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d www.onko.fr R e v u e

p l u r i d i s c i p l i n a i r e

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O n c o l o g i e

Référentiels de bonnes pratiques En soins oncologiques de support Les référentiels inter-réseaux Dr Nicolas Jovenin, Dr Fadila Farsi, Dr Isabelle Klein, Pr Ivan Krakowski

Le point sur

Adénocarcinomes de l’intestin grêle Actualités Pr Thomas Aparicio

Thérapeutique

cas clinique

Cancer du sein : nouvelles thérapies ciblées anti-HER2

Cancer du poumon de découverte tardive chez le sujet âgé

Pertuzumab et trastuzumabemtansine (T-DM1)

Dr Mohammed Haichour, Dr Gaëtan des Guetz, Dr Thierry Landré

Dr Nawale Hajjaji

Sexualité et cancer

Lecture critique

• Cancer colorectal métastatique et gériatrie • Des marqueurs génétiques pour la réponse au placebo • Régorafénib et adénocarcinome colique Pr Elena Paillaud, Dr François-Régis Ferrand

“Mettre en place des solutions thérapeutiques de façon précoce et adaptée” Entretien avec le Dr Sylvain Mimoun DPC

Volume 6 • n° 43 • Mars 2014 • 9 E

Développement Professionnel Continu


Revue pluridisciplinaire en Oncologie

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Coordination scientifique : Dr Thierry Bouillet Directrice de la rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Charlène Catalifaud • Secrétaire de rédaction : Fanny Lentz • Directrice de fabrication et de production : Gracia Bejjani • ­Assistante de production : Cécile Jeannin • Maquette et illustration : Erica Denzler, Élodie Lelong • Directrice de clientèle/projets : Catherine ­Patary-Colsenet • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne - 2, avenue Berthelot - ZAC de Mercières - BP 60524 - 60205 Compiègne cedex oncologie générale Responsable éditorial : Thierry Bouillet (Bobigny) Didier Ammar (Marseille), Céline Bourgier (Villejuif), Eric Dudoit (Marseille), Paul Escure (Bobigny), Karen Kraeuter (Bobigny), Frédéric Selle (Paris), Marc Spielmann (Villejuif), Laurent Zelek (Bobigny) oncologie digestive Responsables éditoriaux : Jean-Didier Grangé (Paris), Gaëtan Des Guetz (Bobigny) Sophie Dominguez (Lille), Philippe Merle (Lyon)

sommaire Mars 2014 • Vol. 6 • N° 43

www.onko.fr

n Lecture critique

• Cancer colorectal métastatique et gériatrie • Des marqueurs génétiques pour la réponse au placebo • Régorafénib et adénocarcinome colique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 2 Pr Elena Paillaud, Dr François-Régis Ferrand

n thérapeutique

Cancer du sein : nouvelles thérapies ciblées anti-HER2 Pertuzumab et trastuzumab-emtansine (T-DM1). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 6 Dr Nawale Hajjaji

n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9 Référentiels de bonnes pratiques en soins oncologiques de support Les RIR-SOS

oncologie gynécologique et mammaire Responsable éditorial : Pierre Collinet (Lille) Katty Ardaens (Seclin), Bénédicte Comet (Lille), Paul Cottu (Paris), Eric Lambaudie (Marseille), Anne Lesoin (Lille), Olivier Romano (Lille), ­Richard Villet (Paris)

Dr Nicolas Jovenin, Dr Fadila Farsi, Dr Isabelle Klein, Pr Ivan Krakowski

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n Entretien

Sexualité et cancer

de façon précoce et adaptée“ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

“Mettre en place des solutions thérapeutiques

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Le point avec le Dr Sylvain Mimoun

n le point sur

Adénocarcinomes de l’intestin grêle Actualités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Pr Thomas Aparicio

n Cas clinique

Cancer du poumon de découverte tardive chez le sujet âgé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Dr Mohammed Haichour, Dr Gaëtan des Guetz, Dr Thierry Landré

n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5 n Petites annonces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 15 n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 18 n appel à candidatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 22 n INDEX 2013 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 25 Crédits de couverture : © Alexander Raths - Stocklib / © paul prescott - Stocklib / © Vitaly Raduntsev - Stocklib/ © WavebreakMediaMicro - Fotolia Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages).


Général

Digestif

Nous avons lu pour vous… Points forts à retenir Cancer colorectal métastatique

Facteurs gériatriques prédictifs de la faisabilité de la chimiothérapie de première ligne pour le cancer colorectal métastatique chez les patients âgés : résultats ancillaires de l’étude de phase III FFCD 2001-02

les patients âgés de 75 ans ou plus, présentant un cancer colorectal métastatique. L’objectif principal de cette étude, la survie sans progression, est toujours en cours d’analyse. En revanche, les résultats de l’étude ancillaire d’Aparicio et al. sur la recherche des facteurs gériatriques prédictifs de la faisabilité du traitement et de la toxicité sont disponibles et sont présentés ci-dessous.

Pr Elena Paillaud (Chef du département de Médecine interne et Gériatrie, coordonnatrice de l’unité de coordination en Oncogériatrie, groupe hospitalier Henri-Mondor, Créteil)

Évaluation gériatrique

4 Geriatric factors predict chemotherapy feasibility: ancillary results of FFCD 2001-02 phase III study in first-line chemotherapy for metastatic colorectal cancer in elderly patients. Aparicio T, Jouve JL, Teillet L et al. J Clin Oncol 2013 ; 31 : 1464-70. Le cancer colorectal survient principalement chez les patients âgés. Des estimations récentes montrent qu’en France, 45 % des patients avec un diagnostic de cancer colorectal ont 75 ans ou plus. Les données spécifiques pour le traitement du cancer colorectal métastatique chez les patients âgés sont rares. Jusqu’à récemment, les patients âgés étaient sousreprésentés dans les essais cliniques (1). En outre, les personnes âgées incluses dans les principales études validant l’intensification de la chimiothérapie dans ce cancer étaient peu nombreuses, très sélectionnées, et les résultats ne sont donc pas représentatifs (2, 3). La population âgée est très hétérogène en raison de la comorbidité et des syndromes gériatriques associés qui ont un impact sur la survie et la tolérance aux traitements. Il est donc urgent de mettre en place des essais cliniques spécifiques aux personnes âgées et de préciser les paramètres gériatriques prédictifs de la tolérance et de l’efficacité des protocoles de chimiothérapie.

Objectif L’étude 2001-02 de la Fédération francophone de Cancérologie digestive (FFCD) est une étude de phase III randomisée qui évalue l’efficacité de l’irinotécan combiné au fluorouracil (FOLFIRI) contre l’efficacité du fluorouracil seul (LV5FU2) chez

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L’évaluation gériatrique comprenait une échelle de qualité de vie, une évaluation de l’état cognitif et dépressif par, respectivement, MMSE et GDS, un score de dépendance IADL et des données biologiques. Les variables étudiées pendant les 4 premiers mois après le début de la chimiothérapie étaient la toxicité de grade 3-4 par le score NCI-CTC, la réduction de la doseintensité de 33 % ou une hospitalisation non prévue. Au total, sur les 122 patients étudiés, 58 % patients avaient une toxicité de grade 3-4 (39 % dans le bras LV5FU2 et 61 % dans le bras FOLFIRI). 33 % des patients ont eu une réduction de la dose-intensité (32 % dans le bras LV5FU2 et 68 % dans le bras FOLFIRI) et 44 % des patients ont eu au moins une hospitalisation imprévue.

Les facteurs associés à la toxicité Les analyses multivariées (Tab. 1) montraient comme facteurs indépendants associés à : • la toxicité de la chimiothérapie par FOLFIRI : altération de l’état fonctionnel (score IADL) et de l’état cognitif ( MMSE) ; • la diminution de la dose-intensité : le taux de phosphatases alcalines > 2 Nle et la chimiothérapie par FOLFIRI ; • l’hospitalisation non programmée : le score cognitif (MMSE) et l’état thymique ( GDS).

Discussion Cette étude est intéressante car elle concerne une population homogène de patients âgés de plus de 75 ans atteints d’un cancer colorectal métastatique et surtout, elle souligne l’importance de certains facteurs gériatriques qui sont associés à la non-réalisation de la chimiothérapie programmée. Ainsi, un déficit cognitif ou fonctionnel diminue les chances onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

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Lecture critique


Lecture critique

Tableau 1 - Analyses multivariées des facteurs associés à la toxicité et à la diminution de la dose-intensité de la chimiothérapie. Chimiothérapie Toxicité grade 3-4 Diminution dose-intensité > 33 % Hospitalisation non programmée

- Chimiothérapie par FOLFIRI - Altération fonctionnelle IADL ≤ 7 - Altération de l’état cognitif MMSE ≤ 27 - Taux phosphatases alcalines > 2 Nle - Chimiothérapie par FOLFIRI - Altération de l’état cognitif MMSE ≤ 27 - Bonne humeur GDS ≤ 2

OR (95% CI) ; P 5,03 (1,61-15,77) ; P = 0,006 4,67 (1,42-15,32) ; P = 0,011 3,84 (1,24-11,84) ; P = 0,019 4,16 (1,02-16,94) ; P = 0,047 6,86 (1,86-25,39) ; P = 0,004 4,56 (1,56-13,29) ; P = 0,005 5,52 (1,13-27,03) ; P = 0,035

de faisabilité de la chimiothérapie en raison d’une toxicité accrue. Néanmoins, il convient de souligner certaines limites de cette étude ancillaire, avec notamment un nombre important de données manquantes limitant l’analyse multivariée, l’absence de données sur l’état nutritionnel et sur les seuils utilisés pour certains scores (ex. : MMSE > 28).

dant, les déterminants de la réponse au placebo restent mystérieux : on ne sait en effet pas pourquoi ces traitements sont inactifs pour soulager les symptômes chez certains patients et pas chez d’autres. L’analyse des niveaux de dopamine cérébrale est à ce titre un axe de recherche avancé pour analyser l’étendue de la réponse au placebo d’une personne.

Conclusion

Des chercheurs de Boston (états-Unis) ont pour la première fois identifié des différences génétiques entre les répondeurs et les non-répondeurs au placebo, dans un modèle de patients traités pour un syndrome du côlon irritable (SCI), à partir de l’analyse du gène de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT) et de ses variants génétiques, dont COMT val158met. Ils fournissent ainsi un indice important d’un des mécanismes à l’origine de l’effet placebo.

Certains paramètres gériatriques tels que l’état fonctionnel ou cognitif sont associés à une toxicité accrue de la chimiothérapie chez les sujets âgés atteints d’un cancer colorectal métastatique. n

Bibliographie 1. Yee KW, Pater JL, Pho L et al. Enrollment of older patients in cancer treatment trials in Canada: why is age a barrier? J Clin Oncol 2003 ; 21 : 1618-23. 2. de Gramont A, Figer A, Seymour M et al. Leucovorin and fluorouracil with or without oxaliplatin as first-line treatment in advanced colorectal cancer. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 2938-47. 3. Douillard JY, Cunningham D, Roth AD et al. Irinotecan combined with fluorouracil compared with fluorouracil alone as first-line treatment for metastatic colorectal cancer: a multicentre randomised trial. Lancet 2000 ; 355 : 1041-7.

