de 2004 sont les suivants : A. au moins 2 épisodes respectant le critère B ; B. un épisode de céphalée de type 355
dossier migraineuse accompagne ou suivant dans un délai de 4 jours la survenue des paralysies d’un ou plusieurs nerfs crâniens oculomoteurs ; C. les lésions parasellaires de la fente orbitaire ou de la fosse cérébrale postérieure étant éliminées par les examens appropriés.
Tableau 1 - Principales étiologies des paralysies oculomotrices douloureuses. Vasculaires
Anévrysme artériel, fistule artérioveineuse, angiome, infarctus, dissection artérielle, apoplexie pituitaire, cavernome, hématome
Infectieuses
Maladie de Lyme, syphilis, abcès, tuberculose, SIDA, mucormycose, zona
Métaboliques
Diabète sucré
Inflammatoires
SEP, sarcoïdose, maladie de Horton, granulomatose
Les critères de 2013
Tumorales
Lymphome, schwannome, gliome
Enfin, dernière évolution en date, la pathologie perd son vocable de migraine pour devenir une neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente.
Traumatiques
La forme clinique typique correspond à un enfant présentant une migraine sévère pouvant durer plusieurs jours et qui est suivie au bout de quelques jours d’un ptôsis et d’une diplopie dus à une atteinte isolée d’un nerf oculomoteur alors que la céphalée a disparu. L’atteinte la plus fréquente est celle du nerf oculaire commun (95 %), suivie par celle de l’abdusens, qui est relativement rare (4 %) ; exceptionnellement, on peut avoir plusieurs nerfs oculomoteurs atteints de façon concomitante. La récupération oculomotrice est habituellement complète mais la répétition des accès peut laisser place à une ophtalmoparésie et éventuellement à une parésie du contingent végétatif du III avec difficulté d’accommodation et mydriase. Les critères de 2013 sont les suivants : A. au moins deux épisodes respectant le critère B ; B. des céphalées unilatérales accompagnées par une parésie ipsilatérale de 1, 2 ou 3 nerfs oculomoteurs ; C. une lésion de la fosse posté356
Syndrome de Tolosa Hunt
rieure ou orbitale ou parasellaire ayant été exclue par les investigations appropriées ; D. ne pouvant entrer dans aucun des diagnostics de la classification ICHD-3.
Le diagnostic différentiel Vighetto et Tilikete [8] ont parfaitement décrit les diagnostics différentiels dans la revue neurologique dans un article intitulé « Atteinte oculomotrice douloureuse : une approche diagnostique ». Les différentes étiologies sont résumées dans le tableau 1.
Les examens complémentaires
L’examen de référence est l’IRM cérébrale qu’il faut faire rapidement à la phase d’état de la maladie avec des séquences T1 coronales et sagittales, avec et sans gadolinium. Elle peut montrer une prise de contraste des nerfs crâniens concernés, une augmentation de leur taille par rapport au côté sain [9]. Cet aspect est évocateur, mais il faut en surveiller sa disparition par des IRM séquentielles, car ces
anomalies apparaissent réversibles de façon parallèle à l’amélioration clinique [10]. Le délai de résolution des signes est variable, mais 3 mois semblent habituels et, bien évidemment, le cas échéant, il faudra remettre en cause le diagnostic si les anomalies persistent plusieurs mois. Ce syndrome clinico-radiologique est quand même relativement flou, même si on se réfère aux critères diagnostiques de la dernière classification ICHD-3 bêta.
Les hypothèses physiopathologiques Dans la précédente classification, le concept de migraine ophtalmoplégique était basé sur l’hypothèse d’un phénomène démyélinisant inflammatoire des nerfs moteurs oculaires, entraînant une activation trigémino-vasculaire se traduisant par une céphalée migraine-like ; c’est ainsi que cela fut proposé par Lance et Zagami [11]. D’ailleurs, la réponse à la corticothérapie semblait être en faveur de cette hypothèse. Si on ne peut pas nier chez l’adulte une relation entre la migraine Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Aux frontières de la migraine
ophtalmoplégique et la maladie migraineuse comme mode de début, la migraine ophtalmoplégique survenant souvent chez des migraineux connus, alors que cela n’est pas la même chose chez l’enfant ; un suivi au long terme chez de tels enfants n’est en effet pas possible pour évaluer combien de ceux-ci développeront une migraine avec ou sans aura au cours de leur vie. Carlow [12] a proposé l’hypothèse neurovasculaire qui était malgré tout moins convaincante, ceci à partir de la constatation d’une relation intime entre la sortie de la racine du 3e nerf et les artères du cercle du polygone de Willis qui sont largement innervées par la première division du nerf trijumeau ; de même pour la VIe paire crânienne qui, après sa sortie du bas du bord du pont, passe très près de l’artère cérébrale antéro-inférieure et finalement dans le sinus caverneux en longeant le mur de l’artère carotide interne. Cela fait que l’hypothèse neurovasculaire proposée par Carlow peut certainement s’appliquer à
la VIe paire crânienne, ainsi qu’à la IVe paire crânienne, qui passe à proximité des artères cérébrales postérieures et cérébelleuses supérieures. L’activation des neuropeptides et d’autres agents pourrait affecter le nerf adjacent entraînant des démyélinisations et des remyélinisations récurrentes lors des crises successives de migraine, cette succession entraînant un épaississement du nerf et son rehaussement. Enfin, dans les études expérimentales, Lane [13] a montré qu’il y a une régulation d’une métalloprotéine (MMP) qui exciterait la composante de la jonction capillaire constituant la barrière cerveau-sang de la même manière nerf-sang. Ainsi, le bénéfice dû aux stéroïdes dans le traitement de la migraine ophtalmoplégique pourrait être le résultat du blocage de la libération de ces métalloprotéines.
