&
Pédiatrie A C T U A L I T É S E T P R AT I Q U E S
DOSSIER
Maladie cœliaque - allergie IgE-dépendante au blé Deux pathologies différentes nM aladie cœliaque : plus de biopsies ? n F aut-il doser les IgG (IgG4)
spécifiques des aliments ? Pr Guy Dutau
Dr Marc Bellaïche
n Les allergies IgE-dépendantes au blé Pr Guy Dutau
nA llaitement : un must, pas un diktat
n C ompléments alimentaires
n F aut-il faire un bilan ophtalmologique
Mode d’emploi
Dr Paule Nathan
Dr Florence Campeotto
chez tous les bébés ?
n°17 • volume 6 • septembre 2013
Dr Laurent Laloum
Sommaire
vol. 6 • n° 17 • Septembre 2013
© LanaK / Fotolia
˸˸Point nutrition p. 02
04 Le blé est l’un des 6 aliments impliqués dans 90 % des allergies alimentaires IgE-dépendantes.
Compléments alimentaires : mode d’emploi Dr Paule Nathan (Endocrinologue, Nutritionniste, Paris)
˸˸Dossier p. 04 Maladie cœliaque et allergies IgE-dépendantes au blé 1. Maladie cœliaque : plus de biopsies nécessaires pour le diagnostic ? © Syda Productions / Fotolia
Dr Marc Bellaïche (Hôpital Robert-Debré, Paris)
18 L’allaitement maternel : un modèle, mais pas une obligation.
2. Allergies IgE-dépendantes au blé Pr Guy Dutau (Allergologue, Pneumologue, Pédiatre, Toulouse)
˸˸Mise Au point p. 13 Allergies alimentaires : faut-il doser les IgG (IgG4) spécifiques des aliments ? Pr Guy Dutau (Allergologue, Pneumologue, Pédiatre, Toulouse)
˸˸Conseils aux mamans… p. 18
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L’allaitement maternel : un must mais pas un diktat
20
A C T U A L I T É S E T P R AT I Q U E S
& Pédiatrie
Un bilan ophtalmologique systématique à 2 mois pour les bébés à risque, et pour tous à 3 ans.
Dr Florence Campeotto (Service de Gastroentérologie Pédiatrique, Hôpital Necker, Paris)
˸˸Des experts vous répondent p. 20 Faut-il faire un bilan ophtalmologique chez tous les bébés ? Et à quel âge ? Dr Laurent Laloum (ophtalmologiste, strabologue, Paris)
Comité de rédaction Rédacteurs en chef Dr Prévost Jantchou (Pédiatre, Montréal), Dr Marc Bellaïche (Pédiatre, Paris) Dr Pierre-Henri Benhamou (Pédiatre, Boulogne-Billancourt), Dr Oussama Charara (Pédiatre, Versailles), Dr Bernard Le Luyer (Pédiatre, Le Havre), Dr Emmanuel Mas (Pédiatre, Toulouse), Dr Paule Nathan (Endocrinologue, Nutritionniste, Paris), Dr Hugues Piloquet (Pédiatre, Nantes), Dr Ruben Smadja (Pédo-psychiatre, Paris) Comité Scientifique Pr Christophe Dupont (Pédiatre, Paris), Pr Yvan Vandenplas (Pédiatre, Bruxelles), Pr Patrick Tounian (Pédiatre, Paris) Nutrition & Pédiatrie est une publication Expressions Santé SAS - Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier - Tél. : 01 49 29 29 29 - contact-np@expressions-sante.fr Impression : Imprimerie de Compiègne - n° ISSN : 2101-9517
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Point nutrition
Compléments alimentaires Mode d’emploi Les compléments alimentaires peuvent être composés de nombreuses substances : plantes, vitamines, minéraux... Ils intéressent des secteurs très divers comme la nutrition, la minceur, la digestion, la forme… Leur consommation est en constante croissance, même chez l’enfant. Ils doivent être évoqués en consultation, même si le médecin les juge superflus, afin d’éviter une mauvaise utilisation, un surdosage, ou l’achat de produits douteux.
Qu’appelle-t-on “complément alimentaire” ? Le concept de complément alimentaire est relativement récent. On définit les compléments alimentaires comme « des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d’un comptegouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité » (1). Les législations sont harmonisées au niveau européen : la directive 2002/46/CE garantit la protection des utilisateurs et la circulation des produits dans les états membres. Cette directive a été transposée en droit français par le décret 2006/352 du 20 mars 2006.
Une frontière proche entre complément alimentaire et médicament En effet d’après le Code de la Santé publique (2) « on entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant 2
Dr Paule Nathan (Endocrinologue, Nutritionniste, Paris)
leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. Sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d’épreuve… Lorsque, eu égard à l’ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d’autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament. » Il est vrai que les compléments alimentaires peuvent être proches des médicaments : par exemple prescription de vitamine D pour accompagner la croissance de l’enfant, d’iode chez une femme enceinte pour prévenir les troubles thyroïdiens pour elle et son enfant, de magnésium en cas de crampes, des vitamines pour atténuer la fatigue scolaire ou pour prévenir les infections...
La législation des compléments alimentaires Contrairement aux médicaments, la commercialisation des compléments alimentaires ne nécessite pas d’autorisation individuelle de mise sur le marché avec dossier d’expertise.
L’industriel est responsable de la conformité des mises sur le marché avec respect des normes en vigueur, de la sécurité et de la non-tromperie du consommateur. Intégrés au Code de la consommation, ils font l’objet de déclaration auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui examine leur composition et réalise des contrôles. La réglementation prévoit une liste positive des ingrédients pouvant entrer dans leur composition, comme les vitamines et les minéraux, et impose la notion de doses journalières maximales à ne pas dépasser (3). Seuls les vitamines et minéraux pouvant entrer dans la composition des compléments alimentaires sont listés en annexe I de la directive européenne de 2006 (directive 2002/46/ CE consolidée), sous les formes indiquées en annexe II. L’étiquetage doit notamment comprendre (1) : • la dénomination de vente “complément alimentaire” ; • le nom des catégories de substances (vitamines, plantes...) ; • le mode d’emploi, la dose ou portion journalière recommandée ; • le pourcentage des apports journaliers recommandés (AJR) pour les vitamines et minéraux ; • des avertissements : ne pas dépasser la dose journalière recommandée ; tenir hors de la portée des enfants ; ne se substitue pas à une alimentation variée et équilibrée.
La législation a encadré étroitement les allégations nutritionnelles et de santé
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Point nutrition
qui doivent répondre à une obligation générale de publicité non trompeuse (article L.121-1 et suivants du Code de la consommation) et correspondre à la liste positive des allégations nutritionnelles et de santé ou faire l’objet d’une autorisation préalable si l’allégation revendiquée ne figure pas dans la liste. L’Anses (4) a mis en place un dispositif national de nutrivigilance afin d’améliorer la sécurité du consommateur en identifiant rapidement d’éventuels effets indésirables des compléments alimentaires. Le premier bilan a été rendu en octobre 2010.
Qui prend des compléments alimentaires ? L’étude Inca 2 (5) qui a recueilli des données concernant la consommation de compléments alimentaires chez 2 624 adultes et 1 455 enfants de plus de 3 ans en France métropolitaine (fin 2005/2007) a montré que 12 % des enfants avaient consommé des compléments alimentaires au cours des 12 mois précédents. 37% d’entre eux ont en fait consommé des médicaments ayant pour but de supplémenter ; pour 79 % d’entre eux, les compléments alimentaires consommés sont composés principalement de vitamines et minéraux, exclusivement ou associés à d’autres produits. Les compléments à base de plantes sont consommés par seulement 11 % des enfants. Si près des deux tiers des compléments alimentaires sont consommés sous forme de cures, aussi bien chez les enfants que chez les adultes (le plus souvent en hiver, principale saison de prédilection pour leur consommation), 10 % des enfants qui en consomment en prennent tous les jours ou presque. Les achats se font surtout après une prescription médicale ou le conseil d’un personnel de santé et les produits sont surtout achetés dans les pharmacies (78 % pour les enfants). Chez 65 % des enfants, le but est de maintenir ou améliorer leur état de santé, de lutter contre la fatigue, rarement d’équilibrer l’alimentation.
Quand penser à la prescription de complément alimentaire chez l’enfant ? On peut se poser la question du besoin de prescription d’un complément alimentaire : • en cas d’augmentation des besoins : - lors des périodes à forte augmentation de croissance staturo- pondérale ; - en cas de pratique d’une activité sportive soutenue et intense des sportifs de haut niveau ; - en cas de grossesse et allaitement chez une adolescente. • en cas de défauts d’absorption en rapport avec une pathologie de la muqueuse intestinale (mucoviscidose, maladie cœliaque) ; la carence porte surtout sur les vitamines liposolubles ; • en cas de défauts d’apport du fait d’allergies, d’interdits alimentaires, de suivis de régimes particuliers comme le végétarisme, de l’apport hypocalorique des petits mangeurs (picky-eaters) surtout lors des repas pris à la cantine ou en rapport avec un faible niveau socio-économique. • en cas de pathologies pour lesquelles les pro- et prébiotiques ont fait la preuve de leur utilité, comme les maladies inflammatoires du tube digestif.
La consommation est d’autant plus fréquente que le niveau d’études des parents est élevé. La plupart des études s’accordent sur le fait que les personnes consommant des compléments alimentaires sont celles possédant le plus souvent une meilleure hygiène de vie et une alimentation plus équilibrée.
Les compléments alimentaires sont-ils justifiés ? On pourrait légitiment concevoir que, dans un pays comme la France, les déficits en minéraux et micronutriments sont exceptionnels. Mais l’étude du Val-de-Marne (6) publiée en 1991 a révélé qu’en France, pays à niveau de vie élevé, les enfants pouvaient être carencés en minéraux et en vitamines dans une proportion non négligeable. Cette étude a montré, chez les enfants et adolescents, un apport inférieur aux recommandations chez 60 % pour les vitamines B1 et B6 et 8 % pour la vitamine C, 10 à 15 % ont un apport en vitamine A inférieur aux 2/3 des recommandations, 40 à 90 % des apports inférieur à 2/3 des recommandations et 2 à 17 % inférieurs à 1/3 des recommandations. Pour le fer la majorité des enfants avaient des apports inférieurs aux recommandations. Il faut bien admettre qu’un certain nombre d’enfants et adolescents ne parviennent pas à équilibrer leur alimentation. Il faut ajouter aussi
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que les processus de production des aliments comme la transformation industrielle ou le stockage peuvent altérer la densité nutritionnelle, en particulier pour les végétaux.
