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Pédiatrie A C T U A L I T É S E T P R AT I Q U E S

MISE AU POINT

La stéatose hépatique de l’enfant une complication de l’obésité n Le point sur la stéatose hépatique : son diagnostic et sa prise en charge

Dr Emmanuel Mas

n La chirurgie bariatrique de l’adolescent : où en sommesnous en 2013 ? Dr Béatrice Dubern

n Les fausses allergies alimentaires : de quoi parle-t-on ? Pr Guy Dutau n Focus sur le magnésium Dr Prévost Jantchou

n DOLCIA : enquête sur l’allaitement maternel en France

n°18 • volume 7 • janvier 2014


Sommaire

vol. 7 • n° 18 • Janvier 2014

˸˸On en parLe... ©

04 La stéatose hépatique est surtout liée à l’obésité, mais il faut rechercher les diagnostics différentiels.

p. 02

La chirurgie bariatrique de l’adolescent : où en sommes-nous en 2013 ? Dr Béatrice Dubern (Hôpital Armand-Trousseau, Paris)

˸˸Mise au point

p. 04

La stéatose hépatique : une complication de l’obésité © fotolia - xavier gallego morel

Dr Emmanuel Mas (CHU de Toulouse)

08 Certains symptômes évoquant une allergie alimentaire sont dus à des mécanismes non immunologiques.

˸˸A connaître

p. 08

Les fausses allergies alimentaires : de quoi parle-t-on ? Pr Guy Dutau (Toulouse)

˸˸Focus sur...

p. 14

Le magnésium : une carence fréquente

© fotolia - Oksana Kuzmina

Dr Prévost Jantchou (CHU Sainte-Justine, Montréal)

18

A C T U A L I T É S E T P R AT I Q U E S

& Pédiatrie

L’enquête DOLCIA met en évidence les déterminants de la durée de l’allaitement maternel.

˸˸Enquête

p. 18

Résultats de l’enquête DOLCIA : « Identification des déterminants cliniques, sociologiques et économiques de la durée de l’allaitement maternel exclusif » Préface du Pr Frédéric Huet, coordinateur de l’enquête (CHU de Dijon)

Comité de rédaction Rédacteurs en chef Dr Prévost Jantchou (Pédiatre, Montréal), Dr Marc Bellaïche (Pédiatre, Paris) Dr Pierre-Henri Benhamou (Pédiatre, Boulogne-Billancourt), Dr Oussama Charara (Pédiatre, Versailles), Dr Bernard Le Luyer (Pédiatre, Le Havre), Dr Emmanuel Mas (Pédiatre, Toulouse), Dr Paule Nathan (Endocrinologue, Nutritionniste, Paris), Dr Hugues Piloquet (Pédiatre, Nantes), Dr Ruben Smadja (Pédo-psychiatre, Paris) Comité Scientifique Pr Christophe Dupont (Pédiatre, Paris), Pr Yvan Vandenplas (Pédiatre, Bruxelles), Pr Patrick Tounian (Pédiatre, Paris) Nutrition & Pédiatrie est une publication Expressions Santé SAS - Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier - Tél. : 01 49 29 29 29 - contact-np@expressions-sante.fr Impression : Imprimerie de Compiègne - n° ISSN : 2101-9517

Photo de couverture : © Fotolia/Andrey Armyagov


On en parle...

La chirurgie bariatrique de l’adolescent Où en sommes-nous en 2013 ? L’augmentation de la fréquence des formes extrêmes d’obésité pose la question de la prise en charge de ces patients en raison du risque de comorbidités à court terme (syndrome d’apnées du sommeil, hypertension artérielle, diabète de type 2...). En effet, à ce jour, l’efficacité des prises en charge classiques reste décevante, de même que celle des traitements médicamenteux (1). La chirurgie bariatrique étant devenue le traitement de référence chez l’adulte obèse (2, 3), la question d’une telle prise en charge se pose maintenant en pédiatrie : peut-on aussi opérer les enfants et les adolescents obèses ? Si oui, quels sont actuellement les bons candidats et quelle est la bonne technique chirurgicale ?

Quelles sont les indications de la chirurgie bariatrique chez l’adolescent obèse ? La chirurgie bariatrique semble envisageable chez l’adolescent en situation d’obésité extrême, même si les recommandations récentes de la Haute Autorité de Santé ne vont pas dans ce sens (4). En effet, selon les recommandations américaines actuelles (5), pour être un candidat potentiel à ce type de traitement, il faut : • avoir un IMC supérieur à 40 kg/m², avec au moins une comorbidité associée (syndrome d’apnées du sommeil modéré, hypertension artérielle, insulinorésistance, intolérance au glucose, dyslipidémie, altération de la qualité de vie) ; • ou avoir un IMC supérieur à 35 kg/m² et une ou plusieurs comorbidités potentiellement sévères (diabète, syndrome d’apnées du sommeil sévère, pseudotumor cerebri, stéatose hépatique sévère). Sont exclus les adolescents ayant (5) : • un développement pubertaire inachevé ; • une taille inférieure à 95 % de la taille attendue à l’âge adulte ; • ceux incapables d’appréhender les risques liés à l’acte opératoire ou dont la compliance postopératoire au plan médical (suppléments nutritionnels et vitaminiques), diététique et familial risque d’être insuffisante ; 2

Dr Béatrice Dubern

(Nutrition et Gastroentérologie Pédiatriques, Hopital Armand-Trousseau, Paris)

• et ceux présentant des troubles psychiatriques (dépression, anxiété, compulsions alimentaires) en dehors des périodes de traitement (5). 44Quelles limites en pratique ? Si les indications sont donc globalement clairement établies, nous sommes confrontés à des limites évidentes liées à cette classe d’âge. En effet, l’adolescence est marquée par des modifications corporelles majeures (changements physiques liés à la puberté, accélération de la croissance staturo-pondérale, pic de masse osseuse) et par des préoccupations importantes autour de l’image du corps. Il s’agit aussi d’une période de découverte et de construction de l’identité (prise de distance par rapport au statut d’enfant avec besoin d’autonomie ; période de tests, d’expérimentations avec prises de risque potentielles - alcool, cannabis, sexualité... - et modifications des goûts - alimentaires, vestimentaires, musicaux, idéologiques... - ; incapacité à se projeter à long terme). Enfin, l’impact psychologique d’une telle prise en charge dans cette classe d’âge est important à prendre en compte. En effet, quels que soient les bénéfices de l’intervention, les adolescents peuvent se sentir atteints par une angoisse envahissante et être perturbés dans leur intégrité corporelle. Au niveau psychologique, on doit donc envisager l’impact des gestes chirurgicaux sur « l’acti-

vité de penser des enfants » dans la mesure où une intervention chirurgicale est toujours vécue avec sidération comme une effraction sur le corps, accompagnée plus ou moins de douleur et de mutilation. Alors que, chez les plus jeunes, il existe toutes sortes de fantasmes de persécution, d’agression, de panique sur lesquelles la raison n’a plus de pouvoir, chez l’adolescent, ces fantasmes se déploient d’autant plus que la période qu’ils vivent représente un moment de grande vulnérabilité à la chirurgie. Aussi, dès le début de la prise en charge et même en amont de l’acte chirurgical, il faut mettre l’accent sur la nécessité d’une évaluation rigoureuse de la personnalité de l’enfant et envisager un suivi régulier à long terme à la fois médical et psycholo-

gique (entretien individualisé et/ou groupes de parole) avant de prendre la décision d’une telle chirurgie.

Quelle technique chez l’adolescent ? quels résultats ? Depuis les années 1990, plusieurs milliers d’adolescents ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique, et cela dès l’âge de 13 ans pour certains d’entre eux, notamment aux EtatsUnis (6, 7). Les deux principales techniques utilisées en dehors de quelques montages chirurgicaux exceptionnels, sont, comme chez l’adulte (6, 7) :

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On en parle...

• la gastroplastie par anneau ajustable ; • et le by-pass gastrique dit Roux-en-Y (6, 7). Certains auteurs discutent l’intérêt de la sleeve gastrectomy (8), mais les données dans la littérature sur l’effet à moyen et long termes restent limitées. Chez l’adolescent opéré, une perte de poids significative est décrite pour les deux principaux types de chirurgie, avec une réduction d’environ 15 points d’IMC à 3 ans pour l’anneau et à 6 ans pour le by-pass. 44Les complications possibles Les complications décrites pour les deux techniques sont identiques à celles connues chez l’adulte, et aussi fréquentes (6, 9). • En cas d’anneau, quelques décès ont été décrits et les complications décrites sont essentiellement mécaniques (dilatation de la poche…), conduisant souvent à des réinterventions (7). • Pour le by-pass, les complications sont tout aussi fréquentes. Si une malnutrition parfois sévère (malnutrition protéino-énergétique, BeriBeri, neuropathie liée à une carence vitaminique) a été initialement décrite, cela n’est actuellement plus le cas en raison de la supplémentation vitaminique systématique des adolescents (7). En revanche, des complications digestives (sténose, saignement) sont rapportées. De même, ont été décrits 4 décès à court ou moyen termes. Le recours aux interventions avec malabsorption comme le by-pass soulève le problème général des carences en micronutriments, et plus spécifiquement du retentissement potentiel sur la maturation osseuse et la croissance en fonction du stade de développement pubertaire. Il est donc indispensable de s’assurer en amont de la compliance de l’adolescent grâce à un suivi régulier d’au moins 6 mois avant la chirurgie. 44Chirurgie versus approche médicale Une seule étude prospective randomisée a évalué les effets d’une chirurgie par anneau ajustable comparée à une approche médicale

dite “optimale” dans un groupe de 50 adolescents âgés de 14 à 18 ans, suivis pendant 2 ans (9). Dans le groupe chirurgie, la perte de poids a été de 36 kg, soit 12,7 points d’IMC, alors que dans le groupe médical, la perte de poids a été de 3 kg (1,3 point d’IMC). Environ 40 % des adolescents présentaient des anomalies métaboliques (hypertriglycéridémie, hypoHDL-cholestérolémie...) au début de l’étude. Après deux ans, toutes les anomalies avaient régressé chez les adolescents du groupe chirurgie contre 22 % dans l’autre groupe. De même, leur qualité de vie était nettement améliorée. Il faut cependant noter qu’un jeune sur trois avait dû subir une réintervention pour des complications liées au boîtier ou à la tubulure ou en raison de la dilatation de la poche gastrique (9). 44Quel effet sur les comorbidités ? Peu de données sont disponibles sur l’effet de ces deux types de chirurgie sur les comorbidités comme le diabète ou le SAS chez l’adolescent (7). En revanche, une amélioration nette de la qualité de vie est rapportée à court terme chez ces adolescents souffrant d’obésité sévère (7). 44Anneau ou by-pass ? Si le recours à l’anneau gastrique est défendu par certains, avec pour argument la réversibilité de la procédure et sa relative facilité d’exécution, d’autres privilégient le by-pass qui est actuellement tout aussi réversible, et avec une efficacité supérieure en termes de perte de poids, notamment à long terme, et une régression des morbidités associées dans l’expérience adulte. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’argument formel pour privilégier l’une ou l’autre de ces interventions. On peut cependant admettre, à l’instar de l’évolution de la chirurgie bariatrique chez l’adulte, que les meilleurs résultats à long terme du by-pass et la fréquence élevée des complications mécaniques liées à l’anneau rendent le by-pass préférable chez de jeunes individus souffrant d’obésité extrême,

avec des IMC supérieurs à 50, voire 60 kg/m2, et ce d’autant plus s’il existe un diabète associé.

