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édito

Un grand merci !

L

e succès d’un congrès tient souvent à peu de chose. Une tempête de neige ou une grève des taxis et c’est toute la fréquentation qui en pâtit. Mais lorsque ce rendez-vous est ancré depuis des années dans une dynamique

de changement, d’information et d’échange entre experts et participants, les aléas climatico-sociaux n’ont plus guère d’emprise sur sa tenue. En sept ans

Par Olivier Valcke,

rédacteur en chef adjoint

d’existence, les Rencontres de l’officine se sont taillé une solide et sérieuse réputation dans l’univers pourtant chargé des salons professionnels. On peut le dire sans rougir : elles font désormais partie du paysage officinal. Au cours de cette septième édition, on a vu des pharmaciens moins attentistes, davantage concernés par les mutations de leur profession. En résumé, des pharmaciens lucides. Certes, le contexte économique n’est pas rose. Et pourtant, point de fatalisme mais une volonté farouche de faire évoluer le métier et d’être, comme l’a dit un représentant syndical, « acteur du changement ». Du coup, c’est du concret que sont venus chercher les nombreux congressistes de cette année. Plus d’argent dans les caisses ? Une session animée par Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial, vous proposait de booster votre officine sans investir un euro (et croyez-moi, c’est possible !). La vente en ligne, j’y vais ou j’y vais pas ? Beaucoup de partants mais peu d’élus pour Jérôme Gobbesso, cofondateur de NewPharma, première e-pharmacie belge. L’interprofessionnalité est-elle vraiment une voie de salut pour l’officine ? Osez les Sisa et les maisons de santé pluridisciplinaires nous rétorque Stéphane Billon, directeur associé du cabinet Kamedis Conseils. Les menaces qui pèsent sur le monopole ? Pas d’ouverture généralisée tout de suite, mais probablement un grignotage progressif, selon Lucien Bennatan, président du groupe PHR et représentant de l’UDGPO à une table ronde au titre provocateur « Les groupements peuvent-ils sauver le soldat officine ? ». Enfin, à la question de savoir comment améliorer l’observance, Gérard Reach, médecin et professeur d’endocrinologie à l’université Paris XIII, nous a mis en garde : « Attention à ne pas transformer le patient en Homo medicus »! Mais tout ce foisonnement d’idées, d’échanges, de débats serait resté lettre morte s’il n’y avait pas un acteur incontournable, dénominateur commun de toutes ces Rencontres : vous ! Merci donc à tous pour votre participation et votre fidélité. Et rendez-vous l’année prochaine.

février 2014 • Pharma N°109 • 3


N° 109 • février 2014 • cahier 1 socio-pro

qualité

22 Dossier Quand la violence s’invite au comptoir 26 Back-office Gestion à distance de l’officine, une réalité 30 Qualité L’accueil, un critère à ne surtout pas négliger 32 Tribune Nouvelle rémunération : des comptes d’apothicaire ? 50 Le jour où… … j’ai reçu le prix de l’Ordre

thérapeutique 34 Lu pour vous Sélection d’articles parus dans la presse scientifique internationale

©© dr

36 10 questions sur… Le dénutrition chez la personne âgée

L’accueil, un critère à ne pas négliger actualité Directeur de la publication : Antoine Lolivier Directrice du développement et de la publicité : Valérie Belbenoit Directeur de la rédaction : Antoine Lolivier Rédactrice en chef : Amélie Baumann-Thiriez Rédacteur en chef adjoint : Olivier Valcke Conception graphique : Laurent Flin Secrétaire de rédaction : Vincent Béclin Rédacteurs pour ce numéro : Stéphane Billon, Julien Boyer, Anne Champy, Anne Fellmann, Laetitia Leclercq, Rose Perrier, Marie Simonot Directrice de production et de fabrication : Gracia Bejjani Assistante de production : Cécile Jeannin Publicité : Emmanuelle Annasse, Aurélie Barnier, Valérie Belbenoit, Catherine Colsenet, Philippe Fuzellier Service abonnements : Claire Lesaint Photogravure et impression : Imprimerie de Compiègne, 2 Av Berthelot, ZAC de Mercières BP 60524, 60205 Compiègne cedex Pharma est une publication © Expressions Pharma 2, rue de la Roquette - Passage du Cheval-Blanc Cour de Mai - 75011 Paris Pour nous joindre : courrierpharma@expressiongroupe.fr Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 RCS Paris B481 690 105 Commission paritaire : 0317 T 86202 ISSN : 2101-4752 - Mensuel Comité de rédaction et de lecture : Claude Arnoldi : pharmacien ; Irène Bakal : pharmacienne ; Anne Baron : pharmacienne ; Françoise Beaunier-Daligault : pharmacienne ; Catherine Boyer : pharmacienne ; Patricia Daligault : pharmacienne ; Damien Galtier : diététicien ; Emilie Lecorps : pharmacienne ; Aude Lepoutre : gastro-entérologue ; Philippe Lesieur : psychiatre ; Mme Maury : pharmacienne ; Marguerite Mouilleseaux : pharmacienne ; Elizabeth Muller : pharmacienne ; Pascal Poncelet : cardiologue ; Sylvie Rosenzweig : pharmacienne (réseau douleur-soins palliatifs) ; Gilles Traisnel : cardiologue ; Mr Vanpoulle : pharmacien.

4 • Pharma N°109 • février 2014

6 Actus Les derniers faits marquants du monde officinal 12 En chiffres Retour sur le marché de l’officine en 2013 14 Rencontres de l’officine Les temps forts de la 7e édition 16 Entretien Laurence Bouton, directrice d’Alphega Pharmacie France : « Garantir l’indépendance du pharmacien »

38 Cas de comptoir En finir avec le tabac 41 Dossier ROR, varicelle : une petite piqûre de rappel ? 44 Doc+ Le nouveau calendrier vaccinal

Gammes 45 Véto Toute la lumière sur les puces, vers et antiparasitaires… 48 Nouveaux produits Médicaments, conseil et parapharmacie, zoom sur les dernières innovations des laboratoires

18 L’observatoire des pharmaciens L’insécurité, tous concernés 20 Reportage La pharmacie à l’heure du drive, deux exemples dans le Nord

Retrouvez le bulletin d’abonnement en page 17 Cette publication comporte deux cahiers : cahier 1 (52 pages), cahier 2 « Spécial transactions » (4 pages). Assemblés à cette publication : deux bulletins d’abonnement (2 et 4 pages). En couverture : © lassedesignen — Fotolia


Actualité profession

télex

©© fox17 – fotolia

L’UDGPO reçue au ministère de la Santé Quatre représentants de l’UDGPO ont été reçus par les conseillers de Marisol Touraine le 22 janvier. Souhaité de longue date, cet entretien a permis d’aborder les points de crispation pour la profession : dispensation à l’unité, tests de grossesse en vente en GMS… Le ministère a également annoncé qu’il avait commandé un rapport à l’Igas, attendu fin mars, sur la distribution pharmaceutique.

