Onko41 nanotechnologies

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PERSPECTIVES GĂŠnĂŠral

Apports des nanotechnologies dans la prise en charge du cancer Du dĂŠpistage au traitement Dr Zoher Merad-Boudia*

RĂŠsumĂŠ Les traitements les plus utilisĂŠs en oncologie mĂŠdicale sont la chimiothĂŠrapie, la radiothĂŠrapie, la chirurgie et, depuis quelques annĂŠes, le recours aux thĂŠrapies dites “ciblĂŠesâ€?. Cependant, ces traitements ne sont pas dĂŠnuĂŠs d’effets secondaires, parfois rĂŠdhibitoires, notamment parce qu’ils agissent indistinctement sur les cellules malades et sur les cellules saines. Un des rĂŞves de tout chercheur serait de trouver un moyen d’amener les molĂŠcules actives et nĂŠcessaires directement au cĹ“ur de la cellule cancĂŠreuse sans craindre les rĂŠpercussions sur le reste de l’organisme. Dans le domaine très particulier de la prise en charge du cancer, une des avancĂŠes majeures de ces dernières annĂŠes est le dĂŠveloppement des nanotechnologies.

QUE SONT LES NANOTECHNOLOGIES ? Cette science consiste Ă manipuler des substances, comme l’or et la silice, pour en modifier la composition ou crĂŠer de nouvelles structures molĂŠculaires ou physiques dont on pourra utiliser les propriĂŠtĂŠs. Cette dĂŠmarche a lieu Ă

l’Êchelle atomique ou molĂŠculaire, oĂš les dimensions sont d’un cent millième de la largeur d’un cheveu humain. La taille des nano-objets est comprise entre quelques dizaines et quelques centaines de nanomètres (70 fois plus petits qu’un globule rouge). Ils sont, Ă l’intĂŠrieur, remplis de mĂŠdicaments, tandis qu’à la surface, ils sont composĂŠs comme des missiles de reconnaissance permettant aux nanomĂŠdicaments de reconnaĂŽtre leur cible biologique, ici la cellule cancĂŠreuse. Le dĂŠveloppement des nanotechnologies est une des avancĂŠes majeures de ces dernières annĂŠes. Elles font actuellement l’objet d’Êtudes diverses tant dans l’utilisation de l’imagerie in vivo que dans le dĂŠveloppement de nouvelles mĂŠthodes de diagnostic prĂŠcoce. Leur utilisation Ă des fins thĂŠrapeutiques est ĂŠgalement ĂŠtudiĂŠe grâce Ă la vectorisation des mĂŠdicaments dans des nanoparticules. Ce moyen permettrait d’atteindre et de traiter plus efficacement les cellules cancĂŠreuses.

NANOTECHNOLOGIES ET DIAGNOSTIC PRÉCOCE LES NANOFILS

*Chef du service d’Oncologie mĂŠdicale, Clinique Eugène AndrĂŠ, Lyon

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Les nanofils sont des fils de dimensions nanomÊtriques constituÊs de matÊriaux conducteurs d’Êlec-

tricitÊ. Ils peuvent être entourÊs de molÊcules, mais aussi d’anticorps qui se lient aux protÊines ou à d’autres substances (comme par exemple des marqueurs molÊculaires). Cette sensibilitÊ aux marqueurs est accompagnÊe d’une grande sÊlectivitÊ qui pourrait permettre de diagnostiquer le type de cancer.

LES NANOTUBES DE CARBONE Les nanotubes de carbone ont une capacitĂŠ de fluorescence lorsque l’on s’approche de l’infrarouge. Dans cette partie du spectre de la lumière blanche, les tissus humains et les liquides sont transparents, ils ne rĂŠagissent pas Ă cette lumière. Cette caractĂŠristique est intĂŠressante car nous pouvons dès lors dĂŠtecter des nanotubes dans les tissus (marqueurs utiles dans l’imagerie in vitro). L’objectif est de donner la capacitĂŠ Ă ces marqueurs de se diriger vers des cellules cancĂŠreuses. Des ĂŠtudes scientifiques ont montrĂŠ qu’il ĂŠtait possible de dĂŠtecter de faibles concentrations de nanotubes de carbone dans des cultures cellulaires de laboratoire. En effet, en utilisant un microscope ĂŠquipĂŠ pour la fluorescence infrarouge, il est possible de localiser avec prĂŠcision les nanotubes Ă l’intĂŠrieur des cellules en enregistrant leur luminescence. Ces propriĂŠtĂŠs de fluorescence des nanotubes de on!o " t 0DUPCSF t WPM t OVNšSP