Génétique

Des marqueurs génétiques pour la réponse au placebo : un niveau de preuve supplémentaire à intégrer pour la stratification des essais contre placebo ?

Les personnes ayant deux copies de met ont trois à quatre fois plus de dopamine disponible dans leur cortex préfrontal (région associée à la cognition, à l’expression de la personnalité, à la prise de décision et au comportement social) que les personnes ayant deux copies de val. Les scientifiques ont émis l’hypothèse que si la dopamine était en effet impliquée dans la réponse au placebo, ils verraient une différence de réponse à celui-ci entre les patients selon leur génotype met/val. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont profité d’un essai clinique conçu pour étudier l’effet placebo chez des patients atteints du SCI en 2008.

4 Catechol-O-methyltransferase val158met polymorphism predicts placebo effect in irritable bowel syndrome. Hall KT, Lembo AJ, Kirsch I et al. PLoS One 2012 ; 7 : e48135.

Les patients étaient assignés à l’un des trois groupes de traitement suivants : • patients en “liste d’attente” ne recevant aucun traitement ; • patients recevant l’acupuncture-placebo, type clinique, 20 min deux fois/semaine, pendant 3 semaines ; • patients recevant l’acupuncture-placebo, avec attitude réconfortante et supportive, 20 min deux fois/semaine, pendant 3 semaines.

Les placebos jouent un rôle essentiel dans la médecine et la recherche clinique depuis l’ère Claude Bernard. Cepen-

L’analyse de régression, à partir de 104 des patients génotypés sur les 262, a montré que les réponses au placebo

Dr François-Régis Ferrand (service de Médecine interne-Oncologie, hôpital d’instruction des armées Desgenettes, Lyon)

onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

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Lecture critique

ont augmenté de façon linéaire avec la proportion d’allèles met de la COMT. La force de cette étude réside dans la qualité de l’évaluation de l’effet placebo par une échelle de mesure de qualité de vie adaptée à la pathologie initiale. Elle montre également que les soins délivrés de manière empathique aident certaines personnes, mais ne fait aucune différence pour les autres... Reste à savoir si l’effet placebo n’est lié qu’à un fonctionnement cérébral ou s’il est fortement dépendant de la pathologie initiale ! Cette découverte a non seulement des implications importantes pour les soins aux patients, mais pourrait aussi se révéler importante dans la conception et la réalisation d’essais cliniques pour aider à déterminer l’efficacité d’un médicament. Être capable de prédire une prédisposition génétique pour réponse au placebo accrue pourrait avoir un impact majeur dans la réduction de la taille, du coût et de la durée des essais. La transposition de cette étude à un essai récent contre placebo dans un modèle colique (mais non SCI), comme des adénocarcinomes coliques métastatiques dans l’essai CORRECT, serait intéressante. n

Adénocarcinome colique

Régorafénib en monothérapie orale discontinue : une nouvelle option pour le traitement de l’adénocarcinome colique métastatique en 3e ligne ? Dr François-Régis Ferrand (Service de Médecine interne-Oncologie, Hôpital d’instruction des armées Desgenettes, Lyon) 4 Regorafenib monotherapy for previously treated metastatic colorectal cancer (CORRECT): an international, multicentre, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial. Grothey A, Van Cutsem E, Sobrero A et al. Lancet 2013 ; 381 : 303-12. Le traitement des cancers colorectaux métastatiques (CCRM) a fait l’objet de nombreux progrès ces dernières années autour du concept de réduction tumorale (critère de résécabilité potentielle, chimiothérapie intrapéritonéale ou intraartérielle hépatique) ou autour de l’avènement des thérapies anti-angiogéniques ou ciblant la voie de l’EGFR. Mais finalement, les thérapies systémiques utilisables en pratique quotidienne sont peu nombreuses et combinent (en bi à quadrithérapie) seulement cinq mécanismes d’action différents. Ces mécanismes sont opérés par un ou deux antinéoplasiques : le 5Fu (ou la capécitabine), l’oxaliplatine,

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l’irinotécan, le bévacizumab et les anticorps anti-EGFR. Les combinaisons ont, de plus, leurs limites, car la plupart des patients potentiellement jamais résécables le restent, et comme l’a montré l’échec en survie des associations anti-EGFR/anti-VEGF. Enfin, depuis 2007, aucune nouvelle thérapie, et notamment aucun inhibiteur des tyrosine-kinases, n’a démontré d’efficacité nette dans le traitement des CCRM. Aussi, l’exploration de nouvelles voies d’inhibition de la croissance, de prolifération ou du potentiel métastatique est attendue. La publication d’un essai ayant randomisé un nouvel antinéoplasique contre placebo dans ce contexte est donc particulièrement importante. Tout aussi importante que de se poser la question des biais dans un essai contre placebo (cf. article précédent), et de la pertinence des critères de survie globale en situation d’échec thérapeutique avec les thérapies conventionnelles. L’agent en question est le régorafénib, un inhibiteur oral de protéines-kinases multiples. Il bloque en effet l’activité de plusieurs kinases impliquées dans la régulation de l’angiogenèse tumorale (VEGFR1 [également connue sous le nom FLT1], VEGFR2 [KDR], VEGFR3 [FLT4], TIE2 [SET]), l’oncogenèse (KIT, RET, RAF1, BRAF et BRAFV600E) et le microenvironnement tumoral (PDGFR et FGFR). Les données en essai de phase Ib semblaient encourageantes en termes de taux de contrôle (réponses partielles et stabilité RECIST 1.1) sur une population de patients avec CCRM, alors que les données précliniques publiées sont rares dans ce modèle tumoral. Les auteurs proposent donc ici une étude prospective randomisée de phase III, contrôlée par placebo (en 2:1), en double aveugle, avec analyse en intention de traiter, l’étude CORRECT. Elle a randomisé 760 patients (dont 753 ont pris le traitement) présentant un cancer du côlon métastatique progressif (ou en arrêt pour cause toxique) après 1 à > 4 lignes thérapeutiques, stratifiés par origine géographique (114 centres dans 16 pays en Amérique du Nord, en Amérique, en Europe, en Asie et en Australie), par exposition ou non à un anti-VEGF, et par temps, depuis la prise en charge métastatique ( < ou > à 18 mois). Chaque patient était randomisé dans un des bras suivants avec meilleurs soins de support et : • régorafénib 160 mg une fois/j, 3 semaines sur 4 ; • ou placebo. L’objectif principal était la survie globale, et les objectifs secondaires étaient la survie sans progression, la tolérance globale, la qualité de vie et le taux de réponse. Les deux bras étaient globalement équivalents, mais il est onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Lecture critique

à noter, dans le bras régorafénib, une plus grande proportion de KRAS muté (54 vs 62 %), et dans le bras placebo une exposition plus complète aux agents validés dans le CCRM (hors anti-EGFR qui étaient équivalents). L’analyse statistique ne souffre d’aucun biais dans sa conception et sa réalisation par ailleurs. L’essai est positif sur son objectif principal et la survie globale est significativement augmentée par le régorafénib par rapport au placebo (HR = 0,77, IC 95 % 0,64-0,94 ; p = 0,0052). La médiane de survie, après une exposition médiane au traitement de 2,8 mois pour le régorafénib (contre 1,8 mois de placebo) était de 6,4 mois (contre 5 mois dans le bras placebo, l’hypothèse statistique initiale ayant été construite sur celle d’une médiane à 4,5 mois pour le bras placebo). Il existait également un gain en médiane de PFS de 0, 2 mois (1,7 à 1,9) avec une HR à 0,47. Celle-ci s’accompagne enfin d’une amélioration du taux de contrôle de

la maladie, essentiellement par des maladies stabilisées, là aussi avec des différences de médiane significatives mais maigres (durée médiane de stabilité de 1,7 à 2 mois). Fatigue et syndromes mains-pieds étaient les effets secondaires les plus fréquents sous régorafénib ; diarrhée, rash cutané et hypertension sont également fréquents, entraînant au total, dans 67 % des cas, une réduction de dose. Mais surtout, 54 % des patients traités présentaient une toxicité de grade 3 ou 4. Malgré cela, les cinétiques des échelles de qualité de vie ne semblaient pas différentes dans les deux bras. En définitive, le régorafénib a montré dans l’étude CORRECT une supériorité au placebo en survie globale et en situation avancée. Cependant, le gain est peu important, l’activité antitumorale est au mieux sous-estimée par les critères RECIST, sinon faible, et il existe un profil de toxicité qui devrait, d’autant plus en situation palliative de dernière ligne, être réévalué à la lumière d’autres échelles de la qualité de vie. n

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thérapeutique Sénologie

Cancer du sein : nouvelles thérapies ciblées anti-HER2 Pertuzumab et trastuzumab-emtansine (T-DM1) Dr Nawale Hajjaji*

Résumé Les thérapies ciblées anti-HER2, avec pour chef de file l’anticorps monoclonal trastuzumab, ont modifié significativement l’histoire naturelle des cancers du sein avec surexpression de l’oncoprotéine HER2. Pour éviter l’apparition de résistances, le développement de méthodes plus efficaces de ciblage du récepteur HER2 se poursuit avec deux approches : • se focaliser sur le processus de dimérisation du récepteur HER2 ; • utiliser le concept d’anticorps conjugué. La dimérisation est une étape nécessaire pour l’activation du récepteur HER2. Elle requiert l’exposition du domaine 2 situé sur la partie extracellulaire du récepteur HER2. L’anticorps monoclonal pertuzumab assure un blocage de la dimérisation en ciblant le domaine 2 du récepteur. Associé au trastuzumab, le pertuzumab permet une inhibition plus complète des voies de signalisation stimulées par HER2. Il recrute également les cellules effectrices du système immunitaire capables de détruire les cellules cancéreuses. Les anticorps conjugués sont une classe émergente de biothérapies. Sur ces anticorps sont fixées de façon covalente une ou plusieurs molécules de chimiothérapie grâce à un agent de liaison. Cela permet de délivrer la chimiothérapie de façon sélective aux cellules tumorales qui surexpriment un antigène particulier. L’anticorps conjugué trastuzumab-emtansine (T-DM1) a été conçu pour délivrer de façon sélective de l’emtansine, un inhibiteur de l’assemblage des microtubules, aux cellules tumorales surexprimant HER2. Ces deux approches, inhibition de la dimérisation et anticorps conjugués, ont toutes les deux montré un intérêt clinique.

