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dossier

Le Top 5 du neuro-vasculaire

Claude Mekies*, d’après l’intervention de Mathieu Zuber

Entretien avec Mathieu Zuber et enregistrement audio de l’atelier sur www.neurologies.fr

5 messages clés • Si l’incidence des AVC augmente pour toutes les tranches d’âge, la mortalité est en baisse dans les pays dits industrialisés. • Les résultats de l’étude INTERACT 2 vont dans le sens d’une stratégie de prise en charge “agressive” de la PA à la phase aiguë de l’hémorragie cérébrale. • Infarctus cérébral et traitements endovasculaires d’urgence : des essais pour l’instant négatifs. A suivre... • L’étude CHANCE remet en scène la double antiagrégation plaquettaire. • Nouveaux anticoagulants oraux et FA : des avantages et des inconvénients.

1– Données épidémiologiques mondiales : l’incidence des AVC augmente GBD Experts Group. Global and regional burden of stroke during 1990-2010: findings from the Global Burden of Disease Study 2010. Lancet 2013, Oct 24 ; online : doi:10.1016/ S0140-6736 (13) 61953-4.

L’incidence des AVC se situe aux alentours de 200/100 000 (en France : 130 à 150 000 par an) ; l’âge moyen est d’environ 70 ans ; et il s’agit du premier évènement vasculaire majeur et de la première cause de mortalité chez la femme en France. On assiste à une augmentation de l’incidence dans le monde, du fait du vieillissement de la population (pays dits industrialisés) et de l’augmentation des facteurs de * Polyclinique du Parc, Toulouse — c.mekies@wanadoo.fr

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risque (pays dits en voie de développement). L’incidence augmente pour toutes les tranches d’âge, y compris entre 20 et 64 ans, mais également avant 20 ans (83 000 dans le monde). Mais la mortalité est en baisse dans les pays dits industrialisés, et plutôt en augmentation dans l’Europe de l’Est et l’Asie de l’Est.

2 – Prise en charge de la pression artérielle à la phase aiguë de l’hémorragie cérébrale : l’étude INTERACT 2 Anderson CS, Heeley E, Huang Y et al. Rapid blood-pressure lowering in patients with acute intracerebral hemorrhage. N Engl J Med 2013 ; 368 : 2355-65.

L’accroissement du volume de l’hématome est fréquent au cours des premières heures, très souvent en lien direct avec l’aggravation

neurologique. Le principal facteur de risque de cet accroissement est le niveau de la pression artérielle. Cette étude a permis de suivre des patients victimes d’une hémorragie cérébrale datant de moins de 6 heures et présentant en phase aiguë une PAS entre 150 et 220 mmHg. Les patients ont été randomisés en deux groupes : • le premier (N = 1 399) bénéficiant d’une stratégie de baisse de la PA “standard” (PAS < 180 mmHg) ; • le deuxième (N = 1 430) bénéficiant d’une stratégie de baisse le la PA “agressive” (PAS < 140 mmHg). Le critère principal d’évaluation était le pourcentage de patients autonomes à 3 mois (mRANKIN 0-2). Si l’on s’intéresse aux patients à 3 mois ayant un RANKIN entre 3 et 5 (incapacité majeure) ou un RANKIN à 6 (décédés), le résultat est à la limite de la significativité (52 % pour le groupe “intensif ” vs 55 % pour le groupe “standard” ; avec un odds Neurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165


Le top 5 du neuro-vasculaire

ratio de 0,87 ; IC 95 % = 0,75–1,01 ; p = 0,06). Ces résultats deviennent significatifs si l’on exclut les patients décédés (RANKIN 6).

tement dans le groupe endovasculaire). > Essai négatif.

Ces données vont probablement nous faire évoluer vers une stratégie de prise en charge “aggressive” de la PA à la phase aiguë de l’hémorragie cérébrale, avec deux questions supplémentaires : • Quid d’un traitement hyperurgent (quelques minutes INTERACT 3) ? • Quid de protocoles utilisant des traitements différents ?

Cent dix-huit patients présentant un infarctus cérébral ont bénéficié d’un traitement dans les 8 h (stratification : existence d’une pénombre ou non à l’imagerie) : 59 ont été traités par thrombolyse IV versus 59 ayant eu un traitement endovasculaire. Le temps médian d’inclusion était de 5 h 30. > Essai négatif.

3 – Infarctus cérébral et traitement endovasculaire d’urgence : 3 essais cliniques publiés en 2013 • Ciccone A, Valvassori L, Nichelatti M, et al. Endovascular treatment for acute ischemic stroke. N Engl J Med 2013 ; 368 : 904-13. • Kidwell CS, Jhan R, Gorbein J et al. A trial of imaging selection and endovascular treatment for ischemic stroke. N Engl J Med 2013 ; 368 : 914-23. • Broderick JP, Palesch YY, Demchuk AM et al. Endovascular therapy after intravenous t-PA versus t-PA alone for stroke. N Engl Med J 2013, 368 : 893-903.

Synthesis Expansion

Trois cent soixante-deux patients présentant un infarctus cérébral ont bénéficié d’un traitement dans les 4h30 : 181 traités par thrombolyse IV ont été comparés à 181 traités par thrombolyse IV + traitement endovasculaire (1 h de plus pour débuter le traiNeurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165

L’Etude MR RESCUE

L’Etude IMS III

Six cent cinquante-six patients ont été inclus entre 2006 et 2012 (sur les 900 prévus). Ils devaient présenter un infarctus cérébral avec NIHSS > 8, une occlusion ACI/M1 de l’ACM ou du TB. Ils ont été traités par thrombolyse IV (< 3 h) puis ont été randomisés dans les 40 minutes après le début de la perfusion entre : • un groupe non interventionnel (N = 222) ; • un groupe interventionnel (N = 434) : angiographie + cathétérisme si occlusion accessible (thrombolyse IA ou thrombectomie) avec un début de procédure inférieur à 5 h. Le critère de jugement principal était le pourcentage de patients autonomes (mRankin 0-2) à 3 mois. Résultats sur le critère de jugement principal : groupe non interventionnel 38,7 % versus groupe interventionnel 40 % (NS). L’étude a été arrêtée au titre du principe de futilité. Le résultat était inchangé pour les infarctus cérébraux graves (NIHSS > 20). Les taux d’hémorragies cérébrales (~ 6 %) et la mortalité à M3 (~ 20 %) étaient identiques.

