Onko40 complet

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Revue pluridisciplinaire en Oncologie

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Coordination scientifique : Dr Thierry Bouillet Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Charlène Catalifaud • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • ­Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette et Illustration : Antoine Orry, Rémi Andrieux • Chef de ­publicité : Catherine ­Patary-Colsenet • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne - 60205 Compiègne oncologie générale Responsable éditorial : Thierry Bouillet (Bobigny), Didier Ammar (Marseille), Céline Bourgier (Villejuif), Eric Dudoit (Marseille), Paul Escure (Bobigny), Karen Kraeuter (Bobigny), Frédéric Selle (Paris), Marc Spielmann (Villejuif), Laurent Zelek (Bobigny) oncologie digestive Responsables éditoriaux : Jean-Didier Grangé (Paris), Gaëtan Des Guetz (Bobigny) Sophie Dominguez (Lille), Philippe Merle (Lyon) oncologie gynécologique et mammaire Responsable éditorial : Pierre Collinet (Lille) Katty Ardaens (Seclin), Bénédicte Comet (Lille), Paul Cottu (Paris), Eric Lambaudie (Marseille), Anne Lesoin (Lille), Olivier Romano (Lille), ­Richard Villet (Paris)

sommaire Septembre 2013 • Vol. 5 • N° 40 • Cahier 1

www.onko.fr

n à connaître

Le carcinome de Bellini : que retenir de cette tumeur rare ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 110 Dr Louis-Marie Dourthe (Strasbourg)

n thérapeutique Cancer du côlon : prévenir les neuropathies périphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 112

Dr Gaëtan des Guetz (Bobigny)

n mise au point . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La théorie du chaos en oncologie Vers une approche déterministe de la dynamique tumorale ?

Pneumologie et oncologie Responsable éditorial : Emmanuel Martinod (Bobigny) Patrick Bagan (Argenteuil), Pierre-Yves Brillet (Bobigny), Laurent Brouchet (Toulouse), Jean Baptiste Chadeyras (Clermont-Ferrand), ­Kader Chouahnia (Bobigny), Bertrand De-Latour (Rennes), Hervé Dutau (Marseille), Pierre-Emmanuel Falcoz (Strasbourg), Sophie Jaillard (Lille), René Jancovici (Saint-Cloud), Jacques Jougon (Bordeaux), Christophe Lancelin (Brest), Christine Levy (Bobigny), Gilbert Massard (Strasbourg), Isabelle Monnet (Créteil), Jean-Marc Naccache (Bobigny), Dana Radu (Bobigny), Pierre Saintigny (Houston, USA), Agathe Seguin-Givelet (Bobigny), Pascal-Alexandre Thomas (Marseille), Yurdagul Uzunhan (Bobigny) uro-oncologie Comité éditorial : Stéphane Culine ­(Créteil), Alexandre de la Taille (Créteil), ­Christophe ­Hennequin (Paris), Bernard Malevaud (Toulouse), Catherine Mazerolles (Toulouse)

p. 114

Dr Fabrice Denis

n Focus sur

Une nouvelle option pour le cancer de la prostate métastatique : l’acétate d’abiratérone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 126

Dr Kader Chouahnia (Paris, Seine-Saint-Denis)

n Relation médecin-patient

La consultation d’annonce en oncologie médicale : le gage d’une bonne prise en charge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 130 Dr Zoher Merad-Boudia (Lyon)

pharmacologie et oncologie Responsable éditorial : Vincent Launay-Vacher (Paris) Gaël Deplanque (Paris), François Lokiec (Paris), Johanna Wassermann (Paris) OnKo + est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : onkoplus@expressiongroupe.fr Site : www.onko.fr RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0414 T 89810 ISSN : 2101-9495 Mensuel : 10 numéros par an

n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p. 125

n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p. 132

n Petites annonces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

p. 132

Les articles de “OnKo +” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

OnKo+ est indexé dans la base Pascal.

Crédit de couverture et sommaire : © 3quarks -123rf Cette publication comporte 2 cahiers : un cahier 1 (28 pages) et un cahier 2 (16 pages). Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages).


À CONNAÎTRE Urologie

Le carcinome de Bellini Que retenir de cette tumeur rare ? n Cet article fait le point sur le carcinome de Bellini à partir d’un cas clinique, et reprend les données de la littérature actuellement connues pour le prendre en charge. Dr Louis-Marie Dourthe* Cas clinique Examen clinique Mme WM, 54 ans, consulte son médecin traitant pour une tuméfaction claviculaire droite douloureuse. L’examen clinique est négatif en dehors de cette tuméfaction. La patiente souffre d’une asthénie et d’un amaigrissement depuis quelques semaines. Il n’ y a aucune autre symptomatologie, en particulier urinaire.

Scanner, scintigraphie et examens biologiques Un scanner thoraco-abdominopelvien est demandé pour rechercher une tumeur primitive au vu de l’aspect radiologique de la clavicule qui évoque une atteinte secondaire osseuse. Il révèle un syndrome tumoral rénal gauche avec de multiples adénopathies péripédiculaires. La scintigraphie osseuse montre de nombreuses métastases au niveau du grill costal, de la clavicule et du rachis. Les analyses biologiques montrent une anémie, une élévation des LDH à trois fois la normale. La calcémie est subnormale.

Intervention chirurgicale Au vu de cette présentation agressive et du fait de l’atteinte métastatique d’emblée, la néphrectomie est discutée. Une biopsie osseuse confirme la métastase d’une tumeur présumée rénale, une biopsie rénale affirme le caractère néoplasique avec un aspect peu différencié compatible avec un carcinome tubulo-acineux. Il est *Oncologue, Strasbourg

110

finalement décidé une néphrectomie avec curage lombo-aortique. L’examen anatomopathologique est en faveur d’un carcinome agressif de haut grade des tubes collecteurs de grade 3 de Fürhman, aussi appelé tumeur de Bellini.

Radiothérapie et chimiothérapie Une radiothérapie antalgique est réalisée sur la clavicule et le rachis et une chimiothérapie de type gemcitabine-cisplatine est entreprise secondairement. Quatre cycles sont réalisés, avec une tolérance clinique et biologique correcte mais sans efficacité puisque la patiente présente une progression osseuse clinique et iconographique. Un traitement par temsirolemus est alors proposé, dont douze cycles seront administrés, sans toxicité patente, mais là encore sans efficacité. Du fait de cette évolution péjorative et en raison d’une altération de l’état général importante, il est décidé d’une attitude palliative pure avec soins de confort.

Les tumeurs du rein : généralités Les tumeurs du rein sont relativement rares. Elles représentent, en Europe en 2008, environ 70 000 nouveaux cas, pour 32 000 décès (1). La majorité sont des carcinomes à cellules claires, les autres histologies sont des tumeurs papillaires et chromophobes. Ces trois entités représentant 90 % des cas. Il existe donc 10 % de tumeurs rares parmi lesquelles on individualise les carcinomes des canaux collecteurs du rein ou tumeur de

Bellini, dont la première description daterait de 1949 par Foot et Papanicolaou (2). La distinction avec un carcinome rénal fut reconnue en 1986 par Fleming (3) qui livra une description détaillée de l’aspect anatomopathologique. Des critères diagnostiques furent enfin proposés en 1997 et 1998 (4). Leur point de départ est médullaire, avec une infiltration du parenchyme mais sans envahissement des cavités excrétrices.

A propos des tumeurs de Bellini De multiples publications rapportent régulièrement des nouveaux cas. Il n’existe malheureusement pas de nombreuses séries du fait de la rareté de cette entité, la plus importante étant celle de Tokuda qui a retrouvé 81 cas confirmés au Japon, à partir des données de 281 établissements (5). On estime qu’elle représente environ 1 % des néoplasies rénales (1). L’âge de survenue est en général autour de la cinquantaine, avec des extrêmes allant de 6 à 87 ans (6). Il existe une prépondérance masculine claire (5, 6). Les circonstances de découverte ne sont pas différentes d’une tumeur classique : hématurie, douleur, altération de l’état général (7), découverte fortuite (5). Il n’est pas retrouvé dans la littérature de facteurs favorisants. La question d’une intoxication tabagique a été soulevée (8).

Quelle prise en charge ? Chirurgie La prise en charge diffère finaleonko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


Le carcinome de Bellini

ment peu d’une tumeur classique. Dans la plupart des cas, les patients subissent une néphrectomie qui permet d’affirmer le diagnostic grâce à l’examen anatomopathologique de la pièce. La tumeur semble située préférentiellement au centre du rein, elle est ferme et mal limitée, d’aspect gris brun à la coupe, parfois hémorragique, avec des nodules satellites. Au microscope, l’architecture associe des structures papillaires, tubulaires ou microkystiques. Les cellules sont de grande taille, nucléolées, acidophiles, le noyau est lui aussi volumineux. Le grade de Führman est élevé, quasi constamment 3 ou 4. Le profil immuno-histochimique montre une positivité pour les marqueurs vasculaires, les cytokératines de hauts poids moléculaires et la vimentine. Il existe enfin de nombreuses altérations chromosomiques hétérogènes (8). Même si cette attitude chirurgicale classique est quasi systématique, elle a néanmoins été remise en cause, du fait du très mauvais pronostic et de la présentation métastatique fréquente (9). Les auteurs préconisent la réalisation d’une biopsie initiale pour affirmer le diagnostic, en cas d’argument iconographique pour une tumeur de Bellini. Cependant, il n’existe manifestement pas de critères radiologiques permettant d’orienter le diagnostic, au-delà d’une tendance à un développement vers le sinus du rein pour les tumeurs de faible volume (8). Quand cette néphrectomie est réalisée, on note un taux important d’envahissement de la veine rénale qui est, selon les séries, estimé de 30 à 80 % (8).

Chimiothérapie Au-delà de l’aspect chirurgical, la chimiothérapie reste le traitement de référence, mais avec des résultats pauvres. Il est rapporté de façon anecdotique une chimiothérapie adjuvante associant gemcitabine et cisplatine (10), il n’existe cependant pas de standard pour une telle prise en charge. Du fait de la ressemblance histologique avec les tumeurs urothéliales, l’association suscitée est le traitement de référence en situation métastatique, après les résultats d’une phase II du GETUG sur 23 patients, avec un taux de réponse de 26 %, une survie sans progression de 7,1 mois, une survie globale de 10,5 mois (11). Si de multiples cytotoxiques ont été employés dans le passé (paclitaxel, 5-FU, adriamycine, ifosfamide) sous la forme de protocole Mvac ou d’association paclitaxel, ifosfamide, cisplatine (10), et si des tentatives de traitements par immunothérapie ont aussi été rapportées (10) avec des combinaisons interféron et interleukines, les données récentes concernent plus les thérapeutiques ciblées. Le bévacizumab semblent apporter un bénéfice dans la prise en charge des tumeurs urothéliales si on en croit les résultats d’une phase II gemcitabine, cisplatine, bévacizumab en première ligne métastatique, avec un taux de réponse de 72 %, une survie sans progression de 8 mois et une survie globale médiane de 19 mois. L’effectif était cependant faible (43 patients). Du fait de ces résultats, plusieurs cas de tumeur de Bellini traités par cette combinaison sont retrouvés dans la littérature (1). Le sunitinib, le sorafénib

et le temsirolimus ont aussi été utilisés de façon ponctuelle, avec comme rationnel l’expression par la tumeur du VEGFR et du PDGFR (7), sans résultats majeurs mais avec un profil de toxicité acceptable. Les auteurs concluent à la nécessité de biomarqueurs prédictifs de l’efficacité. Au total, le standard semblent être une première ligne par gemcitabine-cisplatine, avec un recours en seconde ligne aux anti-angiogéniques, en sachant qu’il n’existe pas de données solides dans la littérature et que l’utilisation est hors AMM. Le pronostic est désastreux, du fait de l’agressivité tumorale fréquente, du caractère métastatique au diagnostic et de l’absence d’efficacité majeure du traitement. Cependant, en cas de tumeur isolée, après néphrectomie, la survie est comparable à celle des tumeurs rénales à cellules claires (12).