L

es cancers du sein surexprimant l’oncoprotéine HER2 sont les tumeurs du sein qui ont le plus bénéficié des avancées des thérapies ciblées. Le ciblage de HER2, récepteur transmembranaire appartenant à la famille des récepteurs à l’EGF, par l’anticorps

* Hôpital de jour de Cancérologie, CHRU de Tours

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monoclonal trastuzumab ou par l’inhibiteur de tyrosine-kinase lapatinib, a considérablement amélioré le pronostic des patientes présentant ce type de tumeur. Bien que ces thérapies ciblées anti-HER2 aient modifié significativement l’histoire naturelle de cette catégorie de cancer du sein, des résistances

primaires ou acquises existent. En situation adjuvante, 15 % des cancers du sein HER2 positifs récidivent (1), et en situation métastatique, ces phénomènes de résistance limitent les réponses prolongées. Pour ces raisons, le développement d’approches plus efficaces de ciblage de HER2 se poursuit. L’approche de blocage de la dimérisation du récepteur HER2 par le pertuzumab et la vectorisation de la chimiothérapie par l’anticorps conjugué trastuzumab-emtansine, ont montré un intérêt clinique.

Inhibition de la dimérisation du récepteur HER2 Structure des récepteurs HER Les récepteurs HER sont au nombre de quatre : HER1 (ou EGFR), HER2, HER3 et HER4 (Fig. 1). Ce sont des protéines transmembranaires dont la partie extracellulaire peut recevoir des ligands, et dont la partie intracytoplasmique porte une activité enzymatique de type tyrosine-kinase. HER2 et HER3 sont des exceptions car HER2 n’a pas de ligand connu et HER3 ne porte pas d’activité tyrosinekinase. La partie extracellulaire onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Cancer du sein : Nouvelles thérapies ciblées anti-HER2

Figure 1 - Les récepteurs HER (D’après Yarden et al, 2001).

des récepteurs HER est constituée de quatre domaines. Les domaines 1 et 3 accueillent les ligands, alors que le domaine 2 permet l’interaction du récepteur avec les autres membres de la famille, par dimérisation.

La dimérisation : étape nécessaire pour l’activation des récepteurs HER Dans leur forme inactive, les récepteurs HER sont repliés, le domaine 2 n’est pas exposé. Aucune dimérisation n’est possible. La fixation d’un ligand sur les domaines 1 et 3 va induire un changement de conformation, exposer le domaine 2, ce qui va autoriser la dimérisation des récepteurs avec un autre membre de la famille et leur activation (2). Le récepteur HER2 n’a pas de ligand connu. Il a la particularité d’être actif de façon constitutive sans nécessiter la fixation d’un ligand. Son domaine 2 est toujours exposé, il peut ainsi former des homodimères HER2-HER2 d’emblée actifs. Leur activation est dite ligand-indépendante. Au contraire, les autres récepteurs HER1, HER3 et HER4 nécessitent la fixation d’un ligand pour exposer le domaine 2. Leur activation est dite ligand-dépendante. onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

Du fait de son activation constitutive, le récepteur HER2 est le partenaire privilégié pour la formation des dimères. Les hétérodimères qui contiennent HER2 sont aussi les plus actifs. Paradoxalement, c’est le dimère HER2-HER3 qui est le plus mitogène alors que HER3 ne porte pas d’activité tyrosine-kinase. Une fois activés, les homo- et hétérodimères vont transmettre à la cellule cancéreuse, par leur partie tyrosine-kinase, un signal de prolifération et de survie, via la stimulation des cascades de signalisation. Les principales voies de signalisation mises en jeu sont les voies PI3K/AKT/mTOR, Ras et la voie des MAPK.

Pertuzumab : Inhibiteur de la dimérisation Le pertuzumab est un anticorps monoclonal humanisé de type IgG1. Il se fixe sur le domaine 2 de la partie extracellulaire du récepteur HER2, et empêche sa dimérisation avec les autres récepteurs (Fig. 2). Il inhibe ainsi l’activation ligand-dépendante des dimères (3).

son effet antitumoral en se fixant sur le domaine 4 du récepteur HER2. L’action du pertuzumab et du trastuzumab n’est pas antagoniste, au contraire, ils se potentialisent. Leur synergie a été démontrée par l’essai clinique de phase III randomisé CLEOPATRA (4). Sur la base de cet essai, le pertuzumab a obtenu un accord de mise sur le marché en association avec le trastuzumab et le docétaxel, en traitement de première ligne métastatique pour les cancers du sein HER2 positifs. Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent cette efficacité sont multiples et mettent probablement en jeu un blocage plus complet des voies de signalisation et le recrutement de cellules immunitaires (ADCC) capables de détruire les cellules cancéreuses.

Vectorisation de la chimiothérapie avec le trastuzumab

pertuzumab et Trastuzumab : une combinaison synergique

Les anticorps conjugués : biothérapies innovantes pour améliorer la sélectivité de la chimiothérapie

Pertuzumab et trastuzumab se fixent sur des épitopes différents (Fig. 2). Le trastuzumab exerce

Les anticorps conjugués sont une classe émergente de biothérapie. Sur cette nouvelle génération 7


thérapeutique

d’anticorps sont fixées de façon covalente une ou plusieurs molécules de chimiothérapie. Cela permet de délivrer la chimiothérapie de façon sélective aux cellules tumorales qui surexpriment un antigène particulier. C’est une façon innovante de contourner un des problèmes majeurs de la chimiothérapie : son manque de sélectivité, responsable des effets toxiques sur les tissus normaux. Un anticorps conjugué comporte trois parties : un anticorps monoclonal reconnaissant un antigène spécifique, un agent de liaison ou linker, et une ou plusieurs molécules de chimiothérapie. L’antigène reconnu par l’anticorps doit être le plus spécifique possible de la tumeur, être exprimé en quantité suffisante à la surface des cellules cancéreuses, et être internalisable. Le linker doit être stable pour éviter la libération prématurée de la chimiothérapie dans la circulation sanguine. La nature chimique du linker détermine la biodistribution de l’anticorps conjugué. Il peut y avoir une à huit molécules cytotoxiques fixées de façon covalente sur un anticorps, sans que cette conjugaison modifie les propriétés de l’anticorps (5). Lorsque l’anticorps conjugué reconnaît sa cible antigénique à la surface de la cellule cancéreuse, le complexe anticorps conjuguéantigène est internalisé dans une vésicule intracytoplasmique. Des protéases lysosomales, libérées dans la vésicule d’internalisation, vont détruire l’anticorps, cliver le linker, et ainsi libérer les molécules de chimiothérapie qui vont pouvoir

Figure 2 - Site de fixation des anticorps monoclonaux trastuzumab, pertuzumab et TDM-1.

diffuser dans le cytoplasme. Très peu vont diffuser en dehors de la cellule cancéreuse, la majorité des molécules vont se fixer sur leur cible moléculaire pour induire la mort cellulaire. L’anticorps conjugué complexé à l’antigène de surface peut également induire le recrutement de cellules immunitaires (ADCC) pour détruire les cellules cancéreuses (6).

La vectorisation de l’emtansine en utilisant le trastuzumab permet de contourner ce problème. Le développement clinique de T-DM1 est bien avancé. Plusieurs essais cliniques évaluent sa tolérance et son efficacité chez des patientes présentant des métastases de cancer du sein HER2 positif.

Trastuzumab-emtansine (T-DM1) : un anticorps conjugué anti-HER2

Le pertuzumab est un inhibiteur de la dimérisation de HER2 dont l’action est synergique avec celle du trastuzumab. L’anticorps conjugué T-DM1 permet de délivrer de façon sélective la chimiothérapie aux cellules tumorales surexprimant HER2. Le positionnement de ces nouvelles approches dans la stratégie de traitement des cancers du sein métastatiques HER2 positifs n est en cours.

L’anticorps conjugué trastuzumabemtansine (T-DM1) a été conçu pour délivrer de façon sélective de l’emtansine aux cellules tumorales surexprimant HER2 (antigène cible) (Fig. 2). L’emtansine est un inhibiteur de l’assemblage des microtubules. Cette molécule dérive de la maytansine 1. L’intérêt clinique de la classe des maytansinoïdes a été évalué dans les années 1970-1980. À l’époque, les essais de phases II ont montré des résultats décevants, en partie du fait de toxicités dosedépendantes sur les tissus normaux.

conclusion

Mots-clés : Cancer du sein, Pertuzumab, Trastuzumab, Emtansine, T-DM1, Thérapie ciblée, Récepteur HER2

Bibliographie 1. Perez EA, Romond EH, Suman VJ et al. Four-year follow-up of trastuzumab plus adjuvant chemotherapy for operable human epidermal growth factor receptor 2-positive breast cancer: joint analysis of data from NCCTG N9831 and NSABP B-31. J Clin Oncol 2011 ; 29 : 3366-73. 2. Burgess AW, Cho HS, Eigenbrot C et al. An open-and-shut case? Recent insights into the activation of EGF/ErbB receptors. Mol Cell 2003 ; 12 : 541-52. 3. Baselga J. A new anti-ErbB2 strategy in the treatment of cancer: prevention of ligand-dependent ErbB2 receptor heterodimerization. Cancer Cell 2002 ; 2 : 93-5.

8

4. Baselga J, Cortés J, Kim SB et al. Pertuzumab plus trastuzumab plus docetaxel for metastatic breast cancer. N Engl J Med 2012 ; 366 : 109-19. 5. Thudium K, Bilic S, Leipold D et al. American Association of Pharmaceutical Scientists National Biotechnology Conference Short Course: Translational Challenges in Developing Antibody-Drug Conjugates: May 24, 2012, San Diego, CA. MAbs 2013 ; 5 : 5-12. 6. Barok M, Tanner M, Köninki K, Isola J. Trastuzumab-DM1 causes tumour growth inhibition by mitotic catastrophe in trastuzumab-resistant breast cancer cells in vivo. Breast Cancer Res 2011 ; 13 : R46. onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Référentiels de bonnes pratiques en Soins Oncologiques de support Soins de support

DOSSIER

Référentiels de bonnes pratiques en soins oncologiques de support Les RIR-SOS Dr Nicolas Jovenin*, Dr Fadila Farsi**, Dr Isabelle Klein***, Pr Ivan Krakowski****

Résumé Les soins oncologiques de support ont été définis par une circulaire de 2005 (Circulaire DHOS 2005) comme étant « l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades, conjointement aux traitements spécifiques, lorsqu’il y en a, tout au long des maladies graves ». Il s’agit donc de tous les soins proposés aux patients en dehors des traitements spécifiques (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie…). Les grands champs des soins de support sont : la prise en charge de la douleur, la psycho-oncologie, le traitement des symptômes liés à la maladie et/ou aux traitements (fatigue, nausées-vomissements, aplasies, fièvre…), la socio-esthétique et la coiffure, la prise en charge sociale, l’activité physique adaptée, la lymphologie, etc.