Rémunération

L’UNPF veut un honoraire de 1 € par ordonnance Seul syndicat à ne pas avoir ratifié le protocole d’accord avec l’Assurance maladie instaurant un honoraire de dispensation à la boîte, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) milite pour la mise en œuvre d’un honoraire « lié à la prescription et rien qu’à la prescription. » Couplé à une lettre clé et revalorisé tous les trois ans, cet honoraire fixé à 1 € par ordonnance permettrait, selon le syndicat, d’introduire 12,5 % d’honoraires dans la marge totale de l’officine, tout en la déconnectant de la marge dégressive lissée (MDL). L’UNPF souhaite également créer un honoraire sur les produits dont

1 200 €

C’est le coût de l’ouverture d’un dossier médical personnel (DMP) selon le quotidien Le Parisien, soit une dépense totale de 500 millions d’euros pour 418 000 dossiers ouverts jusque-là.

le PFHT est supérieur à 1 500 € (3e tranche). « Cet honoraire serait versé aux pharmaciens en échange d’informations relatives à la bonne observance et à la tolérance des traitements », explique Françoise Daligault, sa présidente, pour qui le paiement de cet honoraire pourrait être « effectué par l’industrie à une caisse indépendante qui serait chargée du reversement aux pharmacies en fonction des prestations réalisées. » Enfin, jamais deux sans trois, l’UNPF demande l’instauration d’un honoraire spécifique pour la préparation des doses à administrer (PDA) de 1 € par jour et par patient.•

0,35 €

C’est le coût estimé par an et pour chaque dossier pharmaceutique (DP) ouvert (source : Conseil national de l’Ordre des pharmaciens).

Il a dit…

« Pas de déremboursement de médicaments ni de franchise ou de charges nouvelles pour les patients français en 2014. » Marisol Touraine, ministre de la Santé

6 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014

Les petites annonces d’OCPrize Du 22 janvier au 12 février, OCP a organisé l’OCPrize, un concours de vidéos humoristiques à destination des pharmaciens. « Je recherche une officine », « je recherche un collaborateur »… Les candidats devaient réaliser une petite annonce de manière décalée. Après présélection par le jury le 13 février, les vidéos sont soumises au vote du public sur le site www.ocp.fr jusqu’au 28 février. À vous de jouer ! Boots lance un site de vente en ligne Encore expérimental, le site www.international.boots.com entrera dans sa phase opérationnelle dans trois mois. Disponible dans dix-neuf pays, dont la France, ce site en anglais vise principalement les 6 millions d’expatriés britanniques installés à l’étranger. Giropharm à l’assaut des troubles digestifs Brûlures d’estomac, constipation, diarrhée… En février, les pharmaciens Giropharm s’attaquent aux troubles digestifs. Aux conseils habituels dispensés au comptoir s’ajoute la distribution de brochures informatives. Les patients y trouveront les bons réflexes alimentaires à adopter et les solutions naturelles et médicamenteuses pour soulager leurs maux. En France, 19 millions de personnes sont concernées par ces troubles. La PDA rémunérée à l’essai Initiée par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) de pharmaciens de Basse-Normandie, une centaine d’officines du département expérimentent depuis octobre la PDA rémunérée. Chaque pharmacien reçoit un euro par jour et par patient.


Actualité profession

Audit

1 700

L’Ordre fait de la qualité sa priorité pour 2014 Un panorama de droit pharmaceutique, une enquête IMS Health sur les prix des médicaments vendus en officine, un document M€dicam€nts, pour une transparence de la consommation et des coûts, un guide intitulé La qualité de la chaîne du médicament à l’heure de la mondialisation, des rumeurs à l’information… l’Ordre ne chôme pas en ce début d’année en ce qui concerne ses publications. « L’institution est en pleine effervescence, confirme Isabelle Adenot, sa présidente. On nous interpelle souvent sur ce que fait l’Ordre. Nous voulons une

C’est le nombre de pharmaciens qui ont répondu à l’enquête de l’USPO sur les projets de nouvelle rémunération avancés par l’Assurance maladie. Il en ressort que 90 % des pharmaciens interrogés rejettent la réforme de la rémunération de 1 € par boîte.

fois pour toutes montrer aux pharmaciens que l’institution les accompagne dans la mutation de leur métier et qu’elle s’engage plus que jamais auprès d’eux dans une démarche qualité. » C’est à ce titre que des audits pédagogiques vont être menés dans quelque 3 000 officines françaises. Les pharmaciens volontaires recevront des conseillers ordinaux qui les aideront à améliorer leur pratique. Ces audits seront précédés de visites inopinées pour sonder l’opinion des patients sur l’accueil et la qualité des conseils dispensés par leur pharmacien.•

télex

Il a dit…

On vous donne un code pour payer moins d’impôts, alors forcément on est tenté…

McKesson et Celesio, une fusion ambitieuse Après une première tentative de rachat infructueuse, le grossiste américain McKesson devrait signer avec Celesio, propriétaire d’OCP, un contrat de domination lui permettant de décider des orientations stratégiques des deux entreprises. Ensemble, ces groupes emploieront 81 500 salariés et pèseront plus de 111 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Un pharmacien rocroyen aujourd’hui retraité déclaré coupable de fraude fiscale, au sujet de son logiciel

Marché 2013

L’automédication entre en récession

8 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014

A contrario, le secteur des dispositifs médicaux et compléments alimentaires a affiché sa grande forme, une dynamique qui profite au marché du « selfcare » (voir aussi notre infographie page 12.) qui s’élève à 3,3 milliards d’euros. Parmi ses nombreuses revendications étudiées au travers du comité stratégique de filière associant l’État, l’industrie et les partenaires sociaux, l’Afipa souhaite voir élargir la liste des produits disponibles en automédication afin de rattraper notre retard par rapport aux autres pays européens. •

Oxypharm signe la charte FFAAIR Filiale de la coopérative Astera spécialisée dans le maintien à domicile, Oxypharm a signé la charte de la Fédération française des associations et amicales de malades, insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAIR). Elle définit les droits, obligations et engagements des patients et prestataires lors de la mise en œuvre et le suivi de prestations médicotechniques dispensées à domicile.