Conclusion Au total, le carcinome de Bellini est une tumeur rare dont le pronostic rejoint celui des tumeurs de Grawitz lorsqu’il est diagnostiqué tôt, mais dont l’évolution est redoutable en cas de forme métastatique d’emblée. La prise en charge chirurgicale est comparable aux tumeurs habituelles, mais le traitement médical est calqué sur les carcinomes urothéliaux, du fait de la ressemblance histologique. L’avenir semble être aux thérapeutiques ciblées mais la rareté de cette entité rend difficile la réalisation d’essais prospectifs pour le confirmer. n

Mots-clés : Carcinome de Bellini, Conduite à tenir, Chirurgie, Chiomiothérapie

Bibliographie 1. Teghom C, GachetJ, Scotté F. La tumeur de Bellini. Bull Cancer 2011 ; 98 : 1230-2. 2. Foot NC, Papanicolaou GN. Early renal carcinoma in situ detected by means of smart of fixed urinary sediment. J Am Med Assoc 1949 ; 139 : 356-8. 3. Fleming S, Lewi HJ. Collecting duct carcinoma of the kidney. Histopathology 1986 ; 10 : 1131-41. 4. Srigley JR, Eble JN. Collecting duct carcinoma of kidney. Semin Diagn Patho 1998 ; 15 : 54-67. 5. Tokuda N, Naito S, Matsuzaki O. Collecting duct (Belliniduct) renal cell carcinoma : a nationwide of renal cancer. J Urol 2006 ; 176 : 40-3. 6. Gupta R, Bilis A, Shah R. Carcinoma of the collecting ducts of Bellini and renal medullary carcinoma. Am J Surg Pathol 2012 ; 36 : 1265-78. 7. Procopio G, Verzoni E, Iacovelli R. Is there a role for targeted therapies in the collecting ducts of Bellini carcinoma ? Efficacy data from a retrospective analysis of 7 cases. Clin Exp Nephrol 2012 ; 16 : 464-7. onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

8. Sallami S, Tanguour M, Ben Rhouma S. Bellini renal cell carcinoma : Diagnosis and treatment. A report of 7 cases. La Tunisie Medicale 2011 ; 89 : 792-6. 9. Mejean A, Rouprêt M, Larousserie F. Is there a place for radical nephrectomy in the presence of metastatic collecting duct (Bellini) carcinoma ? J Urol 2003 ; 169 : 1287-90. 10. Staehler M, Schöppler G, Haseke N et al. Carcinoma of the collecting ducts of bellini of the kidney : Adjuvant chemotherapy followed by multikinase inhibition with Sunitinib. Clinical Genitourinary Cancer 2009 ; 7 : 58-61. 11. Oudar S, Banu E, Vieillefond A. Prospective multicenter phase II study of Gemcitabine plus platinium salt for metastatic collecting duct carcinoma : results of a GETUG (Groupe d’études des tumeurs uro-génitales) study. J Urol 2007 ; 177 : 1698-702. 12. Karakiewicz PL, Trinh QD, Riuox-Leclercq N. Collecting duct renal cell carcinoma : a matched analysis of 41 cases. Eur Urol 2007 ; 52 : 1140-5.

111


Thérapeutique Digestif

Cancer du côlon et oxaliplatine Prévenir les neuropathies périphériques Dr Gaëtan des Guetz*

Introduction Le protocole de type FOLFOX est, et reste, un standard depuis près de 20 ans dans les traitements du cancer du côlon, que l’on soit au stade adjuvant ou métastatique de la maladie. La toxicité principale de l’oxaliplatine est la neuropathie périphérique qui peut parfois être très gênante pour les patients. Celle-ci apparaît au froid et s’intensifie au fil des cures, généralement au bout de 5 mois, c’est-à-dire dix cycles ou 850 mg/m² pour les protocoles de type FOLFOX 4. Les schémas de type Optimox ou stop and go permettent d’envisager l’arrêt puis la reprise du traitement afin d’éviter les complications de cette drogue majeure. Des neuroprotecteurs ont été testés mais n’ont pas vu le jour. En revanche, des associations de perfusion de calcium et de magnésium sont testées depuis plusieurs années avec des résultats variables. Surtout, on craignait un effet délétère, difficilement explicable, de ces traitements. Il apparaissait donc particulièrement intéressant de réaliser une méta-analyse sur ce sujet controversé (1, 2). Référence : When F et al. Ca/Mg infusions for the prevention of oxaliplatin-related neurotoxicity in patients with colorectal cancer: a metaanalysis. Ann Oncol 2013 ; 24 : 171-8.

ÉVALUATION d’une PERFUSION DE CALCIUM ET DE MAGNÉSIUM Sept études ont été analysées pour cette méta-analyse (1 170 patients traités en situation adjuvante ou métastatique) : quatre essais de phase III randomisés et trois études * Service d’oncologie, Hôpital Avicenne, Bobigny

112

rétrospectives, avec respectivement 214 (18,3 %) et 956 (81,7 %) patients. Parmi eux, 802 ont reçu des perfusions de calcium et magnésium (groupe Ca/Mg) et 368 n’en ont pas reçues (groupe témoin). Les patients du bras Ca/ Mg ont reçu le Ca et le Mg avant et après l’oxaliplatine. Les patients du bras contrôle ont reçu un placebo ou aucun traitement. Cette métaanalyse a été réalisée à partir des données de la littérature, et non sur des données individuelles, ce qui limite, d’un certain point de vue, ces conclusions. Néanmoins, sept études ont été retrouvées. Il existe, dans cette sélection, à la fois des études prospectives (une étude japonaise avec 33 patients, l’étude française de Gamelin, NEUROXA avec 52 patients, l’étude américaine du NCCTG de Grothey avec 102 patients et une étude de phase II avec 27 patients) et rétrospectives représentant les trois-quarts de l’effectif avec, notamment, l’étude européenne de Knijn, CAIRO II (732 patients). Selon la cotation de l’échelle de toxicité du NCI, l’incidence des neuropathies aiguës de grade 3 était plus faible dans le groupe traité (OR = 0,26 ; intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) : 0,110,62 ; p = 0,0002). Le taux d’arrêt était également significativement réduit (OR = 0,23 ; IC 95 % : 0,10-0,55 ; p = 0,001). Parmi les 893 patients des deux études rétrospectives (Knijn et Gamelin 2004, référence 2 citée), le taux global de neuropathie chronique était significativement réduit (OR = 0,42 ; IC 95 % : 0,260,65 ; p = 0,0001), de même que celui des neuropathies de grade 3 (OR =

0,56 ; IC 95 % : 0,36-0,90 ; p = 0,02). Les différences dans les doses totales étaient impressionnantes (MD = 246,73 mg/m² ; IC 95% : 3,01490,45 ; p = 0,05).

discussion Un bénéfice apparaît pour les patients ayant des neuropathies de grade 2 ou plus (OR = 0,67 ; IC 95 % : 0,50-0,88 ; p = 0,004) : analyse de sous-groupe selon le type d’études, prospective, non significatif (OR = 0,60 ; IC 95% : 0,30-1,22 ; p = 0,16) ou rétrospective qui porte le résultat (OR = 0,68 ; IC 95 % : 0,50-0,92 ; p = 0,01) (Fig. 1). Surtout, il n’existait pas de différence dans les taux de réponse (Fig. 2) pour les patients métastatiques (sur 4 études, dont les 2 études prospectives de Gamelin et Ishibashi avec 43 patients au total), ni sur les risques de rechute ou la survie globale (MD = 0,10 mois ; IC 95 % : -0,41-0,61 ; p = 0,70). Au total, l’incidence de celle-ci était significativement réduite dans le bras Ca/ Mg (OR = 0,42 ; IC 95 % : 0,27-0,65 ; p = 0,0001). Lors du dernier congrès de l’ASCO, une nouvelle pierre à l’édifice fragile de cette question a été posée. Un résultat négatif qui pourrait peut-être sceller définitivement cette problématique. Le FOLFOX associé ou non aux perfusions de magnésium et de calcium a été testé chez 353 patients. Aucun des critères étudiés (échelle de qualité de vie spécifique EORTC QLQCIPN20, de toxicité neurologique) n’est amélioré par les perfusions de Ca/Mg (3). On pourrait ainsi proposer de réaliser une mise à jour de cette méta-analyse mais aura-t-on finalement une réponse définitive ? n onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


CANCER DU CÔLON ET OXALIPLATINE Ca/Mg Etudes ou sous-groupes

Contrôle

Odds Ratio

Evénements Total Evénements Total Poids M-H fixé, IC 95 %

Odds Ratio Année

M-H fixé, IC 95 %

1.3.1 RCTs Keiichiro Ishibaschi 2010

2

17

1

16 0,8 % 2,00 (0,16-24,48)

2010

Chay WY 2010

7

13

7

14 2,6 % 1,17 (0,26-5,29)

2010

Grothey A 2011

11

50

21

52 13,3 % 0,42 (0,17-0,99)

2011

Sous-total (IC 95 %) Total événements

80

20

82 16,6 % 0,60 (0,30-1,22)

29

Hétérogénéité : Chi² = 2,31 ; df = 2 (p = 0,31) ; I² = 13 % Test pour effet global : Z = 1,40 (p = 0,16) 1.3.2 nRCTS Gamelin.L2004

20

96

Knijn N2011

218 551

29

65 22,6 % 0,33 (0,16-0,65)

2004

81 181 60,8 % 0,81 (0,58-1,13)

2011

Sous-total (IC 95 %) 647 246 83,4 % 0,68 (0,50-0,92) Total événements

238

110

Hétérogénéité : Chi² = 5,28 ; df = 1 (p = 0,02) ; I² = 81 % Test pour effet global : Z = 2,53 (p = 0,01) Total (IC 95 %) 727 328 100 % 0,67 (0,50-0,88) Total événements

258

139

Hétérogénéité : Chi² = 7,69 ; df = 4 (p = 0,10) ; I² = 48 % Test pour effet global : Z = 2,88 (p = 0,004) Test pour les différences entre sous-groupes : Chi² = 0,09, df = 1 (p = 0,77), I² = 0 %

0,1 0,2 0,5

1

En faveur de Ca/Mg

2

5

10

En faveur du placebo

Figure 1 - Comparaison entre groupes Ca/Mg et contrôles par grade ≥ 2 de neurotoxicité cumulative. Cinq essais ont été analysés avec un grade ≥ 2 de neurotoxicité cumulative.

Ca/Mg Etudes ou sous-groupes

Placebo

Odds Ratio

Evénements Total Evénements Total Poids M-H fixé, IC 95 %

Odds Ratio Année

M-H fixé, IC 95 %

3.1.1 RCTs Gamelin. L2008

13

26

14

26 7,2 % 0,86 (0,29-2,55)

2008

Keiichiro Ishibashi 2010

4

17

5

16 4,1 % 0,68 (0,15-3,16)

2010

Sous-total (IC 95 %) Total événements

43 42 11,3 % 0,79 (0,33-1,93)

17

19

Hétérogénéité : Chi² = 0,06 ; df = 1 (p = 0,81) ; I² = 0 % Test pour effet global : Z = 0,51 (p = 0,61) 3.1.2 nRTCS Gamelin.L2004

19

42 15 43 8,4 % 1,54 (0,64-3,69)

2004

Knijn N2011

237 551 91 181 80,4 % 0,75 (0,53-1,05)

2011

Sous-total (IC 95 %) 593 224 88,7 % 0,82 (0,60-1,12) Total événements

256 106

Hétérogénéité : Chi² = 2,31 ; df = 1 (p = 0,13) ; I² = 57 % Test pour effet global : Z = 1,23 (p = 0,22) Total (IC 95 %) 636 266 100 % 0,82 (0,61-1,10) Total événements

273 125

Hétérogénéité : Chi² = 2,37 ; df = 3 (p = 0,50) ; I² = 0 % Test pour effet global : Z = 1,33 (p = 0,18) Test pour les différences entre sous-groupes : Chi² = 0,01, df = 1 (p = 0,94), I² = 0 %

0,1

0,5

En faveur de Ca/Mg

1

2

5

En faveur du placebo

Figure 2 - Comparaison des groupe Ca/Mg et contrôles par taux de réponse. Quatre essais ont été analysés avec RR cumulative.