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Conclusions Selon notre expérience, tout adolescent obèse faisant la demande d’une chirurgie bariatrique doit être écouté et faire l’objet d’une évalua-

tion complète avec prise en charge globale (médicale, psychologique et diététique) en amont, pendant au moins 6 mois, afin de les préparer, lui et sa famille, à cette éventualité. La discussion de la chirurgie bariatrique doit être effectuée au cas par cas par des équipes multidisciplinaires aguerries et expertes (médecins, chirurgiens, psychologues, anesthésistes, diététiciens), avec une collaboration étroite entre équipes adultes et pédiatriques. Sachant que cette prise en charge est la seule à ce jour à avoir montré un effet bénéfique à long terme sur la perte de poids chez l’adulte (3), la chirurgie bariatrique est vouée à être discutée de plus en plus souvent dans la prise en charge des adolescents obèses. n Pour en savoir plus… 1. McGovern L, Johnson JN, Paulo R. Clinical review. Treatment of pediatric obesity: a systematic review and meta-analysis of randomized trials. J Clin Endocrinol Metab 2008 ; 93 : 4000-5. 2. Sjöström L, Lindroos AK, Peltonen M et al. Swedish Obese Subjects Study Scientific Group. Lifestyle, diabetes, and cardiovascular risk factors 10 years after bariatric surgery. N Engl J Med 2004 ; 351 : 2683-93. 3. Sjostrom L. Review of the key results from the Swedish Obese Subjects (SOS) trial. A prospective controlled intervention study of bariatric surgery. J Intern Med 2013 ; 273 : 219-34. 4. http://www.has-sante.fr/portail/upload/ docs/application/pdf/2011-12/recommandation_obesite_enfant_et_adolescent.pdf 5. Pratt JS, Lenders CM, Dionne EA et al. Best practice updates for pediatric/adolescent weight loss surgery. Obesity 2009 ; 17 : 901-10. 6. Xanthakos S. Bariatric surgery for extreme adolescent obesity: indications, outcomes and physiologic effects on the gut-brain axis. Pathophysiology 2008 ; 15 : 135-46. 7. Black JA, White B, Viner RM, Simmons RK. Bariatric surgery for obese children and adolescents: a systematic review and metaanalysis. Obes Rev 2013 Apr 11. doi: 10.1111/ obr.12037, Epub ahead of print. 8. Till H, Blüher S, Hirsch W, Kiess W. Efficacy of laparoscopic sleeve gastrectomy (LSG) as a stand-alone technique for children with morbid obesity. Obes Surg 2008 ; 18 : 1047-49. 9. O’Brien PE, Sawyer SM, Laurie C et al. Laparoscopic adjustable gastric banding in severely obese adolescents: a randomized trial. JAMA 2010 ; 303 : 519-26.

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Mise au point

La stéatose hépatique Une complication de l’obésité La stéatose hépatique correspond principalement à une complication hépatique de l’obésité (1). Cependant, d’autres maladies chroniques du foie s’accompagnent d’une stéatose ; leur diagnostic est important à réaliser. Nous développerons les complications hépatiques de l’obésité et aborderons ces autres pathologies chroniques dans le cadre des diagnostics différentiels.

Dr Emmanuel Mas (Unité de Gastroentérologie, Hépatologie, Nutrition, Diabétologie et Maladies Héréditaires du Métabolisme, Hôpital des Enfants, CHU de Toulouse)

L

a stéatose hépatique correspond à une infiltration graisseuse du foie.

Les pathologies hépatiques de surcharge sont regroupées sous l’acronyme anglo-saxon NAFLD (nonalcoholic fatty liver diseases). Elles comprennent : • la stéatose ; • la stéato-hépatite non alcoolique, ou NASH (non-alcoholic steatohepatitis) qui peut évoluer jusqu’à la cirrhose ; au stade de cirrhose, la surcharge graisseuse a souvent disparu.

L’épidémiologie des NAFLD Compte tenu de “l’épidémie” mondiale d’obésité, les NAFLD sont la principale cause de maladie chronique du foie chez les enfants et les adolescents dans les pays industrialisés.

Dans une étude autopsique américaine portant sur 742 enfants âgés de 2 à 19 ans, la prévalence de la stéatose était de 9,6 % chez les personnes de poids normal et de 38 % chez les obèses (2).

La physiopathologie L’insulinorésistance favorise une libération d’acides gras circulants et une lipogenèse de novo, qui entraînent une stéatose. Certains lipides ont une toxicité hépatique : diacylglycérol, céramide et 4

cholestérol libre. Cette lipotoxicité induit une dysfonction mitochondriale et un stress du réticulum endoplasmique. La fibrose est secondaire aux interactions entre ces hépatocytes, qui souffrent et peuvent mourir par apoptose, et d’autres cellules du foie (cellules de Kupffer et cellules étoilées) (3). Comme dans d’autres pathologies, le rôle du microbiote est suspecté dans la NASH. Le recrutement de cellules inflammatoires au niveau du foie est favorisé par une augmentation du taux de médiateurs, les lipopolysaccharides (LPS), qui sont produits par certaines bactéries intestinales et qui passent dans la circulation portale (4).

Les circonstances de découverte Les NAFLD sont plus fréquentes chez les enfants en surpoids ou obèses, âgés de plus de 10 ans. D’autres facteurs de risque sont : le sexe masculin, l’origine hispanique (5). Mais le principal facteur de risque est la présence d’un syndrome métabolique ou d’un syndrome d’insulinorésistance.

Il est défini, d’après l’ATP (Adult Treatment Panel) III, par la présence d’au moins 3 des 5 signes suivants : • obésité abdominale ; • triglycérides > 1,5 g/l ; • cholestérol-HDL < 0,40 g/l chez l’homme et < 0,50 g/l chez la femme ;

• hypertension artérielle ; • glycémie à jeun > 1,10 g/l. Cliniquement, l’insulinorésistance peut être suspectée devant un terrain familial (obésité, NAFLD ou diabète de type 2) et/ou devant la présence d’un acanthosis nigricans. Biologiquement, l’insulinorésistance est définie par un index HOMA-IR (homeostatic model assessment) > 2,5, qui est le rapport [glycémie à jeun (mmol/l) x insulinémie à jeun (UI/l) / 22,5]. La présence d’une obésité précoce et d’un syndrome d’apnée obstructive du sommeil est aussi un facteur de risque de NAFLD. Les patients ayant une NAFLD sont asymptomatiques ou se plaignent de signes fonctionnels non spécifiques

(douleurs abdominales, vomissements ou fatigue). Une hépatomégalie peut être présente mais difficilement palpable. L’acanthosis nigricans est présent chez 1/3 à 1/2 des NAFLD confirmées histologiquement. L’obésité abdominale est mieux évaluée chez l’enfant par le tour de taille que par le rapport taille/hanche (5). 44En pratique Le diagnostic de NAFLD est suspecté chez un enfant : • obèse ; • présentant une perturbation des tests fonctionnels hépatiques (ASAT, ALAT et/ ou GGT) et/ou une hyperéchogénicité hépatique.

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Mise au point

Dans une étude américaine qui portait sur 2 450 adolescents âgés de 12 à 18 ans, 6 % des enfants en surpoids et 10 % des obèses avaient une élévation de l’ALAT (6). Cette élévation des transaminases est le plus souvent modérée : < 1,5 fois la limite supérieure de la normale. Mais les tests fonctionnels hépatiques ont une mauvaise sensibilité puisque les transaminases peuvent être normales chez ces patients. Des taux élevés de la GGT, de même qu’un ratio ALAT > ASAT, seraient des marqueurs de fibrose plus avancée dans les NAFLD. A l’inverse, comme chez tout enfant, une élévation plus marquée des transaminases peut se voir lors de pathologies infectieuses aiguës et justifie un contrôle 3 à 6 mois après.

Dans une étude comprenant 425 enfants ayant une élévation des transaminases, l’évolution se faisait vers une normalisation en moins de 6 mois dans 60 % des cas et, dans presque la moitié des élévations persistantes, un diagnostic de NASH était retenu (7). Un dosage des enzymes musculaires (CPK) permet d’éliminer une cause musculaire et non hépatique à cette élévation des transaminases. L’élévation isolée, persistante et modérée des ASAT peut correspondre à une macrotransaminasémie. La conduite à tenir devant une perturbation hépatique chez un enfant obèse est résumée dans la figure 1.

Diagnostics différentiels : que faut-il rechercher ? Le bilan sanguin comprend : • un bilan hépatique (ASAT, ALAT, GGT, bilirubine totale et directe, phosphatases alcalines) ; • une numération formule sanguine et plaquettes ; • une évaluation de la tolérance glucidique et de l’insulinorésistance (glycémie et insulinémie à jeun avec calcul de l’index HOMA-IR, voire hyperglycémie provoquée par voie orale et HbA1c) ; • un bilan lipidique (cholestérol total, HDL-cholestérol, LDL-cholestérol, triglycérides, apolipoprotéines A1 et B, lipoprotéine a) ; • et un bilan thyroïdien (5).

Elévation TGO, TGP, GGT chez un enfant obèse A 3-6 mois : - TGO, TGP, GGT + CPK - Echographie hépatique

Bilan normalisé, échographie normale

Suivi obésité

Bilan anormal, hyperéchogénicité

Myopathie

Bilan normalisé, hyperéchogénicité

- Sérologie VHC - Cuprémie, céruléoplasmine - Electrophorèse des protides - Auto-anticorps (HAI, cœliaque) - Métabolique - Chlore sudoral Bilan - Bilan lipidique

Diagnostic différentiel de NASH

Stéatose ? Evaluer insulinorésistance, inflammation

NASH

Biopsie ? Figure 1 - Algorithme devant une perturbation hépatique chez un enfant obèse.

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Mise au point

Stéatose hépatique de l’enfant : que retenir ?

Figure 2 - Stéatose hépatique à l’échographie.