APPORTS DES NANOTECHNOLOGIES DANS LA PRISE EN CHARGE DU CANCER

carbone peuvent ĂŞtre utilisĂŠes pour la rĂŠalisation de capteurs biologiques (dĂŠpistage du cancer). Les nanotubes de carbone peuvent aussi, par rĂŠsonance magnĂŠtique après ciblage de la tumeur, dĂŠtruire celle-ci. Nanotubes et nanoparticules peuvent ainsi servir Ă dĂŠtruire des cellules cancĂŠreuses avec des ondes radioactives. Des ĂŠtudes ont ĂŠgalement montrĂŠ que ces nanoparticules de carbone avaient leurs limites, avec l’apparition d’effets secondaires chez l’animal et l’Homme (1, 2).

NANOPARTICULES ET IMAGERIE MÉDICALE

d’onde qui va du rouge (taille maximum du nanocristal) au bleu (taille minimum). DiffĂŠrents types de marqueurs biologiques des cellules tumorales (tels que des protĂŠines ou des sĂŠquences d’ARNm) ont ĂŠtĂŠ identifiĂŠs pour le diagnostic du cancer et peuvent recouvrir les Quantums Dots afin de cibler les cellules cancĂŠreuses. Des progrès rĂŠcents dans le dĂŠveloppement des Quantums Dots permettent le contrĂ´le de la taille, de la forme et de la surface fonctionnelle de ces nanoparticules avec une utilisation possible dans l’imagerie pour le cancer. La liaison des Quantums Dots avec des biomolĂŠcules peut servir ĂŠgalement Ă cibler les tumeurs in vivo.

LE CIBLAGE ACTIF ] Les Quantums Dots Les Quantums Dots (3, 4), points quantiques aussi appelĂŠs “boĂŽtes quantiquesâ€?, sont des nanocristaux de semi-conducteurs, c’est-Ă -dire des cristaux de matĂŠriaux qui ont des caractĂŠristiques ĂŠlectriques intermĂŠdiaires entre celles des mĂŠtaux et celles des isolants, Ă l’Êchelle nanomĂŠtrique. Les Quantums Dots deviennent fluorescents quand on les excite par

Des Quantums Rods (5) ont aussi ÊtÊ fabriquÊs pour l’imagerie de fluorescence (à deux photons) des cellules cancÊreuses. ] Le silice Afin d’augmenter la dÊtection des cellules tumorales (6), on peut faire appel aux nanoparticules biphotoniques. Ces nanoparticules en silice renferment des fluorophores organiques (substance chimique) capables d’absor-

L’objectif est de donner la capacitĂŠ Ă ces marqueurs de se diriger vers des cellules cancĂŠreuses. une source de lumière. Ils ont des propriĂŠtĂŠs optiques remarquables, comprenant une grande brillance et une rĂŠsistance au photoblanchiment. Leurs spectres peuvent ĂŞtre changĂŠs par plusieurs facteurs. Sous excitation lumineuse dans l’ultraviolet, ces nanocristaux rĂŠĂŠmettent des photons dans le spectre visible avec une longueur on!o " t 0DUPCSF t WPM t OVNšSP

ber l’Ênergie de deux photons. Lorsque deux particules chargĂŠes ĂŠlectriquement interagissent, on peut parler d’un ĂŠchange de photons. Ces fluorophores organiques possèdent une longueur d’onde proche de l’infrarouge et peuvent rĂŠĂŠmettre par fluorescence un rayonnement utilisĂŠ pour l’imagerie mĂŠdicale. Encore faut-il que