Bibliographie 1. Hochster HS, Grothey A, Childs B. Use of calcium and magnesium salts to reduce oxaliplatin-related neurotoxicity. J. Clin Oncol 2007 ; 25 : 4028a-9a. 2. Gamelin L, Boisdron-Celle M, Delva R et al. Prevention of oxaliplatin-related neurotoxicity by calcium and magnesium infusions: a retrospective study of 161 patients receiving oxaliplatin combined with 5-fluorouracil and leucovoonko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

rin for advanced colorectal cancer. Clin Cancer Res 2004 ; 10 : 4055-61. 3. Loprinzi CL, Qin R, Dakhil SR et al. Phase III randomized, placebo (PL)controlled, double-blind study of intravenous calcium/magnesium (CaMg) to prevent oxaliplatin-induced sensory neurotoxicity (sNT), N08CB: An alliance for clinical trials in oncology study. ASCO 2013 : 3501.

113


mise au point

La théorie du chaos en oncologie Vers une approche déterministe de la dynamique tumorale ? Dr Fabrice Denis*

L’oncologue est quotidiennement interpellé par des évolutions très variables, inattendues et souvent imprévisibles chez ses malades. La dynamique particulière du cancer, avec ou sans traitement, est individuelle. L’approche mathématique aujourd’hui utilisée pour décrire cette évolution est probabiliste : elle ne s’applique finalement pas à un malade spécifique, mais à une certaine population de patients plus ou moins hétérogène. Une telle approche caractérise donc mal la dynamique de cette maladie et ne permet pas de dire qu’un patient est guéri, de prévoir s’il y aura une rechute et quand elle surviendra, ni de prévoir (et donc d’optimiser) la réponse aux traitements, et notamment à la radiothérapie. La théorie du chaos, peu connue des oncologues, semble avoir de grandes analogies avec cette évolution basée sur un système déterministe, très sensible aux conditions initiales. Développée pour appréhender les systèmes dont les équations sont trop complexes et dont les comportements ne peuvent être prédits à long terme en raison de leur grande sensibilité aux conditions initiales, la théorie du chaos est riche de concepts propices à une nouvelle appréhension de la dynamique du cancer. Elle s’applique à l’étude de systèmes en compétition ou dits “proie-prédateur”, tels qu’ils sont rencontrés en oncologie biologique, et s’affranchit en partie de la complexité de cette maladie, notamment liée à l’instabilité génomique, en se concentrant sur la dynamique globale du système.

C

et article est à la fois une rapide introduction à la théorie du chaos, une mise au point des connexions possibles entre chaos et cancérogenèse, et une mise en avant de directions de recherches prometteuses, notamment en radiobiologie.

Introduction Le cancer a cette caractéristique qu’il correspond à une maladie dans laquelle les cellules ré*Centre Jean-Bernard, Le Mans. CORIA UMR CNRS 6614. Université de Rouen, Saint-Etienne-du-Rouvray.

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pondent à des lois relativement simples, telles que des cellules qui se divisent à l’infini, détruisent leur environnement et migrent à distance du site initial pour finalement menacer l’existence de l’hôte. Pourtant, il n’y pas deux évolutions semblables, même chez des jumeaux homozygotes, du fait de paramètres comme l’instabilité génomique des cellules cancéreuses, d’interactions fondamentales avec l’hôte, de conditions initiales de la cancérogenèse très individuelles... (1, 2). Ceci démontre bien le fait que

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Résumé

des lois simples peuvent donner des évolutions complexes paraissant aléatoires. Pour approcher cette complexité que l’on retrouve en radiobiologie afin d’évaluer la radiosensibilité tumorale, l’approche actuellement utilisée est principalement statistique, avant l’étude de la dynamique de croissance de cellules tumorales in vitro (privées de leur environnement) et l’étude de courbes de survie en clinique. Cette approche a d’indéniables succès, mais des limites apparaissent en clinique quotidienne lorsque deux patients ayant apparemment le même type de tumeurs de même taille et de même topographie ont une évolution totalement différente malgré un traitement de même nature. Pouvons-nous imaginer que ces questions d’imprédictibilité soient onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


La théorie du chaos en oncologie

en fait reliées à une théorie mathématique très peu connue des oncologues (et que nous manipulons parfois pourtant sans le savoir au quotidien), et d’utilisation récente en biologie ? Cette théorie a bouleversé la physique depuis 40 ans, et s’applique à des domaines aussi éloignés les uns des autres que l’astronomie, la climatologie, l’économie, les sciences sociales et la biologie. Il s’agit de la théorie du chaos. Nous allons voir en quoi consiste cette théorie, dans quelle mesure il existe de nombreuses transpositions en cancérologie et en radiobiologie, en quoi elle est intéressante à la compréhension globale du système adaptatif complexe qu’est un cancer.

La théorie du Chaos Historique C’est Pierre-Simon de Laplace qui avait postulé en 1812 que, si à un instant donné, la position et la vitesse de tous les objets de l’Univers étaient connues ainsi que les lois qui gouvernent leurs mouvements, on pourrait alors prédire indéfiniment aussi bien leur devenir que leur passé. Mais les travaux du mathématicien français Henri Poincaré à la fin du 19e siècle ont ébranlé cette vision qui faisait de l’univers un système géant muni de lois simples (ou non) qu’il suffisait de trouver (3). En fait, la théorie du chaos a été spécialement développée pour appréhender les processus déterministes dont le comportement ne peut être prédit à long terme. En 1963, Edward Lorenz, mathématicien devenu météorologue au MIT (Massachusetts Institut of Technology), fournit la première représentation d’un phénomène chaotique à la suite de calculs visant à comprendre l’origine de onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

l’impossibilité à prévoir à long terme les phénomènes météorologiques (4). Un jour de 1961, après plusieurs heures de calculs, l’ordinateur de Lorenz s’arrêta. De manière à reprendre au plus vite ses calculs après réparation, Lorenz décida de reprendre ceux-ci où ils avaient été laissés peu avant l’arrêt inopiné de la machine. Toutefois, si la machine calculait avec six chiffres après la virgule, elle n’en imprimait que trois. Aussi, Lorenz ne disposait que de ces trois chiffres pour relancer son calcul. Il pensait, comme beaucoup de mathématiciens à l’époque, qu’une faible variation dans les valeurs des variables aurait une incidence du même ordre de grandeur sur le résultat final. Si au début du nouveau calcul, les résultats étaient à peu près les mêmes, très vite, les nombres imprimés par l’ordinateur différèrent de la première simulation. Lorenz crut d’abord à une erreur ou à un dysfonctionnement de l’ordinateur ; mais celui-ci fonctionnait parfaitement. Pourtant, les résultats étaient totalement différents. En fait, le problème était que les équations étaient extrêmement sensibles aux conditions initiales (les trois chiffres après la virgule non imprimés par l’ordinateur, et donc non reportés à la reprise du calcul), et avaient suffi à provoquer rapidement des évolutions différentes.

Effet “papillon” et émergence du Chaos C’est en 1972 qu’Edward Lorenz donna une conférence intitulée “Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil provoque-t-il une tornade au Texas ?” (5). L’image évoque le fait que le battement d’ailes d’un papillon au Brésil pourrait avoir un effet sur l’atmosphère terrestre tel que, après quelques mois, il puisse induire

une tempête dévastatrice dans une contrée éloignée. L’image est suffisamment suggestive pour trouver écho dans l’imaginaire collectif et faire le tour du monde jusqu’à des représentations cinématographiques hollywoodiennes (6). Si elle suggère le potentiel de la théorie du chaos et de la sensibilité aux conditions initiales des systèmes déterministes, l’image est finalement inopérante. S’il est vérifié qu’une perturbation d’un dixième de degré de température sur un maillage d’une centaine de kilomètres a une influence sur les calculs telle que les conséquences prévues quelques semaines plus tard sur les continents traversés seront très différentes (avec une erreur qui s’amplifiera jusqu’à rendre toute prévision illusoire), en revanche, lorsqu’on passe de la petite dimension du papillon à la maille de 100 km utilisée pour les calculs, les théories ne sont pas fiables. En fait, le passage des petites aux grandes dimensions est tel que la sensibilité aux conditions initiales ne se retrouve pas nécessairement aux grandes échelles : ainsi, l’instabilité exponentielle du système “microscopique” n’est pas synonyme d’imprédictibilité à l’échelle “macroscopique” (7). L’effet papillon n’est donc pas à prendre au pied de la lettre. Dans les années 1970, quelques scientifiques américains, allemands et français ont commencé à s’intéresser à des systèmes simples dont l’évolution se révélait plutôt difficile à décrire. De là, émergea un nouveau regard sur des problèmes que nous croisons quotidiennement et qui étaient considérés depuis longtemps comme trop complexes parce qu’échappant à toute description : comment se forme la turbulence ? Qu’est-ce qui explique les variations météorologiques ? Les 115


mise au point

arythmies cardiaques obéissentelles à des lois ? Les populations animales ou cellulaires peuventelles évoluer indépendamment de leur environnement  ?, etc. Le terme suggestif de “chaos” a été introduit en 1975 par les deux mathématiciens Tien-Yien Li et James A. Yorke alors qu’ils se retrouvaient confrontés à des comportements qui leur semblaient indescriptibles, bien qu’issus d’applications récurrentes du second degré (finalement de structure plutôt simple) (8). Depuis, cette théorie mathématique s’est installée durablement dans de nombreux domaines où intervient l’évolution complexe de systèmes pouvant être très simples. Le chaos, puisque caractérisé par une grande sensibilité aux conditions initiales, propriété très prégnante en oncologie, pourrait également gouverner la maladie cancéreuse.

Définition et mots-clés Il faut retenir que la théorie du chaos s’attache principalement à la description de systèmes à petit nombre de degrés de liberté (par exemple, pour un système mécanique, un degré de liberté est une direction selon laquelle le mouvement peut se développer), souvent très simples à définir mais dont la dynamique semble échapper à toute description. Pour être plus proche d’une définition rigoureuse, la théorie du chaos traite des systèmes dynamiques (systèmes évoluant avec le temps) rigoureusement déterministes (l’état du système à un instant donné est déterminé par l’état à l’instant précédent), mais présentant un phénomène fondamental d’instabilité appelé “sensibilité aux conditions initiales” qui, associé à des propriétés de récurrence et d’apériodicité, les rend non-prédictibles à 116

“long” terme (9). Ainsi, le chaos, tel que le scientifique le comprend, ne signifie pas “absence d’ordre” ; il se rattache plutôt à une notion d’imprévisibilité, d’impossibilité à prévoir à long terme, d’ordre caché dans un désordre apparent. Parce que l’état final dépend de manière si sensible de l’état initial qu’un petit rien peut venir tout modifier. Nous sommes fondamentalement limités dans la prédiction de cet état final. Jusqu’à l’énoncé de la théorie du chaos (aussi appelé “chaos déterministe”), traditionnellement ce mot désignait la confusion, le désordre, le hasard, l’indescriptible et, par extension, ce que la science ne peut décrire, ce qu’elle est dans l’impossibilité de prédire. Prenons le cas d’un fluide. La théorie du chaos fait ressortir que deux particules fluides, aussi proches l’une de l’autre que nous

Ne pas confondre chaos et hasard Il ne faut pas confondre chaos et hasard. Un système chaotique est imprévisible à long terme mais il est gouverné par des lois déterministes (une cause donne un effet). A l’opposé, ce que nous désignons par hasard se réfère à des processus dont nous ne pouvons déterminer les lois sous-jacentes. La seule possibilité d’appréhender un système aléatoire est d’utiliser une approche statistique, d’autant plus fiable que l’échantillon est grand car plus représentatif. Lançons par exemple une pièce de monnaie ; il est difficile de prédire sur quelle face elle va tomber. Maintenant, répétons l’opération 1 000 fois : il est très improbable d’obtenir 1 000 fois “pile” ; effectivement, l’expérience montre que la pièce tombe environ 500 fois sur chaque face.

