revue pluridisciplinaire en neurologie
d www.neurologies.fr
Mise au point
L’IRM-TEP hybride
Alexander Hammers • Pourquoi combiner IRM et TEP ? • Les solutions techniques disponibles • Quelles applications en neurologie ? Quelles perspectives ? Démarche diagnostique
Prescrire...
Tableau myopathique : les signes cliniques permettant d’orienter le diagnostic
La lacosamide, ce qu’il faut savoir : mécanisme d’action, pharmacologie, efficacité, tolérance
Sabrina Sacconi, Pauline Lahaut et Claude Desnuelle
Sylvain Rheims
Retour de congrès
Profession
International Headache Congress 2013 : actualités sur la migraine et ses traitements
La Formation Thérapeutique des Aidants en neurologie
Christian Lucas, Anne Donnet et Dominique Valade
Eléonore Bayen, Elsa Caron, Sophie Cacou-Crop, Cécile Prévost, Véronique Beau, Anne Sophie de Lapasse, Chantal Taillefer et Pascale Pradat-Diehl
Octobre 2013 • Volume 16 • n°161 • 9 €
Revue pluridisciplinaire en neurologie
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Relectrice : Fanny Lentz • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef
sommaire www.neurologies.fr
Octobre 2013 • Vol. 16 • N° 161
n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 270
Pr Franck Semah (Lille). Comité de rédaction Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Stéphane Auvin (Paris), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Dr Yannick Béjot (Dijon), Dr Stéphanie Bombois (Lille), Dr Benjamin Cretin (Strasbourg), Dr Bénédicte Défontaines (Paris), Dr Romain Deschamps (Paris), Dr David Devos (Lille), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valérie Domigo (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Antoine Gueguen (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Christine Lebrun-Frénay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Pr Yann Péréon (Nantes), Dr Sylvain Rheims (Lyon), Dr Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne), Pr Emmanuel Touzé (Paris), Dr Tatiana Witjas (Marseille), Pr Mathieu Zuber (Paris). Comité de lecture Pr David Adams (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Pr Franck Baylé (Paris), Dr Catherine Belin (Bobigny), Dr Florent Borgel (Grenoble), Pr Emmanuel Broussolle (Lyon), Dr Gaëlle Bruneteau (Paris), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Créteil), Dr Olivier Delalande (Paris), Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Thierry Dubard (Reims), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Créteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantéri-Minet (Nice), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Dr Caroline Papeix (Paris), Pr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Pr Didier Smadja (Fort-de-France), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Marc Verny (Paris), Pr Hervé Vespignani (Nancy), Comité scientifique Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr JeanLouis Baulieu (Tours), Dr Gérard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr William Camu (Montpellier), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr François Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Hubert Déchy (Versailles), Dr Jean-Fr ançois Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie HertzPanier (Paris), Dr Pierre Hinault (Rennes), Dr Laurent Laloum (Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Saclay), Pr Olivier Lyon-Caen (Paris), Pr Jean-Louis Mas (Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Philippe Neau (Poitiers), Pr Jean-Pierre Olié (Paris), Pr Jean Pelletier (Marseille), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danièle Ranoux (Limoges), Pr Jean Régis (Marseille), Dr Pascal Rémy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris) Neurologies est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai 75011 Paris - Tél. : 01 49 29 29 29 Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : neurologies@expressiongroupe.fr RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0117T78155 ISSN : 1287-9118 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Neurologies” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
n Rencontres de Neurologies . . . . . . . . . . . p. 272, 278, 300, 301 Les coordinateurs présentent leurs ateliers n Profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 273 La Formation Thérapeutique des Aidants (FTA) dédiée aux proches de patients avec handicap neurologique post-lésion cérébrale
Eléonore Bayen, Elsa Caron, Sophie Cacou-Crop, Cécile Prévost, Véronique Beau, Anne-Sophie de Lapasse, Chantal Taillefer, Pascale Pradat-Diehl (Paris)
n Prescrire... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 279 La lacosamide : ce qu'il faut savoir Sylvain Rheims (Lyon)
n Mise au point ���������������������������������������������������������������p. 282
L'IRM-TEP hybride Alexander Hammers (Lyon)
Pourquoi combiner IRM et TEP ? Les solutions techniques disponibles. Quelles applications en neurologie ? Quelles perspectives ?
n Démarche diagnostique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 288 Tableau myopathique : les signes cliniques permettant d'orienter le diagnostic Sabrina Sacconi, Pauline Lahaut, Claude Desnuelle (Nice)
n retour de congrès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 296 International Headache Congress 2013 Christian Lucas (Lille), Anne Donnet (Marseille), Dominique Valade (Paris)
n Petites annonces �������������������������������������������������������������������� p. 270 n Bulletin d’abonnement ������������������������������������������������������ p. 293
Retrouvez-nous sur
www.neurologies.fr Assemblés à cette publication : Programme des Rencontres de Neurologies (36 pages), bulletin d'inscription aux Rencontres de Neurologies (2 pages) et 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages) Photo de couverture fournie par le Dr Francine Chassoux (SHFJ, CEA, Orsay)
actualités
En bref « AVC : vite le 15... Et après ? » A l’occasion de la 11e Journée mondiale contre l’AVC, la Fédération Nationale France AVC et la Société Française Neuro-Vasculaire (SFNV), soutenues par Bayer HealthCare, lancent une nouvelle campagne d’information « AVC Vite le 15 ! Et après ? La vie continue », destinée à sensibiliser les malades et leur proches sur les bons gestes à adopter pour éviter les risques de récidive (www.avcvitele15.com). Sommeil : Entretien des appareils de PPC L’ANSM publie des conseils aux patients pour l’entretien des dispositifs médicaux d’assistance respiratoire utilisés à domicile - et notamment les appareils de PPC - pour améliorer l’hygiène et maîtriser le risques de contamination (www.ansm.sante.fr).
Démences
Résultats de l’étude ALCOVE
L
ancé en 2011, le programme européen ALCOVE (Alzheimer Cooperative Valuation in Europe), coordonné par la France, a aboutit à la publication de recommandations destinées à préserver la qualité de vie, l’autonomie et les droits des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et de leurs aidants. ALCOVE a également permis de faire le point sur les données disponibles en Europe en matière de prévalence, sur la
base d’études récentes, fiables et à partir de critères partagés : en Europe, en 2011, l’estimation est de 6,367 millions de personnes, en 2040, 10,186 millions de personnes seront concernées. L’étude souligne la nécessité d’un diagnostic précoce, mais respectueux des droits et des souhaits de la personne. ALCOVE propose ainsi des stratégies progressives avec 4 étapes précises pour le diagnostic de démence. ß
Réadaption
Soins de suite et de réadaptation
L
a Haute Autorité de Santé publie, sur son site, un outil pilote d’aide à la décision pour l’orientation des patients vers les structures de soins de suite et de réadaptation (SSR).
Cet outil vise à rationaliser et optimiser les admissions dans ces structures. Il est fondé sur des critères d’évaluation médicale, mais également sur l’environnement de vie du patient. • Pour en savoir : www.has-sante.fr ß
petites annonces Belle opportunité pour succession d’un cabinet médical de neurologie à Belfort A partir de janvier 2014.
Tél. : 06 42 70 73 22 (le soir de préférence)
Vous recherchez un médecin ou un remplaçant pour compléter votre équipe médicale ? Contactez nos services pour une diffusion maximale de votre petite annonce Claire Lesaint Tél. : 01 49 29 29 20 - Fax : 01 49 29 29 19 Mail : clesaint@expressions-sante.fr ou connectez-vous sur la rubrique 270 “petites annonces” de nos sites : www.neurologies.fr & www.offres-sante.fr
Neurologies • Octobre 2012 • vol. 15 • numéro 151
15 rencontres de neurologies e
Paris • 16 - 18 décembre 2013 www.rencontresdeneurologies.org
Les coordinateurs vous présentent leurs ateliers ATELIER « MALADIE DE PARKINSON » - Mercredi 18 décembre 2013 - de 9h30 à 12h00 Coordination : Sophie Drapier (Rennes) et David Maltête (Rouen)
Cette année encore les co-coordinateurs - Sophie Drapier et David Maltête - ont choisi des thématiques importantes pour votre pratique quotidienne. • Les troubles du contrôle des impulsions sont fréquemment observés chez les patients parkinsoniens recevant des traitements dopaminergiques. La prise en charge de ces modifications du comportement constitue un enjeu majeur car leurs conséquences médico-légales peuvent être dramatiques. Qu’il s’agisse de jeu pathologique, d’achats compulsifs ou d’hypersexualité, le neurologue est souvent sollicité en première intention. Dans un premier temps, le Pr Pascal de Sutter abordera spécifiquement le problème des troubles sexuels et nous proposera des moyens de prise en charge, puis le Dr Carol Jonas nous précisera les responsabilités du neurologue face au patient. • La stimulation cérébrale profonde est un traitement validé des formes avancées de la maladie de Parkinson. Des
données récentes suggèrent néanmoins qu’elle pourrait être proposée dans les stades plus précoces de la maladie, avec un impact significatif sur la qualité de vie des patients. Ainsi, après la pause, le Pr David Maltête, rappellera les critères de sélection habituels avant d’exposer les perspectives de prise en charge précoce. • La pompe à apomorphine est un traitement reconnu des fluctuations motrices dans la maladie de Parkinson. Elle reste sous-utilisée car encore difficile à manipuler par les neurologues. A travers les premiers résultats de l’étude OPTIPUMP (étude observationnelle française de la pompe à apomorphine sur la qualité de vie des patients à 6 mois), le Dr Sophie Drapier mettra en lumière les nouveautés pratiques d’utilisation pour aider le neurologue à mettre en place ce traitement hautement efficace. • Enfin la session se terminera par des cas cliniques de mise en situation des sujets exposés.
ATELIER «SYMPTOMES SOMATOMORPHES » Mardi 17 décembre 2013 - de 14h00 à 17h45 - Coordination : Catherine Thomas-Antérion (Lyon) Cet atelier est tourné vers un motif de consultation fréquent en neurologie : les symptômes somatomorphes (notamment les symptômes de conversion) et les algies diffuses. Neurologue, neuropsychologue, psychiatre et orthophoniste vous feront partager leurs expériences pour vous aider dans votre pratique quotidienne. • Tout d’abord, une courte introduction rappellera combien il est important de repérer dès l’entretien leurs soubassements psychologiques, somatiques et socio-familiaux, ainsi que leurs occasions psychiques, somatiques et socio-familiales, avec une écoute sans parti pris entre pathologie psychogène ou organique et ce, d’autant plus qu’elles peuvent être intriquées. • Madame Céline Borg, neuropsychologue et docteure en psychologie cognitive, nous montrera ensuite, dans la situation particulière de la fibromyalgie, avec quels paradigmes expérimentaux on peut souligner le traitement particulier des stimuli émotionnels par les patients fibromyalgiques. Ces tra-
vaux ont pour objectif de mieux comprendre le terrain et les conséquences de ces situations et d’améliorer les propositions de prise en soin. • Le Pr Olivier Cottencin, psychiatre, développera l’importance de la psychologie médicale dans la pratique de tout médecin, afin de poser un diagnostic, de savoir rechercher des comorbidités psychiques, d’énoncer un diagnostic au sujet et de proposer un accompagnement. • Monsieur Antoine Renard, orthophoniste et neuropsychologue, poursuivra avec la présentation d’une situation somatomorphe, en nous proposant la bande sonore d’un trouble singulier du langage et le récit de son contexte clinique, et situera le rôle du thérapeute dans l’explication du symptôme (en soi déjà thérapeutique) et la rééducation proposée en ce cas. • Le Dr Catherine Thomas-Antérion présentera, pour finir, des vignettes cliniques issues de consultations de neurologie générale.
voir également p.278, 300 et 301 >>>
Profession
La Formation Thérapeutique des Aidants (FTA) Dédiée aux proches de patients avec handicap neurologique post-lésion cérébrale n Les “aidants informels” représentent une ressource majeure dans la production de soins et d’accompagnement de longue durée à domicile, bien que leur rôle soit peu visible aux yeux de la collectivité et actuellement mal reconnu par les politiques. Nous décrivons ici un programme de formation thérapeutique des aidants (FTA) informels de patients jeunes avec handicap neurologique sévère post-lésion cérébrale, mis en place depuis 2010 dans le service de Médecine Physique et de Réadaptation de la Pitié-Salpêtrière. Eléonore Bayen1,2, Elsa Caron1, Sophie Cacou-Crop1, Cécile Prévost1, Véronique Beau1, Anne Sophie de Lapasse1, Chantal Taillefer3 et Pascale Pradat-Diehl1,2
Le contexte Les patients victimes d’une lésion cérébrale acquise, type accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien, anoxie cérébrale, encéphalite, tumeur cérébrale sont, pour une grande partie d’entre eux, jeunes (moins de 60 ans). Ils présentent des déficiences neurologiques graves et multiples (sensitivo-motrices et neuro-orthopédiques, cognitivocomportementales, génito-vésico-sphinctériennes, souvent associées à des troubles de déglutition et respiratoires, des douleurs et de la fatigue) qui sont à l’origine d’une perte d’autonomie. La prise en charge complexe de ces patients fait l’objet d’une formalisation nécessaire, comme le montre 1- AP-HP, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Service de Médecine Physique et de Réadaptation, Paris 2- Université Pierre et Marie Curie, UFR de médecine-Unité ER 6, Paris 3- Centre Ressources Francilien du Traumatisme Crânien, Paris
Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
les réflexions sur les parcours de soins [1, 2]. A un autre niveau, l’assistance en aide humaine tierce personne au domicile du patient est aussi l’objet d’attention croissante. Elle s’organise autour des aidants professionnels rémunérés ou de l’entourage familial. Depuis 2005, un financement des Conseils généraux, via la Prestation Compensatrice du Handicap (PCH), facilite le recours aux aidants professionnels rémunérés (paramédicaux type auxiliaire de vie et aide-soignant) au domicile d’un patient lourdement handicapé et de moins de 60 ans [3]. Cependant, la PCH-aide humaine finance prioritairement une aide centrée sur les soins corporels pour les patients avec un handicap sensori-moteur sévère, mais ne permet souvent pas de couvrir l’ensemble des horaires et besoins des patients.