fréquemment utilisés sont les corticoïdes dont l’utilisation précoce - bien que non démontrée semble minimiser les atteintes. Même sans traitement, l’évolution des troubles neurologiques est favorable au début (la céphalée en quelques jours et les paralysies oculomotrices en moyenne en 3 mois) et, au fil des accès, une discrète ophtalmoplégie peut pern sister [9]. Correspondance Dr Dominique Valade Centre Urgences Céphalées Hôpital Lariboisière, Paris Tél. : 01 49 95 89 53 E-mail : dominique.valade@lrb.aphp.fr
Mots-clés : Migraine ophtalmoplégique, Neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente, Nerf oculomoteur,
Le traitement Il existe une grande hétérogénéité, mais les produits le plus
IRM cérébrale, Diagnostic différentiel, Hypothèse neurovasculaire, Démyélinisation, Métalloprotéines
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Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
dache Society: ICHD-2. Cephalalgia 2004 ; 24 (Suppl 1) : 1-160. 8. Vighetto A, Tilikete G. Painful oculomotor palsy: a diagnostic approach. Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 531-42. 9. Bharucha DX, Campbell TB, Valencia I et al. MRI findings in pediatric ophthalmoplegic migraine: a case report and literature review. Pediatr Neurol 2007 ; 37 : 59-63. 10. Mark AS, Casselman J, Brown D et al. Ophthalmoplegic migraine reversible enhancement and thickening of the cisternal segment of the oculomotor nerve on contrast-enhanced MR images. Am J Neuroradiol 1998 ;19 : 1887-91. 11. Lance JW, Zagami AS. Ophthalmoplegic migraine: a recurrent demyelinating neuropathy? Cephalalgia 2001 ; 21 : 84-9. 12. Carlow TJ. Oculomotor ophthalmoplegic migraine: is it really migraine? J neuroophtalmol 2002 ; 22 : 215-21. 13. Lane R, Davies P. Ophthalmoplegic migraine: the case for reclassification. Cephalalgia 2010 ; 30 : 655-61.
357
neuroagenda
Réunion d’hiver de la SNCLF 20-21 janvier 2014, Paris
13th international Geneva – Springfield symposium on advances in Alzheimer Therapy
Société de Neurophysiologie Clinique de Langue Française
26-29 mars 2014, Genève
• Renseignements et inscriptions Anne Galouzeau de Villepin Unité de Neurophysiologie Clinique de l’enfant Hôpital Arnaud de Villeneuve 371, avenue du Doyen Gaston Giraud 34295 Montpellier cedex 5 E-mail : a-galouzeau@chu-montpelier.fr Site : www.snclf.net/
• Renseignements et inscriptions Christine Mesmer, Coordinator (Europe) Geneva University Hospitals Department of Internal Medicine, Rehabilitation and Geriatrics 3, chemin du Pont-Boche 1226 Thônex, Genève - Suisse E-mail : christine.mesmer@hcuge.ch Site : www.siumed.edu/
24e Congrès de la Société Française de Neurologie Pédiatrique 29 janvier -1er février 2014, Reims • Renseignements et inscriptions E-mail : sfnp-congres@ant-congres.com Site : www.sfneuroped.fr/
JNLF 2014 1-4 avril 0014, Strasbourg • Renseignements et inscriptions Journées de Neurologie de Langue Française 52 avenue des Vosges 67000 Strasbourg Site : www.jnlf.fr
9 workshop IRM annuel - Fondation ARSEP
66th Annual Meeting of the American Academy of Neurology
7 février 2014, Paris
26 avril-3 mai 2014, Philadelphie
e
• Thème : Imaging rehabilitation in multiple sclerosis • Renseignements et inscriptions ARSEP 14 rue Jules Vanzuppe 94200 Ivry-sur-Seine Tél. : 01 43 90 39 39 E-mail : scientific@arsep.org Site : www.arsep.org
• Renseignements et inscriptions Site : www.aan.com/conferences/2014-annual-meeting/
Congrès ANOCEF 2014 16-17 mai 2014, Lausanne Association des Neuro-Oncologues d’Expression Française Organisé avec la Société Suisse de Neuro-Oncologie • Renseignements et inscriptions ANOCEF - Charlotte Carmin E-mail : coordination.anocef@gmail.com
9es Rencontres de Neurologie Comportementale 13 février 2014, Paris • Renseignements et inscriptions Le Public Système PCO 38 rue Anatole France 92594 Levallois-Perret Cedex Maëlle Legouis Tél. : 01 70 94 65 22 - Fax : 01 70 94 65 25 E-mail : inscription@lepublicsysteme.fr Site : www.lepublicsystemepco.com
10th World Congress on Brain Injury 19-22 mars 2014, San Francisco • Renseignements et inscriptions MCC Association Mgt. 5909 Ashby Manor Place Alexandria, VA 22310 - USA Tel : (+703) 960-6500 - Fax : (+703) 960-6603 E-mail : congress@internationalbrain.org Site : www.internationalbrain.org/
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CONGRÈS
Quand soumettre vos abstracts ? z 69th FENS forum of neuroscience 5-9 juillet 2014, Milan Date limite de soumission des abstracts : 2 février 2014 Site : http://fens2014.neurosciences.asso.fr/
z 15th World congress on Pain 6-11 octobre 2014, Buenos Aires Date limite de soumission des abstracts : mars 2014 Site : www.iasp-pain.org/
z XIIe Réunion Francophone sur la Maladie d’Alzheimer 11-13 juin 2014, Montpellier Date limite de soumission des abstracts : 10 mars 2014 Site : www.alzmontpelier2014.com
Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Merci ! 15es RENCONTRES DE NEUROLOGIES
Merci… 15es RENCONTRES DE NEUROLOGIES
15es RENCONTRES DE NEUROLOGIES
Merci à tous ceux - intervenants, participants, partenaires - qui ont contribué au succès de cette très belle édition 2013. Pendant ces 3 jours, plus de 1 800 participants ont pu dialoguer et se former dans un esprit de convivialité et d’échange.