ces nanoparticules se fixent aux cellules cancÊreuses. Il est possible de rÊaliser une greffe sur les nanoparticules des ÊlÊments de reconnaissance de certaines tumeurs, comme l’acide folique, reconnu par les cellules du cancer du col de l’utÊrus ou du cancer du sein. DiffÊrentes molÊcules peuvent être greffÊes pour permettre la dÊtection d’autres types de tumeurs. ] Les nanoparticules magnÊtiques Les nanoparticules magnÊtiques (6), composÊes d’un cœur en fer pur et crÊÊes pour se fixer sÊlectivement sur la tumeur (en particulier sur des zones qui ont rÊsistÊ à la radiothÊrapie), sont utilisÊes pour une application en imagerie et en hyperthermie (augmentation locale de la tempÊrature). Pour l’imagerie, leur accumulation dans la tumeur à dÊtruire permettra une meilleure visualisation de celle-ci par IRM, rendant le traitement plus prÊcis. Pour l’hyperthermie, les nanoparticules magnÊtiques seront utilisÊes comme sources locales de chaleur. La mise en place d’un champ magnÊtique alternatif gÊnÊrera une augmentation de la tempÊrature au sein de la tumeur, rendant alors la cellule cancÊreuse plus vulnÊrable aux traitements. L’efficacitÊ de la chimiothÊrapie ou de la radiothÊrapie sera ainsi amÊliorÊe sans majorer les effets secondaires.

LE CIBLAGE PASSIF Le ciblage passif utilise le fait que le microenvironnement de la tumeur est un rĂŠseau tortueux et permĂŠable, dĂť Ă un dĂŠfaut d’angiogenèse. Ce microenvironnement favorise l’implantation des nanoparticules (7). De plus, la concentration de cellules tumorales est plus ĂŠlevĂŠe que celle des cellules saines, 139


PERSPECTIVES

donc les nanoparticules passent entre les interstices des cellules saines et se fixent sur la tumeur.

Grâce Ă cet implant, les mĂŠdicaments sont rendus “invisiblesâ€? et peuvent donc passer Ă travers le barrage des macrophages.

NANOPARTICULES ET TRAITEMENT CIBLÉ

š ;dĂ“d" Z[i dWdel[Yj[khi Z[ 3e gĂŠnĂŠration sont capables de cibler essentiellement les tumeurs cancĂŠreuses grâce Ă des molĂŠcules placĂŠes au bout des polyĂŠthylènes-glycols. Elles reconnaissent certains marqueurs connus des cellules cancĂŠreuses. Au niveau de l’endothĂŠlium vasculaire Ă proximitĂŠ d’une tumeur, les cellules ne sont pas jointives, ce qui facilite le passage des nano-

VECTORISATION DES MÉDICAMENTS (LES LIPOSOMES) La vectorisation des mĂŠdicaments (8, 9) est le transport des molĂŠcules actives jusqu’à une cible biologique qui leur est propre. Des scientifiques ont crĂŠĂŠ des nanoparticules spĂŠcialisĂŠes dans le transport de mĂŠdicaments jusqu’à une tumeur cancĂŠreuse adaptĂŠe Ă ceux-ci. La partie active du mĂŠdicament se situe Ă l’intĂŠrieur d’un nanovecteur de 10 Ă 20 nanomètres. C’est grâce Ă cette protection que le mĂŠdicament peut voyager dans le système vasculaire. š B[i dWdel[Yj[khi b[i fbki Yekrants de la 1re gĂŠnĂŠration sont les liposomes injectĂŠs dans le sang. Le problème est qu’ils sont vite considĂŠrĂŠs par des protĂŠines opsonines comme ĂŠtant ĂŠtrangers Ă l’organisme. Ces protĂŠines se fixent alors autour des liposomes et dĂŠposent un marqueur identifiable par les macrophages du foie, les â€œĂŠboueurs de l’organismeâ€?, qui interviennent alors et capturent ces ĂŠlĂŠments exogènes. Ces nanovecteurs ne peuvent donc soigner que les cancers du foie. š Fekh fekle_h Wjj[_dZh[ ZĂŠWkjh[i organes que le foie, il faut donc empĂŞcher cette fixation des opsonines. Au bout de quelques annĂŠes de recherche, les scientifiques ont finalement eu l’idĂŠe d’implanter des polymères hydrophiles, appelĂŠs polyĂŠthylènes-glycols, sur ces nanovecteurs de 2e gĂŠnĂŠration. 140

mentation, 86 % des souris ĂŠtaient encore en vie.