D’autres examens ont pour objectif d’éliminer les principales autres causes de stéatose hépatique (5) : • cuprémie, céruléoplasmine et cuivre libre plasmatique (maladie de Wilson) ; • IgA totales et IgA anti-transglutaminase (maladie cœliaque) ; • test de la sueur (mucoviscidose) ; • électrophorèse des protides (déficit en a1-antitrypsine) ; • auto-anticorps des hépatites autoimmunes de l’enfant ; • sérologie hépatite C ; • lactate et glycémie à jeun et après repas, ammoniémie, acide urique, acides gras libres et profil en acylcarnitine plasmatique, et éventuellement chromatographie des acides aminés plasmatiques et urinaires, chromatographie des acides organiques urinaires (maladies héréditaires du métabolisme). D’autres explorations pourront être réalisées en fonction du contexte clinique. Chez l’enfant, de nombreuses maladies métaboliques sont à évoquer devant une stéatose hépatique :

• C’est une pathologie fréquente. • Complication de l’obésité allant de la stéatose, à la stéato-hépatite non alcoolique (NASH) et parfois jusqu’à la cirrhose. • Les facteurs de risque d’une fibrose plus marquée sont : âge jeune, GGT et insulinorésistance plus élevées. • Diagnostic d’élimination => exclure les pathologies hépatiques qui peuvent s’accompagner de stéatose. • Pas de traitement spécifique, autre que les règles hygiénodiététiques.

Des causes toxiques et médicamenteuses sont également à rechercher.

La confirmation du diagnostic 44Les explorations Il est important de rappeler que l’échographie recherche un aspect hyperéchogène du parenchyme hépatique en comparaison au parenchyme rénal, évocateur de stéatose (figure 2). Ce n’est pas un examen permettant d’évaluer la fibrose. Par ailleurs, la sensibilité n’est pas très bonne lorsque le pourcentage de stéatose est < 30 %. Cependant, il est possible pour des opérateurs avertis de différencier une stéatose minime (hyperéchogénicité discrète et diffuse), modérée (hyperéchogénicité plus marquée et altération de la visualisation du diaphragme et des limites de la veine porte) et sévère (hyperéchogénicité plus marquée et mauvaise ou absence de visualisation du diaphragme, de la veine porte et de la partie postérieure du lobe droit).

• galactosémie ; • fructosémie ; L’IRM est un bon examen, encore • glycogénose hépatique ; plutôt utilisé dans cette indication • anomalies de la b-oxydation dans des protocoles de recherche des acides gras ; qu’en pratique courante. • maladies peroxysomales ; • abêtalipoprotéinémie ; 44Les examens sanguins et • hypo-bêtalipoprotéinémie ; ionographiques • hyperhomocystéinémie ; Différents examens sanguins ou • tyrosinémie, acidémie ionographiques permettent une évaluation non invasive de la fibrose organique ; comme le Fibroscan®, l’ARFI®, le Fi• cytopathie mitochondriale ; • syndrome de Berardinelli-Seip ; brotest®, le Fibromètre®, le NAFLD • syndrome de Dorfman-Chanarin… fibrosis index, l’ELF (European liver 6

fibrosis) index. D’autres scores évaluent la stéatose et l’inflammation comme le Stéatotest, le Nash Test ou le FibroMax Test. Mais ces tests ne sont pas validés pour être utilisés en pratique clinique chez l’enfant (5). 44La biopsie hépatique La confirmation du diagnostic repose donc sur la biopsie hépatique. La valeur prédictive de NASH sans biopsie hépatique n’est que de 56 %. Mais il n’existe pas de recommandations claires pour son indication. Elle peut parfois être utile pour exclure une autre hépatopathie chronique, pour évaluer le risque de progression vers la cirrhose, ou dans le cadre de protocoles de recherche (5). Les NAFLD peuvent évoluer jusqu’à la cirrhose dans 3 à 4 % des cas chez l’enfant. La fibrose est plus marquée chez des enfants plus jeunes, ayant des GGT plus élevées et une insulinorésistance plus marquée (8). Il existe un score histologique, le NAFLD activity score (NAS), qui permet d’éliminer (NAS < 3) ou d’orienter fortement (NAS ≥ 5) vers une NASH (9). Il est basé sur l’évaluation de la stéatose (notée de 0 à 3), de l’inflammation lobulaire (notée de 0 à 3) et de la ballonisation hépatocellulaire (notée de 0 à 2). Chez l’enfant, deux types histologiques de NASH ont été décrits (8) :

• le type 1 associant stéatose, ballonisation hépatocytaire et fibrose péri-sinusoïdale ; • et le type 2 associant stéatose, in-

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Mise au point

flammation portale et fibrose portale. La NASH de type 2 est moins fréquente, mais il s’agit du sous-type ayant une fibrose plus avancée.

Le traitement Actuellement, aucun traitement médicamenteux n’a un niveau de preuve suffisant chez l’enfant ayant une NAFLD. Ces traitements ont pour but d’améliorer l’insulinorésistance, de diminuer la lipotoxicité et le stress oxydant (10). Il s’agit : • d’anti-oxydants (acide ursodés-

oxycholique, vitamine E, bétaïne) ; • de médicaments diminuant l’insulinorésistance (metformine, thiazolinediones) ; • voire d’une supplémentation en acides gras anti-inflammatoires (acide docohexaénoïque [DHA]). Par contre, un traitement hypoglycémiant ou hypolipidémiant peut être nécessaire selon les résultats biologiques. Seule une correction progressive de l’obésité est efficace, grâce à une

prise en charge hygiéno-diététique. Les principes sont une perte pondérale, très progressive et modérée, et un exercice physique régulier.

Il faut conseiller de restreindre les sucres rapides et les acides gras saturés et de favoriser les acides gras polyinsaturés et les fibres.

Conclusion Les pathologies hépatiques de surcharge en graisses sont les pathologies hépatiques les plus fréquentes. Cependant, il est important de rechercher les diagnostics différentiels car le diagnostic de NAFLD est un diagnostic d’élimination. Dans des circonstances atypiques ou en cas de suspicion de maladie hépatique avancée, une biopsie hépatique peut être indiquée. n

Pour en savoir plus… 1. Mas E, Broué P. Complications hépatiques de l’obésité. Arch Pediatr 2013 ; 20 : 61-2. 2. Schwimmer JB, Deutsch R, Kahen T et al. Prevalence of fatty liver in children and adolescents. Pediatrics 2006 ; 118 : 1388-93. 3. Cusi K. Role of obesity and lipotoxicity in the development of nonalcoholic steatohepatitis: pathophysiology and clinical implications. Gastroenterology 2012 ; 142 : 711-25 e6. 4. Farrell GC, van Rooyen D, Gan L et al. NASH is an inflammatory disorder: pathogenic, prognostic and therapeutic implications. Gut Liver 2012 ; 6 : 149-71. 5. Vajro P, Lenta S, Socha P et al. Diagnosis of nonalcoholic fatty liver disease in children and adolescents: position paper of the ESPGHAN Hepatology Committee. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2012 ; 54 : 700-13.

&

6. Strauss RS, Barlow SE, Dietz WH. Prevalence of abnormal serum aminotransferase values in overweight and obese adolescents. J Pediatr 2000 ; 136 : 727-33. 7. Iorio R, Sepe A, Giannattasio A et al. Hypertransaminasemia in childhood as a marker of genetic liver disorders. J Gastroenterol 2005 ; 40 : 8206. 8. Schwimmer JB, Behling C, Newbury R et al. Histopathology of pediatric nonalcoholic fatty liver disease. Hepatology 2005 ; 42 : 641-9. 9. Kleiner DE, Brunt EM, Van Natta M et al. Design and validation of a histological scoring system for nonalcoholic fatty liver disease. Hepatology 2005 ; 41 : 1313-21. 10. Alisi A, Nobili V. Non-alcoholic fatty liver disease in children now: lifestyle changes and pharmacologic treatments. Nutrition 2012 ; 28 : 722-6.

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à connaître

Les fausses allergies alimentaires De quoi parle-t-on ? En 1983, Moneret-Vautrin et André ont distingué l’allergie alimentaire et les fausses allergies alimentaires (ou pseudo-allergies alimentaires). Cette distinction clinique a été très importante. Elle montre qu’un même symptôme (urticaire, vomissements, douleurs abdominales, asthme, choc) peut être dû, non seulement à une allergie IgE-dépendante, mais aussi à un mécanisme non immunologique comme l’ingestion d’aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs.

Pr Guy Dutau (Allergologue, Pneumologue, Pédiatre, Toulouse)

Introduction En fonction des modalités de la pénétration des allergènes alimentaires dans l’organisme, on peut distinguer, sur le plan sémantique : • l’allergie alimentaire (AA) ; • et l’allergie digestive (AD).

Hypersensibilité

Hypersensibilité allergique

Hypersensibilité non allergique

(mécanisme immunologique défini ou fortement suspecté)

(mécanisme immunologique exclu)

IgE-dépendante

L’allergie digestive est définie par les symptômes souvent IgE-dépendants (mais pas uniquement) secondaires à l’ingestion des aliments, du syndrome d’allergie orale ou syndrome d’Amlot et Lessof (1), jusqu’à la rectocolite à éosinophiles.

Non IgE-dépendante (mécanisme immunologique exclu)

Non atopique

Atopique

Piqûre d'hyménoptères

Lymphocyte T

(par exemple dermatite atopique, maladie cœliaque)

Eosinophiles

(par exemple gastro-entéropathie)

Helminthes IgE-dépendante

L’allergie alimentaire désigne les symptômes secondaires à une exposition aux allergènes alimentaires par voie digestive, mais aussi par passage cutané ou muqueux, et même par voie respiratoire, le plus souvent IgEdépendants (2). En 2001, une nouvelle classification des symptômes allergiques a été recommandée par les experts de la European Academy of Allergy and Clinical Immunolgy (EAACI) (3). Ils ont proposé d’utiliser le terme “hypersensibilité” pour désigner les symptômes de réactions adverses aux aliments, dus à un mécanisme soit immunologique, soit non immunologique, regroupés selon un schéma dit de l’ombrelle (figure 1). Ils ont ensuite appliqué ce schéma aux divers symptômes de l’allergie (asthme, rhinite, eczéma, anaphylaxie, allergie alimentaire). L’hypersensibilité alimentaire pou8

(par exemple alvéolite allergique intrinsèque)

Médicaments

Autres

Autres

Figure 1 - Hypersensibilité allergique et non allergique selon le schéma de l’ombrelle (3, 4).

vait alors être : • soit allergique ; • soit non allergique. En cas d’hypersensibilité allergique, le mécanisme pouvait être médié par les IgE ou non (figure 2) (3). Cette classification, mise à jour en 2004, est indépendante de l’organecible et de l’âge des patients (4). En 1983, Moneret-Vautrin et André (5) ont proposé de distinguer l’allergie alimentaire et les fausses allergies alimentaires (ou pseudo-allergies alimentaires). Cette distinction clinique a été très importante, montrant en particulier

qu’un même symptôme (urticaire, vomissements, douleurs abdominales, asthme, choc) pouvait être dû non seulement à une allergie IgEdépendante, mais aussi à un mécanisme non immunologique comme l’ingestion d’aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs. Il existerait 1 allergie alimentaire vraie pour 3 fausses allergies alimentaires (6, 7).