Lorsqu’il y a des troubles cognitivo-comportementaux, le temps d’assistance pour les activités instrumentales de la vie quotidienne (course, repas, gestion du budget) ou pour la supervision-surveillance (afin d’éviter que le patient ne se mette en danger) reste souvent à la charge des familles. Les aidants familiaux sont donc mis à contribution dans des situations variées, de façon complémentaire ou substitutive aux aidants professionnels [4]. Les proches des patients atteints de handicap neurologique jouent de fait un rôle essentiel dans la construction et réalisation du projet de vie des personnes handicapées. On appelle “aidants informels”, des aidants non professionnels intervenant auprès d’un tiers en raison d’un problème de santé ou d’un handicap particulier [5]. Il 273
Profession
s’agit d’un membre de la famille (conjoint ou parent) le plus souvent, d’un voisin, d’un ami ou d’un bénévole. Ces aidants représentent une ressource majeure dans la production de soins et d’accompagnement de longue durée à domicile, bien que leur rôle soit peu visible aux yeux de la collectivité et actuellement mal reconnu par les politiques. Les aidants informels des patients jeunes atteints de pathologie neurologique interviennent en effet de façon déterminante à toutes les étapes de la prise en charge sanitaire, médico-sociale et sociale. Ils peuvent participer aux côtés du patient - voire à sa place - aux choix médicaux, lors de décisions complexes, en tant que “personne de confiance” (Comité Consultatif National d’Ethique, 1998). Ils sont partie prenante des projets de rééducation et de réadaptation, afin d’aider leur proche handicapé à gérer ses limitations d’activité et restrictions de participation. Ils accompagnent les patients quotidiennement et sur une durée très longue (à l’échelle d’une vie parfois) et ont probablement, de ce fait, des caractéristiques très différentes des aidants informels des personnes âgées dépendantes ou atteintes de démence. L’engagement de ces aidants peut conduire à une dégradation de leur propre santé, de leur qualité de vie et de leur statut socio-économique, résumé souvent sous le terme de fardeau [6, 7]. Il semble donc pleinement justifié de s’intéresser à l’information et à la formation des aidants informels des personnes jeunes avec handicap neurologique sévère. Depuis la loi HPST n°2009-879, l’éducation thérapeutique a un cadre légal et méthodologique 274
et « s’inscrit dans le parcours de soins du patient » (article L.11611 du Code de Santé Publique). L’accompagnement des aidants s’intègre au programme des soins délivrés au patient et rejoint donc l’esprit de l’éducation thérapeutique dont l’un des objet est « d’aider les patients (ainsi que leurs familles) à comprendre leur maladie et leur traitement (...), à assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie » [8]. Nous décrivons ici un programme de formation thérapeutique des aidants informels des patients avec lésion cérébrale acquise, mis en place, depuis 2010, dans le service de Médecine Physique et de Réadaptation de la Pitié-Salpêtrière.
Formation Thérapeutique des Aidants et patients cérébrolésés : description du programme La Formation Thérapeutique des Aidants (FTA) a pour but d’informer et de former les aidants sur la compréhension et la prise en charge du handicap sensitivomoteur et du handicap cognitivo-comportemental après lésion cérébrale acquise récente de leur proche. La population ciblée est celle des aidants informels des patients en hospitalisation complète dans le service de Médecine Physique et de Réadaptation. Le projet de sortie d’hospitalisation complète peut être celui d’un retour au domicile ou d’une institutionnalisation. La FTA fait partie intégrante du programme de soins des patients hospitalisés mais n’est pas obligatoire.
Elle se décline pour chaque patient en deux temps complémentaires et successifs chronologiquement : • la FTA collective, qui est une séance par ateliers didactiques durant laquelle le patient n’est jamais présent ; • la FTA individuelle, séance personnalisée de renforcement de la formation collective, durant laquelle le patient est présent le plus souvent.
La FTA collective La FTA collective a lieu une fois par mois. Cette séance prend en charge une dizaine d’aidants (soit 6 patients concernés environ) durant 3 heures, avec une pause de 15 minutes à miparcours. Une réunion de préparation permet de cibler les patients-aidants pour qui la FTA sera bénéfique et un courrier explicatif est remis aux aidants. Une réunion de débriefing a lieu le lendemain de la FTA collective pour évaluer la séance. La FTA collective implique la présence des six professionnels suivants : le médecin, l’assistant social, le kinésithérapeute, l’ergothérapeute, l’orthophoniste et le psychologue spécialisé en neuropsychologie. Il s’agit d’un exposé interactif qui délivre des informations à la fois pratiques et théoriques sous forme de trois ateliers successifs. Un livret récapitulatif avec texte, photographies et dessins appelé “Conseils pour la sortie thérapeutique” est remis à chaque aidant en début de séance. Une évaluation est proposée aux aidants à la fin de la séance sous forme de questionnaire papier. ❚❚Atelier 1 : informations sociales Cet atelier de 15 minutes est animé par l’assistant social grâce à un exposé interactif par diaporama. Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Profession
Les points abordés concernent les démarches urgentes de vérificationrégularisation administrative pour l’ouverture des droits ALD, attestations de mutuelle et prévoyance, explications sur le forfait journalier hospitalier, sur la location-achat du fauteuil roulant sur les transports par ambulance pour les permissions thérapeutiques au domicile, sur les pièces administratives utiles pour le dossier MDPH. ❚❚Atelier 2 : handicap sensorimoteur Cet atelier de 1h15 est animé par le binôme ergothérapeute-kinésithérapeute grâce à un temps d’exposé interactif, puis à des mises en situation pratique des aidants en intérieur et en extérieur. Il comprend trois formations : 1. Fauteuil roulant manuel Cette formation présente les principaux types de fauteuils roulants (standard, double main courante et confort), avec leurs avantages et leurs inconvénients. Les intervenants montrent leur mode de propulsion (podale, manuelle, double main courante, propulsion par un tiers) et les composants et accessoires principaux (palette, têtière, cal tronc, ceinture pelvienne...). Les intervenants sensibilisent les aidants sur les critères de choix (morphologie du patient, déficiences, environnement de vie). Les points importants pour une bonne installation en position assise (éviter les attitudes vicieuses) et sur les règles de sécurité (risque de chutes en terrain irrégulier, système anti-bascule, prévention rachidienne dorsolombaire chez l’aidant) sont expliqués. Une mise en pratique des aidants est réalisée avec montage-démontage des accessoires et des roues, pliagedépliage du châssis, essai de propulsion du fauteuil et montée-descente du trottoir, essai de freinage. 276
2. Transfert Cette formation explique aux aidants les techniques de guidages verbal et manuel pour faciliter les transferts du fauteuil roulant au lit (aller-retour) et de la position assise au lit à la position allongée (allerretour). Les intervenants insistent sur les conseils de placement des membres, sur la préparation technique du transfert (placement du fauteuil, démontage des freins, palettes, accoudoirs amovibles), sur la nécessité de verbalisation des étapes du transfert au patient sans agir dans la précipitation. Différentes méthodes sont expliquées (pivot sur la jambe porteuse saine, technique du balancier) ainsi que les attitudes dangereuses (tirer sur le membre parétique, ne pas prendre en compte les troubles cognitifs). Les cas particuliers du relever du sol après chute, du transfert WC si le fauteuil roulant ne peut rentrer et du transfert voiture sont également discutés. Une mise en situation pratique des transferts est réalisée avec apprentissage de la prévention rachidienne dorsolombaire et de la gestion du stress généré par la situation. 3. Vie quotidienne Cette formation explique la “bonne” installation au lit (avec positionnement correct de l’épaule, de la hanche et du pied paralysés), les techniques d’habillage-déshabillage du patient seul et aidé ainsi que des conseils pour le choix des chaussures et des vêtements. Certaines aides techniques sont présentées (écharpe de portage, attelles-releveur du pied, planche de bain, barres d’appui, tapis antidérapant). ❚❚Atelier 3 : handicap cognitivo-comportemental et communication Cet atelier de 45 minutes est animé par lebinômeorthophoniste-psychologue
spécialisée en neuropsychologie. Le support pédagogique utilisé est un questionnaire avec des réponses à choix multiples, présenté sous forme de diaporama et appelé “Quiz cognitif”. Ce quiz cognitif propose des situations de vie quotidienne afin de susciter la discussion (témoignage et questions des aidants). Les thèmes abordés sont la fatigabilité cognitive, les perturbations attentionnelles, les troubles dysexécutifs et les difficultés de communication d’origine exécutive, l’anosognosie du patient et la notion de handicap invisible pour les autres proches, les troubles de la communication et l’aphasie, l’apraxie gestuelle, l’héminégligence spatiale unilatérale, le syndrome amnésique, les troubles comportementaux productifs (désinhibition, agressivité verbale) ou déficitaires (apragmatisme), la dysarthrie et les troubles de déglutition. Les animateurs proposent des méthodes de prévention et des stratégies de compensation. Le dernier point abordé concerne le vécu personnel des aidants afin de les sensibiliser sur les signes de burn-out, sur la nécessité de s’organiser et de prendre soin de leur propre état de santé ainsi que les recours possibles (médecin généraliste, soutien psychologique, équipe de MPR).
La FTA individuelle La FTA individuelle complète et succède à la FTA collective, sans être systématique. Elle renforce les apprentissages de l’aidant en présence du patient grâce à des entretiens personnalisés et mises en situation individuelles avec les rééducateurs attitrés de chaque patient. La FTA individuelle vise à établir une relation triangulaire entre le thérapeute particulier du patient, Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
La Formation Thérapeutique des Aidants
le patient et l’aidant, en rendant le couple patient-aidant acteur de son projet thérapeutique. La FTA individuelle peut avoir lieu dans le service durant une séance de rééducation planifiée du patient ou lors d’une visite au domicile du patient. Elle peut porter sur le handicap cognitif (restitution à l’aidant du bilan neuropsychologique ou de la progression de la rééducation en orthophonie) ou sur le handicap sensitivo-moteur (travail avec l’aidant des transferts, de la marche, de la manipulation du fauteuil roulant). La FTA-individuelle est moins formalisée que la FTA collective et s’adapte aux besoins spécifiques de chaque patient et aux demandes individuelles particulières de chaque aidant.
Commentaires et objectifs du programme La Formation Thérapeutique des Aidants que nous proposons permet de formaliser et de renforcer la prise en charge des aidants, conjointement à celle des patients jeunes atteints de handicap neurologique sévère, cela dans le but d’améliorer la qualité et la sécurité du retour au domicile.
Un renforcement de la triade thérapeutique patient-aidant-rééducateur La FTA est un outil permettant de donner une cohérence à la construction du nouveau projet de vie du patient lors du retour à domicile, qui implique des modifications de l’environnement de vie (travaux, mesures de compensation, coordination des aidants informels et professionnels). Elle permet d’impliquer activement les aidants et de créer des liens de confiance. Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Formalisation et reconnaissance de l’accompagnement des aidants Dans une perspective plus sociétale, la FTA représente une expérience novatrice qui répond à certaines problématiques du secteur MPR-SSR. Le mode de sortie prioritaire du SSR après hospitalisation complète est en effet le domicile dans 82 % des cas chez l’adulte - et dans 90,3 % chez l’enfant et 68,5 % chez la personne âgée (Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation, 2010). Ce retour au domicile doit donc être organisé pour permettre une bonne continuité des soins. Ensuite, l’aidant informel participe fortement, mais de façon invisible, au financement de la dépendance par son aide [9, 10], mais peut, de ce fait ,subir une série de conséquences négatives sur son bien-être [11]. Vus sous l’angle de la santé publique, ces aidants informels doivent donc aussi être ménagés et accompagnés si la collectivité veut que perdure cette solidarité d’origine familiale. Ainsi, les années à venir vont probablement voir se développer de plus en plus de plans d’action ciblés “d’aide aux aidants” (terme utilisé dans la Circulaire DHOS/SDO/01/ DGS/SD5D/DGAS/PHAN/3 B n° 2004-280 du 18 juin 2004 relative à la filière de prise en charge sanitaire, médico-sociale et sociale des traumatisés crânio-cérébraux et des traumatisés médullaires). Il revient donc aux professionnels de la santé d’élaborer des programmes comme la FTA et de les perfectionner. Enfin, un programme comme la FTA contribue à donner à l’aidant informel un statut officiel.