Pouvons-nous imaginer que les questions d’imprédictibilité soient en fait reliées à une théorie mathématique ? puissions l’imaginer, évolueront nécessairement de manières finalement très différentes. L’écoulement turbulent d’un fluide étant sensible aux conditions initiales, les deux particules étant obligatoirement en des positions distinctes, les trajectoires de ces deux particules finiront par être décorrélées, bien qu’à court terme, les trajectoires demeurent quasisemblables. Si nous extrapolons ceci au cancer, il apparaît que les phénotypes différents adoptés par des cellules cancéreuses issues d’un même clone, dont certains deviendront métastatiques, peuvent adopter des comportements totalement différents au détour d’un événement génomique (gouverné par l’instabilité génomique) parfois insignifiant.

Dans son chapitre sur le hasard, Poincaré écrit qu’une « cause très petite qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard » (10). L’utilité du concept de hasard est qu’il permet de désigner des processus dont on ne connaît pas les lois déterministes qui les gouvernent. Le chaos étant déterministe, ces lois sont connues mais il demeure impossible de faire des prédictions à long terme. La propriété de sensibilité aux conditions initiales permet de comprendre pourquoi des systèmes relativement bien connus (nous savons écrire les équations du mouvement régissant le lancer d’une pièce de monnaie) échappent à notre connaissance onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


La théorie du chaos en oncologie

dans la mesure où ils ne se laissent pas facilement prédire. Nous verrons qu’en oncologie, ce que l’on attribue souvent au hasard pourrait être vraisemblablement rattaché au chaos déterministe.

Représentation géométrique du chaos Les attracteurs (qu’ils soient chaotiques ou étranges) sont des objets mathématiques abstraits auxquels les ordinateurs ont donné un visage. Pour ce faire, les phénomènes physiques, chimiques ou biologiques, sont représentés par un certain nombre de variables définissant les états successifs du système étudié. Ces variables (que nous notons de manière abstraite x1, x2... xn) correspondent, en chimie par exemple, aux concentrations des différents réactifs mis en jeu dans le système. En cancérologie, ces variables pourraient être l’effet de l’expression de certains gènes, l’effet de l’expression plus ou moins grande de récepteurs à facteurs de croissance par les cellules cancéreuses, le comportement de différentes populations de cellules (saines ou tumorales), etc. Les systèmes chaotiques peuvent donc être représentés géométriquement dans un espace dont le nombre de dimensions dépend du nombre de variables nécessaires à la description complète de l’état du système ; il peut donc y avoir plus de trois dimensions. L’espace de représentation est un espace abstrait qui se distingue le plus souvent de l’espace physique usuel. L’état du système est alors représenté à chaque instant par un point dans cet espace appelé “espace des phases”. Lorsque les états changent au cours du temps, on obtient une courbe qui correspond à la trajectoire représentative de l’évolution du système à partir d’un point (un état) donné. onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

Figure 1 - Attracteur chaotique de Lorenz obtenu à partir de l’évolution temporelle d’un modèle simplifié de convection (système de Lorenz). Chaque aile est formée par des spirales divergentes qui finissent par faire transiter la trajectoire sur l’autre aile pour recommencer une nouvelle spirale : les transitions surviennent de manière chaotique (sans périodicité). La trajectoire ne se coupe jamais avec elle-même. Deux trajectoires issues de conditions initiales très voisines vont rapidement présenter des évolutions très différentes (sensibilité aux conditions initiales). Toutefois, elles décrivent globalement la même structure que celle représentée ici.

On constate alors que cette trajectoire est attirée vers un objet sur lequel la trajectoire se développe finalement. Ces objets sont désignés par le terme d’attracteur : ils sont chaotiques lorsque le système est sensible aux conditions initiales. Le concept d’attracteur est au cœur de la théorie du chaos. Les attracteurs chaotiques présentent par ailleurs une caractéristique bien particulière, une invariance d’échelle, de sorte que, quelle que soit l’échelle à laquelle l’attracteur est regardé, c’est toujours la même structure que l’on retrouve (propriété d’autosimilarité qui définit aussi les fractales) (Fig. 1) . Ainsi, bien qu’imprévisible à long terme, l’évolution du système est régie par un ordre sous-jacent. Finalement dans le concept de chaos, il y a deux aspects. Le pre-

mier aspect, le “déterminisme”, se traduit par l’existence d’un attracteur qui structure la trajectoire représentative de l’évolution du système de manière à “dessiner” une forme caractéristique : c’est l’existence de cette structure qui témoigne d’un ordre sous-jacent. Le second aspect réside dans la très grande sensibilité aux conditions initiales qui impose le caractère imprévisible à long terme des comportements chaotiques. Dans les systèmes dits chaotiques, l’incertitude de l’état du système (ou l’erreur de prédiction) croît exponentiellement avec le temps (au temps t, l’erreur est minime, au temps 2t elle est multipliée par 2, à 3t par 4, à 10t par 1 024, à 20t par 1 million, etc.) jusqu’à devenir inacceptable, c’est-à-dire jusqu’à entacher suffisamment les prédic117


mise au point

Théorie du Chaos pour l’oncologue Le cancer a une dynamique déterministe et non aléatoire, sinon il y aurait de nombreuses rémissions spontanées ! Pourtant, nous utilisons au quotidien des approches statistiques avec de nombreuses limites ne nous permettant jamais de prévoir l’évolution individuelle précise de nos patients à long terme.

Limites des modèles statistiques actuels en clinique Il ne viendrait pas à l’idée d’un météorologue de vous annoncer le temps qu’il fera dans un mois en s’appuyant sur l’ensoleillement et les précipitations médianes des 30 dernières années sur votre ville. Il s’appuie sur des observations et des modèles mathématiques de dynamique non-linéaire déterministes comme la théorie du chaos pour vous aider à organiser votre prochain barbecue. Ce que nous 118

100 % 80 % Survie globale

tions pour que celles-ci n’aient plus aucun intérêt. Plusieurs exemples de dynamiques chaotiques ont été mis en évidence ces dernières années notamment en astronomie (trajectoire du satellite de Jupiter Hypérion (11), stabilisation de l’axe de rotation de la Terre par la Lune (12), étoiles variables...), en physique avec l’étude des turbulences, en climatologie, en épidémiologie, etc. Cette science de l’imprédictibilité qu’est la théorie du chaos a ainsi permis d’améliorer la compréhension des irrégularités présentes dans de nombreux domaines. En médecine, l’application de cette théorie a montré son intérêt pour l’étude de la rythmologie cardiaque (13, 14), de l’épilepsie (15), ou en endocrinologie avec la sécrétion de la parathormone par exemple (16).

60 %

Stade

Décès / n

IA IB IIA IIB IIIA IIIB IV

443/831 750/1 284 318/483 1 652/2248 2528/3175 676/748 2 627/2 757

% de survie % de survie à 5 ans au TSM 50 60 43 43 36 34 25 18 19 14 7 10 2 6

40 % 20 % 0%

0

2

4

6

8

10

Années Figure 2 - Courbes de survie globale des cancers bronchiques (TNM 2009). Est représenté le nombre de décès parmi les n patients inclus dans l’étude, les pourcentages de survie au temps médian de survie (TSM) et à 5 ans. Par exemple, le taux de survie des patients ayant un stade IA est de 50 % à 5 ans (19).

n’imaginons pas chez le météorologue est pourtant ce que nous faisons (faute de mieux, pour l’instant) avec nos patients. Nous utilisons quotidiennement une approche statistique pour évaluer les probabilités d’évolution de la pathologie de nos patients - puisque nous ne connaissons pas les équations maîtresses gouvernant la dynamique spécifique de chacun d’entre eux - notamment à l’aide de courbes de survie. Les statistiques sont basées sur des lois probabilistes qui reposent, par définition, sur le fait que, étant donné nos connaissances imparfaites tant des lois gouvernant le phénomène que des conditions initiales, il n’est pas possible d’obtenir un modèle déterministe complet du phénomène étudié. Les modèles actuels du cancer ne constituent pas une description déterministe de celui-ci. Une autre limite est que nos courbes et médianes de survie ne s’appliquent qu’à de larges populations d’individus et ne sont pas transposables à un individu donné. Leur utilisation est

à l’origine de limites d’application qui posent problème au quotidien dans notre pratique. Pour s’en convaincre, prenons l’exemple de la nouvelle classification TNM 2009 des carcinomes bronchiques (Fig. 2). La courbe de survie des différents stades représente le devenir de 68 463 patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules diagnostiqués dans plus de 20 pays entre 1990 et 2000 (17). Cette courbe révèle que la probabilité de survie d’un patient ayant une tumeur de stade IA (stade le plus précoce de la maladie) est de 50 % à 5 ans. Que dire à votre patient qui présente un stade IA en 2012 sur son pronostic ? Que selon cette étude, il a une chance sur deux d’être vivant dans 5 ans ? Cela est sans doute intéressant sur le plan statistique, mais une telle imprévisibilité de l’évolution individuelle a finalement peu d’intérêt pour lui (autant jouer à pile ou face). L’approche statistique d’un système aussi complexe que le cancer atteint là ses limites, car elle est inopérante au onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


La théorie du chaos en oncologie

Dose / Gy

Fraction de cellules survivantes

1E+00

0

5

10

15

1E-01

1E-02

1E-03

Figure 3 - Modèle linéaire-quadratique. Exemple de représentation de l’effet de la dose d’irradiation sur la fraction de cellules survivantes de deux lignées cellulaires malignes différentes. Les résultats seraient tout autre si les interactions avec les cellules non-tumorales étaient prises en compte (cellules endothéliales, fibroblastes activés, etc.).

niveau de l’individu, notamment parce qu’elle n’intègre finalement qu’une très faible quantité de données spécifiques au patient. Le peu de fiabilité des prévisions réalisées avec les courbes de survie plaide donc pour des modèles sensibles aux conditions initiales, c’est-àdire reposant sur une dynamique non-linéaire. Cette dynamique non-linéaire est observée dans l’évolution de la plupart des cancers. Quelle est la différence entre un phénomène linéaire et un phénomène non-linéaire ? Dans tout système dynamique linéaire, variant avec le temps, une petite différence sur les conditions initiales entraîne une différence à peu près proportionnelle (k) sur le résultat au bout d’un temps t : ∆xt ≈ k.t.∆x0. Dans un système dynamique non-linéaire, l’écart varie exponentiellement avec le temps  : ∆xt ≈ ∆x0. ekt. Une petite variation onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

initiale entraîne des variations du résultat variant exponentiellement avec le temps. C’est ce que l’on observe, par exemple, lors du switch angiogénique où la néo-angiogenèse s’accompagne d’une accélération de la croissance tumorale et d’une diffusion de métastases, accélérant ainsi la dynamique tumorale. De même, une action thérapeutique faisant fondre la masse tumorale rend la dynamique tumorale non-linéaire… On note ainsi une autre limite des statistiques puisqu’elles étudient et comparent des moyennes et supposent un comportement linéaire du système. Or, le cancer est un système à dynamique non-linéaire, et un système non-linéaire ne respecte pas les moyennes… Elles sont donc inadaptées à la prévision individuelle de la dynamique tumorale.

