d www.onko.fr R e v u e
p l u r i d i s c i p l i n a i r e
e n
O n c o l o g i e
En pratique
Place du fer injectable en cancérologie Dr Thierry Landré, Dr Claire Peloso
Mise au point
Le traitement du cancer du rein métastatique par les inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) Dr Kader Chouahnia
Retour de congrès
4e Congrès Monaco Age Oncology 21 et 22 mars 2013 Dr Gaëtan Des Guetz, Dr Thierry Landré, Dr Cherifa Taleb
La pratique régulière d’une activité physique au décours de plusieurs cancers est associée à une réduction du risque de décès.
dossier
Activité physique et cancer Retour sur la 2e journée CAMI Sport et Cancer / ICAT Prévention primaire des cancers du sein et du côlon, impact sur la qualité de vie et la fatigue, physiologie du muscle, effets sur la mortalité, reconditionnement à l’effort, programme « Activ’ », formation pour les intervenants en APA… Un compte-rendu exhaustif sur les données récentes Volume 5 • n° 39 • Mai 2013 • 9 E • Cahier 1
sommaire Mai 2013 • Vol. 5 • N° 39 • Cahier 1
www.onko.fr
n En pratique
Place du fer injectable en cancérologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 81 Intérêt des différentes formulations
Dr Thierry Landré, Dr Claire Peloso (Paris)
R e v u e p l u r i d i s c i p l i n a i r e e n O n co l o g i e
Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Coordination scientifique : Dr Thierry Bouillet Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Gaëlle Monfort-Corre • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • • Maquette et Illustration : Elodie Lecomte et Antoine Orry • Chef de publicité : Catherine Patary-Colsenet • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne - 60205 Compiègne oncologie générale
n Mise au point
Le traitement du cancer du rein métastatique par les inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 85 Études et comparaison des ITK
Dr Kader Chouahnia (Paris, Seine-Saint-Denis)
Responsable éditorial : Thierry Bouillet (Bobigny), Didier Ammar (Marseille), Céline Bourgier (Villejuif), Eric Dudoit (Marseille), Paul Escure (Bobigny), Karen Kraeuter (Bobigny), Frédéric Selle (Paris), Marc Spielmann (Villejuif), Laurent Zelek (Bobigny) oncologie digestive
n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 89
Activité physique et cancer
Retour sur la 2 journée CAMI Sport et Cancer / ICAT e
1 n Présentation et synthèse : ICACT du 6 février 2013 . . . . . . . . . . . . . . p. 90 Jean-Marc Descotes (Paris)
2 n Activité physique et prévention primaire du cancer du sein et du côlon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 92 Pr Martine Duclos (Clermont-Ferrand)
3 n Impact sur la qualité de vie et l’estime de soi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 94 Dr Pierre Saltel (Lyon)
4 n Physiologie du muscle à l’effort : applications à la situation du cancer et des traitements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 95 Pr André-Xavier Bigard (Paris), Dr Michèle Beaudry (Bobigny), Dr Laurent Zelek (Bobigny)
5 n Fatigue et cancer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 98 Dr Alain Marre (Rodez)
6 n Effets sur la mortalité globale et spécifique de l’activité physique et sportive en cancérologie. . . . . . . . . . . . . p. 100 Dr Thierry Bouillet (Bobigny)
7 n Reconditionnement à l’effort : qu’est-ce que c’est ? Pour qui ?. . p. 102 Pr Jean Lonsdorfer, Pr Thomas Vogel, Dr Evelyne Lonsdorfer-Wolf (Strasbourg)
8 n Présentation du Programme Activ’ (Institut Curie et Siel Bleu). . p. 103 Dr Laure Copel (Paris)
9 n Quelle formation pour les intervenants en APA ?. . . . . . . . . . . . . p. 104 Dr Laurent Zelek (Bobigny)
n Retour de congrès
4e Congrès Monaco Age Oncology 21 et 22 mars 2013. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 105
Dr Gaëtan Des Guetz (Bobigny), Dr Thierry Landré (Paris, Seine-Saint-Denis), Dr Cherifa Taleb (Sevran)
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 84 Crédit de couverture et sommaire : © ag visuell - Fotolia Cette publication comporte 2 cahiers : un cahier 1 (32 pages) et un cahier 2 (16 pages). Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages).
Responsables éditoriaux : Jean-Didier Grangé (Paris), Gaëtan Des Guetz (Bobigny) Sophie Dominguez (Lille), Philippe Merle (Lyon) oncologie gynécologique et mammaire Responsable éditorial : Pierre Collinet (Lille) Katty Ardaens (Seclin), Bénédicte Comet (Lille), Paul Cottu (Paris), Eric Lambaudie (Marseille), Anne Lesoin (Lille), Olivier Romano (Lille), Richard Villet (Paris) Pneumologie et oncologie Responsable éditorial : Emmanuel Martinod (Bobigny) Patrick Bagan (Argenteuil), Pierre-Yves Brillet (Bobigny), Laurent Brouchet (Toulouse), Jean Baptiste Chadeyras (Clermont-Ferrand), Kader Chouahnia (Bobigny), Bertrand De-Latour (Rennes), Hervé Dutau (Marseille), Pierre-Emmanuel Falcoz (Strasbourg), Sophie Jaillard (Lille), René Jancovici (Saint-Cloud), Jacques Jougon (Bordeaux), Christophe Lancelin (Brest), Christine Levy (Bobigny), Gilbert Massard (Strasbourg), Isabelle Monnet (Créteil), Jean-Marc Naccache (Bobigny), Dana Radu (Bobigny), Pierre Saintigny (Houston, USA), Agathe Seguin-Givelet (Bobigny), Pascal-Alexandre Thomas (Marseille), Yurdagul Uzunhan (Bobigny) uro-oncologie Comité éditorial : Stéphane Culine (Créteil), Alexandre de la Taille (Créteil), Christophe Hennequin (Paris), Bernard Malevaud (Toulouse), Catherine Mazerolles (Toulouse) pharmacologie et oncologie Responsable éditorial : Vincent Launay-Vacher (Paris) Gaël Deplanque (Paris), François Lemare (Villejuif), Jean-Baptiste Rey (Reims) OnKo + est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : onkoplus@expressiongroupe.fr Site : www.onko.fr RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0414 T 89810 ISSN : 2101-9495 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “OnKo +” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
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En pratique Soins de support
Place du fer injectable en cancérologie Intérêt des différentes formulations Dr Thierry Landré*, Dr Claire Peloso**
Introduction L’anémie liée au cancer est fréquente et souvent multifactorielle. Elle participe de façon importante à la fatigue des patients et à l’altération de leur qualité de vie. Pour corriger l’anémie chimio-induite, il existe deux grandes options thérapeutiques : le recours aux transfusions sanguines et/ou l’utilisation d’agents stimulant l’érythropoïèse (ASE ou Epo). Les Epo permettent d’augmenter durablement le taux d’hémoglobine, d’améliorer la qualité de vie des patients et de diminuer le recours aux transfusions sanguines. Il semble que cette prise en charge puisse encore être améliorée en y ajoutant la prévention et le traitement de la carence martiale. La mise sur le marché de préparations de fer injectable permet d’y contribuer.
Anémie et cancer
L’anémie est très fréquente chez les patients qui souffrent d’un cancer. Pour certaines tumeurs, on retrouve jusqu’à 75 % de malades ayant un taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/dl. Les causes d’anémie sont multiples, liées à la fois à la maladie en elle-même et à son traitement (Fig. 1). La cause la plus fréquente des anémies est la carence en fer. Le métabolisme du fer est régulé par une hormone synthétisée par le foie, l’hepcidine, qui contrôle l’absorption intestinale et la réutilisation du fer par le système réticuloendothélial. Le fer de l’organisme (environ 3 à 5 g au total chez l’adulte) est échangé entre différents com*Unité de coordination en onco-gériatrie (UCOG 93), Hôpitaux universitaires de Paris-Seine-St-Denis (APHP) **Service de pharmacie, Hôpital René-Muret, Hôpitaux universitaires de Paris-Seine-St-Denis (APHP)
onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
partiments : le fer associé à l’hème (70 %) qui est contenu dans les érythrocytes (globules rouges), la ferritine (20 %) qui est une protéine permettant le stockage du fer, et la transferrine (10 %) qui assure le transport du fer au niveau plasmatique. • Le dosage de la ferritine plasmatique est le reflet des réserves tissulaires mobilisables. • Le dosage de la transferrine permet de calculer le coefficient de saturation CsTRF (normalement de 30 %). On parle de carence martiale lorsque le fer sérique, la ferritine et le coefficient de saturation de la transferrine sont abaissés. à noter que dans les anémies inflammatoires associées à une carence martiale, la ferritine peut être augmentée.
Les conséquences immédiates de l’anémie pour le patient sont une asthénie importante, une altération de la qualité de vie et une moindre efficacité des traitements anticancéreux. C’est pourquoi la place des soins de support est primordiale.
Traitement de l’anémie et supplémentation en fer
Selon les situations, la transfusion sanguine et/ou l’utilisation d’agents stimulant l’érythropoïèse (Epo) sont des traitements de l’anémie. En cas d’anémie associée à une carence martiale, la supplémentation en fer est la première option thérapeutique. Une supplémentation en fer a pour objectif de limiter le recours aux Epo, de majorer l’amélioration symptomatique des patients et d’éviter des non-réponses au traitement par Epo. La prise en charge de l’anémie par carence martiale repose idéalement sur un traitement substitutif de fer par voie orale. Mais la toxicité gastro-intestinale du fer par voie orale concerne près de 50 % des patients. L’absorption digestive est limitée (10 à 20 % de la dose) et la durée de traitement doit être longue pour restaurer les réserves en fer de l’organisme. Ces inconvénients associés à la supplémentation en fer par voie orale conduisent à considérer l’utilisation du fer par voie injectable. 81
En pratique
Cancer
Insuffisance médullaire Infiltration de la moelle osseuse Anémie de maladies chroniques
Inflammation
Atteintes périphériques
Diminution de la durée de vie des hématies Diminution de l’utilisation du fer
Chimiothérapie, radiothérapie
Hémorragies Hémolyse Insuffisance rénale
Myélosuppression
Anémie Figure 1 - étiologies de l’anémie en cancérologie.
Formulations de fer injectable
Les indications du fer injectable (complexes d’hydroxyde ferrique-saccharose) sont : - l’anémie de l’insuffisant rénal chronique hémodialysé ; - les anémies aiguës en postopératoire immédiat chez les patients ne pouvant recevoir d’alimentation orale ; - et les anémies par carence martiale en cas de traitement par voie orale impossible, ce qui concerne les patients atteints de cancer. • Le carboxymaltose ferrique (Ferinject®) est une nouvelle spécialité indiquée dans le traitement de la carence martiale, lorsque les préparations orales de fer ne sont pas efficaces ou ne peuvent être utilisées. Proche en structure de la ferritine, il s’agit d’un hydroxyde ferrique enveloppé dans une structure glucidique, permettant de limiter la toxicité allergique. Ceci rend possible l’emploi de posologies plus élevées (jusqu’à 1 000 mg par injection) et une action plus rapide. L’administration de doses élevées est réalisée en perfusions de 15 minutes hebdomadaires, en fonction 82
Tableau 1 - Fers injectables commercialisés en France. DCI
Spécialité
Présentation - dosage
Complexe d’hydroxyde ferrique-saccharose
Venofer® Fer Mylan® Fer Actavis® Fer Sandoz®
Ampoule – 20 mg/ml 100 mg de fer / 5 ml
Carboxymaltose ferrique
Ferinject®
Flacon – 50 mg/ml 100 mg de fer / 2 ml ou 500 mg de fer / 10 ml
de l’importance de la carence martiale. L’utilisation du produit se fait aussi bien en milieu hospitalier qu’en ambulatoire. Le schéma d’administration est simplifié car il peut être effectué sans dose test (Tab. 1). • Le fer injectable existe également sous la forme de deux autres principes actifs : - le gluconate de sodium ferrique (Ferrlecit®) en Amérique du Nord, préconisé en injection lente à 125 mg/semaine. Les recommandations limitent le nombre d’administrations à huit et proposent éventuellement des administrations toutes les trois semaines à la dose de 200 mg par injection (de trois à quatre heures) avec une dose limitée à cinq injections
(1 000 mg dose totale) ; - le fer Dextran (Ferrisat®) préconisé à la posologie de 100 mg/semaine, mais mal toléré : 6 à 7 fois plus de chocs anaphylactiques (avis défavorable au maintien du remboursement en janvier 2011, retiré des marchés hospitaliers français en 2012).
Utilisation pratique des formes de fer injectable
Le risque de réactions allergiques anaphylactiques est parfois redouté concernant l’administration de fer par voie intraveineuse. Les formes utilisées actuellement présentent cependant un risque faible (0,002 % d’anaphylaxie fatale). Les formes disponibles en France se distinguent principalement par onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Place du fer injectable en cancérologie
Tableau 2 - Renseignements pratiques sur l’administration des fers injectables (Hb : taux d’hémoglobine). DCI
Posologie (adulte)
Mode et durée d’administration
Coût
Complexe d’hydroxyde ferrique-saccharose (Venofer®) (Fer Mylan®) (Fer Actavis®) (Fer Sandoz®)
En fonction de l’indication, du taux d’hémoglobine à atteindre et du poids. De façon générale : 100 à 200 mg/ injection, 1 à 3 fois par semaine, en respectant un intervalle de 48 h (maximum 300 mg par injection)
Voie intraveineuse stricte, en perfusion lente. Dilution dans une solution de chlorure de sodium 0,9 % uniquement, 100 ml par ampoule de 100 mg. Débit 3,5 ml/min, soit environ 30 min pour 100 mg de fer.
8 € HT les 5 ampoules de 100 mg (tarif rétrocession hospitalière)
Carboxymaltose ferrique (Ferinject®)
15 mg/kg, dose maximale par administration et par semaine : 1 000 mg Dose cumulée maximale : • Si Hb < 10 g/dl : poids corporel 35 à 70 kg : 1 500 mg ; > 70 kg : 2 000 mg • Si Hb ≥ 10 g/dl : poids corporel 35 à 70 kg : 1 000 mg ; >70 kg : 1 500 mg
Voie intraveineuse stricte, injection directe (non dilué) ou perfusion (dilution dans une solution de chlorure de sodium 0,9 %, avec des concentrations supérieures à 2 mg de fer/ml). Débit de 100 mg/min pour les doses de 200 à 500 mg. Administration en 15 min pour les doses de 500 à 1 000 mg.
123,44 € TTC le flacon de 500 mg/10 ml (tarif officine de ville)
la durée et la fréquence des administrations. L’efficacité du traitement sur la correction de la carence martiale repose sur le dosage du taux de ferritine, et dès normalisation de sa valeur le traitement doit être arrêté (Tab. 2).
lement être observés : douleurs, constipation, diarrhées, nausées. Les réactions anaphylactoïdes se traduisent par un gonflement des extrémités, dyspnée, hypotension, tachycardie mais les chocs sont exceptionnels.
Effets indésirables
Revue de la littérature concernant le fer injectable en cancérologie
❚❚Locaux Les effets indésirables liés à l’injection (douleur au site d’injection) concernent plus particulièrement les formes d’hydroxyde ferrique (complexes d’hydroxyde ferrique-saccharose), à cause du pH basique de la solution administrée (pH neutre pour le carboxymaltose sodique). L’extravasation au site d’injection peut entraîner douleur, inflammation et coloration brune de la peau. ❚❚Généraux L’administration de fer injectable entraîne une coloration rouge des urines et parfois une sensation de goût métallique. Des effets digestifs peuvent égaonko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
L’association à l’Epo du fer injectable a montré sa supériorité au fer oral de manière significative dans deux études : celle d’Auerbach et celle de Henry (1-2). Dans ces deux études, l’efficacité de l’Epo seule est relative, à savoir 25 et 41 %. L’ajout de fer injectable augmente à 68 % et 73 % le taux de réponse au traitement. Pour le fer oral associé à l’Epo la réponse est seulement de 36 % et 46 %. •Dans son étude, Auerbach montre par ailleurs un impact positif important sur l’activité quotidienne et la qualité de vie pour le groupe fer injectable.