L’AFSOS L’Association francophone pour les Soins oncologiques de support (AFSOS) a été créée en 2008 à l’initiative de l’Association européenne pour les Soins de confort en oncologie (AESCO), du groupe Soins de support de la Fédération nationale des Centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) et du Groupe de réflexion sur l’Accompagnement et les Soins de support pour les patients en hématologie et oncologie (GRASSPHO) (Fig. 1). Elle se veut une plateforme d’échanges au sein de la cancérologie francophone entre les équipes

*Réseau régional de Cancérologie Oncocha, Reims **Réseau régional de Cancérologie Réseau Espace SantéCancer Rhône-Alpes, Lyon ***Réseau régional de Cancérologie Oncolor, Nancy ****Institut de Cancérologie de Lorraine, Nancy

onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

Figure 1 - Logo de l’AFSOS.

dédiées aux soins oncologiques spécifiques et celles dédiées aux soins oncologiques de support. Ce qui a surtout motivé la création de cette “société savante” a été de mutualiser les compétences dans les nombreux domaines des soins de support. Elle a d’ailleurs pour objet la promotion et la mise en œuvre des soins oncologiques. Pour ce faire, elle a vocation à collaborer avec les sociétés savantes qui la “nourrissent” et à servir d’interface entre les profession-

nels de la cancérologie, de la douleur, de la psycho-oncologie, de la nutrition, de la réadaptation, des soins palliatifs, etc. Elle se veut à dimensions nationale et internationale. Rappelons que l’AFSOS a été créée avec le soutien de la Multinational Association for Supportive Care in Cancer (MASCC) et qu’à son dernier congrès, en juin 2013 à Berlin, une session en français avait été organisée et que la délégation française était la plus nombreuse. 9


Référentiels de bonnes pratiques en Soins Oncologiques de support

DOSSIER

Une démarche interrégionale Choix des thématiques

Constitution des groupes interrégionaux

Référentiels

Consultation des réseaux et des partenaires

Critères de choix : plusieurs régions intéressées par le thème ; un réseau régional/ un expert porteur

Pluridisciplinaire/pluri professionnalité : critères expertise et reflet du public cible Processus de relecture ; travaux en ateliers et validation lors des J2R

Élaboration d'un premier draft de référentiel Promotion et diffusion post J2R Mise à jour annuelle par système de revalidation

Figure 2 - Une démarche interrégionale.

Ses missions se déclinent autour de trois domaines de réflexion : • organisation des soins dans les établissements et en ville ; • prise en charge des symptômes à toutes les phases de la maladie ; • qualité de vie des professionnels et des patients. Afin de répondre au deuxième objectif, c’est tout naturellement que la production de référentiels de bonnes pratiques est devenue un enjeu important pour l’AFSOS.

Les référentiels de bonnes pratiques Les référentiels de bonnes pratiques sont des documents synthétiques basés sur des textes concis et des arbres décisionnels. Ils sont un outil d’aide aux prises en charge diagnostique, thérapeutique et de suivi. Des groupes de travail pluridisciplinaires élaborent ces référentiels sur la base de référentiels existants et les actualisent à partir des recommandations nationales et/ou internationales 10

disponibles (HAS/INCa, sociétés savantes) et à partir des réunions de consensus et des pratiques des experts. Les référentiels permettent ainsi d’harmoniser les pratiques habituelles dans un domaine thérapeutique donné et, lorsqu’ils sont appliqués, de traiter tous les patients d’un même territoire avec les mêmes chances de succès.

Méthodes d’élaboration des RIR en soins de support La méthode utilisée pour l’élaboration des référentiels interréseaux (RIR) en soins de support est proche de celle expérimentée depuis 2008 par les réseaux régionaux de cancérologie (RRC) des cinq régions du Grand-Est, avec la Lorraine en chef de file. Au sein de l’AFSOS, la méthode d’élaboration est pilotée par la “C3R” (commission Référentiels Recommandations Réseaux), avec le soutien infaillible de son chef de projet : Sonia Bousbiat. Les RRC de métropole et d’outre-mer et l’Association

des Coordinateurs de Réseaux de Cancérologie (ACORESCA) sont largement mis à contribution. Les RRC mettent à disposition les recommandations nationales et/ou internationales existantes, la littérature scientifique récente, les outils collaboratifs permettant le travail des groupes (locaux pour réunions, numéro de conférence téléphonique, logiciel de web conférence ou d’édition de logigramme…). Il s’agit avant tout d’une démarche interrégionale (Fig. 2). Un appel à candidatures est envoyé en début d’année à tous les experts des régions françaises via les RRC. De nombreux thèmes sont alors proposés, et il est demandé aux acteurs des régions les thèmes qu’ils souhaitent travailler au cours de l’année à venir et s’ils souhaitent coordonner le travail entre les régions. Les dix thèmes retenus chaque année ont en commun : • au moins trois groupes de travail régionaux intéressés par ce thème ; onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Référentiels de bonnes pratiques en Soins Oncologiques de support

• au moins un expert prêt à coordonner le travail ; • au moins un réseau coordinateur prêt à apporter un soutien méthodologique et organisationnel au groupe de travail et au coordinateur. Les groupes de travail régionaux sont idéalement pluridisciplinaires et rassemblent les professionnels du privé et du public. Une fois les thèmes retenus, les groupes de travail régionaux peuvent se mettre à travailler. Ils ont pour objectif de rédiger tout ou une partie du référentiel. La première version, une mise en commun interrégionale, est réalisée pour une relecture critique sous la forme de réunions téléphoniques itératives entre coordinateurs régionaux. Des experts nationaux et l’industrie pharmaceutique sont ensuite sollicités pour une relecture critique du draft du référentiel.

DOSSIER

Soins de support

Figure 3 - Les J2R de Toulouse en 2014.

Enfin, une version finale du référentiel est présentée, débattue et validée lors des Journées de décembre : les J2R. Ces journées de travail sont ouvertes à tous les professionnels impliqués en cancérologie et à l’ensemble des intervenants en soins de sup-

• Abord veineux de longue durée : cathéter à chambre implantable (indications, pose et complications) • Activité physique et cancer • Adaptations posologiques et troubles de la fonction rénale en chimiothérapie • Anémie et cancer • Anxiété et troubles anxieux en cancérologie • Cancer et fatigue

port, même s’ils n’ont pas été impliqués dans l’élaboration des référentiels présentés. Près de 90 % des participants sont satisfaits chaque année. Nous vous donnons donc rendez-vous les 11 et 12 décembre 2014 à Toulouse (Fig. 3).

rise en charge du syndrome main-pied induit par le sunitinib •P et le sorafénib •P rise en charge de la précarité chez des personnes atteintes de cancer •P rise en charge du lymphœdème secondaire du membre supérieur après un cancer du sein •P rise en charge de la maladie thromboembolique veineuse en cancérologie

• Cancer et fertilité

• Prise en charge de la douleur du cancer chez l’adulte

• Cancer, santé sexuelle et intimité

• Prise en charge sociale

• Cancer, vie et santé sexuelles

• Reconstruction mammaire secondaire

• Confusion mentale en cancérologie

• Rééducation en neuro-oncologie

• Décision de poursuite, limitation ou arrêt de la chimiothérapie

• Soins bucco-dentaires en chimiothérapie

palliative chez l’adulte

• Soins bucco-dentaires en radiothérapie

• Dépression

• Toxicité des chimiothérapies : docétaxel

• Escarres : prévention et prise en charge

• Urgence en cancérologie : aplasie fébrile

• Hypertension intracrânienne et déficit neurologique central

• Urgence en cancérologie : compressions médullaires

• Mucites et candidoses

• Urgence en cancérologie : hypercalcémie

• Neuro-oncologie et épilepsie

• Urgence en cancérologie : syndrome cave supérieur

• Neuropathie périphérique et cancer

• Urgence en cancérologie : syndrome confusionnel

• Nausées et vomissements chimio-induits

• Urgence en cancérologie : syndrome occlusif

• Place des thérapies complémentaires dans les soins

• Urgence en cancérologie : transfusions

oncologiques de support Figure 4 - Liste des 38 référentiels disponibles. onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

11


Référentiels de bonnes pratiques en Soins Oncologiques de support

La mise en œuvre

• Activité physique adaptée et cancer

DOSSIER

du sein • Alimentation et nutrition • Comment orienter vers les

1. Définir le niveau émétisant des molécules

psychologues et/ou psychiatres en cancérologie • Occlusions digestives • Prophylaxie des neutropénies

2. Définir le niveau émétisant du protocole

fébriles • Socio-esthétique • Symptômes ostéo-articulaires : métastases osseuses • Troubles psychotiques et cancer

3. Prophylaxie en fonction du niveau émétisant du protocole

• Vaccination : cancers et immunodépression

Figure 5 - Liste des neufs référentiels validés en décembre 2013 qui seront

Figure 6 - Choisir la prophylaxie en fonction du niveau émétisant du protocole (d’après AFSOS version maj 20/12/2013).

Médicaments injectables

mis en ligne dans les prochains mois.

Cette ouverture interrégionale du travail sur les référentiels de bonnes pratiques a permis d’offrir des référentiels aux réseaux qui n’en avaient pas encore développés sur certains thèmes, de mieux diffuser les recommandations nationales et internationales ou de proposer une solution d’attente en l’absence de celles-ci. Elle a, par ailleurs, été source d’efficience pour les RRC grâce à la mutualisation d’un nombre d’experts moins grand dans chaque région et une solution au manque d’experts dans d’autres régions.

Niveau émétisant (incidence) Modérément (30-90 %)

Faiblement (10-30 %)

Les RIR disponibles La liste des RIR en soins oncologiques de support est actuellement disponible sur le site de l’AFSOS (www.afsos.org) et sur l’application mobile “Oncologik” (iOS et Android) mise à disposition gratuitement par Oncolor. Elle est à ce jour riche de 38 référentiels (Fig. 4). Neuf nouveaux référentiels seront mis en ligne en 2014 suite aux J2R de Lyon en décembre 2013 (Fig. 5). 12

Alentuzumab

Doxorubicine

Azacitidine

Épirubicine

Bendamustine

Idarubicine

Carboplatine

Ifosfamide

Clofarabine

Irinotécan

Cyclophosphamide (< 1,5 g/m2)

Oxaliplatine

Cytarabine (> 1 g/m2)

Témozolomide

Daunorubicine

Trabectidine

Bortezomib

Gemcitabine

Cabazitaxel

Méthotrexate

Catumaxumab

Mitomycine

Cétuximab

Mitoxantrone

Cytarabine (< 1000 g/m2)

Paclitaxel

Docétaxel

Panitumumab

Doxorubicine liposomale pégylée

Pémétrexed

Étoposide

Temsirolimus

Éribuline

Topotécan

5-Fluorouracile

Trastuzumab

Niveau émétisant de chaque molécule - médicaments injectables (d’après les recommandations MASCC/ESMO 2009 - Ann Oncol (21 supp5):v232-v243, 2010). Figure 7 - Niveau émétisant des molécules de chimiothérapie (d’après AFSOS version maj 20/12/2013). onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Référentiels de bonnes pratiques en Soins Oncologiques de support Soins de support

DOSSIER

Définir le niveau émétisant des protocoles • Molécule la plus émétisante = niveau global du protocole de chimiothérapie • Les niveaux émétisants ne s’ajoutent pas = deux molécules moyennement émétisantes alors protocole moyennement émétisant • Si protocole sur plusieurs jours = chaque jour est considéré comme un J1

Figure 8 - Définir le niveau émétisant du protocole de chimiothérapie (d’après AFSOS version maj 20/12/2013).