CONCLUSION Les nanotechnologies, mÊdecine de l’infiniment petit, ne sont accessibles aux chercheurs que depuis peu de temps. Dans le cas particulier du cancer, ces nouvelles technologies sont devenues complÊmentaires avec les traitements jusqu’ici utilisÊs et vont, dans un avenir proche, amÊliorer l’efficacitÊ des traitements.

Le ciblage passif utilise le fait que le microenvironnement de la tumeur est un rĂŠseau tortueux et permĂŠable, dĂť Ă un dĂŠfaut d’angiogenèse. vecteurs qui se fixent sur les cellules tumorales.

LES NANOPARTICULES DE SILICE D’OR OU NANOSHEEL Chez la souris, expĂŠrimentalement, on peut ĂŠliminer efficacement les cellules cancĂŠreuses Ă l’aide des nanoparticules d’or et des rayons X. L’expĂŠrimentation consistait Ă injecter dans une souris des cellules cancĂŠreuses, puis les nanoparticules d’or. Quelques minutes plus tard, la souris est soumise Ă des rayons X de haute ĂŠnergie (environ 250 kilovolts). Les rĂŠsultats ont ĂŠtĂŠ très intĂŠressants : le lien entre nanoparticules d’or et rayons X a permis de rĂŠduire la taille des tumeurs, voire de les ĂŠliminer complètement. Lorsque les deux “ingrĂŠdientsâ€? sont utilisĂŠs seuls, les effets sont nettement moins efficaces, voire nuls. Un an après cette expĂŠri-

Les nanotechnologies pourront notamment ĂŞtre utilisĂŠes pour le dĂŠpistage et pour faciliter les suites du traitement. Les nanofils, qui utilisent des molĂŠcules et des atomes spĂŠcialisĂŠs, vont permettre de cibler les cellules cancĂŠreuses, et de dĂŠtenir des capacitĂŠs de traitement, comme c’est le cas avec les nanotubes de carbone. Le dĂŠpistage est une autre utilisation des nanotechnologies avec la possibilitĂŠ d’y coupler de l’imagerie pour traiter le cancer. Les nanoparticules sont capables de repĂŠrer les cellules malades mais aussi d’Êmettre un signal susceptible d’être repĂŠrĂŠ de l’extĂŠrieur. L’Êmission de ce signal est permis par la mise en place de nanoparticules (de silice ou magnĂŠtiques) capables, grâce Ă leur exposition (soit Ă des ultra-violets, soit Ă des ondes magnĂŠtiques), de cibler les zones malades, les ĂŠlĂŠments les plus efficaces ĂŠtant les Quantums on!o " t 0DUPCSF t WPM t OVNšSP


APPORTS DES NANOTECHNOLOGIES DANS LA PRISE EN CHARGE DU CANCER

Dots. Enfin, après avoir ciblĂŠ et visualisĂŠ les cellules cancĂŠreuses, il ne reste plus qu’à les irradier. Les idĂŠes de thĂŠrapie utilisant les nanotechnologies sont nombreuses, mais seules quelquesunes sont vĂŠritablement efficaces. Parmi ces idĂŠes, certaines ne servaient initialement qu’à l’imagerie mĂŠdicale et Ă la dĂŠtection, mais se sont rĂŠvĂŠlĂŠes par la suite capables de dĂŠtruire les cellules cancĂŠreuses.

D’autres envisagent une vectorisation des mĂŠdicaments dans des nanoparticules, ce qui permettrait d’atteindre et de soigner très efficacement les cellules malades. Le problème est de mettre au point un vecteur capable d’aller jusqu’à la tumeur et de passer Ă l’intĂŠrieur de l’organisme sans ĂŞtre identifiĂŠ comme â€œĂŠtrangerâ€? par celui-ci. Les nanotechnologies permettent donc aujourd’hui de

dÊpister les cellules cancÊreuses et de mieux cibler les traitements sur les tissus malades sans lÊser les tissus sains. Reste aux chercheurs à en faire un traitement à part entière qui peut se substituer aux traitements actuels. Q

Mots-clĂŠs : Nanotechnologies, Vectorisation, Traitement ciblĂŠ, DĂŠpistage, Ciblage actif

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