Rendez-vous en décembre 2014 !
rendez-vous de l’industrie
Sclérose en plaques
Neurovasculaire
“SEP en scène” récompensé
« L‘infarctus cérébal, une question de temps » : les résultats de l’étude SWIFT
L
e Festival de la Communication Santé de Deauville a attribué le Trophée d’Or “Patients et leur famille” à “SEP en Scène”, programme réalisé par Novartis et l’agence PrPa en partenariat avec l’AFSEP et la LFSEP qui illustre la vie au quotidien des patients à travers des scénettes jouées par des comédiens professionnels. Initiées en 2012, les soirées “SEP en scène” ont réuni plus de 1 700 personnes, patients, proches, professionnels de santé et grand public. Pour en savoir plus : www.sepenscene.com n
Sommeil
Une enquête sur les apnées du sommeil
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ne enquête issue du baromètre OpinionWay pour Oniris révèle que près de 60 % des personnes interrogées déclarant être sujettes aux apnées du sommeil et que 82 % des personnes concernées par un ronflement n’entreprennent aucune action de traitement. La société Oniris a développé une Orthèse d’Avancée Mandibulaire (OAM) auto-personnalisable et réglable, dont l’efficacité a été mise en évidence en traitement de première ou de seconde intentions du SAOS modéré à sévère et du ronflement. En traitement du ronflement oropharyngé, cette orthèse peut potentiellement favoriser le dépistage du SAOS dès lors que que le score d’Epworth s’améliore. Une étude a ainsi montré une amélioration significative de ce score chez les patients ayant un score initial non pathologique. n
U
ne conférence de presse organisée avec la société Covidien, a permis de faire le point, avec les Prs Laurent Pierot, Christophe Cognard et Mathieu Zuber, sur la prise en charge de l’AVC ischémique à la phase aiguë. Elle repose sur la thrombolyse intraveineuse (fibrinolyse par rt-PA effectuée dans les 4h30 suivant l’infarctus cérébral), traitement de référence de 1re intention, en l’absence de contre-indication. Or 77 % des patients n’atteignent pas les urgences ou UNV dans les 4h30, et la fibrinolyse IV n’est efficace que dans 35 à 40 % des cas. L’alternative repose sur la thrombectomie. La thrombectomie mécanisme est indiquée en cas d’occlusion des gros vaisseaux intracrâniens avec un score NIHSS moyen ou sévère, et contre-indication à la thrombolyse IV ou échec de ce traitement. Les dispositifs de thrombectomie mécanique de 2e génération, en forme de stent, permettent une reperfusion immédiate du territoire d’aval et le rétablissement de la circulation cérébrale, et d’éliminer le caillot. L’étude SWIFT a comparé un dispositif de première génération (dispositif de récupération MerciTM*) au dispositif de revascularisation de deuxième génération SolitaireTMFR. L’essai a été interrompu en raison des bénéfices du dispositif de 2e génération : taux de recanalisation de 61 % versus 24 %. L’amélioration clinique était de 58 % avec le dispositif de 2e génération SolitaireTMFR versus MerciTM*. La mortalité à 90 jours est également plus faible : 17 % versus 38 %. n
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à connaître
Le FXTAS Ou “Fragile X-associated Tremor Ataxia Syndrome” n Le FXTAS, pathologie de description récente, combine un tremblement d’action très fréquent et volontiers inaugural, une ataxie cérébelleuse, et souvent une polyneuropathie sensitive axonale, un syndrome dysexécutif et un syndrome parkinsonien. Encore méconnu et sous-diagnostiqué, il peut aussi se présenter sous différentes formes (mild cognitive impairment, neuropathie périphérique, syndrome parkinsonien), rendant le diagnostic plus difficile.
L
e FXTAS (Fragile X-associated Tremor Ataxia Syndrome) est une pathologie neurodégénérative complexe et de description récente, liée à l’X, caractérisée par une ataxie cérébelleuse progressive et un tremblement d’action avec un hypersignal des pédoncules cérébelleux bilatéraux classique mais inconstant, dû à une prémutation sur le gène FMR1, correspondant à la présence de 60 à 200 triplets CGG. Le FXTAS reste souvent méconnu ou sous-diagnostiqué, son spectre phénotypique est plus large qu’initialement décrit, et la prise en charge est particulièrement difficile du fait de l’absence de traitement spécifique et du caractère très complexe du conseil génétique.
Mathieu Anheim*
touche principalement - mais non exclusivement - l’homme vers 60 ans, qu’il est à l’origine de nombreux mouvements anormaux (tremblement d’action de type essentiel-like, tremblement cérébelleux, tremblement de repos, syndrome parkinsonien, myoclonies), et qu’une neuropathie est fréquemment rencontrée, le plus souvent de type sensitive axonale. Le FXTAS doit être envisagé si le tableau clinico-radiologique et le contexte familial sont compatibles, y compris chez une femme, y compris lorsqu’il n’y a pas de tremblement, pas d’hypersignal des pédoncules cérébelleux moyens et pas d’histoire familiale de retard mental ou de syndrome de l’X fragile.