Cette valorisation des aidants informels se situe dans la lignée de la reconnaissance légale de leur aide comme le montre l’introduction récente d’un dédommagement au titre de “l’aidant familial professionnel” dans le cadre de la Prestation Compensatrice du Handicap [3]. La FTA, comme d’autres initiatives des professionnels de santé ou du milieu associatif (Centre de Ressources Francilien du Traumatisme Crânien, 2012 ; A ssociation de Familles de Traumatisés crâniens et de Cérébrolésés Ile-de-France, 2011) permet de rendre visible l’implication majeure de l’aidant informel dans la prise en charge du handicap et, à terme, d’aider à mesurer plus objectivement sa participation.
Limites et perspectives Une première limite est l’absence, à ce jour, d’autorisation officielle pour appeler ce programme “éducation thérapeutique”. Une deuxième limite est son coût en temps et en personnel, étant donné qu’un nombre limité d’aidants a été privilégié, afin de créer un environnement interactif permettant les mises en situation et l’échange avec les pairs et les professionnels. Cette expérience de FTA pourrait tout à fait être transposée à d’autres populations-cibles, comme par exemple les aidants des patients atteints de pathologie évolutive chronique type sclérose en plaques. D’autres types de formations thérapeutiques aidant-patient, qui auraient lieu après le retour à domicile et qui seraient ciblées sur les limitations d’activité et restrictions de participation à la phase de réadaptation pourraient aussi être envisagées. 277
Profession
En conclusion Les aidants représentent un enjeu majeur de santé publique pour le patient mais aussi pour l’organisation globale des soins sanitaires et médico-sociaux. Un programme de formation thérapeutique multidisciplinaire dédié aux aidants permet de les accompagner activement. C’est aussi un outil de reconnaissance et de valorisation de leur statut. Notre expérience de la FTA peut
aider les professionnels en charge de patients avec handicap neurologique dans leur pratique. n
Conflits d’intérêts Aucun conflit d’intérêts déclaré. Remerciements Nous remercions pour leur aide A.M. Ané, F. Bourdillon, M. Brondel, L. Laforge, C. Kemlin, V. Ramel, S. Vincent, A. Weil-Chounlamountry.
Correspondance Eléonore Bayen Service de Médecine Physique et de Réadaptation Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière 47 bd de l’hôpital 75651 Paris Cedex 13 E-mail : eleonore.bayen@psl.aphp.fr
Mots-clés : Education thérapeutique, Aide aux aidants, Handicap neurologique, Lésion cérébrale acquise, Equipe multidisciplinaire.
Bibliographie 1. Yelnik A, Le Moine F, de Korvin G, Joseph PA. Les parcours de soins en médecine physique et de réadaptation, actualisation. Ann Phys Rehabil Med 2012 ; 55 : 531-2. 2. Pradat-Diehl P, Joseph PA, Beuret-Blanquart F, Luauté J et al. Physical and rehabilitation medicine (PRM) care pathways: adults with severe traumatic brain injury. Ann Phys Rehabil Med 2012 ; 55 : 546-56. 3. Conseil d’Etat, Décret n° 2005-1588 du 19 décembre 2005 relatif à la prestation de compensation à domicile pour les personnes handicapées et modifiant le code de l’action sociale et des familles et le code de la sécurité sociale. JORF 2005 ; 295 : 19591 4. Boschen K, Gargaro J, Gan C et al. Family interventions after acquired brain injury and other chronic conditions: a critical appraisal of the quality of the evidence. NeuroRehabilitation 2007 ; 22 : 19-41. 5. INSEE, HSM-HSA. http://www.drees.sante.gouv.fr, 2008. 6. Morais HC, Soares AM, Oliveira AR et al. Burden and modifications in life from the perspective of caregivers for patients after stroke. Rev Lat Am Enfermagem 2012 ; 20 : 944-53.
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15e rencontres de neurologies • Paris • 16 - 18 décembre 2013
Les coordinateurs vous présentent leurs ateliers ATELIER « DEMENCES » - Mercredi 18 décembre 2013 - de 14h00 à 17h45 Coordination : Stéphanie Bombois (Lille) Stéphanie Bombois, coordinatrice de cette session, souhaite vous donner des outils pratiques dans le cadre du diagnostic étiologique des démences. Une large part de la discussion sera faite à l’utilisation de biomarqueurs (radiodologiques, du LCS, génétiques) et à la relation aux patients. • La maladie d’Alzheimer (MA) prodomale sera au cœur de la première intervention. Le Dr Stéphanie Bombois vous parlera des nouveaux critères diagnostiques intégrant des critères cliniques et de recherche s’appuyant sur les biomarqueurs. Utilisés largement dans le cadre de la recherche, pourquoi faut-il rester prudent dans la pratique ? Des éléments plus cliniques de ce stade de MA seront également discutés, assortis de conseils pour la discussion diagnostique et thérapeutique avec vos patients.
Dr Claire Paquet vous expliquera en rappelant leur intérêt dans la MA et en détaillant leurs limites d’utilisation. • Pour finir, un point sera fait sur les actualités génétiques par les Drs David Wallon et Isabelle Le Ber. Deux cas particuliers seront proposés. Le cas de la MA : une maladie fréquente, mais des formes génétiques rares (- de 1 % des cas). Comment répondre aux patients et apparentés qui s’interrogent ? A quel moment doit-on aboutir à la recherche de mutations ? Le cas des dégénérescences lobaires fronto-temporales : une maladie rare, mais des formes génétiques très fréquentes (environ 40 % des cas). De nombreux phénotypes, plusieurs types de lésions… Un état des lieux des connaissances sera fait à la fois en termes génétiques et cliniques, et un arbre décisionnel vous sera proposé.
• La prudence doit être de mise quant à l’interprétation sous aucun prétexte des 278 biomarqueurs du LCS. Pourquoi ? C’est ce que le Une session à ne manquer Neurologies • Octobre 2013 •! vol. 16 • numéro 161
voir également p.272, 300 et 301 >>>
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La lacosamide
Efficacité de la lacosamide
Ce qu’il faut savoir
Dans l’épilepsie partielle pharmacorésistante
Sylvain Rheims*
Introduction La lacosamide (LCS, Vimpat®) est disponible dans le traitement en add-on des épilepsies partielles pharmacorésistantes de l’adolescent (> 16 ans) et l’adulte, depuis 2008 [1]. Voici les points essentiels à connaître avant de prescrire cet antiépileptique.
Mécanisme d’action Le mécanisme d’action principal de la LCS est l’inhibition des canaux sodiques voltage-dépendants, bloquant ainsi la génération du potentiel d’action [2]. De manière physiologique, les canaux sodiques voltage-dépendants s’inactivent après leur ouverture, stoppant ainsi la dépolarisation membranaire. Cette inactivation est rapide pour une majorité, mais plus lente pour un sous-groupe, ce dernier pouvant ainsi être impliqué dans la prolongation dans le temps de la décharge de potentiels d’action. Il a été suggéré que la LCS a une action particulière sur les canaux à inactivation lente [2].
Pharmacologie Les points importants à garder à l’esprit d’un point de vue pharmacologique lors de la prescription de LCS sont [3] : • la demi-vie d’élimination, qui justifie une prise biquotidienne ; • l’impact d’une altération de la fonction rénale sur son élimination ; • l’absence d’interaction médicamenteuse majeure. *Service de Neurologie Fonctionnelle et d’Epileptologie, Hospices Civils de Lyon, Lyon, et Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (INSERM U1028/CNRS UMR 5292), Equipe TIGER, Lyon.
Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
La LCS est disponible sous forme orale et intraveineuse. Par voie orale, la concentration maximale est atteinte 0,5 à 4 heures après la prise. La biodisponibilité est proche de 100 %. La liaison aux protéines plasmatiques est faible (< 15 %). La demi-vie plasmatique est de 12-16 heures. Environ la moitié de la dose de LCS est éliminée sous forme inchangée par voie rénale. L’autre moitié est métabolisée au niveau hépatique via une voie dépendante du cytochrome P450 (CYP2C19). Compte tenu de l’importance de l’élimination rénale dans la clearance de la LCS, celle-ci est significativement impactée par le niveau de la fonction rénale. Les concentrations plasmatiques de LCS sont augmentées d’environ 30 % chez les patients insuffisants rénaux modérés et d’environ 60 % chez les sujets insuffisants rénaux sévères. Malgré la participation hépatique à l’élimination de la LCS, aucun ajustement n’est recommandé en cas d’hépatopathie. Aucune interaction médicamenteuse significative n’a été rapportée, en particulier avec les estroprogestatifs. Les concentrations plasmatiques de LCS ne sont pas influencées par l’association avec des antiépileptiques inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques.
La seule indication disposant d’une AMM est le traitement en add-on de l’épilepsie partielle pharmacorésistante chez le sujet de plus de 16 ans à une posologie comprise entre 200 et 400 mg/j [1]. Dans cette indication, la LCS a été évaluée contre placebo au cours de trois essais de phase III [4-6]. Au cours de ces essais, 35 à 49 % des patients sous LCS ont présenté une réduction de la fréquence des crises de plus de 50 %, en comparaison à 23 % sous placebo. Il existait une relation dose-effet, avec une efficacité plus importante pour les doses de 400 et 600 mg/j que pour la dose de 200 mg/j [7]. Comme cela est habituellement observé dans ces essais de phase III contre placebo, une proportion très faible de patients (< 5 %) était libre de crises sous traitement [7]. Les données d’efficacité disponibles ne permettent pas d’évaluer de manière satisfaisante l’efficacité relative de la LCS dans la traitement de l’épilepsie partielle pharmacorésistante par rapport aux autres molécules disponibles [8]. Au cours des phases d’extension en ouvert des essais de phase III, la proportion de patients répondeurs restaient globalement stable, comprise entre 40 et 50 % [3, 9]. De manière intéressante, il a été mis en évidence, au cours de ces essais, qu’il existait une tendance à une moindre efficacité de la LCS en cas d’association à un antiépileptique également inhibiteur des canaux sodiques voltage-dépendants [7].
Autres indications chez l’adulte Il n’existe aucune donnée publiée concernant l’efficacité de la LCS 279
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en monothérapie dans l’épilepsie nouvellement diagnostiquée, les essais dans cette indication étant en cours. Il en est de même de la question de la LCS dans d’autres cadres syndromiques, et en particulier dans l’épilepsie généralisée idiopathique.
Dans l’Epilepsie partielle de l’enfant Aucun essai méthodologiquement satisfaisant n’a évalué cette question. Plusieurs séries de cas ont été rapportées [10], ainsi qu’une étude observationnelle en ouvert [11], suggérant un taux de répondeurs compris en 30 et 50 % dans le traitement en add-on de l’épilepsie partielle pharmacorésistante.
Dans les états de mal épileptiques La disponibilité de la galénique intraveineuse permet d’envisager que la LCS puisse avoir un intérêt dans le traitement des états de mal épileptiques, en particulier dans les situations où les traitements hépatotoxiques seraient à éviter. Plusieurs études rétrospectives ont suggéré un intérêt potentiel en traitement adjuvant dans les états de mal réfractaires [12]. Néanmoins, d’autres études n’ont pas confirmé ces données [13] et, en l’absence d’essai ayant utilisé
une méthodologie adéquate, aucune conclusion ne peut être envisagée.
Tolérance Les données concernant la tolérabilité de la LCS sont principalement issues des essais de phase III. Les deux principales problématiques à souligner sont : • les effets secondaires neurologiques non spécifiques ; • les troubles de conduction cardiaque.
Effets secondaires neurologiques Concernant les effets secondaires neurologiques non spécifiques, il s’agit, comme à l’accoutumée, avant tout de vertiges, diplopie, tremblements, somnolence [7]. La fréquence de ces troubles est proportionnelle à la dose quotidienne et également influencée par la vitesse de titration. La fréquence de survenue des sensations vertigineuses était ainsi supérieure à 50 % chez les patients recevant 600 mg/jour dans les essais de phase III [7].
à 6,6 ms pour les posologies de 200, 400 et 600 mg/j [3]. Cet impact sur la conduction atrio-ventriculaire peut être symptomatique, en particulier chez des patients présentant d’autres facteurs de risque de cardiopathie [14, 15]. Plus rarement, des dysfonctions sinusales ont également été rapportées [16]. Dans ce contexte, la LCS est contre-indiquée chez les patients présentant un bloc atrio-ventriculaire du 2e ou 3e degrés, et la réalisation d’un ECG avant la mise sous traitement est recommandée [1]. De manière importante, il existe une tendance à la majoration de la fréquence des effets secondaires neurologiques non spécifiques lorsque la LCS est associée à d’autres bloqueurs des canaux sodiques [7]. Bien que le risque intuitif existe également pour les troubles de conduction cardiaques, il n’existe pas de donnée pour le confirmer [7]. n
Troubles de conduction cardiaque
Correspondance Dr Sylvain Rheims Service de Neurologie Fonctionnelle et d’Epileptologie, Hospices civils 59, Bd Pinel, 69677 Bron Cedex E-mail : sylvain.rheims@chu-lyon.fr
Concernant les troubles de conduction cardiaque, il a été mis en évidence un allongement dose-dépendant de l’espace PR, de 1,4 ms, 4,4 ms
Conflits d’intérêts Sylvain Rheims a reçu des honoraires en tant qu’orateur de GSK, EISAI et UCB pharma.