©© nikesidoroff – fotolia

En croissance depuis 2009, le marché de l’automédication est entré en récession en 2013, a indiqué Jean-François Derré, directeur associé de Celtipharm, lors de la présentation du 12e baromètre de l’Afipa, l’association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable. L’an dernier, les ventes de médicaments d’automédication ont ainsi reculé de 3 % en valeur et de 4 % en volume, soit un résultat global de 2,1 milliards d’euros pour 465 millions d’unités vendues. Principales raisons de ce recul : la fréquentation en recul des officines et la baisse des prix de ces médicaments. Jusqu’à présent seul secteur dynamique dans un contexte économique morose, le marché de l’automédication rejoint donc celui de la prescription qui a chuté de 3,5 % en 2013. Pour Pascal Brossard, président de l’Afipa, « ce coup d’arrêt représente un réel danger pour l’organisation et l’efficience du système de soins français, tant en termes de coût pour la Sécurité sociale que de surchage de travail pour les médecins généralistes. Un marché de l’automédication qui baisse de 10 %, cela représente 620 millions de coûts supplémentaires pour l’Assurance maladie et près de 6 heures de travail en plus pour les médecins. »

Dépistage du cancer colorectal Du 4 au 14 mars, Pharmagest, en partenariat avec la Ligue contre le cancer, lance une campagne de sensibilisation sur le dépistage du cancer colorectal. Plus de 8 700 pharmacies participeront à cette opération grâce à un questionnaire en ligne intégré dans le LGPI. Une fiche conseil pourra également être remise aux patients concernés.


Transfert

télex

Une grève de la faim qui finit bien

©© Louis Renaud – fotolia

La FSPF change de look Une croix verte en mouvement symbolisant le dynamisme de la profession, une typographie bleue et moderne, une nouvelle signature « La fédération des pharmaciens d’officine », la FSPF se dote d’une nouvelle identité visuelle, qui sera déclinée dans tous les départements.

C’est une victoire qu’elle savoure entourée de ceux qui l’ont soutenue. Son équipe bien sûr, mais également le comité de soutien animé par nombre de ses patients. Le 7 février, Élisabeth Barichard (voir Pharma n° 108) a obtenu le feu vert ministériel pour reprendre son activité dans la galerie du centre commercial Auchan de Saint-Cyr-sur-Loire, près de Tours. Le dénouement d’une longue bataille juridique. En 2006, elle obtient l’autorisation de transférer son officine dans le centre commercial. Ses confrères, qui craignent pour leur activité, font

17 411

C’est, à fin décembre 2013, le nombre de femmes qui avaient retiré leurs prothèses PIP, dont 12 822 à titre préventif (source : ANSM).

alors fermer sa pharmacie. Après un quatrième refus de transfert en décembre dernier, la titulaire refuse de s’alimenter tant que son dossier de transfert n’aura pas été réétudié en haut lieu. Après sept années de bataille judiciaire et 46 jours de grève de la faim, la ministre de la Santé a donné son accord pour la réouverture de sa pharmacie. « Cette décision favorable va me permettre de remonter doucement la pente, a déclaré Élisabeth Barichard au micro de France Bleu. J’entame maintenant un long travail de reconstruction physique et psychologique. » •

5 %

Les médicaments orphelins actuellement disponibles couvrent moins de 5 % des maladies rares connues.

Le sondage pharma/Celtipharm Le suivi des patients asthmatiques •Ê tes-vous prêt pour accompagner ces patients ? OUI ................................................. 75 % NON ................................................... 25 % • Avez-vous suivi une formation spécifique ? OUI ................................................. 33 % NON ................................................... 67 % • La rémunération de cet accompagnement est-elle un préalable

à sa mise en place ? OUI ................................................. 45 % NON ................................................... 55 % Etude réalisée par le département gestion de call center de Celtipharm, sur un échantillon représentatif stratifié de 400 officines françaises sélectionnées dans sa base de données (du 20 au 31 janvier 2014).

La vente de tests de grossesse hors pharmacie actée Adopté définitivement par l’Assemblée nationale jeudi 13 février, le projet de loi relatif à la consommation prévoit la vente des tests de grossesse et d’ovulation dans les grandes surfaces. Le texte prévoit également une libéralisation du marché de l’optique en cassant le monopole des opticiens et en facilitant la vente de lunettes et de lentilles sur Internet. Les députés UMP ont annoncé leur intention de saisir le Conseil constitutionnel.

366 g C’est le poids moyen de médicaments non utilisés (MNU) par personne et par an selon une étude Cyclamed réalisée en 2012. En comparaison, chaque Français achète annuellement 2,6 kg de médicaments.

68 C’est le nombre de médicaments jugés « plus dangereux qu’utiles » qui figurent sur la liste établie par la revue Prescrire. Publiée le 30 janvier, cette liste se fonde sur des études cliniques réalisées entre 2010 et 2013.