Il est possible de les classer en grands chapitres : accompagnement social, psycho-oncologie, sexualité et cancer, symptômes, toxicité des traitements, urgences…

Modérément émétisant

Prophylaxie primaire

Prophylaxie secondaire

Phase aiguë

Phase aiguë

Aprépitant Corticoïde Sétron (classique ou palonosétron*)

Aprépitant Corticoïde Sétron (classique ou palonosétron*)

Mise en situation : cas clinique Comme nous le disions en début de dossier, les référentiels de bonnes pratiques sont des documents synthétiques basés sur des textes concis et des arbres décisionnels. Ils sont un outil d’aide aux prises en charge diagnostique, thérapeutique et de suivi. Les RIR sont « des problématiques de terrain pour des professionnels de terrain solutionnées au fil du temps par des professionnels de terrain… ». En voici une application. Madame N., 67 ans, 1,60 m, 72 kg, PS : 0, sans antécédent particulier, présente un cancer du sein gauche. La biopsie a mis en évidence un carcinome canalaire infiltrant. Après tumorectomie + curage axillaire, la lésion est stadifiée : pT2-pN1 (2N+/16N) M0-SBR 2, RE+RP- HER2++ (FISH -), ki67 17 %. Une chimiothérapie adjuvante de type séquentiel onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

*en attente d'une publication des résultats de l'essai associant palonosétron + aprépitant (communication ASCO)

+ BZD 1 h avant ou + ANTI-D2 pdt CT +/- olanzapine** Phase retardée

Phase retardée

Aprépitant : J2-J3

Aprépitant : J2-J3 + Corticoïde : J2-J3 +/- olanzapine**

**hors AMM. Non remboursé. Sauf accord du médecin conseil

Figure 9 - Prophylaxies primaire et secondaire des protocoles modérément émétisants (d’après AFSOS version maj 20/12/2013).

Mise en œuvre À tout moment Prophylaxie primaire systématique en fonction du niveau émétisant du protocole de chimiothérapie

Efficacité*

Règles hygiénodiététiques

Acupuncture

Oui

Non

Poursuite du même traitement

Prophylaxie secondaire en fonction du niveau émétisant du protocole de chimiothérapie

Traitement de secours *nausée ≤ grade 1 (ou < 2,6 mm sur EVA nausées) ET vomissement grade 0

Figure 10 - Mise en œuvre de la prophylaxie des NVCI (d’après AFSOS version maj 20/12/2013).

13


Référentiels de bonnes pratiques en Soins Oncologiques de support

Solutions non médicamenteuses : acupuncture

DOSSIER

• Efficacité validée depuis 1997 • En complément des traitements médicamenteux classiques • Électrostimulation supérieure à l’acupuncture simple : diminue l’incidence des vomissements aigus • Acupression diminue la sévérité des nausées aiguës • Aucune donnée sur les événements retardés • Points utilisés : 6MC +++ ± 36E et 4Rp • Séance d’acupuncture : la veille ou quelques heures après la chimiothérapie • Peu d’effets indésirables : tous liés à l’électrostimulation. Rash transitoire et irritation de la peau aux points d’électrode, choc électrique, aggravation de paresthésie chez le patient porteur de neuropathie périphérique Figure 11 - Acupuncture (d’après AFSOS version maj 20/12/2013).

En cas de nausées et de vomissements : • Proposer des petits repas froids pour éviter les fortes odeurs • Manger lentement • Proposer des boissons au goût des patients entre les repas : eau, infusions, jus de pomme, Coca Cola® dégazé... • Utiliser, si besoin, une paille dans une tasse fermée pour faciliter les petites gorgées et éviter les odeurs • Maintenir une position assise pendant 30 min après le repas ; si position couchée, préferer le côté droit pour favoriser la vidange gastrique Figure 12 - Règles hygiéno-diététiques (d’après AFSOS version maj 20/12/2013).

est proposée en RCP (ainsi qu’une radiothérapie externe et une hormonothérapie). Vous êtes en consultation avec la patiente pour prescrire le premier cycle de FEC 100 adjuvant.

Questions ❚❚Question 1 : Quelle est votre attitude pour la prophylaxie des nausées-vomissements chimio-induits (NVCI) pour le premier cycle de FEC 100 ? 1. Rien pour le premier cycle, adaptation au deuxième cycle 2. Métoclopramide en prophylaxie J1 et à la demande ensuite 14

3. Sétron de J1 à J5 et métoclopramide à la demande 4. Triple association sétron-aprépitant-corticoïde

❚❚Question 3 : Qu’auriez-vous pu proposer en plus à la patiente dans le cadre de la prophylaxie des NVCI ?

Malgré votre traitement, madame N. présente un épisode de vomissements le lendemain du premier cycle.

1. Homéopathie 2. Acupuncture 3. Ne pas s’alimenter 4. Autres conseils hygiéno-­ diététiques

❚❚ Question 2 : Quelle est votre attitude pour le deuxième cycle ? 1. Simples conseils et “fatalisme” 2. Ajout de métoclopramide à J1 et à la demande J2-J5 3. Ajout d’alprazolam à J1 et à la demande J2-J5 4. Ajout de corticoïdes à J2-J3

Réponses au cas clinique Le référentiel “Prise en charge des nausées-vomissements chimioinduits (NVCI)” permet de répondre aux trois questions. Ce référentiel a été créé en 2010 à partir du travail de Durand et al. (Bull Cancer, 2009) et des recommandations ASCO, MASCC onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Référentiels de bonnes pratiques en Soins Oncologiques de support

et NCCN. Depuis, il a été mis à jour tous les ans. ❚❚Réponse à la question 1 La bonne réponse est la 4e proposition. Pour répondre à cette question, le référentiel propose la procédure suivante : 1 - définir le niveau émétisant de chaque molécule ; 2 - définir le niveau émétisant du protocole ; 3 - prescrire une prophylaxie en fonction du niveau émétisant du protocole (Fig. 6). Pour le FEC 100, le niveau émétisant de chaque molécule est le suivant : le 5FU est faiblement émétisant, l’épirubicine et le cyclophosphamide sont modérément émétisants (Fig. 7). Deux molécules modérément émétisantes ne s’additionnent pas, c’est la molécule la plus

émétisante qui donne le niveau du protocole (Fig. 8). Ainsi, le FEC 100 est un protocole modérément émétisant, et la prophylaxie primaire proposée est le triplet corticoïde-sétron-­ aprépitant (Fig. 9). ❚❚Réponse à la question 2 La bonne réponse est la 4e proposition. La prophylaxie n’a pas fonctionné le lendemain de la chimiothérapie (Fig. 6). Il est alors proposé une prophylaxie secondaire afin d’améliorer la prise en charge des vomissements retardés (Fig. 9, 10). Il est notamment proposé d’ajouter des corticoïdes à J2 et J3. ❚❚Réponse à la question 3 Les bonnes réponses sont les 2e et 4e propositions. L’acupuncture (Fig. 11) a fait ses preuves en prévention des vomissements

aigus. Et les règles hygiéno-diététiques sont à conseiller de façon systématique (Fig. 12).

Conclusion Les soins de support font désormais partie intégrante de la prise en charge des patients atteints de cancer. L’élaboration de référentiels de bonnes pratiques permet d’harmoniser les pratiques et de donner les mêmes chances aux patients. n

Mots-clés : Référentiel, Soins de support, Référentiels inter-réseaux, Nauséesvomissements chimio-induits Remerciements : Nous tenons à remercier Sonia Bousbiat qui est LA chef de projet de ces référentiels et sans qui ce travail ne serait pas possible.

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DOSSIER

Soins de support


Entretien Général

Sexualité et cancer : le point avec le Dr Sylvain Mimoun* “Mettre en place des solutions thérapeutiques de façon précoce et adaptée” Introduction Les cancers peuvent avoir des répercussions plus ou moins directes sur la vie sexuelle des patients, soit parce qu’ils sont hormono-dépendants (sein, prostate...), soit parce que les traitements entraînent des troubles de la fonction sexuelle ou de la libido. Les patients vivent au rythme des consultations et des examens, et la sexualité s’en trouve reléguée au second plan. Le sujet est peu évoqué en consultation, les patients n’osant pas assez se confier, alors que les troubles sexuels contribuent à l’altération de la qualité de vie.

OnKo+ : Comment les patients reçoivent-ils l’annonce de leur cancer du point de vue de leur sexualité ? Dr Sylvain Mimoun : L’annonce d’un cancer va modifier la perception de la séduction et de la sexualité du patient. Pour un adolescent ou un jeune adulte, cela va l’amener à envisager une modification radicale de ses choix de vie en raison du risque d’infertilité lié au traitement. Pour les personnes plus âgées pour lesquelles l’équilibre de la vie sexuelle peut déjà être fragilisé par l’âge, c’est la crainte qu’il soit rompu définitivement qui inquiète. Le partenaire peut avoir des réactions très variées : de l’augmentation de la tendresse au désir de s’éloigner.