Bibliographie 1. European Medicines Agency (2013) Lacosamide (Résumé des caractéristiques du produit). Available: http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/EPAR_-_Product_Information/human/000863/WC500050338. pdf. Accessed 01/06/2013. 2. Fattore C, Perucca E. Novel medications for epilepsy. Drugs 2011 ; 71 : 215178. 3. Sachdeo R. Lacosamide. In : Shorvon S, E Perucca, Engel J, eds. The treatment of Epilepsy. Wiley, 2009 : 527-34. 4. Ben-Menachem E, Biton V, Jatuzis D et al. Efficacy and safety of oral lacosamide as adjunctive therapy in adults with partial-onset seizures. Epilepsia 2007 ; 48 : 1308-17. 5. Chung S, Sperling M, Biton V et al. Lacosamide: Efficacy and safety as oral adjunctive treatment for partial-onset seizures. Neurology 2008 ; 70 : A74-A75. 6. Halasz P, Kalviainen R, Mazurkiewicz-Beldzinska M et al. Adjunctive lacosamide for partial-onset seizures: Efficacy and safety results from a randomized controlled trial. Epilepsia 2009 ; 50 : 443-53. 7. Sake JK, Hebert D, Isojarvi J et al. A pooled analysis of lacosamide clinical trial data grouped by mechanism of action of concomitant antiepileptic drugs. CNS Drugs 2010 ; 24 : 1055-68. 8. Rheims S, Perucca E, Cucherat M, Ryvlin P. Factors determining response to antiepileptic drugs in randomized controlled trials. A systematic review and
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Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Mise au point
L’IRM-TEP hybride Quelles applications en neurologie ? n La neuroimagerie a sans aucun doute révolutionné la pratique de la neurologie. Deux des techniques les plus utilisées sont l’IRM et la TEP. Il était donc souhaitable et logique de les combiner dans une seule machine, tout comme la combinaison d’une machine TEP avec un scanner X (TEP/TDM) avait révolutionné l’oncologie dans les années 2000. Les machines hybrides IRM-TEP ouvrent de toutes nouvelles voies dans la recherche neurologique, mais aussi pour la prise en charge, le diagnostic et le pronostic des maladies neurologiques.
Alexander Hammers*
Introduction et réflexions générales
• L’IRM, basée sur le recueil d’un écho de radiofréquence dans un champ magnétique intense (> 1 T), permet tout d’abord la visualisation de l’anatomie cérébrale grâce à son excellent contraste dans les tissus mous. Des séquences spécialisées comme le FLAIR [1] trouvent leur utilité dans la visualisation d’un grand nombre de pathologies. La microstructure du tissu cérébral, ainsi que les connexions entre différentes régions peuvent être mises en évidence grâce à l’imagerie du tenseur de diffusion (DTI). Des investigations plus fonctionnelles sont aussi possibles : la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire permet d’analyser la composition chimique moléculaire dans des régions cérébrales. Des agents de contraste sont capables de rehausser le signal des tumeurs ou d’étudier la perfusion cérébrale, tout comme le marquage de spin artériel (ASL) qui se pratique sans *Chaire d’Excellence de Neuroimagerie Fonctionnelle, Fondation Neurodis, Lyon.
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Figure 1 - Intérêt et complémentarité d’une imagerie combinée IRM-TEP. Exemple d’une épilepsie focale pharmacorésistante. La TEP FDG seule ne montre pas d’asymétrie nette. L’IRM seule ne montre qu’une gyration inhabituelle (flèche). La superposition des deux examens suite à une co-registration post hoc permet de déceler une zone d’hypométabolisme restreint à un fonds de sillon. La patiente est restée libre de crises pendant trois ans après une résection limitée à ce gyrus. Données mises à disposition par F. Chassoux (SHFJ, CEA, Orsay).
agent de contraste. Finalement, l’imagerie fonctionnelle (IRMf) exploite l’effet de désoxygénation du sang (BOLD) pour démontrer une activation neuronale à l’échelle de quelques millimètres et quelques secondes. Cependant, la sensibilité de l’IRM reste millimolaire, ce qui restreint les substances pouvant être mises en évidence à celles de concentration plus que millimolaire [2].
• La TEP [3] utilise des atomes instables émetteurs de positons incorporés dans des molécules traceuses. Les positons émis s’annihilant avec des électrons libres de la matière donnent naissance à des paires de photons détectables par la caméra TEP. Les isotopes les plus utilisés sont le fluor 18 (18F, demi-vie ~ 2h), notamment dans le fluorodéoxyglucose (FDG) qui permet la visualisation de la consommation de glucose des Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
L’IRM-TEP hybride
tissus, et le carbone 11 (11C, demi-vie ~ 20 min) qui permet en principe de marquer tout molécule organique, par exemple des neurotransmetteurs. Alors que la résolution spatiale de la TEP - quelques millimètres - reste inférieure à celle de la plupart des séquences IRM cliniques, sa sensibilité est meilleure de 6 ordres de grandeur, permettant la visualisation de concentrations nanomolaires de radiotraceur. En conséquence, on peut même imager la disponibilité de récepteurs pour leurs neurotransmetteurs et déduire le rôle d’un neurotransmetteur dans une tâche physiologique [p.ex. : 4], ou un phénomène pathologique [p.ex. : 5]. Comme les deux examens, IRM et TEP, apportent des informations complémentaires, ils sont souvent utilisés de façon conjointe, ce qui améliore d’ailleurs le rendement diagnostique [p.ex. : 6] (Fig. 1). Il était donc souhaitable et logique de les combiner dans une seule machine, tout comme la combinaison d’une machine TEP avec un scanner X (TEP/TDM) avait révolutionné l’oncologie dans les années 2000. En revanche, un composant essentiel d’une machine TEP conventionnelle, les photomultiplicateurs qui amplifient le signal des cristaux scintillateurs, est incompatible avec un champ magnétique intense ; il a donc fallu développer, pour combiner TEP et IRM, des solutions alternatives. Les solutions techniques disponibles sur le marché en automne 2013 sont des machines soit “hybrides”, mais qui ne permettent pas l’acquisition simultanée de données, soit des machines hybrides et simultanées (voir encadré et Fig. 2). Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
• Solutions techniques pour la combinaison IRM et TEP Le champ magnétique fort d’une IRM empêche le bon fonctionnement des photomultiplicateurs (PM), amplificateurs de lumière provenant des cristaux détecteurs de photons dans un imageur TEP. Trois grands types de solutions, toutes basées sur des IRM 3 T, ont été proposées par les trois constructeurs d’IRM-TEP destinées à l’Homme. • Rapprocher deux machines existantes C’est la solution choisie pour la Trimodality de la société GE [7] . Une TEP/TDM de série est installée dans une salle, et une IRM de série dans une salle adjacente ; le patient passe d’une salle à l’autre sur un brancard utilisant le même support de lit. Du fait de la distance, il n’y a pas d’influence d’une machine sur le bon fonctionnement de l’autre. Les machines peuvent travailler indépendamment pour maximiser le nombre de patients imagés, et la correction de l’atténuation, cruciale pour une bonne quantification de la TEP, est assurée par la TDM. Les limites sont que l’imagerie est sérielle et non simultanée, la position du patient peut changer entre les deux examens, et deux salles sont nécessaires. • Lier les deux machines à une distance qui permet leur fonctionnement sans artefacts Cette solution a été adoptée par la société Philips pour sa Ingenuity TF. En pratique, l’IRM se trouve à une extrémité de la salle, et la TEP (sans TDM) à l’autre. L’IRM est blindée de façon que les lignes de champ ne perturbent pas les PM de la TEP. Pour un examen neurologique, on acquiert l’une puis l’autre modalité de façon séquentielle ; le lit une fois sorti pivote, de sorte que le patient entre toujours la tête en premier. Le risque de mouvement entre les deux examens est un peu réduit par rapport à deux machines dans des salles adjacentes. La correction de l’atténuation doit se faire à l’aide de mesures IRM car la TEP ne contient ni TDM, ni source radioactive [8]. L’acquisition ne peut être simultanée, et deux patients ne peuvent pas être simultanément imagés avec l’une ou l’autre des modalités. Une seule grande salle suffit pour l’installation. • Intégrer une TEP dans une IRM Dans une première version, Siemens a créé des inserts TEP (BrainPET) [p.ex. : 9] qui pouvaient être placés dans une IRM 3T, et retirés après usage. Les PM avaient été remplacés par des photodiodes à avalanches (APD) insensibles au champ magnétique. Le diamètre interne ne permettait que des applications neurologiques, mais les performances TEP étaient excellentes. Plus récemment, le Siemens Biograph mMR a été commercialisé. Cette machine intègre une TEP dans le design d’une IRM (Fig. 1) laissant un diamètre utile de 60 cm qui permet des études corps entier. La correction de l’atténuation doit se faire à l’aide de mesures IRM. Les acquisitions IRM et TEP peuvent être simultanées, ouvrant de toutes nouvelles pistes en recherche. L’acquisition simultanée permet, en principe, d’obtenir des données jusqu’à deux fois plus vite si les deux examens spécifiques sont de durée comparable, mais les gains sont moindres dans le cas d’acquisitions de longueur différente.
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Mise au point Contrairement à la situation dans l’imagerie corps entier, le cerveau se comporte essentiellement comme un corps rigide, tant que le crâne reste intact. Des solutions fiables pour la co-registration d’images TEP et IRM ont été disponibles depuis la fin des années 1990 [p.ex. : 10, 11], hormis les problèmes dus aux distorsions spatiales de l’IRM, surtout à partir de 3 tesla. A première vue, on pourrait se demander où réside une plusvalue dans l’imagerie hybride IRM-TEP pour la neurologie (voir section Perspectives ci-dessous), comparé à des solutions existantes : • co-registration après acquisition ; • exploitation des avantages évidents de la multi-modalité, notamment grâce aux systèmes d’archivage d’images (PACS) ; • collaboration plus étroite entre neurologues, radiologues et médecins nucléaires. De plus, il existe de nombreuses situations où les échelles temporelles sembleraient rendre inutile l’imagerie simultanée. Par exemple, la maladie d’Alzheimer a une progression sur environ deux décennies [12] : qu’une imagerie métabolique par TEP avec le [18F]FDG et une imagerie morphologique par IRM soient acquises en simultané ou différées de quelques heures, voire semaines ou mois, paraît peu pertinent.
Perspectives scientifiques Logiquement donc, plus le changement de mesure dans les deux modalités est rapide, plus l’acquisition simultanée a d’intérêt. Est-ce que ces cas existent ? L’exemple le plus évident est celui de l’artéfact de mouvement. 284
Figure 2 - Principe de l’intégration de détecteurs TEP dans une IRM. Vert : parties de l’IRM ; bleu : parties de la TEP. Magnet shielding coil : bobine d’autoblindage ; Primary magnet coil : bobine magnétique primaire ; Gradient coil : bobine de gradients ; PET detector : détecteur TEP ; RF body coil : bobine de radiofréquence corps entier ; Magnet cryostat : cryostat pour l’aimant. Figure modifiée issue de Quick et al. [24], avec permission de l’auteur.
Lors d’acquisitions longues, les sujets bougent dès les premières minutes d’une acquisition, et le déplacement par rapport à la position originale atteint plusieurs millimètres au cours d’une acquisition de 30-60 minutes, qu’il s’agisse de patients ou de sujets sains [13]. Une acquisition IRM-TEP simultanée offre la perspective d’utiliser l’acquisition IRM pour la correction du mouvement [14], correction potentiellement meilleure que des méthodes existantes basées sur une co-registration des frames de la TEP [p.ex. : 15], surtout si la mesure du mouvement par IRM sert à la répartition des frames a posteriori (Fig. 3). Une autre situation dans laquelle les changements dans les deux modalités sont rapides est la libération de neurotransmetteurs.
Un exemple relativement bien étudié est celui de la disponibilité des récepteurs des opiacés en réponse à une crise d’épilepsie. Les changements sont rapides, c’est-à-dire qu’une baisse de la disponibilité, censée traduire une augmentation de la concentration des opiacés dans la fente synaptique, peut être observée en quelques minutes lors d’une crise [16]. Les changements sont aussi bidirectionnels, avec une baisse initiale [17] et une surcompensation après quelques heures [15] (Fig. 4). Jusqu’alors, les changements d’activité neuronale ou de perfusion qui devraient accompagner ces changements de neurotransmission n’ont jamais été observables : l’IRM/TEP simultanée permettra d’étudier ce phénomène. Comme pour tout phénomène survenant de façon soudaine et légèrement différente Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
L’IRM-TEP hybride
Figure 3 - Correction du mouvement à base de mesures d’IRM. A gauche : TEP FDG sans correction pour des mouvements (le sujet avait été instruit de bouger ; les mouvements atteignaient 25 mm) (A) ; correction par recalage de frames (B) et par repositionnement des lignes de réponse (C). A droite : meilleure correction du mouvement induit par ré-échantillonnage si début et fin des frames sont déterminés a posteriori en fonction du mouvement (rouge), plutôt qu’avec une grille de frames fixée a priori (bleu). Figure modifiée de Ullisch et al. [14], avec permission de l’auteur.