février 2014 • Pharma N°109 • 9


Actualité profession

télex

Ouverture du monopole

©© dr

Les groupements, « moteurs d’évolution » « Pas besoin de boule de cristal pour prédire que le monopole officinal sera écorné d’ici trois à quatre ans, pronostique Lucien Bennatan, président du groupe PHR et viceprésident de l’UDGPO. Un constat qui fait l’unanimité auprès des présidents de groupements, réunis à l’occasion des Rencontres de l’Officine autour d’une table ronde intitulée « Les groupements, derniers remparts face à la grande distribution ? ». Face aux attaques répétées sur les prix et la concurrence, les groupements entendent devenir, après les syndicats et l’Ordre, les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics. « Comment actuellement peut-on concevoir qu’une profession travaille sur son évolution sans faire siéger les groupements, acteurs économiques, autour d’une table ?,

s’interroge Pascal Louis, président du CNGPO. C’est inconcevable ! ». « Chacun son rôle, confirme Lucien Bennatan reçu avec l’UDGPO par les conseillers de Marisol Touraine il y a trois semaines. Aux syndicats le politique et les négociations avec l’Assurance maladie, à l’Ordre les questions éthiques et réglementaires, et aux groupements l’expertise économique. » Force de propositions économiques, les groupements entendent également réaffirmer leur positionnement dans l’accompagnement des pharmaciens, notamment pour répondre aux arguments de la grande distribution. « Savoirfaire, proximité, conseil… Les groupements ont les armes pour faire face à la grande distribution, indique Franck Vanneste, président de Giropharm. Ils sont le moteur d’évolution du métier. » « La menace est bien réelle, confirme de son côté Alexandre Aunis. C’est pourquoi il est nécessaire de se concentrer sur la modernisation de l’officine et l’approche consommateur. Notre salut passera par une professionnalisation de nos pratiques.» •

ça se prépare ˕˕ Du 18 au 22 mars

˕˕ Mardi 20 mai La 8e journée Nationale de l’Utip C’est désormais un incontournable de la profession. Pour cette nouvelle édition c’est le conseil officinal qui sera à l’honneur. Plus de détails à venir, mais réservez d’ores et déjà vos dates pour une journée à la Maison de la chimie (Paris 7). • Plus d’infos sur le site www.utip-association.org

Une jonquille pour Curie L’opération Une jonquille pour Curie fêtera ses 10 ans cette année. Cette opération de mobilisation solidaire a pour objectif de collecter des fonds qui serviront à financer des programmes innovants de médecine personnalisée en cancérologie. • Plus d’infos sur le site www.curie.fr

ils ont dit

Je comprends le souhait des médecins de normaliser la pratique [de l’homéopathie], car ils sont souvent victimes en France d’une concurrence déloyale de la part de charlatans. Ces derniers considèrent l’homéopathie comme la panacée, car ils peuvent la délivrer sans risque, du fait de son faible coût et de son absence d’effets secondaires. Didier le Bail, vice-président du Syndicat national de la préparation et de l’homéopathie (SNPH), au sujet de la demarche de normalisation des pratiques homéopathiques en Europe

Le test de grossesse c’est quoi ? Un réactif, un contenant et un bâtonnet. Je ne vois pas en quoi c’est un médicament dangereux qui nécessite le monopole du pharmacien. Michel-Edouard Leclerc, pdg des enseignes E. Leclerc

10 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014

Prolia remboursé Une coquille s’est glissée dans le précédent numéro de Pharma, dans l’article “prise en charge de l’ostéoporose après 80 ans” (page 43). En effet le denosumab (Prolia) que nous indiquions comme “efficace mais non remboursé” est en effet désormais remboursable aux assurés. Conduite responsable L’ordre des pharmaciens, à travers le Cespharm, et la Sécurité routière s’associent pour une campagne grand public alertant sur les facteurs qui altèrent la conduite. Symptomes et causes possibles sont présentés, accompagnés d’une invitation à consulter un professionnel de santé, en particulier médecin ou pharmacien. A retrouver sur www.cespharm.fr L’homéopathie dans le viseur de l’Europe La Commission européenne de normalisation a initié un projet de définition de normes de pratique et prescription de l’homéopathie. Le syndicat national des médecins homéopathes français a décidé de s’impliquer dans le projet, qui vise à harmoniser les pratiques, très diverses selon les pays, et ce afin que “seule une homéopathie médicale pratiquée par les médecins soit reconnue”. Santé mobile récompensée Les Trophées de la santé mobile ont été remis pour la première fois en janvier, et ont récompensé des applications santé téléchargeables sur smartphones et tablettes, destinés aux patients, professionnels de santé ou personnes bien portantes. Le Grand Trophée 2014 est allé à Sam Sep, un journal personnel dédié aux patients atteints de SEP. Outil interactif Le Dispositif de conseil interactif (DCI) est le nouvel outil pédagogique développé par Giropharm pour faciliter les entretiens d’accompagnement des patients. Accessible en ligne, il permet d’illustrer les propos du pharmacien et de les compléter de façon ludique lors des entretiens pharmaceutiques ou d’entrevues autour du conseil. www.giropharm.fr


Actualité en chiffres

économie

Une activité officinale en forte baisse en 2013 Lors des 7es Rencontres de l’officine, Celtipharm a livré en avant-première son bilan de l’année 2013. Pharma vous en propose ici les chiffres marquants. • Le chiffre d’affaires des officines est en baisse CA - Ventes valeur (Prix Publics TTC) - Périmètre : France Métropolitaine hors Corse

RUPTURE DU MODÈLE ÉCONOMIQUE

-0,2 %

-0,5

-0,7 %

-1,0

-1,2 %

-1,5

LE SELFARE EN PROGRÈS

top 5 des segments en auto­ médication voies respiratoires, antalgie, voies digestives, dermatologies, circulations.

+0,2 %

0,0

34 612 M€

0,5

35 601 M€

1,0

+2,1 %

36 018 M€

1,5

36 322 M€

2,0

36 262 M€

2,5

36 240 M€

Le marché du selfcare se porte relativement bien grâce aux dispositifs médicaux et aux compléments alimentaires • Les dispositifs médicaux croissent de +4,3 % en valeur (622 millions d’euros environ) • Les compléments alimentaires croissent de +6,2 % en valeur (606 millions d’euros environ) • Le périmètre du marché du Selfcare : médicaments/ dispositifs médicaux et autodiagnostic in vitro (test de grosses et d’ovulation)/ compléments alimentaires non prescrits non remboursés. • A l’inverse du marché de l’automédication, les marchés des dispositifs médicaux et des compléments alimentaires sont en croissance en 2013

-2,0 -2,5

-2,8 %

-3,0

2008

LE CA MARQUE LE PAS

L’AUTOMÉDICATION RECULE EN 2013

2009

2010

2011

2012

2013

• Les petites officines sont les plus touchées par la baisse de l’activité.