Conclusion Aborder la notion de compléments alimentaires doit faire partie de l’acte médical. Il est important d’aborder les dangers de l’achat sur Internet de produits non certifiés, de l’effet prooxydant et possiblement toxique de la consommation de compléments alimentaires sur de longues périodes ou en quantité supérieure aux AJR, alors que seul un régime équilibré, avec notamment des apports suffisants en fruits et légumes, permet d’apporter les éléments nécessaires à l’organisme. n Pour en savoir plus… 1. Directive 2002/46/CE du10 juin 2002 et décret n°2006-352 du 20 mars 2006, JO n°72 du 25 mars 2006, p 4543. 2. Article L5111-1 modifié par Loi n°2007-248 du 26 février 2007, art. 3. JORF 27 février 2007. 3. Arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires : legifrnace.gouv.fr 4. www.ansespro.fr/nutrivigilance/ 5. Anses. Etude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2 (INCA 2) 2006-2007. Sepembre 2009. 6. Hercberg S et al. Apports nutritionnels d’un échantillon représentatif de la population du Val-de-Marne. Revue d’Epidémiologie et de Santé publique 1991 ; 39 : 245-61.
3
Dossier
Maladie cœliaque et allergies IgE-dépendantes au blé 1 Maladie cœliaque :
plus de biopsies nécessaires pour le diagnostic ? La maladie cœliaque est une entéropathie inflammatoire chronique auto-immune, déclenchée par l’ingestion de gluten, chez des sujets génétiquement prédisposés. Mais cette définition donnée par la HAS prête à discussion (1)... Dr Marc Bellaïche (Hôpital Robert-Debré, Paris)
Une simple entéropathie ? La maladie cœliaque n’est pas locali-
symptomatique
sée uniquement au niveau de l’intestin, mais dispose d’un spectre cli-
nique plus vaste, en particulier. : • peau, • os, • utérus, • foie, • ou cerveau. La dermatite herpétiforme est la plus classique, mais des douleurs osseuses ou articulaires, une infertilité, une hépatite ou une atteinte cérébrale (épilepsie avec calcifications) sont volontiers associées à une maladie cœliaque. De plus, une symptomatologie atypique peut révéler une maladie cœliaque authentique (2) dans près de 50 % des cas (l’anémie ferriprive réfractaire étant la plus fréquente). En fait, moins de 10 % des enfants atteints de maladie cœliaque ont cette
Anticorps positifs
silencieuse
1/2000
1/300
Lésions histologiques 1/200
latente Muqueuse normale
sains
Susceptibilité génétique HLA DQ2 ou DQ8
Figure 1 - Expression de la maladie cœliaque. D’après J.P Olives (3).
forme classique ; le reste des maladies cœliaques étant paucisymptomatiques ou latentes, selon le modèle de “l’iceberg” (Fig. 1).
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Une maladie chronique pour la vie ? L’adjectif chronique suggère que cette maladie persiste tout au long 4
Maladie cœliaque et allergies IgE-dépendantes au blé de la vie. Dans cette même recommandation HAS (1), il est stipulé que le régime sans gluten doit être mené toute la vie, mais peut être interrompu après la puberté. Chez l’adulte atteint de maladie cœliaque, il existe une augmentation de l’incidence de l’ostéopénie, de la stérilité, des cancers (lymphomes, cancers digestifs et ovariens), de certaines maladies auto-immunes. Le régime chez l’adulte doit donc être mené toute la vie sans discussion. Un seul travail, à notre connaissance, a suivi l’évolution d’enfants atteints de maladie cœliaque et suivant un régime libre bien toléré cliniquement (jusqu’à 10 % des cas selon certains auteurs). Une ostéopénie sévère dans la moitié des cas a été mise en évidence (4). Le principe de précaution prévaut et la plupart des gastropédiatres préconisent la poursuite du régime sans gluten à vie. Toutefois, l’observance du régime pousse parfois le clinicien à “tolérer” des écarts de régime contrôlés, plutôt que perdre de vue l’enfant !
Une maladie autoimmune ? L’autoimmunité est bien démontrée depuis la découverte de l’auto-antigène transglutaminase 2 (TG-2) (5). Il s’agit d’une enzyme qui provoque une déamidation de la gliadine ingérée, et démasque ainsi les épitopes de cette protéine. La TG-2 est présente dans de nombreux tissus, autres que l’intestin : le foie, le rein, le poumon et les capsules articulaires en particulier. Cette représentation ubiquitaire pourrait témoigner de l’ensemble des manifestations systémiques et extra-digestives de la maladie cœliaque. Chez un enfant prédisposé, les peptides libérés vont induire une réponse immunitaire à l’origine de l’atrophie villositaire, et la production d’anticorps anti-transglutaminase. Cette dernière propriété va permettre d’améliorer la conduite diagnostique, comme nous allons le voir plus loin.
IgA anti-transglutaminase (TG)
Positif
Négatif
Consultation gastro-pédiatrique
-
Pas de MC
< 2 ans Déficit IgA Formes silencieuses Basse quantité de gluten < 10 g/j
Dosage IgA anti-endomysium (AAME) HLA DQ2/DQ8
AAME + HLA DQ2/DQ8 +
AAME + HLA DQ2/DQ8 -
MC
Biopsie duodénale
Régime sans gluten
Marsh grade 2 ou 3*
MC : Maladie cœliaque *Grade d’atrophie villositaire
Figure 2 - Diagnostic de la maladie cœliaque (MC) chez les enfants symptomatiques. D’après Espgan 1990 (10).
Le gluten, facteur déclenchant à moduler ? L’ingestion de gluten (et de son peptide, la gliadine) est le facteur environnemental indispensable au déclenchement de la maladie. L’exposition au gluten avant 3 mois multiplie le risque de déclencher la maladie par 23 et l’exposition après 7 mois par 4 (6, 7). Ces données sont à l’origine des recommandations du Comité de nutrition français stipulant une fenêtre d’opportunité pour la date d’introduction du gluten dans l’alimentation entre 4 et 7 mois.
Une poursuite de l’allaitement maternel pendant la diversification est préconisée car le risque de maladie cœliaque est réduit significativement chez les enfants nourris au sein au moment de l’introduction du gluten (8). Classiquement, les farines interdites sont le seigle, le blé, l’orge et l’avoine. En fait : • la gliadine du blé, la sécaline du seigle et l’hordéïne de l’orge sont proscrites ; • mais l’avoine pure semble être tolérée. Le riz et le maïs ne sont pas toxiques pour les sujets cœliaques et sont
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utilisés comme substituts dans le régime sans gluten.
Une maladie génétique ? La prévalence de la maladie cœliaque est 100 fois supérieure chez les apparentés du premier degré des patients, par rapport à la population générale, et 4 fois plus élevée chez les jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes. 98 % des patients expriment HLA DQ2 et/ou DQ8 (terrain génétique prédis-
posant à la maladie cœliaque), ce qui va permettre d’influer sur la prise en charge, étant donnée leur valeur prédictive négative (9).
Un séisme : les modalités diagnostiques changent Les critères à réunir pour poser le diagnostic de maladie cœliaque proposés par la Société Européenne de Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques (ex ESPGAN) n’avaient pas changé depuis 1990 (10). A l’époque, il fallait 3 biopsies pour affirmer le diagnostic : • une pour suspecter le diagnostic ; • la seconde pour constater la “repousse” villositaire après régime ; 5
Dossier • et une troisième pour confirmer l’atrophie villositaire après une épreuve de rechute ! Puis la pratique des auto-anticorps de la maladie cœliaque - anti-gliadine, anti-endomysium et antitransglutaminase de classes IgG ou IgA - ont permis de limiter la pratique de biopsies intestinales aux seules sérologies positives. La HAS conseille d’utiliser uniquement les anticorps anti-transglutaminase (AATG), les anticorps anti-gliadine et anti-réticuline n’étant plus remboursés. Il est indispensable d’effectuer systématiquement un dosage pondéral des immunoglobulines pour éliminer un déficit en IgA qui pourrait fausser négativement le résultat. Les IgA anti-endomysium (AAEM) ont une sensibilité et une spécificité proches de celles des IgA anti-transglutaminase, mais leur technique de détection est subjective (lecture par des techniciens différents et non par des automates) et demande une animalerie (immunofluorescence indirecte réalisée sur œsophage de singe). Ils ne seront donc demandés qu’en seconde intention.
HLA DQ2/DQ8
Négatif
Pas de MC
IgA anti-TG -
Pas de MC
Positif
Dosage IgA anti-TG + > 5 fois la valeur normale
Dosage IgA anti-TG + < 5 fois la valeur normale
-
< 2 ans Déficit IgA Formes silencieuses Basse quantité de gluten < 10 g/j
Dosage IgA anti-EM
Biopsie duodénale
Positif
Négatif
Marsh grade 2 ou 3
Marsh grade 0 ou 1
MC
Réévaluation
Pas de MC - Résultats faux + - Re-contôler IgA anti-TG à distance
Régime sans gluten
Figure 3 - Diagnostic de la maladie cœliaque (MC) chez les enfants asymptomatiques. D’après Espgan 1990 (10).
• si les AATG sont négatifs et les IgA normaux : ce n’est pas une maladie cœliaque ; • si les AATG sont positifs, avec une
avis gastro-pédiatrique soit pris avant de débuter un régime sans gluten pour la vie.
Début 2012, le groupe de travail européen étudiant la maladie cœliaque a publié la conduite à tenir (11).
clinique évocatrice, il est conseillé de doser les AAEM et de demander un génotypage HLA ; • si le patient est HLA DQ2 ou DQ8 positif, avec des AAEM positifs : c’est une
Pour les enfants asymptomatiques de familles dans lesquelles un enfant est déjà atteint (Fig. 3) :
Chez les enfants symptomatiques (Fig. 2) :
maladie cœliaque ; il n’est donc pas nécessaire de faire une biopsie. Il est souhaitable dans ce cas qu’un
Il convient de demander en premier lieu le génotypage HLA. Si les HLA DQ2 et DQ8 sont négatifs, l’enfant ne fera jamais de maladie cœliaque. n
Pour en savoir plus… 1. HAS. Quelles recherches d’anticorps prescrire dans la maladie cœliaque ? Bon usage des technologies de santé, 2008. http://www. has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/fiche_buts_maladie_coeliaque.pdf 2. Rashid M et al. Celiac disease: evaluation of the diagnosis and dietary compliance in Canadian children. Pediatrics 2005 ; 116 : 754-9. 3. Olives JP. Maladie cœliaque : nouvelles perspectives. Med Ther Pediatr 2006 ; 9 : 87-98 4. Cellier C et al. Severe osteopenia in symptom-free adults with a childhood diagnosis of coeliac disease. Lancet 2000 ; 355 : 806. 5. Marsh MN. Transglutaminase, gluten and cœliac disease: food for thought. Nature Med 1997; 3: 725-6. 6. Norris JM et al. Timing of initial cereal exposure in infancy and risk of islet autoimmunity. JAMA 2003 ; 290 : 1713-20. 7. Norris JM et al. Risk of celiac disease autoimmunity and timing of gluten introduction in the diet of infants at increased risk of disease. JAMA 2005 ; 293 : 2343-51.
