pédiatrie
Crise convulsive de l’enfant Quelle est la conduite à tenir ? n Alors que la majorité des crises convulsives de l’enfant cesse spontanément en quelques minutes, certaines se prolongent au-delà de 5 minutes. Elles risquent alors d’évoluer vers un état de mal épileptique. Il s’agit d’une urgence thérapeutique, nécessitant la mise en route d’un traitement avant toute intervention des services d’urgence. Devant une crise épileptique se prolongeant, le praticien devra veiller à la mise en condition du patient, rassurer les parents et évaluer la ou les causes possibles. L’administration d’une benzodiazépine après 5 minutes de crise épileptique en continu permet d’éviter l’évolution vers l’état de mal épileptique et de laisser s’installer une situation où la réponse aux traitements va être moins bonne. Le diazépam par voie rectale a longtemps été utilisé, mais le midazolam buccal est en train de changer nos pratiques. Cette molécule, lorsqu’elle est administrée par voie buccale, a la même efficacité et la même tolérance que le diazépam, mais est incontestablement plus pratique et moins problématique dans la vie quotidienne.
L
es crises épileptiques sont la première cause d’urgence neurologique de l’enfant. La problématique des crises épileptiques de l’enfant est le risque de voir la crise épileptique se prolonger et de devenir un état de mal épileptique, qu’il s’agisse de la première crise épileptique ou de crises épileptiques survenant dans le cadre d’une épilepsie. Les crises épileptiques qui se prolongent nécessitent une prise en charge thérapeutique adaptée.
Pourquoi traiter une crise épileptique de l’enfant qui se prolonge ? Contrairement à l’adulte, l’état de mal épileptique chez l’enfant n’a pas le même pronostic. La morta*Neurologie pédiatrique & INSERM U1141, CHU Robert-Debré, Paris
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lité est 10 fois plus faible et la morbidité est relativement faible. Dans une étude épidémiologique prospective de 463 patients [1], la mortalité variait selon les classes d’âge de 20 à 40 % chez l’adulte, alors que celle-ci étaient systématiquement inférieure à 10 % dans les classes d’âge pédiatrique. De même, les conséquences des crises prolongées chez l’enfant ont été étudiées dans une étude portant sur 279 crises de plus de 5 minutes chez 186 enfants. Aucun décès en lien avec la survenue de crises prolongées n’était rapporté [2]. On notait 4 patients avec une atteinte neurologique permanente (2,2 % pour une crise épileptique d’une durée moyenne de 16 minutes). La fréquence de l’épilepsie après crise épileptique prolongée (22 %) n’est pas interprétable, car un bon nombre de patients ont débuté leur épilepsie par la crise épilep-
Stéphane Auvin*
tique prolongée qui les a rendus éligibles pour cette étude [2]. L’objectif du traitement des crises épileptiques qui se prolongent chez l’enfant est la prévention de l’état de mal épileptique. Dans une étude prospective sur l’état de mal épileptique de l’enfant [3], les facteurs de risque d’avoir un état de mal épileptique étaient évalués sur la base des données de 309 enfants ayant un âge moyen de 3 ans. Les facteurs de risque pour avoir un état de mal épileptique de plus de 60 minutes étaient l’absence d’administration d’un traitement en préhospitalier et la durée entre le début de la crise épileptique et l’arrivée dans un service d’urgence. Les résultats de ce travail soulignent donc bien l’importance de la disponibilité et de l’utilisation des traitements en préhospitalier. De plus, il a été montré que l’efficacité des traitements antiépiNeurologies • Mars 2014 • vol. 17 • numéro 166
Crise convulsive de l’enfant
leptiques diminuait au fur et à mesure que la crise épileptique se prolonge. Il semblerait que le mécanisme de résistance aux traitements soit lié à une internalisation des récepteurs GABA, qui sont normalement localisés à la surface neuronale [4]. Ce mécanisme de résistance relative souligne l’importance de prendre rapidement en charge les patients pour avoir une efficacité optimale.
de 5 minutes ont une plus grande probabilité de s’arrêter spontanément que de durer, alors que les crises qui durent plus que 5 à 10 minutes ont un risque de persister. C’est ainsi que l’on retient qu’une crise épileptique de plus de 5 minutes doit recevoir un traitement médicamenteux et qu’il n’est pas nécessaire de traiter les crises qui sont plus courtes car elles ont plus de chances de s’arrêter spontanément.