La comparaison du traitement par Epo, avec ou sans fer injectable sur le taux de réponse hématologique dans six essais principaux (1-6), est nettement en faveur de l’ajout de fer. • En dehors de l’étude de Steensma (3), dans laquelle la dose de fer était plus faible que dans les autres essais (62,5 mg contre 100 à 133 mg/semaine) et le taux de ferritine plus élevé, toutes les études sont significativement en faveur du bras avec fer injectable. • Pour Auerbach (1), le taux de réponse sous Epo seule est de 25 %, pour Bastit (6) il est de 73 %. En associant à l’Epo le fer injectable, on obtient des taux de réponse qui vont jusqu’à 86 % en oncologie et jusqu’à 87 % en hématologie (4). à l’issue de ces six études, la plupart des patients ne présentaient plus de carence martiale et avaient reconstitué leurs réserves en fer. Ces résultats soulignent l’intérêt du fer injectable en association avec l’Epo. Se pose actuellement la question de l’utilisation du fer injec83
En pratique
table en monothérapie chez des patients en anémie chimio-induite. Dans une étude contrôlée menée auprès de 75 patientes anémiées sous chimiothérapie pour un cancer du col utérin, la proportion des patientes transfusées est passée de 64 à 40 % (p = 0,04) (7). Dans une seconde étude prospective randomisée comparant le fer oral au fer injectable administré chez 44 patientes sous sels de platine dans le cadre d’une tumeur gynécologique, la proportion de patientes transfusées est passée de 63,6 à 22,7 % (p < 0,01) (8).
Conclusion
L’utilisation du fer dans les affections néoplasiques doit rester pru-
dente et être limitée aux malades ayant une carence démontrée. En cancérologie, l’utilisation du fer doit tenir compte de la balance bénéfice/risque. Le fer est nécessaire à la croissance et au métabolisme des cellules tumorales et la question d’un risque de progression avec l’utilisation des Epo, fréquemment associées au fer, est débattue. Lorsqu’une carence martiale est mise en évidence, la supplémentation en fer est envisagée et l’utilisation du fer injectable peut se révéler utile. Les patients atteints de cancer présentent fréquemment des atteintes de la muqueuse digestive sous chimiothérapie ou un syndrome inflammatoire associé : le traitement par voie orale est
alors mal adapté, ou mal accepté et inefficace, et le fer injectable est une option dans ces situations. En plus d’apporter un bénéfice sur le taux de réponse hématologique de l’Epo, l’association avec le fer injectable entraîne une correction plus rapide de l’anémie, avec une différence significative par rapport au fer oral. à l’avenir, l’utilisation du fer injectable en monothérapie pourrait également permettre de traiter les anémies par carence martiale chez les patients atteints n de cancer.
Mots-clés : Fer injectable, Cancer, Anémie par carence martiale, Epo
Bibliographie 1. Auerbach M, Ballard H, Trout JR et al. Intravenous iron optimizes the response to recombinant human erythropoietin in cancer patients with chemotherapy- related anemia: A multicenter, open-label, randomized trial. J Clin Oncol 2004 ; 22 : 1301-7. 2. Henry DH, Dahl NV, Auerbach M et al. Intravenous ferric gluconate significantly improves response to epoetin alfa versus oral iron or no iron in anemic patients with cancer receiving chemotherapy. Oncologist 2007 ; 12 : 231-42. 3. Steensma DP, Sloan JA, Dakhil SR et al. Phase III, randomized study of the effects of parenteral iron, oral iron, or no iron supplementation on the erythropoietic response to darbepoetin alfa for patients with chemotherapy-associated anemia. J Clin Oncol 2011 ; 29 : 97-105. 4. Hedenus M, Birgegård G, Nasman P et al. Addition of intravenous iron to epoetin beta increases hemoglobin response and decreases epoetin dose requirement in anemic patients with lymphoproliferative malignancies: A
randomized multicenter study. Leukemia 2007 ; 21 : 627-32. 5. Pedrazzoli P, Farris A, Del Prete S et al. Randomized trial of intravenous iron supplementation in patients with chemotherapy-related anemia without iron deficiency treated with darbepoetin alpha. J Clin Oncol 2008 ; 26 : 1619-25. 6. Bastit L, Vandebroek A, Altintas S et al. Randomized, multicenter, controlled trial comparing the efficacy and safety of darbepoetin alpha administered every 3 weeks with or without intravenous iron in patients with chemotherapy-induced anemia. J Clin Oncol 2008 ; 26 : 1611-8. 7. Kim YT, Kim SW, Yoon BS et al. Effect of intravenously administered iron sucrose on the prevention of anemia in the cervical cancer patients treated with concurrent chemoradiotherapy. Gynecol Oncol 2007 ; 105 : 199-204. 8. Dangsuwan P, Manchana T. Blood transfusion reduction with intravenous iron in gynecologic cancer patients receiving chemotherapy. Gynecol Oncol 2010 ; 116 : 522-5.
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mise au point Urologie
Le traitement du cancer du rein métastatique par les inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) études et comparaison des ITK Dr Kader Chouahnia*
Introduction Le cancer du rein représente 3 % des cancers de l’adulte (1), l’âge moyen est de 60 ans avec une prédominance masculine. Dans 1/3 des cas, le cancer du rein est découvert en situation métastatique (2). Le carcinome à cellules claires représente plus de 80 % des cas (3). Cette forme est due essentiellement à la perte de fonction du gène suppresseur de tumeur VHL (Von Hippel-Lindau), qui induit une dérégulation de l’HIF (Hypoxia Inducible Factor) (4) précurseur du VEGF.
L
a compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans le cancer du rein, notamment l’angiogenèse et les découvertes des molécules inhibitrices à tyrosine kinase (ITK) ciblant le VEGFR, ont depuis 2006, date de leur mise sur le marché, modifié la prise en charge du cancer du rein avancé. Ainsi, on a eu successivement les ITK de première génération (sunitinib et sorafénib), de deuxième génération (pazopanib) et plus récemment de troisième génération (axitinib et tivozanib).
*Service d’Oncologie médicale, CHU Avicenne, Hôpitaux universitaires Paris-Seine-Saint-Denis
onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Le traitement de première ligne
Le traitement du cancer du rein métastatique se fera en tenant compte des critères du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (Tab. 1) (5) : 1. index de Karnofsky diminué (< 80 %) ; 2. taux sérique LDH (> 1,5 fois la normale) ; 3. taux d’hémoglobine bas (< limite inférieure) ; 4. calcémie élevée (> 10 mg/dl soit 2,5 mmol/l) ; 5. délai entre diagnostic initial et traitement < 1 an. Ainsi, on identifie les patients de bon, de mauvais et de pronostic intermédiaire.
Patients de pronostic bon ou intermédiaire
Tableau 1 - Critères du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC). Nombre de facteurs Pronostic pronostiques Aucun
Favorable
1 ou 2
Intermédiaire
≥3
Faible
des facteurs de stratification : LDH, PS et néphrectomie. La survie globale (SG) était de 26,4 mois versus 21,8 mois ; p = 0,051 en faveur également du sunitinib (Fig. 1) (7). Les effets secondaires du sunitinib sont globalement gérables par ailleurs, chez les patients de plus de 70 ans, la fatigue est présente dans 80,9 %, les mucites dans 61,8 % et l’HTA dans 58,8 % des cas (8).
Sorafénib (Néxavar®) Sunitinib (Sutent®)
C’est un TKI, ciblant la voie du VEGF administré par voie orale à la dose de 50 mg par jour 4 semaines sur 6. Le sunitinib a été comparé à l’interféron-α dans une étude de phase III, portant sur 750 patients dont 1/3 étaient âgés de plus de 65 ans en première ligne (6). Dans cette étude, la survie sans progression (SSP), critère principal de jugement, était de 11 mois versus 5 mois en faveur du sunitinib. Ce bénéfice est indépendant
Le sorafénib est un inhibiteur multikinases initialement développé comme inhibiteur Raf, il a également une action sur le VEGFR 1, 2 et 3, le PDGFR-α, Flt3, cKit et Ret. Dans l’étude de phase III (9) portant sur 903 patients comparant en double aveugle le sorafénib versus placebo en première ligne de traitement, la SG, qui était le critère principal, n’a pas été atteinte et la SSP, critère secondaire, était de 5,5 mois versus 2,8 mois ; 85
Pazopanib (Votrient®)
Le pazopanib est un ITK de deuxième génération, ciblant le VEGFR, le PDGFR et Kit, administré par voie orale à la dose de 800 mg/j. Dans une étude de phase III portant sur 232 patients comparant le pazopanib au placebo. Dans 54 % des cas, les patients étaient traités en première ligne par cytokine (10). La SSP, objectif principal de l’étude, est de 11,1 mois vs 2,8 mois ; p < 0,001 (Fig. 2). Les effets secondaires ont été marqués essentiellement par des diarrhées, HTA et une coloration des cheveux. • Le pazopanib a été comparé au sunitinib dans l’étude de phase III COMPARZ (11) de non-infériorité. Cette étude portant sur 1 110 patients traités en première ligne. Le critère principal de jugement est la SSP. L’essai a montré que la SSP, objectif principal de l’étude, est atteinte avec toutefois un profil de tolérance et une qualité de vie meilleurs en faveur du pazopanib. Les patients ont préféré dans 70 % des cas le traitement par pazopanib contre dans 22 % des cas le sunitinib (12). Le pazopanib est autorisé en Europe en traitement de première ligne du cancer du rein métastatique.
Axitinib (Inlyta®)
L’axitinib est un ITK de troisième génération, il inhibe le VEGF-R 1, 2 et 3. Il est administré par voie orale à la dose de 5 mg, deux fois par jour après titration. Il a été comparé au sorafénib en première ligne dans une étude de phase III, présentée à l’ASCO GU 2013 (13). L’hypothèse statistique de cette étude était d’avoir un HR = 0,56 et un p < 0,025 ; soit une amélioration de 78 % de la 86
1,0
Sunitinib (n = 375) Médiane = 26,4 mois (IC 95 % = 23,0 - 32,9)
0,9 0,8
IFN- α (n = 375) Médiane = 21,8 mois (IC 95 % = 17,9 - 26,9)
0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2
Hazard ratio = 0,821 (IC 95 % = 0,673 - 1,001) p = 0,051
0.1 0
3
6
9
12
15
18
21
24
27
30
33
36
Temps (mois)
No. de décès/ No. à risque Sunitinib 0/375 IFN- α 0/375
44/326 61/295
38/283 46/242
48/229 52/187
42/180 25/149
14/61 15/53
4/2 1/1
Figure 1 - Survie globale : sunitinib versus interféron-α. Hazard Ratio = 0,46 IC 95 % = 0,34 - 0,62 p < 0,0000001
1,0 Survie sans progression
HR = 0,44 ; p < 0,01. La toxicité a été surtout marquée dans le bras sorafénib par le syndrome main-pied, la fatigue et des diarrhées.
Survie globale (probabilité)
mise au point
0,8
Médiane PFS (mois) Pazopanib : 9,2 Placebo : 4,2
0,6
0,4 0,2
Pazopanib Placebo
0 0
5
10
15
20
Temps (en mois)
Source : Sternberg CN et al. ASCO 2009 ; Abstract 5021.
Figure 2 – Survie sans progression : pazopanib versus placebo en première ligne. Bras axitinib
Bras sorafénib Médiane PFS,* mois
Tous les patients (n = 288)
10,1 vs 6,5
ECOG PS 0 (n = 165)
13,7 vs 6,6
ECOG PS 1 (n = 123)
6,5 vs 6,4
Néphrectomie (n = 250)
10,3 vs 6,4 0
*Axitinib vs sorafénib
0,5
1,0
1,5
2,0
Hazard Ratio (IC 95 %)
Figure 3 - Analyse en sous-groupe de l’HR en fonction du PS et la néphrectomie, axitinib versus sorafénib.
SSP. L’essai est négatif car les résultats montrent une SSP non statistiquement significative de 10,1
pour axitinib et 6,5 pour sorafénib (HR = 0,767, IC 95 % = 0,56-1,05). Par ailleurs, dans l’analyse des onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
cancer du rein métastatique et inhibiteurs de la tyrosine kinase
sous-groupes, on observe une amélioration significative de la SSP chez les patients présentant un PS 0 : 13,7 versus 6,6 mois ; p = 0,022. Et chez les patients ayant bénéficié d’une néphrectomie : 10,3 versus 6,4 mois ; p = 0,009. Pour la SG, les résultats ne sont pas encore matures. Le profil de tolérance est marqué par des diarrhées dans 50 % versus 40 % et l’HTA dans 49 % versus 29 % respectivement pour l’axitinib et le sorafénib. Le traitement a été interrompu dans 49,7 % des cas dans le bras axitinib contre 45,8% du bras sorafénib.
Tableau 2 - Survie sans progression : tivozanib versus sorafénib, (revue indépendante). Thérapie
Médiane SSP
Rang
Tivozanib
11,9 mois
9,3 à 14,7
Sorafénib
9,1 mois
7,3 à 9,5
Pour ce qui est du profil de tolérance, on a observé plus d’HTA et de fatigue dans le bras tivozanib et de syndrome main-pied et diarrhées dans le bras sorafénib conduisant à une réduction de doses de 43 % des cas pour le sorafénib contre 12 % pour le tivozanib (Tab. 3).
Patients de mauvais pronostic
Le traitement pour ces patients repose sur les inhibiteurs de Mtor et sort du cadre de cet article qui est réservé aux ITK. onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
p
0,797
0,042
Tableau 3 - Efficacité des ITK en première ligne du cancer du rein métastatique. Molécules
n
SSP
p
SG
Sunitinib
750
11 mois
S
26,4 mois
Sorafénib
903
5,5 mois
S
NS
Pazopanib
232
11,1 mois
S
22,9 mois
Axitinib
288
10,1 mois
NS
ND
Tivozanib
517
11,9 mois
S
ND
Abréviations : S : significatif, NS : non-significatif, ND : non-disponible.
Tivozanib
Le tivozanib, est un ITK de 3e génération inhibant de façon sélective le VEGFR-1, 2 et 3. Il est administré par voie orale à la dose de 1,5 mg/j pendant 3 semaines sur 4. Il a été comparé au sorafénib dans une étude de phase III portant sur plus de 500 patients en première ligne thérapeutique chez les patients présentant un PS 0/1 et ayant eu une néphrectomie. Le critère principal de jugement de cette étude est la SSP, avec une médiane de 11,9 mois versus 9,1 mois en faveur du tivozanib (Tab. 2) (14).
HR
n
HR (IC 95 %)
ECOG PS 1
327
0,673 (0,505–0,898)
ECOG PS 0
396
0,698 (0,531–0,916)
Traitement sunitinib
389
0,741 (0,574–0,958)
Traitement bevacizumab
59
1,147 (0,573–2,295)
Traitement temsirolimus
24
0,595 (0,188–1,886)
Traitement cytokine
251
0,462 (0,318–0,673)
Blanc
547
0,733 (0,587–0,916)
Non blanc
176
0,524 (0,338–0,812)
Homme
523
0,825 (0,654–1,039)
Femme
200
0,427 (0,287–0,633)
Age < 65 ans
476
0,677 (0,534–0,859)
Age ≥ 65 ans
247
0,694 (0,485–0,933)
MSKCC favorable
201
0,497 (0,326–0,758)
MSKCC intermédiaire
264
0,795 (0,578–1,094)
MSKCC pauvre
238
0,680 (0,491–0,941)
Heng favorable
145
0,701 (0,441–1,114)
Heng intermédiaire
461
0,644 (0,502–0,826)
71
0,860 (0,495–1,494)
Asie
152
0,572 (0,359–0,913)
Europe
357
0,706 (0,538–0,926)
Amérique du nord
186
0,682 (0,457–1,018)
28
0,777 (0,265–2,279)
Heng pauvre
Autres régions
0
1,0 Bras axitinib
2,0
3,0
Bras sorafénib
Figure 4 - Analyse de l’efficacité en fonction des sous-groupes : axitinib versus sorafénib.
