Maladie de Parkinson
« Le challenge des années futures : traiter les signes axiaux et cognitifs dopa-résistants chez les patients non bloqués et non dyskinétiques. » Sophie Drapier1 et David Maltête2
1. Service de Neurologie, EA – 4712 « Comportement et Noyaux Gris Centraux » Université Rennes 1 et CHU Pontchaillou, Rennes 2. Département de Neurologie, INSERM U1079, CHU de Rouen
a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières Y années, dans votre domaine ? La maladie de Parkinson : une maladie à prion ? La maladie de Parkinson est la plus fréquente des alpha-synucléinopathies. Récemment, les recherches sur cette protéine ont montré que non seulement l’alpha-synucléine était le composant majoritaire des corps de Lewy (CL), mais que les échanges intercellulaires de sa forme mal conformée jouaient un rôle important dans la diffusion des lésions et donc de la maladie. Cette hypothèse de transmission de type prion-like est initialement venue de l’étude post mortem du cerveau de patients atteints de maladie de Parkinson et ayant bénéficié d’une
greffe embryonnaire de cellules dopaminergiques dans le striatum [1-2]. Ces greffons apparaissaient quelques années plus tard contaminés par la présence de CL, suggérant une infection directe par les neurones environnants du receveur. Cette hypothèse s’est étoffée secondairement par des études in vitro montrant que, par des phénomènes d’exocytose puis d’endocytose, les neurones affectés pouvaient transmettre les agrégats d’alpha-synucléine à des neurones sains adjacents [3]. Une des questions en suspens est de savoir pourquoi et comment l’alpha-synucléine devient mal conformée. Par un jeu de stress oxydatif et d’inflammation, l’action d’un agent
« Des échanges intercellulaires de la forme mal conformée de l’alpha-synucléine joueraient un rôle important dans la diffusion des lésions, et donc de la maladie. » pathogène externe (toxique et/ou infectieux), suggéré par le modèle de Braak [4], pourrait être le facteur déclenchant de cette agrégation. Les nouvelles hypothèses physiopathologiques ouvrent bien sûr la voie à de nouvelles cibles de thérapies neuroprotectrices [5-6].
Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ? L’ère des complications psycho-comportementales liées aux agonistes dopaminergiques Pendant de nombreuses années, le neurologue a principalement été attentif aux complications motrices liées à la L-dopa. Cependant, au cours des dernières années, c’est Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164
sans aucun doute l’identification des troubles du contrôle des impulsions (TCI) qui a modifié le plus la pratique de prise en charge des patients parkinsoniens. Des troubles du comportement, à type de comportements compulsifs et répétitifs, tels que le jeu pathologique, les achats compulsifs et une hypersexualité, ont en effet été
rapportés avec la levodopa et les agonistes dopaminergiques, principalement chez les patients traités pour une maladie de Parkinson [7]. Ces TCI ont fait l’objet d’une attention particulière en raison de leurs conséquences familiale, sociale et professionnelle parfois dramatiques. Leur fréquence (environ 14 % des patients présentent un 41
Maladie de Parkinson TCI actif), les facteurs favorisants (âge jeune et antécédents personnels ou familiaux d’addiction) et l’influence des différents traitements antiparkinsoniens (risque multiplié par 2 à 3 sous agonistes dopaminergiques) sont parfaitement établis [8, 9]. La prescription
des agonistes est particulièrement surveillée, sans distinction entre les différentes molécules (effet de classe), y compris dans les autres indications (syndrome des jambes sans repos, atrophie multisystématisée). La prise en charge de ces manifes-
tations est avant tout préventive et soumise à la diffusion d’une information claire au patient et à l’aidant principal. Les complications psycho-comportementales liées aux agonistes dopaminergiques font désormais partie de l’histoire de la maladie de Parkinson.
Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ? Identification de biomarqueurs : un défi majeur pour le développement de traitements de la maladie de Parkinson De nombreuses équipes se sont concentrées sur l’identification de paramètres mesurables qui pourraient être utilisés comme des indicateurs du processus pathologique de la MP. La mise en évidence de ces biomarqueurs, analysable à différents stades de la maladie, permettrait non seulement d’établir le diagnostic positif dans les stades précliniques, mais aussi de suivre la progression de l’affection dégénérative. En outre, elle constitue une étape cruciale pour le développement et la validation de traitements neuroprotecteurs. A l’heure actuelle, il n’existe pas de biomarqueur validé de la maladie de Parkinson. Plusieurs pistes ont néanmoins été explorées dont certaines demandent confirmation. Le dosage de l’alpha-synucléine (principal constituant des corps de Lewy) dans le liquide céphalorachidien a fait l’objet de plusieurs études [10]. La mise en évidence d’agrégats d’a-synucléine, corps et neurites de Lewy dans la muqueuse colique et le plexus sous-muqueux, les glandes salivaires ou la peau, facilement 42
accessible à la biopsie, pourrait également constituer différents marqueurs histologiques à l’avenir [11-14].
Traitement de la maladie de Parkinson : les nouvelles cibles non dopaminergiques La lésion principale de la maladie de Parkinson est l’atteinte des neurones dopaminergiques de la voie nigro-striatale. Néanmoins, d’autres systèmes peuvent être lésés ou interagir avec le système dopaminergique. Ces dernières années, plusieurs études ont été menées afin d’évaluer l’efficacité et la tolérance d’agents non dopaminergiques dans le traitement de la maladie de Parkinson. Voici, pêle-mêle, la liste des voies et les récepteurs qui ont fait l’objet d’essais cliniques les plus aboutis : l’acétylcholine (donépézil, nicotine), la noradrénaline (méthylphénidate, fipamezole), la sérotonine (pardoprunox, sarizotan), les récepteurs de l’adénosine (istradefylline, preladenant), du glutamate (NMDA : traxoprodil, mémantine ; AMPA : perampanel ; mGlu : mavoglurant, dipraglurant), ou des cibles multiples (tesofensine, zonisamide, safinamide, lévétiracétam) [14]. Les résultats restent actuellement décevants.
Thérapie génique : traitement prometteur de la maladie de Parkinson La thérapie génique constitue certainement une voie d’avenir pour le traitement de la maladie de Parkinson. Différentes techniques de transfert de gènes ont d’ores et déjà été évaluées au cours d’études de phase I-II avec des objectifs distincts [15-17] : 1. fétablir la transmission dopaminergique en modulant l’expression des enzymes impliquées dans la synthèse de la dopamine, telle que l’amino acide décarboxylase ; 2. favoriser la synthèse de facteurs neurotrophiques, par exemple le GDNF-neurturin ; 3. moduler l’activité des noyaux gris centraux en favorisant la synthèse de GAD.
« Une étude a évalué la transfection bilatérale dans le striatum des gènes codant pour les principales enzymes limitant la synthèse de la dopamine, avec des résultats prometteurs. »
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La plupart des essais ont permis de valider la tolérance de ces procédures. Dans l’étude très récente [18] menée conjointement par les équipes de Créteil et de Cambridge, les chercheurs ont évalué la tolérance et l’efficacité de la transfection bilatérale dans le striatum, des gènes codant pour les principales enzymes limitant la synthèse de la
dopamine, i.e. la tyrosine hydroxylase, l’amino-acide décarboxylase et la cyclohydrolase I, via l’injection in situ du lentivirus ProSavin®. Quinze patients ont reçu des doses croissantes avec un suivi prolongé jusqu’à 48 mois pour 3 d’entre eux. La procédure chirurgicale était bien tolérée. Les principaux effets indésirables étaient rapportés dans les 12 premiers mois ; les plus fréquents étant la recrudescence de dyski-
nésies induites par le traitement dopaminergique (11 patients) et des phénomènes on‑off (9 patients). Une amélioration significative du handicap moteur (score UPDRS III recueilli en off pré-opératoire) était noté aux 6 et douzième mois de suivi. Ces résultats prometteurs demandent à être confirmés mais ils offrent une note d’espoir pour les patients parkinsoniens.
Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ? Symptômes non dopaminergiques : l’enjeu de demain Le traitement de la maladie de Parkinson (MP) au stade avancé des fluctuations motrices grâce à la stimulation cérébrale profonde, la pompe à apomorphine et la pompe à Duodopa, est sans doute le plus grand progrès thérapeutique de
ces dernières années. Cette prise en charge optimisée du déficit dopaminergique a ainsi permis à nombre de patients de survivre à leurs fluctuations motrices aux conséquences anciennement dramatiques. Cependant, ces techniques n’empêchant pas l’évolution de la maladie notamment sur les voies non dopaminergiques [19, 20], ont fait
Correspondance • Dr Sophie Drapier Service de Neurologie – EA- 4712 ”Comportement et Noyaux Gris Centraux” Université Rennes 1 et CHU Pontchaillou - Rue Henri Le guilloux – 35033 Rennes Cede E-mail : sophie.drapier@chu-rennes.fr • Pr David Maltête Département de Neurologie – INSERM U614 – CHU Charles-Nicolle 1 rue de Germont – 76031 Rouen Cedex - E-mail : david.maltete@chu-rouen.fr
apparaître une “nouvelle” forme de MP avec des patients non bloqués et non dyskinétiques, mais présentant des signes axiaux et cognitifs dopa-résistants [21]. Le challenge des années futures sera de traiter ces symptômes ô combien impactant sur la qualité de vie des patients et des conjoints [22] et qui poseront rapidement un problème de santé publique par la difficulté du maintien à domicile de ces patients et l’absence de structures d’aval pour les accueillir. l
Mots-clés : Maladie de Parkinson, Alpha-synucléine, Agonistes dopaminergiques, Trouble du contrôle des impulsions, Biomarqueurs, Thérapie génique, Signes axiaux, Troubles cognitifs
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« Plutôt qu’un objectif de neuroprotection, le plus raisonnable à moyen terme : développer des traitements symptomatiques efficaces sur les signes cliniques résultant de l’atteinte non dopaminergique. » Pierre Krystkowiak Service de Neurologie, CHU d’Amiens a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières Y années, dans votre domaine ? La maladie de Parkinson a longtemps été considérée comme une maladie purement motrice. Puis, l’on a découvert que cette pathologie comportait également des troubles cognitifs, certains troubles psycho-comportementaux, et le concept de maladie neuropsychiatrique a émergé. Ainsi, pendant longtemps, la MP a été considérée comme étant une maladie purement “cérébrale” mais, plus récemment, grâce notamment aux travaux de Braak, c’est le concept de maladie systémique qui a commencé à émerger. Il a ainsi été suggéré que les agrégats d’alphasynucléïne, qui constituent les corps de Lewy, marqueur neuropatho44
logique de la maladie, étaient détectés très précocement dans les plexus nerveux myentériques (dans la muqueuse gastro-intestinale) mais également dans le bulbe olfactif, avec l’hypothèse suivante : un initiateur externe est ingéré et/ou inhalé et met en branle un processus de dégénérescence caudo-rostral ascendant au niveau encéphalique, à partir du bulbe olfactif (stades de Braak), mais également un processus de dégénérescence rétrograde à partir de la muqueuse gastro-intestinale jusqu’aux noyaux du nerf vague dans le tronc cérébral. Certaines données suggèrent que cet initiateur externe pourrait
être un toxique d’ordre environnemental, et certaines données épidémiologiques et certains modèles animaux (par exemple celui à la roténone) suggèrent la possible responsabilité des pesticides. Ce mécanisme irait de pair avec des facteurs de susceptibilité génétique dont les études les plus récentes suggèrent qu’ils seraient au nombre de 28, sur 24 loci identifiés. La cause précise de la maladie dans sa forme sporadique reste toutefois encore méconnue. Le corolaire de ce pattern temporo-spatial de neurodégénérescence est l’identification d’un stade prémoteur de la maladie, Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164