Quand traiter ? Ni trop tôt ni trop tard : le cut-off à 5 minutes
Quelle prise en charge des crises épileptiques de l’enfant qui se prolongent ?
S’il ne faut pas retarder le traitement, il n’est pas adapté de mettre en place un traitement si celui-ci n’est pas nécessaire. Une étude épidémiologique sur la durée spontanée d’une crise épileptique non traitée a permis de montrer que la durée d’une crise épileptique non traitée suivait une distribution bimodale : 76 % des enfants avaient une durée moyenne de crise de 3,6 minutes et 24 % une durée moyenne de crise de 31 minutes [5]. En utilisant le graphique extrapolé de ces données, on peut conclure que les crises épileptiques de moins
La prise en charge d’un enfant avec une crise épileptique de plus de 5 minutes est triple : • démarche diagnostique ; • mise en condition pratique (encadré) ; • administration d’un traitement médicamenteux.
La démarche diagnostique Une crise épileptique est un symptôme. Elle peut être la manifestation habituelle d’une épilepsie connue. Dans ce cas, les crises épileptiques surviennent le plus souvent de façon spontanée et
imprévue. L’arrêt de traitement ou des oublis répétés du traitement peuvent parfois être en cause dans l’apparition de la crise épileptique. Il peut aussi s’agir d’une crise épileptique occasionnelle chez un patient qui n’a pas d’épilepsie. Les crises occasionnelles ou crises symptomatiques sont le symptôme d’une dysfonction neuronale induite par une cause transitoire. Cette cause peut être métabolique, comme une hypoglycémie, ou infectieuse, comme une encéphalite. L’enquête anamnestique et l’examen clinique sont à la base de la démarche diagnostique. Lorsque l’on intervient auprès d’un enfant ayant une crise épileptique qui se prolonge, on commencera par demander si le patient a une épilepsie. Dans le cas contraire, il faut commencer par éliminer les causes urgentes et curables (Tab. 1). Il n’y a pas lieu de réaliser d’examen paraclinique systématiquement dans le cas d’une crise épileptique isolée, courte, qui a cédé spontanément. L’évaluation clinique guide les éventuelles investigations.
La prise en charge médicamenteuse • Etant donné leur rapidité d’action et leur efficacité, les benzodiazé-
Conduite à tenir pratique en cas de crise épileptique chez l’enfant (explications pour entourage pouvant servir de conduite à tenir en cas de récidive) Lorsque l’on intervient en urgence auprès d’un enfant suspect de crise épileptique : • En premier lieu, déterminer si l’enfant est toujours en pleine crise ou s’il est en phase postcritique. • Eviter que l’enfant ne se blesse en déplaçant les objets proches de lui, plutôt que le déplacer lui-même. • Rassurer l’entourage. Presque tous les parents d’enfant ayant une crise épileptique pense que celui-ci est en train de mourir ou qu’il ne va jamais se réveiller comme avant à cause de lésions cérébrales. A distance de la crise épileptique, il faudra savoir revenir sur le vécu des parents ou de l’entourage. Si une grande majorité des parents partage ce vécu commun de sensation de mort imminente, il est du rôle du soignant de montrer que cette réalité émotionnelle n’est pas en phase avec la réalité médicale. • Ne pas chercher à empêcher les mouvements ni introduire quelque chose dans la bouche. • N’utiliser la PLS (position latérale de sécurité) que si cela est possible. Sinon l’enfant sera mis en PLS, lors de la phase postcritique à la fin des mouvements cloniques. Neurologies • Février 2014 • vol. 17 • numéro 165
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pédiatrie
Grave et curable