Aspects cliniques et diagnostic On admet en général que les symptômes cliniques des fausses allergies

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alimentaires sont moins sévères que ceux des allergies alimentaires vraies, sauf le cas particulier du choc histaminique (voir ci-dessous). 44Les symptômes Les symptômes des fausses AA sont cutanés (eczéma, urticaire aiguë ou récidivante, angio-œdème, syndrome d’allergie orale), plus rarement respiratoires (toux, sifflements thoraciques, gêne respiratoire, asthme) ou digestifs (nausées, vomissements, diarrhée). Si le choc est plus fréquent au cours des allergies vraies que des fausses AA, il n’est cependant pas absent au cours de ces dernières. En effet, le choc histaminique, symptôme important de fausse AA, est fréquent au cours de la scombroïdose, affection qui peut être très sévère. Cette intoxication tirant son nom de Scombridés (poissons de haute mer) est due à la dégradation de la chair de ces poissons bleus (thon, sardines, maquereaux, etc.) mal conservés (rupture de la chaîne du froid) par transformation de l’histidine de la chair des poissons en histamine sous l’action des bactéries. En dehors de la scombroïdose, il existe d’autres types d’empoisonne-

Hypersensibilité alimentaire

Hypersensibilité alimentaire allergique

Hypersensibilité alimentaire non allergique

Hypersensibilité alimentaire IgE-dépendante Hypersensibilité alimentaire non IgE-dépendante

Figure 2 - Hypersensibilité alimentaire allergique et non allergique (3, 4).

ment par les poissons, en particulier le syndrome de ciguatera (encadré 1). Le symptôme le plus fréquent des fausses allergies alimentaires est l’urticaire aiguë (enfants) et les urticaires récidivantes ou chroniques (adultes). La réactivation d’une dermatite atopique, par exemple à la suite d’un excès d’apport en aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs, est souvent rapportée. 44Les éléments du diagnostic Le diagnostic des fausses AA est basé sur 4 critères : 1. les résultats du journal alimen-

Encadré 1 Poissons toxiques : scombroïdose et ciguatera • La scombroïdose (22-27) est une intoxication due à la dégradation de la chair de poissons bleus (en particulier le thon, les sardines, les maquereaux) mal conservés (rupture de la chaîne du froid). Sous l’influence d’une prolifération bactérienne, survenant entre 20-30°C, l’histidine des poissons se transforme en histamine qui, ingérée, entraîne des symptômes modérés à importants (malaises, céphalées, prurit, urticaire, hypotension, etc.) pouvant aller jusqu’au choc mettant en jeu le pronostic vital (24-27). Cette prolifération bactérienne est prévenue par la réfrigération et l’utilisation de certains conservateurs chimiques. Tous les produits qui contiennent plus de 50 mg d’histamine pour 100 g exposent à ce risque, dans de mauvaises conditions de conservation. Les empoisonnements collectifs sont très caractéristiques (28). Une forme clinique de scombroïdose, néozélandaise, est due à un poisson, le “kahawai” (Arripis trutta). Une bactérie particulière (Morganella morganii) est responsable de la transformation de l’histidine de ce poisson en histamine.

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taire ; 2. la négativité de l’exploration allergologique à la recherche d’une allergie IgE-médiée à un ou plusieurs aliments ; 3. les particularités cliniques propres à chaque cause de fausse allergie alimentaire ; 4. la disparition des symptômes après la rééquilibration du régime ou la prise de mesures spécifiques. Le journal alimentaire est basé sur le relevé des aliments et boissons consommés pendant une semaine1. 1- Un relevé sur 2 semaines peut être demandé.

• Le syndrome de ciguatera (28-31) est secondaire à l’ingestion d’une toxine liposoluble (la ciguatoxine) produite par un Dinoflagellé (Gambierdiscus toxidus) vivant sur des algues attachées à des coraux morts. Les poissons herbivores consomment ces algues et le dinoflagellé et concentrent ainsi la ciguatoxine dans leur organisme, en particulier dans leurs muscles. A leur tour, les barracudas consomment les poissons herbivores et la ciguatoxine qui va s’accumuler dans leur foie. L’Homme est le dernier maillon de la chaîne. Parmi les 400 espèces potentiellement infectées, les grands poissons prédateurs comme le barracuda, la murène, le mérou ou encore les carangues sont les plus susceptibles de provoquer un empoisonnement (29). Les symptômes d’intoxication à la ciguatoxine sont multiples. Gatti et al. (30) ont rapporté 129 cas de syndrome de ciguatera (et syndromes voisins) entre 1999 et 2005, se traduisant par des troubles neurologiques (syndrome de Guillain et Barré, syndrome cérébelleux, diplopie), cardiovasculaires (hypotension, bradycardie) (31), respiratoires (dyspnée, asthme), une hypothermie, etc. De nouvelles observations illustrent la gravité des symptômes de ce syndrome qui peut être observé également avec les coquillages, moules en particulier, par consommation de microalgues toxiques (32).

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Il faut garder toutes les étiquettes des aliments consommés. Les aliments sont répartis de façon semi-quantitative en 7 classes : 1. aliments riches en histamine, 2. aliments histamino-libérateurs, 3. féculents, 4. lait, 5. alcool, 6. café, 7. tyramine. On note le nom de l’aliment et des

boissons, leur composition, la quantité consommée (cuillère, verre, portion, assiette), les modalités de préparation (cru, grillé, cuit, en sauce), les huiles et condiments utilisés (3-5). Ce relevé, analysé et décodé si possible par une diététicienne entraînée, permet de réaliser une enquête alimentaire catégorielle. Cette enquête alimentaire, imaginée pour l’exploration des fausses AA de l’adulte, doit être adaptée à l’enfant en particulier en prenant spécifiquement en compte les boissons, les friandises, les desserts, etc. Globa-

Tableau 1 - Symptômes et mécanismes supposés de certaines fausses AA (18-21). Composé

Symptômes

Sulfites   Asthme (5-10 %)

Mécanismes Réflexe (inhalation de SO2) Déficit en sulfite oxydase Allergie IgE-dépendante

Urticaire Nitrites

Prurit

Perméabilité intestinale accrue

Urticaire aiguë Urticaire chronique Urticaire récidivante Benzoates

Rhinite chronique Urticaire

Glutamate de sodium

Syndrome du restauNon IgE-dépendant rant chinois Inconnu Flush, céphalées, signes digestifs Asthme

Antioxydants

Stomatite, aphtes (gallate d’octyle) Urticaire chronique (BHA, BHT)

Vanille Vanilline

Aggravation d’un eczéma

Aspartame

Controverses sans fondements scientifiques en particulier d’après la FDA

Histamino-libération non spécifique

BHA : butyl-hydroxy-anisole ; BHT : butyl-hydroxy-toluène. Symptômes cliniques

Allergie alimentaire vraie

Fausses allergies alimentaires

Type 1 (90 %) Autres types (10 %) Histamino-libération non spécifique Surcharge en histamine Intolérance à la tyramine et à la phényléthylamine Intolérance aux benzoates Intolérance aux nitrites Intolérance à l'alcool

Figure 3 - Allergies alimentaires vraies et fausses allergies alimentaires. D’après 5-7. 10

lement, une consommation exagérée d’un aliment particulier à l’intérieur d’une catégorie conduit à rechercher les conséquences de cet excès catégoriel (5-7). L’absence d’allergie IgE-dépendante (prick tests, dosage des IgE sériques spécifiques [IgEs], éventuellement test de provocation par voie orale) est également un élément important. La nature des circonstances de survenue et les symptômes cliniques peuvent aussi aiguiller vers une cause particulière.

Les mécanismes impliqués dans les fausses allergies alimentaires (tableau 1)

La principale caractéristique du syndrome de fausse allergie alimentaire est la similitude de ses symptômes avec ceux des vraies allergies. Sous ce socle, les causes des fausses allergies alimentaires sont nombreuses (figure 3) : 1. histamino-libération non-spécifique ; 2. surcharge en histamine ; 3. intolérance à la tyramine et à la phényléthylamine ; 4. intolérance aux benzoates ; 5. intolérance aux nitrites ; 6. intolérance à l’alcool. Il est licite d’ajouter aux fausses allergies alimentaires les intolérances aux additifs et colorants, souvent mis en cause sans véritable preuve scientifique, en dehors de cas particuliers (8, 9). Toutefois, un mécanisme IgEdépendant a été décrit pour certains colorants : carmin de cochenille (E120), carraghénanes (E407), gomme adragante (E413), lysosyme (E1105), annato (E160b) (voir ci-dessous). 44Libération non spécifique d’histamine L’ingestion des aliments histaminolibérateurs provoque les symptômes par action non IgE-dépendante sur les mastocytes qui libèrent des médiateurs chimiques préformés2, en particulier de l’histamine. Les principaux aliments histaminolibérateurs sont les fromages fermentés, les charcuteries surtout emballées, les poissons, le blanc d’œuf (qui est

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fortement histamino-libérateur), certains fruits (fraises, agrumes, bananes) et légumes (tomate) qui contiennent diverses enzymes histamino-libératrices3, le chocolat (qui contient aussi de la tyramine), la bière, les vins, les alcools (qui comportent aussi des sulfites). Certains aliments sont à la fois allergisants et histamino-libérateurs (blanc d’œuf, porc, ananas, papaye, agrumes, poissons, fruits de mer, etc.). Le mécanisme des symptômes induits par l’histamino-libération non spécifique est le même que celui qui est provoqué par l’apport exagéré d’histamine exogène (cf. ci-dessous).

observe une diminution plus ou moins marquée du pouvoir histaminopexique, ou même sa disparition. Il peut également être diminué au cours d’affections non allergiques, en particulier chez les jeunes enfants, ce qui pourrait expliquer la plus grande fréquence des fausses allergies alimentaires chez ces derniers, selon l’expérience professionnelle.

Tableau 2 - Contenu en histamine des aliments : valeurs données pour quelques aliments. Elles sont susceptibles de très larges variations en fonction de la conservation et du mode de préparation. Modifié d’après Moneret-Vautrin et al. (5). Aliments

44Apport exagéré d’histamine exogène Dans ce cas, ce sont les aliments euxmêmes qui sont trop riches en histamine, consommés en trop grande quantité et/ou trop fréquemment. En pratique, ces aliments sont les mêmes que précédemment, un aliment histamino-libérateur étant presque toujours riche en histamine (tableau 2).