*Gynécologue, andrologue, psychosomaticien et directeur du Centre d’andrologie, Hôpital Cochin, Paris

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OnKo+ : Quelles sont les conséquences des traitements sur la sexualité ? S. M. : Les traitements, que ce soit la chirurgie, la chimiothérapie ou la radiothérapie, sont à l’origine d’un certain nombre d’effets secondaires, dont un épuisement physique et psychologique. Le traitement a également des effets sur l’aspect physique, notamment la modification des cheveux, de la peau, voire de l’odeur, ce qui contribue à impacter de manière négative la sexualité. Les traitements “lourds” induisent une diminution de la production hormonale, avec des conséquences directes sur la libido. Concernant les cancers du sein et de la prostate, le traitement est la castration – chimique et transitoire ou définitive par rayons ou chirurgie. Cela conduit à une perte du désir, à la ménopause chez la femme, et à l’impuissance chez

l’homme. Pour limiter le risque de récidive, le déficit hormonal est maintenu sur une longue période et aucun traitement de substitution n’est proposé. Concernant le cancer de l’utérus, la reprise de l’activité sexuelle peut être compromise par la curiethérapie qui entraîne une réelle gêne lors des rapports. Les traitements des cancers non hormono-dépendants (poumon, côlon, peau...) sont à l’origine d’un stress physique et psychologique qui mène à des troubles hormonaux. Lors de la guérison, l’homme peut récupérer un fonctionnement sexuel normal, et parfois, une fécondité normale dans les mois qui suivent. Pour la femme, la reprise de l’activité ovarienne dépend de l’âge. La prise d’hormones exogènes est possible. Le retour de la fécondité dépend donc de l’âge et des traitements. OnKo+ : Quelles sont les difficultés rencontrées par les patients atteints d’un cancer de la prostate ? S. M. : Les troubles sexuels représentent la cause principale d’altération de la qualité de vie après un traitement du cancer de la prostate. 40 % des patients ayant un cancer de la prostate diagnostiqué présentent une dysfonction érectile. Cette dysfonction devrait faire partie onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Sexualité et cancer

intégrante de la prise en charge globale du cancer. La chirurgie et la radiothérapie peuvent endommager les nerfs indispensables à l’érection. De plus, le traitement stoppe la production de testostérone, ce qui entraîne fréquemment impuissance et absence de libido. En cas de prostatectomie radicale, le pronostic dépend notamment de la préservation des deux nerfs érecteurs. Avec la radiothérapie externe conformationnelle, les troubles de l’érection semblent moins importants qu’avec des traitements conventionnels. De façon générale, seulement 25 % des patients ayant une fonction érectile normale avant radiothérapie ont une chance de la conserver 5 ans après. Au-delà, la dysfonction se stabilise pour 50 % des patients, voire 70 % lorsqu’une hormonothérapie temporaire est associée. Cependant, des troubles du désir s’ajoutent au trouble de l’érection dans ce cas. Le trouble de l’érection est certes le symptôme principal, mais les difficultés rencontrées par les patients concernent également la fonction sexuelle dans son ensemble. Tous les paramètres doivent être pris en compte et évalués. Nombreux sont les patients qui souffrent d’anorgasmie, d’anéjaculation, de baisse du plaisir mais également d’un sentiment d’échec. OnKo+ : Comment aborder la question de la sexualité en consultation ? S. M. : Pour les oncologues, il est vrai que la question de la sexualité est souvent secondaire. De ce fait, ils ne sont en général pas préparés à aborder cette question en onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

consultation. Et bien souvent, les patients n’osent pas demander. Cependant, les cancers sont de plus en plus souvent guéris ou en rémission, et donc, la question du retour à une sexualité normale se pose de plus en plus. Le médecin a pour rôle de prévenir les troubles de la sexualité en proposant un traitement adapté. Le rôle du partenaire est essentiel pour retrouver une sexualité harmonieuse. Concernant le cancer de la prostate, il est indispensable d’évaluer

samment s’aimer soi-même pour réussir à aller de l’avant. Retrouver une sexualité satisfaisante et la capacité à séduire est signe de guérison. Le médecin peut encourager le patient à être un acteur positif de sa vie, par exemple, en l’incitant à reprendre (ou à commencer) une activité physique régulière (et modérée). La clé pour le patient est d’avoir envie, malgré la période de maladie qu’il vient de traverser. Le processus qui mène à une sexualité normale est progressif,

« Préserver la vie sexuelle des patients sans avoir d’incidence sur le résultat oncologique est un véritable enjeu ». la sexualité du couple avant de commencer le traitement. Cela permet de mettre en place des solutions thérapeutiques de façon précoce et adaptée au couple. Des informations sur la fertilité doivent être données pour proposer éventuellement – selon l’âge et la situation du couple – la cryoconservation du sperme. Une prise en charge précoce permet par ailleurs une meilleure récupération en cas d’impuissance induite par le traitement. La présence d’un partenaire motivé et impliqué est un facteur de bon pronostic. Il est donc important d’en discuter avec le couple avant l’intervention ou la mise en place du traitement. OnKo+ : Comment aider les patients à retrouver une sexualité normale après la maladie ? S. M. : La maladie peut être l’occasion de rédécouvrir son ou sa partenaire. Le regard des autres, et celui du partenaire encore plus, est essentiel pour retrouver confiance, car il faut d’abord suffi-

et les efforts doivent être poursuivis même si les résultats ne sont pas immédiats, comme lors d’une période de rééducation. Une prise en charge spécifique et un travail entre professionnels de santé peuvent aider le patient à retrouver une sexualité satisfaisante. Si des dysfonctionnements persistent, l’oncologue peut diriger le patient vers un spécialiste.

Conclusion L’objectif de tout médicament est de contrôler la maladie tout en limitant autant que possible les séquelles fonctionnelles. Les traitements évoluent constamment en ce sens. Préserver la vie sexuelle des patients sans avoir d’incidence sur le résultat oncologique est un vén ritable enjeu. Propos recueillis par Charlène Catalifaud

Mots-clés :

Sexualité, Troubles sexuels, Dysfonction érectile, Cancer de la prostate, Traitement

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rendez-vous de l’industrie

DIGESTIF

Pneumologie

Erbitux® : évolution de son indication dans le cancer colorectal métastatique

Efficacité démontrée d’Iressa® chez des patients caucasiens atteints de cancer bronchique non à petites cellules

D

e nouvelles données ont amené à faire évoluer l’indication d’Erbitux® (cétuximab, laboratoire Merck). Cette évolution a été approuvée par la Commission européenne suite à l’avis positif du CHMP. Dans l’information produit mise à jour, Erbitux® est désormais indiqué pour traiter les patients atteints d’un cancer colorectal métastatique avec le gène RAS sauvage qui exprime EGFR. Cette indication est valable si Erbitux® est utilisé en association à une chimiothérapie à base d’irinotécan (en 1re ligne en association au Folfox ou en monothérapie chez des patients pour lesquels un traitement à base d’oxaliplatine et d’irinotécan a été un échec) et en cas d’intolérance à l’irinotécan. De plus, l’association Erbitux® et chimiothérapie contenant de l’oxaliplatine est contre-indiquée pour les patients avec une tumeur RAS muté ou pour ceux dont le statut mutationnel RAS est inconnu. Ces données sont notamment issues de l’étude OPUS, menée sur 337 patients, sur le statut mutationnel RAS dans le cancer colorectal métastatique. Erbitux® est un anticorps monoclonal anti-EGFR. Il inhibe l’activation du récepteur EGFR et sa voie de signalisation, ce qui réduit l’invasion tumorale et l’extension de la tumeur. n Pour en savoir plus : www.merckgroup.com

SéNOLOGIE

Perjeta® : le premier inhibiteur de dimérisation pour le traitement en 1re ligne métastatique du cancer du sein HER2+

P

erjeta® (pertuzumab, laboratoire Roche) est indiqué en association à Herceptin® (trastuzumab) et docétaxel chez les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique ou localement récidivant non résécable HER2+, n’ayant pas déjà reçu de traitement anti-HER2 ou de chimiothérapie. Cette combinaison améliore de plus de 6 mois la médiane de survie sans progression par rapport au traitement Herceptin® + docétaxel. La mortalité est réduite de 34 %. Le récepteur HER2 est impliqué dans la croissance et la prolifération cellulaire. Les cellules tumorales HER2+ surexpriment ce récepteur. C’est la dimérisation de HER2 avec les autres récepteurs de la famille HER qui est à l’origine de la prolifération et de la survie de ces cellules tumorales. Perjeta® est un anticorps monoclonal qui inhibe cette hétérodimérisation. Par ailleurs, le trastuzumab, un anticorps monoclonal également, inhibe l’activation des voies de signalisation HER2. Les deux anticorps monoclonaux agissent donc de façon complémentaire pour exercer une action anti-tumorale. Les bénéfices de cette association ont été démontrés par l’étude de phase III CLEOPATRA, menée sur 808 patientes. La population cible de ce traitement comprend 2 000 patientes. Perjeta® a reçu l’AMM européenne pour cette indication le 5 mars 2013. n Pour en savoir plus : www.roche.com

18

L’

efficacité et la tolérance d’Iressa® (géfitinib, laboratoire AstraZeneca) en traitement de première ligne chez des patients caucasiens atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules, localement avancé ou métastatique, présentant une mutation activatrice de l’EGFR, ont été démontrées par l’étude IFUM. Les résultats ont été publiés dans le British Journal of Cancer. Cette étude de phase IV a inclus 1 060 patients, parmi lesquels 106 présentaient une mutation activatrice de l’EGFR. Le taux de réponse objective est de 69,8 % chez ces patients. La survie sans progression médiane est de 9,7 mois et la survie globale médiane de 19,2 mois. Le taux de contrôle de la maladie est de 90,6 %. Iressa® est un inhibiteur sélectif de l’EGFR-TK. Cette enzyme régule les voies de signalisation intracellulaire impliquées dans la prolifération et la survie des cellules tumorales. Iressa® est commercialisé en France depuis février 2010. Son efficacité et sa tolérance avaient été démontrées par les études pivots de phase III, IPASS et INTEREST. n Pour en savoir plus : www.astrazeneca.fr

UROLOGIE

Xtandi® : nouveau traitement pour le cancer de la prostate métastatique

A

stellas Pharma a annoncé la mise sur le marché de Xtandi® (enzalutamide), traitement par hormonothérapie indiqué pour les hommes atteints de cancer métastatique de la prostate résistant à la castration (CPRCm) et dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie à base de docétaxel. L’enzalutamide est un triple inhibiteur du récepteur aux androgènes : il inhibe la liaison de l’androgène au récepteur, la translocation nucléaire du récepteur activé et la fixation du récepteur à l’ADN. Xtandi® induit ainsi l’apoptose des cellules cancéreuses, limite la croissance tumorale et réduit le volume de la tumeur. L’efficacité et la sécurité de l’enzalutamide ont été démontrées par l’essai de phase III AFFIRM, mené sur 1 199 patients atteints d’un CPRCm et dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie à base de docétaxel (âge médian : 69 ans). Une réduction de 37 % du risque de décès pour les patients sous Xtandi® a été montrée, avec une médiane de survie globale de 18,4 mois versus 13,6 mois pour les patients sous placebo. L’étude a également montré l’allongement significatif du temps sans progression du PSA, de la survie sans progression radiographique et du temps de survenue du 1er événement osseux, ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie. Xtandi® est déconseillé en cas de défaillance hépatique sévère. Une surveillance est recommandée en cas de défaillance hépatique modérée, d’insuffisance rénale sévère ou terminale. n Pour en savoir plus : www.astellas.fr onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


le point sur Digestif

Adénocarcinomes de l’intestin grêle Actualités n

Les adénocarcinomes de l’intestin grêle sont des tumeurs rares mais leur incidence est

en augmentation. La localisation primitive la plus fréquente est le duodénum. Des maladies prédisposantes, notamment la maladie de Crohn, et des syndromes génétiques ont été identifiés. Après résection chirurgicale, la chimiothérapie adjuvante semble utile. Un essai randomisé (BALLAD-France) testant la chimiothérapie adjuvante va débuter prochainement en France. En cas de tumeur métastatique, la chimiothérapie par FOLFOX est recommandée en première intention.