Tableau 1 - Liste étiologique non exhaustive de crises épileptiques se prolongeant. Infectieuses
Trauma
Toxiques
Métaboliques
Autres
Méningite
H. extra-dural
Tricycliques
Hyponatrémie
HTIC
Encéphalite herpétique
H. sous-dural
CO
Hypoglycémie
HTA
Neuropaludisme
Hypocalcémie Contusion cérébrale
pines sont les antiépileptiques de première intention. Historiquement, nous savons que le diazépam par voie intra-rectale a prouvé son efficacité par rapport à un placebo [6]. Sa tolérance est bien établie. C’est aussi le traitement qui était habituellement utilisé en première intention chez les enfants ayant une crise épileptique prolongée. Toutefois, la voie d’administration n’est pas la plus adaptée en urgence et pose des problèmes sociaux et de représentation corporelle, en particulier chez l’enfant ayant une épilepsie dès l’âge scolaire. • Le midazolam par voie buccale est une alternative efficace et facile d’administration. Cette molécule a été étudiée dans trois essais randomisés montrant la même efficacité ou une supériorité par rapport au diazépam rectal [7]. La tolérance est, de plus, parfaitement superposable [7]. Une présentation de midazolam buccale est actuellement disponible sous forme de seringues pré-remplies en 4 dosages (2,5 mg, 5 mg, 7,5 mg et 10 mg). Son mode d’administration buccal permet une administration entre la joue et les dents, permettant un accès rapide, sans risque d’inhalation, et parfaite-
M. métabolique
ment acceptable socialement quel que soit le lieu de survenue ou l’âge de l’enfant.
Conclusion Les crises épileptiques chez l’enfant font partie des urgences neurologiques les plus fréquentes. La prise en charge thérapeutique est nécessaire uniquement après 5 minutes. Un traitement plus précoce conduirait à traiter des patients dont la crise peut s’arrêter spontanément. Chez les patients avec une crise épileptique se prolongeant, une prise en charge précoce, en particulier en préhospitalier, permet de diminuer le risque d’état de mal épileptique et de résistance aux traitements antiépileptiques. La disponibilité d’une formulation orale de midazolam est un élément positif pour la prise en charge des patients avec épilepsie. Outre la facilité d’administration et le type de voie d’abord, cela favorise la mise à disposition d’un traitement sur tous les lieux de vie de l’enfant. C’est particulièrement marquant pour l’école. Toute prescription médicamenteuse est soumise à la mise en place d’un PAI (Plan d’Accueil Individualisé) avec le médecin scolaire. Le PAI peut
Epilepsie Oubli de traitement Anoxo-ischémiques
mentionner la nécessité d’utiliser un traitement pour les crises épileptiques de plus de 5 minutes par l’enseignant. Par le passé, il y avait plusieurs limitations législatives à la délégation de ce type de geste aux enseignants. Les enseignants pouvaient avoir une délégation pour l’administration d’un médicament, y compris d’urgence, à la condition que celui-ci soit prédosé (l’enseignant ne doit pas avoir à préparer la dose), avec deux voies autorisés : la voie orale et les systèmes d’autoinjection transcutanée. Cela posait donc un problème pour le traitement par diazépam rectal : prélever la dose dans l’ampoule et l’administrer par voie rectale avec une seringue ; ce n’est pas le cas avec la formulation orale de Buccolam®. n Correspondance : Dr Stéphane Auvin Service de Neurologie pédiatrique et des Maladies métaboliques Hôpital Robert-Debré 48 boulevard Sérurier - 75019 Paris E-mail : stephane.auvin@rdb.aphp.fr
Mots-clés : Convulsions, Enfant, Epilepsie Diazépam, Midazolam
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