6
8. Akobeng AK et al. Effect of breast feeding on risk of coeliac disease: a systematic review and meta-analysis of observational studies. Arch Dis Child 2006 ; 91 : 39-43. 9. Clouzeau-Girard H et al. HLA-DQ genotyping combined with serological markers for the diagnosis of celiac disease: is intestinal biopsy still mandatory? J Pediatr Gastroenterol Nutr 2011 ; 52 : 729-33. 10. Report of Working Group of European Society of Paediatric Gastroenterology and Nutrition. Revised criteria for diagnosis of coeliac disease. Arch Dis Child 1990 ; 65 : 909-11. 11. European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition, guidelines for the diagnosis of coeliac disease. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2012 ; 54 : 136-60. • Groupe d’études et de recherche sur la maladie cœliaque : www. maladiecoeliaque.com • Association française des intolérants au gluten : www.afdiag.org
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Maladie cœliaque et allergies IgE-dépendantes au blé
2 Allergies IgE-dépendantes
au blé
Le blé est l’un des représentants les plus importants du groupe des céréales qui appartient à la famille des graminées céréalières par opposition aux graminées fourragères (phléole, dactyle, ivraie, fétuque, etc.) avec lesquelles elles affectent des réactions croisées. Les céréales comprennent principalement le blé, l’avoine, le maïs, l’orge, le riz et le seigle. Cette revue concerne l’allergie IgE-dépendante au blé et non la maladie cœliaque, traitée dans un autre article de cette revue, relevant de mécanismes différents, immunologiques ou non.
Pr Guy Dutau (Allergologue, Pneumologue, Pédiatre, Toulouse)
Taxonomie Le blé (Triticum estivum, en anglais : wheat) est une Graminée (ou Poacée) du genre Triticum qui produit un grain à partir duquel on prépare la farine. Bien que le terme “blé noir” s’applique au sarrasin dont les grains sont très riches en amidon, ce dernier n’est pas une céréale, mais fait partie des Polygonacées comme l’oseille (rumex). La Figure 1 montre la classification des plantes utilisées dans l’alimentation, Monocotylédones et Dicotylédones. Les quatre familles concernées sont les Graminées, les Polygonacées (sarrasin, rhubarbe, rumex), les Chénopodiacées (quinoa), et les Amarantacées. Le blé et les céréales sont des mélanges de sucre, d’amidon, et de protéines (10-13 %). En fait le mot “blé” est un terme générique qui désigne plusieurs céréales appartenant au genre Triticum. Le blé s’applique aussi au grain.
Plantes à fleurs
Monocotylédones (sous-classe)
Dicotylédones (sous-classe)
Glumacées
Chénopodiales
Graminées (famille)
Blé Seigle Orge Triticale
Riz Maïs Canne à sucre Avoine Millet
Polygonacées
Chénopodiacées
Amarantacées
Sarrasin Rhubarbe
Quinoa Epinard
Amarante Ansérine
Figure 1 - Classification des plantes utilisées dans l’alimentation.
Les deux variétés importantes actuelles sont des blés à grains nus, le blé dur et le blé tendre (1). • Le blé dur (Triticum turgidum ssp durum) est principalement cultivé en Europe dans les régions chaudes et sèches (en particulier le sud de la France et de l’Italie). Très riche en gluten, il est surtout utilisé pour produire les semoules et les pâtes alimentaires. • Le blé tendre ou froment (Triticum æstivum) est cultivé sous latitudes moyennes (France, Canada, Ukraine, etc.) pour produire la farine panifiable utilisée pour faire le pain.
la graine et principal constituant du son) qui entoure l’albumen (tissu riche en réserves nutritives) et l’embryon ou germe (qui donnera la future plante). Les opérations de meunerie permettent de séparer le péricarpe de l’albumen pour obtenir la farine, à partir de laquelle on fabriquera du pain, des pâtisseries, des viennoiseries, des pâtes, de la bière, etc. L’amidonnerie permet de séparer l’amidon et d’autres produits comme le gluten. L’amidon sert en particulier d’épaississant. Le son est utilisé en diététique pour sa richesse en fibres. Le gluten, très utile en raison de sa teneur importante en protéines (gliadines) sert aussi de liant et d’émulsifiant.
Le grain de blé est composé par le péricarpe (partie du fruit protégeant
Les termes “isolats de blé” ou “hydrolysats de protéines de blé” (protéines
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et agrégats de PM variable) s’appliquent à des produits variés selon le type d’hydrolyse (acide, basique, enzymatique) et ses conditions (durée, degré, température) (voir ci-dessous).
Les allergènes du blé Les allergènes du blé sont nombreux,
les uns solubles dans l’eau (albumines, globulines), les autres insolubles dans l’eau (gliadines, gluténines) (2, 3). Les albumines et globulines solubles dans l’eau sont l’alpha-amylase, un inhibiteur de la trypsine, des protéines de liaison. Les prolamines insolubles dans l’eau sont les gliadines (protéines monomériques) et les gluténines (protéines polymériques). Les globulines sont également solubles dans les solutions salines. 7
Dossier Les gliadines (30 % des protéines du blé) ont un PM compris entre 30 et 40 kDa. En fonction de la séquence et de leur mobilité électrophorétique on distingue les alpha, bêta, gamma et oméga gliadines (d’oméga 1 à oméga 5 selon leur séquence terminale et leur mobilité). Les gluténines (35 % des protéines) ont un PM plus élevé (80-120 kDa). Les protéines du blé peuvent aussi être divisées en deux groupes : • les protéines de structure et de fonction (albumines et globulines) pour 20 % ; • les protéines de réserve (gliadines et gluténines) pour 80 % (3). L’allergénicité de ces diverses protéines est variable selon les individus :
toutes peuvent être allergisantes qu’elles soient solubles ou non, qu’il s’agisse des gliadines ou des gluténines (ayant d’ailleurs des homologies entre elles), des agrégats ou non (etc.). Le chauffage diminue leur allergénicité. Parmi les nombreux allergènes du blé se trouvent Tri a 18 (sécaline) (4), Tri a 19 (oméga-5 gliadine) qui est impliquée dans l’anaphylaxie induite par l’ingestion d’aliments et l’exercice physique (5) et, plus récemment, Tri a 36 (gluténine de 369 acides aminés) qui provoque des symptômes digestifs sévères et des anaphylaxies (6). D’autres allergènes sont caractérisés : thioredoxine, glutathione transférase, 1-Cysperoxiredoxin, profiline, déhydrine (7). Tri a 33 (serpine du blé) est un nouvel allergène récemment caractérisé (8).
Épidémiologie de l’allergie au blé (et aux céréales) La fréquence de l’allergie alimentaire au blé est mal connue car il existe de nombreuses formes, IgE-dépendantes, non-IgE-dépendantes, associées à l’effort, associées à la dermatite atopique. Toutefois, on sait que le blé est un des 6 aliments impliqués au cours de 90 % des allergies alimentaires IgE-dépendantes de l’enfant (9). 8
Une étude japonaise récente, réalisée chez 935 adultes (questionnaire clinique, dosage des IgE spécifiques de l’oméga-5 gliadine, suivi par une exploration allergologique) montre un taux de prévalence faible de 0,21 % (10). A noter que les publications sur l’allergie au blé sont fréquentes en Asie, en particulier au Japon.
Symptômes et diagnostic de l’allergie au blé Les signes et symptômes de l’allergie au blé sont nombreux, pouvant survenir à tout âge, avec des tableaux particuliers dont le diagnostic est spécifique. 4 Les allergies professionnelles (asthme du boulanger) Après un certain temps de latence (quelques mois ou plusieurs années), l’asthme du boulanger se manifeste par une rhinite, une rhino-conjonctivite, de la toux et des crises d’asthme, une dermatite, ces symptômes étant rythmés par le travail (11). L’inhalation est la principale voie d’exposition aux farines (12). Si les allergènes appartiennent le plus souvent à la farine de blé (64 %), les autres farines de céréales sont également en cause comme le riz (52 %) et le soja (25 %) (12). Les farines de maïs, d’orge et d’avoine sont aussi impliquées (4), ainsi que les améliorants de la farine, en particulier l’alpha-amylase en cause dans 1 cas sur 5 (12) et les contaminants (Lepidoglyphus destructor, Ephestia kuhniella DermatophagoIdes farinae, Acarus siro, etc.) (12). L’atopie est un facteur de risque important puisque la positivité des tests cutanés aux pneumallergènes usuels multiplie par 10 le risque de développer un asthme du boulanger (OR : 10,6 ; IC95 % : 5,27-21,45) (13, 14). Dans la majorité des cas, la survenue des symptômes n’est pas graduelle mais tous apparaissent sensiblement en même temps (13). Les métiers de la farine sont plutôt à déconseiller chez les jeunes atopiques car les moyens préventifs sont limités (11).
4 Les allergies IgE dépendantes Les symptômes Les symptômes (urticaire, angioœdème, rhinite, asthme, anaphylaxie) apparaissent le plus souvent au cours de la première année de vie après l’introduction du blé (céréales et
pain) dans l’alimentation. Casagrande et al. (15) ont rapporté l’une des plus importantes séries de la littérature pédiatrique portant sur 9 enfants (6 garçons et 3 filles) ayant tous des antécédents de dermatite atopique précoce, ayant ensuite développé des symptômes IgE-dépendants après l’introduction de blé, entre 4 et 12 mois (Encadré 1) (15, 16). Si les symptômes sont légers à modérés chez le nourrisson, des anaphylaxies sévères ont été décrites. Mat-
sumoto et al. (17) citent le cas d’un jeune garçon qui développa une urticaire généralisée et un angio-œdème 40 minutes après avoir ingéré des biscuits contaminés par des protéines de blé : la dose ayant provoqué ces symptômes fut évaluée à 13,5 microgrammes de protéines de blé. Plusieurs cas d’anaphylaxie IgE-médiées à la bière de blé ont également été décrits chez des patients polysensibilisés aux céréales comme le blé, l’orge, le maïs, le seigle et le malt (18, 19). Faire le diagnostic Le diagnostic d’allergie au blé est basé sur l’interrogatoire, les prick tests, le dosage des IgE sériques spécifiques de la farine de blé (Rast f4). Le test de provocation par voie orale
confirme le diagnostic mais, selon Sampson (9), il n’est pas nécessaire pour une valeur seuil supérieure à 26 kUA/l (valeur prédictive positive 74 %). Toutefois, les valeurs enregistrées sont le plus souvent inférieures à ce seuil. Inversement, des valeurs inférieures à 3 kUA/l permettraient de prévoir un test de provocation négatif (20) : l’utilisation de ce seuil, s’il avait été disponible à l’époque n’aurait pas permis de porter le diagnostic dans deux observations de Casagrande et al. (15) ce qui relativise la notion de valeur seuil
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Maladie cœliaque et allergies IgE-dépendantes au blé lorsqu‘elle est utilisée d’une équipe à l’autre1. En 2011, Shibata et al. (21) ont étudié 88 échantillons de sérum d’enfants japonais sensibilisés au blé car ayant des IgE sériques dirigées contre l’oméga-5 gliadine : 76 (86 %) avaient une allergie immédiate au blé. La moyenne géométrique des IgE contre l’oméga-5 gliadine était plus élevée chez les enfants ayant une allergie immédiate au blé (2,04 kUA/l ; < 0,35-100 kUA/l) que chez ceux qui n’avaient pas de symptômes IgE-dépendants (0,40 kUA/l ; < 0,34 -1,8 kUA/l). De plus, le dosage des IgE dirigées contre l’oméga-5 gliadine permet d’évaluer l’évolution : après éviction du blé les IgE spécifiques baissaient en dessous de 0,35 kUA/l chez 10 sur 15 patients qui étaient devenus asymptomatiques, alors qu’elles étaient élevées chez les enfants toujours symptomatiques (0,34 versus 5,89 kUA/l) (21). Ce résultat peut aider à proposer la réintroduction de l’aliment. 4 L’anaphylaxie induite par l’exercice physique et l’ingestion d’aliments Décrite pour la première fois en 1979 par Maulitz et Kidd (22), l’anaphylaxie induite par l’exercice physique et l’ingestion d’aliments (AIEPIA) n’apparaît que si un effort (endurance) et l’ingestion d’aliments sont associés, l’ingestion d’aliments précédant l’effort dans 95 % des cas (23). Les symptômes Les symptômes débutent, au bout de 10 à 15 minutes d’effort, par un prurit des paumes des mains et de la plante des pieds. Il faut alors stopper l’effort, sinon le tableau se complète : symptômes respiratoires (éternuements, rhinite, toux, dyspnée), cutanés (flush, prurit généralisé), digestifs (douleurs abdominales), hypotension, anaphylaxie. Les aliments en 1- Les valeurs seuil dépendent de chaque équipe, des recrutements, de l’âge des patients, des symptômes : ils doivent être maniés avec précaution. L’idéal pour chaque groupe est de disposer de ses propres valeurs seuil.