Les symptômes provoqués par un apport exagéré d’histamine non détruite par la cuisson apparaissent lorsque les systèmes normaux de blocage de l’histamine ingérée sont dépassés : • diminution du pouvoir histaminopexique des sécrétions digestives ; • action de la diamine oxydase qui catabolise l’histamine ingérée ; • diminution du pouvoir histaminopexique du sérum4 assuré par l’histamine méthyl-transférase ; • altérations de la barrière intestinale (hyperperméabilité intestinale) (encadré 2). Chez les sujets allergiques, on 2- Les médiateurs chimiques préformés présents dans les granules des mastocytes et des polynucléaires basophiles sont l’histamine, des protéases (tryptase), les protéoglycanes (héparine), tandis que les médiateurs néoformés sont les leucotriènes et les prostaglandines. 3- L’ananas et la papaye contiennent de la papaïne, de la broméline, les légumineuses des lectines, le chocolat de la tyramine, etc. (5). 4- Le sérum d’un sujet normal est capable de fixer l’histamine libre (phénomène appelé histaminopexie) et de la neutraliser : c’est ce que l’on appelle le pouvoir histaminopexique (PHP), lié à une globuline, la plasmapexine 1, mis en évidence dès l’âge de 6 mois. Faible chez le jeune enfant (d’où la fréquence de l’urticaire à ce moment de la vie), il augmente avec l’âge.

44Intolérance à la tyramine La tyramine (para-hydroxy-phénylamine) résulte de la décarboxylation de la tyrosine sous l’action de la tyrosinedécarboxylase. La monoamine-oxydase transforme la tyramine en acide para-hydroxyphénylacétique qui n’est pas toxique mais entraîne une intolérance. La tyramine exogène, apportée en trop grandes quantités, provient d’aliments

Fromages fermentés

Histamine (μg/g) jusqu’à 1330

Conserves

10 à 350

Saucisson

225

Choucroute*

160

Filets d’anchois

44

Epinards

37,5

Tomate

22

Sardine**

15,8

Viandes

10

Saumon**

7,35

Thon**

5,4

Légumes***

Traces

* 250 grammes de choucroute contiennent 40 mg (larges variations possibles) **Ces valeurs ne concernent que les poisons bleus frais, et sont nettement supérieures au cours de la scombroïdose (voir texte et encadré 1). ***Les légumes usuels ne contiennent que des traces d’histamine.

Encadré 2 Une urticaire aiguë chez un nourrisson de 6 mois Andrée C., âgée de 9 mois, est un premier enfant né de mère atopique, atteinte de rhinite saisonnière par allergie aux pollens de graminées. Elle a été nourrie exclusivement au sein jusqu’à l’âge de 3 mois, puis a bénéficié d’une diversification alimentaire progressive. En été, à l’âge de 8 mois, elle présente une urticaire aiguë diffuse dans l’heure suivant un repas comportant du jambon d’York, des pâtes et un dessert lacté sucré. Ce repas n’évoque pas véritablement une allergie alimentaire. Il n’y a pas eu de contact avec des allergènes d’animaux ou autres. En reprenant l’interrogatoire, on apprend qu’après qu’elle ait consommé la moitié de sa tranche de jambon d’York, ses parents lui ont donné la moitié d’un hareng salé et fumé (communément appelé un “gendarme”) que l’enfant a bien aimé… La teneur en histamine des anchois et des harengs est très élevée (44 μg/g pour les filets d’anchois frais) ainsi que celle de tyramine (303 mg/g ou plus dans les harengs saurs ou séchés). De plus, cet aliment est fortement histamino-libérateur. On ne s’étonnera pas que, chez une enfant de 8 mois, au pouvoir histamino-pexique faible, cette “curiosité d’alimentation” ait entraîné une urticaire aiguë. Des conseils furent donnés pour éviter une récidive !

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comme les fromages fermentés, les viandes, les vins, certains fruits (raisin, avocat, figue, pomme, pêche, banane, etc.) et légumes (chou-fleur, tomate, pomme de terre, etc.) (5, 6). La maturation des fruits accroît leur teneur en tyramine (6). Les déséquilibres alimentaires augmentent la formation de tyramine intestinale, en particulier la constipation et l’action de tyrosine-décarboxylases microbiennes (colibacilles, salmonelles, etc.) (5). Les symptômes de l’intolérance à la tyramine sont en particulier l’urticaire et les céphalées (5). Le diagnostic est basé sur la recherche négative d’une vraie allergie alimentaire et la répétition des symptômes dans les mêmes circonstances de déclenchement (5), sauf dans certains cas particuliers devant l’évidence du diagnostic (encadré 2). 44Intolérance aux benzoates Les benzoates (E210 à E220) sont des conservateurs, antiseptiques alimentaires, qui empêchent le développement de moisissures et de levures. Ce sont l’acide benzoïque (E210), les benzoates de sodium (E211), de potassium (E212) et de calcium (E213), et les dérivés de l’acide parahydroxybenzoïque (E214 à E219). L’acide benzoïque et les benzoates existent à l’état naturel dans certains aliments ou sont produits par synthèse. Les dérivés de l’acide parahydroxybenzoïque, obtenus par synthèse, uniquement présents dans les produits pharmaceutiques, peuvent entraîner des réactions adverses (E214 à E219). Les benzoates sont mentionnés 22 fois sur les 39 réactions aux additifs enregistrées par le Cercle d’Investigations Cliniques et Biologiques en Allergologie Alimentaire : ce sont les premiers additifs impliqués au cours des intolérances alimentaires. L’urticaire est l’un des symptômes les plus fréquents (10). Dans une série pédiatrique (6), l’urticaire, récidivante ou chronique, était présente 11 fois sur 16 (69 %), les autres symptômes étant l’œdème laryngé, la rhinite, l’asthme, plus rarement l’anaphylaxie. Le diagnostic est 12

Tableau 3 - Exemple de menu pauvre en histamine et aliments histamino-libérateurs (7), pour un enfant de 8-12 ans. Petit déjeuner Lait ou laitage nature + sucre Pain ou biscottes beurrées et confiture ou céréales* Déjeuner ou dîner Viande ou équivalent Légumes verts cuits ou crus / pommes de terre ou riz, pâtes, semoule, légumes secs Fromage ou laitage nature + sucre Fruit ou compote Pain Goûter Produit laitier (lait, laitage) Pain ou biscotte, céréales* Fruit * Attention au contenu parfois excessif en sucre

basé sur le test de provocation par voie orale (gélule contenant 250 mg de benzoate de sodium) (10-12). La prévention repose sur l’éviction des benzoates contenus dans certains fruits ou légumes et des additifs mentionnés sur les emballages des produits (depuis E210 jusqu’à E213). Les aliments contenant des benzoates sont nombreux  : crevettes, poissons salés et séchés, poissons en conserve, betteraves, tomates, concombres, légumes en saumure, raisins, myrtilles, mûres, framboises, jus de raisin, moutarde, assaisonnements du commerce, etc. Après une éviction prolongée, cette intolérance peut guérir chez l’enfant (12). Les mécanismes invoqués sont une inhibition de la cyclo-oxygénase, une hypersensibilité retardée, une interférence avec les systèmes cholinergique et GABAergique. 44Intolérance aux nitrites Le nitrite de sodium (NaNO2) est un conservateur (E250) qui s’oppose à la pousse des bactéries (Clostridium botulinum), principalement dans les salaisons et les fromages. Avec l’érythrosine (E127), il est responsable de la couleur rose des charcuteries par réaction avec la myoglobine. Il possède des effets toxiques : risque de méthémoglobinémie (exceptionnel), surtout formation de nitrosamines. Il entraîne également

des urticaires, des migraines et des troubles gastro-intestinaux. Les nitrites provoquent également des altérations de la barrière intestinale qui facilitent le passage de l’histamine alimentaire dans la circulation sanguine. 44Intolérance à l’alcool L’alcool éthylique ou alcool (C2H5OH) est obtenu par distillation du vin ou des jus sucrés fermentés. C’est un cofacteur de l’anaphylaxie dont il aggrave les symptômes. Une enquête portant sur 365 questionnaires adressés à 671 patients atteints d’anaphylaxie d’effort, montre que l’ingestion d’alcool constitue un facteur déclenchant (et aggravant) chez 11 % d’entre eux (31/279) (13). L’alcool favorise la dégranulation non spécifique des mastocytes. Le terme “allergie à l’alcool” est très réducteur, intolérance à l’alcool étant plus adapté en raison des nombreuses substances que contiennent l’alcool et les boissons alcoolisées (bières par exemple) : raisin, orge, fruits divers, additifs (sulfites), amines biogènes (histamine), enzymes protéolytiques, etc. (13). Quelques cas d’allergie IgE-dépendantes aux constituants des alcools (raisin, céréales, enzymes, etc.) ont été rapportés (14). La prévention de l’intolérance à

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l’alcool passe par l’abstention, en particulier en cas de risque d’anaphylaxie (exercice physique et/ou prise de médicaments). 44Intolérance aux colorants et additifs Les intolérances aux colorants et additifs restent une réalité clinique, assez bien étayée chez l’adulte, mais plus difficile à prouver chez l’enfant en raison de la lourdeur des explorations qu’il faudrait mettre en œuvre. Tous agents (très disparates) confondus, la prévalence des effets adverses est certainement faible dans la population générale, entre 0,03 et 0,20 % (15) pour de nombreux auteurs, mais peut aller jusqu’à 1-1,5 % pour d’autres (16). La prévalence est un peu plus importante dans des populations sélectionnées, mais elle n’est pas supérieure à 2 % chez l’enfant atopique. Les mécanismes physiopathologiques sont nombreux, dépendant de la nature des substances en cause.

Un mécanisme IgE-dépendant est incriminé pour le carmin de cochenille (E120), les carraghénanes (E407), la gomme adragante (E413), le lysosyme (E1105), l’annato (E160b). Pour tous les autres agents, d’autres mécanismes sont en cause, responsables de fausses allergies alimentaires (9). Une étude récente montre que l’atopie n’augmente pas le risque de symptômes dus à la prise de tartrazine : un groupe de 35 atopiques (atteints d’asthme, de rhinite allergique, et d’urticaire) a pris 35 mg de tartrazine ou de placebo. La tartrazine n’a pas entraîné plus de symptômes cutanés (rash érythémateux, prurit, urticaire), ORL (rhinorrhée, congestion nasale), respiratoires (wheezing, toux, baisse du débit expiratoire de pointe), cardiovasculaire (chute tensionnelle) que le placebo (17). Les données disponibles dans la littérature pour les colorants, les conservateurs, les exhausteurs de goût, les antioxydants, les texturants,

les enzymes, les édulcorants, les arômes peuvent être retrouvées dans quelques références d’ensemble, en particulier pour des agents rares qu’il n’est pas possible d’envisager en détails (9, 15). Le diagnostic est basé sur les résultats de l’anamnèse, de l’enquête alimentaire catégorielle, du test de provocation, les effets de l’éviction et éventuellement ceux de la réintroduction.