Il convient de savoir que le FXTAS
Une histoire surprenante
*Service de Neurologie, Unité des Mouvements Anormaux, Hôpital de Hautepierre, Strasbourg
Le syndrome tremblement/ataxie associé au X-fragile (FXTAS) est décrit depuis 2001 seulement,
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et correspond à une combinaison de symptômes neurologiques, dominés par un tremblement d’action et une ataxie cérébelleuse, qui sont la conséquence d’une prémutation du gène FMR1 sur le chromosome X [1-4]. Les mutations complètes de FMR1, correspondant à une expansion du nombre de triplets CGG supérieure à 200 (sur les allèles normaux, la répétition est inférieure à 50 triplets CGG), sont à l’origine du syndrome X-fragile, qui est la cause la plus fréquente de retard mental héréditaire, et touche principalement les garçons. Les prémutations de FMR1, correspondant à une répétition de 55 à 200 triplets, prédisposent les individus qui en sont porteurs de développer le FXTAS. La prémutation de FMR1, décrite en 1991 en même temps que la cause génétique du syndrome de l’X fragile (c’est-à-dire 361
à connaître
l’expansion complète de triplets CGG), servait initialement à décrire le risque, pour une femme qui en était porteuse, de transmettre une mutation complète à son enfant, car la prémutation est instable lors d’une transmission maternelle. Ce n’est que plus tard qu’il est devenu évident que les porteurs de cette prémutation étaient eux-mêmes à risque de développer une maladie neurologique, tout à fait distincte par ailleurs du syndrome de l’X fragile.
Un tableau clinique complexe Tous les porteurs d’une prémutation ne sont pas forcément symptomatiques. La pénétrance du FXTAS augmente avec l’âge et est corrélée au nombre de triplets CGG, de même que l’âge de début du tremblement ou de l’ataxie. La pénétrance serait, pour les hommes âgés de 50 à 59 ans, 60 à 69 ans, 70 à 79 ans, et au-delà de 80 ans, respectivement de 17 %, 38 %, 45 % et 75 %. En fait, les cas de FXTAS sont principalement rapportés chez des porteurs de prémutation supérieure à 70 CGG. Pour les femmes, la pénétrance est nettement plus faible, de l’ordre de 8 à 16 %. Il semble que la fréquence de la prémutation soit de 1/800 environ chez les hommes et de 1/250 chez les femmes, ce qui suggère que le FXTAS est sous-diagnostiqué. Le FXTAS débute vers l’âge de 60 ans, le plus souvent par un tremblement d’action touchant les membres supérieurs, qui peut cependant être absent dans 10 à 20 % des cas. 362
• Une ataxie cérébelleuse apparaît chez quasiment tous les patients, responsable de troubles de l’équilibre et de la marche, et les premières chutes sont déplorées après environ 6 ans d’évolution en moyenne. • Le tremblement est présent chez 80 à 90 % des patients, et peut correspondre soit à un tremblement fin distal d’une fréquence de l’ordre de 6 Hz, évocateur d’un tremblement essentiellike, soit à un tremblement plus proximal, voire axial, plus ample et plus lent, d’une fréquence de 3 Hz, soit à un tremblement de repos pur, lent et distal évocateur d’un tremblement parkinsonien. Dans environ 10 % des cas, le tremblement peut manquer. Un syndrome parkinsonien, qui peut aller de la simple amimie à un tableau akinéto-rigide avec un tremblement de repos, est décelé dans 30 à 60 % des cas. Quelques cas de dopasensibilité ont été rapportés [1]. • Une neuropathie périphérique semble être présente chez 50 à 80 % des patients, qui peut être inaugurale de la maladie. Il peut s’agir d’une neuropathie sensitive axonale non longueurdépendante, de type ganglionopathie, ou d’une neuropathie à prédominance sensitive axonale longueur-dépendante. • Une détérioration cognitive de type dysexécutif sous-cortico-frontal est mise en évidence chez 50 % des FXTAS. Dans une étude portant sur des individus prémutés ayant plus de 70 CGG, 33 % des sujets avaient un score inférieur à 123/144 à l’échelle de Mattis [5]. L’atteinte cognitive peut par la suite affecter la mémoire de travail, et être à l’origine
de troubles visuo-spatiaux, alors que la mémoire épisodique, le langage et les praxies sont longtemps épargnés. Une atteinte du cortex préfrontal en IRM fonctionnelle a été mise en évidence lors d’une tâche de mémoire de travail chez les prémutés. Les troubles cognitifs peuvent être inauguraux, initialement modérés et restreints (mild cognitive impairment). • Les troubles psychiatriques sont fréquents, surtout l’anxiété (50 % des cas), allant parfois jusqu’à une anxiété généralisée, la dépression, la phobie, le stress post-traumatique, l’apathie, l’irritabilité ou la désinhibition, l’agitation ou l’agressivité [6, 7]. Une dysfonction amygdalienne décelée en IRM fonctionnelle a été associée à l’anxiété et au trouble de la reconnaissance des émotions chez les prémutés [8]. L’histoire naturelle de la maladie est encore mal connue, mais semble ponctuée par une perte de la marche vers l’âge de 75 ans, et le décès survenant vers 80 ans, alors que le patient est alité, dysarthrique, parkinsonien et incontinent [4].