L’automédication recule en 2013 3,5

+3,2 %

3,0 2,5 2,0

+1,8 %

+2,2 %

+1,9 %

1,5 1,0 0,5 0,0 -0,5

2013 2009

2010

2011

2012

-1,0

On note une rupture du modèle économique de l’officine depuis 5 ans. Les facteurs de pression économique sont : • Baisse du trafic • Méfiance vis-à-vis du médicament • Concurrence des parapharmacies • Concurrence sur les prix • Déséquilibre des comptes sociaux (pression des payeurs) • Pression des charges externes et frais de personnel • Baisse du crédit fournisseur et un accès au crédit bancaire de plus en plus difficile • Effet de plateau atteint par le générique Baisse de la rentabilité, difficultés de cessions, diminutions de la valeur des fonds, décorrélation rémunération/CA… Cette tendance devrait s’accélérer et impacter fortement l’activité officinale dans les 10 prochaines années. Méthodologie :

-1,5 -2,0 -2,5 -3,0

-3 %

Périmètre du marché de l’automédication : médicaments non prescrits non remboursés. Evolution du CA (Ventes valeur, prix publics TTC) • L e marché français des médicaments achetés sans ordonnance a reculé de 3 % en valeur et de 4 % en volume. • L a croissance était dynamique et continue depuis 5 ans depuis 2009. • L a décroissance du marché de l’automédication est liée à « une baisse de l’attractivité du circuit officinal » pour Jean-François Derré, Directeur associé de Celtipharm. • En raison d’une pathologie élevée de grippe en début d’année 2013, les patients ont davantage eu recours à la prescription.

Le panel Celtipharm est le premier panel temps réel (ventes/achats/stocks – 100% des références vendues en pharmacies) en santé, constitué de 3004 officines représentatives de l’ensemble des officines françaises, développé et exploité au sein du Centre d’Essais de CELTIPHARM. Extrapolation dynamique par quotas.


Actualité congrès

7es Rencontres de l’officine

©© photos DR

Les pharmaciens « acteurs de leur avenir »

• C’est sur l’Agora, centre névralgique du congrès qu’ont eu lieu tous les débats d’actualité.

Échanges musclés entre les représentants des syndicats lors du débat d’ouverture « Nouvelles missions, nouveaux services, nouvelle rémunération, nouveau métier… nouveau pharmacien ? ». La rémunération cristallise les divergences. Françoise Daligault, présidente de l’UNPF – qui n’a pas signé le protocole d’accord instaurant les honoraires de dispensation –, a ainsi exposé son opposition à la rémunération de 1 € par boîte. L’UNPF propose également qu’un honoraire spécial soit instauré pour les médicaments coûtant plus de 1 500 €, financé par les laboratoires. Brigitte Bouzige, qui représentait l’USPO, a pour sa part indiqué que si l’avenant sur l’honoraire de dispensation restait en l’état, l’Union ne le ratifierait pas, même s’ils ont signé

14 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014

le protocole. Le préalable ? Que le niveau de remise sur le générique soit fixé. L’USPO demande par ailleurs qu’un forfait soit ajouté sur les petites ordonnances. Philippe Gaertner a, lui, tenu à souligner la nécessité d’évolution. Sans triomphalisme, le président de la FSPF se félicite d’aller dans le bon sens, et a alerté les pharmaciens sur le danger de ne pas signer le protocole. Thierry Barthelmé, président de l’Utip, a pour sa part reconnu le travail effectué par les syndicats et s’est félicité de voir la profession se former en masse aux entretiens pharmaceutiques (10 000 pharmaciens formés sur cette thématique en 2013). L’ouverture du capital a également été évoquée lors de ce débat. Là aussi, les positions sont contrastées. L’UNPF croit à l’indépendance du

Débats d’actualité, formations validantes DPC, ateliers pratiques… les congressistes ont pu choisir parmi un programme riche, structuré en parcours thématiques

pharmacien même si les capitaux proviennent de « partenaires avec qui l’on a des liens étroits ». Un modèle auquel la FSPF ne croit guère… L’interprofessionnalité, un beau rêve qui peine à se mettre en place… surtout si les ARS ne jouent pas le jeu. C’est ce qui


ils ont dit

« On n’a pas de réforme, on a un trompe-l’œil. Je ne fais pas du syndicalisme pour mettre les pharmaciens dans le mur. » Brigitte Bouzige, vice-présidente de l’USPO

« Le paracétamol ne sera pas déremboursé, mais son prix va baisser. L’honoraire sera donc protecteur. »

Philippe Gaertner, président de la FSPF

« Il faut régler le problème des génériques. Nous réclamons un plafond de remises à 35 %. » Françoise Daligault, présidente de l’UNPF

l’éducation thérapeutique se partage, mais a déploré que médecins et pharmaciens ne se connaissent pas assez. Pour Albin Dumas, président de l’APR, la coopération interprofessionnelle commence à se développer, et les URPS ont également une part à y jouer… mais la réticence des médecins à l’ouverture des tâches rend cette voie de salut improbable.

ressortait du très riche débat sur « L’interprofessionnalité, voie de salut pour l’officine ? ». Pour Stéphane Billon, économiste de la santé, c’est bien aux ARS d’organiser la pluridisciplinarité, mais le manque de moyens humains et financiers au sein de ces structures rendent, en pratique, la démarche compliquée. Le principe de la pluridisciplinarité fait en revanche consensus, que ce soit pour Jérôme Paresys-Barbier, président de la section D de l’Ordre, qui invite les confrères et consœurs à « inonder les ARS de demandes de dossiers », ou pour Jean-Marie Vailloud, cardiologue, qui a confirmé que

Sur les stands ou dans les salles, l’accent est mis sur l’interactivité. Les nouvelles technologies sont aussi mises à profit, comme lors de la session avec Guillaume Brun, pharmacien globetrotter, via Skype.