La prévention La prévention des fausses AA passe par l’adoption d’une alimentation saine et équilibrée en fonction de l’âge. Le tableau 3 reproduit une alimentation réduisant les apports en aliments riches en histamine et/ou histamino-libérateurs chez un enfant (7). Pour éviter la monotonie, il est évidemment permis (et conseillé) quelques écarts qui sont autant de petits plaisirs (gâteaux, confiseries, bonbons, etc.)… n

Pour en savoir plus… 1. Amlot PL et al. Oral allergy syndrome (OAS): symptoms of IgE-mediated hypersensitivity to foods. Clin Allergy 1987 ; 17 : 33-42. 2. Classifications et mécanismes. In : Rancé F, Dutau G. Les allergies alimentaires. Paris : Expansion Scientifique Française, 2004 : 33-42. 3. Johansson SGO et al. A revised nomenclature for allergy. An EAACI position statements for the EAACI Nomenclature Task Force. Allergy 2001 ; 56 : 813-24. 4. Johansson SG et al. Revised nomenclature for allergy for global use: Report of the Nomenclature Review Committee of the World Allergy Organization, October 2003. J Allergy Clin Immunol 2004 ; 113 : 832-6. 5. Moneret-Vautrin DA et al. Immunopathologie de l’allergie alimentaire et fausses allergies alimentaires. Paris : Masson, 1983. 6. Beaudoin E et al. Les principaux diagnostics différentiels en allergie alimentaire. Rev Fr Allergol 2009 ; 49 : 291-5. 7. Rancé F. Les fausses allergies alimentaires. In : AllergieNet. http://www. allergienet.com/fausses-allergies-alimentaires/ (consulté le 8 septembre 2013). 8. Dutau G et al. Intolérance aux additifs alimentaires chez l’enfant : mythe ou réalité. Rev Fr Allergol Immunol Clin 1996 ; 36 : 129-42. 9. Bourrier T. Intolérances et allergies aux colorants et additifs. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2006 ; 46 : 68-79. 10. Lemerdy P et al. Prévalence des allergies alimentaires chez l’enfant et l’adulte. Alim’inter 2003 ; 8 : 5-9. 11. Pétrus A et al. Asthme et intolérance aux benzoates. Arch Pédiatr 1996 ; 3 : 984-7. 12. Pétrus M et al. Intolérance aux benzoates chez un nourrisson de 26 mois. Guérison apparente après 39 mois d’éviction. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2004 ; 44 : 649-51. 13. Shaddick NA et al. The natural history of exercise-induced anaphylaxis: survey results from 10-year follow-up study. J Allergy Clin Immunol 1999; 104(1): 123-7. 14. Dutau G. Le dictionnaire des allergènes. Paris : Phase 5 Edit., 2010, 6e édition, 1 vol. (335 pages). 15. Young E et al. The prevalence of reactions to food additives in a survey population. J R Coll Physicians Lond 1987 ; 21 : 241-7.

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Focus sur…

Le magnésium Une carence fréquente Le magnésium fait partie de ces minéraux aux fonctions multiples pour l’organisme. C’est le plus abondant cation intracellulaire et le quatrième plus abondant cation de l’organisme. Le magnésium joue un rôle fondamental dans de nombreuses fonctions de la cellule : le transfert, le stockage et l’utilisation d’énergie ; le métabolisme des protéines, des glucides et des graisses ; le maintien de la fonction membranaire de la cellule ; et la régulation de la sécrétion de l’hormone parathyroïdienne. Au niveau systémique, le magnésium abaisse la tension artérielle et modifie la résistance vasculaire périphérique. La carence en magnésium est une pathologie fréquente chez l’enfant comme chez l’adulte dans de nombreuses situations à risque. Dans cet article, nous décrivons l’homéostasie du magnésium, les facteurs de risque de carence, les besoins quotidiens, les signes cliniques de carence et les différentes pathologies associées.

Homéostasie du magnésium La teneur en magnésium total de l’organisme chez un sujet adulte est de 25 g (1 000 mmol). Environ 60 % du magnésium de l’organisme est stocké dans les os, 20 % dans le muscle et 20 % dans le foie et les tissus mous. Le magnésium plasmatique circule majoritairement (70 %) sous forme ionisée ou liée à des ions (oxalate, phosphate, citrate) ; 20 % sont liés aux protéines. La concentration de magnésium plasmatique normale est de 1,7 à 2,1 mg/dl (0,7 à 0,9 mmol/l). La régulation du taux de magnésium de l’organisme se fait à travers les mécanismes d’absorption gastro-intestinale et l’élimination urinaire. Le magnésium est absorbé principalement dans l’intestin grêle (jejunum et iléon) majoritairement par diffusion passive à travers les espaces para-cellulaires entre les entérocytes. Un autre site d’absorption se fait grâce à un système de transport actif (récepteur situé au pôle apical des entérocytes). L’absorption du magnésium dépend de la quantité ingérée. Lorsque le contenu alimentaire en magnésium est suffisant, environ 30-40 % est absorbé. En cas d’apport en magnésium faible (c’est-à-dire < 1 mmol/j), environ 80 % sont absorbés, alors que seulement 25 % sont absor14

Dr Prévost Jantchou (Gastropédiatre, CHU Sainte-Justine, Montréal, Canada) bés lorsque l’apport est élevé (> 25 mmol/j). Dans le tube digestif, les apports alimentaires en calcium et en magnésium influencent mutuellement l’ab-

sorption des deux nutriments ; une consommation élevée en calcium peut diminuer l’absorption du magnésium et un apport en magnésium faible peut augmenter l’absorption du calcium. La parathormone augmente l’absorption du magnésium. Les glucocorticoïdes réduisent l’absorption du calcium, et augmentent le transport du magnésium.

La réabsorption du magnésium au niveau rénal se fait principalement au niveau de la branche ascendante de l’anse de Henlé (60-70 %). Le tubule principal représente 15 à 25 % du site de réabsorption du magnésium et le tubule contourné distal 5 à 10 %. Ainsi, en situation pathologique, une élimination urinaire élevée ou un défaut d’absorption vont entraîner un risque élevé de déficit ou de carence. Le dosage du magnésium sérique n’est qu’un reflet infidèle de la teneur en magnésium de l’organisme. En

Tableau 1 - Apports journaliers recommandés en magnésium (11, 12). Population

Age

Magnésium (mg/j)

Nourrissons

0-6 mois 7-12 mois

40 75

Enfants

1-3 ans 4-6 ans 7-11 ans

80 130 280

Adolescents

14-15 ans Garçons Filles

410 370

15-16 ans Garçons Filles

410 370

Hommes Femmes

400-420 310-320

Jeunes adultes

Adultes Grossesse

350-400

Allaitement

310-360 Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2014 • vol. 7 • numéro 18


Focus sur…

Tableau 2 - Causes d’hypomagnésémie. Apports insuffisants - Dénutrition, marasme - Nutrition parentérale totale Redistribution de magnésium de l’espace extracellulaire à intracellulaire - Traitement de l’acidocétose diabétique - Symptômes de sevrage d’alcool - Syndrome de réalimentation inappropriée - Pancréatite aiguë Pertes gastro-intestinales de magnésium - Diarrhée - Aspiration naso-gastrique et vomissements - Stomies et fistules gastro-intestinales Excès d’élimination rénale de magnésium - Syndrome de Gitelman - Syndrome de Barter (syndrome de Barter de type III) - Hypomagnésémie familiale avec hypercalciurie et néphrocalcinose - Hypocalcémie autosomique dominante avec une hypercalciurie - Hypomagnésémie récessive isolée (IRH) avec normocalcémie Médicaments Diurétiques

Diurétiques osmotiques et diurétiques thiazidiques

Antimicrobiens

Aminosides, amphotéricine B, pentamidine, capréomycine, viomycine, foscarnet

Agents chimiothérapeutiques

Cisplatine

Immunosuppresseurs

Tacrolimus, ciclosporine

Antisécrétoires

Inhibiteurs de la pompe à protons (utilisation chronique)

effet, le magnésium est un ion majoritairement intracellulaire (99 %).

Les besoins quotidiens en magnésium Les besoins en magnésium varient selon l’âge et le sexe. Des situations telles la grossesse, l’activité sportive intense sont associées à un besoin accru en magnésium. Le tableau 1 décrit les apports journaliers recommandés en magnésium selon l’âge.

Les sources alimentaires Le magnésium est omniprésent dans la nature. Il est particulièrement abondant dans

le chocolat, les céréales, les noix, les légumes verts et légumineuses. Les fruits, viandes et poissons sont moins riches en magnésium. La transformation des aliments et la cuisson peuvent réduire la teneur en magnésium, ce qui explique pourquoi une proportion importante de la population a un apport en magnésium inférieur aux apports journaliers recommandés.

Les signes de carence L’hypomagnésémie est une pathologie fréquente survenant chez près de 12-15 % des patients hospitalisés. L’incidence augmente de façon dras-

Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2014 • vol. 7 • numéro 18

tique chez les patients en unité de soins intensifs (60-65 %). 44Les manifestations neuromusculaires Les premières manifestations d’une carence en magnésium sont généralement des troubles neuromusculaires et neuropsychiatriques, la plus fréquente étant une hyperexcitabilité. Des signes d’irritabilité neuromusculaire, notamment tremblements, fasciculations, tétanie, signes de Chvostek et Trousseau et des convulsions ont été observés suite à une hypomagnésémie induite chez des volontaires sains. 44Les manifestations cardiaques L’hypomagnésémie est une cause reconnue d’arythmie cardiaque. La base physiopathologique de l’effet du magnésium sur l’arythmie cardiaque peut être liée à l’insuffisance de la pompe membranaire sodium/potassium et au passage accru extracellulaire de potassium à travers les canaux de potassium dans les cellules cardiaques, conduisant à réduire le potentiel d’action et augmenter la susceptibilité à l’arythmie cardiaque. Les torsades de pointes, une tachycardie ventriculaire répétitive, polymorphe, avec allongement de l’intervalle QT, ont été rapportées en situation d’hypomagnésémie. D’autres conditions pathologiques ont été associées à une carence en magnésium : • hypertension, • pré-éclampsie, • acidocétose diabétique, • ostéoporose, • syndrome de fatigue chronique. 44Les manifestations métaboliques Au niveau biologique, une carence en magnésium peut être associée à une hypokaliémie ou une hypocalcémie. 44Les autres manifestations Les autres manifestations d’une carence en magnésium sont : • l’apathie, • les crampes musculaires, 15


Focus sur…

• l’hyperréflexie, • la dépression, • une faiblesse généralisée, • l’anorexie, • des vomissements, • des troubles du rythme cardiaque.