Limites des modèles radiobiologiques Aujourd’hui, l’évaluation de la radiosensibilité tumorale et des tissus sains est représentée en radiobiologie par le modèle dit “linéaire quadratique” (18), qu’il serait d’ailleurs plus rigoureux d’appeler “modèle quadratique” car la dénomination se fait, en mathématiques, selon le degré le plus élevé. L’exemple ici présenté (Fig. 3) est issu du comportement de lignées cellulaires in vitro, pour une administration d’une dose de 2 Gy. Ce modèle est limité à des doses par fractions inférieures à 6 Gy, et ne reflète pas l’hétérogénéité des cellules tumorales, ni leur comportement au sein d’une tumeur, ni leurs interactions avec l’environnement (comme l’angiogenèse, les cellules saines de contact...) ou le système immunitaire. Or, la radiosensibilité tumorale ne dépend pas uniquement de la radiosensibilité des

cellules cancéreuses. En effet, il a été montré in vivo que la réponse tumorale à la radiothérapie est aussi liée à la sensibilité des cellules endothéliales du stroma. Le degré d’apoptose radio-induite des cellules endothéliales conditionne la sensibilité de la tumeur (19). De fait, l’évaluation par les modèles actuels de la radiosensibilité tumorale par cette méthode passe par deux écueils qui expliquent les irrégularités (ou discordances) observées en clinique. • D’abord, la dynamique cancéreuse est rarement linéaire (sinon elle serait facilement prédictible par un ou des systèmes d’équations simples) ; pourtant, le principal modèle se nomme “modèle linéaire-quadratique”. • Puis, le comportement de la tumeur soumise à une irradiation n’est pas aléatoire mais déterministe : l’usage des statistiques (en termes de probabilité de réponse par exemple) se heurte à ce principe. En effet, si le hasard guidait la radiosensibilité, il y aurait beaucoup plus de fontes tumorales spontanées, or l’hétérogénéité tumorale et les mutations rencontrées du fait de l’instabilité génomique notamment, conduisent systématiquement à des avantages biologiques. Malgré tout, les modèles TCP (Tumor Control Probability) font appel… aux probabilités et donc aux lois du hasard… pour un phénomène dont la dynamique semble parfois aléatoire, mais ne l’est pas ! Une approche qui réconcilierait ces deux observations est-elle possible ?

Analogie entre fonction logistique et progression tumorale La progression de la maladie est communément considérée comme un processus multi-étapes, provoqué par une cascade de mul119


mise au point

tiples mutations considérées comme aléatoires. Cependant, on peut s’étonner d’observer que ces mutations aboutissent toujours à un avantage biologique pour la maladie : le hasard ferait donc bien mal les choses. En effet, la maladie se développe avec une accélération de sa diffusion dans l’organisme, une implantation dans des organes vitaux et un raccourcissement du temps de doublement cellulaire. La dynamique de la maladie est modifiée par les traitements qui peuvent détruire ou stabiliser la maladie, et par l’écologie tumorale qui peut parfois contribuer à provoquer une explosion de la maladie rapidement fatale, ou des évolutions lentes spontanées. La théorie des systèmes dynamiques nous offre des schémas plus riches et correspondant mieux à notre expérience de la maladie. Pour cela, faisons appel à un modèle simple de populations, la fonction logistique Xn+1→ m Xn (1-Xn), qui décrit l’évolution d’une population (de cellules cancéreuses aussi bien que de poissons dans un étang  !) en fonction de son taux de reproduction m. Xn+1 représente le nombre de cellules cancéreuses à t+1, Xn le nombre de cellules cancéreuses de départ (entre 0 et 1), m le taux de reproduction de ces cellules (entre 1 et 4), et (1-Xn) un facteur de décroissance du nombre de cellules cancéreuses (apoptose, traitements, etc.). Observez l’évolution du nombre des cellules cancéreuses (Xn+1) lorsque l’on fait varier le taux de croissance ou de reproduction m (Fig. 4) : pour m < 3, la population croît de manière monotone. Puis, à m = 3, une bifurcation (un changement brutal de comportement) par “doublement de période” survient : la population se met spontanément à osciller entre deux 120

Figure 4 - Diagramme de bifurcations de la fonction logistique. Ce diagramme traduit comment évolue la population (de cellules tumorales en ordonnée, par exemple) en fonction du taux de croissance m de ces cellules (en abscisse). Le développement de la population n’est pas monotone comme ce serait le cas avec une simple sigmoïde : des fluctuations de la population apparaissent (ce qui est impossible avec une sigmoïde) par différentes bifurcations (liées à l’apparition de phénotypes cellulaires différents). Comme en clinique, une petite modification dans un paramètre de la maladie peut s’accompagner d’une accélération de la maladie et de sa diffusion (ici quand m = 3,6 par exemple). Les fluctuations peuvent régresser (par exemple quand m ≈ 3,82), de la même façon qu’un effet thérapeutique stabilise la dynamique de la maladie. Cette représentation d’une équation non-linéaire simple a un profil très proche des évolutions du cancer observées en clinique.

valeurs. Au fur et à mesure que le taux de reproduction “m” des cellules augmente (par prolifération ou par diminution de la vitalité des cellules hôtes), les bifurcations s’enchaînent de plus en plus rapidement pour conduire brutalement quand m = 3,6 à une évolution chaotique de la population de cellules tumorales : il n’est alors plus possible de prédire ce que va devenir la population de cellules tumorales. Si l’on continue la lecture du diagramme de bifurcations, on constate que pour m ≈ 3,82, la population de cellules se stabilise sur une orbite de période 3, c’està-dire qu’elle oscille seulement entre trois valeurs. Une forme de stabilité au sein du chaos apparaît, tout comme l’effet d’un traitement en situation métastatique par exemple. Une nouvelle cascade de doublements de période conduit

ensuite à de nouvelles fluctuations chaotiques, dont la variabilité est encore accrue. Selon ce modèle, la population fluctue de plus en plus violemment jusqu’à une croissance fulgurante (population infinie) pour m = 4. Selon ce modèle, l’hôte est menacé puisque le décès surviendrait à cette valeur. Cette simple équation reflète les diverses dynamiques observées en clinique avec ou sans traitement. Des phases de stabilisation, des évolutions rapides, des réponses tumorales apparaissant pour la simple et faible variation d’un paramètre (ici la variation d’un taux de prolifération, pourquoi pas une surexpression d’un facteur de croissance, etc.). Le concept de bifurcation est, de plus, d’un point de vue sémantique au moins, ce que l’on observe dans cette maladie où, chez certains onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


La théorie du chaos en oncologie

Modèle proie-prédateur : modèle chaotique par excellence... Il existe des concepts communs fascinant en biologie du cancer et en mathématiques : les modèles proie-prédateur et les modèles en compétition. Cette approche relatant les interactions entre cellules tumorales et non-tumorales est bien décrite en biologie et témoigne de la puissante interaction entre cellules tumorales et non-tumorales, et à une échelle plus grande, entre le patient et sa tumeur (2). Depuis longtemps, et sans se concerter avec les biologistes du cancer, les mathématiciens ont exploré la dynamique évolutive entre une proie onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

2,5

2

Population des cellules saines y

patients et non chez d’autres, une modification brutale, souvent radicale, du comportement de la maladie (longtemps localisée, voire indétectable) conduit à une poussée évolutive polymétastatique incontrôlable. Dans d’autres cas, nous observons des situations métastatiques inverses avec une maladie à croissance variable alternant des phases de forte progression et des phases de stabilisation, comme le suggère notre analogie avec la fonction logistique. La similitude entre le diagramme de bifurcations de la fonction logistique et la cinétique de prolifération cellulaire mérite d’être approfondie. Cette représentation correspond bien mieux à la réalité que la simple et classique évolution sigmoïde finalement peu observée chez nos patients traités. Après ces aspects dynamiques proches de l’évolution de nos cancers retrouvés avec une simple équation, voyons ce qui se passe si l’on ajoute d’autres variables telles les cellules non-tumorales dont l’influence sur la dynamique et la thérapeutique est fondamentale.

1,5

1

0,5

0 0

0,5

1

1,5

2

2,5

Population des cellules tumorales x Figure 5 - Portrait de phases du modèle proie-prédateur à deux populations. Les états d’équilibre sont représentés par des disques blancs. L’état sain (x = 0 ; y = 0,5) comme l’état de décès (x = 1 ; y = 0) sont stables : chacun de ces deux états possède un bassin d’attraction propre, délimité par la droite x = y. La population surnuméraire l’emporte donc. Tant que les cellules saines sont majoritaires, l’état du patient évolue naturellement vers l’état sain. Si jamais les cellules tumorales venaient à être majoritaires, l’évolution du patient serait attirée vers le décès, à moins qu’un traitement ne vienne inverser le rapport des populations (rendre minoritaire la population de cellules tumorales) ou ne booste la population non tumorale.

et un prédateur, telle qu’elle est observée dans la nature. Comment prévoir qui va l’emporter ? Comment modifier la dynamique pour éviter la disparition de la proie ? Comment suivre l’évolution du système ? Par quelle variable ? Les mathématiciens ont démontré que la dynamique proie-prédateur ou des modèles en compétition est chaotique. C’est-à-dire que la sensibilité aux conditions initiales est telle, qu’elle rend l’évolution quasiment imprévisible et une représentation de cette dynamique est faite sous la forme d’un attracteur chaotique, et non d’un nuage de points aléatoires. Or, si nous considérons que la progression tumorale d’un cancer est le résultat d’un réseau complexe

d’interactions entre plusieurs types de populations cellulaires, le développement d’un cancer peut résulter d’un modèle mathématique de populations en compétition, comme ceux décrits par Lotka (20) et Volterra (21). En d’autres termes, la progression d’un cancer dépend aussi bien de la population de cellules tumorales que de la population de cellules normales (du tissu malade, stromales, immunitaires, endothéliales, etc.)  : tout dépend du rôle de ces cellules pour lutter contre la population tumorale. C’est ce que retrouve un modèle récent (22) mettant en jeu deux populations en compétition, respectivement de cellules malignes et de cellules normales (par exemple du parenchyme atteint), 121


mise au point

A

B

C Figure 6 - Modélisation des interactions entre populations. A : Diagramme de bifurcations du modèle proie-prédateur à trois populations : une population de cellules malignes (en ordonnée), une population de cellules saines (en abscisse) et une population de cellules immunitaires effectrices (non représentée). Observez la structure très proche de ce diagramme avec celui de la figure 4 qui n’est la solution que d’une simple équation logistique. B : Représentation de cette interaction des effectifs des trois populations cellulaires sous la forme d’un attracteur typique dans les modèles proie-prédateur d’une dynamique chaotique du système. C : Représentation de ce que serait l’interaction entre les cellules tumorales-non tumorales et immunitaires d’une dynamique aléatoire : un nuage de points… et non un attracteur chaotique.