« Surtout, ne pas rester seul », tel était le message des groupements lors du débat « Les groupements face aux attaques répétées de la grande distribution ». Alexandre Aunis (Népenthès) a souligné la nécessité de se moderniser, quand le patient est de plus en plus connecté et informé. Pascal Louis (CNGPO) a pour sa part rappelé qu’aucun circuit de distribution n’avait fait évoluer son modèle vers la prestation de services sans communiquer… Une voie que la profession devra emprunter pour évoluer. Un point de vue partagé par Lucien Bennatan (PHR), actuellement en conflit avec l’Ordre sur la question de la communication. Franck Vanneste (Giropharm) envisage, lui, les entretiens pharmaceutiques comme un moyen de se mettre en avant, à défaut d’y voir une planche de salut économique, en faisant évoluer le regard du pharmacien sur son patient, et inversement. L’ouverture du capital a ici aussi été abordée. Inévitable pour Lucien Bennatan, elle surviendra selon lui dans les années à venir. •

« L’interprofessionnalité reste une voie de salut eschatologique. » Albin Dumas, président de l’APR

« L’éducation thérapeutique se partage, il faut la faire avec les autres professionnels de santé. Le problème, c’est que l’on ne se connaît pas du tout. » Jean-Marie Vailloud, cardiologue

« Les syndicats médicaux sont contre la délégation des tâches, mais ils défendent des intérêts privés, pas l’intérêt du patient. » Stéphane Billon, directeur associé de Kamedis Conseils

« Les entretiens pharmaceutiques coûtent plus qu’ils ne rapportent. Ils nous valorisent mais ne compensent pas les pertes. » Franck Vanneste, président de Giropharm

« On demande au médicament, qui ne représente que 13 % des dépenses, d’assurer la moitié de l’économie demandée. » Jean-Jacques Zambrovski, économiste de la santé

videos

Retrouvez les vidéos des Rencontres sur : talentpharmacie.fr et rencontresdelofficine.org

février 2014 • Pharma N°109 • 15


Entretien

Rencontre avec Laurence Bouton

« Garantir l’indépendance du pharmacien » Bénéficiant de la force de frappe d’Alliance Healthcare, Alphega s’est imposé comme le premier réseau indépendant de pharmaciens européens. La directrice d’Alphega Pharmacie France revient sur ce succès.

Votre carrière professionnelle s’est d’ailleurs construite sous le signe du patient… C’est exact. J’avais fait pharmacie par vocation, animée par cette noble mission qui consiste à soigner son

16 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014

un soutien ? Qui est capable, lors d’un entretien d’informer, de rassurer et, le cas échéant, de réorienter vers le professionnel de santé adapté ? Le pharmacien bien sûr !

©© d. r.

Pharma. Les 28 et 29 novembre 2013, la 6e Convention européenne Alphega Pharmacie a réuni plus de mille adhérents autour de la compréhension des patients. Pourquoi ce choix ? Laurence Bouton. Comment faire du conseil pharmaceutique un élément différenciant pour l’officine ? Pourquoi soigner l’accueil au comptoir ? Quelle stratégie de communication adopter ? Quelle stratégie commerciale ? Pour quelle clientèle ? Durant deux jours, nous avons décrypté le patient sous toutes les coutures. Son accompagnement est dans les gènes du réseau Alphega Pharmacie. Il fait d’ailleurs partie de notre signature, « Votre santé est notre priorité ». Pour autant, une mise à jour de nos connaissances s’imposait. Le patient n’est plus le même qu’il y a dix ans. Aujourd’hui, ce n’est plus uniquement un individu qui cherche à se soigner mais un consommateur exigeant, de mieux en mieux informé, qui vient à l’officine pour des solutions de bien-être, pour recueillir des informations qui concernent sa santé. Un pharmacien doit être capable de renseigner sa clientèle sur une problématique de nutrition, d’hygiène de vie ou de soins pour la peau… Ce n’est pas un simple dispensateur de médicaments, il est un acteur de santé au sens large. C’est d’ailleurs tout l’enjeu du texte conventionnel et des nouvelles missions du pharmacien : convertir l’unique délivrance de médicaments vers une prise en charge globale du patient.

prochain. Mais après dix-huit mois de comptoir, j’ai décidé de me tourner vers une carrière de commerciale dans la répartition. J’avais besoin de bouger, de découvrir d’autres horizons professionnels. J’ai donc rejoint le groupe Alliance Healthcare en 1987, avant de prendre la direction commerciale de Locapharm, rebaptisé Alcura en mai 2013. Une expérience qui m’a profondément marquée. Avec le soin et le maintien à domicile, on quitte l’échange au comptoir pour entrer dans l’intimité du patient. En effet, quoi de plus intime que de se rendre chez le malade pour lui apporter des soins ? Qui peut se targuer d’être le premier professionnel de santé de proximité au comptoir ou à domicile ? Qui vient-on voir sans rendez-vous pour une urgence, un conseil,

Si le patient a confiance en son pharmacien et reconnaît sa disponibilité, on a l’impression qu’il reste peu ou pas informé des nouvelles missions, notamment d’accompagnement des patients chroniques. Pour beaucoup, le pharmacien demeure un dispensateur de médicaments. Comment informer le patient de cette évolution ? La réorientation du pharmacien vers ce nouveau statut est en train de se faire, il reste maintenant à en informer les patients. Cela passe par un travail de communication de longue haleine. Je parle souvent de révolution pour évoquer ce changement de statut. Le terme n’est pas galvaudé. Les pharmaciens partent de zéro. Rendez-vous compte, il y a encore quelques années, nos études traitaient de médicaments, de posologie, de pathologie, de préparations, de législation, de chimie organique, de biologie cellulaire… mais jamais du patient. Pourtant, c’est bien lui qui est au cœur de notre activité ! J’ai trop souvent entendu des pharmaciens se plaindre du fait qu’ils ne pouvaient pas faire de publicité. La publicité non, mais la communication oui. Au pharmacien de communiquer sur son expertise, sa valeur ajoutée, sa spécificité. Avec le suivi des patients sous AVK, il est entré dans une nouvelle dimension. La loi HPST et la nouvelle convention ont en effet donné la possibilité d’élargir et de valoriser les compétences du pharmacien, notamment au niveau des missions de santé


La publicité non, la communication oui ! Au pharmacien de communiquer sur son expertise, sa valeur ajoutée, sa spécificité. publique. Il est impératif de communiquer sur cette évolution. Avec l’ouverture du point de vente, l’apparition d’espaces de confidentialité, ce sont de nouveaux réflexes qui naissent comme la visite à domicile. Aux pharmaciens de les adopter.

entre Alphega Pharmacie, réseau de pharmacies indépendantes, et Alliance Boots, chaîne de pharmacies ? Je peux comprendre les inquiétudes mais ces deux modèles ne sont pas contradictoires. Ils correspondent au cadre réglementaire dans lequel ils évoluent. On compare en France les pharmacies Boots à des centres commerciaux. Je rappelle quand même que, dans ces pharmacies, il y a une très nette distinction, pour ne pas dire séparation physique, entre le drugstore où se trouvent les produits en libre accès et la zone prescription où un pharmacien diplômé délivre des médicaments. L’association produits de consommation (sandwichs, boissons, sodas…) et médicaments peut surprendre en France mais elle a toujours existé au Royaume-Uni. Cela n’a rien de choquant. D’ailleurs, les deux modèles peuvent cohabiter. Le marché britannique est intéressant puisque des chaînes de pharmacies y coexistent avec une pharmacie indépendante qui est restée puissante et prospère.