Encadré 1 Allergies immédiates à la farine de blé : 9 cas pédiatriques et revue de la littérature Casagrande et al. (15) ont rapporté 9 cas d’allergie au blé chez 6 garçons et 3 filles porteurs d’une dermatite atopique précoce, puis de symptômes IgE-dépendants après l’introduction du blé sous diverses formes, entre 4 et 12 mois. Les symptômes ont débuté très tôt au moment de l’introduction du blé (céréales) et du pain. Les symptômes cutanés (urticaire) étaient modérés et ont eu pour conséquence la survenue de récidives, pour la plupart des patients avant que le diagnostic ne soit effectué. Aucun de ces patients n’a présenté de symptômes respiratoires ou d’anaphylaxie. Les prick tests effectués avec des extraits commerciaux Stallergènes© pour le blé entier, la farine de blé et le mélange de 7 céréales étaient toujours fortement positifs, ce qui a rendu inutile le recours à l’allergène natif. Les IgE spécifiques, dosées 4 fois, ont donné les résultats suivants : 56,3, 17,3, 1,29 et 0,40 kUA/l. Les doses réactogènes relevées au cours des 5 tests de provocation par voie orale étaient élevées, en accord avec la modération des symptômes : 2, 2,5, 10 et 20 g. La guérison est habituelle. Dans un cas, le test de provocation oral fut considéré comme négatif malgré un discret prurit oculaire mais, 5 jours plus tard, le patient développa une urticaire après l’ingestion d’une demi-cuillère de farine de blé. Dans une étude finlandaise (16), la guérison spontanée de l’allergie au blé était obtenue vers l’âge de 3 ans.
cause sont souvent le pain et les pâtes alimentaires, mais aussi un grand
nombre d’autres aliments : céleri, fruits de mer de type coquillages et crevettes, tomate, lentilles, raisin, pomme, noisette, orange, cacahuète, lait de vache, escargot, oignon, sarrasin (23). Un grand nombre de cas est lié à l’ingestion de pain et de pâtes alimentaires (24), ce qui a conduit une équipe finlandaise à mettre en cause la gliadine du gluten (25, 26), ce qu’ont confirmé d’autres travaux japonais (27, 28). L’allergène majeur en cause au cours de l’AIEPIA est l’oméga-5 gliadine (Tri a 19). Selon Palosuo et al. (29) une enzyme de la muqueuse intestinale (transglutaminase) serait activée au cours de l’effort et augmenterait la production de complexes antigéniques (peptides dérivés de Tri a 19) qui se fixent aux IgE et sont capables de provoquer des réactions anaphylactiques. Le diagnostic moléculaire et différentiel Actuellement la mesure des IgE dirigées contre l’allergène recombinant de l’oméga-5 gliadine (rTri a 19) est
le meilleur test pour le diagnostic de
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l’AIEPIA au blé (30) avec une sensibilité de 80 %. La sensibilité des autres dosages est moindre : IgE sériques vis-à-vis du blé (48 %), du gluten (56 %), des peptides épitopes de l’oméga-5 gliadine Pep A (76 %) et de la sous-unité de haut PM Pep B de la gluténine (22 %) (30). Les performances des dosages d’IgE contre le recombinant de l’oméga-5 gliadine sont meilleures avec de nouvelles méthodes de microarray (31). Récemment, Hofmann et al. (32) ont montré que, au cours de l’AIEPIA au blé, d’autres allergènes que l’oméga-5 gliadine peuvent jouer un rôle non négligeable : chez 17 patients atteints d’AIEPIA, les IgE contre le recombinant de l’oméga-5 gliadine étaient détectables 14 fois (82 %) et les IgE contre les alpha/bêta/gamma gliadines également 14 fois (82 %) incluant les 3 patients négatifs visà-vis du recombinant de l’oméga-5 gliadine. Ces résultats montrent l’intérêt de doser les IgE à la fois contre l’oméga-5 gliadine et les alpha/bêta/ gamma gliadines (32). Un diagnostic différentiel auquel il faut penser dans les régions chaudes (et en été même en Europe) est 9
Dossier l’anaphylaxie à la farine et aux aliments contaminés par les acariens (Encadré 2) (33-37).
Encadré 2 Anaphylaxies par ingestion d’acariens ou “syndrome du pancake” !
La découverte d’IgE spécifiques du blé (et d’autres céréales) dans le sérum des allergiques aux pollens de graminées est le plus souvent due à des réactions croisées, sans aucune signification pathologique. Les sensibilisations et allergies croisées avec les autres céréales (orge, seigle, avoine) sont connues.
En dehors des allergies respiratoires, les acariens peuvent provoquer des anaphylaxies alimentaires. Ce sont Sanchez-Borges et al. (33-35) qui, les premiers, ont décrit le pancake syndrome : l’ingestion d’aliments (beignets, pizzas, légumes, poissons, sandwichs) contaminés par de grandes quantités d’acariens peut entraîner une anaphylaxie aiguë (36). L’anaphylaxie induite par l’ingestion d’acariens a surtout été décrite dans les pays chauds (Brésil, Venezuela, Japon, Espagne, îles Canaries), mais est possible en Europe en été. Plusieurs acariens sont en cause : D. pteronyssinus, D. farinae, B. tropicalis, Tyrophagus putrescentiae, Suidisia nesbitti. Ces patients sont également atteints d’une allergie respiratoire aux acariens, et la plupart ont aussi une intolérance à l’aspirine (36). Deux nouveaux patients ont été décrits à Singapour, également atteints d’intolérance à l’aspirine (37). Un cas associé à une AIEPIA est connu (35). Les responsables sont les acariens qui se multiplient dans des aliments en voie de péremption de restauration rapide ou dans des récipients contenant de la farine depuis trop longtemps. Les prélèvements ont montré que ces denrées fourmillaient d’acariens !
Le traitement Le traitement associe : • l’éviction des aliments contenant du gluten ; • la règle des 3 heures entre la prise d’un repas et la réalisation d’un effort ; • le port d’une trousse contenant un stylo auto-injecteur d’adrénaline. Tilles et al. (38) recommandaient que le patient se fasse accompagner au cours de l’exercice par un ami capable de lui injecter de l’adrénaline ! 4 De l’allergie aux isolats de blé Les isolats ou hydrolysats de blé n’existent pas à l’état naturel. Ce sont des allergènes alimentaires néoformés qui proviennent de la désamidation du gluten par traitement chimique (chauffage à pH acide) ou enzymatique (chymotrypsine à pH 10). On obtient un produit très concentré en protéines (70 % à 90 %), plus facilement soluble dans l’eau que le gluten naturel. Les isolats de blé sont employés dans l’industrie alimentaire comme agents liants, émulsifiants et gélifiants. On les trouve dans les viandes reconstituées, les charcuteries industrielles, les soupes, les pâtes, les agents clarifiants du vin, etc. Depuis la description des premiers cas en 2003, plus d’une trentaine ont été signalés en France au Réseau d’AllergoVigilance2. Il s’agit le plus souvent d’une anaphylaxie après la consommation d’allergènes alimentaires non habituels comme les charcuteries (jambons) et les viandes (porc, poulet, dinde) reconstitués, etc. (39-41). Les prick tests et les dosages d’IgE spécifiques sont négatifs 10
vis-à-vis des viandes naturelles (porc, poulet, dinde), mais positifs pour les produits consommés (escalopes, sauces, pâtes) et pour l’extrait commercial d’isolat de blé. De plus, ces tests sont négatifs pour la farine de blé et le gluten. Il faut rechercher une urticaire ou un œdème de Quincke vis-à-vis de cosmétiques contenant des hydrolysats de protéines (voir cidessous). L’éviction concerne uniquement les isolats de blé et non les produits naturels ou le blé. Les directives européennes sont évasives sur l’étiquetage des isolats de blé. Elles stipulent que l’étiquetage obligatoire des produits alimentaires est limité à 14 allergènes parmi lesquels figure la “farine de blé”, les isolats de blé n’étant pas expressément mentionnés. La mention “blé” peut correspondre aussi bien à la farine de blé naturelle qu’aux isolats de blé. Le terme Le terme “protéine de blé” traduit le plus souvent la présence d’un isolat de blé (42).
immédiate au blé surviennent chez des patients qui ont une dermatite atopique dans leurs antécédents ou
en cours d’évolution (15). Le diagnostic est porté par le patch test au blé, positifs dans 89 % des cas, mais leur sensibilité est faible de l’ordre de 27 % (20, 43). A l’opposé, les prick tests n’étaient positifs que dans 23 % des cas chez ces sujets. Le blé (et plus généralement certaines céréales) est présent dans un grand nombre de produits : shampoings, crèmes cosmétiques, aliments en conserves, produits diététiques, etc. A titre d’exemple, on peut citer les cas de dermatite atopique à la suite de l’application de crème corporelle au blé (44-46). Si sur certains produits on trouve des mentions explicites comme “gluten de blé modifié”, “protéines de blé”, “germes de blé”, cela n’est pas toujours le cas. 4 Des manifestations digestives chroniques De Boissieu (20, 47) mentionne l’allergie au blé au cours de divers symp-
4 De la dermatite atopique et de l’allergie au blé
tômes digestifs chroniques du nourrisson et du jeune enfant (8-108 mois) :
La plupart des symptômes d’allergie
diarrhée chronique, retard pondéral, ballonnement abdominal, douleurs abdominales, difficultés d’alimentation, infections ORL récurrentes, constipation, reflux gastro-œsophagien.