Traitement du cancer du rein métastatique de deuxième ligne
La stratégie thérapeutique de deuxième ligne est dominée par deux molécules ayant démontré leur efficacité : l’axitinib et l’everolimus. L’axitinib a été comparé au sorafénib dans l’étude de phase III AXIS portant sur 730 patients en
progression après un traitement de première ligne comportant : cytokine, temsirolimus, sunitinib ou bevacizumab. Le critère principal de l’étude est la SSP, avec une médiane en faveur de l’axitinib de 6,7 mois versus 4,7 mois ; p < 0,0001. L’analyse des sous-groupes retrouve pour les patients ayant été 87
mise au point
Première ligne de traitement
A cellules claires
Options de traitement standard
Options de traitement alternatif
Seconde ligne de traitement
Non à cellules claires
Pronostic bon ou intermédiaire
Pronostic mauvais
Sunitinib (IA) Bevacizumab + Interferon-α (IIA) Pazopanib (IIA)
Temsirolimus (IIA)
Sorafénib (IIB) Interleukin-2 (IIIC)
Sunitinib (IIB) Meilleur soin de soutien
Précédent traitement avec un anti-VEGF(Rs)
Précédent traitement avec des cytokines
Essai clinique
Everolimus (IIA) Axitinib (IA)
Sorafénib (IA) Sunitinib (IIIA) Pazopanib (IIA) Axitinib (IA)
Temsirolimus (IIIB) Sunitinib (IIIB) Sorafénib (IIIB)
Essai clinique Transfert de TKIs (IIIB)
Figure 5 - Recommandations ESMO 2012 1re et 2e lignes (17).
traités par cytokine en première ligne une survie plus longue par rapport à celle des patients traités en première ligne par sunitinib, respectivement de 4,8 mois versus 3,4 mois et de 12,1 mois versus 6,1 mois (Fig. 4). Le profil de tolérance a été marqué par l’HTA et la fatigue dans le bras axitinib, et des diarrhées et un syndrome main-pied dans le bras sorafénib (15).
Le traitement du cancer du rein métastatique en première et deuxième lignes a fait l’objet des recommandations de l’ESMO (Fig. 5) (16).
Conclusion
Le traitement par ITK-anti-VEGFR administré en première ligne dans le cancer du rein en situation métastatique donnait pratiquement la même médiane de survie sans progression en tenant compte
de la SSP médiane de 9,1 mois du sorafénib retrouvée dans l’essai TIV-01. Néanmoins, le profil de tolérance, la qualité de vie et le choix des patients pèsent dans le choix du traitement. n
Mots-clés : Sunitinib, Sorafénib, Pazopanib, Axitinib, Tivozanib, Cancer du rein métastatique, Inhibiteur de la tyrosine kinase
Bibliographie 1. Rini B, Campbell S, Escudier B. Renal Cell Carcinoma. Lancet 2009 ; 373 : 1119-32. 2. Kovacs G, Atchar M, Beckwith BJ et al. The heidelberg classification of renal cell tumours. J Pathol 1997 ; 183 : 131-3. 3. Lam JS, Shvarts O, Leppert JT et al. Postoperative surveillance protocol for patients with localized and locally advanced renal cell carcinoma based on a validated prognostic nomogram and risk group stratification system. J Urol 2005 ; 174 : 466-72. 4. Kaelin WG. Von Hippel-Lindau disease. Annu Rev Pathol 2007 ; 2 : 145-73. 5. Motzer RJ, Bacik J, Mazumdar M. Prognostic factors for survival of patients with stage IV renal cell carcinoma: memorial sloan-kettering cancer center experience. Clin Cancer Res 2004 ; 10 : 6302S-3S. 6. Motzer RJ, Hutson TE, Tomczak P et al. Sunitinib versus interferon alfa in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2007 ; 356 : 115-24. 7. Motzer RJ, Hutson TE, Tomczak P et al. Overall survival and updated results for sunitinib compared with interferon alfa in patients with metastatic renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2009 ; 27 : 3584-90/ 8. Brunello A, Basso U, Sacco C et al. Safety and activity of sunitinib in elderly patients (≥ 70 years) with metastatic renal cell carcinoma: a multicenter study. Ann Oncol 2013 ; 24 : 336-42. 9. Escudier B, Eisen T, Stadler WMet al. Sorafenib in advanced clear-cell renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2007 ; 357 : 125-34. 10. Sternberg CN, Davis ID, Lardiak J et al. Pazopanib in locally advanced or metastatic renal cell carcinoma: results of a randomized phase III trial. J
88
Clin Oncol 2010 ; 28 : 1061-8. 11. Motzer RJ, Hutson TE, Reevers J et al. Randomized, open label, phase III trial of pazopanib versus sunitinib in first-line treatment of patients with metastatic renal cell carcinoma (mRCC); Results of the COMPARZ trial. LBA8_PR. ESMO 2012 Vienna, Austria. 12. Escudier B, Porta C, Bono P et al. Patient preference between pazopanib (Paz) and sunitinib: Results of a randomized double-blind, placebocontrolled, cross-over study in patients with metastatic renal cell carcinoma. PISCES study, NCT 01064310. 2012 ASCO Annual Meeting. Abstract CRA4502. 13. Hutson TE, Gallardo J, Lesovoy V et al. Axitinib versus sorafenib as firstline therapy in patients with metastatic renal cell carcinoma. Presented at: 4th Annual Genitourinary Cancers Symposium ; Orlando, FL : Abstract LBA348. 14. Motzer R, Nosov D, Eisen T et al. Tivozanib versus sorafenib as initial targeted therapy for patients with advanced renal cell carcinoma: Results from a phase III randomized, open-label, multicenter trial. 2012 ASCO Annual Meeting. Abstract 4501. 15. Rini BI, Escudier B, Tomczak P et al. Comparative effectiveness of axitinib versus sorafenib in advanced renal cell carcinoma (AXIS): a randomised phase 3 trial. Lancet 2011 ; 378 : 1931-9. 16. Escudier B, Eisen T, Porta C et al. Renal cell carcinoma: ESMO clinical practice guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol 2012 ; 23 : 65-71.
onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
DOSSIER Soins de support
Activité physique et cancer Retour sur la 2e journée CAMI Sport et Cancer / ICAT
P
our la deuxième année consécutive, la Fédération nationale CAMI Sport et Cancer a organisé dans le cadre des 8e Forums francophones de la cancérologie une journée dédiée au lien entre l’activité physique et sportive et le cancer et qui a réuni plus de 130 spectateurs et 12 intervenants. L’an dernier, la première journée avait permis de faire un état des lieux des essais cliniques prouvant un impact bénéfique de l’activité physique et sportive en cancérologie (la synthèse de ce colloque est relatée dans le numéro 29 d’Onko+ et le détail de ce
sujet se trouve dans le livre Sport et Cancer : état des lieux aux éditions Chiron). Pour cette deuxième année, nous avons choisi de nous concentrer sur les différents types d’approches proposées aux patients, l’intérêt de ces dernières et l’impact qu’elles peuvent avoir sur le corps des personnes touchées par un cancer en termes de bénéfices. Jean-Marc Descotes Vice-président de la Fédération nationale CAMI Sport et Cancer
1 Présentation et synthèse de l’ICACT du 6 février 2013 ��������������������������������������� p. 90 Jean-Marc Descotes (Paris)
2 Activité physique et prévention primaire du cancer du sein et du côlon ������� p. 92 Pr Martine Duclos (Clermont-Ferrand)
3 Impact sur la qualité de vie et l’estime de soi ��������������������������������������������������������� p. 94 Dr Pierre Saltel (Lyon)
4 Physiologie du muscle à l’effort : applications à la situation du cancer et des traitements ������������������������������������� p. 95 Pr André-Xavier Bigard (Paris), Dr Michèle Beaudry (Bobigny), Dr Laurent Zelek (Bobigny)
5 Fatigue et cancer ������������������������������������������������������������������������������������������������������������� p. 98 Dr Alain Marre (Rodez)
6 Effets sur la mortalité globale et spécifique de l’activité physique et sportive en cancérologie �������������������������������������������� p. 100 Dr Thierry Bouillet (Bobigny)
7 Reconditionnement à l’effort : qu’est-ce que c’est ? Pour qui ? ���������������������� p. 102 Pr Jean Lonsdorfer, Pr Thomas Vogel, Dr Evelyne Lonsdorfer-Wolf (Strasbourg)
8 Présentation du Programme Activ’ (Institut Curie et Siel Bleu) ���������������������� p. 103 Dr Laure Copel (Paris)
9 Quelle formation pour les intervenants en APA ? ���������������������������������������������� p. 104 Dr Laurent Zelek (Bobigny)
Activité physique et cancer
1 - Présentation et synthèse de l’ICACT du 6 février 2013 Jean-Marc Descotes (Vice-président de la Fédération nationale CAMI Sport et Cancer, fondateur du Médiété, responsable de l’enseignement DU Sport et Cancer à l’université Paris 13, co-auteur du livre Sport et Cancer : état des lieux, aux éditions Chiron)
DOSSIER
Cette journée est le fruit d’une réflexion menée à l’issue des recommandations émises par l’Association francophone de soins oncologiques de support (AFSOS) sur l’activité physique et sportive en décembre 2011, et demandant aux cancérologues de proposer à leurs patients de pratiquer une activité physique et sportive. Ces recommandations ont eu le mérite de poser clairement la problématique de l’accompagnement des patients par l’activité physique et sportive dès lors qu’elle s’inscrit dans un cadre thérapeutique (l’activité physique et sportive est considérée comme une thérapeutique non-médicamenteuse depuis avril 2011 par la Haute autorité de santé) (Fig. 1).
- Selon le niveau d’activité physique initial de la personne, on propose un reconditionnement ou un entraînement à l’effort - Activité physique adaptée (APA) intégrée dans le processus de soins (≠ activité de loisirs) : processus d’adaptation positif individualisé - Projet éducatif concerté (patient – éducateur – soignants) centré sur la personne - Education thérapeutique centrée sur la modification des habitudes de vie
Le programme individualisé prend en compte - la personne (ses capacités physiques, ses préférences en matière d’exercice, son état psychologique, ses attentes), - la maladie (stade évolutif, traitements et leur tolérance, pronostic…), - l’environnement (humain et technique). Accompagner la personne pour qu’elle trouve son APA, sa façon de la pratiquer, et qu’elle s’inscrive dans ses habitudes de vie et dans son projet de soins et de vie.
Type d’activité
Intensité
Durée
Fréquence/Régularité
Séances d’APA
L’activité physique adaptée vise à rendre le patient autonome pour que l’activité physique s’inscrive dans la durée
Figure 1 - Préconisations : une prise en charge progressive et personnalisée (AFSOS – décembre 2011).
Cependant, la terminologie employée dans le cadre de ces recommandations faisait apparaître la présence de nombreuses disciplines et de nombreuses pratiques différentes telles que l’activité physique, la réadaptation fonctionnelle, le reconditionnement à l’effort, l’éducation thérapeutique sans bien identifier la nature de ces prises en charge, ni vers qui les destiner et en fonction de quoi. Plus important encore, comme le remontrera cette journée, les essais cliniques prouvent la nécessité de respecter des critères spécifiques pour arriver à une efficacité de la pratique physique et sportive : les notions d’intensité, de durée et de fréquence sont des composantes majeures dans la réussite d’un accompagnement qui dépasse le cadre du bien-être que peut procurer une activité physique et donc, surtout pendant la phase de traitements, de pouvoir dispenser de séances intenses, régulières et inscrites dans le temps du parcours de soins en toute sécurité. 90
Définition de l’activité physique
L’activité physique regroupe l’ensemble des activités augmentant la dépense énergétique du métabolisme par une contraction musculaire. Parmi ces activités, certaines sont depuis longtemps incluses dans des programmes d’accompagnement des patients : rééducation motrice, reconditionnement à l’effort et réadaptation fonctionnelle sont autant de pratiques pour lesquelles les médecins orientent les patients dans des centres, des cabinets, en ville ou à l’hôpital, encadrées par des professionnels formés et reconnus pour leur expertise. La nouveauté, depuis ces dernières années, réside dans l’émergence de l’intérêt de l’activité physique et sportive, c’est-à-dire, les activités de loisirs (dont le sport), les tâches ménagères, les activités liées au type de travail et celles liées aux déplacements personnel et professionnel. En cancérologie, les essais cliniques valorisent ce type d’activité de manière globale contribuant ainsi à faire de la
pratique physique un enjeu de santé publique, aussi bien en termes de prévention primaire (voir la synthèse du Pr Duclos), qu’en prévention tertiaire (voir la synthèse du Dr Bouillet), que pendant la phase des traitements (voir les synthèses du Pr Bigard et du Dr Marre). Ce qui reste alors à mettre en place sont les modalités pratiques de prise en charge des patients. Plusieurs expérimentations sont aujourd’hui menées sur le territoire national, avec des aménagements variables selon les organisations : le type de prise en charge, le lieu d’intervention, l’implication du corps médical, le type de public concerné, la durée du programme, les objectifs prioritaires, les objectifs secondaires, les attentes des intervenants, la définition du projet (amélioration de la qualité de vie, bénéfices sociaux, bénéfices métaboliques…), etc. Comme l’expliquera le Pr Lansdorfer avec son expérience à Strasbourg, onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Activité physique et cancer
Comment organiser l’activité physique ?
Ces deux exemples sont représentatifs de cette deuxième journée sur Sport et Cancer. Comment doit-elle se décliner ? être organisée ? être coordonnée ? Si l’activité physique et sportive, grâce aux autorités publiques, devient un enjeu de santé publique et qu’il faille développer une promotion de la santé par le sport en général, dans le domaine de la cancérologie, il est important d’être en mesure de proposer un parcours d’activité physique au patient durant la totalité de la phase de soins et après, en ayant une approche holistique de la personne car, contrairement aux traitements allopathiques, il y a dans cette prise en charge la nécessité d’un engagement du patient et d’un travail comportemental à adopter. Le retour d’expérience de 15 années de onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Commencer une activité physique et sportive parce qu’ils sont malades
DOSSIER
le travail qu’il mène s’inscrit dans le cadre d’un reconditionnement à l’effort avec un objectif très précis et une méthode très encadrée sur une durée limitée. à la CAMI Sport et Cancer, dans notre travail au quotidien, nous avons développé une double approche sans limite de temps. Nous nous inscrivons à la fois dans un projet thérapeutique, avec la responsabilité de mettre en place des pratiques et des exercices permettant de respecter les critères pour lutter contre les mécanismes de prolifération des cellules cancéreuses (voir la synthèse du Dr Thierry Bouillet), et à la fois dans un projet de réappropriation du corps touché par la maladie. Ce second aspect est fondamental car il permet au patient : - de recouvrer une véritable intégrité physique malgré des traitements lourds et parfois invalidants, - de comprendre l’importance de l’activité physique et d’en faire un enjeu de pratique quotidienne, et travailler aussi sur la modification du comportement et sur la prise de conscience de l’importance de l’activité physique (Fig. 2).
Continuer l’activité physique et sportive parce que cela leur fait du bien
But atteint
Adopter l’activité physique et sportive parce que cela leur est nécessaire
Figure 2 – Projet de réappropriation du corps touché par la maladie. Idée majeure.
pratique auprès des patients, la collaboration avec des réseaux de cancérologie comme Oncologie 93 sur la lutte contre la précarité et l’exclusion, l’implication au sein de structures hospitalières nous ont montré que la majorité des patients commencent une activité physique et sportive à cause de la maladie et qu’ils ont derrière des objectifs liés à la survie et à l’efficacité accrue des traitements. Cet élément de motivation ne peut rester le modèle de prise en charge d’un patient sur le long terme à cause de l’évolution thérapeutique en elle-même et de la nature des effets secondaires des traitements, surtout si l’on a l’ambition de faire de la pratique physique et sportive une pratique régulière dans leur vie après la fin du parcours de soins. Des essais scientifiques se sont intéressés à la continuité de l’activité physique et sportive après un programme d’initiation. Les résultats sont peu probants. L’expérience menée par le Dr Laure Copel, au sein de l’Institut Curie, qui nous présentera les premiers résultats, s’inscrit dans cette observation de la pérennité d’une pratique à long terme. Au sein de la CAMI Sport et Cancer, nous sommes persuadés qu’il existe un vrai modèle d’accompagnement des personnes touchées par un cancer par une activité physique et qu’il inclut à la fois une approche thérapeutique et comportementale. Il y a environ 900 000 personnes en file active par an et 365 000 nouveaux cas de cancers. Nous pensons que toutes les approches que nous avons citées
s’inscrivent à un moment ou à un autre dans le parcours de soins (d’un certain type de patients, tant le cadre incluant la pathologie cancéreuse, son évolution, la durée des soins les effets secondaires des traitements), est aléatoire et propre à chaque personne. Nous pensons également que le regroupement des expériences, la mutualisation des compétences et le travail commun seraient le premier levier qui permettrait de transformer ce qui semble être entendu comme une priorité pour tous les patients en traitement (Fig. 3). Que ce soit dans la prise en charge pendant les soins ou à distance des traitements, de manière individuelle ou collective, dans une phase de reconditionnement ou de rééducation, dans des structures dédiées ou dans un milieu associatif tous publics, chaque type de mise en place véhicule des objectifs spécifiques et bénéfiques. à cela, deux observations : premièrement, un patient peut être amené à passer par plusieurs de ces prises en charge, autant en fonction de sa pathologie et des traitements, que de ses antécédents sportifs, son milieu socio-culturel et professionnel. La coordination d’un tel parcours dans le domaine de la cancérologie doit être menée par un professionnel formé à la fois dans le domaine de l’activité physique et sportive et le domaine de la cancérologie, de manière à pouvoir assurer un bilan initial physique, de comprendre les 91
Activité physique et cancer
DOSSIER
répercussions liées à la maladie et d’accompagner la personne dans son parcours de pratique pour l’orienter vers les bonnes structures, les bons interlocuteurs et être capable d’assurer un lien avec l’ensemble de ces professionnels, ne serait-ce que pour avertir d’un changement de protocole, d’évolutions métastatiques, de variation de masses musculaires, d’atrophie, de neuropathie, etc. et réorienter le patient si nécessaire. Deuxièmement, il existe aujourd’hui une vraie réflexion engagée sur la prescription médicale des activités physiques et sportives. Clairement, une telle évolution finirait d’acter l’importance de ces pratiques et leur insertion dans le parcours de soins. Mais un symposium en septembre 2012, organisé sous l’impulsion de la Fondation du sport français HenriSérandour, de l’IMAPS et du CNOSF (Comité national olympique et sportif français), montre que les craintes sont encore nombreuses en dépit d’une volonté politique réelle et de preuves tangibles d’un impact en termes de coût de santé. Ces interrogations proviennent essentiellement de la place et du rôle du corps
Cas clinique Malade
Rencontre avec un professionnel
Cours tous publics
Cours dédiés
Reconditionnement Programme ETP
Figure 3 – Exemple du processus via un cas clinique.
médical dans cette dynamique, de la compétence et du savoir-faire des intervenants. Pour que l’activité physique et sportive puisse être prescrite par des médecins et remboursée par les caisses d’assurance maladie organismes de santé, il nous paraît clair qu’il faut proposer des lieux dédiés, des professionnels formés aptes à assurer des orientations en fonction des types de pathologies, de traitements et des comorbidités associées, d’effets secondaires, des antécédents de pratique d’activité physique et sportive et de l’environnement.