Cela dit, de nombreuses imperfections méthodologiques peuvent être discutées : critères de recrutement variables, temps d’accès à la neuroradiologie interventionnelle, matériel de cathétérisme évolutif dans le temps, sélection des patients modifiée au cours des études. Des études utilisant une nouvelle génération de matériels doivent être réalisées. Certains essais sont en cours en associant les ultrasons (Doppler transcrânien), sans compter l’étude française THRACE.

4 – La double antiagrégation plaquettaire à nouveau en scène Wang Y, Johnston C, Wong L et al. Clopidogrel­with aspirin in acute minor stroke or transient ischemic attack. N Eng J Med 2013 ; 369 : 11-9.

Selon les recommandations de la HAS, nous disposons de trois modalités antiagrégantes plaquettaires dont l’efficacité a été validée : • l’aspirine (50-325 mg) ; • le clopidogrel (75 mg) ; • le dipyridamole (200 mg) + aspirine (25 mg x 2). L’étude MATCH (Lancet 2004, 364 : 331-7) n’avait pas montré de bénéfice à la double antiagrégation plaquettaire aspirine-clopidogrel versus clopidogrel seul, et avait mis en évidence une augmentation du risque d’hémorragie cérébrale dans le groupe aspirine-clopidogrel. Les résultats de l’étude CHANCE remettent en scène 67


dossier la double antiagrégation plaquettaire associant aspirine et clopidogrel. Mille cinq cent quatorze patients, sans limite d’âge, ont été recrutés en Chine. Ils devaient présenter un infarctus cérébral mineur (NIHSS < 4) ou un AIT (ABCD2 > 4) avant 24 h. Ils ont reçu le traitement suivant : • aspirine (A) 75 mg ; • vs aspirine 75 mg + clopidogrel 75 mg (A+ C) (J1 : 300 mg) pendant 3 semaines, puis clopidogrel 75 mg seul. Le traitement a été débuté dans les 24 h après l’IC/AIT. Le critère de jugement principal (CJP) était la survenue d’un AVC à 3 mois. Les résultats étaient significatifs pour le CJP : 8,2 % A+C vs 11,7 % A (p < 0,001) avec une diminution du risque relatif d’AVC de 32 % en faveur du groupe A+ C. Le nombre d’hémorragies (0,3 %) était identique dans les deux groupes. Les étapes suivantes sont de reproduire ces résultats (étude POINT aux USA). Par ailleurs, certaines équipes s’intéressent à la triple antiagrégation plaquettaire (étude TARDIS). Des études sur d’autres molécules sont en cours (ticagrelor, prasugrel).

5 – Nouveaux anticoagulants et fibrillation atriale : la fin annoncée des AVK ? Giugliano RP, Ruff CT, Braunwald E et al. Edoxaban versus warfarin in patients with atrial fibrillation. N Eng J Med 2013 ;   369 : 2093-104.

Il faut savoir que la fibrillation atriale non valvulaire (FA) est la cause majeure d’infarctus cérébral et est appelée à croître (épidémie liée à l’âge). 50 à 70 % des patients avec FA connue avant l’AVC ne sont pas traités par AVK, le plus souvent en l’absence de contre-­ indication. Une récente méta-analyse (Miller et al., Am J Cardiol 2012) montre que les nouveaux anticoagulants (dabigatran, rivaroxaban, apixaban) font aussi bien que les AVK et sont nettement mieux tolérés (moins d’hémorragies cérébrales). Les résultats de l’étude ENGAGE avec l’edoxaban ont été publiés en 2013. 21 105 patients ont été inclus et répartis en 3 bras : • edoxaban forte dose ; • edoxaban faible dose ; • warfarine. Les résultats ont été significatifs

Mots-clés : Pathologies neurovasculaires, AVC, Epidémiologie, Hémorragie cérébrale, Tension artérielle, Infarctus cérébral, Traitement endovasculaire, Antiagrégants plaquettaires, Nouveaux anticoagulants oraux, Edoxaban

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sur la survenue d’évènements vasculaires, en faveur du groupe edoxaban forte dose vs warfarine uniquement. Concernant les hémorragies majeures, on en retrouve davantage dans le groupe edoxaban forte dose par rapport au groupe edoxaban faible dose, mais le risque dans ces deux groupes reste inférieur à celui du groupe warfarine. Ces résultats permettront d’avoir à disposition à terme de nombreux nouveaux anticoagulants. • Leurs avantages restent l’absence de surveillance biologique, l’absence de précaution alimentaire, l’absence d’interaction médicamenteuse majeure, la diminution du risque de saignement intracrânien. • Leurs inconvénients sont l’absence de test d’évaluation de l’anticoagulation en routine, l’absence d’antidote à l’heure actuelle, les effets potentiellement plus néfastes d’une mauvaise observance et une expérience clinique encore très limitée. n

Correspondance Pr Mathieu Zuber Service de Neurologie et Neurovasculaire Groupe hospitalier Saint-Joseph 185 rue Raymond Losserand 75 674 Paris Cedex 14 E-mail : mzuber@hpsj.fr

Neurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165


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