L’IRM : un apport majeur pour le diagnostic L’IRM cérébrale constitue un outil majeur pour le diagnostic de FXTAS, dans lequel elle est quasiment toujours anormale (Fig. 1). L’hypersignal des pédoncules cérébelleux moyens est classique, très évocateur du FXTAS, mais non spécifique dans ce contexte (atrophie multisystématisée, xanthomatose cérébro-tendineuse, mutations de la polyméNeurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
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rase gamma, duplication de la lamine B, maladie à polyglucosan, sarcoïdose), inconstant puisque près de 40 % des patients ne l’ont pas [10]. Les hypersignaux de la substance blanche périventriculaire sont fréquents mais non spécifiques, de même que l’atrophie globale du cerveau. D’autres signes sont fréquemment rencontrés comme un hypersignal du tronc cérébral, des noyaux dentelés, une atrophie du corps calleux ou du cervelet [2, 11]. Un hypersignal du splenium du corps calleux, récemment décrit [18], semble au moins aussi fréquent que l’hypersignal des pédoncules cérébelleux moyens et facilite le diagnostic dans certains cas atypiques, notamment chez les femmes ou lorsque le tremblement manque.
Les critères de diagnostic Etant donné l’existence de nombreux individus prémutés, asymptomatiques, pauci-symptomatiques ou dont les symptômes ne correspondent pas à un tremblement avec ataxie, des critères cliniques et IRM ont été établis, dont la combinaison aboutit au diagnostic de FXTAS avec un degré de certitude variable [2]. L’existence avérée d’une prémutation est un prérequis indispensable pour retenir le diagnostic de FXTAS ; une marche ataxique et un tremblement intentionnel sont les deux critères cliniques majeurs alors que l’hypersignal des pédoncules cérébelleux est l’unique critère IRM majeur. Les critères cliniques mineurs sont le parkinsonisme et un défiNeurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
Figure 1 - Exemples d’anomalies IRM identifiées chez 6 patients FXTAS différents. A : hypersignaux de la substance blanche périventriculaires bilatéraux et atrophie cérébrale modérée. B : hypersignaux bilatéraux des pédoncules cérébelleux moyens. C : atrophie modérée cérébrale, cérébelleuse et mésencéphalique, atrophie marquée du corps calleux. D : hypersignaux de la substance blanche périventriculaires bilatéraux et léger hypersignal du splenium du corps calleux. E : hypersignaux bilatéraux des pédoncules cérébelleux moyens. F : atrophie cérébrale et cérébelleuse légère à modérée.
cit de la mémoire ou des fonctions exécutives et les critères IRM mineurs sont les hypersignaux de la substance blanche cérébrale (en T2 ou en FLAIR) et une atrophie généralisée modérée à sévère. Ainsi, le diagnostic de FXTAS est : • certain si le patient présente 1 critère clinique majeur et 1 critère IRM majeur ; • probable s’il présente 2 critères cliniques majeurs ou 1 critère clinique majeur et 2 critères IRM mineurs ; • possible s’il existe 1 critère clinique majeur et 1 critère IRM mineur. Cependant, ces critères sont complexes et peuvent laisser penser qu’un individu symptomatique (atteint d’une ataxie cérébelleuse et/ou d’un trouble cognitif par exemple) mais qui n’a pas de tremblement d’action ou pas d’hypersignal des pédoncules
cérébelleux moyens n’est pas atteint de FXTAS et ne doit pas être l’objet d’une recherche de prémutation, ce qui est faux. De même, ces critères semblent moins appropriés pour le diagnostic de FXTAS chez les femmes. Une étude multicentrique française récente suggère d’ajouter l’hypersignal du splenium du corps calleux comme critère IRM majeur, et l’existence d’une neuropathie périphérique comme critère clinique mineur, du fait de leur fréquence [18].
Recommandations pour la recherche de prémutation Il est recommandé de rechercher une prémutation de FMR1 dans les circonstances suivantes [4] : • ataxie cérébelleuse ayant débuté après 50 ans et d’origine indéterminée ; • tremblement intentionnel ayant 363
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débuté après 50 ans et d’origine indéterminée, avec parkinsonisme et détérioration cognitive ; • diagnostic préalable d’atrophie multisystématisée de type cérébelleuse (MSA-c), hypersignal des pédoncules cérébelleux moyens en IRM (T2/FLAIR) chez un patient ayant des symptômes compatibles avec un FXTAS ; • histoire familiale de mutation de FMR1 chez un individu à risque d’être porteur sur la base de l’arbre généalogique et ayant des symptômes compatibles avec un FXTAS ; • histoire familiale d’infertilité ou de ménopause précoce chez un patient ayant des symptômes évocateurs d’un FXTAS. Il convient cependant de garder à l’esprit qu’un FXTAS peut survenir en dehors de tout contexte familial de retard mental ou de syndrome de l’X fragile avéré, et qu’il s’agit même d’un cas fréquent, allant jusqu’à 43 % des cas index dans une étude récente [18]. De même, il convient d’évoquer et de chercher un FXTAS si le tableau clinico-radiologique est compatible, même en cas d’absence de tremblement, d’hypersignal des pédoncules cérébelleux moyens, et même chez une femme.