Épidémiologie Les adénocarcinomes de l’intestin grêle (AIG) représentent environ 40 % des cancers de l’intestin grêle, au même niveau que les tumeurs neuroendocrines (1). L’âge de survenue médian se situe pendant la sixième décade. En France, selon les données du registre bourguignon des cancers, le nombre de nouveaux cas est estimé à 200 par an (2). Cependant, l’incidence réelle est probablement plus importante. En effet, la cohorte française NADEGE a enregistré 366 cas en 3 ans de 2009 à 2012 (3), soit 120 cas par an, ce qui correspondrait à 60 % de l’incidence estimée. Même si la participation à cette cohorte a été large, une telle proportion d’exhaustivité est peu probable. Le duodénum est le segment le plus fréquemment atteint. Il représente 55 à 82 % des cas, suivi par le jéjunum (11-25 %) et l’iléon (7-17 %) (1). * Service de Gastroentérologie et Cancérologie digestive, Hôpital Avicenne, HUPSSD, APHP, Bobigny

onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

Pr Thomas Aparicio*

Carcinogenèse des AIG La biologie des AIG n’a été explorée que dans de courtes séries. Les principales voies de carcinogenèse impliquées dans la carcinogenèse colorectale ont été étudiées dans les AIG. L’implication de la voie Wnt apparaît différente de celle des cancers du côlon. La prévalence de la mutation APC dans les AIG est faible, de 0 à 18 % selon les séries (4-6), contrairement aux cancers colorectaux pour lesquels cette mutation est retrouvée dans près de 80 % des cas. Cependant, il peut exister une accumulation nucléaire de b-caténine, probablement due à une mutation activatrice dans le gène de la b-caténine plutôt que par une dérégulation de la protéine liée à une mutation APC. Une surexpression de la protéine P53 a été détectée dans le

noyau de 24 à 52 % des tumeurs (4, 6-8). Une perte d’expression de SMAD4 a été retrouvée dans 18 % des cas (8). L’expression anormale du VEGF-A et de l’EGFR a été mise en évidence dans 92 et 66 % des tumeurs respectivement, ce qui suggère que ce cancer pourrait être sensible à un traitement ciblant ces voies de signalisation (9). Une mutation KRAS est retrouvée dans environ 40 % des cas (7, 10). Une surexpression d’HER2 est rarement observée (7, 9). La fréquence d’une anomalie de réparation de l’ADN (phénotype dMMR) est retrouvée dans environ 20 % des cas. Ce taux plus élevé que dans les cancers colorectaux suggère la présence d’un syndrome de Lynch plus fréquemment dans les AIG (7, 9, 11). Le phénotype dMMR est plus souvent retrouvé dans les tumeurs duodénales ou jéjunales que dans les tumeurs iléales (7). 19


le point sur

Maladies prédisposantes Polypose adénomateuses familiale Chez les patients atteints de polypose adénomateuses familiale (PAF), les adénocarcinomes du duodénum et les adénocarcinomes de l’ampoule de Vater sont la deuxième localisation tumorale (12). Dans l’analyse préliminaire de la cohorte NADEGE, parmi les patients identifiés atteints d’une PAF, 71 % des patients avaient une tumeur duodénale ou jéjunale proximale, 28 % une tumeur jéjunale et 0 % une tumeur iléale (3).

Syndrome de Lynch L’AIG fait partie du syndrome de Lynch. Cependant, le risque cumulé de développer cette tumeur reste faible chez les patients atteints d’un syndrome de Lynch. Il est estimé à 1 % selon l’étude française ERISCAN (13). Une exploration par vidéocapsule pourrait permettre de diagnostiquer des tumeurs de l’intestin grêle chez les patients atteints de syndrome de Lynch asymptomatique mais n’est jusqu’à présent pas systématiquement recommandée. Cependant, un AIG peut révéler un syndrome de Lynch (14), ce qui implique qu’un phénotypage dMMR doive systématiquement être réalisé. Dans la cohorte NADEGE, en cas de syndrome de Lynch, la localisation préférentielle était le duodénum ou le jéjunum proximal dans 55 % des cas, le jéjunum dans 35 % des cas et l’iléon dans 5 % des cas (3). 20

Figure 1 - Entéroscanner avec injection veineuse d’iode. Coupe axiale : épaississement pariétal circonférentiel d’une anse iléale en rapport avec un adénocarcinome.

Syndrome de Peutz-Jeghers

Diagnostic

Le syndrome de Peutz-Jeghers est un syndrome autosomique dominant rare, dû à la mutation du gène suppresseur de tumeur STK11 qui augmente fortement le risque de développer un AIG. Cependant, ce syndrome reste une cause rare d’AIG. En effet, dans la cohorte NADEGE, seul deux cas, soit 0,5 % des patients, ont été rapportés (3).

Les AIG sont fréquemment diagnostiqués dans un contexte de d’occlusion ou d’hémorragie, notamment pour les tumeurs du jéjunum ou de l’iléon.

Maladie de Crohn L’augmentation du risque relatif d’AIG en cas de maladie de Crohn a été estimé dans plusieurs études de population entre 17 et 41 % (15). L’AIG survient alors dans un segment intestinal inflammatoire, notamment iléal et chez des patients plus jeunes que pour les AIG sporadiques.

La maladie cœliaque La maladie cœliaque est associée à une augmentation du risque d’AIG. Dans la cohorte NADEGE, une maladie cœliaque n’est rapportée que dans 1,7 % des cas (3). Globalement, un syndrome génétique ou une pathologie prédisposante est retrouvée dans près de 20 % des cas, ce qui est beaucoup plus élevé que dans les adénocarcinomes colorectaux (3).

En cas de saignement occulte, une exploration par vidéocapsule endoscopique a une sensibilité de 88,9 à 95 % et une spécificité de 95 à 75 % pour détecter une tumeur de l’intestin grêle. L’entéroscopie double ballon peut permettre ensuite d’obtenir un diagnostic histologique préopératoire si nécessaire (16). L’exploration par vidéocapsule endoscopique ne doit pas être réalisée en cas de syndrome subocclusif et la vérification de la perméabilité de l’intestin grêle par une capsule patency doit être réalisée au moindre doute. Le bilan à réaliser après le diagnostic d’AIG, selon les recommandations du thésaurus 2012 (www.tncd.org), comporte un scanner thoraco-abdominopelvien à la recherche de métastases, une endoscopie haute et basse à la recherche d’autres tumeurs évoquant une prédisonko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43


Adénocarcinomes de l’intestin grêle

meurs localement avancées non résécables est de 5 % (3).

Figure 2 - Vidéocapsule endoscopique, adénocarcinome du jéjunum sténosant. Découvert à l’occasion d’un bilan d’anémie.

position génétique, un dosage de l’ACE et du CA 19-9, notamment en cas de tumeur métastatique en raison de leur valeur pronostique (17). En cas de maladie de Crohn, une exploration dans l’ensemble de l’intestin par entéroscanner ou vidéocapsule (Fig. 1, 2) doit être réalisée pour diagnostiquer d’autres lésions synchrones. Un dosage des anticorps antitransglutaminase A et des biopsies duodénales sont recommandés pour détecter une maladie cœliaque. Une recherche systématique d’une instabilité microsatellite ou de la perte d’expression d’une des protéines de réparation de l’ADN doit être faite pour dépister un syndrome de Lynch.

Pronostic Les AIG ont un mauvais pronostic avec une survie à 5 ans de 50 à 60 % pour les stades I, de 39 à 55 % pour les stades II, de 10 à 40 % pour les stades III et de 3 à 5 % pour les stades IV (1). Dans la cohorte NADEGE, 54 % des tumeurs sont localisées et réséquées. Parmi celles-ci, il y a 37 % de stades I et II et 48 % de stade III. La fréquence des tuonko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

L’invasion ganglionnaire est le principal facteur pronostic pour les AIG réséqués. Pour les AIG de stade III, un nombre de ganglions envahis > 3 confère un plus mauvais taux de survie sans récidive à 5 ans que l’invasion d’un à deux ganglions (37 % vs 57 %) (18). D’autres facteurs de mauvais pronostic sont inconstamment rapportés dans différentes études comme le primitif duodénal, l’âge, le stade T4, le caractère peu différencié, la positivité des marges de résection, le ratio ganglions envahis/ganglions réséqués > 10 % (1). De plus, un phénotype dMMR semble associé à une meilleure survie sans récidive comme dans les cancers colorectaux (7). Pour les tumeurs métastatiques, le statut de performance de l’OMS, le taux d’ACE et de CA 19-9 élevés étaient associés à un mauvais pronostic (17). Dans l’analyse biologique de cette étude clinique, le statut KRAS muté était associé à une meilleure survie (7).

Traitement Tumeurs non métastatiques La résection chirurgicale est le traitement de référence des AIG localisés. L’intérêt d’un traitement par chimiothérapie adjuvante n’est pas démontré. Aucun essai prospectif n’est publié dans cette indication. Bien que le niveau de preuve de l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante soit faible, le thésaurus recommande en option une chimiothérapie adjuvante par association de fluoropyrimidine et

d’oxaliplatine après résection curative d’un AIG de stade III ou en cas de stade IIB (www.tncd.org). Dans la cohorte NADEGE, 55 % des AIG de stade III et 16 % des AIG de stade II ont reçu une chimiothérapie adjuvante (FOLFOX dans 86 % des cas) (3). Une étude prospective internationale de phase III (BALLADFrance) comparant une chimiothérapie adjuvante à l’observation va débuter prochainement en France.

Tumeurs métastatiques Il existe quelques données concernant la chimiothérapie des AIG métastatiques. Cependant, il ne s’agit que d’études prospectives de phase II ou d’études rétrospectives (7). Une étude rétrospective a suggéré qu’une chimiothérapie par gemcitabine ou irinotécan donne de meilleurs résultats qu’une monothérapie par 5FU (19). Une autre étude rétrospective sur 80 patients a révélé que les chimiothérapies comportant des sels de platine avaient de meilleurs taux de réponse que les chimiothérapies ne comportant pas de sels de platine (46 % vs 16 % ; p = 0,01), une survie sans progression plus prolongée (8,7 vs 3,9 mois ; p ≤ 0,01), mais sans amélioration significative de la survie globale (14,8 vs 12,0 mois ; p = 0,10) (20). Enfin, une autre étude rétrospective multicentrique a évalué chez 93 patients les résultats des chimiothérapies par LV5FU2, FOLFOX, FOLFIRI et LV5FU2cisplatine. En analyse multivariée, l’altération du statut de performance de l’OMS (p < 0,0001) 21


et l’élévation du taux d’ACE (p = 0,02) et de CA 19-9 (p = 0,03) étaient significativement associées à une plus mauvaise survie. Dans le sous-groupe des patients traités par sels de platine, l’analyse multivariée montre que la chimiothérapie par FOLFOX était associée à une meilleure survie sans progression (p < 0,0001) et survie globale (p = 0,02) comparée à l’association 5FU + cisplatine (17). À partir de la même série, l’efficacité du FOLFIRI en seconde ligne a été explorée chez

28 d’entre eux. Le taux de réponse était de 20 % et le taux de contrôle de la maladie de 52 %. La médiane de survie sans progression et la survie globale étaient de 3,2 et 10,5 mois, respectivement (21). Une étude prospective de phase II a rapporté des résultats intéressants pour l’association capécitabine + oxaliplatine avec un taux de réponse de 50 %, une survie sans progression médiane de 11,3 mois et une survie globale médiane de 20,4 mois (22).