On a également beaucoup parlé de l’importance de la marque durant votre convention… Dans le contexte économique actuel, être une marque leader est un gage de compétitivité. Alphega Pharmacie est l’unique réseau de pharmaciens indépendants, reposant sur une identité de marque commune. Le réseau fonctionne au travers d’un partenariat gagnant-gagnant développé par chaque adhérent pour chaque adhérent. L’avantage de notre réseau paneuropéen est double. C’est un espace de bonnes pratiques entre les pharmaciens européens. On compare, on échange et on s’inspire de ce qui se fait de mieux au sein du réseau. Côté patients, le réseau gagne en visibilité avec plus de 5 000 points de vente facilement identifiables dans huit pays européens : France, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Russie, République tchèque, Pays-Bas et Allemagne.

!

Le réseau est également connu pour son engagement dans les grandes causes de santé publique. Pouveznous en dire deux mots ? L’engagement solidaire fait partie de notre ADN. Alliance Boots et Alliance Healthcare ont noué un partenariat de cinq ans, jusqu’en 2016, avec l’EORTC,

Vu de France, le modèle libéral proposé par les chaînes de pharmacies Boots fait peur. N’y a-t-il pas incompatibilité

bio express

• 1985 Diplômée de la faculté de Nantes • 1987 Rejoint Alliance Healthcare France • 1999 Direction commerciale de Locapharm/ Alcura • 2008 Directrice grands comptes Alliance Healthcare France • 2010 Directrice d’Alphega Pharmacie France

organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer. Parmi les six pays d’Europe où Alphega est implanté, Alphega Pharmacie France a été le premier à s’engager avec une opération qui a mobilisé 600 officines en 2012. En 2013, les équipes du réseau ont renouvelé leur soutien à la recherche contre le cancer en participant à un concours pour récolter des dons. Il est naturel que les pharmaciens, en tant qu’acteurs de santé, s’investissent dans des actions de ce type. Le réseau est également engagé depuis deux ans aux côtés de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France à travers l’opération « + de vie » qui vise à améliorer les conditions de vie des personnes âgées hospitalisées. En 2012, nous avons réuni 10 000 €. Quel regard portez-vous sur l’évolution du mode de rémunération du pharmacien ? C’est une évolution inéluctable. La rémunération ne peut rester dépendante des prix et des volumes des médicaments. Il est désormais acté que le pharmacien est rémunéré en dehors de sa marge. J’aime particulièrement l’idée de primes sur objectifs. On peut regretter le caractère incitatif mais c’est la première fois qu’on paie le pharmacien sur des objectifs de santé publique, notamment au niveau des génériques. Il aura fallu du temps depuis la signature de la convention en 2012 mais la réforme est actée. Rien ne pourra l’arrêter. Mais elle est à double tranchant pour la profession : il y a ceux qui vont s’adapter et ceux qui refuseront le changement. Je fais en sorte que les pharmaciens Alphega Pharmacie soient ceux qui s’adaptent le mieux ! Propos recueillis par Olivier Valcke

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l’observatoire des pharmaciens

>> Insécurité : tous concernés Vol, braquage, cambriolage, agressions verbales et physiques… de nombreuses officines sont touchées par la violence. Quelles sont les solutions pour l’endiguer ? Pharma et Pharmagest vous donnent la parole. Par Olivier Valcke

• Avez-vous déjà subi la violence au comptoir ?

• Si oui, quelle est la fréquence de ces agressions ?

74%

Quasi quotidienne (plusieurs fois par mois)

10 %

Régulière (une fois par mois)

26%

41%

Épisodique (une à deux fois par an)

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Exceptionnelle

18 %

Non renseigné

Oui

Non

0

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Des agressions régulières Loin d’être un phénomène marginal, l’insécurité s’invite au comptoir de manière récurrente. 74 % des pharmaciens ont ainsi déjà recensé des actes de violence et ils sont 41 % à les subir une fois par mois. C’est pour endiguer ce fléau qu’un réseau de conseillers ordinaux en charge de la sécurité, baptisés « référents sécurité départementaux », a été mis en place en 2012. Objectif ? Inciter les pharmaciens à déclarer les attaques dont ils sont victimes.

• De quelle nature sont ces agressions ? 80

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60 TITULAIRES

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ADJOINTS

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Menaces verbales

30 20 10

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9% 10%

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Vol avec violence (braquage…)

PRÉPARATEURS

50 40

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76%

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72%

70

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(plusieurs réponses possibles)

Harcèlement

Agression physique

Autres

Des menaces verbales déstabilisantes Les agressions restent le plus souvent verbales. 72 % des titulaires s’en disent victimes. Ils sont 7 % à déclarer subir également des agressions physiques, un chiffre qui monte à 16 % chez les adjoints. Dans certaines officines, on dénonce un harcèlement fréquent d’assurés quand on refuse de leur faire crédit ou de délivrer tel médicament en particulier. Des agressions qui ne sont pas sans conséquence : dans 13 % des cas, elles débouchent sur un état de stress post-traumatique et incitent même certains membres de l’équipe à changer de profession.