Les diagnostics différentiels Il n’y a finalement que très peu de diagnostic différentiel véritable du FXTAS quand l’histoire familiale, la clinique et l’IRM sont typiques. Cependant, en raison de la description assez récente de la maladie, de sa rareté, et de formes seulement probables ou possibles, 364
nombreux sont les patients pour lesquels un autre diagnostic a préalablement été proposé, aux premiers rangs desquels : • une MSA-c ; • un tremblement essentiel ; • une maladie de Parkinson idiopathique ; • une démence de type Alzheimer ou vasculaire ; • une dépression ; • une sclérose en plaques ; • une neuropathie périphérique. En fait, il est maintenant clairement démontré qu’il n’est pas rentable de rechercher une prémutation de FMR1 chez les patients ayant une MSA définie (bien que 4 % des MSA probables pourraient être des FXTAS, avec comme drapeau rouge une évolution lente, un tremblement au premier plan, l’existence d’une neuropathie périphérique ou d’un hypersignal du splenium du corps calleux), un tremblement essentiel ou une maladie de Parkinson (bien que quelques cas mimant une maladie de Parkinson aient été décrits, la trop faible dopasensibilité et l’existence de signes associés sont fréquents) [4]. Cependant, lorsqu’un doute existe, il est licite de faire l’analyse génétique rapide, peu coûteuse, fiable, notamment en raison des répercussions en terme de conseil génétique.
L’anatomie pathologique L’autopsie de patients a permis de préciser la neuropathologie du FXTAS [12, 13], dominée par : • une atteinte de la substance blanche cérébrale et cérébelleuse (distincte des leucoencéphalopathies vasculaires ou d’autre nature) ;
• une pathologie astrocytaire prédominant dans la substance blanche ; • des inclusions intranucléaires éosinophiles neuronales et astrocytaires dans le cerveau et la moelle épinière, ubiquitinepositives mais tau et alpha-synucléine-négatives, contenant des neurofilaments ou d’autres protéines (lamine A/C, Sam 68... [14]). La quantité de ces inclusions est corrélée à la taille de l’expansion de triplets CGG. Une spongiose des pédoncules cérébelleux moyens est aussi notée, de même qu’une perte des cellules de Purkinje et qu’une atteinte hippocampique.
Les mécanismes moléculaires : un gain de fonction toxique de l’ARN Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent le FXTAS sont encore mal élucidés, mais un modèle de gain de fonction toxique présumé de l’ARNm FRM1 est suggéré [11]. L’expansion de triplets CGG aboutit à la fois à une augmentation du nombre de copies d’ARNm FMR1 et à des modifications des structures secondaires et tertiaires de l’ARNm FMR1. Ces trois derniers éléments concourent à des interactions et liaisons excessives entre des protéines et l’extrémité 5’ de l’ARNm FMR1, à l’origine d’une déplétion du pool cellulaire de ces protéines et d’une perte de leur fonction. Une activation de certaines de ces protéines, acquérant de nouvelles fonctions ou dont l’action exacerbée serait délétère, est aussi envisagée. Neurologies • Décembre 2013 • vol. 16 • numéro 163
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A la faveur de ces interactions, des inclusions intranucléaires contenant des protéines ubiquitinées, des sous-unités du protéasome et des protéines du stress (HSP) se forment. Par ailleurs, l’expansion de triplets CGG pourrait induire la formation de boucle de l’ADN en aval, aboutissant à des anomalies de la réparation de l’ADN et à une dysrégulation cellulaire [15]. Enfin, la diminution des taux de FMRP serait aussi néfaste puisqu’il s’agit d’une protéine de liaison à l’ARN, qui joue un rôle dans la régulation de la traduction en réponse à l’activation neurale glutamatergique, et donc dans la plasticité synaptique et la morphologie des dendrites.
Les modèles animaux Des modèles animaux de FXTAS ont été développés, notamment le modèle de souris KI 98 CGG présentant une altération des performances motrices au rotarod, une anxiété et des troubles de la mémoire visuo-spatiale
mais pas de tremblement [16]. Les anomalies moléculaires et anatomopathologiques sont semblables à celles trouvées chez l’Homme, hormis la très faible quantité d’inclusions astrocytaires. L’étude d’un modèle de drosophile transgénique [17] a révélé que la surexpression des HDAC 3, 6 et 11 est à l’origine d’une répression de la transcription de FMR1 et d’une suppression de la neurodégénérescence. Une augmentation de l’acétylation des histones au locus FMR1 a aussi été mise en évidence chez les hommes prémutés, en faveur d’un éventuel intérêt thérapeutique des activateurs HDAC ou des inhibiteurs HAT.
