Pathologies musculaires
« La structuration des centres experts a fondamentalement changé la prise en charge des patients. » Yann Péréon
Centre de Référence Maladies Neuromusculaires Nantes-Angers
a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières Y années, dans votre domaine ? Même si les toutes premières véritables études médicales de l’Antiquité ont porté sur les muscles avec les premières dissections anatomiques 300 ans avant notre ère, la Myologie est longtemps restée un parent pauvre de la Neurologie, au point même
de n’être réellement identifiée comme un authentique champ disciplinaire que très récemment : en témoigne la création de la Société Française de Myologie il n’y a qu’une dizaine d’années, permettant une structuration au niveau national.
Le domaine des pathologies musculaires relève maintenant de plus en plus de sur-spécialistes, pas uniquement neurologues, qui s’investissent plus spécifiquement dans la prise en charge de patients, la recherche fondamentale et clinique sur les myopathies.
Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ? La structuration des centres experts, avec l’implication de spécialistes d’origine multidisciplinaire et leur labellisation en Centre de Référence ou de Compétence lors de Plans Maladies Rares ont fondamentalement changé la prise en charge des patients porteurs de maladies musculaires au cours des dernières années. Elles se sont accompagnées : • de progrès diagnostiques très
Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164
importants (merci la génétique) avec un démembrement - qui n’est pas terminé - des très nombreuses myopathies ; • d’une meilleure coordination avec les acteurs du secteur social ou sanitaire ; • de collaborations plus étroites au niveau national (ex. : bases de données et registres mis en place) ; • et surtout des premiers véritables essais thérapeutiques à grande échelle, en particulier
de thérapie génique, très attendus. La Myologie, longtemps passive devant des patients auxquels on ne pouvait rien proposer, est devenue très dynamique. A tel point qu’une phrase qui aurait paru totalement incongrue il y a 10 ans, pourrait résumer la situation actuelle des maladies musculaires : « tout patient doit rentrer dans un protocole » !
47
Pathologies musculaires
Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ? La grande avancée attendue, prévisible, repose sur l’utilisation large des nouveaux outils de diagnostic génétique tels que le Next Generation Sequencing (NGS) qui va révolutionner la démarche diagnostique dans les maladies musculaires (mais pas que). Il ne va cependant pas nécessai-
rement la simplifier autant qu’on pourrait l’espérer : le séquençage complet de l’exome ou du génome va fournir un nombre important de mutations et la difficile question sera de faire la part des choses, de faire le lien entre les mutations et les pathologies, en s’appuyant sur un phénotypage clinique très
précis dont l’importance ne va pas diminuer, bien au contraire. Un authentique challenge à venir pour cliniciens et généticiens ! S’y associeront probablement des questions éthiques quant à l’information à fournir aux patients et aux familles.
Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ? Le grand enjeu reste la thérapeutique. La découverte de la dystrophine à la fin des années 1980, puis de nombreux autres gènes à sa suite avait fait croire que les problèmes thérapeutiques pourraient être rapidement résolus. Il n’en a rien été et les premiers essais thérapeutiques n’ont vraiment débuté que ces toutes dernières années, avec des succès très relatifs et beaucoup de déception il faut bien reconnaître. La thérapie génique et la thérapie cellulaire des maladies
musculaires représentent les challenges du futur, mais une leçon déjà retenue est qu’il n’y
« Les challenges du futur reposent sur l’association de plusieurs outils thérapeutiques incluant thérapie génique et thérapie cellulaire... » aura pas une forme unique de thérapie efficace, géniale, per-
Correspondance Pr Yann Péréon Centre de référence des maladies neuromusculaires rares Nantes-Angers CHU, Hôtel-Dieu – Place Alexis Ricordeau – 44 093 Nantes Cedex 01 E-mail : yann.pereon@univ-nantes.fr
48
mettant de guérir à elle seule les patients, mais probablement une efficacité obtenue par l’association de multiples outils thérapeutiques incluant certes ces deux types de traitements, mais aussi des outils pharmacologiques plus classiques qui n’ont pas dit leur dernier mot : les progrès en matière de physiopathologie vont permettre d’identifier de nouvelles drogues (ou parfois d’utiliser à bon escient d’autres déjà connues) pouvant contribuer à ralentir une évolution ou améliorer la qualité de vie des patients. l
Mots-clés : Muscles, Myologie, Diagnostic génétique, Thérapeutique, Thérapie génique
Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164