2. Les isolats de blé, des néoallergènes alimentaires à considérer : http://www.medscape.fr/dermatologie/ articles/1393539/ (consulté le 22 janvier 2013)
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Maladie cœliaque et allergies IgE-dépendantes au blé Au sein de ces ensembles sémiologiques disparates, il est difficile de penser en premier lieu à l’allergie IgE-médiée au blé ! Le gastro-entérologue recherchera une intolérance au gluten ou une pathologie à la mode comme les œsophago-gastroentéropathies à éosinophiles. Le diagnostic de ces pathologies est envisagé dans l’article 1 de ce dossier.
Prévention et traitement
Kamut® et Triticum turgidum spp. durum étaient aussi allergisants les uns que les autres ce qui, d’après les auteurs, n’est pas surprenant pour des raisons phylogénétiques. Le régime d’éviction porte sur le blé mais aussi sur les autres céréales (orge, avoine, seigle, épeautre, kamut, dérivés du blé). Les céréales de substitution sont le riz, le maïs, le tapioca, le manioc, le quinoa ; mais 2 cas d’allergie IgE-dépendante au quinoa ont été publiés (49, 50).
Comme pour d’autres aliments, l’obtention d’un blé hypoallergénique
La désensibilisation par vie orale au
pourrait ouvrir une voie de prévention. La farine issue des grains d’un blé dit hypoallergénique - Triticum turgidum spp. durum - a fait l’objet d’une diffusion mondiale sous son nom de marque (Kamut®). La farine issue de ses graines sert à la préparation de pâtes alimentaires, de gâteaux et d’aliments surgelés. Elle est proposée chez les allergiques au blé en raison de son hypoallergénicité présumée. Simonato et al. (48), étudiant 10 patients atteints d’allergie alimentaire immédiate au blé (avec tests in vitro et prick tests positifs), ont montré que Triticum turgidum spp. Polonicum,
blé a été utilisée par Nucera et al. (51) chez une fillette de 7 ans atteinte d’allergie au blé IgE-dépendante se manifestant par des douleurs abdominales, une diarrhée, un œdème facial et des crises d’asthme après l’ingestion de pâtes et de pain. Compte tenu de la difficulté d’un régime dépourvu de blé et de pâtes (en particulier dans la cuisine italienne), les auteurs ont proposé une immunothérapie par voie orale au blé. Au cours de la première phase du protocole (120 jours), à partir de 1 ml de la dilution à 10-6, les auteurs arrivèrent à la solution pure à 0,02 mg/ml dont ils utilisèrent 3 ml le 58e jour et 75 ml
le 120e jour. La seconde phase débuta au 121e jour avec l’ingestion d’un spaghetti, pour aboutir progressivement à 41 spaghettis (soit 49 g de pâtes) par jour : un bel exemple d’endurance thérapeutique ! Au moment de la publication, la patiente pouvait consommer 49 grammes de pâtes 3 fois par jour, mais elle évitait le pain.
Conclusion Le blé (et plus généralement les céréales) sont des allergènes émergents mais, pour l’instant, leur épidémiologie est mal connue. Cela peut tenir à la variété des symptômes et tableaux connus : asthme du boulanger, symptômes IgE-dépendants, anaphylaxie induite par l’exercice physique et l’ingestion d’aliments, dermatite atopique, dermites de contact, troubles digestifs chroniques. Cette variété est également en rapport avec la multiplicité des allergènes du blé dont les plus importants sont Tri a 18, Tri a 19, Tri a 33 et Tri a 36. L’évolution des formes IgE-médiées est le plus souvent résolutive, mais il existe des formes fixées qui nécessitent une éviction et, probablement pour certaines, une induction de tolérance par voie orale. n
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Mise au point
Allergies alimentaires Faut-il doser les IgG (IgG4) spécifiques des aliments ? Le dosage des IgG (IgG4) spécifiques des aliments est-il utile au diagnostic des allergies alimentaires ? La réponse est non...
Pr Guy Dutau (Allergologue, Pneumologue, Pédiatre, Toulouse)
A
u cours des dernières années on a assisté à une pression accrue du marché des tests biologiques auprès des médecins et même du grand public : le dosage des IgG dirigées contre des aliments (en particulier des IgG4) serait utile pour identifier les hypersensibilités, les intolérances, et les allergies alimentaires1. Ces affirmations, relayées par quelques études, ont semé le trouble dans l’esprit de certains allergologues et pédiatres. Plusieurs prises de position de sociétés savantes comme l’EAACI (European Academy of Allergy and Clinical Immunology), AAAAI (American Academy of Allergy Asthma and Immunology) et CSACI (Canadian Society of Allergy and Clinical Immunology) ne semblent pas les avoir dissipées puisque la question se pose toujours : « Est-ce que le dosage des IgG spécifiques des aliments est utile au diagnostic des allergies alimentaires ? ».
La terminologie peut être source de confusion En 2001, une nouvelle nomenclature en allergologie a été recommandée 1. Les ambiguïtés terminologiques ne sont pas faites pour simplifier la question posée !
par des experts internationaux de l’EAACI qui ont proposé d’utiliser le terme “hypersensibilité alimentaire”, pouvant être soit allergique soit non allergique, l’hypersensibilité allergique étant IgE-dépendante ou nonIgE-dépendante (figure 1, tableau I) (1). Tous les allergologues savent que l’allergie alimentaire non-IgE dépendante est d’une grande rareté et que, dans leur pratique clinique, ils sont avant tout confrontés à des formes IgE-dépendantes (95 % et plus) (2). Presque 20 ans plus tôt, il était proposé de distinguer l’allergie alimentaire et les pseudo-allergies alimentaires (3), les mêmes symptômes (urticaire, vomissements, douleurs abdominales, asthme, anaphylaxie, etc.) pouvant aussi bien relever d’une allergie IgE-dépendante que de l’ingestion d’aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs2. Même si elle n’est pas la bonne, la question posée est avant tout : « Estce que le dosage des IgG spécifiques des aliments est utile au diagnostic des allergies alimentaires en particulier IgE-dépendantes ? » 2. Selon l’expérience professionnelle, il y aurait une fausse allergie alimentaire pour 3 vraies, mais cette estimation n’est pas fiable car, à ce jour, aucune étude spécifique n’a été réalisée à notre connaissance.
Quelques éléments de la littérature En 2008, Stapel et al. (4) ont produit un document sur la position à adopter au sujet du dosage des IgG4 vis-à-vis des aliments. Il est utile de reprendre et de préciser certains de leurs arguments au vu des données de la littérature postérieures à la publication de ce rapport. 44IgG (IgG4) et histamino-libération L’histoire de ces interrogations a commencé autour des années 1980 par des études montrant que, comme les IgE, les IgG (en particulier les IgG4) induisaient une libération d’histamine par les polynucléaires basophiles3 (5). Quelques nouvelles études sur ce thème ont confirmé ce rôle in vitro, mais sans déboucher sur des perspectives pratiques (6, 7). 44IgG4, immunothérapie et induction de tolérance alimentaire Les études modernes portant sur l’immunothérapie spécifique vis-àvis des allergènes usuels (acariens, 3. Initialement dénommées short term sensitizing IgG.
Hypersensibilité alimentaire
Hypersensibilité alimentaire allergique
Hypersensibilité alimentaire IgE-dépendante
Hypersensibilité alimentaire non allergique
Hypersensibilité alimentaire non-IgE-dépendante
Figure 1 - Hypersensibilité alimentaire selon le schéma de l’ombrelle (1). Nutrition & Pédiatrie • Septembre 2013 • vol. 6 • numéro 17
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pollens) et des venins d’hyménoptères ont montré une cinétique très particulière des tests cutanés et des concentrations sériques d’IgE et d’IgG témoignant de la modification du statut immunitaire de l’individu allergique que seule la désensibilisation est capable d’entraîner, comme un vaccin (8) : • diminution de la positivité des tests cutanés (voire négativation surtout pour la désensibilisation aux venins d’hyménoptères) ; • diminution profonde de la concentration sérique des IgE spécifiques ; • augmentation des IgG4 spécifiques ; ces cinétiques (baisse des IgE et augmentation des IgG4) ont été particulièrement appréciées au cours des études portant sur l’immunothérapie par voie sublinguale (9). Les cellules T régulatrices (Treg) induisent la production d’IgG4 par les cellules B (10). Les Treg produisent de l’IL-10 qui inhibe la production d’IgE et favorise la formation de complexes IgG4-allergènes et s’opposent à la présentation des antigènes (10, 11). Plus récemment, ces modifications immunologiques ont été observées au cours de plusieurs essais d’induction de tolérance alimentaire pour le lait de vache, l’œuf de poule et l’arachide (12-14). Dans l’étude de Ruiter et al. (15), l’acquisition de la tolérance au lait de vache et son maintien sont associés à des taux élevés d’IgG4 spécifiques, combinés à des taux bas d’IgE sériques spécifiques. 44Variété des réponses IgG vis-à-vis des aliments IgG et maladies digestives Dans leur revue critique, Stapel et al. (4) soulignent l’intérêt (relatif) de doser les IgG contre la gliadine en cas de suspicion de maladie cœliaque avec déficit en IgA. Il en est de même au cours du syndrome du côlon irritable (SCI) (16).