122

qui permet de s’affranchir de l’hétérogénéité tumorale et de la complexe instabilité génomique en se concentrant sur la dynamique des populations cellulaires (Fig 5). Les paramètres pris en compte dans ce modèle sont le taux de multiplication des cellules malignes, un facteur réduisant le taux de croissance dû à la compétition pour les ressources telles que les nutriments et l’oxygène ou l’accumulation de substances délivrées par le métabolisme cellulaire. Un facteur correspond à l’action des cellules saines sur les cellules malignes, qui peut être positive ou négative selon que l’effet est inhibiteur ou stimulateur. L’effet inhibiteur des cellules saines sur les cellules malignes peut être dû à la réponse immunitaire, à l’inhibition de contact, à l’induction de différenciation terminale ou à l’apoptose. L’effet stimulateur est dû à la production de facteurs de croissance ou à la fourniture de néo-vaisseaux par l’hôte qui stimule la croissance des cellules tumorales (23). Les équations de ce modèle permettent d’obtenir différentes configurations - dépendantes des valeurs des différents paramètres qui traduisent déjà de nombreux cas cliniques fréquemment rencontrés. Un modèle fascinant de populations cellulaires en compétition représente les interactions possibles entre trois populations, à savoir des cellules tumorales, des cellules saines environnantes et des cellules du système immunitaire (24). Cette modélisation des interactions entre ces populations révèle clairement une dynamique chaotique des différentes populations et non aléatoire (Fig. 6). Les populations des différentes cellules fluctuent de telle manière que la trajectoire se développe sur un atonko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


La théorie du chaos en oncologie

tracteur chaotique dans l’espace défini par ces trois populations. En d’autres termes, on retrouve la même dynamique chaotique du système cancer à plusieurs populations cellulaires qu’avec une simple équation logistique  ! Ce résultat apporte par ailleurs des concepts fascinants que l’on retrouve parfaitement en clinique : l’observabilité et la contrôlabilité. Dans les modèles proie-prédateur, la théorie du chaos permet d’apporter des éléments de réponse à la question : quel paramètre choisir pour suivre l’évolution du système : la proie ? le prédateur ? les deux ? Dans le modèle à trois populations cellulaires précédent, une analyse de l’observabilité, c’est-à-dire de la qualité des informations sur l’ensemble du système, transmise par une variable (x, y, ou z) (25, 26) révèle que la population de cellules saines est celle qui “voit” le mieux l’ensemble de la dynamique. De plus, les relations entre observabilité et contrôlabilité (27) font que c’est par cette population que le contrôle de la dynamique semble être le plus efficace. Cet aspect concernant l’observabilité de tel système est retrouvé en clinique. En effet, un moyen simple et validé d’observer globalement la dynamique et l’évolution péjorative ou non de la maladie réside dans le suivi du poids et de l’état général (performans status) de nos patients (28). Nous le savons, la probabilité de survie de nos patients est associée à la dégradation de l’état général ou à une baisse rapide du poids. Selon une analogie avec les modèles typiquement chaotiques proie-prédateur, cet état général reflète l’impact des cellules cancéreuses (le prédateur) sur le patient (la proie). En clinique humaine, nous savons bien qu’un patient ayant un PS à 3 avec 5 g de tumeur a un moins bon pronosonko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

tic à moyen terme qu’un patient PS 0 avec 1 kg de tumeur ! Comme dans le modèle mathématique, l’observation de la proie (le patient) donne parfois plus d’informations sur la dynamique et l’impact de la maladie qu’une batterie d’examens radiologiques qui n’observent que la tumeur. Nous savons aussi en général à quoi nous attendre lorsqu’un patient a un état général qui se dégrade rapidement sous l’effet de sa pathologie. A l’inverse, les progressions tumorales évaluées sur un scanner ne sont pas toujours symptomatiques ou menaçantes. Autrement dit, la clinique (l’observation de la proie) est un moyen d’observer la maladie et son impact, qui se révèle souvent être meilleure que la simple observation des tumeurs (alias les prédateurs). Un aspect que la théorie du chaos encourage sans aucune notion préalable clinique (29, 30) !

Modèle proie-prédateur et ciblage thérapeutique des tissus sains : la contrôlabilité La théorie du chaos nous apporte des informations très intéressantes sur les possibilités de contrôler un système chaotique proie-prédateur : pour faire évoluer le prédateur (ici se débarrasser si possible d’un cancer), il serait souvent pertinent d’agir sur la proie plutôt que sur le prédateur. Ce concept de ciblage thérapeutique de l’hôte plutôt que de la tumeur est relativement récent en oncologie et apporte des résultats intéressants en s’affranchissant, en partie, de la grande variabilité biologique de la maladie cancéreuse. Un exemple typique de ciblage de la proie est l’angiogenèse (31). Les thérapeutiques antiangiogéniques visant à inhiber

la croissance de néo-vaisseaux (issus de la proie !) vers la tumeur donnent des résultats intéressants dans un grand nombre de pathologies tumorales comme les cancers du rein, du côlon, du poumon, les tumeurs gliales, etc. Les hormonothérapies, elles aussi, agissent directement sur la proie et non sur le prédateur, appuyant ainsi l’approche soutenue par la théorie du chaos de contrôlabilité du système par une action sur la proie. Les résultats récents sur le rôle de la périostine de Malanchi (32) étayent l’idée du ciblage thérapeutique du tissu sain pour modifier la dynamique du système (qui, sans cela, est naturellement attirée vers la destruction de l’hôte), en le contrôlant vers une prédominance de la proie sur le prédateur : il s’agit ici vraisemblablement d’une avancée majeure dans la prise en charge de cette maladie. La périostine ciblée est produite par les fibroblastes des tissus normaux et situés autour de la tumeur primitive. Les cellules souches tumorales migratrices, qui ont la capacité de déclencher dans l’organe de destination la production de périostine par le stroma d’accueil, survivent et se développent (via la voie Wnt). En l’absence de production de cette périostine ou en utilisant des anticorps anti-périostine, Malanchi et ses collègues ont montré dans un modèle de carcinome mammaire métastatique, in vivo, l’inhibition de l’implantation et du développement de métastases à distance. Cette interaction de deux types cellulaires et la capacité à modifier la dynamique du système en agissant sur la population de proies est tout à fait compatible avec la transposition de l’approche proieprédateur sur le comportement du cancer, et donc d’une dynamique 123


mise au point

chaotique du cancer. D’autres exemples d’interventions thérapeutiques sur les tissus sains sont étudiés, notamment dans les cas de cancers bronchiques où l’interleukine 6, contribuant à la résistance aux inhibiteurs des tyrosines kinases de l’EGFR et produite par les cellules immunitaires du stroma inflammatoire, pourrait être prise pour cible (33). Il est intéressant d’observer que cette approche assez récente (et encore insuffisamment étudiée) du ciblage des tissus non tumoraux se justifie biologiquement et mathématiquement par une approche dynamique des systèmes typiquement chaotiques proie-prédateur. Ainsi, une modélisation en phase métastatique des cancers selon ce type de modèle dynamique mériterait une attention toute particulière pour déterminer les catégories de cellules à traiter de manière prioritaire (immunité / angiogenèse / cellules tumorales / cellules normales environnantes  ?) et le meilleur moment pour éviter une “bifurcation”, en fonction d’éléments précurseurs cliniques ou non. En d’autres termes, une piste de recherche consisterait à déterminer le diagramme de bifurcations type du cancer, un modèle réaliste d’interactions des différentes populations de cellules saines, endothéliales, immunitaires et tumorales afin de simuler, pour un individu donné, les interactions entre les cellules et leurs comportements sous une action thérapeutique. Les premiers modèles à dynamique chaotique à quatre populations (cellules tumorales, normales environnantes, immunitaires et endothéliales) montrent en effet “spontanément” des propriétés telles que le switch angiogénique et le phénotype métastatique (34). 124

L’interface entre oncologues ou biologistes et chaoticiens semble prometteuse pour mener à terme un tel programme de recherche.

Conclusion Aujourd’hui, la théorie du chaos est considérée comme la 3e grande révolution de la physique après la relativité et la mécanique quantique. Elle a permis la compréhension de nombreuses situations dans des domaines qui, bien que très éloignés les uns des autres, ont en commun de se ramener à un système dynamique complexe dont l’horizon de prédiction est

mique des symptômes de patients a, en effet, montré son équivalence en termes de détection de rechute de cancers bronchiques (35). Tout ceci suggère ainsi une évolution chaotique, c’est-à-dire déterministe, de la population tumorale alors qu’elle est habituellement considérée comme aléatoire (bien qu’elle n’aboutisse pourtant jamais à la guérison spontanée). Les applications en diagnostic ou en thérapeutique sont actuellement en maturation, notamment parce que cette théorie n’est pas encore suffisamment connue des cliniciens et des biologistes. En radiobiologie, plus particulière-

L’instabilité exponentielle du système “microscopique” n’est pas synonyme d’imprédictibilité à l’échelle “macroscopique”. limité par une grande sensibilité aux conditions initiales. Cette théorie contribue non seulement à remettre du déterminisme là où régnait de l’aléatoire qui n’était qu’apparent. Nous avons vu qu’elle a déjà été appliquée à certains systèmes complexes ; nous pensons que le cancer pourrait être l’une des manifestations biologiques du chaos. Les concepts que nous avons présentés semblent permettre une description pertinente de la croissance tumorale et des irrégularités que l’on retrouve en clinique et non dans les modèles classiques. Les modèles proie-prédateur permettent également d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques et sont à rapprocher des récentes stratégies ciblant l’hôte et retrouvent l’intérêt de l’observation de l’hôte (le patient - la proie) pour apprécier l’état de tout le système. Une approche clinique récente d’observation de la dyna-

ment, cette approche pourrait être intéressante pour quantifier la radiosensibilité tumorale au-delà du modèle linéaire-quadratique avec la modélisation des interactions et des dynamiques cellulaires par les modèles plus globaux soumis à une irradiation. Ces systèmes chaotiques par excellence offrent en effet des analogies troublantes avec la clinique en termes d’observabilité, d’optimisation de cibles et expliquent les anomalies (les écarts par rapport à ce qui est prévu) si fréquemment observées dans les tumeurs soumises à une radiothérapie (36, 37). Les développements en cours ont pour objectifs, premièrement de vérifier biologiquement in vitro les données théoriques (par exemple des modèles de cocultures cellulaires 3D) et, deuxièmement en clinique humaine, d’étudier la dynamique tumorale après radiothérapie et la modulation de cette dynamique avec des paramètres non “tumoonko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


La théorie du chaos en oncologie

raux” à définir. Des liens étroits entre les cliniciens, biologistes, mathématiciens (chaoticiens) et biophysiciens pourraient s’avérer très utiles pour transposer certains des concepts atypiques

de la théorie du chaos à cette maladie afin d’aboutir à une meilleure maîtrise de son évolution, évolution qui résiste aujourd’hui à toute prédiction individuelle fiable. n

Mots-clés : Cancer, Biologie, Déterminisme, Dynamique tumorale, Radiothérapie, Radiosensibilité, Théorie du chaos

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125


focus sur Pharmacologie

Une nouvelle option pour le cancer de la prostate métastatique L’acétate d’abiratérone Dr Kader Chouahnia*

Introduction

L’acétate d’abiratérone

Jusqu’à récemment, le traitement standard du cancer de la prostate en situation métastatique et résistant à la castration consistait en une chimiothérapie à base de docétaxel (TAX-327, SWOG 99-16) (1, 2). Cette chimiothérapie a démontré une amélioration de la survie, du taux de réponse et de la diminution du PSA (antigène spécifique de la prostate). La qualité de vie, notamment la douleur, a été également améliorée par rapport au traitement à la mitoxantrone. Néanmoins, la tolérance sur le plan hématologique, particulièrement chez les patients âgés, tend à compromettre la chimiothérapie. Depuis peu, des progrès considérables ont été observés dans la prise en charge du cancer de la prostate en situation métastatique, avec la mise en évidence de traitements ayant pour but le blocage de la testostérone (facteur de croissance tumorale majeur), comme l’acétate d’abiratérone.

L’acétate d’abiratérone, (Zytiga®, laboratoire Janssen) est administré par voie orale.

126

Résultats de l’étude

Il s’agit d’un inhibiteur sélectif de la synthèse des androgènes qui bloque de façon irréversible le cytochrome P17 (CYP17).

Matériel et méthode L’étude de phase III COU-AA-301 (4, 5) a inclus 1 195 patients dans 147 sites de 13 pays.

Le blocage des androgènes se fait au niveau des glandes surrénales, de la prostate et du tissu tumoral prostatique (Fig. 1) (3).

Les patients étaient résistants à la castration et progressifs après une ou deux lignes de chimiothérapie, dont au moins une ligne de docétaxel.

