dossier
Le Top 5 de la migraine Claude Mekies*, d’après l’intervention d’Anne Donnet
Entretien avec Anne Donnet et enregistrement audio de l’atelier sur www.neurologies.fr
5 messages clés • Nouvelle classification IHS : la migraine chronique est individualisée ; l’hemicrania continua rejoint les céphalées trigémino-autonomiques ; la CCQ avec abus médicamenteux doit être considérée à la fois comme migraine chronique et céphalées par abus médicamenteux avant la réalisation d’un sevrage. • Prodrome et migraine : fin de la dualité algie vasculaire de la face-hypothalamus versus migrainetronc cérébral. • Contraception combinée : contre-indiquée dans la migraine avec aura, en raison des effets prothrombotiques des estrogènes et d’un risque indépendant d’accident ischémique. • Migraine sans aura, une étude angio-IRM : pas de dilatation significative de la vascularisation extracrânienne, légère dilatation de la vascularisation intra-crânienne. • La comobordité avec la migraine ou les douleurs neuropathiques dans la SEP est fréquente ; il est nécessaire d’interroger systématiquement les patients.
1 – Les données de l’International Classification of Headache Disorders, 3e version Bêta (ICHD 3 bêta) Headache Classification Committee of the International Headache Society (IHS). The International Classification of Headache Disorders, 3rd edition (beta version). Cephalalgia 2013 ; 33 : 629-808.
Trois principales modifications sont à noter par rapport aux versions antérieures : • le concept de migraine chronique est individualisé en tant qu’entité ; • l’hemicrania continua rejoint les céphalées trigémino-autonomiques ; • les céphalées au froid et les céphalées nummulaires rejoignent le groupe des autres céphalées primaires. La migraine chronique se définit par une forme clinique et non une * Polyclinique du Parc, Toulouse - c.mekies@wanadoo.fr
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complication. On exclut l’abus médicamenteux qui est une cause de CCQ.
tics : migraine chronique et céphalées par abus médicamenteux.
Ainsi, on parle de migraine chronique si : • CCQ (≥ 15 jours/mois) depuis plus de 3 mois ; • antécédents d’au moins 5 crises migraineuses sans aura et/ou 2 crises migraineuses avec aura (critères ICHD3) ; • ≥ 8 jours/mois avec sémiologie migraineuse sans ou avec aura ; • critères C et D migraine sans aura (ICHD3) ; • critères B et C migraine avec aura (ICHD3) ; • céphalée non attribuable à une autre cause.
2 – Les prodromes de la migraine
Cette version de la classification confirme donc la nécessité d’envisager un sevrage en première intention devant cette situation clinique. Un patient migraineux souffrant de CCQ associée à un abus médicamenteux doit être considéré avec les deux diagnos-
Maniyar FH, Sprenger T, Monteith T et al. Brain activations in the premonitory phase of nitroglycerin-triggered migraine attacks. Brain 2013 Nov 25. [Epub ahead of print].
Les auteurs ont étudié en TEP, chez 8 patients ayant une migraine sans aura, les zones cérébrales activées lors de la phase prodromale et lors de la crise de migraine. Les prodromes le plus fréquemment allégués étaient : la fatigue, la sensation de soif et la tension cervicale. Les zones activées à la phase précoce des prodromes sont l’hypothalamus postéro-latéral, la substance noire, le tegmentum, la substance grise péri-acqueducale, la partie dorsale du pont, ainsi que Neurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165
Le top 5 de la migraine
de multiples aires corticales. A la phase tardive des prodromes, l’hypothalamus n’est plus activé, alors que le pont reste activé. L’activation de l’hypothalamus et du tegmentum ventral peuvent expliquer certains signes cliniques comme le bâillement, possiblement rapportés à des mécanismes dopaminergiques. L’urination et la soif peuvent être rattachées à une réduction de la vasopressine et les modifications de l’humeur à l’impact sur les projections entre hypothalamus et système limbique.
diol/cp). Les taux sont plus bas (de 15 à 35 mcg/cp) pour les pilules de troisième génération. 650 000 femmes dans la tranche d’âge 24-50 ans ont une migraine avec aura et sont donc potentiellement concernées par le choix d’une pilule.