Dans cette étude, Atkinson et al. ont randomisé 150 patients atteints de SCI avec présence d’IgG anti-aliments en 2 groupes : les uns excluaient les aliments suspectés pendant 12 semaines, les autres ne faisaient aucune 14
exclusion. Globalement, une réduction du score des symptômes de 10 % fut observée dans le premier groupe (p = 0,024) ; elle était de 26 % chez ceux qui avaient parfaitement observé le régime (p < 0,001) (16). Toutefois, cette étude fut fortement contestée (17) : • environ un tiers des patients ayant une SCI n’a pas d’intolérance alimentaire au cours de régimes stricts d’exclusion malgré la présence d’IgG vis-à-vis de divers aliments ; • 87 % des patients d’Atkinson avaient des taux élevés d’IgG contre les levures (Candida Spp.), alors que le pourcentage habituellement signalé dans la littérature varie entre 5,5 et 12 % ; • les pourcentages de patients ayant des IgG contre l’œuf de poule, le lait de vache et la noix de cajou étaient également plus élevés et, inversement plus bas pour le chocolat et les agrumes, en référence aux données empiriques des régimes d’exclusion au cours du SCI ; • le pourcentage d’améliorations après une exclusion alimentaire guidée par le dosage des IgG est très bas (10 %) (17). Dans la conclusion de son commentaire, Hunter regrettait la confusion entre une étude dite scientifique et la promotion d’un dosage (17). D’autres études non contrôlées, sur de faibles effectifs ont donné des résultats variables (18, 19). IgG et prédiction de l’allergie alimentaire Plusieurs études ont été consacrées à la prédiction des allergies alimentaires. La cinétique des IgG dirigées contre les aliments est particulière avec un pic précoce au cours des premières années de vie, suivi d’une baisse progressive vers l’âge de 8 ans. C’est
pourquoi plusieurs auteurs ont essayé d’en tirer avantage pour la détection précoce des “hypersensibilités alimentaires” plus tôt qu’ils n’auraient pu le faire avec les IgE dont la cinétique est décalée, plus tardive que celle des IgG (20, 21). • Calkhoven et al. (22) ont testé l’hypothèse selon laquelle les enfants
ayant une réponse IgG élevée (IgG1 et/ou IgG4) contre les aliments auraient un risque accru de se sensibiliser contre les pneumallergènes. Parmi 106 enfants de 12 à 16 ans ayant des IgG vis-à-vis de divers aliments, des réponses IgE contre les pneumallergènes sont apparues chez 54 (51%) d’entre eux. Cette prédiction était plus importante pour les allergies polliniques que pour les allergies aux acariens. • Eysink et al. (23) ont effectué une étude similaire chez 120 enfants atopiques (58 avec eczéma) âgés de 1 an comparés à un groupe de 144 non atopiques. Dans l’ensemble les enfants atopiques avaient plus souvent des taux élevés d’IgG (ELISA) vis-à-vis des aliments que les non atopiques. La présence d’IgG contre l’œuf (OR 7,50), un mélange de blé et de riz (OR 4,79), et l’orange était plus étroitement associée à la présence d’IgE dirigées contre les pneumallergènes (chat, chien, acariens, œuf, lait). L’intérêt de détecter ce type d’association n’apparaît pas clairement au lecteur, d’autant que, dans les figures reproduites, des taux élevés d’IgG et d’IgG4 sont observés aussi bien chez les atopiques que chez les non atopiques… • Plus récemment Ito et al. (24) insistent sur l’association étroite entre des IgE contre la caséine et l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV). Soixante et un enfants atteints d’APLV ont des IgE dirigées contre le lait, la caséine et la bêtalactoglobuline comparés à 22 enfants exempts d’APLV, ce qui n’est pas surprenant ! Tous les enfants atteints d’APLV (excepté un seul) ont des IgE anti-caséine supérieures à 6,6 kUA/l. Chez les enfants exempts d’APLV, les IgG4 dirigées contre la caséine sont plus élevées que chez les enfants atteints d’APLV ce qui, pour les auteurs, témoignerait du rôle protecteur de ces IgG4 contre l’APLV. En pratique, on se demande quelle peut être l’utilité de prescrire un tel dosage. • Toujours en 2012, Okamoto et al. (25) ont testé l’intérêt du dosage des IgG4s spécifiques du blanc d’œuf pour prévoir le résultat du test de
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provocation par voie orale (TPO). Soixante-quatre (62 %) sur 105 TPO étaient positifs pour l’œuf entier. L’aire sous la courbe (ASC) était de 0,609 (pour les IgE), de 0,724 (pour les IgG4) et 0,846 (pour le rapport IgE/IgG4). C’est donc le ratio IgE/ IgG4 qui est le plus performant pour prédire un TPO positif (25). Il suffit de connaître un peu la littérature pour savoir que de nombreux index prédictifs ont été proposés tels que les IgEs (26), les prick-tests (27), les IgEs + les prick tests (28), les atopy patch tests + les prick tests (29). Mais ces index prédictifs doivent être maniés avec précaution en fonction de chaque équipe (d’où les nombreuses publications), du recrutement, de chaque allergène, de l’âge des patients et de la mode. Ainsi, certains index prédictifs sont abandonnés par plusieurs équipes (atopy patch tests + prick tests). 44Position de l’EAACI Stapel et al. (4) ont dosé les IgE et IgG4 de 13 laborantins sains vis-àvis de plusieurs aliments (lait, œuf, arachide, blé, banane, orange, riz, pomme de terre, porc). Des IgG4 furent détectées dans tous les échantillons sanguins. Leurs taux étaient sans rapport avec ceux des IgE dirigées contre ces aliments, et sans signification clinique. La présence d’IgG4 contre un aliment ne constitue pas, en soi, un argument en faveur d’une allergie à cet aliment ; elle traduit simplement le contact avec cet aliment, plutôt prolongé. Toutefois, s’il existe un
trouble de la perméabilité intestinale, les IgG4 pourraient éventuellement réagir, selon certains auteurs, entraînant une réponse immunologique (4) avec éventuelle histaminolibération (5-7). Chez les apiculteurs fréquemment piqués par les abeilles la réponse dominante est de type IgG (90 % de ces IgG appartenant aux IgG4). D’ailleurs, ces sujets ne développent pas (ou exceptionnellement) des réactions allergiques après de nouvelles piqûres. Au cours de l’immunothérapie spécifique aux acariens, aux pollens et plus
encore de la désensibilisation aux venins d’hyménoptères, la présence d’IgG4 traduit globalement l’efficacité de ce traitement avec la négativation des tests cutanés. Toutefois, étant donnée la grande dispersion des résultats, le dosage des IgG4 spécifiques n’est pas recommandé pour apprécier individuellement le résultat d’une désensibilisation, en particulier aux venins d’hyménoptères. 44Au total Les IgG et les IgG4 dirigées contre les aliments traduisent simplement une exposition aux allergènes. Leur présence n’est pas pathologique mais, au contraire, plutôt bénéfique.
Ces faits sont en accord avec les données récentes concernant les études sur les inductions de la tolérance alimentaire (lait de vache, œuf de poule, arachide) par voie sublinguale ou orale (12-15, 30).
Commentaires Malgré la prise de position de l’EAACI (4) la pression concernant l’intérêt diagnostique du dosage des IgG (IgG4) anti-alimentaires semble s’être maintenue, si bien que plusieurs sociétés savantes ont publié de nouvelles recommandations. 44Soutien de l’AAAAI aux recommandations de l’EAACI Le comité des réactions adverses aux aliments soutient le texte de l’EAACI. Il rappelle que les tests du diagnostic allergologique doivent être basés sur des preuves scientifiques (31). En l’absence de ces preuves, le malade est exposé à une mauvaise prise en charge et à des répercussions sur sa qualité de vie, en particulier induites par des régimes d’exclusion inappropriés (31).
44Recommandations canadiennes de la CSACI La CSACI est soucieuse au sujet du marketing accru pour les tests de détection des IgG dirigées contre les aliments supposés identifier les sensibilités, intolérances et allergies alimentaires. Ces tests non validés sont souvent proposés par les pratiquants de médecines alternatives, dites “globales”, ou même directement au consommateur par des chaînes de pharmacies. Le CSACI, comme l’AAAAI, souligne que ces tests ne sont pas validés par la médecine basée sur les preuves. La CSACI rappelle que la présence d’IgG (IgG4) vis-à-vis des aliments est une réaction normale du système immunitaire de l’enfant et de l’adulte sain (32). La mise en garde du CSACI s’articule autour de 5 points : • ces tests largement disponibles au Canada sont proposés par une kyrielle de fournisseurs de médecines alternatives, des cliniques paramédicales, et quelques médecins ; • un kit peut être vendu directement à un client dans une pharmacie ; • certaines stratégies consistent à placer des outils promotionnels dans la salle d’attente des médecins à leur insu ; • les prix varient entre 400 et 700 dollars canadiens et certaines mutuelles remboursent le tiers payant malgré l’absence de preuves scientifiques de leur utilité ; • les régimes d’exclusion inappropriés peuvent induire des troubles de la croissance et même une malnutrition en particulier lorsque des aliments essentiels comme le blé, les œufs et d’autres aliments usuels sont exclus (5).
La présence d’IgG anti-aliments, en particulier d’IgG4, ne signifie pas nécessairement que le patient est allergique à un aliment ou ne le tolère pas, mais constitue une réaction physiologique du système immunitaire (31).
Le CSACI rappelle enfin qu’aucun
L’AAAAI insiste sur 6 points concernant le diagnostic de l’allergie alimentaire (tableau 1).
44Recommandations individuelles de spécialistes Elana Lavine (33), l’une des 4 signa-
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test sanguin quel qu’il soit ne peut se substituer à la consultation d’un médecin expérimenté et accrédité pour le diagnostic et la prise en charge des allergies alimentaires comme un allergologue/immunologiste (32).
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taires du texte du CSACI, reprend les recommandations canadiennes et, surtout, les illustre par deux cas cliniques édifiants. • Le premier concernait un homme de 35 ans atteint de rhumatisme psoriasique. Après avoir commencé un traitement par méthotrexate, il sollicita l’avis d’un thérapeute holistique4 qui lui suggéra de rechercher une hypersensibilité alimentaire à l’aide d’un test sanguin. Celui-ci mit en cause le lait, les produits laitiers, le blé, les œufs, et plusieurs autres aliments. De plus, il lui fut indiqué que, dans la mesure où l’intolérance alimentaire était une affection héréditaire, il devrait envisager de tester aussi sa petite fille, bien qu’en bonne santé (33) ! • Le second cas était celui d’une fillette de 4 ans, qui avait des éruptions prurigineuses des plis de flexion. Sa mère, doutant de la sûreté des corticoïdes topiques, les utilisait parcimonieusement. Elle prit aussi l’avis d’un thérapeute holistique qui proposa un test sanguin « apte à diagnostiquer les allergies » chez cette fillette atteinte d’eczéma. La positivité de plusieurs résultats fit supprimer de nombreux aliments dont les œufs. Problème : les patients étaient végétariens et les œufs étaient la composante majeure de leur alimentation (33) ! Ces deux observations se passent de commentaires. Nul doute que les patients atteints d’affections aussi diverses que les affections du spectre autistique, les colopathies et le côlon irritable, le syndrome de fatigue chronique, les fibromyalgies (etc.) seront des cibles privilégiées...