Cette molécule a déjà démontré son efficacité dans des études

Prégnénolone

Déoxycorticostérone

Corticostérone

Aldostérone

CYP17 17αhydroxylase 17OH-Prégnénolone

11-déoxycortisol

Cortisol

CYP17 C17, 20 lyase DHEA

*Service d’oncologie médicale, CHU Avicenne, AP-HP.

de phase I et II et a récemment été évaluée dans des études de phase III. Nous nous focaliserons sur ces résultats.

x3

Androsténédione

x2

Testostérone

< 1 ng/dl

Estradiol

< 80 ng/dl

< 2 ng/dl

Figure 1 - Mécanismes d’action de l’acétate d’abiratérone (d’après 3). onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


Une nouvelle option pour le cancer de la prostate métastatique

100

Survie globale (95 % CI) AA + P 15,8 (14,8 - 17,0) Placebo + P 11,2 (10,4 - 13,1)

Survie globale (%)

80 60 40 20 0

HR : 0,74 (95 % CI 0,64-0,86) P < 0,0001

0

6

12

18

24

30

15 6

0 0

Temps (mois)

Nombre de patients à risque

AA + P Placebo + P

797 398

657 306

473 183

273 100

Figure 2 - Survie globale (AA : acétate d’abiratérone ; P : prednisone ; HR : hazard ratio). Durée médiane (mois) AA + P Placebo + P

HR (95 % CI)

Référence ECOG performance status 0-1 2

17,0 7,3

12,3 7,0

0,74 (0,63-0,86) 0,77 (0,50-1,17)

Référence BPI-SF score <4 ≥4

18,4 13,3

13,9 9,3

0,69 (0,56-0,85) 0,78 (0,63-0,96)

Nombre de lignes de chimiothérapie 1 2

17,1 14,2

11,7 10,4

0,71 (0,59-0,85) 0,80 (0,61-1,03)

Type de progression PSA uniquement Radiographie

18,3 14,8

13,6 10,5

0,63 (0,47-0,84) 0,78 (0,65-0,93)

Age (années) < 65 ≥ 65 ≥ 75

15,0 16,2 15,6

11,2 11,1 9,3

0,69 (0,53-0,91) 0,76 (0,63-0,90) 0,64 (0,48-0,85)

Maladie viscérale à l'entrée Oui Non

12,9 17,1

8,3 12,3

0,79 (0,59-1,05) 0,69 (0,58-0,82)

PSA de référence Oui Non

13,6 18,2

8,8 15,3

0,65 (0,53-0,79) 0,79 (0,63-0,99)

LDH de référence Oui Non

10,4 20,8

8,0 18,0

0,77 (0,63-0,93) 0,75 (0,59-0,96)

ALK-P de référence Oui Non

12,4 19,5

8,1 18,0

0,60 (0,50-0,74) 0,88 (0,69-1,12)

Région Amérique du Nord Autres

16,4 15,1

11,1 11,5

0,68 (0,56-0,83) 0,80 (0,64-1,00)

Tous les patients

15,8

11,2

0,74 (0,64-0,86)

0,5

0,75

En faveur de l'acétate d'abiratérone + prednisone

1

1,5 En faveur du placebo + prednisone

L’âge médian est de 68 ans avec 28 % de 75 ans et plus. Cette étude a comparé un traitement à l’acétate d’abiratérone (1 000 mg/ j + prednisone 5 mg x 2/j) à un traitement placebo + prednisone 5 mg x 2/ j.

Survie globale : objectif atteint La survie globale a été clairement améliorée, avec une diminution du risque de décès de 26 %. Lors de l’analyse finale, la médiane de survie était de 15,8 mois vs 11,2 mois [HR : 0,74 (95 % CI : 0,64-0,86 ; P < 0 ,0001)] (Fig. 2). Ce bénéfice en survie a été retrouvé dans le sous-groupe de patients de plus de 75 ans [HR : 0,64 (95 % CI : 0,48-0,85)] (Fig. 3).

Une qualité de vie améliorée Après une durée médiane de suivi de 20 mois, la durée médiane de traitement était de 8 mois pour le bras abiratérone vs 4 mois pour le bras placebo. Le bénéfice du traitement par abiratérone a été observé sur les critères de jugement secondaires, à savoir : le temps jusqu’à progression du PSA, la survie sans progression radiologique et la réponse du PSA (diminution

Figure 3 - Survie médiane.

Tableau 1 - Autres critères d’efficacité. Acétate d’abiratérone + Placebo + Prednisone Hazard Ratio Prednisone (95 % CI ; n = 797) (95 % CI ; n = 398) (HR) (95 % CI)

Valeur de p

Temps jusqu'à la progression du PSA (mois)*

8,5 (8,3-11,1)

6,6 (5,6-8,3)

0,63 (0,52-0,78)

< 0,0001

Survie sans progression radiologique (mois)*

5,6 (5,6-6,5)

3,6 (2,9-5,5)

0,66 (0,58-0,76)

< 0,0001

Réponse du PSA**

235 (29,5 %)

22 (5,5 %)

-

< 0,0001

Réponse objective par RECIST (%)***

118 (14,8 %)

13 (3,3 %)

-

< 0,0001

Les données sont médianes (95 % CI) ou numériques (%). PSA : prostate specific antigen. RECIST : response evaluation criteria in solid tumors. PSA WG : prostate specific antigen working group. *Calculé de la date de randomisation à la date de progression du PSA (par critère PSAWG) ou à la date de progression de la maladie documentée par radiologie ou décès. **Proportion de patients avec un déclin du taux de PSA de 50 % ou plus selon les critères d’analyses PSA WG non stratifiés. ***Critère additionnel (mais non secondaire).

onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

127


Focus sur

du taux du PSA de 50 % et plus) (Tab. 1). L’abiratérone a montré également, après analyse à long terme, un effet bénéfique sur la douleur (6), ainsi que sur la fatigue (7) et la qualité de vie (8).

A - Survie sans progression radiologique

Survie sans progression radiologique (%)

100

Hazard ratio 0,53 (95 % CI ; 0,45-0,62) p < 0,0001

80

Abiratérone-prednisone (16,5 mois)

60 40

Prednisone seule (8,3 mois)

20 Nombre d'événements 0

Abiratérone-prednisone : 271 Prednisone seule : 336

0

Nombre de patients à risque Abiratérone-prednisone 546 Prednisone seule 542

3

6

9

485 406

389 244

311 177

12

15

18

21

24

27

30

240 133

195 100

155 80

85 37

38 14

9 1

0 0

Temps (mois)

B - Survie sans progression radiologique Sous-groupe

Abiratérone Prednisone Prednisone (seule) Médiane (mois)

Tous patients Référence ECOG 0 1 Référence BPI-SF 0-1 2-3 Métastases osseuses uniquement à l'entrée Oui Non Age (années) < 65 ≥65 ≥75 PSA de référence Oui Non LDH de référence Oui Non ALK-P de référence Oui Non Région Amérique du Nord Autres

Hazard Ratio (95 % CI)

16,5

8,3

0,53 (0,45-0,62)

16,4 18,0

8,3 7,4

0,56 (0,47-0,67) 0,43 (0,30-0,61)

16,7 10,7

8,3 7,4

0,53 (0,43-0,65) 0,61 (0,44-0,83)

20,7 11,2

11,1 5,7

0,55 (0,42-0,71) 0,51 (0,41-0,62)

16,6 16,5 14,9

8,1 8,3 8,2

0,48 (0,35-0,66) 0,55 (0,46-0,67) 0,64 (0,48-0,84)

12,8 19,4

5,8 10,2

0,54 (0,43-0,68) 0,48 (0,38-0,61)

14,1 16,6

5,6 10,8

0,47 (0,38-0,60) 0,57 (0,45-0,71)

13,6 19,4

5,6 9,7

0,54 (0,43-0,68) 0,48 (0,38-0,61)

16,6 16,3

8,2 8,3

0,51 (0,40-0,63) 0,56 (0,45-0,71) 0,20

0,75 1,00

Mieux avec abiratérone - prednisone

Figure 4 - Survie sans progression radiologique.

1,50

Mieux avec prednisone seule

Plus récemment, l’analyse intermédiaire de l’essai évaluant l’abiratérone en traitement de première ligne chez les patients naïfs de tout traitement de chimiothérapie (9) a montré une amélioration de la survie sans progression radiologique de 16,5 mois vs 8,3 mois [HR 0,53 (0,450,62) ; p < 0,001], co-critère principal de cette étude. Par ailleurs, les résultats en termes de survie globale, second co-critère principal, montraient une tendance à l’amélioration en faveur du bras acétate d’abiratérone + prednisone. Tous les critères secondaires, délai jusqu’à utilisation des opiacés pour douleur cancéreuse, délai jusqu’à initiation de la chimiothérapie, délai jusqu’à détérioration du score ECOG et délai jusqu’à progression du PSA, étaient statistiquement en faveur du bras acétate d’abiratérone + prednisone. Ainsi, l’amélioration de la qualité de vie, et notamment l’effet de l’abiratérone sur la douleur semble se confirmer (Fig. 4).

128

onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


Une nouvelle option pour le cancer de la prostate métastatique

Tableau 2 - Evénements indésirables. Prednisone (seule) (N = 540)

AbiratéronePrednisone (N = 542)

Evénément indésirable

nombre de patients (%) Tout événement indésirable

537 (99)

524 (97)

Evénement indésirable de grade 3 ou 4

258 (48)

225 (42)

Tout événement indésirable sérieux

178 (33)

142 (26)

Evénement indésirable menant à une discontinuité du traitement

55 (10)

49 (9)

Evénement indésirable menant au décès*

20 (4)

12 (2)

Fatigue

212 (39)

185 (34)

Mal de dos

173 (32)

173 (32)

Arthralgie

154 (28)

129 (24)

Nausée

120 (22)

118 (22)

Constipation

125 (23)

103 (19)

Bouffées de chaleur

121 (22)

98 (18)

Diarrhée

117 (22)

96 (18)

Douleur osseuse

106 (20)

103 (19)

Myalgie

75 (14)

110 (20)

Douleur aux membres

90 (17)

85 (16)

Toux

94 (17)

73 (14)

Evénement indésirable de grade 1 à 4 dans ≥ 15 % des patients de chaque groupe

*Les événements indésirables les plus communs menant au décès étaient troubles généraux, incluant progression de la maladie, diminution de la santé physique, et infections incluant pneumonie et infection des voies respiratoires.

Tolérance et effets secondaires Le profil de tolérance était globalement similaire entre les deux bras. Néanmoins, on a observé dans le bras abiratérone plus d’hypokaliémie, de rétention hydrique et d’hypertension artérielle. Ces symptômes sont liés à une élévation de l’ACTH avec hypersécrétion de minéralocorticoïdes. Une prise quotidienne de corticostéroïdes améliore ces symptômes (10). Les effets secondaires sont globalement identiques entre les deux bras (Tab. 2, 3).

