Épilepsies de l’enfant
« Il nous manque des traitements efficaces sur les épilepsies pharmacorésistantes. » Stéphane Auvin
Neurologie pédiatrique & INSERM U1141, Hôpital Robert-Debré, Paris
a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières Y années, dans votre domaine ? Même si cela n’est pas dit encore de façon ouverte aujourd’hui, il semble que le concept d’encéphalopathie épileptique soit en train de se modifier. Les encéphalopathies épileptiques sont un groupe hétérogène de syndromes épileptiques qui auraient en commun de voir apparaître une détérioration des fonctions cognitives secondaire à l’activité épileptique constituée des crises épileptiques et des anomalies EEG intercritiques [1]. On retrouve dans ce groupe les spasmes infantiles (syndrome de West), le syndrome de Dravet, le syndrome de Lennox-Gastaut et bien d’autres. Il n’est pas certain que le concept d’encéphalopathie épileptique persiste avec l’avancée de nos connaissances. Pour certaines des épilepsies classées dans ce groupe, il devient de plus en plus évident qu’elles ne répondent plus à cette définition. C’est le cas pour le syndrome de Dravet. Les données de ces dernières années montrent que l’anomalie génétique (mutation de novo SCN1A) la plus fréquente dans ce syndrome est probablement plus à incriminer dans l’atteinte 18
« Nous verrons si les études à venir remettent en question le concept d’encéphalopathie épileptique, et si certaines épilepsies vont sortir de ce groupe. » cognitive que l’activité épileptique (répétition des crises et/ou anomalies EEG intercritiques). Afin d’illustrer mon propos, on peut s’intéresser à deux études récentes : une étude de neurobiologie et une étude clinique. • Dans l’étude expérimentale, des chercheurs ont réussi à créer une mutation génétique SCN1A dans une zone focalisée du cerveau chez la souris. Cette expérience était réalisée après la naissance et les souris ne présentaient pas de crises épileptiques. Par contre, elles avaient des troubles cognitifs (mémoire spatiale) qui étaient concomitants d’une perturbation des oscillations hippocampiques. Cette belle étude suggère que d’un point de vue neurobiologique la mutation SCN1A a un
rôle à elle seule dans l’atteinte cognitive [2]. • Plus récemment, une étude du centre de référence des épilepsies rares rapportant 81 évaluations neuropsychologiques réalisées chez 67 patients avec syndrome de Dravet a permis de montrer que les patients n’ont pas eu de régression psychomotrice au cours de leur suivi. De plus, l’atteinte cognitive chez les patients n’était pas liée à l’âge de la première crise ou au nombre d’états de mal épileptique. La présence de myoclonie ou de crises focales semblait être observée chez les patients avec une atteinte cognitive plus importante. L’autre facteur prédictif d’une atteinte cognitive plus importante était la présence d’une mutation du gène SCN1A [3]. Cette étude clinique est donc un élément supplémentaire contre le fait que le syndrome de Dravet soit considéré parmi les encéphalopathies épileptiques. Nous verrons si les études à venir nous conduisent ou non à remettre en cause globalement le concept d’encéphalopathie épileptique ou si certains syndromes vont finir par sortir de ce groupe.
Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164