à chaque fois - crises d’épilepsie, crises de migraine, apprentissage, réaction émotionnelle - seule l’étude simultanée des différentes mesures permettra d’établir des liens de causalité. La neurotransmission est sans doute l’exemple le plus pertinent de phénomènes rapides, mais on trouve de nombreux autres exemples où l’état du cerveau change sur quelques heures, et où une mesure simultanée ou quasisimultanée sera bénéfique. Cela concerne les systèmes de neurotransmetteurs qui montrent une variation diurne ou en réponse à la prise alimentaire, p. ex. l’adénosine 1 ou la sérononine 2A [18, 19]. D’une façon plus générale, la simultanéité de l’acquisition permet d’utiliser le temps de l’examen le plus long - quasiment toujours la TEP avec 60-90 minutes pour une mesure quantitative pour l’acquisition de données avec l’autre modalité. Concrètement, une fois l’acquisition des Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
séquences IRM “standard” achevée, du temps se trouve disponible pour des mesures additionnelles comme l’IRMf de repos ou la perfusion, pour n’en nommer que deux. La disponibilité de données multimodales avec une bonne correspondance temporelle et spatiale devrait améliorer la valeur diagnostique et pronostique des examens d’imagerie [20]. La simultanéité va aussi faciliter l’étude longitudinale et multimodale dans les modèles précliniques où le nombre d’anesthésies nécessaires pourra être fortement réduit.
neuro-oncologie [p.ex. : 21], autre exemple d’une pathologie où les changements peuvent être rapides et où les modalités sont très complémentaires. La combinaison permet, entre autres, de démontrer l’activation des aires fonctionnelles ou le décours des fibres par tractographie [9].
Perspectives pratiques et cliniques Les machines IRM-TEP faciliteront largement la gestion des rendezvous pour les indications doubles, c’est-à-dire pour les patients qui auront besoin des deux examens.
Comme mentionné dans l’encadré, en principe, une machine simultanée peut aussi diviser par deux le temps nécessaire pour les deux examens ; cependant ce gain maximal ne peut être réalisé que si les examens IRM et TEP sont de la même longueur, ce qui est rarement le cas.
En pratique les premières machines installées ont souvent été utilisées pour des indications doubles en
Les machines simultanées n’ont été disponibles que très peu de temps, et ont été largement utilisées pour
Les doubles indications pourraient également concerner des patients avec un déficit de mémoire ou encore une épilepsie focale pharmacorésistante. Le confort d’un seul examen bénéficiera également aux accompagnateurs des patients.
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Mise au point des études de validation, souvent des simples répétitions d’un examen TEP/TDM oncologique, bénéficiant de la demi-vie d’environ 2 heures de la [18F]FDG et enchaînant un examen IRM-TEP juste après l’examen TEP/TDM [p.ex. : 22]. A ce jour, aucune indication clinique formelle n’existe pour un examen IRM-TEP qui exploiterait la simultanéité de la mesure discutée dans la section précédente. En principe, l’absence de TDM dans les machines IRM-TEP hybrides (voir encadré), la correction de l’atténuation étant réalisée par des mesures IRM, permet de réduire la dose radiologique administrée aux patients. Il faut noter que cet avantage n’est avéré que pour les investigations corps entier où la dose TDM dépasse très largement la dose TEP, mais moindre en neurologie où la TDM est souvent non diagnostique mais juste utilisée pour la mesure de l’atténuation, ne contribuant que ~ 0,2 mSv à la dose totale (~ 2 mSv). Par contre, dans l’état actuel des méthodes, la correction de l’atténuation par IRM est encore moins fiable que les méthodes conventionnelles (voir section Enjeux).
Les enjeux
Un enjeu majeur reste le coût de la machine hybride, supérieur au coût de deux machines autonomes. De plus, pour la neurologie notamment, il s’agira, dans les années à venir, de démontrer une plus-value qui ira au-delà de la co-registration de données disponibles à travers de systèmes PACS. En raison de la complexité technologique, les performances des machines “hybrides” n’atteignent 286
Figure 4 - Neurotransmission après crise d’épilepsie étudiée par TEP comme exemple de phénomènes rapides qui bénéficieront de la simultanéité des mesures IRM et TEP. a : réponse hypothétique des opiacés dans la fente synaptique. Augmentation immédiate, temps de l’augmentation inconnu. b : réponse observable de la disponibilité des récepteurs aux opiacés, mesurée par TEP avec le traceur [11C]diprenorphine. Première zone grise, diminution de la disponibilité pendant la crise [4, 16]. Dernière zone grise, surcompensation en moyenne 10,5 heures après la crise [5]. Zone grise du milieu, absence de changement majeur 4h après une crise. D’après Hammers et al. (en préparation).
pas toujours celles des systèmes séparés de dernière génération. La gestion du flux de patients risque de devenir plus complexe - autant un gain de temps est envisageable lors d’examens simultanés, autant des examens IRM et TEP d’une durée très différente peuvent à l’inverse faire perdre du temps, l’acquisition d’une modalité bloquant l’utilisation de l’autre modalité pour un autre patient (voir encadré).
posent pas de système de correction d’atténuation par mesure de densité du tissu, c’est-à-dire par source radioactive rotative ou via TDM. Les différentes stratégies pour obtenir une correction de l’atténuation - essentielle pour la quantification en neurologie - de façon indirecte par des mesures IRM sont encore insatisfaisantes [p.ex. : 23] et font l’objet de travaux importants en cours.
Aussi, des développements importants restent à mener.
Pour l’économie de la santé, il sera important de maîtriser le coût des examens et éviter les examens inutiles (par exemple une IRM suivie d’une IRM-TEP), et de bien définir les indications. Cette tâche pourra être facilitée par l’opération en mode recherche des premières
En instrumentation, cela concerne notamment les antennes IRM pour machines simultanées. Les machines intégrées (“liées” ou simultanées, voir encadré) ne dis-
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L’IRM-TEP hybride
machines. Il conviendra d’évaluer lors de ces études le bénéfice économique éventuel. Finalement, la disponibilité physique des machines est encore très faible, avec juste quelques douzaines de machines installées au monde. En France, les premières installations seront à Lyon (projet Equipements d’Excellence LILI) et à Orsay.
Conclusions La disponibilité de machines hybrides IRM-TEP, et surtout celle de machines simultanées, ouvre de toutes nouvelles voies dans la recherche neurologique, un confort augmenté pour le patient, et l’es-
poir que dans le futur les données multimodales qui peuvent être acquises améliorent la prise en charge, le diagnostic et le pronostic des patients avec une maladie neurologique. n Remerciements Je voudrais remercier Nicolas Costes (CERMEP, Lyon) pour la relecture attentive du manuscrit. Correspondance Pr Alexander Hammers CERMEP Imagerie du Vivant Hôpital Neurologique Pierre Wertheimer 59, Boulevard Pinel, - 69003 Lyon E-mail : alexander.hammers@ fondation-neurodis.org
Conflits d’intérêts Alexander Hammers est, avec Olivier Bertrand, le coordinateur du projet ”Equipements d’Excellence” ”LILI-Lyon integrated live imaging-MRI-PET”, ainsi que le responsable du workpackage IRM-TEP de l’Institut CESAME (Cerveau et Santé Mentale ; coordinateur François Mauguière), et a donc de fait une vision positive de l’intérêt de l’IRM-TEP pour la neurologie.
Mots-clés : Imagerie, IRM, TEP, IRM-TEP, Simultanéité, Epilepsie, Sciences cognitives, Pathologies neurodégéneratives, Démences, Maladie d’Alzheimer, Troubles du mouvement
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287
Démarche diagnostique
Tableau myopathique Les signes cliniques permettant d’orienter le diagnostic n
Les myopathies sont un groupe hétérogène de maladies génétiques ou acquises pouvant
affecter la structure ou le fonctionnement du muscle. Le diagnostic peut être compliqué par la ressemblance clinique des myopathies à d’autres pathologies de l’unité motrice, par la présence de tableaux cliniques difficilement rapportables à une atteinte musculaire, par la présence de signes et symptômes d’atteinte multi système et par la complexité du diagnostic différentiel entre différents types de myopathies. Malgré le grand nombre de test diagnostiques actuellement disponibles, une histoire clinique détaillée et un examen neurologique approfondi visant à mettre en évidence les signes cliniques évocateurs d’une myopathie spécifique restent les moyens les plus performants permettant d’établir un diagnostic.
Sabrina Sacconi, Pauline Lahaut, Claude Desnuelle*
La démarche diagnostique en trois objectifs Dans l’approche d’un patient avec une suspicion de myopathie, les objectifs seront : 1. d’établir s’il s’agit d’une myopathie ou d’une lésion intéressant la corne antérieure, les nerfs périphériques, la jonction neuromusculaire;
Signes et symptômes évocateurs des myopathies Les principaux signes et symptômes évocateurs d’une atteinte musculaire, ainsi que leur utilité dans la démarche diagnostique, seront décrits ci-après [1, 2].
* Centre de référence des maladies neuromusculaires et SLA, Hôpital Archet 1, NIce
288
2. d’établir s’il s’agit d’une pathologie acquise ou héréditaire, afin de pouvoir mettre en place une thérapie et/ou une prise en charge adaptées, et si nécessaire, fournir un conseil génétique adéquat; 3. d’identifier tous les signes et les symptômes évocateurs d’un diagnostic spécifique et à défaut, ceux qui peuvent orienter le diagnostic vers un panel restreint de pathologies musculaires.
Myalgies et fatigue
examens clinique et paracliniques sont normaux.
Présents dans la grande majorité des myopathies, les myalgies et la fatigue [3] sont des symptômes non spécifiques, pouvant aussi être observés dans un grand nombre d’affections d’origine non musculaire (orthopédique, rhumatologique, psychiatrique...) qui doivent être suspectées quand les
Plus évocatrices d’une atteinte musculaire, les myalgies survenant lors d’un effort plus ou moins prolongé, peuvent représenter la plainte principale des patients atteints d’une myopathie métabolique ou mitochondriale. Elles seront alors fréquemment associées Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Tableau myopathique
à une intolérance à l’effort et à des “urines couleur du Porto”, dues à une myoglobinurie. La myoglobinurie, conséquence d’un relargage massif de myoglobine provenant des muscles nécrosés, doit toujours être recherchée à l’interrogatoire et à l’examen des urines en cas de rhabdomyolyse aiguë, puisqu’elle peut déterminer une insuffisance rénale due à une nécrose tubulaire aigue. Récurrente, elle est fréquemment associée à une maladie métabolique du muscle ou une maladie mitochondriale ; isolée, elle peut être liée à un traumatisme ou à un effort disproportionné lors d’un entrainement musculaire. D’autre part, face à des myalgies intenses apparues de manière aiguë ou subaiguë éventuellement associées à un œdème musculaire, à une faiblesse musculaire ou à une augmentation plus ou moins marquée des CPK, il faut évoquer en priorité des causes inflammatoires (myosites), toxiques et virales. Plus rarement, la cause sera liée à des myopathies endocriniennes - telles que celles associées à l’hypothyroïdisme -, ou génétiques - telles que la dystrophie musculaire facioscapulo-humérale (DMFSH) ou la dystrophie myotonique de type 1 [4].
Les crampes Les crampes [3] sont dues à une contraction douloureuse non volontaire du muscle au repos pouvant durer de quelques secondes à quelques minutes et elles sont localisées fréquemment au niveau des muscles les plus sollicités. Elles ne représentent pas forcement une conséquence d’une atteinte musculaire et d’autres causes doivent être recherchées. Une déshydratation, des troubles ioniques, des causes endocriniennes Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
(hypothyroïdisme, insuffisance surrénalienne), une atteinte hépatique ou rénale, mais aussi des neuropathies périphériques, des radiculopathies peuvent se manifester initialement par des crampes. Elles sont fréquentes aussi dans un contexte de grossesse, d’entrainement musculaire excessif ou inhabituel, et on les retrouve aussi dans le syndrome bénin des crampes et fasciculations.
Les contractures musculaires Cliniquement différentes des crampes, les contractures musculaires peuvent persister durant des heures. Elles peuvent être provoquées par l’exercice - dans ce cas on évoquera des défauts des enzymes de la glycolyse et de la glycogénose, survenir lors d’un exercice répété ou prolongé et être aggravées par le froid - on évoquera alors une paramyotonie congénitale ou plus rarement un syndrome de Brody - ou apparaître à la percussion (rippling musculaire, associé à des mutations du gène de la cavéoline).
La myotonie Plus caractéristique, la myotonie [5] est un phénomène dû à un défaut de relaxation musculaire après une contraction volontaire prolongée. Elle concerne plus volontiers mais non exclusivement, les mains et les paupières. A la différence de la paramyotonie, elle disparaît à l’exercice répété. En absence de signes d’atteinte multi-système, on s’orientera plutôt vers les myotonies congénitales transmises de manière dominante ou récessive, liées à des mutations dans le gène CNCL1. La présence additionnelle de cataracte, d’une atteinte respiratoire ou
cardiaque et d’une faiblesse musculaire sera évocatrice plutôt d’une dystrophie myotonique. La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) sera suspectée si la faiblesse musculaire est à prédominance distale et l’hérédité est dominante s’aggravant au fils des générations (“anticipation”), tandis que nous évoquerons une dystrophie myotonique de type 2 (DM2) en cas de faiblesse musculaire proximale et d’âge de début tardif. Les patients DM2 peuvent présenter une importante pseudo-hypertrophie des mollets qui totalement absente chez les patients DM1 [6].