Conclusion
Cette deuxième journée Sport et Cancer des 8e Forums francophones de cancérologie doit permettre d’avancer sur ce formidable processus mis
en route et qui vise à faire de l’activité physique et sportive un allié des traitements anticancéreux. Comprendre comment les essais scientifiques doivent être des supports de sensibilisation en montrant l’intérêt de la pratique physique et sportive sur la pathologie et les mécanismes associés, s’appuyer sur les expériences de terrain et des programmes d’évaluation, reconnaître les formations universitaires spécifiques faisant le lien entre l’activité physique et sportive et la cancérologie, s’engager auprès des institutions, municipalités, réseaux, mutuelles, fédérations sportives, structures hospitalières pour favoriser l’émergence d’une vraie coordination entre les professionnels du sport et les professionnels de la santé, et d’une vraie politique partagée pour le plus grand bénéfice des patients. n
2 - Activité physique et prévention primaire du cancer du sein et du côlon Pr Martine Duclos (Service de Médecine du sport et des explorations fonctionnelles, CHU Gabriel-Montpied, Laboratoire de nutrition humaine, INRA UMR 1019, Université d’Auvergne I, Clermont-Ferrand. mduclos@chu-clermontferrand.fr) En France, 34 000 et 53 000 nouveaux cas de cancer du côlon, et de cancer du sein sont diagnostiqués chaque année. La prévention de la survenue de ces cancers représente donc un véritable enjeu de santé publique pour lequel l’activité physique pourrait jouer un rôle important. En effet, de nombreuses études montrant une association entre prévention du cancer du sein et du côlon et activité physique (AP) ont été publiées ces dernières années. Le dernier rapport du Fonds mondial de recherche contre le cancer (2009) va dans le même sens et 92
conclut que, sur les 10 millions de nouveaux cas de cancers par an dans le monde entier, 30 % des cancers du sein et du côlon pourraient être évités avec un mode de vie plus sain associant AP régulière et alimentation riche en fruits et légumes.
Activité physique et prévention primaire du cancer du côlon
L’évidence scientifique sur l’effet bénéfique de l’activité physique sur la prévention du cancer du côlon
est de type « convaincant ». Cette caractérisation repose sur les définitions développées par le Fonds de recherche mondial sur le cancer et l’Institut américain de recherche sur le cancer (niveau d’évidence scientifique allant de « convaincant » à « probable », « possible » puis « improbable ») (CUP 2011). En effet, la plus récente méta-analyse (Wolin et al. 2009) portant sur 52 études montre que la survenue de cancer du côlon ou de cancer colorectal est diminuée de 25 % en moyenne quand on compare les sujets les plus actifs onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
aux moins actifs. De plus, il existe un effet dose-réponse, une augmentation du niveau d’activité physique étant associée à une diminution du risque. Cet effet protecteur de l’activité physique pour le cancer du côlon n’est en revanche pas retrouvé pour le cancer du rectum. L’effet protecteur de l’AP est indépendant de l’IMC, et probablement indépendant de la nutrition.
Quelle ap et à quelle période de la vie cette AP pourrait être la plus efficace sur la prévention ?
Concernant la période optimale de pratique de l’AP pour maximaliser l’effet protecteur, il est préconisé une pratique régulière de l’AP tout au long de la vie. Quant à la quantité, 30 à 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité modérée à élevée semblent suffisantes pour réduire le risque de cancer du côlon, que cette AP soit réalisée dans le domaine professionnel, lors des déplacements, dans la vie domestique ou au cours des loisirs (Friendenreich et al. 2006 ; Wolin et al. 2009 ; CUP 2011).
Activité physique et prévention primaire du cancer du sein
Selon le Fonds de recherche mondial sur le cancer et l’Institut américain de recherche sur le cancer, l’évidence scientifique sur l’effet bénéfique de l’activité physique sur la prévention du cancer du sein est de type « probable » chez les femmes ménopausées et « limité » chez les femmes nonménopausées (CUP 2011). Quand le statut ménopausique n’est pas pris en compte, la dernière méta-analyse de Lynch et al. (2011) montre que le risque de survenue d’un cancer du sein est diminué de 25 % en moyenne quand on compare les femmes les plus actives aux moins actives. De plus, il existe un effet dose-réponse, une augmentation du niveau d’activité physique étant associée à une diminution du risque. onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
à quelle période de la vie cette AP pourrait être la plus efficace sur la prévention ?
Plusieurs études ont tenté de déterminer l’existence d’une période de la vie au cours de laquelle les effets protecteurs de l’AP seraient maximaux. En l’absence d’études concluantes, un continuum de la pratique d’une AP tout au long de la vie apparaît comme le moyen préventif le plus adapté, en privilégiant cependant la période post-ménopausique.
Quelle activité physique ?
L’analyse de la littérature montre qu’au moins 3 à 4 heures par semaine d’AP d’intensité modérée à intense seraient nécessaires pour produire une diminution statistiquement significative du risque de cancer du sein, que cette AP soit réalisée dans le domaine professionnel, lors des déplacements, dans la vie domestique ou au cours des loisirs. De plus, chez les femmes ménopausées, le risque de développer un cancer du sein diminue de 10 % chaque fois que l’on ajoute 2 heures d’activité physique par semaine, montrant que le niveau d’activité physique total est essentiel (CUP 2011).
Mécanismes des effets préventifs de l’activité physique sur le cancer du sein et du côlon
Les effets bénéfiques de l’AP sont multifactoriels et s’expliquent, entre autres, par leurs effets bien démontrés sur la diminution et/ou la moindre prise de poids (donc de masse grasse). Les effets de l’activité physique régulière sur la diminution de la masse grasse sont bien démontrés y compris sur les sujets de poids normal. Les mécanismes par lesquels l’excès de poids pourrait favoriser l’apparition du cancer du sein ou du côlon sont probablement multiples (29). L’une des hypothèses les plus souvent évoquées est celle des variations des concentrations des hormones
endogènes (insuline, IGFs, Insulinlike Growth Factors et hormones sexuelles) qui pourraient modifier la balance entre prolifération cellulaire et apoptose. Indépendamment des variations de masse grasse, l’activité physique régulière diminue l’insulinémie (pour une même glycémie) par augmentation de la sensibilité à l’insuline (Winzer et al. 2011). L’activité physique régulière peut diminuer le risque de cancer du sein en diminuant la production endogène des estrogènes mais aussi en augmentant la SHBG dont la production hépatique est inhibée par l’insuline et l’IGF-1, mais stimulée par l’estradiol et la testostérone. Elle lie ces hormones et diminue leur fraction libre c’est-à-dire biologiquement active. Néanmoins, les effets de l’activité physique sur la SHBG dépendent aussi de la diététique (régime normoou hypocalorique, alimentation riche en fibres…) et sont parfois confondus avec les effets de l’exercice. Pour le cancer du côlon, en plus des effets systémiques de l’AP, un autre mécanisme à effet local a été proposé pour expliquer les effets protecteurs de l’activité physique régulière sur la survenue de ce cancer : l’augmentation de la motilité intestinale. En effet, l’AP induit une réduction du temps de transit gastro-intestinal et donc une diminution de l’opportunité pour les cancérigènes d’être en contact avec la muqueuse colique et le contenu fécal. D’autres mécanismes biologiques ont été proposés (diminution du stress oxydatif, effets sur l’immunité, diminution de la micro-inflammation). Il est évident que les effets bénéfiques de l’activité physique sont dépendants de mécanismes multiples intriqués entre eux. Néanmoins, le niveau d’évidence scientifique pour chacun d’entre eux est encore bas et des recherches sont nécessaires pour déterminer quels sont les mécanismes opérant pour chaque type de cancer. 93
DOSSIER
Activité physique et cancer
Activité physique et cancer
Conclusion
Ces données mettent en exergue la nécessité d’un mode de vie associant
activité physique régulière et alimentation équilibrée, pour le maintien de la santé en général, mais aussi pour
la prévention du cancer du sein et du côlon. n
DOSSIER
3 - Impact sur la qualité de vie et l’estime de soi : l’influence de l’activité physique sur le psychisme Dr Pierre Saltel (Médecin psychiatre, Centre Léon-Bérard, Lyon) Comme pour toute démarche de soins de support, l’activité physique propose au patient une implication active, tant pour la participation aux actions mises en place, que pour juger selon une démarche d’autoévaluation des résultats obtenus. La sollicitude du soignant est donc ici particulièrement “sollicitante” mais accorde une légitime compétence au patient. Lorsque l’objectif de qualité devient essentiel, il conduit le soignant mais aussi le patient à décider autrement et décider, c’est toujours faire un choix. Chacun observe un certain manque de motivation d’une majorité de patients, que ce soit pendant l’étape des traitements ou en phase de rémission, à adopter des conduites de réduction de risque, en particulier en pratiquant une activité physique. Lorsqu’on interroge les personnes sur ce constat, le motif le plus fréquemment cité est l’item « ce n’est pas une priorité » pour plus de 50 % d’entre elles, ainsi que le manque d’autodiscipline ou la procrastination, bien plus que la fatigue, le manque de moyens ou de disponibilité (autour de 35 %) (Rogers, Courneya, Eur J. of Cancer Care 2007). Deux revues récentes dans la littérature comportant une méta-analyse, permettent une évaluation fiable de l’impact de l’activité physique sur la qualité de vie et l’estime de soi dans le contexte de la cancérologie (Revues Cochrane 2012, conduites par IS. Mishra). Elles rapportent, pour l’une, les résultats des actions proposées dès le début des traitements spécifiques du cancer, pour l’autre des actions de même type mais conduites seulement 94
après la fin de la chimiothérapie ou de la radiothérapie.
L’activité pendant les traitements
Dans le cas où l’activité physique avait eu lieu pendant les traitements, en particulier pendant les traitements de chimiothérapie, l’impact sur la qualité de vie globale est favorable puisque comparativement aux groupes contrôle, l’écart des scores moyens aux outils de quantification utilisés montre une différence moyenne standardisée (SMD) à 3 mois, de 0,47 (IC 95 % ; 0,16 à 0,79). Cette influence devient moins significative dans la durée, et en particulier dans les cancers du sein, et n’est plus retrouvée au-delà de 6 mois. L’impact sur la fatigue perçue est très important puisque, à 3 mois, le différentiel entre les groupes est une SMD de -0,73 (-1,14 ; 0,31). Pour les symptômes de nature affective, on observe un impact sensible sur l’anxiété, surtout dans le cadre du cancer du sein mais plutôt moins dans les autres types de cancers pour lesquels l’effet est alors plus sensible pour la dépression, la fatigue et les problèmes de sommeil. Cet impact sur l’anxiété, la fatigue et le sommeil est positivement corrélé, semble-t-il, avec l’intensité de l’effort demandé.
L’activité après les traitements
La méta-analyse des études consacrées à des programmes d’activité physique proposés après la fin des traitements témoigne de résultats identiques aux précédents pour la qualité de vie globale : SMD 0,48 (IC
95 % 0,16 à 0,81) et un effet très favorable sur “l’estime de soi” (évaluée avec l’échelle Rosenberg Self Esteem Scale) selon une différence significative entre les groupes action et contrôle, qui se prolonge jusqu’à 6 mois : SMD 2,70 (0,73 – 4,67). On note aussi un impact positif sur la satisfaction à propos de la vie sexuelle : SMD 0,40 (0,11 – 0,68) recueillie à l’évaluation des 6 mois. L’impact sur l’anxiété est plus discret sinon que dans les cohortes de personnes atteintes de cancer du sein, à l’évaluation des 6 mois, les préoccupations à l’égard du risque de récidive sont plus faibles mais dans une cohorte où l’activité physique restait peu intense. Une étude très souvent citée qui compare deux groupes distincts selon l’intensité de l’effort demandé et un groupe témoin (K. Cournoya Journal of Clinical Oncology, 2007) confirme l’impact positif sur l’estime de soi de l’activité physique dans le cas de cancers du sein, surtout quand l’effort demandé était relativement important (contre-résistance). Le même auteur auprès d’un groupe de patients ayant été traités pour lymphome rapporte avec une étude identique que ce sont plutôt les évaluations de la dépression qui sont alors améliorées.
L’estime de soi
La notion d’“estime de soi” qui sera souvent évoquée à propos de la pratique de l’exercice physique, peut être définie selon Branden (1994) comme une autoévaluation du degré de valeur et/ou de mérite que chacun s’accorde plus ou moins pour justifier le respect onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
et l’investissement affectif que l’on a pour soi-même, ainsi que la place que l’on se donne dans la communauté. Cela participe donc de deux processus, à la fois, un sentiment de compétence, d’efficacité potentielle permettant d’affronter les exigences de la vie sociale et de s’impliquer avec confiance dans des projets communs et, d’autre part, l’attente d’un respect légitime et d’une réciprocité dans les relations intersubjectives. Ainsi, l’estime de soi est impliquée dans les diverses dimensions de la qualité de vie en confortant le sentiment d’identité, de contrôle sur les péripéties de sa vie, l’expression de sa vitalité. Elle peut être affectée par la maladie cancéreuse mais on observe que cela n’est pas inéluctable grâce à des processus de résilience qui permettent de la protéger. Ces processus peuvent être confortés par l’activité physique en ce qu’elle s’inscrit dans une démarche où la guérison ne serait pas tant attendue comme le résultat de la seule technique médicale ; le doc-
teur ne “fabrique” pas la guérison mais celle-ci participe toujours de la manifestation des propres ressources de la personne malade.
Conclusion
Comme toute démarche de prévention, l’activité physique participera beaucoup d’une dimension plus globale, socioculturelle, qui implique profondément une sensibilisation du public et donc une véritable éducation de la santé. On peut en effet s’inquiéter des résultats récents d’un sondage d’opinion en France publié en décembre 2012 qui montre que 7 personnes sur 10 n’ont jamais mis en place d’action spécifique de prévention des cancers. Pour plus d’un Français sur deux, l’action individuelle n’est pas perçue comme constituant un levier efficace permettant d’éviter la maladie. On se souvient d’Argan, le malade imaginaire, qui était dans l’angoisse
parce que son docteur ne lui avait pas précisé s’il devait faire sa marche de santé, en long ou en large ! Molière caricaturait ainsi une relation soignante où la suffisance d’un soignant, à l’époque sans moyens, entretenait le patient dans une situation de dépendance. Aujourd’hui, une recommandation identique de devoir “bouger”, prend une nouvelle importance alors que dans le même temps, paradoxalement, les thérapeutiques anticancéreuses sont devenues très efficaces ! Pour que le patient puisse être un acteur efficace, les soignants doivent lui restituer une légitimité à sentir ce qui est “bon pour lui” et tout autant à exprimer ce qu’il craint, ce qu’il imagine. Il ne s’agit donc pas pour le motiver de lui “faire peur” avec les risques de la sédentarité, mais de créer les conditions d’une alliance soignante et l’activité physique devient alors autant un moyen qu’un n résultat !