Tableau 1 - Soutien de l’AAAAI (31) aux recommandations de l’EAACI (4). Les 6 points clés du diagnostic de l’allergie alimentaire (31) 1. Il n’est ni possible ni approprié d’utiliser un test sanguin pour le diagnostic d’une allergie alimentaire en l’absence d’une bonne connaissance de l’histoire clinique et si possible de tests de provocation. 2. Les taux sériques des IgG4 ou des IgE (ou d’autres sous-classes d’IgG) traduisent la présence d’anticorps spécifiques mais ne permettent pas de porter le diagnostic. La présence d’un anticorps ne signifie par l’existence d’une affection. 3. Il est habituel que les médecins de soins primaires préconisent un test de détection (habituellement des IgE) pour une allergie alimentaire en l’absence d’une histoire clinique précise ou s’ils n’ont pas les bases suffisantes pour l’interpréter. Il s’agit le plus souvent de tests multiallergéniques de dépistage. Les résultats peuvent prêter à confusion lorsque les aliments incriminés qui sont bien tolérés par les patients sont exclus de leur alimentation. Des aliments bien tolérés ne doivent pas être exclus du régime, même en présence de tests positifs. 4. Quelques praticiens prescrivent des tests IgG ou IgG4 vis-à-vis des aliments, et les résultats peuvent être mal interprétés conduisant à des régimes d’exclusion qui peuvent être nutritionnellement inappropriés et certainement difficiles à suivre pour les patients. 5. Les fîrmes commerciales proposent fréquemment ces tests à toutes les catégories de médecins, et il n’est pas rare que leurs agents de marketing et de vente simplifient trop l’interprétation de ces tests. 6. Une mauvaise interprétation des tests d’allergie immédiate IgE-dépendante peut conduire à des réactions sérieuses lorsqu’un taux d’anticorps indétectable est interprété comme négatif et que le patient est autorisé à consommer l’aliment. La survenue de symptômes cliniques fait insister sur le fait qu’un taux indétectable ne signifie pas nécessairement que le résultat est négatif.
44Situation en Europe Le lecteur pourra s’apercevoir que les “tests IgG alimentaires” foisonnent sur la toile. La requête « Tests IgG aliments » faite sur Google fournit 127 000 résultats avec de nombreux sites français, francophones et euro-
péens. On peut lire en substance que « des taux d’IgG élevés contre des aliments ont permis d’incriminer des aliments dont l’éviction a pu améliorer voire faire disparaître. les symptômes d’affections aussi diverses que le syndrome du côlon irritable, les migraines, l’eczéma, l’asthme, les infections ORL, la polyarthrite rhumatoïde, l’obésité et l’athérosclérose » 5, 6. Bigre ! La lecture de quelques blogs est édifiante7. Sauf erreur, à notre connaissance, il ne semble pas que les sociétés savantes françaises aient encore publié leurs recommandations…
4. Holiste, holistique : La médecine holistique est une pratique visant à traiter la personne de façon globale (le corps et l’esprit) et non pas seulement la partie affectée par les symptômes. Dans les deux cas présentés on doit pouvoir assimiler le terme de holistic care provider (litt. “dispensateur de soins globaux”) à celui de “gourou”.
5. http://www.votredietetique.com/Exploration-biologique-des.html (consulté le 2 janvier 2013) 6. http://www.intolsante.com/intolerance-alimentaire/test-intolerance-alimentaire-imupro. html (consulté le 2 janvier 2013) 7. http://forum.doctissimo.fr/nutrition/allergiesalimentaires/candidose-recherche-solution-sujet_2124_1.htm (consulté le 2 janvier 2013)
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Conclusions Des trousses pour le dosage des IgG (IgG4) dirigées contre les aliments sont largement disponibles dans plusieurs pays, proposés directement aux consommateurs par la publicité, le prosélytisme, l’abus de faiblesse, etc. Ces tests, disponibles auprès de chaînes pharmaceutiques ou sur internet sont conseillés par des “thérapeutes holistiques”, des guérisseurs, des gourous, certains paramédicaux, parfois des médecins. Ils coûtent entre 400 et 700 dollars canadiens (ou équivalents). Un kit peut être vendu directement à un “client” au Canada. Les sociétés savantes (EAACI, AAAAI, CSACI) ont mis en garde contre ces tests qui ne sont pas scientifiquement validés par les méthodes d’évaluation basées sur les preuves. La positivité de leurs résultats peut induire des troubles de la croissance
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et une malnutrition lorsque des aliments essentiels sont exclus. Globalement la présence, dans le sérum d’un individu, d’IgG (IgG4) dirigées contre les aliments est la traduction d’une exposition aux allergènes. Leur
présence n’est pas pathologique, mais au contraire plutôt bénéfique. Plus généralement, aucun test sanguin (quel qu’il soit) ne peut se substituer à la consultation d’un médecin expérimenté (allergologue) pour le
diagnostic et la prise en charge des allergies alimentaires. n Conflits d’intérêt : l’auteur n’a aucun conflit d’intérêt pour la rédaction de cet article.
Pour en savoir plus… 1. Johansson SGO, Hourihane JO’B, Bousquet J et al. A revised nomenclature for allergy. An EAACI position statements for the EAACI Nomenclature Task Force. Allergy 2001 ; 56 : 813-24. 2. Classifications et mécanismes. In : Rancé F, Dutau G. Les allergies alimentaires. Paris : Expansion Scientifique Française, 2004 : 33-42. 3. Moneret-Vautrin DA, André C. Immunopathologie de l’allergie alimentaire et fausses allergies alimentaires. Paris : Masson, 1983, 1 vol., 266 pages. 4. Stapel SO, Asero R, Ballmer-Weber BK et al. Testing for IgG4 against foods is not recommended as a diagnostic tool: EAACI Task Force Report. Allergy 2008 ; 63 : 793-6. 5. Fagan DL, Slaughter CA, Capra JD, Sullivan TJ. Monoclonal antibodies to immunoglobulin G4 induce histamine release from human basophils in vitro. J Allergy Clin Immunol 1982 ; 70 : 399-404. 6. Van der Zee JS, Aalberse RC. The role of IgG in allergy. In: Lessof MH, Lee TH, Kemeny DM, eds. Allergy: an international textbook. London: Wiley, 1987 :49-67. 7. Schuurman J, Perdok GJ, Mueller GA, Aalberse RC. Complementation of Der p 2-induced histamine release from human basophils sensitized with monoclonal IgE: not only by IgE, but also by IgG antibodies directed to a non overlapping epitope of Der p 2. J Allergy Clin Immunol 1998 ; 101 : 404-9. 8. Bousquet J, Lockey J, Malling HJ. Immunothérapie des allergènes : traitement vaccinal des maladies allergiques. Rev Fr Allergol Immunol Clin 1999 ; 39 : 385-444. 9. Calderon MA, Rodriguez del Rio P, Demoly P. Sublingual allergen immunotherapy in children : an evidence-based overview. Rev Fr Allergol 2012 ; 52 : 20-5. 10. Satoguina J, Weyand E, Larbi J, Hoerauf A. T regulatory-1 cells induce IgG4 production by B cells: role of IL-10. J Immunol 2005 ; 174 : 4718-26. 11. Nouri-Aria KT, Wachholz PA, Francis JN et al. Grass pollen immunotherapy induces mucosal and peripheral IL-10 responses and blocking IgG activity. J Immunol 2004 ; 172 : 3252-59. 12. Dutau G. Peut-on induire une tolérance chez les patients allergiques aux aliments ? Nutrition & Pédiatrie 2012 ; 5 (15) : 7-11. 13. Bedoret D, Singh AK, Shaw V et al. Changes in antigen-specific T cell number and function during oral desensitization in cow’s milk allergy enabled with omalizumab. Mucosal Immunol 2012 ; 5 : 2676. 14. Jones SM, Pons L, Roberts JL et al. Clinical efficacy and immune regulation with peanut oral immunotherapy. J Allergy Clin Immunol 2009 ; 124 : 292-300. 15. Ruiter B, Knol EF, Garssen J et al. Maintenance of tolerance to cow’s milk in atopic indi- viduals is characterized by high levels of specific immunoglobulin G4. Clin Exp Allergy 2007 ; 37 : 1103-10. 16. Atkinson W, Sheldon A, Shaath N, Whorwell PJ. Food elimination based on IgG antibodies in irritable bowel syndrome: a randomised controlled trial. Gut 2004 ; 53 : 1459-64. 17. Hunter JO. Food elimination in IBS: the case for IgG testing remains
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Conseils aux mamans
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L’allaitement maternel Un must mais pas un diktat Le lait maternel est l’aliment de référence. Mais l’allaitement, s’il doit être encouragé, est aussi le choix de la mère. Le sevrage doit alors être accompagné et expliqué. Dr Florence Campeotto (Service de Gastroentérologie Pédiatrique, Hôpital Necker, Paris)
L’allaitement maternel en chiffres • Selon un rapport de l’Anaes sur l’allaitement maternel, les estimations sur la prévalence de l’allaitement maternel en Europe ont été évaluées en 2003. La situation européenne (29 pays européens) est très hétérogène. Le taux d’initiation de l’allaitement était supérieur ou égal à 90 % dans 14 pays et de 60 % à 80 % dans 6 autres pays. Les taux les plus bas (< 60 %) ont été signalés en France, en Irlande et à Malte. Le taux d’allaitement au sein à 6 mois était de plus de la moitié dans seulement 6 pays.
L’allaitement maternel : un modèle L’allaitement maternel et ses bienfaits font l’objet d’un consensus scientifique publié par les différents comités scientifiques de nutrition et par l’OMS. Le lait maternel est l’aliment de référence pour les nourrissons. Ses avantages pour la santé de l’enfant sont plus élevés dans les pays en voie de développement que dans les pays développés, et sont inversement proportionnels au niveau socioéconomique de la population. Mais l’allaitement maternel a aussi un impact sur la morbidité infantile dans les pays industrialisés, comme par exemple, une réduction des infections gastro-intestinales et des otites moyennes aiguës. Il a aussi des effets positifs démontrés sur la santé plus tardivement, avec une diminution de l’obésité, du diabète de type 2 et de l’HTA. L’allaitement maternel est la meilleure façon d’optimiser la croissance et le développement des nourrissons. Par ailleurs, il a été montré que l’allaitement au sein est associé à un 18
• En France, les premiers résultats de l’enquête EPIFANE (Épidémiologie en France de l’alimentation et de l’état nutritionnel des enfants pendant leur première année de vie), mise en place début 2012, montrent que 69,1 % des nourrissons étaient allaités à la maternité (59,7 % de façon exclusive, 9,3 % associé à des laits pour nourrissons). 30,9 % ne recevaient que du lait pour nourrissons ; à 1 mois, 54 % étaient allaités (35 % de façon exclusive) et 45,6 % ne buvaient que du lait pour nourrissons (1).
risque réduit de diabète de type 2, de cancer du sein et de cancer de l’ovaire chez la mère (2).
Un must mais pas une obligation
pas allaiter. La France est en effet peu à peu passée d’un système relativement libéral à une pression de plus en plus marquée du milieu médical, de l’entourage familial… Probablement ne faut-il pas négliger le rôle de la Leche League (née aux Etats-Unis à la fin des années 50 dans les milieux catholiques traditionalistes), qui s’est développée peu à peu, relayée notamment par les mouvements féministes. Nous devons aussi laisser aux femmes la possibilité de résister aux discours culpabilisateurs.
Les besoins nutritionnels du nouveau-né, du nourrisson et de l’enfant en bas âge avant 3 ans ont fait l’objet de nombreux travaux depuis 30 ans, ayant abouti à des recommandations, notamment de l’OMS. Ainsi, l’objectif souhaitable serait que les femmes allaitent pendant environ 6 mois, même partiellement, et la poursuite de l’allaitement maternel après la diversification alimentaire doit être encouragée. Bien que ce soit la mère qui décide de l’allaitement de son enfant, le rôle des personnels de santé de la petite enfance, y compris des pédiatres, est de promouvoir et soutenir l’allaitement maternel.