La pseudo-hypertrophie musculaire La pseudo-hypertrophie musculaire [7] est due à une augmentation de volume du muscle en conséquence d’une infiltration fibro-adipeuse qui suit la disparition progressive des fibres musculaires. Classiquement décrite au niveau des muscles des mollets et de la langue chez les patients atteints de dystrophinopathies de Duchenne (DMD) ou Becker, la pseudo-hypertrophie musculaire peut aussi être retrouvée chez des patients présentant des myopathies des ceintures (mutations dans les gènes codant pour la cavéoline, α et β sarcoglycanes, FKRP, fukutine, POMT2). En cas de pseudo-hypertrophie musculaire focale, il faut aussi considérer la possibilité d’une maladie systémique telle que l’amyloïdose, les myosites focales, une infection ou un néoplasme, sans oublier qu’une pseudo-hypertrophie asymétrique des mollets est fréquemment retrouvée en cas de radiculopathie lombaire chronique. Les examens de laboratoire, 289
Démarche diagnostique
l’électromyogramme (EMG) et l’imagerie musculaire seront d’un apport indispensable afin de dépister ces éventualités et mettre en place une thérapie adaptée. Par ailleurs, une hypertrophie musculaire généralisée, conséquence d’une hyperexcitabilité de la fibre musculaire, chez des patients présentant une myotonie clinique doit immédiatement évoquer une myotonie congénitale.
Les tableaux caractéristiques d’atteinte musculaire La faiblesse musculaire Elle représente certainement le symptôme le plus fréquemment rapporté par les patients avec suspicion de myopathie. Dans certains cas, le tableau d’atteinte musculaire est si spécifique que le clinicien pourra facilement évoquer le diagnostic. Ainsi, le diagnostic de DMSFH sera immédiatement évoqué devant une atteinte asymétrique des muscles du visage décrite comme une impossibilité à fermer les yeux ou à siffler, un décollement asymétrique des omoplates et à un déficit touchant les muscles huméraux, abdominaux et les jambiers antérieurs. Devant un tableau de DMSFH typique, en l’absence de l’anomalie génétique habituellement retrouvée dans la DMFSH1 (contraction d’unités répétées D4Z4 sur le chromosome 4), il faut savoir évoquer la forme de type 2, décrite très récemment, cliniquement identique à la forme de type 1 [8, 9]. Chez les patients atteints de DM1, l’aspect typique du visage associant un ptôsis bilatéral, une atrophie des muscles temporaux et masséters, 290
une calvitie ou, dans les sujets plus jeunes, une bouche “en forme de tente” seront évocateurs du diagnostic, surtout dans les cas où il sera posé tardivement et la myotonie sera indétectable à cause de la faiblesse musculaire distale empêchant la contraction.
types de myopathies et notamment des myopathies mitochondriales, la DM1 et la DM2, la DMD, la dermatomyosite et la myosite à inclusion. Le diagnostic différentiel inclura principalement la sclérose latérale amyotrophique, la myasthénie, et les atteintes du système nerveux central (SNC).
Le ptôsis Un ptôsis sans ophtalmoplégie [10] survenant chez un sujet âgé associé à des troubles de la déglutition et à une myopathie à prédominance distale nous évoquera en premier lieu une dystrophie musculaire oculopharyngée. Nous rechercherons la notion de transmission dominante dans la famille et une mutation dans le gène PAPBN1. Aucune biopsie musculaire ne sera demandée.
La perte de poids et de fréquentes surinfections pulmonaires représentent des critères de gravité qui ne doivent pas être négligés dans la prise en charge. Dans certains cas, les troubles de la déglutition peuvent être associés à des troubles de l’articulation dus à une pseudohypertrophie de la langue (DMD, maladie de Pompe…), ou à une dysmorphie du palais (DM1).
D’autre part, l’association de ptôsis et ophtalmoplégie chronique progressive nous évoquera en premier lieu une myopathie mitochondriale et la biopsie musculaire sera alors nécessaire pour confirmer l’hypothèse diagnostic.
L’atteinte des muscles axiaux
Un ptôsis isolé, généralement bilatéral, peut être aussi retrouvé dans des myopathies congénitales, des myopathies myofibrillaires, ou des glycogénoses (maladie de Pompe [11]) avec une signification diagnostique moins évidente. La présence d’un ptôsis unilatéral associé à un œdème périorbitaire, à une douleur rétro-orbitaire et à une diplopie doit orienter plutôt vers une pathologie inflammatoire des muscles extrinsèques oculaires (myosite orbitaire).
Les troubles de déglutition Les troubles de déglutition présents chez les patients atteints de myopathie sont liés à une faiblesse des muscles oro-pharyngés et peuvent se retrouver à l’interrogatoire ou à l’examen clinique dans plusieurs
L’atteinte des muscles axiaux (12) doit être recherchée de manière systématique dans le bilan musculaire puisqu’elle peut se présenter très précocement dans certaines myopathies (dermatomyosite, myosite à inclusion, polymyosite, maladie de Pompe) et/ou contribuer à aggraver le tableau clinique et les troubles de la marche (DMFSH, DM1, DM2, myopathie à bâtonnets, myopathies de ceintures). Chez le sujet âgé, l’atteinte musculaire axiale peut être idiopathique, associée à différents tableaux cliniques (“tête tombante”, camptocormie). Dans le diagnostic différentiel, il faut exclure les atteintes du SNC (maladie de Parkinson, sclérose latérale amyotrophique). Le diagnostic différentiel n’est pas simple chez les patients développant une atteinte des muscles distaux [13], des membres inférieurs et/ou Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Tableau myopathique
Tableau 1 - Diagnostic selon l’atteinte des membres inférieurs dans les myopathies distales héréditaires. 1. Faiblesse prédominante dans les muscles de la loge antérieure des jambes Myopathies myofibrillaires autosomiques dominantes Mutations dans les gènes : • Myotiline (MYOT) • ZASP • Filamine C (FLNC) Myopathies distales de Miyoshi, autosomiques récessives Mutations dans les gènes : • Dysferline (DYSF) • Anoctamine (ANO5) Myopathie centronucléaire autosomique dominante Mutations dans le gène : • Dynamine (DNM2)
2. Faiblesse prédominante dans les muscles de la loge postérieure des jambes Autosomiques dominantes Mutations dans les gènes : • Chaîne Lourde de la Myosine 7 (MYH7) • Titine • Matrine 3 (MATR3) • VCP Autosomiques récessives Mutations dans les gènes : • GNE • Nebuline (NEB)
3. Prédominante dans les muscles de la loge postérolatérale des jambes Myopathies myofibrillaires autosomiques dominantes Mutations dans les gènes : • Desmine (DES) • αB crystalline (CRYAB)
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supérieurs, pouvant être associée à des pieds creux, à des déformations des mains qui évoqueront plutôt une neuropathie périphérique héréditaire. D’autre part, face à une atteinte distale asymétrique et une atrophie musculaire prédominante au niveau des membres supérieurs, une atteinte du motoneurone pourrait être évoquée à tort. Si l’EMG est dans la plupart des cas un examen très utile afin de préciser le diagnostic de myopathie, la biopsie musculaire permettra de le confirmer et d’orienter le choix des examens génétiques. Il ne faut pas oublier qu’un certain nombre de myopathies et de dystrophies musculaires peuvent présenter un début distal qui peut induire en erreur (DMSFH, DM1, myopathies mitochondriales...). Chez des patients présentant une atteinte musculaire purement distale, l’histoire clinique (début précoce, tardif, transmission dominante, récessive ou liée à l’X), la distribution de l’atteinte musculaire (Tab. 1) et la présence ou l’absence d’une atteinte multi-système pourront évoquer des diagnostics spécifiques.
Les rétractions articulaires Elles peuvent survenir à des stades avancés d’atrophie et de faiblesse musculaire, suite à la non mobilisation de l’articulation, ou se présenter très précocement dans le tableau clinique. Une apparition des rétractions à la naissance ou à un âge très précoce, une scoliose et une atteinte respiratoire associée évoqueront plutôt une dystrophie musculaire congénitale. L’association contractures/hyperlaxité et/ou une atteinte dermatologique (hyperkératose pilaire, chéloïdes, cicatrices atrophiques) seront plutôt en faveur d’une
collagénopathie. L’association des rétractions à une atteinte cardiaque évoquera alors une dystrophie d’Emery Dreyfuss [14].
L’atteinte cardiaque, respiratoire et multisystémique L’atteinte cardiaque L’association atteinte cardiaque et myopathie est assez fréquente et doit être dépistée dans tous les cas où le diagnostic n’est pas défini car elle peut mettre en jeu le pronostic vital (Tab. 2). Un suivi rapproché est conseillé chez tous les patients à risque et un dialogue constant avec les correspondants cardiologues doit être instauré afin d’adapter la batterie d’examens cardiaques au diagnostic et d’assurer une prise en charge correcte. Dans certains cas, définir le type d’atteinte cardiaque peut aussi avoir une utilité sur le plan de la démarche diagnostique [15-17].
L’atteinte respiratoire L’atteinte respiratoire (Tab. 3) doit aussi être systématiquement dépistée chez des patients ayant une myopathie non définie sur le plan diagnostique. Dans la grande majorité des myopathies héréditaires, il s’agit d’un syndrome respiratoire restrictif [18], résultat d’une atteinte des muscles respiratoires, qui peut être aggravée par une atteinte des muscles abdominaux, une déformation de la cage thoracique - due par exemple à une scoliose - ou une atteinte du SNC. Un syndrome des apnées obstructives du sommeil est aussi fréquemment retrouvé dans la population des myopathes que dans la population générale [19]. 291
Démarche diagnostique
Tableau 2 - Principales étiologies des cardiopathies pouvant être associées à des myopathies. 1. Cardiopathies restrictives • Sclérodermie • Sarcoïdose • Amyloïdoses héréditaires et acquise • Glycogénoses 2. Cardiopathies hypertrophiques • Myopathies à myosine (MYH7, MYL3) • Myopathies myofibrillaires (FHL1) • Myopathies mitochondriales • Glycogénoses (maladie de Pompe, maladie de Danon) 3. Cardiopathies dilatées • Dystrophinopathies • Myopathies des ceintures (FKRP, α sarcoglycanopathies) • Myopathies Myofibrillaires (DES) • Myopathies congénitales (“à bâtonnets”) • Laminopathies et émerinopathies • Syndrome de Barth • Myopathies mitochondriales • Déficience primaire en carnitine 4. Troubles du rythme et de la conduction • Dystrophie myotonique de types I et II • Laminopathies et emerinopathies • Myopathies mitochondriales • Glycogénoses • Myopathies myofibrillaires (DES) • Myosites avec anticorps anti-SRP
Des pneumopathies d’inhalation peuvent s’observer en association à des troubles de la déglutition, tandis que la présence d’une fibrose pulmonaire doit orienter le diagnostic vers des tableaux de myosites en général assez graves (myosite avec anticorps anti-ARNt synthétase surtout les anti-JO1 et les anti-OJ 292
Tableau 3 - Myopathies héréditaires qui peuvent se présenter avec une atteinte respiratoire inaugurale ou prédominante. 1. Dystrophies myotoniques de type 1 et de type 2 2. Dystrophinopathies de Duchenne et Becker 3. Dystrophie des ceintures • LGMD 2A (CAPN3) • LGMD 2I (FKRP) 4. Glycogénoses • Maladie de Pompe • Glycogénose de type III 5. Myopathies congénitales • Myopathies à central core, minicore, multiminicore • Myopathies centronucléaires • Myopathie à bâtonnets • Titinopathies 6. Dystrophie musculaire congénitale de Ullrich • Collagènopathie (COL6A) 7. Myopathies myofibrillaires • Desminopathies • αB crystallinopathies 8. Myopathies mitochondriales
- ou anti-SRP), qui représentent une urgence diagnostique et thérapeutique [20].
aussi du cœur, de la rétine ou du nerf optique, ou encore, plus rarement, une atteinte rénale, du système gastro-intestinal, endocrinien [21]. Néanmoins, il ne faut pas oublier que d’autres dystrophies musculaires peuvent présenter des tableaux composites avec une atteinte du SNC et d’autres organes, telles que la DM1 et DM2, mais aussi les dystrophies musculaires congénitales.
Conclusions Dans la démarche diagnostique des myopathies, le rôle de la clinique reste d’importance fondamentale. Les examens paracliniques - incluant dosage des CPK, EMG, biopsie musculaire et éventuellement des études génétiques - jouent un rôle de confirmation du diagnostic clinique et ne doivent pas être demandés en l’absence de toute hypothèse. Le risque d’une telle conduite est, d’une part, de proposer au patient une série d’examens inutiles, coûteux, parfois douloureux, et, d’autre part, de se disperser dans l’interprétation d’anomalies non spécifiques sans parvenir à aucune conclusion. n Correspondance Dr Sabrina Sacconi Hôpital Archet 1 151 route de Saint Antoine de Ginestière BP 3079 - 06202 Nice E-mail : sacconi.s@chu-nice.fr sacconi@unice.fr
L’atteinte multisystémique Elle doit évoquer en première instance des causes acquises auto-immunes ou infectieuses et, deuxièmement, des pathologies mitochondriales qui peuvent associer une faiblesse musculaire, une atteinte du SNC, du SNP, mais
Mots-clés : Myalgies, Crampes, Contractures, Myotonie, Pseudo-hypertrophie, Rétractions, Atrophie, Faiblesse, Fatigue, Atteinte respiratoire, Atteinte cardiaque
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Tableau myopathique
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10. Pénisson-Besnier I, Lamirel C. Ocular disturbances in neuromuscular disorders. Rev Neurol Paris : 2008 ; 164 : 902-11. 11. Ravaglia S, Bini P, Garaghani KS et al. Ptosis in Pompe disease: common genetic background in infantile and adult series. J Neuroophthalmol 2010 ; 30 : 389-90. 12. Finsterer J, Strobl W. Causes of camptocormia. Disabil Rehabil 2011 ; 33 : 1702-03. 13. Udd B. Distal myopathies--new genetic entities expand diagnostic challenge. Neuromuscul Disord 2012 ; 22 : 5-12. 14. Puckelwartz M, McNally EM. Emery-Dreifuss muscular dystrophy. Handb Clin Neurol 2011 ; 101 : 155-66. 15. Yilmaz A, Sechtem U. Cardiac involvement in muscular dystrophy: advances in diagnosis and therapy.Heart 2012 ; 98 : 420-29. 16. Petri H, Vissing J, Witting N et al. Cardiac manifestations of myotonic dystrophy type 1. Int J Cardiol 2012 ; 160 : 82-8. 17. Finsterer J, Ramaciotti C, Wang CH et al. Cardiac findings in congenital muscular dystrophies. Pediatrics 2010 ; 126 : 538-45. 18. Kuru S. Respiratory management in muscular dystrophies. Brain Nerve 2011 ; 63 : 1229-36. 19. Gea J, Casadevall C, Pascual S et al. Respiratory diseases and muscle dysfunction. Expert Rev Respir Med 2012 ; 6 :75-90. 20. Kalluri M, Oddis CV. Pulmonary manifestations of the idiopathic inflammatory myopathies. Clin Chest Med 2010 ; 31 : 501-12. 21. Schapira AH. Mitochondrial diseases. Lancet 2012 ; 379 : 1825-34.
