Thérapeutique Digestif
Cancer du côlon et oxaliplatine Prévenir les neuropathies périphériques Dr Gaëtan des Guetz*
Introduction Le protocole de type FOLFOX est, et reste, un standard depuis près de 20 ans dans les traitements du cancer du côlon, que l’on soit au stade adjuvant ou métastatique de la maladie. La toxicité principale de l’oxaliplatine est la neuropathie périphérique qui peut parfois être très gênante pour les patients. Celle-ci apparaît au froid et s’intensifie au fil des cures, généralement au bout de 5 mois, c’est-à-dire dix cycles ou 850 mg/m² pour les protocoles de type FOLFOX 4. Les schémas de type Optimox ou stop and go permettent d’envisager l’arrêt puis la reprise du traitement afin d’éviter les complications de cette drogue majeure. Des neuroprotecteurs ont été testés mais n’ont pas vu le jour. En revanche, des associations de perfusion de calcium et de magnésium sont testées depuis plusieurs années avec des résultats variables. Surtout, on craignait un effet délétère, difficilement explicable, de ces traitements. Il apparaissait donc particulièrement intéressant de réaliser une méta-analyse sur ce sujet controversé (1, 2). Référence : When F et al. Ca/Mg infusions for the prevention of oxaliplatin-related neurotoxicity in patients with colorectal cancer: a metaanalysis. Ann Oncol 2013 ; 24 : 171-8.
ÉVALUATION d’une PERFUSION DE CALCIUM ET DE MAGNÉSIUM Sept études ont été analysées pour cette méta-analyse (1 170 patients traités en situation adjuvante ou métastatique) : quatre essais de phase III randomisés et trois études * Service d’oncologie, Hôpital Avicenne, Bobigny
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rétrospectives, avec respectivement 214 (18,3 %) et 956 (81,7 %) patients. Parmi eux, 802 ont reçu des perfusions de calcium et magnésium (groupe Ca/Mg) et 368 n’en ont pas reçues (groupe témoin). Les patients du bras Ca/ Mg ont reçu le Ca et le Mg avant et après l’oxaliplatine. Les patients du bras contrôle ont reçu un placebo ou aucun traitement. Cette métaanalyse a été réalisée à partir des données de la littérature, et non sur des données individuelles, ce qui limite, d’un certain point de vue, ces conclusions. Néanmoins, sept études ont été retrouvées. Il existe, dans cette sélection, à la fois des études prospectives (une étude japonaise avec 33 patients, l’étude française de Gamelin, NEUROXA avec 52 patients, l’étude américaine du NCCTG de Grothey avec 102 patients et une étude de phase II avec 27 patients) et rétrospectives représentant les trois-quarts de l’effectif avec, notamment, l’étude européenne de Knijn, CAIRO II (732 patients). Selon la cotation de l’échelle de toxicité du NCI, l’incidence des neuropathies aiguës de grade 3 était plus faible dans le groupe traité (OR = 0,26 ; intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) : 0,110,62 ; p = 0,0002). Le taux d’arrêt était également significativement réduit (OR = 0,23 ; IC 95 % : 0,10-0,55 ; p = 0,001). Parmi les 893 patients des deux études rétrospectives (Knijn et Gamelin 2004, référence 2 citée), le taux global de neuropathie chronique était significativement réduit (OR = 0,42 ; IC 95 % : 0,260,65 ; p = 0,0001), de même que celui des neuropathies de grade 3 (OR =
0,56 ; IC 95 % : 0,36-0,90 ; p = 0,02). Les différences dans les doses totales étaient impressionnantes (MD = 246,73 mg/m² ; IC 95% : 3,01490,45 ; p = 0,05).
discussion Un bénéfice apparaît pour les patients ayant des neuropathies de grade 2 ou plus (OR = 0,67 ; IC 95 % : 0,50-0,88 ; p = 0,004) : analyse de sous-groupe selon le type d’études, prospective, non significatif (OR = 0,60 ; IC 95% : 0,30-1,22 ; p = 0,16) ou rétrospective qui porte le résultat (OR = 0,68 ; IC 95 % : 0,50-0,92 ; p = 0,01) (Fig. 1). Surtout, il n’existait pas de différence dans les taux de réponse (Fig. 2) pour les patients métastatiques (sur 4 études, dont les 2 études prospectives de Gamelin et Ishibashi avec 43 patients au total), ni sur les risques de rechute ou la survie globale (MD = 0,10 mois ; IC 95 % : -0,41-0,61 ; p = 0,70). Au total, l’incidence de celle-ci était significativement réduite dans le bras Ca/ Mg (OR = 0,42 ; IC 95 % : 0,27-0,65 ; p = 0,0001). Lors du dernier congrès de l’ASCO, une nouvelle pierre à l’édifice fragile de cette question a été posée. Un résultat négatif qui pourrait peut-être sceller définitivement cette problématique. Le FOLFOX associé ou non aux perfusions de magnésium et de calcium a été testé chez 353 patients. Aucun des critères étudiés (échelle de qualité de vie spécifique EORTC QLQCIPN20, de toxicité neurologique) n’est amélioré par les perfusions de Ca/Mg (3). On pourrait ainsi proposer de réaliser une mise à jour de cette méta-analyse mais aura-t-on finalement une réponse définitive ? n onko + • Septembre 2013 • vol. 5 • numéro 40