Puis vient le temps du sevrage
L’allaitement maternel est donc un “must” et c’est incontestable, mais il est évident que l’allaitement à tout prix ne doit pas être un diktat. Le discours ne doit pas être culpabilisant envers les femmes qui ne souhaitent
Les mères commencent à allaiter avec les meilleures intentions du monde. Mais, souvent, elles affrontent des obstacles, et un sevrage prématuré peut survenir (difficultés à allaiter, refus du bébé, reprise du travail, prise
Il faut aussi soutenir celles qui souhaitent allaiter longtemps, par choix personnel ou, par exemple, parce que cela correspond à la norme dans leur culture.
Nutrition & Pédiatrie • Septembre 2013 • vol. 6 • numéro 17
Conseils aux mamans
de médicaments contre-indiquant l’allaitement…). Il est important que le médecin explore les raisons pour lesquelles la mère veut sevrer son enfant et qu’il l’informe pour qu’elle puisse prendre une décision éclairée quant au processus et au moment du sevrage. Le terme “sevrage” vient du latin separare, qui signifie “séparer”. Le sevrage de l’allaitement est une phase naturelle et inévitable du développement de l’enfant. C’est un processus complexe qui exige des réajustements nutritionnels, immunologiques, biochimiques et psychologiques. Une mère peut ressentir des émotions contradictoires lorsqu’elle commence à sevrer son enfant. Elle peut être heureuse de cette nouvelle liberté, mais elle peut aussi faire le deuil de la fin d’une phase très intime de sa relation avec son enfant. Il est courant que la mère ressente un sentiment de perte ou de tristesse, même en cas de sevrage graduel. Tant qu’elle aborde le processus avec sérénité, l’expérience devrait être positive. Le rôle du médecin consiste à soutenir et à accompagner la maman pendant cette période, tout en s’assurant que le nourrisson profite d’une nutrition convenable.
A quel moment ? 44Avant 4 mois Le sevrage et le passage à une préparation pour nourrissons se fait dès que la maman en a fait le choix, ou dès qu’elle ne peut plus allaiter. S’il est programmé, le sevrage se fera de façon progressive (voir encadré, plan de sevrage). Pour les nourrissons, avant 4 mois, il existe des formules infantiles spécialisées de relais éla-
Exemple de plan de sevrage à expliquer aux mamans • Remplacez une tétée par un biberon de lait infantile (lait spécifique au relais de l’allaitement, “lait de relais”, lait 1er âge ou lait 2e âge) ou de lait maternel que vous aurez tiré préalablement. •D e façon progressive, après 5 à 7 jours, substituez à une autre tétée un biberon de lait maternel ou de lait infantile (pour éviter la congestion de vos seins, alternez toujours une tétée au sein et une autre au biberon). •C ontinuez cette méthode jusqu’à la substitution complète de l’allaitement vers le biberon. Cela pourrait prendre environ 5 à 6 semaines. •O ffrez à votre enfant, si possible, votre propre lait dans les premiers biberons. De cette manière, le nourrisson reconnaîtra rapidement le goût du lait qu’il boit ordinairement et aura tendance à accepter plus facilement le biberon.
borées pour être les plus proches possible du lait maternel (si pas de troubles digestifs du nourrisson). 44Au moment de la diversification alimentaire Vers 6 mois (et pas avant 4 mois), le nourrisson est prêt, du point de vue développemental, à accepter des aliments solides. C’est à cet âge qu’il passe à une préparation de suite (lait 2e âge) si l’allaitement est interrompu. Tandis que de plus en plus de solides et de nouveaux aliments liquides sont introduits dans son régime, le sevrage participe à son évolution.
44Lorsque l’allaitement se prolonge, la diversification permet d’équilibrer les apports La tétée et la mastication sont des comportements complexes, présentant tous deux des éléments innés et acquis. L’élément acquis est conditionné par la stimulation orale. Si le stimulus n’est pas appliqué au moment du développement neuronal, le nourrisson peut devenir un mangeur sélectif. Il existe un lien entre le fait de téter longtemps sans prendre de solides et une alimentation insuffisante par la suite.
C’est à cette période que les réserves de fer présentes depuis la naissance diminuent. L’introduction de laits infantiles (riches en fer) à la place du lait maternel, et d’aliments contenant du fer permettront d’éviter les déficits.
Vers la fin de la première année, le lait maternel ne contient plus assez de protéines pour le nourrisson. Si la mère continue d’allaiter, l’apport en protéines sera assuré par la viande, le poisson, les œufs, le fromage, certains légumes (lentilles)...
Lorsque le sevrage se fait au moment de la diversification alimentaire, on peut rappeler à la maman que son nourrisson franchit une étape sociale, celle de manger des solides, puis de boire au verre.
Le report de l’introduction des aliments solides trop longtemps après six mois risque également d’exposer le nourrisson à une anémie ferriprive et à d’autres anomalies micronutritionnelles. n
Pour en savoir plus… 1. Salanave B et al. Taux d’allaitement maternel à la maternité et au premier mois de l’enfant. Résultats de l’étude Épifane, France, 2012. BEH 18 septembre 2012, n° 34. En ligne sur le site : www.invs.sante.fr/ 2. Prentice AM et al. Dietary supplementation of Gambian nursing mothers and lactational performance. Lancet 1980 ; 2 : 886-8. 3. Organisation mondiale de la santé. Durée optimale de l’alimentation au sein exclusive : résultats d’un examen systématique. Genève : Organisation mondiale de la santé, 2002.
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4. ESPGHAN Committee on Nutrition. Breast feeding : a commentary by the ESPGHAN Committee on Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2009 ; 49 : 112-25. 5. Piovanetti Y. Breastfeeding beyond 12 months. Pediatr Clin North Am. 2001 ; 48 : 199-206 6. Wight NE. Management of common breastfeeding issues. Pediatr Clin North Am 2001 ; 48 : 321-44.
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Des experts vous répondent
Faut-il faire un bilan ophtalmologique chez tous les bébés ? Et à quel âge ? Dr Laurent Laloum
(ophtalmologiste, strabologue, Paris - strabisme.fr)
Il est matériellement impossible d’examiner tous les bébés dès l’âge de deux mois. Cela évite de réfléchir à l’intérêt d’un examen systématique à cet âge. Un examen ophtalmologique au plus tard vers l’âge de 3 ans est, par contre, toujours souhaitable.
C’est-à-dire : les bébés nés d’une grossesse à risque (prématurité, souffrance fœtale, infection durant la grossesse…) ; les bébés dont un des parents, un frère, une sœur présente : • une anomalie corrigée par des lunettes fortes (myopie, hypermétropie, ou astigmatisme), • un œil vraiment moins “bon” que l’autre (amblyopie), • un strabisme ou un nystagmus ; les bébés présentant une anomalie : • tache blanche sur la pupille (consultation urgente), • strabisme fréquent ou permanent (un strabisme intermittent n’est pathologique qu’après l’âge de 6 mois), • nystagmus, • limitation ou anomalie des mouvements d’un œil ; les bébés chez lesquels le test d’occlusion alternée est pathologique (voir encadré ; ce test doit être réalisé pour tous les bébés tous les 2 mois, à partir de l’âge de 2 mois).
© Mykola Velychko / Fotolia
On doit examiner systématiquement dès l’âge de 2 mois les bébés à risque
Pourquoi dès 2 mois ? Corriger très tôt, par des lunettes, un trouble visuel important réduit le risque de strabisme et d’amblyopie (par
En parler aux parents : le test de l’occlusion alternée C’est le test de dépistage de mauvaise vision d’un œil à faire réaliser par les parents pour tous les bébés, tous les 2 mois jusqu’à l’âge verbal. Le principe : Si un bébé voit bien d’un œil et mal de l’autre, il est plus gêné lorsque l’on cache celui qui voit bien. La réalisation Il faut cacher alternativement un œil du bébé puis l’autre. Sa réaction doit être la même pour l’œil droit et pour l’œil gauche. S’il est à chaque fois beaucoup plus gêné (ou se “fâche” plus) lorsque l’on cache par exemple l’œil droit que lorsque l’on cache le gauche, il est probable que l’œil gauche voit mal. Il faut répéter ce test à différents moments et en
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commençant tantôt par l’œil droit et tantôt par l’œil gauche pour confirmer ces faits. L’interprétation Un test anormal traduit une amblyopie et doit faire consulter rapidement. Un test normal ne traduit pas l’absence d’amblyopie. Chez un bébé ne réagissant pas lorsque l’on cache les deux yeux simultanément, ce test n’a pas de valeur. A noter : si un enfant présente un strabisme permanent et si l’œil dévié est toujours le même, cet œil est très probablement amblyope.
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contre, on ne corrige pas une amétropie modérée à cet âge, et encore moins l’hypermétropie physiologique des bébés). A 2 mois, l’enfant ne sait pas s’opposer à l’examen : l’examen est souvent facile si l’ophtalmologiste est entraîné à la skiascopie.
Que va vérifier l’ophtalmologiste ? A cet âge, on ne peut pas dire si bébé voit bien, mais on peut vérifier qu’il a tout ce qu’il faut pour bien voir. C’est-à-dire : • qu’il n’existe pas de strabisme permanent ; • que la motilité oculaire est normale ; • que les réflexes photomoteurs sont normaux ; • surtout, après dilatation pupillaire par tropicamide (mydriaticum), que la skiascopie ne révèle pas d’amétropie importante, et que le fond d’œil est normal.
Quels conseils pour les parents qui amènent leur bébé chez l’ophtalmologiste ? Leur conseiller d’apporter, sur une clé USB, 20 photographies prises de face, au flash, à des moments différents (cela permet d’évaluer au mieux la fréquence d’un strabisme éventuel) ; et d’apporter un biberon à donner pendant l’examen : la
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meilleure façon d’immobiliser la tête d’un bébé n’est pas de tenir sa tête, mais de tenir le biberon qu’il aura envie de téter.
Deux erreurs à éviter C’est une erreur d’attendre de remarquer quelque chose d’anormal pour décider d’un examen ophtalmologique, alors qu’un bébé présente des antécédents familiaux importants. C’est une erreur de laisser un bébé regarder longuement et souvent des motifs répétitifs qui permettent de voir la même chose avec chaque œil, alors que les deux yeux ne regardent pas au même endroit. C’est une façon de faire croire au cerveau que la position d’alignement parfait des yeux est atteinte alors qu’elle ne l’est pas. Par exemple : • un motif répétitif, comme un quadrillage • un tour de lit uni (les deux yeux peuvent regarder n’importe où et voir la même chose…). Il faut que les deux yeux perçoivent des images très différentes sauf si l’enfant regarde au même endroit, afin de ne pas piéger le signal d’erreur informant le cerveau de l’alignement des yeux. Ajouter des objets ou chiffons contrastés suffit à supprimer ce risque. n
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