4- Physiologie du muscle à l’effort : applications à la situation du cancer et des traitements Pr André-Xavier Bigard, (Professeur agrégé du Val-de-Grâce, Agence française de lutte contre le dopage, Paris) Dr Michèle Beaudry, (Professeur des universités, Université Paris 13, Bobigny) Dr Laurent Zelek (Professeur des universités, praticien hospitalier, Hôpital Avicenne, Bobigny) La fatigue est actuellement la principale plainte fonctionnelle retrouvée chez des patients atteints de cancers, notamment en cours et dans les suites de chimiothérapie. C’est un problème important qui affecte très sévèrement les patients et altère durement leur qualité de vie (Bower et al., 2006). La prévalence des états de fatigue est très importante puisqu’on estime que 70 à 96 % des patients suivant une chimiothérapie ou une radiothérapie présentent des signes cliniques de fatigue (Irvine et al., 1994). Même si dans les suites des traitements la prévalence des états de fatigue se réduit, jusqu’à n’affecter que 20 à 40 % des patients suivis (Servaes et al., 2003), la sévérité des traitements initiaux semble onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
être déterminante pour les suites et pour le maintien de la qualité de vie. Différentes thérapeutiques ont été proposées, parfois assez efficaces, pour lutter contre ces états d’épuisement, mais la caractérisation et les mécanismes biologiques à l’origine de la fatigue restent très largement méconnus (Prinsen et al., 2012). Le terme de fatigue peut accepter plusieurs définitions, ce qui rend complexe son diagnostic et la détermination de son origine. La fatigue peut être vue sous l’angle subjectif comme résultant d’un état perçu qui affecte directement la réalisation d’une tâche, ou sous un angle plus physiologique, en étant alors défini comme un état d’incapacité à maintenir une charge
de travail déterminé, que celui-ci soit physique (travail musculaire) ou mental (travail intellectuel). Il s’agit pour nous ici de traiter de l’approche physiologique de la fatigue, qui se caractérise par une altération de la fonction de l’effecteur musculaire et qui peut être définie comme étant l’incapacité du muscle à maintenir un niveau de force requis, conduisant à la faillite de performance. Cette notion a été étendue à d’autres grandeurs mécaniques caractérisant les fonctions du muscle et c’est ainsi que la fatigue musculaire se caractérise aussi par une impossibilité à délivrer une puissance attendue, avec pour conséquence une altération de la force développée, mais aussi de la vitesse de contraction du muscle (revue de Fitts, 1994). 95
DOSSIER
Activité physique et cancer
Activité physique et cancer
Fatigues centrale et/ ou périphérique
DOSSIER
Les travaux historiques de BiglandRitchie (1984) ont permis d’identifier les principales structures impliquées dans la fatigue, du cortex cérébral aux ions et macromolécules impliqués dans le couplage excitation-contraction du muscle lui-même. De nombreuses controverses ont alimenté le débat qui consistait à déterminer les rôles respectifs joués par les structures centrales et périphériques dans la fatigue. Ce qu’il importe de retenir, c’est que classiquement, les acteurs moléculaires et cellulaires de la fatigue ont été classés en deux grandes catégories, suivant qu’ils interviennent au dessus de la jonction neuro-musculaire (JNM) (fatigue centrale) ou qu’ils résident au sein des fibres musculaires, après la JNM (fatigue périphérique).
La fatigue centrale
Elle se caractérise principalement par une altération du recrutement moteur au niveau du cortex (Guezennec 2000). La fatigue qui résulte d’une activité motrice volontaire reste un phénomène complexe, et nous n’avons à ce jour que peu d’informations sur le rôle joué par le système nerveux central. Des expérimentations d’électrophysiologie suggèrent que la fatigue serait à l’origine d’une diminution de la commande nerveuse des effecteurs musculaires impliqués dans le mouvement. Par ailleurs, plusieurs autres hypothèses ont été développées pour expliquer la fatigue, impliquant certains neurotransmetteurs dont la sérotonine, la dopamine et les monoamines. La plus communément admise met en jeu le système sérotoninergique (Newsholme et Blomstrand, 2006). Un certain nombre de résultats montrent que l’augmentation ou la diminution de l’activité sérotoninergique peut accélérer ou diminuer la fatigue ; cependant, la question de l’altération du système sérotoninergique dans l’origine de la fatigue reste ouverte. Par ailleurs, l’hyperammonémie et l’augmentation de l’ammoniaque cérébrale peuvent 96
agir sur le système nerveux central et la fatigue (Nybo et al., 2005). Des corrélations ont été établies entre l’entrée d’ammoniaque dans le système nerveux central et d’une part sa concentration dans le liquide céphalorachidien, et d’autre part sa concentration dans le sang artériel, suggérant un rôle de l’accumulation d’ammoniaque dans le cerveau sur l’apparition de la fatigue centrale. Une autre origine de la fatigue centrale est actuellement largement étudiée, c’est celle qui implique l’interleukine-6 (IL-6). Des observations récentes et très reproductibles démontrent que de nombreuses altérations du comportement sont observées dans le cadre de maladies inflammatoires chroniques, avec notamment des états de fatigue rebelles. Ces notions ont permis de proposer une implication de certaines cytokines pro-inflammatoires dont le TNF-α, l’IL-1β et l’IL-6 (D’Mello et Swain, 2011). Des arguments expérimentaux permettent de penser que la présence de cytokines pro-inflammatoires perturbe directement certains systèmes de neurotransmission, notamment le système sérotoninergique. Des travaux réalisés chez l’Homme sain, sans pathologie évolutive, ont suggéré un rôle tout particulier de l’IL-6 dans l’origine de la fatigue (Robson-Ansley et al., 2004). De tels travaux prennent une résonnance toute particulière dès lors que l’on traitera de l’origine de la fatigue dans les suites de cancer.
La fatigue périphérique
Bien que les états de fatigue musculaire induits par des contractions musculaires de haute intensité, de courte durée et répétées ou par des contractions de faible intensité mais très prolongées résultent de mécanismes différents, leur caractérisation fonctionnelle est très similaire et se traduit dans tous les cas par une faillite de la production de force ou de la puissance. Cet état de fatigue peut être dépendant de multiples facteurs, mais l’altération des mouvements du
calcium et la déficience des processus de resynthèse de l’ATP jouent un rôle essentiel dans la fatigue. ❚❚Mouvements du calcium Il est maintenant parfaitement démontré que l’altération des mouvements du calcium joue un rôle fondamental dans la fatigue. Les mouvements de cet ion essentiel à la contraction peuvent être altérés soit au niveau de leur libération à partir du reticulum sarcoplasmique (RS), soit de leur recapture dans le RS par des pompes ioniques dépendantes de l’ATP (SERCAs). L’altération des processus de resynthèse de l’ATP a donc des conséquences directes sur la recapture de calcium par le RS de la fibre musculaire et sur le maintien de la contraction. ❚❚Phosphagènes et fatigue musculaire Les concentrations en ATP et en phosphocréatine (PCr) (substrat de la première filière métabolique impliquée dans la resynthèse de l’ATP) varient en fonction du muscle considéré, mais aussi et surtout en fonction de l’état d’entraînement du sujet. L’une des questions qui reste encore largement débattue est de savoir si la baisse des concentrations intracellulaires en ATP permet d’atteindre des valeurs critiques qui affectent de manière très sensible et rapide le couplage excitation-contraction (Fitts, 1994). Il semble en effet que certains évènements moléculaires contemporains de la fatigue altèrent l’utilisation de l’ATP (notamment au niveau des ponts actine-myosine) avant que sa concentration cellulaire n’atteigne un niveau critique. La concentration intracellulaire de PCr dans les fibres baisse aussi de manière importante au décours du travail musculaire intense. Le rôle joué par la déplétion de PCr dans les fibres amène à poser les mêmes questions que pour l’ATP. Il convient donc de rester prudent avant de conclure que la fatigue musculaire observée au cours des contractions intenses et de très courtes onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
durées ont une origine métabolique directe. Cependant, compte tenu de la fonction des mitochondries dans la resynthèse rapide de PCr, grâce à l’activité de la créatine-kinase mitochondriale et à la navette Cr-PCr, le métabolisme oxydatif joue un rôle fondamental dans la récupération de contractions intermittentes et la resynthèse de la PCr. ❚❚Glycogène musculaire et fatigue L’importance des réserves musculaires en glycogène est fondamentale afin d’assurer le maintien optimal du travail musculaire. Les réserves en glycogène dépendent du type de muscle et du type de fibres, les fibres les plus glycolytiques (de type IIx) ayant des réserves plus élevées en glycogène que les fibres oxydatives (types I et IIa). Il est indéniable que l’altération des réserves musculaires en glycogène peut expliquer certains états de fatigue.
Quels outils pour l’évaluation de la fatigue ?
L’évaluation de la fatigue musculaire impose une analyse des principales fonctions du muscle, ce qui nécessite un certain nombre d’outils de mesure et une mesure fine des différentes propriétés musculaires.
maximal développé peut être mesuré en raccourcissement (contraction concentrique) ou en étirement (contraction excentrique). La mesure des couples impose de posséder un ergomètre isocinétique de manière à ce que des vitesses de rotation angulaire parfaitement contrôlées soient imposées. Les performances musculaires dépendent ici de la masse musculaire, mais aussi de la composition des muscles dans les différents types de fibres.
Objectiver la fatigue musculaire
Conformément à la définition de la fatigue, l’objectiver nécessite d’imposer un travail musculaire parfaitement défini pour chaque sujet, et pour lequel on va l’incapacité à maintenir le niveau de force imposé. L’apparition de la fatigue peut être évaluée au décours de différentes modalités de travail musculaire (contraction isométrique prolongée, à différents pourcentages de la force maximale mesurée pour chaque sujet, contractions isocinétiques concentriques ou excentriques, etc.), et objectivée de différentes manières (arrêt volontaire de la contraction par le sujet, pourcentage de diminution par rapport au niveau de force exigé, etc.).
Origine de la fatigue Les mesures de force sont nécessaires
Elles peuvent s’envisager dans les différents modes de contraction musculaire, c’est-à-dire en mode isométrique ou anisométrique. En mode isométrique (contraction réalisée à longueur du muscle constante), la force segmentaire maximale peut être mesurée sur un ergomètre dédié ou à l’aide d’un simple capteur de force. Dans ce mode de contraction, le déterminant principal de la performance de force, c’est la masse musculaire ; c’est pourquoi la force mesurée est en général rapportée à la masse ou au volume du groupe musculaire engagé dans la contraction. En mode anisométrique, le couple onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, il est important, après avoir objectivé un état de fatigue musculaire, d’avoir des éléments sur l’origine de la fatigue. Depuis quelques années, la stimulation neurale percutanée directe a été proposée pour permettre de répondre à cette question. En effet, la stimulation électrique percutanée peut être appliquée alors que les muscles sont au repos ou lors de contractions volontaires ; ce moyen d’investigation permet de faire la part de l’origine périphérique et/ou centrale de l’altération de la production de force. Il s’agit d’analyser les tracés de force et de vérifier si la stimulation neurale induit un surplus de force développée, ou pas, ce qui permet d’orienter le diagnostic de la fatigue
vers une origine centrale ou une origine périphérique. Cette méthode qui reste d’une utilisation très pratique en recherche clinique présente cependant quelques limites méthodologiques, ce qui explique le développement de nouvelles techniques d’exploration supraspinale comme la stimulation magnétique transcrânienne (Lepers et al., 2010).
Cancer et fatigue musculaire Cancer et fatigue allégée
Les signes cliniques de fatigue se caractérisent par un sentiment d’épuisement pour des mouvements et activités anodins et/ou une faiblesse généralisée ; la fatigue affecte près de 70 % des patients porteurs de cancers, dans les suites de traitements ou de chirurgie (Dimeo, 2001). C’est cette fatigue qui semble le plus affecter les patients dans leur confort et qualité de vie quotidienne. Cet état de fatigue est retrouvé de manière prépondérante dans les suites de traitement. Ainsi, dans certaines études, l’état de fatigue a persisté entre 2 et 10 ans chez 76 % des patientes ayant bénéficié d’une radiothérapie pour cancer du sein (Berglund et al., 1991). Il semble cependant que dans les suites de radiothérapie, la persistance de l’état de fatigue soit maintenant moins importante et que la fatigue revienne à l’intensité mesurée avant la radiothérapie, entre 2 et 6 mois après la fin du traitement (Geinitz et al., 2001). La fatigue est très commune chez les patients ayant bénéficié de chimiothérapies. On a estimé que 82 % des femmes présentent un état de fatigue invalidant après la première cure de chimiothérapie pour cancer du sein, et 77 % après la deuxième cure (Greene et al., 1994). Un peu plus de 7 mois après la fin de la chimiothérapie, la prévalence de l’état de fatigue est de 83 % chez des patientes porteuses de cancer du sein (Beisecker et al., 1997). Enfin, 40 % des patientes survivant des mois et des années après un cancer du sein 97
DOSSIER
Activité physique et cancer
Activité physique et cancer
DOSSIER
présentent toujours un état de fatigue sévère (Broeckel et al., 1998). L’étiologie de la fatigue très fréquemment observée dans les suites de cancers reste complexe, probablement de nature très multifactorielle et demeure un champ de recherche important. Elle est très probablement liée à la maladie elle-même (état inflammatoire systémique), aux effets secondaires des traitements (libération massive de cytokines à partir des tissus nécrosés atteints par les traitements), à l’état psychologique des patients (état anxio-dépressif, stress émotionnel, etc.), mais aussi au déconditionnement lié à l’inactivité profonde induite par la maladie et les effets secondaires des traitements.
Atteinte potentielle de la fonction musculaire dans les suites de cancer
L’immobilisation et l’inactivité induite par la maladie, sont à l’origine d’une amyotrophie importante (Coker et Wolfe, 2012). L’immobilisation prolongée, comme le repos complet au lit, est à l’origine d’une amyotrophie marquée, qui chez des patients atteints de cancer, est majoré d’une part par la libération de cytokines proinflammatoires à partir des tumeurs, et d’autre part par l’utilisation potentielle de traitements immunosuppresseurs. Les troubles de l’appétit et de la prise alimentaire ont des conséquences directes sur la disponibilité en substrats utilisables par le muscle, qui peuvent,
au moins en partie, expliquer les états de fatigue. La radiothérapie peut affecter de manière très sensible la perméabilité et les fonctions de différentes membranes dont les membranes du RS et des mitochondries, ce qui affecte les mouvements du calcium et l’utilisation des substrats par le métabolisme aérobie Monga et al., 1993).
Objectivation de la fatigue musculaire dans les suites de cancer
La fatigue musculaire a été évaluée chez des patients porteurs de cancers. Chez des patients examinés 4 semaines après la fin de toute chimiothérapie et radiothérapie, un état de fatigue musculaire a été confirmé, qui se manifeste par une réduction du temps de maintien d’une contraction sous maximale prolongée des fléchisseurs du coude (correspondant à 30 % des valeurs maximales individuelles) (Yavuzsen et al., 2009). Cette réduction de l’endurance musculaire qui caractérise l’état de fatigue a été suggérée comme surtout relevant d’une origine centrale avec une altération de la capacité à recruter les unités motrices musculaires au cours des contractions volontaires. Au cours d’une autre étude, le temps maximal de maintien d’une contraction isométrique à 30 % de la force maximale volontaire des fléchisseurs du coude est réduit de 32 % chez des patients présentant un cancer viscéral en cours de traitement, par rapport à des sujets sains appariés en âge. Cet
état de fatigue musculaire est plutôt attribué à des mécanismes d’origine centrale (Kisiel-Sajewicz et al., 2012). Parmi ces deux seules études publiées à ce jour, on ne retrouve que peu d’éléments sur la qualité de la contraction musculaire et sur les caractéristiques du pic de contraction (forme de la secousse, relation avec la masse musculaire, etc.). Ces deux études semblent fortement impliquer des processus centraux dans l’origine de la fatigue ; ceci mérite cependant d’être confirmé sur un nombre plus important de patients, avec une approche expérimentale et des méthodes d’analyse plus adaptées.