Cet article permet de mettre fin à la dualité algie vasculaire de la face-hypothalamus versus migraine-tronc cérébral. On peut imaginer certaines implications thérapeutiques en allant au-delà des traitements traditionnels. Cet article est également important dans l’éducation du patient afin de reconnaître les prodromes.
Amin FM, Asghar MS, Hougaard A et al. Magnetic resonance angiography of intracranial and extracranial arteries in patients with spontaneous migraine without aura: a cross-sectional study. Lancet Neurol 2013 ; 12 : 454-61.
3 – Migraine et contraception Mc Gregor A. Contraception and headache. Headache 2013 ; 53 : 247-76.
S’il n’y a pas de restriction vis-à-vis de la prescription d’une contraception orale combinée pour les patientes présentant une migraine sans aura, la contraception combinée reste contreindiquée pour les femmes présentant une migraine avec aura, en raison des effets prothrombotiques des estrogènes, associés à un risque indépendant d’accident ischémique. Toutes les générations de pilules combinées ont des taux d’estrogènes variables quelle que soit la génération. C’est au sein des pilules de seconde génération que se retrouvent les taux d’estrogènes les plus hauts (de 20 à 50 mcg d’éthynlestraNeurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165
4 – Etude des modifications vasculaires intra et extra-crâniennes au cours des crises migraineuses sans aura
Dix-neuf patients ont fait l’objet d’une exploration en angio-IRM au cours d’une crise sans aura de survenue spontanée, et ont été comparés aux résultats des données de l’angioIRM qui avait été réalisée au préalable en période intercritique. L’étude a porté sur la vascularisation extra-crânienne (diamètres de l’artère carotide externe, de l’artère superficielle temporale et de l’artère méningée moyenne) et la vascularisation intra-crânienne (diamètres des segments caverneux et cérébraux de l’artère carotide interne, de l’artère cérébrale moyenne, et de l’artère basilaire). Aucune dilatation significative au niveau de la vascularisation extra-crânienne n’a été retrouvée, et uniquement une légère dilatation au niveau de la vascularisation intra-crânienne. Ce travail vient apporter un argument supplémentaire pour une vision plus neurologique que vasculaire de la physiopathologie de la migraine.
5 – Comorbidités de la SEP : migraine et douleurs neuropathiques Moisset X, Ouchchane L, Guy N et al. Migraine headaches and pain with neuropathic characteristics: comorbid conditions in patients with multiple sclerosis. Pain 2013 ; 154 : 2691-9.
Mille trois cents patients atteints de sclérose en plaques ont été interrogés ; 673 questionnaires ont été retournés et étaient exploitables. Les critères utilisés pour évaluer la présence d’une comorbidité étaient les critères IHS et DN4. Les résultats sont les suivants : • présence d’une comorbidité migraine-SEP chez 46 % des patients ; • d’une comorbidité douleurs neuropathiques-SEP chez 51 % ; • d’une comorbidité migraine-douleurs neuropathiques-SEP chez 32 %. La comorbidité de la SEP avec la migraine était associée à l’âge, à la durée d’évolution de la SEP, à l’évolution rémittente de la SEP et au traitement par interféron bêta, ce qui n’a pas été retrouvé pour la douleur neuropathique. Cela montre la nécessité d’interroger systématiquement les patients atteints de SEP pour détecter et traiter la migraine et les douleurs neuropathiques. n Correspondance Dr Anne Donnet Pôle de Neurosciences cliniques Hôpital la Timone 264 boulevard Saint-Pierre 13385 Marseille Cedex E-mail : adonnet@ap-hm.fr
Mots-clés : Migraine, Classification, Prodromes, Aura, Angio-IRM, Contraception estroprogestative, Sclérose en plaques, Comorbidité, Douleur neuropathique
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