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15es RENCONTRES DE NEUROLOGIES
retour de Congrès
International Headache Congress Boston, 27-30 juin 2013 Christian Lucas*, Anne Donnet** et Dominique Valade***
Introduction L’International Headache Congress (IHC) dévolu aux céphalées a lieu tous les 2 ans, et s’est tenu cette année à Boston. Cette ville avait été le siège d’événements tragiques quelques semaines plus tôt. C’est dans une atmosphère très pacifiée et aux accents de Boston strong que se sont réunis les ”céphalologues” du monde entier… Nous avons choisi, parmi de très nombreuses communications, de retenir les plus marquantes et de faire un petit flash sur l’entité migraine chronique. Bonne lecture !
Prodromes migraineux et IRM Peu de travaux cliniques sont consacrés aux prodromes de la crise de migraine, et les travaux en imagerie des dernières années avaient fait émerger deux générateurs potentiels : le tronc cérébral et l’hypothalamus. Maniyar et al. [1] ont sélectionné des patients qui présentaient une migraine épisodique et qui avaient des prodromes systématiques : sur les 142 patients recrutés, 25 ont été inclus dans cette étude et ont eu une injection de nitroglycérine, laquelle a entraîné une céphalée chez 16 patients, et des prodromes chez 11. L’imagerie a été réalisée au stade de prodrome, de la céphalée et en dehors de tout épisode *Service de Neurologie et Pathologie neurovasculaire, Hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille **Pôle de Neurosciences cliniques, Hôpital la Timone, Marseille ***Centre Urgences céphalées, Hôpital Lariboisière, Paris
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migraineux. Les patients étaient interrogés toutes les 10 minutes sur leurs symptômes après l’injection. L’imagerie démontre, au stade des prodromes, une hyperactivation de l’hypothalamus, du tegmentum, de la substance grise périaqueducale et de la partie dorsale du pont du côté droit. Cette étude a également démontré que, chez des patients présentant des nausées ou une photophobie au stade des prodromes, et en l’absence de toute céphalée, il existait respectivement une activation du tronc cérébral et des régions occipitales, démontrant ainsi l’existence d’une activation des zones cérébrales en dehors de toute douleur et de toute activation trigéminale. Ce très beau travail de l’équipe de Peter Goadsby a été récompensé par le Harold G. Wolff Award. Cette étude apporte la
confirmation du rôle majeur de l’hypothalamus au stade des prodromes (bâillement, soif, besoins mictionnels, changement de l’humeur…). Elle devra être confirmée par un enregistrement de crises de migraine spontanées.
Anticorps monoclonaux antiCGRP : nouvelle approche dans le traitement de fond de la migraine ? Beaucoup de communications [2] ont été consacrées à une nouvelle approche pharmacologique du traitement de fond de la migraine, à savoir les anticorps monoclonaux ciblant le CGRP (LY 2951742). En effet, ce neuropeptide, bien connu des migrainologues, joue un rôle clé dans la physiopathologie de Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
International Headache Congress (IHC)
la migraine. Des études de phase I viennent d’être menées chez l’Homme avec injection sous-cutanée de différentes doses de LY versus placebo, soit en administration unique, soit en 4 administrations espacées de 15 jours. Ces études ont permis de montrer le bon profil de tolérance et d’établir les propriétés pharmacocinétiques de LY. Des études de phase II sont déjà programmées avec cette molécule pour avoir une idée du profil d’efficacité. Une injection mensuelle en SC est prévue. On voit donc poindre l’immunologie dans le traitement de fond de la migraine et avec une voie d’administration inusuelle (mais qui permet de vérifier et de simplifier l’observance). Reste à savoir s’il n’y aura pas de problème de tolérance en administrations répétées au long cours…
Antécédents de migraine : des infarctus cérébraux plus étendus… L’équipe d’Ayata [3], connue mondialement pour ces travaux sur la dépression corticale envahissante, a réalisé une étude rétrospective en IRM de diffusion-perfusion chez des patients consécutivement inclus entre 2003 et 2012 pour infarctus cérébral au Massachusetts Hospital. Les antécédents de migraine avaient été relevés. Les patients migraineux (n = 155) ayant eu un infarctus cérébral étaient plus jeunes, plus souvent des femmes, avec moins de maladie coronaire ou de diabète et avec plus souvent des accidents vertébro-basilaires. Les migraineux avaient moins de mismatch en IRM (différence IRM de diffusion-perfusion) voire pas de mismatch, indiquant que le défect de perfusion était infarci très précocement chez les migraineux. Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Cette étude rétrospective mérite confirmation lors d’une étude castémoin prospective. Elle suggère une fenêtre thérapeutique plus courte chez le migraineux lors d’une ischémie cérébrale, du fait de la précipitation plus rapide de la zone d’ischémie-pénombre vers la nécrose liée au phénomène de dépression neuronale envahissante facilité chez le migraineux. Des études expérimentales animales ont récemment confirmé ce fait.
Traitements de fond : infarctus cérébraux moins graves… au moins chez la souris Des modèles de souris mutées génétiquement sont disponibles. Ces animaux sont susceptibles de développer beaucoup plus facilement des phénomènes de dépression corticale envahissante (DCE) et ont des infarctus cérébraux plus graves et plus étendus (Circulation 2012 ; 125 : 803-12). L’équipe d’Ayata [4] a traité, préalablement à l’infarctus expérimental (occlusion de la carotide interne par un fil de nylon) pendant 6 semaines, des souris mutées (C57BL6/J) par du topiramate, de la lamotrigine ou du placebo, et ont ensuite mesuré la susceptibilité à la DCE et le volume de l’infarctus à 24h. L’imprégnation par topiramate ou lamotrigine supprime la plus grande susceptibilité à la DCE des souris mutées, diminue la taille de l’infarctus cérébral et améliore le pronostic fonctionnel des animaux. Ces résultats expérimentaux laissent supposer que les traitements de fond de la migraine de type antiépileptique peuvent avoir un effet neuroprotecteur lors d’une ischémie cérébrale du fait d’une moindre susceptibilité à la DCE. Si ces résultats pouvaient être démontrés chez l’Homme, les retombées seraient très conséquentes
pour le risque vasculaire lié à la migraine.
Infarctus silencieux de la fosse postérieure : non liés à la fréquence des crises Nos collègues espagnols de l’équipe de Julio Pascual [5] rapportent un travail intéressant sur l’infarctus silencieux en IRM et la fréquence des crises. En effet, l’étude néerlandaise Caméra et l’étude islandaise de Sher suggéraient que la prévalence des infarctus silencieux cérébraux soit plus élevée chez les patientes ayant des crises, notamment avec aura, à haute fréquence. Ils ont donc réalisé une étude IRM, mais chez 87 migraineuses chroniques (et non épisodiques comme dans les études précédentes). Ils n’ont trouvé des infarctus silencieux de fosse postérieure que chez 3 patientes (dont 1 fumeuse et 2 ayant un shunt droit-gauche). La prévalence des lésions d’allure ischémique de fosse postérieure (car en réalité on ne sait pas trop à quoi elles correspondent) est donc très faible dans cette population de migraineuses chroniques. On rappelle que, dans l’étude Caméra 2, le nombre “d’infarctus” augmentait avec le temps (avec 2 IRM sur 10 ans), mais sans aucune traduction clinique ou neuropsychologique.
Traitement de la crise migraineuse aux urgences Frieman et al. [6] ont comparé l’efficacité et la tolérance d’injections IV de 1 g de valproate, de 10 mg de métoclopramide et de 30 mg kétorolac (qui est un AINS), chez des patients se présentant en urgence pour une crise de migraine dans une étude randomisée en double aveugle. 297
retour de Congrès
Le critère principal était le score à une heure de l’effet sur la douleur mesurée par une EVA de 0 à 10. Les critères secondaires incluaient un recours à un médicament de secours, le soulagement au long cours (24 heures) sans médicament de secours et la satisfaction du patient. 320 patients ont été inclus. Pour le critère principal, l’amélioration était de 2,8 points pour le valproate, 3,9 points pour le kétorolac et 4,7 pour le métoclopramide. Pour les critères secondaires, 69 % des patients sous valproate ont nécessité un traitement de secours contre 52 % pour le kétorolac et 33 % pour le métoclopramide. 4 % des patients sous valproate ont eu un soulagement durable durant 24 heures contre 16 % pour le kétorolac et 11 % pour le métoclopramide. Enfin, 26 % du groupe valproate, 40 % du groupe kétorolac et 61 % du groupe métoclopramide acceptèrent le principe de bénéficier à nouveau du même traitement si besoin. En conclusion, le valproate IV est cliniquement et statistiquement moins efficace que le kétorolac ou le métoclopramide pour le traitement de la crise migraineuse aux urgences.
Contre-indications aux triptans en population générale américaine Les triptans sont devenus le traitement de crise à plus haut niveau de preuves. Ils sont contre-indiqués dans les affections vasculaires. Buse et al. [7] ont donné, en session plénière, les résultats de la vaste étude AMPP (American Migraine Prevalence and Prevention) en population générale américaine (n = 11 799) sur les patients migraineux épisodiques (n = 6 723) ayant une contre-indication théorique aux 298
triptans. Des antécédents avérés de maladie vasculaire ou de procédures vasculaires ont été notés chez 11,1 % des patients de moins de 40 ans, 18,7 % dans la tranche d’âge 40-59 ans et 33,6 % chez les plus de 60 ans ; ce qui représente en projection 4,7 millions d’Américains migraineux ayant une contre-indication aux triptans. Cette étude a le mérite, à l’heure du vieillissement de la population occidentale, de rappeler qu’un tiers des migraineux de plus de 60 ans a des contre-indications aux triptans. Le développement d’autres traitements de crise non vasoconstricteurs (gépans, agonistes 5 HT1D) n’est donc pas inutile…
Migraine épisodique à haute fréquencemigraine chronique : quelles différences ? L’équipe de Richard Lipton [8], dans le cadre de l’étude AMPP, s’est intéressée à la zone frontière entre migraine à haute fréquence définie par un nombre de jours de céphalée entre 10-14 jours par mois et la migraine chronique (> 15 jours/ mois). Parmi la cohorte de 18 500 patients inclus dans cette étude, 10 609 avaient une migraine à basse fréquence (0-9 jours/mois), 640 une migraine à haute fréquence, et 655 une migraine chronique. Les patients ayant une migraine à haute fréquence avaient un profil socio-économique, ainsi qu’un impact professionnel et social identiques à ceux ayant une migraine chronique. Par ailleurs, il est reconnu que la migraine chronique est associée à une comorbidité psychiatrique et à des syndromes douloureux chroniques. Cette comorbidité psychiatrique est également retrouvée au cours de la migraine à haute fréquence, mais l’association
à un syndrome douloureux chronique n’est retrouvée que chez les patients souffrant d’une migraine chronique. Les patients migraineux ayant une haute fréquence de crises et les migraineux chroniques partagent une association avec des pathologies cardiovasculaires (AVC, angine de poitrine, HTA) et respiratoires (allergie, asthme, bronchite chronique). Il existe donc un profil clinique très similaire entre migraine à haute fréquence et migraine chronique faisant suspecter une prédisposition biologique à l’origine de deux génotypes différents. Enfin, cette même équipe s’est intéressée à la nausée, et leur étude fait apparaître qu’au-delà d’un marqueur de sévérité de la maladie migraineuse, la nausée pourrait être un marqueur de chronicisation de la migraine, alors que d’autres éléments cliniques, tels que la phonophobie ou la photophobie, ne ressortent pas de manière significative.