Les signes de surdosage Une intoxication au magnésium semble rare car la fonction d’excrétion rénale permet d’équilibrer les taux sériques, même dans le cas d’une ingestion de fortes doses. Cependant, une forte consommation pourrait être toxique chez les sujets ayant une insuffisance rénale. Les signes de surdosage sont marqués par un érythème cutané, une polypnée superficielle, une diarrhée et des troubles neurologiques.

Les causes d’hypomagnésémie La carence en magnésium peut être observée dans plusieurs situations à risque, en lien avec des pathologies intestinales, rénales ou la prise de

certains traitements médicamenteux.

La distinction entre les pertes gastro-intestinales et rénales peut être faite en mesurant l’excrétion urinaire de magnésium de 24 heures ou la fraction d’excrétion du magnésium sur un échantillon d’urine aléatoire. Celle-ci peut être calculée à partir de la formule suivante : UMg x PCr EFMg = ———————— x 100 (0.7 x PMg) x UCr EF : excrétion fractionnelle ; U : urine ; P : plasma ; Cr = créatinine ; Mg : magnésium.

Une excrétion quotidienne de plus de 10 à 30 mg (dans un échantillon d’urine de 24 heures) ou une excrétion fractionnelle du magnésium au-dessus de 2 % chez un sujet ayant une hypomagnésémie et une fonction rénale normales indique une perte rénale de magnésium. En revanche, une excrétion urinaire

de magnésium de 24 heures inférieure à 10 mg ou une fraction d’excrétion du magnésium inférieure à 2 % indique généralement une perte extrarénale de magnésium (typiquement gastrointestinale). Le tableau 2 rapporte les principales causes d’hypomagnésémie.

Conclusion En résumé, le magnésium est un ion utile pour l’organisme. Les besoins en magnésium sont facilement comblés par une alimentation normale.

Une vigilance accrue est à mettre en place chez les patients à risque augmenté d’hypomagnésémie. Dans ces cas, un suivi du taux sérique de magnésium permet de guider la supplémentation. n Note : 1 mmol magnésium = 2 meq = 24 mg de magnésium élémentaire = 240 mg de sulfate de magnésium

Pour en savoir plus… 1. Weisinger JR, Bellorín-Font E. Magnesium and phosphorus. Lancet 1998 ; 352 : 391. 2. Agus ZS. Hypomagnesemia. J Am Soc Nephrol 1999 ; 10 : 1616. 3. al-Ghamdi SM, Cameron EC, Sutton RA. Magnesium deficiency: pathophysiologic and clinical overview. Am J Kidney Dis 1994 ; 24 : 737. 4. Dimke H, Monnens L, Hoenderop JG, Bindels RJ. Evaluation of hypomagnesemia: lessons from disorders of tubular transport. Am J Kidney Dis 2013 ; 62 : 377-83 5. Weglicki WB. Hypomagnesemia and inflammation: clinical and basic aspects. Annu Rev Nutr 2012 ; 32 : 55-71 6. Hess MW, Hoenderop JG, Bindels RJ, Drenth JP. Systematic review: hypomagnesaemia induced by proton pump inhibition. Aliment Pharmacol Ther 2012 ; 36 : 405-13

16

7. Kaplinsky C, Alon US. Magnesium homeostasis and hypomagnesemia in children with malignancy. Pediatr Blood Cancer 2013 ; 60 : 734-40. 8. Santos DA, Matias CN, Monteiro CP et al. Magnesium intake is associated with strength performance in elite basketball, handball and volleyball players. Magnes Res 2011 ; 24 : 215-9. 9. Martin A. The “apports nutritionnels conseillés (ANC)” for the French population. Reprod Nutr Dev 2001 ; 41 : 119-28. 10. Berthelot A. Le magnésium. Montrouge (Hauts-de-Seine) : John Libbey Eurotext, 2004. 11. Martin A. Apports nutritionnels conseillés pour la population française. 3e édition. Tec & Doc, 2001. 12. Biesalski HK, Grimm P. Pocket atlas of nutrition. Thieme, 2005.

Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2014 • vol. 7 • numéro 18


À chaque bébé son

Allergies aux protéines de lait de vache

1er hydrolysat poussé de protéines épaissi Améliore le confort des bébés Bonne satiété Goût optimisé

s

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6

13,3

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par la Sécurité ge

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Novalac, une gamme attentive à la qualité de vie des bébés Avis important : Le lait maternel est l’aliment idéal pour chaque nourrisson. Une bonne nutrition maternelle est essentielle pour préparer et maintenir l’allaitement. L’allaitement mixte peut gêner l’allaitement maternel et il est difficile de revenir sur le choix de ne pas allaiter. La mauvaise préparation d’un lait infantile peut entraîner des risques pour la santé des nourrissons. Les implications socio-économiques doivent être prises en compte dans le choix de la méthode d’allaitement. Allernova AR doit être exclu de l’alimentation de l’enfant bien portant et n’est à utiliser que sous contrôle médical. (1) Vandenplas Y. Acceptability and efficacy of a thickened extensive casein hydrolysate (Allernova AR). Etude pilote prospective ouverte chez 24 enfants ayant une suspicion de reflux gastro-œsophagien et/ou des manifestations gastro-intestinales d’APLV avec régurgitations ou vomissements > 4 fois/j. Sorties d’essai : 1 enfant pour sténose pylorique, 1 pour infection urinaire, 1 pour déficit immunitaire sévère et 3 pour non amélioration des symptômes.

1NOV00701/14. Document strictement réservé aux professionnels de santé et professionnels de la petite enfance, établi en 11/13.

Régurgitations réduites (1) ENT de plus de 60% PROUVÉS CLINIQUEM


Enquête

Résultats de l’enquête DOLCIA « Identification des déterminants cliniques, sociologiques et économiques de la durée de l’allaitement maternel exclusif » Malgré une évolution croissante du choix de l’allaitement maternel durant ces 20 dernières années, en France, l’objectif de se rapprocher des préconisations des sociétés savantes ou de l’OMS n’est pas atteint en raison d’une durée d’allaitement exclusif insuffisante. Il est essentiel de connaître les facteurs qui déterminent le sevrage de cette alimentation au sein, et en particulier ceux liés aux conditions socio-familiales ou associés à l’environnement de la mère. Ces informations pourraient permettre d’optimiser l’information donnée aux mamans et d’adopter des mesures incitatrices à la poursuite de l’allaitement, qu’elles soient d’ordre sanitaire ou socio-économique. Dans une démarche de prévention et de santé publique, il est paradoxal, puisqu’il s’agit d’une décision très personnelle, que le choix d’interrompre l’allaitement au sein soit souvent motivé uniquement par la reprise du travail. Cette enquête de grande envergure, réalisée en population et à grande échelle, apporte des éléments de réponse concrets et informatifs pour les praticiens comme pour nos tutelles sanitaires.

Le constat Selon la Haute Autorité de Santé (1) comme pour l’American Pediatric Association (2) ou l’OMS (3), l’allaitement maternel constitue la référence pour l’alimentation du nourrisson pendant les 6 premiers mois de la vie car il favorise la croissance physique et affective de l’enfant, privilégie le lien mère-enfant et renforce l’immunité de l’enfant (1). En France, en 2010, le taux d’initiation en maternité était de 68,7 % (60,2 % d’allaitement exclusif et 8,5 % d’allaitement mixte) (4). En 2012, l’étude Epifane fait état d’un taux d’allaitement identique de 69 % (60 % d’allaitement exclusif, 9 % d’allaitement mixte) (5). A 1 mois, 54 % des enfants sont encore allaités et seulement 35 % de manière exclusive (5). A 4 mois, 5 % des enfants sont encore allaités, un taux beaucoup plus bas que dans d’autres pays développés (65 % en Suède et en Suisse, 34 % au Canada, 27 % au Royaume-Uni). 18

Pr Frédéric Huet

(Département de Pédiatrie, CHU de Dijon - coordinateur de l’enquête)

Les femmes allaiteraient en médiane 8 à 13 semaines (6-8) et plus récemment, il a été rapporté que la durée de l’allaitement maternel ne dépassait pas 10 semaines en France (9). Les résultats de cette étude épidémiologique, mise en place par NOVALAC en 2012, contribuent à améliorer les connaissances dans ce domaine en donnant une estimation de la durée de l’allaitement maternel exclusif aux niveaux national et régional (hors Corse et Dom-Tom), et en identifiant différents déterminants cliniques, sociologiques et économiques influençant le maintien de l’allaitement maternel.

Une enquête conduite auprès des médecins et des mamans Cette enquête observationnelle transversale a été conduite dans la pratique quotidienne de pédiatres et

de médecins généralistes à orientation pédiatrique. Chaque médecin devait inclure les 5 premières mamans, âgées de plus de 18 ans, souhaitant ou devant arrêter l’allaitement maternel exclusif de leur enfant et acceptant de participer à cette enquête. L’enquête comportait un questionnaire complété par le médecin et un auto-questionnaire complété par la maman. 44Description des couples mères/enfants 745 médecins, dont 651 pédiatres et 78 médecins généralistes, ont inclus dans l’étude 2 773 couples mèresenfants. Les mamans de l’étude sont âgées de 30,6 ± 4,5 ans (médiane 30 ans) et les enfants de 13,2 ± 11,0 semaines. Les enfants sont majoritairement de sexe masculin (52,4 %). Leur poids moyen à la naissance est de 3,3 ± 0,5 kg et leur taille moyenne à la naissance de 59,0 ± 5,7 cm.

Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2014 • vol. 7 • numéro 18


Enquête

Les mamans vivent en couple pour 96,9 % d’entre elles. Pour la moitié (49,9 %), il s’agissait de leur premier enfant. Sur le plan socioéconomique, 82,1 % ont un niveau d’étude égal ou supérieur au baccalauréat et les professions qu’elles exercent diffèrent de la population générale par une sous-représentation des ouvrières (2,3 %) et une sur-représentation des professions libérales ou des cadres supérieurs (21,7 %). 13,6 % déclarent cependant avoir des difficultés financières modérées ou importantes, et 54,3 % déclarent ne bénéficier d’aucune aide dans leur vie quotidienne.