Dans la cohorte NADEGE, pour les tumeurs métastatiques, la chimiothérapie de première ligne était le FOLFOX dans 80 % des cas, le FOLFIRI dans 12 % des cas et le XELOX dans 5 % des cas (3). n

Mots-clés : Tumeurs rares, Adénocarcinome de l’intestin grêle, Carcinogenèse, Syndrome de Lynch, Chimiothérapie

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Appel à candidatures Appel à candidatures pour la 4e édition du prix LÉO Pharma Thrombose et cancer 2014

L

e laboratoire LÉO Pharma lance un appel à candidatures pour son prix LÉO Pharma Thrombose et cancer 2014.

Cette 4e édition récompensera un projet de publication dans le domaine de la maladie thrombo-embolique veineuse en oncologie, onco-hématologie, chirurgie carcinologique et anesthé22 sie, en recherche fondamentale ou en recherche clinique.

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Cas clinique Thorax

Cancer du poumon de découverte tardive Chez le sujet âgé n Le cancer du poumon est le 4e cancer le plus fréquemment rencontré. De plus, c’est le premier cancer en termes de mortalité. Son incidence en France est estimée à plus de 39 000 nouveaux cas en 2012. La répartition par âge retrouve un pic d’incidence chez les hommes âgés de 70-74 ans. Le problème de la découverte trop tardive de ce cancer est illustré et discuté ci-dessous par le cas clinique d’un patient âgé.

Présentation du cas M. P. K., âgé de 82 ans, est adressé aux urgences par son médecin traitant pour des chutes à répétition. Il a, comme antécédent, une maladie de Crohn découverte en 1988 (résection grêlique), avec persistance, depuis, de troubles du transit à type de diarrhées chroniques. M. P. K., parfaitement autonome jusqu’à présent, vit à domicile avec son épouse atteinte d’une maladie d’Alzheimer, dont il assure la prise en charge. Le couple a deux enfants à proximité et bénéficie d’un portage des repas ainsi que du passage d’une aide ménagère à raison de 6 h/semaine. L’examen clinique, aux urgences, met en évidence une altération de l’état général importante avec cachexie (45 kg pour 1,60 m, soit un IMC à 17,6), asthénie et pâleur cutanéo-muqueuse, sans autre anomalie clinique. Sur le plan biologique, il existe une anémie normocytaire à 8 g/dL d’hémoglobine et une insuffisance rénale fonctionnelle sans anomalie métabolique. *Service de Médecine gériatrique, hôpital Georges-Clémenceau, Champcueil ** Unité de Coordination en Oncogériatrie, HUPSSD, AP-HP

onko + • Mars 2014 • vol. 6 • numéro 43

Dr Mohammed Haichour*, Dr Gaëtan des Guetz**, Dr Thierry Landré**

La radiographie du thorax met en évidence une atélectasie du lobe moyen droit pour laquelle un traitement par Augmentin® est instauré. Un scanner thoracique est pratiqué avant d’adresser le patient au service Gériatrie aiguë. Il révèle un collapsus du lobe moyen sur obstacle endoluminal proximal ainsi qu’un nodule spiculé de 10 mm du segment dorsal du lobe supérieur droit. En court séjour, l’évaluation gériatrique met en évidence à l’interrogatoire du patient, une asthénie et une anorexie datant de plusieurs mois. Il n’existe aucun trouble des fonctions cognitives, l’autonomie est limitée en raison de l’altération massive de l’état général (dénutrition sévère : IMC 17,6 ; albuminémie à 22 g/L), mais le patient se déplace sans aide technique et est non algique. La fibroscopie bronchique met en évidence une formation tumorale obstruant complètement la lobaire moyenne (biopsie : carcinome épidermoïde). L’état général du patient, informé du diagnostic, se dégrade très rapidement. Une prise en charge est effectuée par l’équipe mobile de soins pallia-

tifs. Compte tenu de l’altération de l’état général avec Performans Status à 3, une décision de soins de support avec abstention thérapeutique est décidée en RCP. Le patient décédera 1 mois après son admission aux urgences.

Discussion Dans cette observation clinique, le diagnostic de cancer du poumon a été tardif. Il a été posé après la dissémination métastatique chez un patient âgé de 82 ans dont l’autonomie et les fonctions cognitives étaient intactes, avec peu de comorbidités. Le diagnostic a été retardé en raison d’une symptomatologie trompeuse (maladie de Crohn) et du manque de disponibilité du patient (principal aidant de son épouse). Le bilan d’extension n’a pu être réalisé en raison de l’altération de l’état général du patient. Le diagnostic tardif des cancers chez les personnes âgées est fréquent et souvent lié à une démarche diagnostique moins approfondie. Il existe, pour ces patients, un pourcentage de cancers de stade indéterminé plus 23


cas clinique

élevé (pourcentage plus élevé de personnes sans confirmation histologique ou cytologique du cancer) et un pourcentage de cancers à des stades avancés plus élevé (cancers métastasés ou avec envahissement locorégional) (1-6). L’étude rétrospective de Rijke (6), réalisée à partir du registre régional des cancers du centre de Limburg, chez 6 911 patients âgés de 50 ans et plus atteints d’un des six cancers les plus fréquents (sein, côlon et rectum, poumon, ovaire, tête et cou, lymphome non hodgkinien), a analysé les variations dans la prise en charge du cancer en fonction de l’âge. La confirmation du diagnostic histologique du cancer, pour les tranches d’âge suivantes 50-59, 60-69, > 70 ans, a été obtenue chez respectivement 93, 90 et 83 % des patients. Pour tous les cancers, le stade était indéterminé dans une plus grande proportion chez les sujets âgés par rapport aux sujets jeunes et la différence était significative pour tous les cancers, excepté le cancer de l’ovaire et le lymphome non hodgkinien (effectifs insuffisants). D’autres études ont souligné l’absence de certitude histologique du cancer, faute de prélèvements effectués. Cela concernait 10 à 20 % des personnes âgées selon le site tumoral (1, 7). Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer l’origine du retard au diagnostic (6, 8) : • une symptomatologie atypique ou absente ; • des explorations permettant de déterminer avec précision le

stade de la maladie non effectuées en raison de risques inhérents à l’exploration (injection de produit de contraste pour TDM chez les sujets insuffisants rénaux) et/ou bénéfices d’un traitement jugés faibles avec des risques de complications trop élevés ; • des comorbidités importantes ou certaines pathologies limitant l’espérance de vie du patient et/ou sa prise en charge, plus particulièrement l’état fonctionnel, cognitif et psychologique du patient ; • le degré d’information du patient et son environnement social ainsi que le refus du patient et/ou de la famille de poursuivre les investigations ou d’être hospitalisé ; • l’absence ou la mauvaise compliance au dépistage des cancers après 70 ans ; • le manque d’oncologues ou de gériatres dans certaines régions. Plusieurs études ont souligné que les personnes âgées avec un suivi médical régulier et un état fonctionnel correct avaient une probabilité plus élevée de diagnostic de cancer à un stade localisé (5, 7). Les travaux de Goodwin (9) ont mis en évidence l’importance de l’environnement social et de l’accès aux transports en commun pour les patients âgés, qui retentissaient sur le délai du diagnostic et/ou sur l’adéquation au traitement du cancer. Parallèlement, plusieurs études soulignent l’impact sur la prise en charge thérapeutique d’un diagnostic tardif, les patients âgés étant insuffisamment traités, voire non traités (7, 10). Un traitement par anti-EGFR

peut être envisagé pour les patients atteints d’un adénocarcinome avec une mutation EGFR. Ce traitement a l’avantage d’être mieux toléré que la chimiothérapie par les patients fragiles. Cependant, il n’aurait pu être proposé chez M. P. K. atteint d’une tumeur épidermoïde .

Conclusion Le diagnostic et les traitements ne doivent plus se fonder uniquement sur l’âge du patient, ils doivent être corrélés à la physiologie, à l’état de santé et au désir du patient. La prise en compte des caractéristiques psychosociales et la participation du patient et de sa famille sont primordiales. L’information du public sur l’intérêt du diagnostic précoce des cancers chez les personnes âgées, en termes de curabilité, de qualité de vie et du coût de la prise en charge, est essentielle. Une politique d’information spécifique du public et des professionnels de santé doit être mise en œuvre. Seul un partenariat complice entre les équipes d’oncologie et de gériatrie, en collaboration étroite avec les professionnels de santé de ville, le patient et son entourage, fondé sur des recommandations adaptées à cette population spécifique, peut permettre un programme individualisé, adapté et efficace, afin de diagnostiquer et de traiter à temps les patients âgés sans renoncement ni acharnement.

Mots-clés : Cancer du poumon, Diagnostic, Gériatrie, Prise en charge

Bibliographie 1. Grosclaude P, Quipourt V, Mouret L, Remontet L. Données épidémiologiques sur les cancers du sujet âgé. État des lieux et perspectives en oncogériatrie (INCa). www.ecancer.fr. 2. Kendal WS. Dying with cancer. The influence of age. Comorbidity and cancer. Cancer 2008 ; 112 : 1354 -62. 3. Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France 19802005. www.invs.sante.fr/surveillance/cancers/estimations_cancers/ 4. La situation du cancer en France en 2012 (INCa). www.e-cancer.fr. 24 5. Bouchardy C, Rapiti E, Blagojevic S et al. Older female cancer patients: importance, causes, and consequences of undertreatment. J Clin Oncol 2007 ; 25 : 1858-69. 6. De Rijke JM, Schouten LJ, Schouten HC et al. Age-specific differences in the

diagnostics and treatment of cancer patients aged 50 years and older in the province of Limburg, The Netherlands. Ann Oncol 1996 ; 7 : 677-85. 7. Repetto L, Constantini M, Campora E et al. A retrospective comparison of detection and treatment of breast cancer in young and elderly patients. Breast Cancer Res Treat 1997 ; 43 : 27-31. 8. Brown JS, Eraut D, Trask C, Davison AG. Age and the treatment of lung cancer. Thorax 1996 ; 51 : 564-67. 9. Goodwin JS, Hunt WC, Samet JM. Determinants of cancer therapy in elderly onko + • Janvier-Février 2014 • vol. 6 • numéro 43 patients. Cancer 1993 ; 72 : 594-601. 10. Fentiman IS, Tirelli U, Monfardini S et al. Cancer in the elderly: why so badly treated? Lancet 1990 ; 335 : 1020-2.


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