Conclusion
La fatigue reste une plainte majeure dans les suites de cancer, aussi bien pendant et dans les suites précoces des traitements, que dans leurs suites plus tardives. Le diagnostic de l’origine de cet état de fatigue reste complexe et celle-ci est très certainement multifactorielle. Le rôle joué par le muscle, effecteur de tout mouvement, dans la fatigue des suites de cancer nécessite aussi d’être objectivement éclairci. De l’origine centrale ou périphérique de la fatigue musculaire, en découlent des orientations thérapeutiques adaptées. Certaines thérapeutiques non-pharmacologiques ont dès à présent fait preuve d’efficacité sur la fatigue, au premier rang desquelles la pratique régulière d’une activité physique adaptée (Duijts et al., 2011).
5 - Fatigue et cancer Dr Alain Marre (Radiothérapeute, Centre hospitalier de Rodez, Oncomip) Symptôme fréquent, souvent sousestimé, la fatigue altère la qualité de vie des patients pendant et après les traitements anticancéreux. D’origine multifactorielle, la fatigue reste l’effet secondaire le plus redouté par les patients, altérant de façon significative la qualité de vie des patients en traitement, mais aussi au-delà des traitements. L’évaluer et la prendre en 98
charge, notamment au travers d’une activité physique et sportive adaptée, c’est pour le patient intégrer un parcours de soins dans un parcours de vie.
La fatigue et ses caractéristiques
La fatigue peut apparaître à toutes les phases du cancer. Parfois révélatrice
du cancer, elle est souvent engendrée par l’annonce du diagnostic accompagnée d’angoisse. Toujours liée aux traitements et à leur lourdeur, la fatigue est persistante et peut durer très longtemps à distance de la fin des traitements. Présente dès le matin, avec un pic en début d’après-midi et le soir, la fatigue est souvent présente et ce, en dehors de onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Activité physique et cancer
Troubles du sommeil
Dénutrition Fatigue au cours du cancer
Douleur Anémie
Troubles de l’humeur Dépression Anxiété
Comorbidités (non-liées au cancer) Troubles hormonaux (hypothyroïdie) Infection Troubles cardiaques Troubles pulmonaires Troubles rénaux Troubles hépatiques Troubles neurologiques
Figure 1 – Causes de la fatigue.
toute activité physique. Elle ne répond pas ou mal au sommeil ou au repos. Elle est persistante, de résolution lente et souvent partielle. Sa prévalence varie selon les études de 30 à 100 %. Elle est estimée à 50 % dès le début de la prise en charge, retrouvée dans plus de 80 % en chimiothérapie et dans 30 à 90 % en radiothérapie. Dix-sept à 38 % des patients décrivent une fatigue sévère à distance des traitements.
Les causes de la fatigue
Elles sont multifactorielles avec une prédominance pour l’anémie induite par les thérapeutiques, la réduction de l’activité majorée par les troubles psychologiques et le repli sur soi. Plusieurs facteurs viennent l’aggraver comme la douleur, la dyspnée, les nausées ou les nombreuses causes organiques souvent associées. Il ne faut bien entendu pas ignorer une évolutivité de la maladie (Fig. 1).
Les dimensions de la fatigue
• La dimension physique est la plus évidente avec son manque d’endurance et d’énergie, le besoin accru de repos. On note la difficulté à remplir son rôle au niveau familial et professionnel. La diminution de l’autonoonko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
mie peut, chez le sujet âgé, être à l’origine d’autres complications. • La dimension psychologique et son impact émotionnel se traduit par un manque de courage, de combativité, accompagné alors d’un syndrome dépressif. Le repli sur soi est fréquemment noté. • La dimension cognitive se traduit par la difficulté à se concentrer, à mémoriser, avec perte de lucidité. Des perturbations relationnelles avec émotivité accrue, altération de la maîtrise de soi peuvent apparaître, avec risque d’accident augmenté.
L’évaluation de la fatigue
Phénomène subjectif, la fatigue nécessite une autoévaluation. L’échelle visuelle EVA reste simple mais elle est très variable entre les patients et pour un même patient. De nombreux questionnaires sont disponibles : - échelle de Piper ; - QS Multidemensional Fatigue Inventory 20 ; - questionnaire sur la qualité de vie EORTC… Quel que soit le questionnaire utilisé, l’examen clinique avec la recherche de dénutrition, dépression, comorbidités couplées aux différents
examens biologiques et hématologiques est indispensable. Cette évaluation doit être régulière et inscrite dans le parcours après cancer.
La prise en charge de la fatigue
Plusieurs étapes et axes sont indispensables pour une prise en charge qualitative comme le recommande désormais de nombreux référentiels tels que celui des soins de support de l’AFSOS (1-3) : - l’écoute, la prise en compte de la fatigue et son évaluation sécurisent le patient ; - le traitement bien entendu des causes organiques identifiées ; - l’éducation du patient et de son entourage afin de hiérarchiser les objectifs, déléguer les tâches et aménager les journées ; - la programmation d’exercices physiques adaptés et en toute sécurité dès le début des traitements, de façon progressive, seul mais aussi en groupe ; - la programmation des activités de restauration de l’attention et de la concentration ; - l’amélioration de la nutrition qui va de pair avec l’activité physique ; - l’amélioration du sommeil. Mais tout ceci doit être évalué et réévalué au fil du temps afin d’adapter les mesures à prendre, obligeant à un suivi continu (comme préconisé dans le plan personnalisé de soins après cancer PPAC), et qu’il convient d’organiser avec l’ensemble des acteurs de soins.
L’activité physique et cancer
L’activité physique adaptée (APA) permet de réduire la fatigue liée au cancer et, selon les différentes études, elle diminue de 36 % ce symptôme quel que soit le moment de la prise en charge (18 % pendant les traitements et 37 % à distance). C’est le seul traitement validé de la fatigue en oncologie. Son impact sur la dépression et la 99
DOSSIER
Réduction d’activité
Activité physique et cancer
qualité de vie est souligné par de nombreuses études et enquêtes (4-6).
DOSSIER
Cette activité physique doit débuter le plus précocement possible, mobilisant les quatre membres et alliant
plaisir, convivialité, écoute et sécurité. Une dépense énergétique minimale est indispensable pour obtenir l’efficacité de ces soins, efficacité qui se retrouvera dans l’amélioration de la survie et dans la prévention
d’autres pathologies cancéreuses. Elle doit être suivie et bien entendu adaptée à l’état du patient, impliquant donc un encadrement médicosportif et des évaluations régulières. n
6 - Prévention tertiaire : Effets sur la mortalité globale et spécifique de l’activité physique et sportive (APS) en cancérologie Dr Thierry Bouillet (Service d’oncologie, CHU Avicenne, Bobigny) La participation, au cours et au décours de soins anticancéreux, à des programmes d’activité physique et sportive régulière, d’intensité soutenue sur une longue période, est associée à une amélioration de la qualité de vie, à une réduction de la fatigue et à un maintien des aptitudes physiques. Cette pratique est également en relation avec une prolongation de la survie, avec une association à une réduction des taux de survenue de comorbidités, en particulier, cardiovasculaires et métaboliques, et de rechute tumorale (1).
physique au-delà de 8 à 9 MET/h est associée à une réduction de près de 50 % du risque de décès par cancer (Tab. 1). Le bénéfice en termes de survie à 5 ans et à 10 ans est alors de 4 à 6 %. Ce gain de survie en cas de pratique de l’APS au décours des soins existe en analyse multivariée intégrant les facteurs pronostiques classiques tels que l’âge, le stade tumoral TNM, la présence de récepteurs hormonaux, le lieu de résidence, l’alcoolisme ou le tabagisme, l’IMC (indice de masse corporelle), le statut hormonal de la patiente et de la tumeur au sein de chacune de ces cohortes.
l’APS avant et après le diagnostic du cancer du sein retrouve une association entre APS et, d’une part, les risques de décès que ce soit par cancer du sein (RR = 0,66 (0,57-0,77) p < 0,00001), ou de toutes causes confondues (RR = 0,59 (0,53-0,65) p < 0,00001) et, d’autre part, le taux de rechute du cancer (RR = 0,76 (0,660,87) p = 0,00001). Le bénéfice en survie existe en cas de cancers hormonosensibles (RH+) avec une valeur limite (RR = 0,36 (0,12-1,03) p = 0,06) mais pas dans le cas des tumeurs dont les récepteurs hormonaux sont négatifs (formes RH-).
APS après les soins et mortalité par cancer du sein
L’analyse poolée ABCPP (8) des quatre cohortes LACE, NHS, WHEL, SBCSS regroupant 13 302 femmes met en évidence une association entre une APS atteignant au moins 10 MET/h par semaine (MET/h/sem) et une réduction du taux de mortalité spécifique (RR = 0,75 (0,65-0,85)) et globale (RR = 0,73 (0,66-0,82)). Outre ces séries suivies de façon prospective, une méta-analyse (9) évaluant
Il apparaît donc, sur ces six séries importantes, sur l’analyse poolée ABCPP (8) et sur la méta-analyse (9), qu’après les soins pour un cancer du sein, un exercice physique régulier puisse améliorer la survie des patientes et que le niveau d’activité physique (AP) doive être augmenté quel que soit le niveau initial avant tout traitement.
L’étude de six cohortes de femmes avec un cancer du sein localisé et non-évolutif, et évaluées de façon prospective (2-7) retrouve une association entre l’APS post-traitement et une diminution des risques de décès par cancer du sein, mais aussi liés à d’autres causes. Une activité
Tableau 1 - Impact de l’APS sur la survie des cancers du sein, exprimé en risque relatif (RR) par rapport à la population pratiquant une AP < 3 MET/h/sem. étude
Nombre de patientes
MET/h
RR DC par cancer du sein
IC
RR DC toutes causes
IC
NHS (2)
2987
9
0,50
0,31-0,82
0,59
0,44-0,84
WHEL (3)
1490
9
ND
-
0,56
0,31-0,98
HEAL (4)
993
9
ND
-
0,33
0,15-0,73
CWLS (5)
4482
8
0,61
0,36-1,05
0,53
0,4-0,71
WHI (6)
4643
9
0,61
0,35-0,99
0,54
0,38-0,79
SBCSS (7)
4826
8,3
0,59
0,45-0,76
0,65
0,51-0,84
100
onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Bénéfices en termes de survie sur d’autres néoplasies que le cancer du sein Impact sur la survie après cancer colique
Six cohortes de patients porteurs de cancers coliques non-métastasés et contrôlés retrouvent une association entre la réalisation d’une APS intense ou soutenue et une réduction du risque relatif de décès par cancer colique et par toutes causes confondues (Tab. 2).
Il apparaît donc, sur ces six séries importantes, qu’après les traitements anticancéreux, un exercice physique régulier est associé à une amélioration de la survie des patients porteurs de cancer colique. Les six séries retrouvent une association avec la survie globale, cinq une association avec la survie spécifique. L’intensité d’APS nécessaire à la mise en évidence de cette différence de survie est plus importante dans le cadre de la pathologie colique (18 à 27 MET/h/sem) que pour les cancers mammaires (9 MET/h/sem).
Impact sur la survie des cancers de la prostate
La cohorte NHS (16) analyse la survie de 2 705 hommes en vie quatre ans après le diagnostic d’un cancer de la prostate localisé. En analyse multivariable intégrant l’âge, le Gleason, le
stade TNM, l’IMC, le régime, l’existence d’un diabète, l’origine des patients, l’APS avant le diagnostic, on a pu montrer qu’une activité soutenue au-delà de 9 MET/h/sem est associée à une réduction de la mortalité spécifique (0,65 (0,43-1) et de toutes causes (0,67 (0,56-0,82)). De même, une pratique de plus de 3 heures par semaine d’une APS intense est associée à une réduction du risque de mortalité spécifique (0,39 (0,18-0,84)) et globale (0,51 (0,36-0,72)). Cet impact de la durée et de l’intensité est retrouvé dans la cohorte PSURE (17) où sur les 1 455 hommes suivis pour un cancer prostatique localisé, la marche représente plus de 50 % de l’APS déclarée. Une marche rapide de plus de 3 heures par semaine est associée à une réduction du risque de rechute de plus de 50 % par rapport aux patients marchant de façon lente moins de 3 heures par semaine (0,43 (0,21-0,91)). L’intensité de la marche est associée à une réduction du taux de rechute quelle que soit la durée de la marche (taux de rechute marche rapide vs lente (0,52 (0,29-0,91)).
Impact sur la survie des patients porteurs de gliomes en rechute
La pratique d’une AP est associée à une modification de la survie dans certaines situations palliatives. Ainsi, sur une série de 243 patients de plus de 18 ans en rechute d’un gliome malin (18) grade III ou IV, IK
supérieur ou égal à 70, une APS inférieure à 9 MET/h/sem est associée à une médiane de survie de 13,03 mois (IC 11,25 – 17,37) contre 20,84 mois (IC 13,32 à l’infini) en cas d’exercice physique supérieur à 9 MET/h. En analyse multivariée, l’exercice physique est un facteur pronostic de survie indépendant de l’ensemble des autres facteurs pronostics, y compris de l’IK. Le risque relatif de décès dans le groupe supérieur à 9 MET/h/ sem est de 0,64 (0,46-0,91) par rapport aux patients déclarant moins de 9 MET/h/sem. L’activité physique est donc un facteur pronostic de survie qui s’ajoute aux paramètres classiques de pronostic déjà connus pour les gliomes de haut grade en rechute. Ces notions issues de ces études sont confirmées par une nouvelle métaanalyse (19) avec une revue de l’association entre les taux de décès par cancer ou autres causes et l’AP pratiquée avant ou après le diagnostic de cancer, et ce à partir de deux types d’études, suivis de cohorte et essais d’intervention, portant sur différentes situations tumorales. Cette revue inclut 17 séries d’observation dont 11 prospectives de cancers du sein, avec un effectif de 451 à 4 826 femmes porteuses de cancer du sein invasif non-métastatique. Aucune série ne retrouve une surmortalité spécifique ou globale dans le bras AP. En ce qui concerne l’AP après le diagnostic de cancer du sein, sur
Tableau 2 - Impact sur la survie des cancers du côlon en RR avec seuil de signification. étude
Nbre
Stades
Intensité
Suivi moyen
RR DC par cancer colique
RR DC toutes causes
MCCS (10)
526
I – IV
Oui / Non
5,5 ans
0,73 (0,54-1) p = 0,05
0,77 (0,58-1,03) p = 0,08
NHS (11)
573
I – III
18 MET/h/sem vs < 3 MET/h/sem
9,6 ans
0,39 (0,18-0,92) p = 0,008
0,43 (0,35-0,74) p = 0,003
CALGB (12)
832
III
27 MET/h/sem vs < 3 MET/h/sem
3,8 ans
0,60 (0,036-1,01) p trend = 0,03
0,37 (0,16-0,82) p trend = 0,01
HPFS (13)
668
I – III
27 MET/h/sem vs < 3 MET/h/sem
8,6 ans
0,47 (0,24-0,92) p = 0,002
0,59 (0,41-0,86) p < 0,001
WHI (14)
676
I – IV
18 MET/h/sem vs < 3 MET/h/sem
11,9 ans
0,29 (0,11-0,77) p trend = 0,02
0,41 (0,21-0,81) p = 0,005
ERP (15)
1 800
I – III
> 8,75 MET/h/sem vs < 3,5 MET/h/sem
8,1 ans
0,87 (0,61-1,24)
0,58 (0,47-0,71)
onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
101
DOSSIER
Activité physique et cancer
Activité physique et cancer
DOSSIER
la survie globale, sur les 7 études, 5 retrouvent une différence statistiquement significative et 2 une différence non-significative. Sur la survie spécifique, 3 retrouvent une différence statistiquement significative et 2 une différence non-significative. Dix séries d’observations incluses dans cette revue portent sur des cancers coliques (6 études sur 4 cohortes différentes), une cohorte de cancers prostatiques, deux cohortes de cancers ovariens, une de gliomes malins en rechute. Ces cohortes comportent de 243 à 2708 patients avec un suivi médian de 2 à 12 ans, avec une ana-
lyse de l’AP ludique dans les semaines ou dans l’année avant l’étude. Les cohortes de cancers coliques et de la prostate retrouvent une association entre AP après le diagnostic et une réduction des mortalités spécifique et globale de 23 à 63 %. Cette association entre survies globale et spécifique d’une part, et AP d’autre part, existe en analyse multivariée avec un effet dose-réponse et a abouti à la mise en place d’un essai randomisé contrôlé d’intervention sur des cancers coliques stades II et III, 6 mois après le traitement adjuvant, analysant, par rapport à un bras
contrôle classique, l’apport dans un bras expérimental des exercices physiques en aérobie sur 3 ans. Au total, sur des cohortes suivies de façon prospective et sur des métaanalyses, la pratique régulière d’une activité physique suffisamment intense au décours de plusieurs cancers (sein, côlon, prostate), qui représentent des incidences élevées, est associée à une réduction du risque de décès par cancer ou relevant d’autres causes avec un risque relatif homogène d’une série à l’autre et d’un cancer à un autre de l’ordre de 50 %. n
7 - Reconditionnement à l’effort : qu’est-ce que c’est ? Pour qui ? Pr Jean Lonsdorfer (Centre de prévention Bien vieillir Alsace, Strasbourg) Pr Thomas Vogel (CAPS - Pôle de Gériatrie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg des HUS) Dr Evelyne Lonsdorfer-Wolf (Service de Physiologie et des Explorations fonctionnelles des HUS)
Résumé
Le principe d’intégrer des activités physiques et sportives (APS) dans les programmes de soutien des patients est largement acquis, mais leurs indications selon le type de cancer peuvent faire débat. Or, les malades ont en commun la fatigue et ses conséquences, une moindre activité, une tendance dépressive, une prise de poids, qui altèrent leur qualité de vie au quotidien. à cet état clinique correspond une altération physiologique quantifiable : la diminution du niveau d’endurance à l’effort de la personne. Ainsi, les paramètres cardiorespiratoires recueillis durant un test d’effort à charge croissante sur un ergocycle permettent de détecter : la précocité de la sensation de fatigue, un abaissement du seuil d’endurance puis de la puissance maximale tolérée (PMT), et enfin une récupération anormalement prolongée. Ces réponses signent une altération fonctionnelle à prédominance périphérique, donc musculaire, qui place la personne de 30 à 45 % en moyenne en dessous de son seuil d’endurance théorique. La question se pose donc : proposer des APS adaptées ou bien tout d’abord remettre la personne “à 102
niveau” ? Dans le 1er cas, la personne est confrontée à son handicap, aux “performances” qu’elle atteignait auparavant, alors que maintenant on ne peut lui proposer que des programmes “minorés” ! Dans le 2nd cas, quel que soit son handicap énergétique initial, elle remonte séance après séance vers les repères de son aptitude physique avant maladie, puis, retrouvant confiance, elle pourra s’orienter vers des programmes plus attractifs. Depuis plus de vingt ans, nous avons opté pour cette “remise à niveau”, aussi bien chez les transplantés, insuffisants cardiaques ou pulmonaires qu’en prévention primo-secondaire chez les seniors, et depuis quatre ans dans les soins de support. Un recul suffisant nous permet de recommander la pratique du PEP’C non seulement au décours du cancer mais aussi durant les traitements. à toutes ces personnes, nous proposons un programme d’endurance personnalisé sur ergocycle, le PEP’C qui, à raison de 2 séances de 30 min/semaine pendant 2 mois (18 séances), remonte de 30 % minimum leur seuil d’endurance ini-
tial. à l’issue de ce PEP’C, les personnes peuvent poursuivre leur programme, et continueront de progresser, et/ou opter pour d’autres activités physiques plus ludiques... Dans plus de 60 % des cas, les personnes ont continué à pratiquer simultanément le PEP’C et des APS car les charges d’endurance atteintes à la fin du PEP’C constituent pour elles “l’étalon de référence” de leur forme physique.