Des possibilités de traitement encore décevantes Comme pour la plupart des ataxies héréditaires [19], il n’existe pas de traitement curatif du FXTAS, de sorte que la prise
en charge repose avant tout sur des mesures symptomatiques adaptées aux signes cliniques prédominants, bien qu’aucune étude n’ait été effectuée à ce jour pour les valider dans cette indication : • propranolol, primidone, topiramate ou prégabalin pour le tremblement (le dernier pouvant également s’avérer efficace en cas d’éventuelles douleurs neuropathiques associées) avec une efficacité variable mais parfois marquée ; • kinésithérapie et rééducation orthophonique pour l’ataxie cérébelleuse, levodopa pour le syndrome parkinsonien, voire amantadine pour l’akinésie ; • inhibiteur de l’acétylcholine estérase en cas de démence souscortico-frontale (avec d’expérience personnelle une mauvaise tolérance fréquente) ; • antidépresseur (inhibiteur de la recapture de la sérotonine notamment) et anxiolytique, suivi psychologique voire emploi d’un neuroleptique avec précaution (en privilégiant l’usage d’un neuroleptique aty-
LE FXTAS EN RéSUMé Le FXTAS (Fragile X-associated Tremor ataxia Syndrome) touche avec une pénétrance incomplète les porteurs d’une prémutation X-fragile (c’est-à-dire d’une répétition de 55 à 200 triplets CGG sur le gène FMR1 du chromosome X). Cette pathologie est à distinguer du syndrome de l’X-fragile, qui est lié à l’existence d’une mutation complète (plus de 200 triplets CGG sur le même gène) et correspond à un retard mental. Le FXTAS touche principalement mais non exclusivement l’homme aux alentours de 60 ans et correspond cliniquement à un tableau d’aggravation progressive combinant un tremblement d’action très fréquent et volontiers inaugural bien qu’inconstant, une ataxie cérébelleuse, et souvent une polyneuropathie sensitive axonale, un syndrome dysexécutif et un syndrome parkinsonien. En raison de la grande fréquence de tremblement d’action et d’ataxie cérébelleuse, les principaux diagnostics différentiels
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du FXTAS sont le tremblement essentiel et l’atrophie multisystématisée, même s’il est le plus souvent facile de distinguer ces pathologies. Cependant, le FXTAS reste méconnu et sous-diagnostiqué, et peut aussi se présenter sous différentes formes (mild cognitive impairment, neuropathie périphérique, syndrome parkinsonien), rendant le diagnostic plus difficile. Il est primordial de savoir qu’un FXTAS n’est pas exclu même lorsqu’il n’y a pas d’histoire familiale de X-fragile ou de retard mental, pas de tremblement, pas d’hypersignal des pédoncules cérébelleux moyens et même lorsque l’individu atteint est une femme. L’hypersignal des pédoncules cérébelleux moyens et/ou l’hypersignal du splenium du corps calleux sont inconstants et non spécifiques mais très évocateurs du FXTAS. Il ne faut pas hésiter à faire une recherche de prémutation X-fragile (effectuée en routine dans les nombreux laboratoires effectuant la recherche de syndrome de l’X fragile) notamment du fait des possibilités de conseils génétiques.
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à connaître
pique voire de la clozapine en cas de syndrome parkinsonien) pour les troubles psychiatriques. Un cas a été récemment rapporté d’efficacité anti-trémorique marquée consécutive à la stimulation unilatérale chronique à haute fréquence du Vim.
Le conseil génétique Le conseil génétique reste un élément primordial de la prise en charge multidisciplinaire des sujets prémutés et des FXTAS, mais qui s’avère particulièrement complexe du fait de la nature multigénérationnelle de la maladie, de la multiplicité des phénotypes et des implications pour les différents membres de la famille. En effet, outre le FXTAS qui peut atteindre un individu d’âge mûr (mais qui concerne potentielle-
ment chaque porteur de la prémutation quel que soit son âge), et le syndrome de l’X fragile qui affecte les enfants, il faut savoir que le fait d’être porteuses d’une prémutation prédispose aussi les femmes à une ménopause précoce, avant 40 ans et parfois avant 30 ans. Ainsi, il est fréquent de devoir envisager, au sein d’une même famille : • le FXTAS du grand-père ; • le risque pour une mère d’avoir une ménopause précoce, un FXTAS et un enfant atteint du syndrome X-fragile ; • le risque de retard mental chez les garçons. Selon les circonstances, l’entrée de la famille dans le conseil génétique se fera par le FXTAS chez le grand-père, ou plus souvent par le syndrome X-fragile chez l’enfant. Ce conseil génétique est primordial et devra se faire de façon
pluridisciplinaire avec l’aide des généticiens, des pédiatres, des obstétriciens et des neurologues. Il est important de savoir que toutes les femmes prémutées sont à risque de transmettre une mutation complète et que toutes les filles d’un individu prémuté sont obligatoirement prémutées. De même, chaque fils de la fille d’un patient FXTAS a 50 % de risque d’être prémuté ou muté. n
Mots-clés : FXTAS, Fragile X Associated Tremor Ataxia Syndrome, Prémutation, Ataxie cérébelleuse,Tremblement, Syndrome parkinsonien, Démence, Neuropathie périphérique, IRM, Syndrome de l’Xfragile, Retard mental, Conseil génétique
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Tous les dossiers et Mises au point • N° 154 - Avancées dans le traitement des gliomes • N° 155 - Obésité et migraine • N° 156 - Oligodendrogliomes anaplasiques • N° 157 - L’épilepsie du lobe temporal à la consultation mémoire • N° 158 - Spécial AAN 2013 - Partie 1 • N° 159 - Spécial AAN 2013 - Partie 2 • N° 160 - Les aphasies • N° 161 - L’IRM-TEP hybride : quelles applications en neurologie ? • N° 162 - La neuro-oncologie à l’ASCO 2013 • N° 163 - Aux frontières de la migraine
Tous les articles et dossiers par thèmes Céphalées-Migraine • N° 155 - Dossier - Obésité et migraine • N° 155 - A propos du retrait de la spécialté Nocertone® • N° 157 - Recommandations - Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine chez l’adulte et chez l’enfant • N° 161 - International Headache Congress 2013 • N° 163 - Aux frontières de la migraine - Migraine avec aura prolongée : la migraine avec aura non hémiplégique prolongée existe-t-elle ? / Migraine confusionnelle, migraine basilaire : des diagnostics d’exclusion / Neuropathie ophtalmoplégique douloureuse et récurrente : l’ex-migraine ophtalmoplégique
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avalanche de données, et des défis importants pour nos patients ! •N ° 159 - Spécial AAN 2013 - Partie 2 / Imagerie des démences : l’arrivée des traceurs fluorés de la plaque amyloïde... •N ° 162 - Hypercréativité graphique et picturale dans les démences : un symptôme positif ?