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la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire (corrélée au syndrome parkinsonien) ne survenant finalement qu’assez tardivement, soit 15 à 20 ans après le tout début de la maladie : troubles olfactifs, constipation, dépression, troubles du comportement en sommeil paradoxal notamment, autant de signes qui surviennent AVANT l’apparition du syndrome parkinsonien. L’idée est donc de diagnostiquer plus tôt, dans le but de soigner plus tôt, en l’occurrence avant les premiers signes moteurs dont on sait qu’ils surviennent alors que 70 à 80 % des
neurones dopaminergiques ont disparu. Ce concept nécessite cependant la mise au point de traitements neuroprotecteurs qui, pour le moment, peinent encore à émerger malgré certaines études encourageantes (rasagiline dans l’étude ADAGIO). Un autre concept qui a émergé très récemment, et qui est en plein essor, est la possible propagation de l’alphasynucléïne pathologique de neurone en neurone selon un mécanisme prionlike. Qui plus est, cette alphasynucléine anormale pourrait favoriser l’agrégation de l’alpha-
« Longtemps, la MP a été considérée comme une maladie purement “cérébrale” mais, plus récemment, c’est le concept de maladie systémique qui a commencé à émerger. » synucléine du neurone dans lequel elle serait passée. Cette idée a récemment été étayée, notamment par les travaux de P. Brundin et pourrait déboucher sur de nouveaux espoirs thérapeutiques.
Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ? Dans la pratique quotidienne, une attention toute particulière est désormais portée aux signes non moteurs de la maladie, que ce soit la dysautonomie, les troubles cognitifs, les troubles psychiatriques, les douleurs, etc. Alors qu’ils ont été pendant longtemps considérés comme secondaires par rapport aux signes moteurs, les études ont montré à quel point ils étaient impliqués dans l’altération de la qualité de vie des patients et, par conséquent, à quel point il était nécessaire de les détecter (nombre de questionnaires ont émergé en ce sens) pour mieux les prendre en charge. Ils sont en effet présents à tous les stades de la maladie, que ce soit chez des patients de novo, en lune de miel, au stade des fluctuations - fluctuations sensitivo-douloureuses, fluctuations dysautonomiques, fluctuations cognitivo-psychiques - ou à des stades plus tardifs encore. Depuis la conférence de consensus, qui date désormais de 13 ans, les choses ont également sensibleNeurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164
ment évolué en terme de stratégie médicamenteuse : alors que les recommandations stipulaient de prescrire des agonistes dopaminergiques chez les sujets jeunes jusqu’à une posologie maximale, avant d’envisager l’ajout de L-dopa, et ce afin de retarder l’apparition des fluctuations motrices et des dyskinésies, l’émergence des “nouveaux” effets indésirables des agonistes dopaminergiques que sont les troubles du comportement hyperdopaminergiques (avec notamment les troubles du contrôle des impulsions) a changé la donne. Par ailleurs, nombre de techniques de stimulation dopaminergique continue ont progressivement trouvé leur place dans le paysage thérapeutique, que ce soit la pompe à apomorphine, l’instillation intra-duodénale d’un gel de L-dopa (Duodopa®) ou la stimulation cérébrale profonde dont certaines études (EARLYSTIM) ont montré l’intérêt à un stade beaucoup plus précoce que l’on ne le proposait an-
« Une attention particulière est désormais portée aux signes non moteurs, que ce soit la dysautonomie, les troubles cognitifs, les troubles psychiatriques, les douleurs... »
térieurement. Ainsi, avec le passage progressif de ces différentes techniques dans la “routine”, l’on craint moins l’émergence des fluctuations motrices et des dyskinésies lorsque l’on instaure un traitement par Ldopa. Pour toutes ces raisons, on prescrit ainsi volontiers la L-dopa beaucoup plus tôt, notamment chez le sujet jeune, sans atteindre la posologie maximale de l’agoniste. Mentionnons enfin l’émergence de la rasagiline comme possible 45
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neuroprotecteur (doublé d’un effet symptomatique), ce qui tend à modi-
fier la stratégie dichotomique habituelle agonistes/L-dopa en proposant
cet IMAO-B aux stades les plus précoces de la maladie, quel que soit l’âge.
Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ? On peut raisonnablement attendre la mise au point de biomarqueurs qui offriront la possibilité de diagnostiquer la maladie à un stade de plus en plus précoce, que ce soit par exemple avec des biopsies coliques ou de glandes salivaires, avec l’étude de l’échogénicité de la substance noire, avec des tests cognitifs ou des biomarqueurs électrophysiologique. L’idée est d’être prêt, lorsque les traitements neuroprotecteurs
viendront à émerger, à diagnostiquer la maladie à un stade prémoteur, c’est-à-dire à un stade où la dégénérescence neuronale n’est pas à un stade trop évolué. Cela nécessite néanmoins d’être capable d’identifier les patients au stade prémoteur de la maladie et cela n’est pas simple : certaines études de cohorte (européenne, Arizona, Hawaï) sont en effet en cours et leur objectif est de déterminer la valeur prédictive de cha-
cun des biomarqueurs utilisés, seuls ou surtout de façon combinée. Une fois cette étape atteinte, il sera alors indispensable de disposer de traitements neuroprotecteurs. En attendant, on peut miser sur le développement de traitements symptomatiques tels que l’IPX066 - une “vraie” L-dopa à longue durée d’action -, les modulateurs des récepteurs à l’adénosine ou du glutamate.
Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ? La mise au point des traitements neuroprotecteurs s’avère pour le moins périlleuse et pour le moment, mis à part l’espoir suscité par la rasagiline, force est de constater que les déceptions ont été au rendez-vous, que ce soit avec les traitements médicamenteux (ganglioside GM1, pramipexole, isradipine pour ne citer que les études les plus récentes) mais également avec les approches de thérapie génique (GDNF, neurturine). On peut peut-être davantage espérer du renouveau de la thérapie cellulaire avec l’émergence des cellules souches, mais les dif-
ficultés restent nombreuses. L’émergence des mécanismes inflammatoires dans la mort neuronale et de la théorie du prion pourraient être à la base du rationnel des traitements destinés à limiter l’accumulation et l’agrégation de l’alphasynucléïne, par exemple avec les vaccins, mais les écueils restent également nombreux. Très récemment, une étude de thérapie génique conduite par S. Palfi (utilisant un vecteur lentiviral, le ProSavin®, ayant pour but d’accroître la conversion intra-striatale de L-dopa en dopamine) a montré des résultats
Correspondance • Pr Pierre Krystkowiak Service de Neurologie - CHU Hôpital Nord, Pôle C - CHU d’Amiens Place Victor-Pauchet - 80054 Amiens Cedex 1 E-mail : krystkowiak.pierre@chu-amiens.fr
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préliminaires encourageants. Cependant, sur un plan symptomatique, peut-être est-il plus raisonnable d’espérer à moyen terme le développement de traitements efficaces sur les signes cliniques qui résultent de l’atteinte de systèmes non dopaminergiques, que ce soient les troubles cognitifs, la dysautonomie ou les signes moteurs axiaux tardifs (chutes, instabilité posturale). l
Mots-clés : Maladie de Parkinson, Alphasynucléïne, Génétique, Pesticides, Stade pré-moteur, Troubles cognitifs, troubles psycho-comportementaux, Dysautonomie, L-dopa, agonistes dopaminergiques, stimulation cérébrale profonde, Rasagiline, Neuroprotection, Biomarqueurs, thérapie cellulaire
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