Les étapes de la prise en charge des patients La CAPS
Le patient nous est adressé pour une CAPS et un PEP’C, si indication. La CAPS comporte l’anamnèse, l’examen clinique, deux questionnaires (SF36 et EORTC) et la prescription d’un test d’effort maximal. ❚❚Critères de non-inclusion - Affections : cardiocirculatoires, respiratoires, aiguës ou instables (idem pour diabète). - Troubles locomoteurs, instabilité ostéoarticulaire. onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
- Asthénie sévère. - Maladie d’Alzheimer, difficile, mais est indiqué si au stade MCI.
Test d’effort cardiorespiratoire maximal
Test d’effort cardiorespiratoire maximal par paliers (Fig. 1) avec détermination de l’intensité d’endurance (SV1), du seuil de tolérance sous maximal (SV2), de la VO2max et de la puissance maximale tolérée. Ces grandeurs, d’une part, caractérisent le handicap énergétique de la personne par rapport à ses valeurs théoriques et, d’autre part, permettent de prescrire le PEP’C.
Le PEP’C
Prescription et progression des séances (Fig. 1). - Une séance alterne pendant 30 min : 4 min (base) au niveau SV1,
1 min (pic) au niveau SV2. La FC est recueillie à chaque minute. - Lorsqu’après 3 à 4 séances la FC baisse de 8 à 10 batt/min : les charges de base et pic sont augmentées (+5 à +10 %) pour retrouver les FC stimulantes des premières séances. - Résultats après 9 semaines : gain d’au minimum 30 % de la base d’endurance initiale. - Amélioration accompagnée d’une augmentation significative des scores de SF36 et EORTC, et de modifications psychiques très positives. Cette action menée dans les hôpitaux de Strasbourg, Colmar et Mulhouse, d’abord pour les seniors puis pour les personnes en soins de support, a reçu : 1- l’aval de la Caisse régionale de Sécurité sociale qui rembourse les 18 premières séances du PEP’C ; 2- l’aval de l’ARS d’Alsace qui en en-
courage la diffusion régionale en subventionnant le centre de prévention Bien vieillir Alsace géré par les institutions de retraite complémentaire Agirc-Arrco. Prenant le relais hospitalier, ce centre propose de poursuivre les séances de PEP’C au tarif de 7 € la séance ; 3- des propositions de la Direction régionale de jeunesse et sports encourageant le recrutement d’éducateurs médico-sportifs comme encadreurs du PEP’C dans des associations agréées. Au total, plus de 600 personnes ont bénéficié de cette action dont les résultats ont fait l’objet de 9 publications internationales et d’un ouvrage (La consultation de l’aptitude physique du senior (CAPS), J. Lonsdorfer et P.H. Brechat, éd. Presses de l’EHESP 2010, 242 p.). n
8 - Présentation du Programme Activ’ proposé par l’Institut Curie et le Groupe Associatif Siel Bleu Dr Laure Copel (Institut Curie, DISSPO) La pratique d’une activité physique régulière, d’intensité modérée à intense, chez des patientes ayant été traitées pour un cancer du sein a montré de nombreuses actions positives, tant sur l’amélioration de la qualité de vie que sur l’amélioration de la survie (avec une diminution du risque de rechute de la maladie cancéreuse). Cette amélioration de la survie est renforcée par l’adoption de règles diététiques simples. Après une phase pilote réalisée en 2012, un programme d’éducation thérapeutique démarre en 2013 et sera proposé systématiquement et gratuitement à toutes les patientes ayant terminé leurs traitements par chirurgie, chimiothérapie et/ou radiothérapie pour un cancer du sein localisé.
Le programme
Ce programme se déroule en 4 temps : 1. Information systématique sur les onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
bienfaits d’un mode de vie adapté pour ces patientes. Cette information est véhiculée par les médecins en consultation et renforcée par la remise d’un document écrit systématique. 2. évaluation individuelle faite par deux professionnels : un professeur d’activité physique adaptée et une diététicienne. Elle est centrée sur les habitudes, les goûts et les besoins du patient. Elle est adossée à une évaluation motivationnelle. 3. Intervention si nécessaire. En fonction de l’évaluation, pourront être proposés des ateliers de reconditionnement physique (en groupe ou en individuel) et, sur le plan diététique, un suivi soit en individuel, soit par des ateliers éducationnels. Une coordinatrice de parcours permet de suivre le besoin en soutien motivationnel. 4. Suivi : il sera effectué de manière annuelle avec questionnement sur le poids et la pratique d’activité physique.
Bilan et Résultats
Le bilan de la phase pilote est en cours mais certains résultats sont d’ores et déjà disponibles. Cette phase pilote ne comportait que le volet activité physique du programme Activ’ actuel. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2012, 395 patientes ont reçu la proposition d’intégrer ce programme ; 80 (20 %) ont téléphoné pour prendre un rendez-vous (groupe A) et 315 ne se sont pas manifestées (groupe B). Toutes ces patientes ont rempli au préalable un petit questionnaire concernant leur niveau d’activité physique, dans les deux groupes 18 % d’entre elles ont été considérées inévaluables. • Dans le groupe A : 12,5 % déclaraient une activité physique supérieure aux recommandations de Courneya et 69, 5 % une activité inférieure. • Dans le groupe B : 27 % déclaraient une activité physique supérieure aux recommandations de Courneya et 103
DOSSIER
Activité physique et cancer
Activité physique et cancer
DOSSIER
55 % une activité inférieure. Quelques données sont également disponibles concernant les 100 patientes qui ont intégré le programme : - âge : moins de 50 ans = 33 ; plus de 50 ans = 67 ; - profession : 53 % cadre supérieur ou intermédiaire ; - IMC > 25 = 39 %.
Résultat du bilan initial
- Adaptabilité à l’effort : bonne à très bonne = 71 %. - 67 % des patientes pratiquaient une AP avant la maladie. - Motivation : diminution du risque = 20 %, poids = 40 %. - Frein principal : manque de courage = 50 %, manque de temps = 20 %.
Bilan à 6 mois
83 % déclarent une activité physique : - 45 % d’entre elles une seule fois par semaine, 28 % 2 fois, 28 % 3 fois ou plus ; - 96 % intensité modérée à intense ; - motivation : diminution du risque 34 %, poids 38 %. Des résultats plus complets seront bientôt disponibles. n
9 - Quelle formation pour les intervenants en APA ? Dr Laurent Zelek (CHU Avicenne, Bobigny) L’activité physique adaptée (APA) connaît un développement important en cancérologie et fait partie, dans un nombre croissant de structures, des soins de support couramment proposés aux patients. Si l’APA s’apparente dans cette population à une pratique soignante, plusieurs questions se posent dont celle de l’évaluation des patients : si l’APA est une thérapeutique, elle doit s’accompagner d’une démarche diagnostique ! Il n’est pas certain que le médecin soit le plus à même d’effectuer cette évaluation et donc d’être le prescripteur de l’APA, à moins d’imaginer que les spécialistes titulaires d’un DESC en médecine du sport puissent s’intégrer à des structures de soins en cancérologie ce qui, pour l’instant, n’est pas le cas. Par ailleurs, la question essentielle est celle de la qualification des intervenants en APA. Actuellement, les intervenants en APA viennent d’horizons divers et les formations vont de quelques heures à des diplômes de niveau master (cas de la filière STAPS). Si l’APA doit continuer à se développer en cancérologie, cela ne saurait continuer à se faire sur la base de la seule bonne volonté des soignants, ne fût-ce qu’en raison des problèmes de responsabilité qui ne manqueront pas d’être soulevés en cas d’incident survenant au cours de la pratique de l’APA. Il nous paraît donc utile et nécessaire de faire un état des lieux des différentes formations existantes et de
définir les champs de compétences des différents intervenants : certains patients ont de toute évidence besoin d’un professionnel formé à la pratique de l’APA, alors que d’autres peuvent pratiquer dans le cadre d’une fédération sportive.
L’exemple du Québec Sommes-nous prêts pour autant à voir apparaître une nouvelle profession de santé ? Certains pays développés ont franchi le pas : au Québec, le professionnel chargé de l’APA, notamment au cours des pathologies chroniques, est le kinésiologue. Cette profession compte quelques milliers de membres, possède une visibilité et une reconnaissance dans le milieu de la santé, et a une structure de type ordinal. Pourtant, si nous étudions le cursus universitaire des kinésiologues, il est assez comparable à celui des licences et masters de la filière STAPS. Malgré le niveau bac +3 ou +5 de ce type de formation, on constate que les jeunes diplômés peinent encore souvent à trouver dans le monde de la santé un emploi correspondant à leur niveau de formation. Parallèlement, nous avons ouvert à l’UFR de Bobigny un DU “Sport et cancer” qui s’adresse à différents publics, essentiellement éducateurs sportifs et STAPS. Nous travaillons actuellement à renforcer les liens entre le master APA et le DU.
Structurer les formations
Il faut saisir l’occasion offerte par la signature récente d’une convention entre les doyens d’UFR de médecine et leurs homologues de STAPS pour promouvoir et structurer les formations “Sport et Santé”. Il faut, bien entendu, pour cela, sensibiliser les futurs médecins à cette thématique. Il faut également former des professionnels de haut niveau, issus par exemple de la filière APA du STAPS (ou éducateurs sportifs, éventuellement après validation des acquis de l’expérience), dont la mission serait d’évaluer les besoins des patients en termes de prévention tertiaire après traitement d’une tumeur maligne. En fonction des résultats de l’évaluation initiale, les profils des patients seraient précisés et ceux-ci pourraient être dans un premier temps suivis, lorsque cela est nécessaire dans une structure de type APA, avant d’être ensuite encouragés, selon leur évolution, à pratiquer une activité dans le cadre de fédérations sportives. Si des progrès rapides ont été accomplis en mettant en place un nombre croissant de structures dédiées, il nous reste un long chemin à parcourir en matière de formation des intervenants. n
retrouvez toutes les bibliographies sur onko.fr 104
onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Retour de Congrès
4e Congrès Monaco Age Oncology 21 et 22 mars 2013 Concepts de vulnérabilité et de vieillissement en oncogériatrie Dr Gaëtan Des Guetz (Service d’Oncologie, Hôpital Avicenne, Bobigny)
L
a vulnérabilité et le vieillissement en oncogériatrie sont deux concepts discutés lors du dernier MAO, l’un au travers de pathologies gériatriques fréquentes comme les anémies, l’autre lors de sessions plus fondamentales. Ils sont intéressants à connaître avant d’envisager les différentes questions spécifiques d’organes en oncogériatrie. La vulnérabilité est une problématique classique en oncogériatrie et en gériatrie. On peut la définir comme une fragilité vis-à-vis des agressions. Les personnes vulnérables sont celles qui sont menacées dans leur autonomie, leur dignité ou leur intégrité physique ou psychique. La notion de vulnérabilité est particulièrement bien illustrée par la théorie de Bouchon (Fig. 1 et 2).
Maladie chronique ou non
On peut ainsi représenter les capacités que l’organisme mobilise dans deux situations par un diagramme. Au fil des années, les capacités mobilisables diminuent sous les effets du vieillissement. Ceci a pour conséquence de limiter les capacités de résistance au stress d’abord puis, finalement, même de limiter les capacités nécessaires dans les conditions basales. La vulnérabilité correspond à cette zone intermédiaire où les capacités sont insuffisantes en cas de stress mais onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Tableau de défaillance d’organes sans pathologie d’organes (1+2+3) Performances de l’organe Effet du vieillissement sur les performances d’organe (1) Pathologies d’organes (2) Affections intercurrentes (3) Avec ou sans traitement ( ?)
1 2 3 ?
?
3
?
Seuil de défaillance
Figure 1 - Modifications liées au vieillissement tissulaire (Bouchon, 1984).
permettent néanmoins de fonctionner dans des conditions basales. Les deux exemples de situation (accident, maladie ou complications) provoquant une vulnérabilité accrue sont schématisés sous deux formes. Dans le cas d’un accident ou d’une maladie aiguë, il existe une perte brutale des capacités étant la conséquence de l’accident. Il est d’ailleurs possible de récupérer un état se rapprochant de l’état initial après résolution de l’affection. Parmi des évènements stresseurs à l’origine de décompensation aiguë, on pourra citer l’infection, l’embolie pulmonaire, une anémie aiguë ou encore une chimiothérapie… Par contre, dans le cas de maladies chroniques comme un cancer avec dégradation progressive de l’état général, les capacités fonctionnelles diminuent lentement et inexorablement.