Mieux traiter la crise permet-il de limiter les risques de chronicisation ? L’équipe de Richard Lipton [9] a fait l’hypothèse que, chez des patients dont les crises sont traitées de manière non satisfaisante, le risque d’évolution vers une migraine chronique était plus important. Ils ont donc interrogé, dans le cadre de l’étude AMPP, 4 625 patients présentant une migraine épisodique, qui ont répondu à 4 questions concernant l’efficacité de leurs traitements de crise. En fonction du résultat à ce questionnaire, la réponse au traitement de crise était jugée très mauvaise, mauvaise, partielle ou optimale. Ces mêmes patients ont été réévalués à 1 an pour juger de l’évolution de leur migraine. Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
International Headache Congress (IHC)
Pour les patients ayant un traitement de crise évalué très mauvais, le risque de progression vers une forme chronique est de 8,1 %, alors qu’il est de 2,5 % si le traitement de crise est jugé optimal. On rappelle que le risque de transformation de migraine épisodique en migraine chronique est de 2 à 3 % par an. Avoir un traitement de la crise peu efficace majore ce risque de plus de 3 fois. Une idée originale à vérifier, qui devrait nous conduire à optimiser le traitement de crise de nos patients.
Surconsommation de triptans en population générale française Nos collègues de la région PACA et de Corse [9] ont réalisé une étude sur 5,3 millions de personnes (8 % de la population française) avec la Caisse d’Assurance maladie sur les surconsommateurs de triptans dans ces régions, sur 18 mois. Les triptans ont été consommés par 1,8 % de la population. Parmi eux, relativement peu (2,4 % des consommateurs de triptans) étaient surconsommateurs. Ces derniers représentaient un quart de la consommation totale de triptans. Cette étude est la première en France établissant la prévalence de surconsommateurs de triptans avec un chiffre peu élevé (0,04 % de la population générale). Cependant ces patients consomment un quart des triptans…
Toxine botulique et migraine chronique : une efficacité prolongée? La toxine botulique de type A (Botox®) a une autorisation de mise sur le marché dans quasiment Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161
Flash sur la migraine chronique La troisième classification de l’IHS, publiée très récemment dans sa forme bêta, a individualisé la migraine chronique comme une entité à part dans le chapitre Migraine au sein des céphalées primaires. Il s’agit, d’après Jes Olesen qui présentait la nouvelle classification en séance plénière, de la modification la plus remarquable de cette nouvelle classification. C’est ainsi la reconnaissance d’une entité largement débattue et controversée au cours des dernières années, qui jusqu’à maintenant était considérée comme une complication de la migraine. La migraine chronique correspond donc à la définition suivante : A. céphalées de type migraineux ou de tension ≥ 15 j/mois depuis plus de 3 mois avec les critères B et C ; B. survenue chez un patient ayant eu au moins 5 crises avec les critères B-D de migraine sans aura ou les critères B-C de migraine avec aura ; C. ayant au moins 8 jours/mois depuis plus de 3 mois les critères suivants : 1. critères C et D pour la migraine sans aura, 2. critères B et C pour la migraine avec aura, 3. traité efficacement pour une crise supposée migraineuse par le patient par un triptan ou un dérivé de l’ergot ; D. n’entrant pas dans un autre cadre nosologique de l’IHCD.
tous les pays développés - hormis la France, la Suisse et la Norvège dans l’indication « migraine chronique sans ou avec abus en antalgiques ». Cette AMM a été obtenue après les études PREEMPT, avec un suivi de 6 mois. Les auteurs [10] ont voulu savoir si l’efficacité se maintenait sur une période prolongée en réalisant une étude sur le maintien de la réduction du handicap dû à la migraine sur une période de 24 mois, dans un centre tertiaire de consultation céphalées. Les patients présentaient tous une MC et avaient été traités par la toxine botulique de type A sur 8 périodes consécutives, à 12 ou 13 semaines d’intervalle chacune. Ils avaient été injectés selon le protocole PREEMPT, et les scores MIDAS avaient été passés à chaque traitement et comparés aux scores avant traitement. Dès le premier traitement de toxine botulique de type A, la moyenne du score MIDAS (qui reflète la gravité
du handicap) était passée de 65 à 39. Après 2 ans de traitement, la moyenne du score MIDAS était descendue à 23. Cette étude suggère que les effets de la toxine botulique de type A sur le handicap lié à la MC se maintiennent, voire s’améliorent si l’on continue régulièrement le traitement à intervalles réguliers de 12 à 13 semaines. n Correspondance : Dr Christian LUCAS Service de Neurologie et Pathologie neurovasculaire Hôpital Roger Salengro CHRU de Lille - 59037 Lille Cedex E-mail : clucas@chru-lille.fr
Mots-clés : Migraine, Migraine chronique, Migraine épisodique à haute fréquence, Prodromes, Infarctus cérébral, Imagerie, Anticorps monoclonaux anti-CGRP, Urgences, Triptans, Toxine botulique
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retour de Congrès Bibliographie 1. Maniyar FH. Investigating the premonitory phase of migraine with H215O PET. International Headache Congress (IHC), Boston, 27-30 juin 2013 : ORWA. 2. de Hoon J, Montieth D, Vermeersch S et al. Safety, pharmacokinetics, and pharmacodynamics of LY2951742: a monoclonal antibody targeting CGRP. International Headache Congress (IHC), Boston, 27-30 juin 2013 : P367. 3. Eikermann-Haerter K, Park KY, Helenius J et al. A history of migraine accelerates infarct growth in stroke patients. International Headache Congress (IHC), Boston, 27-30 juin 2013 : P335. 4. Lee JH, Eikermann-Haerter K, Daneshmand A et al. Migraine prophylactic drugs suppress peri-Infarct depolarizations and improve stroke outcomes. International Headache Congress (IHC), Boston, 27-30 juin 2013 : P374. 5. Santamarta E, Meila´n A, Saiz A et al. The presence of posterior circulation territory (PCT) infarct-like lesions in migraine does not depend on attack frequency: an MRI study in 87 chronic migraine (CM) women. International Headache Congress (IHC), Boston, 27-30 juin 2013 : OR29. 6. Frieman BW, Garber L. A randomized double-blind comparison of three different intravenous treatments for patients who visit an emergency department with acute migraine. International Headache Congress (IHC),
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15e rencontres de neurologies • Paris • 16 - 18 décembre 2013
Les coordinateurs vous présentent leurs ateliers ATELIER « NEURO-OPHTALMOLOGIE » - Mardi 17 décembre 2013 - de 9h30 à 12h00 Coordination : Laurent Laloum (Paris) Le mardi 17 décembre, une nouvelle matinée de Neuro-Ophtalmologie vous sera proposée. Elle abordera des sujets de pratique quotidienne, essentiels parce que votre façon de les aborder déterminera l’avenir de votre patient. • Sylvie Chokron traitera des troubles neuro-visuels du traumatisé crânien parce que ces patients peuvent avoir 10/10 et être handicapés visuels. Méconnaître leurs troubles visuels, c’est les priver d’une rééducation aux effets souvent spectaculaires. • Luc Jeanjean rappellera les bons réflexes devant une urgence neuro-ophtalmologique et les pièges derrière lesquels ces urgences peuvent se cacher. • Laurent Laloum soulignera que, devant une diplopie, seule une démarche rigoureuse peut conduire au diagnostic.
Et la première étape de cette démarche est de déterminer les muscles oculomoteurs impliqués. Sans cela, il est impossible de poursuivre rationnellement l’enquête étiologique. • Olivier Gout enchaînera justement en exposant la stratégie d’un bilan efficace à partir d’un diagnostic oculomoteur précis : quels pièges cliniques ? Quels examens demander ? Dans quel ordre ? Et jusqu’où aller ? Et lorsqu’il n’y a pas d’étiologie retrouvée, quelle information donner au patient, quelle conduite adopter ? • Pascal Laforêt reviendra sur les myasthénies à révélation oculaire, qu’il s’agisse d’un ptôsis ou d’une diplopie. Parce qu’il s’agit d’un diagnostic qui peut résister à 3 000 € d’examens et jaillir en une minute d’un test clinique judicieux. Parce qu’il s’agit parfois d’un diagnostic qui résiste à la clinique et à nombre d’examens. Il précisera ainsi les moyens diagnostiques et la prise en charge pour 2014.
ATELIER « Neuropsychologie et syndromes démentiels » - Lundi 16 décembre – de 14h00 à 17h45 Coordination : Bernard Croisile (Lyon) Cette année encore, Bernard Croisile et ses intervenants vous proposent un atelier très pratique assorti d’exemples précis sous la forme notamment de vignettes vidéos et de cas cliniques. • A côté de l’examen du langage réalisé par l’orthophoniste, l’examen neuropsychologique se révèle utile pour l’évaluation des aphasies progressives dégénératives (démence sémantique et aphasie logopénique). Cet exposé de Karine Collomb soulignera les interactions entre les troubles du langage et ceux des autres fonctions cognitives. • Les troubles de la compréhension dans l’aphasie sont difficiles à évaluer ou reconnaître, alors qu’ils 300 peuvent avoir des conséquences non négligeables sur
la communication et l’autonomie des patients. Selon les mêmes modalités que l’année dernière, Anne Peillon abordera les troubles de la compréhension en s’aidant de vignettes vidéos. • Pour Bernard Croisile, l’objectif est, au travers de quelques cas cliniques, de montrer que pour porter un diagnostic correct il est nécessaire de ne pas se précipiter, de bien écouter le patient ou le bon interlocuteur, de connaître quelques notions de base. Comme toujours, ce qui compte, ce n’est pas d’accumuler les conclusions des comptes rendus, mais d’en extraire les données pertinentes. En bref, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Neurologies • Octobre 2013 • vol. 16 • numéro 161 troubles du langage….
15e rencontres de neurologies • Paris • 16 - 18 décembre 2013 actualités
Les coordinateurs vous présentent leurs ateliers ATELIER « NEUROPHARMACOLOGIE » - Lundi 16 décembre 2013 - de 14h00 à 17h45 Coordination : David Devos (Lille)
Les nouveautés qui vous aideront à traiter vos patients au quotidien... Cette année encore, David Devos, coordinateur de la session, est au cœur de l’actualité. Il vous propose un décryptage de la littérature la plus récente, par de grands experts, à la recherche de nouveautés thérapeutiques utiles pour vos consultations. Ainsi, les experts décortiqueront les derniers essais thérapeutiques, par grandes classes de médicaments, et vous montreront en quoi les résultats peuvent vous aider en vous donnant de nouvelles pistes dans la prise en charge de vos patients.
Dans un premier temps, Régis Bordet vous parlera des nouveaux antipsychotiques, puis Alain Eschalier des derniers travaux dans le traitement de la douleur. Après une courte pause, Christelle Monaca Charley vous aidera à traiter les pathologies du sommeil. Ce sera ensuite au tour de Jean-Christophe Corvol, qui étudiera la pharmacogénétique dans l’adaptation du traitement antiparkinsonien. Pour finir la journée, la sclérose latérale amyotrophique sera traitée par Véronique Brunaud Danel, et les nouveaux antiépileptiques vous seront présentés par William Szurhaj. Ainsi, pour être à la pointe de l’actualité en terme de neuropharmacologie, ne ratez surtout pas cette session !
ATELIER « TOP 5 DE LA NEUROLOGIE » Mardi 17 décembre 2013 - de 14h00 à 17h45 - Coordination : Thomas de Broucker (Saint-Denis) L’après-midi consacrée aux “Top 5” des articles majeurs publiés dans l’année est un incontournable des Rencontres de Neurologies. La revue pragmatique et brillante des principales actualités, dans les domaines pathologiques variés que recouvre la neurologie générale, exposée par des orateurs hors pair, permet aux auditeurs d’assimiler les nouveautés importantes et de les projeter aisément dans leur pratique quotidienne.
• des pathologies neurovasculaires, • des démences, • des pathologies du mouvement, • de la neurogénétique, • des céphalées, • et des maladies inflammatoires. Les orateurs sont Alexandra Dürr, Anne Donnet, Bernard Croisile, Emmanuel Flamand-Roze, David Laplaud et Mathieu Zuber.
Le “Top 5” de 2013 sera consacré aux actualités dans les do- Le “Top 5 de la Neurologies”... un après-midi à haute valeur ajoutée ! maines suivants :
ATELIER « RééDUCATION » - Mercredi 18 décembre 2013 - de 14h00 à 17h45 Coordination : Pascale Pradat-Diehl (Paris)
Pascale Pradat-Diehl, coordinatrice, entourée de chercheurs et de cliniciens, vous propose de discuter des thérapies innovantes en termes de récupération neurologique. Leur efficacité n’est pas encore établie en pratique clinique, il s’agit donc de savoir comment mieux récupérer après un accident vasculaire cérébral. Ainsi, durant cette session, les nouvelles techniques seront décortiquées avec, en particulier, la stimulation magnétique et l’excitation électrique à courant très faible modifiant l’excitabilité du tissu cérébral.
physiologie, méthode, effets, facteurs déterminants, … • Les trois parties suivantes concerneront plus précisément leurs effets sur les troubles moteurs, les troubles du langage, les troubles de la fonction spatiale, qui seront expliqués par Rose Katz, Sophie Charveriat et Federica Rastelli. • Une table ronde viendra conclure l’atelier et répondra à la question centrale : les données expérimentales ont-elles des effets en pratique clinique quotidienne ? une piste ou un chemin déjà balisé ?
• Concrètement, dans les deux premières parties, la discussion avec Antoni Valero Cabre et Jean-Charles Lamy, se fera Pour avoir la réponse à ces questions, ne manquez surtout autour de l’état des connaissances au sujet de ces techniques : pas cet atelier…
Neurologies • Juin 2013 • vol. 16 • numéro 159
voir également p.272 et 278301 >>>