Epilepsies •N ° 156 - Epilepsies pharmacorésistantes : que proposer au patient quand la chirurgie curative n’est pas possible ? •N ° 156 - Epi&Me : une application smartphone sur l’épilepsie •N ° 157 - Dossier - L’épilepsie du lobe temporal à la consultation mémoire •N ° 158 - Spécial AAN 2013 - Partie 1 / Inflammation et épilepsie : une nouvelle approche thérapeutique ? / Neurogénétique : une avalanche de données, et des défis importants pour nos patients ! •N ° 159 - Spécial AAN 2013 - Partie 2 / Les épilepsies à l’AAN : monitoring EEG, états de mal, retard mental •N ° 161 - Prescrire... la lacosamide : ce qu’il faut savoir •N ° 162 - Aspects médicolégaux et médicosociaux des épilepsies : tour d’horizon de ce qu’il faut savoir •N ° 163 - Prescrire... l’eslicarbazépine : ce qu’il faut savoir Génétique •N ° 158 - Spécial AAN 2013 - Partie 1 / Neurogénétique : une avalanche de données, et des défis importants pour nos patients !
Cognition • N° 154 - Evaluation cognitive frontale dans les maladies neurodégénératives : une nouvelle approche • N° 157 - Dossier - L’épilepsie du lobe temporal à la consultation mémoire
Imagerie •N ° 159 - Spécial AAN 2013 - Partie 2 / Imagerie des démences : l’arrivée des traceurs fluorés de la plaque amyloïde... •N ° 160 - Mise au point - L’IRM-TEP hybride : quelles applications en neurologie ?
Démences • N° 154 - Evaluation cognitive frontale dans les maladies neurodégénératives : une nouvelle approche • N° 158 - Spécial AAN 2013 - Partie 1 / Démence (MA, DFT, sclérose hippocampique, APP, DCL, ECT) : clinique, neuropsychologie et biomarqueurs ; neurologie du comportement / Neurogénétique : une
Nerfs & Muscles •N ° 159 - Spécial AAN 2013 - Partie 2 / Nerf périphérique, motoneurone et jonction neuromusculaire : honneur aux Français... / Pathologies neuromusculaires : la FSH en tête •N ° 161 - Tableau myopathique : les signes cliniques permettant d’orienter le diagnostic
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Neurologies • Décembre 2012 • vol. 15 • numéro 153
index neurologies 2013
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Neuro-gériatrie • N° 154 - La maladie de Parkinson chez le sujet âgé : quelles spécificités ? Neuro-oncologie • N° 154 - Dossier - Avancées dans le traitement des gliomes • N° 156 - Dossier - Oligodendrogliomes anaplasiques • N° 162 - La neuro-oncologie à l’ASCO 2013 Neuropédiatrie • N° 157 - Recommandations - Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine chez l’adulte et chez l’enfant Neuropsychologie • N° 160 - Dossier - Les aphasies Neuro-vasculaire • N° 156 - Risque cardiovasculaire, cholestérol et statines : Académie Nationale de Médecine, communiqué adopté le 19 février 2013 • N° 157 - Pollution par l’ozone et risque d’accident vasculaire cérébral : un risque, même avec un faible niveau de pollution • N° 158 - Spécial AAN 2013 - Partie 1 / Neurogénétique : une avalanche de données, et des défis importants pour nos patients ! • N° 160 - Accidents vasculaires cérébraux et travail posté : des preuves encore insuffisantes Parkinson - Mouvements anormaux • N° 154 - La maladie de Parkinson chez le sujet âgé : quelles spécificités ? • N° 155 - Maladie de Parkinson et exposition professionnelle aux pesticides : quels enseignements peut-on tirer des études publiées ? • N° 158 - Spécial AAN 2013 - Partie 1 / Neurogénétique : une avalanche de données, et des défis importants pour nos patients ! • N° 163 - Le FXTAS ou “Fragile X-Associated Tremor Ataxia Syndrome”
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Sclérose en plaques •N ° 157 - Enquête - Prise en charge de la sclérose en plaques : le point de vue des patients •N ° 158 - Spécial AAN 2013 - Partie 1 / Tout au long de la SEP, d’avant le diagnostic, jusqu’au décès / Neuromyélite optique : le point sur les pathologies du spectre NMO / Neurogénétique : une avalanche de données, et des défis importants pour nos patients ! •N ° 159 - Spécial AAN 2013 - Partie 2 / Imagerie de la sclérose en plaques : pas de révolution ! / Traitements de la SEP : les nouveautés de l’AAN ; Derniers résultats sur CombiRX, le switch natalizumab-fingolimod, et la fampridine / SEP et grossesse : des grossesses sous haute surveillance •N ° 160 - Peut-on prédire la sévérité de la prochaine poussée de SEP ? Les données de la littérature Sommeil •N ° 155 - Symposium - Le Congrès du sommeil : les relations entre sommeil et rythmes circadiens •N ° 159 - Spécial AAN 2013 - Partie 2 / Le syndrome des jambes sans repos idiopathique, ou maladie d’Ekbom : nouveautés sur la prise en charge Traumatisme crânien •N ° 155 - Encéphalopathie chronique traumatique : un mauvais souvenir du rugby •N ° 161 - La Formation Thérapeutique des Aidants (FTA) dédiée aux proches de patients avec handicap neurologique post-lésion cérébrale
.PROFESSION •N ° 155 - L’observation : source de la connaissance médicale •N ° 161 - La Formation Thérapeutique des Aidants (FTA) dédiée aux proches de patients avec handicap neurologique post-lésion cérébrale •N ° 162 - Le médecin face aux conflits d’intérêt : quelles sont les bonnes pratiques ? •N ° 163 - Recherche biomédicale : état des lieux de la réglementatione en France de 1947 à 2013