Critères de fragilité
Les risques associés à la fragilité
sont bien connus avec des pathologies en cascade, des hospitalisations répétées et prolongées aboutissant à une institutionnalisation (risque multiplié par 9 par rapport à un sujet vigoureux), et enfin un risque de décès multiplié par 4 à 3 ans et par 3 à 5 ans. Il apparaît donc nécessaire et indispensable de reconnaître la fragilité des patients pris en charge, ceci avant le stade de décompensation, afin de mettre en œuvre des actions préventives visant à éviter ou retarder une décompensation et donc de cibler les groupes de patients pour lesquels des soins gérontologiques sont à proposer. Des critères ont été précisés pour définir la fragilité, issus d’une société cardiologique, ils permettent néanmoins de caractériser par une perte de forces la fragilité. Cinq critères la définissent : - la faiblesse musculaire de préhension (grip strength), - un amaigrissement involontaire, - l’épuisement, - la diminution de vitesse de marche, 105
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A Capacités fonctionnelles
Maladie de durée limitée entraînant une perte de capacités fonctionnelles
Besoins en situation de stress
B Capacités fonctionnelles Besoins en situation de stress
Vulnérabilité
Besoins dans les conditions basales
Maladie chronique entraînant une perte de capacités fonctionnelles
Vulnérabilité
Besoins dans les conditions basales Avance en âge
Avance en âge
Figure 2 - Capacité de réserve et séquelles de pathologies. A : Maladie de durée limitée entraînant une perte de capacités fonctionnelles. B : Maladie chronique responsable d’une perte de capacités fonctionnelles.
- et une baisse d’activité physique. Ces cinq critères permettent de repérer trois états : non-fragile (pas de critères), préfragile ou intermédiaire (un à deux critères), et fragile (trois critères ou plus).
L’évaluation gériatrique
L’évaluation gériatrique est la méthode classique pour bien évaluer les patients âgés. Elle est à envisager dès que le patient est susceptible de présenter un syndrome gériatrique, perte d’autonomie par exemple. Celle-ci est évaluée par une échelle appelée IADL qui détermine les limitations fonctionnelles (capacité à se déplacer seul en dehors de chez soi, faire ses courses, etc.). Il apparaît ainsi qu’il faut envisager les patients différemment d’un angle purement thérapeutique lors de leur prise en charge. Il existe un substratum largement exploré en gériatrie qui peut aider l’oncologue dans sa réflexion et sa décision. A côté de la vision clinique, il existe également une vision biologique qu’il est passionnant d’appréhender déjà d’une manière très simple par l’antinomie entre les cellules vieillissantes constituant un organisme mortel et les cellules cancé106
reuses dont le nombre de divisions apparaît souvent illimité.
L’importance des télomères
Il existe des rationnels biologiques intéressant les deux disciplines (l’oncologie et la gériatrie) comme l’efficacité de la télomérase, les conséquences du stress oxydatif ou l’efficacité du protéasome. Les télomères (ou extrémités des chromosomes) sont fondamentaux, permettant la fixation des chromosomes aux membranes nucléaires. Elles correspondent à des séquences nucléotidiques (TTAGGG) se raccourcissant à chaque division cellulaire. Elles sont appelées ainsi horloges biologiques. La télomérase est l’enzyme clé qui rallonge l’ADN, il s’agit d’une transcriptase inverse. Lorsque la taille du télomère devient critique les divisions s’arrêtent. Le protéasome est une machinerie d’élimination des protéines endommagées. Lors du vieillissement, le protéasome est souvent l’objet de dysfonctionnements et il apparaît beaucoup de protéines anormales dans la cellule. Cette structure est la cible de traitement dans le myélome.
Enfin et surtout, ce sont les gènes de longévité qui ont été découverts et sont intriqués à des processus de développement de cancers. Le modèle utilisé est un nématode fait de 1 031 cellules et ayant une durée de vie très courte, C elegans. Les manipulations permettent donc d’observer plus facilement des modifications dans la longévité de l’animal. Le premier gène de longévité décrit en 1993 est le gène DAF (pour Dauer Formation, en allemand Dauer signifie durée). Lorsque C elegans est muté pour DAF-2, il vit deux fois plus longtemps que la souche nonmutée. On a déterminé ensuite que DAF-2 code pour le récepteur de l’insuline. On sait également que la voie de l’IGF est très importante en oncologie. Des souris mutées au niveau du récepteur de l’insuline vivent plus longtemps. La voie de l’IGF1 contrôle des protéines impliquées dans des phénomènes cellulaires tels que le stress oxydatif.
Conclusion
Au final, on peut considérer que l’oncogériatrie utilise des concepts cliniques et biologiques qu’il est utile de connaître. Il existe à l’évidence des connaissances en oncoonko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Congrès Monaco Age Oncology
logie qui permettent de réfléchir à des nouveaux axes de recherche sur le vieillissement, mais l’Homme est complexe et largement sensible à l’environnement rendant ainsi les
modèles animaux limités. Nous sommes à l’orée d’une nouvelle ère où la connaissance du génome permettra de progresser dans ces domaines respectifs. n
Mots-clés : Télomères, Critères de fragilité, Evaluation gériatrique, Oncogériatrie, Défaillance d’organes
L’âge, un facteur de toxicité des traitements : Mythe ou réalité ? Dr Thierry Landré (Pharmacien, UCOG 93, Hôpitaux universitaires Paris-Seine-Saint-Denis)
Toxicité et âge : mythe ou réalité ?
Le 4e Monaco Age Oncology s’est tenu du 21 au 22 mars 2013 à Monaco. La séance inaugurale était présentée par Lodovico Balducci, un des pionniers de l’oncogériatrie. Cette séance était intitulée « Age : un facteur de toxicité des traitements, mythe ou réalité ? ». Pour commencer sa présentation, Lodovico Balducci a rappelé que la prise en charge d’un sujet âgé atteint de cancer est complexe et que l’efficacité des traitements oncologiques paraît semblable à celle des sujets jeunes à condition que les patients aient des réserves fonctionnelles suffisantes pour les tolérer. La crainte de la toxicité est constamment présente en oncogériatrie et se paye malheureusement au prix fort, c’est pourquoi la recherche clinique et les études spécifiques à cette population devront à l’avenir établir des posologies de traitements oncologiques adaptées aux patients âgés.
Réhabilitation postopératoire du sujet âgé
Le premier thème abordé était celui de la réhabilitation postopératoire du sujet âgé, présenté par Marc-Alexandre Theissen. Le principal objectif de la prise en charge péri-opératoire des sujets âgés onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
est de limiter la morbidité et la mortalité associées à la chirurgie. Il concerne les trois temps de la prise en charge préopératoire, peropératoire, et postopératoire. Ce travail de réhabilitation doit être réalisé de façon multidisciplinaire et concerne à la fois les chirurgiens, les anesthésistes, les gériatres, les oncologues et les autres professionnels de santé impliqués dans la prise en charge gériatrique. Grâce à cette démarche, il est clairement établi que l’on peut raccourcir la durée d’hospitalisation. Le principe de cette réhabilitation commence à la phase préopératoire. Le rôle du gériatre consiste notamment à identifier les comorbidités du patient et à réviser son ordonnance habituelle en limitant la polymédication pour prévenir la iatrogénie. Le gériatre veille également à ce que le patient arrive le jour de l’opération dans un état nutritionnel et d’hydratation satisfaisant. En postopératoire, le gériatre a encore un rôle primordial qui consiste à assurer une analgésie adéquate sans tomber dans la surconsommation de morphiniques. Il s’emploie aussi à effectuer une mobilisation précoce du patient et une renutrition rapide.
Métabolisme et toxicités des chimiothérapies
La deuxième présentation était
celle de François Lokiec sur le thème « Métabolisme et toxicités des chimiothérapies ». Dans son exposé, il souligne qu’il existe des modifications physiologiques liées à l’âge du point de vue de la pharmacocinétique et ce à chaque étape : absorption, distribution, métabolisme et élimination. L’absorption du médicament se trouve modifiée, notamment en raison de la diminution de l’acidité gastrique mais aussi de la diminution de la motilité gastrointestinale. Du point de vue de la distribution, la fraction libre des médicaments est nettement plus élevée chez les sujets âgés en raison de la diminution de la concentration plasmatique de l’albumine, de la fréquence de l’anémie mais aussi d’une répartition différente allant plus vers la masse grasse compte tenu de la diminution de la masse musculaire. Concernant la métabolisation hépatique des médicaments, elle diffère peu de celle du sujet jeune. En revanche, le principal paramètre perturbé par l’âge est celui de l’élimination rénale. En effet, tous les paramètres de l’élimination sont diminués, que ce soit la filtration, la réabsorption, la sécrétion. Il est donc indispensable de mesurer la clairance de la créatinine par la formule MDRD ou par la formule de Cockcroft avant de prescrire une thérapie anticancéreuse. 107
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Thérapies ciblées chez le patient âgé
La troisième présentation était celle d’Elisabeth Carola ayant pour thème « Thérapies ciblées chez le patient âgé, les toxicités sontelles attendues, plus redoutées chez cette population ? Y a-t-il une surveillance particulière de ces traitements ? ». Il existe, à l’heure actuelle, finalement peu de données spécifiques aux sujets âgés et ceci par un manque d’études. Les données sont très hétérogènes et parcellaires avec des limites d’âge qui peuvent varier selon les études (60, 65, 70 ans). L’efficacité des traitements apparaît similaire aux patients plus jeunes. La toxicité apparaît, elle, légèrement plus élevée chez les patients âgés notamment en termes d’anémie, d’anorexie et de fatigue, mais des études spécifiques sont attendues pour confirmer ces premières constations. On retiendra pour le sunitinib une toxicité identique aux sujets jeunes sauf pour l’asthénie qui semble plus importante. Dans le cancer du rein pour le sunitinib, il n’y a pas de contre indication absolue de ce médicament en population âgée.
Pour le sorafenib, on constate qu’il y a plus de réductions de doses chez les patients âgés et on observe plus d’anémie et plus d’anorexie. Pour le bevacizumab, la toxicité est identique à celle du sujet jeune a priori. Certaines études pourront montrer notamment qu’il y a une différence de survenue de thrombose veineuse liée à l’âge. Concernant les anticorps monoclonaux, on ne retrouverait pas plus de toxicité chez le sujet âgé pour le cetuximab. Pour le trastuzumab, on constate potentiellement plus de dysfonction ventriculaire gauche. Concernant l’erlotinib, il n’y aurait pas de différence de toxicité.
Cardiotoxicité des anthracyclines chez le sujet âgé
La dernière intervention était celle de Gilles Freyer sur « La cardiotoxicité des anthracyclines chez le sujet âgé ». On rappelle que cette cardiotoxicité est constante dès la première dose, qu’elle est cumulative, irréversible et que sa sensibilité est individuelle. En règle générale, l’utilisation d’anthracyclines est associée à une
augmentation du risque d’insuffisance cardiaque congestive de 26 %. L’augmentation du risque est plus élevée et plus sévère chez la femme âgée. La toxicité sur un plan pharmacocinétique apparaît prédominante au niveau du pic plasmatique. Gilles Freyer rappelle qu’une étude de 2007 parue dans le Journal of Clinical Oncology retrouve un taux d’insuffisance cardiaque congestive à 10 ans de l’ordre de 38 % dans le groupe des patients ayant reçu des anthracyclines. Les facteurs de risque associés à cette cardiotoxicité sont l’hypertension artérielle, le diabète, la coronaropathie, l’âge et l’utilisation du trastuzumab. La prudence est donc particulièrement de mise lors du recours à ces molécules chez la femme âgée. Gilles Freyer préconise de ne pas utiliser les anthracyclines chez les sujets âgés, en attente là encore, d’études spécifiques concernant l’efficacité et la tolérance de ces n molécules.
Mots-clés : Toxicité, Patient âgé, Cardiotoxicité, Thérapie ciblée
Débat autour de la fin de vie, d’après la conférence de Jean Leonetti Dr Cherifa Taleb (Gériatre, SSR oncogériatrie, Hôpital René-Muret, Sevran)
Monsieur Leonetti a présenté un débat autour de la question de la fin de vie et les caractéristiques propres des soins réellement terminaux qui viennent modifier les comportements de tous, soignants et soignés. La manière de considérer les soins palliatifs évolue puisqu’ils ne sont plus uniquement perçus comme des soins “terminaux” mais comme des soins au108
tour de la personne dans le respect de la vie humaine.
Débat autour de l’éthique
L’éthique ne doit pas être envisagée comme une morale établie mais plutôt comme une réflexion sur les pratiques et la prise en compte de la qualité de vie ainsi que de
l’attention portée aux symptômes. L’orateur aborde la frontière difficile entre le curatif et le palliatif (il est nécessaire de toujours se poser la question de l’utilité d’un soin lors d’une prise en charge difficile), et le conflit entre l’éthique et la science. Il aborde également la question autour de la personne et le respect de la vie humaine où fragilité et liberté sont souvent opposées. onko + • Mai 2013 • vol. 5 • numéro 39
Congrès Monaco Age Oncology
Débat autour des peurs de chacun
Il y a la peur du médecin (« peur de ne pas en faire assez ») : est-ce que tout est possible et souhaitable humainement pour cette personne ? Le médecin se retrouve confronté à la question : jusqu’où aller dans les soins ? Où est le raisonnable ? Il y a également la peur du malade : l’horizon de la mort semble se rapprocher lorsqu’arrive la maladie cancéreuse. Le malade se pose alors la question : et comment vais-je mourir ? Rapidement ou pas ? Dans quelles conditions ? Le patient éprouve la peur de “mal” mourir. L’angoisse de la mort avec ses représentations pénibles étreint le malade. Dans la société actuelle qui prône la force et l’utilité, le malade est renvoyé à une image négative de sa personne.
Ce que la loi change La loi Leonetti de 2005 a permis d’apporter des réponses et d’encadrer la prise en charge en fin de vie. La loi interdit de s’obstiner dans le déraisonnable. Mais comme l’a rappelé M. Leonetti, il convient d’accompagner le patient : « je ne t’abandonnerai pas », « je passe du curatif au palliatif », dans le respect du patient et dans la préservation de sa dignité. Il faut essayer de concilier les traitements palliatif et curatif et ne pas opposer la démarche à l’accompagnement. Le confort du patient doit être la préoccupation permanente et l’utilisation des morphiniques (type antalgiques de palier III) permet souvent une meilleure qualité de vie et ne conduit pas à la mort contrairement aux idées reçues.
L’orateur a décrit les différentes difficultés pour le médecin à lâcher prise et ne pas dire que « je n’ai rien à faire ». Et finalement, il s’agit de l’acceptation de la mort et le respect de la vie : accompagner est tout ce qui reste à faire quand il n’y a plus rien à faire. Il est parfois difficile pour le médecin de modifier son attitude quand le malade arrive en fin de vie et de modifier son orientation, ce qui conduit parfois à l’obstination déraisonnable. Paradoxalement, ceci est responsable parfois, soit de l’abandon du patient, soit de l’idée d’abréger les souffrances. Dans la loi sur la fin de vie, la qualité prime sur la durée de vie et doit être la préoccupation de l’équipe soignante. Par exemple, pour un patient diabétique : pas de protocole rigide (exemple des régimes stricts).
La préoccupation majeure des soignants Le dernier point abordé a été la préoccupation de l’équipe soignante qui doit se porter sur le juste soin à donner pour une meilleure qualité de vie. « Il faut de l’humilité et accepter cette mort qui vient et respecter ce temps de vie », il y a une mission sociale humaine et médicale. Souvent pour le patient et sa famille, mais aussi l’équipe soignante, il existe plusieurs sentiments ambivalents et fluctuants (l’obstination déraisonnable sur le moment / la révolte devant l’arrivée de la mort / l’acceptation et arrêter de faire), qui peuvent rendre difficile la réflexion sur le projet de soin. D’où la nécessité d’un dialogue et de travailler en
équipe multidisciplinaire pour une interrogation utile, que le patient soit conscient ou inconscient. L’éthique doit être au cœur de la décision médicale, d’autant plus chez les sujets âgés vulnérables privés de leur autonomie. La demande de sédation terminale exprimée par le patient et parfois ses proches doit nous faire rechercher une souffrance. Par un vieux texte d’Ulysse et de Prométhée, l’orateur a illustré la nécessité d’accepter la force et la vulnérabilité de l’humain. Enfin, l’orateur a insisté sur la relation et l’écoute entre médecin et patient.
Table ronde autour des prs SCHEINDER et FRANCO
Il est fait un rappel sur les concepts de fragilité et l’apport de l’intervention gériatrique et de réversibilité. Ils ont abordé la détresse spirituelle des malades et remercié M. Leonetti pour le fait que la loi de 2005 ait permis une avancée et l’amélioration de la prise en charge des malades en fin de vie. D’autre part, un rappel a été fait concernant la multidisciplinarité de la décision. Enfin, M. Leonetti a abordé le problème délicat de l’euthanasie qui reste une transgression et qui ne peut donc être inscrite dans la loi. La sédation terminale en cas de souffrance n importante reste à discuter.
Mots-clés : Sédation terminale, Fin de vie, Ethique, Loi Leonetti
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