D’autres études évaluant l’acétate d’abiratérone à des stades plus précoces sont en cours. n

Tableau 3 - Les événements indésirables d’intérêt particulier. Evénément indésirable

Abiratérone-Prednisone (N = 542)

Prednisone (seule) (N = 540)

Grade 1-4

Grade 3 ou 4

Grade 1-4

Grade 3 ou 4

Rétention hydrique ou œdème

150 (28)

4 (< 1)

127 (24)

9 (2)

Hypokaliémie

91 (17)

13 (2)

68 (13)

10 (2)

Hypertension

118 (22)

21 (4)

71 (13)

16 (3)

Troubles cardiaques

102 (19)

31 (6)

84 (16)

18 (3)

Fibrillation auriculaire

22 (4)

7 (1)

26 (5)

5 (< 1)

Augmentation des ALAT

63 (12)

29 (5)

27 (5)

4 (< 1)

Augmentation des ASAT

58 (11)

16 (3)

26 (5)

5 (< 1)

Mots-clés : Cancer de la prostate, Abiratérone, Traitement, Survie globale

Bibliographie 1. Tannock IF, de Wit R, Berry WR et al. Docetaxel plus prednisone or mitoxantrone plus prednisone for advanced prostate cancer. N Engl J Med 2004 ; 351 : 1502-12. 2. Petrylak DP, Tangen CM, Hussain MH et al. Docetaxel and estramustine compared with mitoxantrone and prednisone for advanced refractory prostate cancer. N Engl J Med 2004 ; 351 : 1513-20. 3. Attard G, Reid AH, Yap TA et al. Phase I clinical trial of a selective inhibitor of CYP17, abiraterone acetate, confirms that castration-resistant prostate cancer commonly remains hormone driven. J Clin Oncol 2008 ; 26 : 4563-71. 4. de Bono JS, Logothetis CJ, Molina A et al. Abiraterone and increased survival in metastatic prostate cancer. N Engl J Med 2011 ; 364 : 1995-2005. 5. Fizazi K, Scher HI, Molina A et al. Abiraterone acetate for treatment of metastatic castration-resistant prostate cancer: final overall survival analysis of the COU-AA-301 randomised, double-blind, placebo-controlled phase 3 study. Lancet 2012 ; 13 : 983-92. onko + • Septembre 2013 •Molina vol. 5 •A numéro 40 of abiraterone acetate and 6. Logothetis CJ, Basch, et al. Effect prednisone compared with placebo and prednisone on pain control and

skeletal-related events in patients with metastatic castration-resistant prostate cancer: exploratory analysis of data from the COU-AA-301 randomised trial. Lancet Oncol 2012 ; 13 :1210-7. 7. Sternberg CN, Molina A, North S et al. Effect of abiraterone acetate on fatigue in patients with metastatic castration-resistant prostate cancer after docetaxel chemotherapy. Ann Oncol 2013 ; 24: 1017-25. 8. Cella D, Molina A, Gagnon DD et al. Is there an additional health-related quality of life (HRQL) benefit with abiraterone acetate (AA) in metastatic castration-resistant prostate cancer (mCRPC) beyond that mediated by clinical endpoints? ASCO Meeting abstracts 2013 : 9617. 9. Ryan CJ, Smith MR, de Bono JS et al. Abiraterone in metastatic prostate cancer without previous chemotherapy. N Engl J Med 2013 ; 368 : 138-48. 10. Scher HI, Heller G, Molina A et al. Evaluation of circulating tumor cell (CTC) enumeration as an efficacy response biomarker of overall survival (OS) in metastatic castration-resistant prostate cancer (mCRPC): Planned final analysis (FA) of COU-AA-301, a randomized, double-blind, placebo129 controlled, phase III study of abiraterone acetate (AA) plus low-dose prednisone (P) post docetaxel (abstract 4). ASCO J Clin Oncol ASCO 2011 ; 29.


relation médecin-patient

La consultation d’annonce en unité d’oncologie médicale Le gage d’une bonne prise en charge Dr Zoher Merad-Boudia*

Introduction

N

ous nous devons de développer très tôt une réflexion multidisciplinaire autour du traitement du cancer avec le souci permanent d’améliorer la prise en charge de nos patients et d’évaluer nos pratiques professionnelles. D’ailleurs, c’est la Haute autorité de santé (HAS) qui est garante de cette excellence. Cette dernière valide ou non les démarches d’amélioration en termes de prise en charge du cancer et les démarches obligatoires permettant de gratifier les établissements d’un label au tra-

* Chef de Service Cancérologie, Clinique mutualiste Eugène-André, Lyon.

130

© nyul / Fotolia

Nos pratiques en termes de prise en charge du cancer depuis la création de L’INCa (Institut national du cancer) ont été bouleversées. Plus aucun établissement, ni aucun praticien, ne peut d’une façon isolée prétendre pouvoir s’occuper de cette pathologie lourde sans discuter du dossier du patient avec l’ensemble des professionnels de santé afin de dégager la prise en charge la plus adéquate et surtout collégiale, quitte à demander un second avis ou le recours à d’autres compétences dans d’autres institutions de santé.

vers d’une certification. Comme recommandé par l’INCa et le Plan Cancer, une consultation d’annonce spécialement dédiée au cancer doit être organisée dans chaque établissement de santé prenant en charge des pathologies cancéreuses. C’est d’ailleurs la mesure phare et emblématique du Plan Cancer (mesure 40) depuis sa création (1-4).

Le dispositif Le dispositif d’annonce du cancer doit permettre à chaque malade d’avoir de meilleures conditions d’annonce de sa maladie en lui faisant bénéficier :

• d’un temps médical dédié à l’annonce de la maladie et des propositions de traitement ; • d’un temps d’accompagnement soignant (par une infirmière coordonnatrice), permettant d’identifier et de remédier aux différentes problématiques médico-sociales qui peuvent venir se greffer et compliquer la prise en charge médicale ; • d’un accès à des compétences en soins de support faisant appel aux différents corps de métier hospitalier (psychologue, kinésithérapeute, diététicienne...) ; • d’un temps d’information du médecin traitant en facilitant les échanges, le dialogue et la conceronko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40


La consultation d’annonce en unité d’oncologie médicale

tation afin d’éviter la coupure “ville-hôpital” dont souffre avant tout le patient.

L’annonce en deux temps La première consultation Cette consultation longue et spécifique, dédiée à l’annonce du diagnostic, est réalisée par un médecin acteur du traitement oncologique. Notre organisation de soins s’est vue complètement transformée avec la création de plages horaires spéciales. Une “consultation infirmière” est déjà mise en place. Elle permet la reformulation des éléments diagnostiques et du plan de traitement. C’est un moment fort de la relation de confiance entre soignants et patients car elle permet de renforcer la prise en charge globale des patients. • Quels sont les buts de cette consultation ? La première consultation d’annonce permet d’informer le patient sur sa maladie et les alternatives thérapeutiques. Elle favorise aussi un dialogue autour de cette information tout en respectant le poids de celle-ci et les émotions qu’elle peut susciter. De plus, les conditions psychologiques et sociales qui constituent le quotidien du patient seront identifiées. Le patient est également prévenu que son dossier va être présenté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). à la fin de cette première consultation, un rendez-vous rapide est fixé pour la seconde consultation.

L’importante seconde consultation Le patient est revu après la RCP pour lui proposer une stratégie onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40

thérapeutique et lui remettre un Programme personnalisé de soins (PPS). Cela lui garantit que la stratégie proposée s’appuie sur des protocoles validés, choisis en concertation entre plusieurs professionnels de spécialités différentes impliqués dans le diagnostic et le traitement de son cancer. L’information de cette stratégie doit porter sur les alternatives thérapeutiques, leurs risques immédiats ou à distance et leur pronostic. • Quel est donc l’intérêt pour le patient ? Compte tenu de l’information donnée et de l’accès à son dossier, le patient peut prendre les décisions concernant sa santé y compris après un délai de réflexion et/ ou la prise d’un second avis s’il le souhaite. De plus, cette consultation doit expliciter les différentes phases du traitement établi et proposer en sus de la prise en charge cancérologique, une prise en charge spécifique sociale ou de support si le patient le désire. Ces éléments sont formalisés et remis au patient, c’est ce qui constitue son PPS, le médecin traitant devant également être informé dans les plus brefs délais.

Dans la pratique Il s’agit là d’un schéma idéal qui devra être adapté à chaque situation, en particulier au cas où le patient est déjà informé de sa maladie (volontairement ou non) à la suite d’un acte diagnostique. Il faut alors réaliser une “ré-annonce” ou un complément d’annonce après s’être enquis de ce que sait le patient et de ce qu’il veut avoir comme éclaircissement.

• Dans quels autres cas envisager cette consultation d’annonce ? Elle doit être envisagée dans les cas de récidives ou de reprises évolutives après guérison ou rémission, mais aussi lorsqu’il est proposé au patient de participer à un essai thérapeutique, ou dans le cas où le patient veut prendre un second avis. Dans ce dernier cas, il est essentiel de s’informer sur la totalité du dossier et des recommandations déjà faites pour éviter de mettre le patient dans une situation de doute non justifiée.

Conclusion Globalement, ce nouveau dispositif, qu’est la consultation d’annonce en cancérologie, engendre une implication plus forte de toute l’équipe soignante ainsi qu’une plus grande mobilisation et sensibilisation des médecins. Indéniablement cette consultation a amélioré la prise en charge des patients cancéreux dans leur globalité. n

Mots-clés : Consultation d’annonce, Programme personnalisé de soins, Réunion de concertation pluridisciplinaire

Bibliographie 1. Circulaire N°DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l’organisation des soins en cancérologie. 2. Décret N°2007-388 du 21 mars 2007 relatif aux conditions d’implantation applicables à l’activité de soins de traitement du cancer et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires). 3. INCa, Ligue contre le cancer. Recommandations nationales pour la mise en œuvre du dispositif d’annonce du cancer dans les établissements de santé. Novembre 2005. 4. Ministère du travail, de l’emploi et de la santé. Plan cancer 2009-2013 annoncé par le président de la République le 9 novembre 2009.

131


rendez-vous de l’industrie

Cancer colorectal

Maladie thrombo-embolique veineuse

Stivarga® : une nouvelle option thérapeutique autorisée par la Commission européenne

Innohep® : une nouvelle indication pour le traitement prolongé de la MVET

S

tivarga® (régorafénib ; laboratoire Bayer) est une nouvelle option thérapeutique pour soigner le cancer colorectal métastatique. Elle est destinée aux patients adultes qui ont déjà eu un traitement et à ceux dont les traitements disponibles (chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, traitement par anti-VEGF, traitement par anti-EGFR...) ne conviennent pas. Son efficacité a été prouvé par l’étude pivot de phase III CORRECT (Colorectal cancer treated with regorafenib or placebo after failure of standard therapy), présentée lors du 48e congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology. Cet essai a montré que l’action multicible de Stivarga® améliore de manière significative la survie globale et la survie sans progression. Ce nouveau médicament, administré par voie orale, est un inhibiteur de kinases. Il inhibe plusieurs tyrosines kinases impliquées dans la néoangiogenèse tumorale et inhibe certaines kinases ayant un rôle dans l’oncogenèse et le microenvironnement tumoral. Par ses différentes actions, Stivarga® ralentit la croissance tumorale et la progression de la maladie. Le cancer colorectal est le troisième cancer le plus fréquent dans le monde. n Pour en savoir plus : www.bayerpharma.com

I

nnohep® (laboratoire LEO Pharma), une solution injectable d’héparine de bas poids moléculaire, a obtenu une nouvelle AMM. Elle concerne les patients atteints d’un cancer en évolution et/ou ceux qui sont en cours de chimiothérapie, ayant développé une maladie thrombo-embolique veineuse symptomatique. Innohep® a également vocation à prévenir les récidives de MVET. La posologie curative est de 175 UI/kg en une injection par jour par voie sous-cutanée sur une durée de 3 à 6 mois. n Pour en savoir plus : www.leo-pharma.com

Cancer bronchique

Giotrif® : AMM européenne

L

e Giotrif ® (afatinib, laboratoire Boehringer Ingelheim) vient d’obtenir une AMM en Europe pour son utilisation dans le traitement du cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou métastatique avec mutation de l’EGFR. L’essai pivot LUX-Lung 3 a montré que cette thérapie ciblée retarde de manière significative la progression de la maladie chez ces patients et améliore leur qualité de vie. Le Giotrif® est un inhibiteur irréversible des récepteurs de la famille ErbB (dont EGFR). Ces récepteurs ont un rôle important dans la croissance et la dissémination tumorale. n Pour en savoir plus : www.boehringer-ingelheim.com

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