80 %

68,8 %

70 % 60 % 50 % 40 % 30 %

25,4 %

20 % 10 %

2,6 %

2,8 %

0% Pendant la grossesse

Avant la grossesse

A l’accouchement

A la maternité

0,3 % Autre

Figure 1 - Moment de la prise de décision d’allaiter. Durée de l’allaitement exclusif (en mois) 90 % 80 %

Plus des deux tiers d’entre elles (68,2 %) sont en congé maternité ou parental et 17,4 % ont déjà repris leur activité au moment de l’enquête.

n = 2763

77,1 %

70 % 60 % 50 % 40 %

44L’allaitement maternel : une décision prise avant la grossesse Près des deux tiers des mamans (62,1 %) se déclarent satisfaites du déroulement de leur grossesse et 77,8 % ont suivi des cours de préparation à l'accouchement. Elles sont aussi très satisfaites, pour 49 % d’entre elles (moyennement 34,9 %), des informations et du soutien reçus concernant l'allaitement par les professionnels de santé (médecins, sages-femmes…). 62,2 % s’estiment avoir été bien informées (moyennement 25,9 %) des bénéfices de l'allaitement au sein pour leur enfant. La décision d’allaiter a été prise : • avant la grossesse pour 68,8 % des femmes ; • durant la grossesse pour 21,4 % ; • et lors de l’accouchement ou à la maternité pour 2,6 % et 2,8 % (figure 1). On note que la décision d’allaiter est d’autant plus souvent prise avant la grossesse que la femme avance en âge, passant de 50,2 % chez les moins de 25 ans à 76,2 % chez les 35 ans et plus. 44Une durée d’allaitement maternel exclusif de 11 semaines La durée moyenne de l’allaitement maternel exclusif est de 11,3 ± 7,7 se-

30 %

22,9 %

20 % 10 % 0% 4 mois et moins

Plus de 4 mois

Figure 2 - Durée de l’allaitement exclusif (en mois).

maines (médiane 9,6 semaines). La distribution de ces durées d’allaitement maternel exclusif fait apparaître que 35,4 % des mamans ont allaité leur enfant exclusivement au sein durant moins de 8 semaines, 64,6 % durant 8 semaines et plus, parmi lesquelles 41,0 % durant 12 semaines et plus et 22,9 % durant plus de 16 semaines (figure 2). Les durées varient de manière sensible entre les régions, avec la durée moyenne la plus importante en Bourgogne (13,8 semaines) et la plus faible en Basse-Normandie (9,9 semaines) (figure 3). Les médecins avaient évalué au moment de leur recrutement, et donc avant l’inclusion des mamans, la durée moyenne de l'allaitement maternel exclusif à 12,5 ± 4,8 semaines avec des estimations variant de 11,0 ± 4,3 semaines dans le Nord à 13,5 ± 4,7 semaines dans le Sud-Est. Ils avaient

Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2012 • vol. 5 • numéro 13 Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2014 • vol. 7 • numéro 18

estimé que seules 19,1 % des mères le prolongeaient au-delà de 4 mois. 44La première motivation de l’allaitement maternel : la santé de l’enfant Les motivations pour débuter l’allaitement maternel (figure 4) sont dominées par le souhait de contribuer à une bonne santé de l’enfant (95,4 %), par le renforcement de la relation mère/enfant (75,4 %), mais aussi pour son caractère pratique (37,6 %). On notera cependant que 8,9 % indiquent des raisons financières. Seulement un tiers des femmes (34,3 %) déclare ne pas avoir éprouvé de difficultés pour débuter l’allaitement. 59,9 % disent avoir allaité leur enfant dans un lieu public en ayant toutefois ressenti une gêne plus ou moins marquée pour 53,3 % d’entre elles. Mais, nonobstant tous les éléments précédents, 76,4 % des femmes déclarent avoir beaucoup apprécié le fait d’allaiter leur enfant. 19 19


Enquête

44La reprise du travail : première raison de l’arrêt de l’allaitement maternel exclusif Les raisons de l’arrêt de l’allaitement exclusif sont dominées par la reprise du travail et/ou la mise en crèche ou en nourrice de l’enfant (45,6 %), suivies par la fatigue de la maman ou la survenue de problèmes de santé chez elle (24,6 %) (figure 5). Le manque de soutien de l’entreprise dans laquelle les femmes travaillent est stigmatisé de manière importante avec 64,1 % d’entre elles qui jugent ce soutien « pas du tout satisfaisant ». 44Durée de l’allaitement : influencée par la satisfaction d’allaiter et le contexte socioéconomique Une régression logistique ajustée sur l’ensemble des caractéristiques socioéconomiques et cliniques de la mère et visant à expliquer une durée d’allaitement maternel exclusif supérieure à 4 mois a été réalisée. Elle fait apparaître que les principaux déterminants d’une durée d’allaitement de plus de 4 mois sont : • le fait que la maman apprécie d’allaiter (OR : 5,2 [2,2-12,2] ; p < 0,0001) ; • l’existence de difficultés financières (OR : 2,8 [1,2-6,3] ; p = 0,0142) ; • un âge supérieur à 35 ans (OR : 2,4 [1,5-4,0] ; p = 0,0006) ; • la capacité de la femme à allaiter son enfant dans un lieu public (OR : 2,2 [1,8-2,8] ; p < 0,0001) ; • l’absence d’activité professionnelle (OR : 2,0 [1,4-2,8] ; p < 0,0001) ; • l’absence de tabagisme (OR : 1,8 [1,2 -2,8] ; p = 0,0066). Par ailleurs, chez les femmes ayant une activité professionnelle, la régression logistique montre également l’importance de la satisfaction de la maman à l’égard de la politique de l’entreprise en faveur du soutien à l’allaitement avec, lorsqu’elles en sont très satisfaites, un OR de 1,8 (1,1-2,8 ; p = 0,0136).

Figure 3 - Cartographie de la durée moyenne de l’allaitement maternel exclusif en fonction des régions françaises (en semaines).

95,4

Pour la bonne santé de l'enfant

75,4

Pour la relation mère-enfant

37,8

Parce que c'est pratique Pour suivre les conseils des professionnels de santé (médecins, sages-femmes...)

32,5 10,9

Parce que le père de l'enfant souhaite que vous allaitiez

10,9

Parce que dans votre famille les femmes allaitent

8,9

Pour des raisons financières

7,6

Pour faire comme votre mère

4,9

Pour maigrir Autres

2,9

Parce que vous pensez que l'allaitement aide à la contraception

1,2 0%

20 %

40 %

20

80 %

100 %

Figure 4 - Motivations pour débuter l’allaitement maternel.

Reprise du travail / Mise en crèche / Nourrice

45,6

Problèmes Maman (Fatigue / Maladie / Traitement / Choix)

24,6 15,8

Lactation insuffisante / Lait pas assez nourrissant / Mauvaises tétées Problèmes Enfant (Maladie / Traitement / Hospitalisations / Pleurs / Trop demandeur)

6,8

Volonté de diversifier l'alimentation...

4,8

Courbe de poids

4,7

Problèmes/Douleurs aux seins

44Deux tiers des mamans poursuivent un allaitement mixte Au terme de la consultation 65,6 % des mamans optent pour un allaitement mixte et 34,4 % pour une formule infantile exclusivement.

60 %

4,2

Autres : Participation du papa / Nouvelle grossesse…

2,3 0%

10 %

20 %

30 %

40 %

50 %

Figure 5 - Raisons d’arrêt de l’allaitement exclusif.

Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2014 • vol. 7 • numéro 18


Enquête

Ces choix varient de manière sensible entre les régions : la plus grande proportion à maintenir un allaitement mixte se trouve en Auvergne (76,8 %), et la plus faible dans le Nord-Pas-de-Calais (56,1 %).

Ce résultat confirme les données antérieures (5-6, 9) et montre que peu de progrès ont été obtenus dans ce domaine. Ces chiffres sont d’ailleurs en adéquation avec la reprise légale du travail à 10 semaines après l’accouchement.

Conclusion

Il est donc nécessaire de continuer les efforts d’information en faveur des bénéfices pour l’enfant de l’allaitement maternel, mais également d’accroître les mesures incitatives en faveur de l’allaitement maternel.

Cette enquête observationnelle nationale fait apparaître une durée d’allaitement maternel exclusif de 11 semaines en moyenne, qui varie de manière importante selon les régions entre 10 et 14 semaines.

En effet, si l’analyse montre que le premier déterminant de la durée de l’allaitement maternel est la satisfaction éprouvée par la maman à allaiter son enfant, elle souligne l’importance des déterminants socioéconomiques et des politiques de soutien des entreprises aux femmes allaitant leur enfant. Les mamans, quant à elles, semblent déjà très investies, puisque les deux tiers d’entre elles acceptent de passer à un allaitement mixte plutôt qu’à une formule infantile seule. n

Pour en savoir plus… 1. Favoriser l’allaitement maternel. Processus. Évaluation HAS, Mission formation, Juin 2006. 2. American Academy of Pediatrics, AAP. Breastfeeding and the use of human milk. Organizational principles to guide and define the child health care system and/or improve the health of all children. Pediatrics. 2005 ; 115 : 496-506. 3. Organisation Mondiale de la Santé, Département Santé et Développement de l’Enfant et de l’Adolescent. Données scientifiques relatives aux dix conditions pour le succès de l’allaitement. Genève : OMS ; 1999. 4. Enquête Nationale Périnatale (ENP) 2010 : Les naissances en 2010 et leur évolution depuis 2003. 5. Salanave B, Guerrisi C, Castetbon K. Taux d’allaitement maternel à la

Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2012 • vol. 5 • numéro 13 Nutrition & Pédiatrie • Janvier 2014 • vol. 7 • numéro 18

maternité et au premier mois de l’enfant. Résultats de l’étude Epifane, France, 2012. BEH 2012 ; 34 (18 Septembre 2012) : 383-87. 6. Branger B, Cebron M, Picherot G, de Cornulier M. Factors influencing the duration of breast feeding. A study of 150 women. Arch Pediatr. 1998 ; 5 : 489-96. 7. Lelong N, Saurel-Cubizolles MJ, Bouvier-Colle MH, Kaminski M. Duration of maternal breastfeeding in France. Arch Pediatr. 2000 ; 7 : 571-72. 8 Labarère J, Dalla-Lana C, Schelstraete C, Rivier A, Callec M, Polverelli JF, François P. Initiation and duration of breastfeeding in obstetrical hospitals of Aix-Chambery (France). Arch Pediatr. 2001 ; 8 : 807-15. 9. Synthèse Programme National Nutrition Santé 2011-2015. Allaitement maternel : les bénéfices pour la santé de la mère et de l’enfant.

21 21


À chaque bébé son

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Novalac, une gamme attentive à la qualité de vie des bébés Avis important : Le lait maternel est l’aliment idéal pour chaque nourrisson. Une bonne nutrition maternelle est essentielle pour préparer et maintenir l’allaitement. L’allaitement mixte peut gêner l’allaitement maternel et il est difficile de revenir sur le choix de ne pas allaiter. La mauvaise préparation d’un lait infantile peut entraîner des risques pour la santé des nourrissons. Les implications socio-économiques doivent être prises en compte dans le choix de la méthode d’allaitement. Novalac Riz est un aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales, doit être exclu de l’alimentation de l’enfant bien portant et n’est à utiliser que sous contrôle médical. * Sur la base du PPTTC conseillé.

2NOV05305/13. Document strictement réservé aux professionnels de santé et professionnels de la petite enfance, établi en 03/13.

1NOV03901/14. Document strictement réservé aux professionnels de santé et professionnels de la petite enfance, établi en 12/13

Prix public* accessible


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