18 • Pharma N°109 • février 2014


• Cette violence a entraîné…

(plusieurs réponses possibles)

80

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80

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TITULAIRES

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ADJOINTS

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30 20%

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20

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PRÉPARATEURS

13%

13%

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0

Arrêt de travail (ITT≤à 8 j, ITT ≥ à 8 j

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1%

2%

0

Stress posttraumatique

Démission d’un membre de l’équipe

10

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6%

6% 2%

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2%

0

Départ anticipé à la retraite

Réorientation profesionnelle

• Quelles furent les conséquences de cette agression ? Formation de l’équipe pour faciliter le dialogue

Autres

Non renseigné

(plusieurs réponses possibles)

29%

Renforcement des mesures de sécurité (vigile, alarme, caméra…)

35% 13%

Fermeture le soir

5%

Cours de self défense

18%

Autres

0

5

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Des mesures de sécurité renforcées Vigile, alarme, caméras de surveillance… Face à l’insécurité, les pharmaciens s’équipent. À la suite d’une agression, 35 % des interrogés déclarent avoir renforcé les mesures de sécurité. 29 % ont, eux, décidé de former leur équipe en vue de faciliter le dialogue et 13 % baissent le rideau en fin d’après-midi.

Témoignages « Après vingt-sept ans d’installation, je ne me sens plus en sécurité dans ma pharmacie. J’ai subi six cambriolages en un an. Je me sens bien seule face à ce fléau et, pour la première fois, j’ai peur d’assurer mes gardes. » Titulaire dans le Puy-de-Dôme (63) « La relation pharmacien-patient se dégrade. La méfiance est de plus en plus au rendez-vous ! Merci aux médias pour

leurs reportages très ‘‘objectifs’’ sur les médicaments et les prix. » Titulaire en Meurthe-et-Moselle (54)

« J’ai choisi de faire pharmacien, pas gendarme, et je m’en porte bien. » Titulaire dans l’Orne (61)

« Il serait intéressant de créer une ou des vidéos mettant en scène des acteurs en situations réelles. Cela permettrait d’anticiper certains cas et de ne pas être démuni quand elles se présentent en réalité. » Titulaire dans en Seine-Maritime (76)

« Les bureaux de tabac bénéficient d’une subvention pour s’équiper de systèmes de vidéosurveillance. Pas nous… Leurs syndicats sont sûrement plus efficaces. » Titulaire dans le Nord (59)

Méthodologie : 121 titulaires, 55 adjoints et 82 préparateurs interrogés entre le 3 et le 20 janvier 2014.

En partenariat avec


©© D.R.

reportage

La pharmacie à l’heure du drive On connaissait le drive-in pour les fast-foods, le cinéma ou les supermarchés. En France, une centaine de pharmacies ont aussi adopté ce concept. Gadget marketing ou service à réelle valeur ajoutée ? Enquête.

L

e modus operandi est bien connu. Sans quitter votre véhicule, vous passez commande et récupérez votre marchandise en suivant un chemin balisé. À l’origine lié aux fastfoods et aux cinémas en plein air, ce mode de consommation importé des États-Unis s’est depuis décliné sous de nombreuses formes. Grandes surfaces, fleuristes, boulangeries et désormais pharmacies ont adopté ce système. Dans le Nord, deux officines ont fait ce pari. « Je n’avais pas les moyens de dispenser de manière satisfaisante pendant les gardes, se remémore Emmanuelle Sauthier, titulaire à Villeneuve-d’Ascq. L’ancienne titulaire se servait d’un vaste tiroir pour servir les patients. Il fallait y glisser la moitié

20 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014

Le drive a quelque chose de plus confidentiel, huis clos de la voiture oblige. Assis dans leur véhicule, les patients sont plus à l’aise pour se confier. Emmanuelle Sauthier, titulaire

de son bras pour récupérer les médicaments. Ce n’était pas pratique. La pharmacie avait déjà une configuration qui se prêtait au drive, avec une avancée et un large parking. Au départ, je voulais juste installer un nouveau portique pour les gardes. Puis, dans les travaux de ravalement de façade, j’ai inclus le drive. » Un pas que la pharmacienne a sauté début 2013.

Dans les mœurs

« L’investissement est très minime, confirme pour sa part Philippe Desort, titulaire à Douchy-les-Mines, qui propose ce service depuis février 2009. Installer une fenêtre coulissante avec un poste informatique cela n’a rien d’exceptionnel. » Chez lui, le drive-in est une idée fixe : « L’idée trottait dans ma tête depuis pas mal de temps. Dès

que j’ai vu cette pharmacie qui faisait un angle à Douchy-les-Mines, elle a ressurgi et j’ai imaginé un drive qui contournerait le bâtiment. » Profitant de la zone franche dans laquelle cette officine est implantée, le titulaire a conçu son drive-in en même temps que le parking et l’agrandissement de sa pharmacie. « Il est vrai qu’il faut de l’espace, un large parking et une piste d’accès, reconnaît Emmanuelle Sauthier. Après, je ne vois pas quelle pourrait être l’utilité d’une telle installation en centre-ville. Ici, le drive m’a permis de connecter, dans un sens comme dans l’autre, un axe très fréquenté, mais il manque encore un totem de signalisation pour informer les usagers de sa présence. » Une révolution pour les patients ? Pas vraiment. « Personne n’a été étonné par


©© D.R.

• Plus besoin de quitter son véhicule pour récupérer ses médicaments. La pharmacie drive plaît particulièrement aux parents avec des bébés ou des enfants malades.

ce nouveau service. Le drive-in fait partie du quotidien du consommateur. Que ce soit auprès des enseignes de restauration rapide ou des centres commerciaux, chacun a désormais la possibilité d’effectuer ses achats sans quitter son véhicule. Et si les patients pouvaient rentrer avec leur voiture dans l’officine, ils le feraient ! »

Pas un levier de croissance

©© DR

Gain de temps apprécié

Accolé à l’officine, le drive-in fonctionne comme celui des fast-foods. Le conducteur arrive avec son ordonnance, la dépose dans une borne ou la tend au pharmacien de garde avant de récupérer ses médicaments à un poste avancé. Une sonnette permet même d’alerter de sa présence à l’intérieur des lieux. Un pharmacien ou un préparateur peut alors se mettre au comptoir et délivrer. Mais pas question de couper le contact avec le patient. « Il est de notre devoir de professionnel de santé de conserver notre mission de conseil, observe Emmanuelle Sauthier. C’était d’ailleurs l’une de mes priorités : je voulais que le drive propose le même service qu’au comptoir sans perte de contact. Bien au contraire, le drive a quelque chose de plus confidentiel, huis clos de la voiture oblige. Assis dans leur

véhicule, les patients sont plus à l’aise pour se confier. Ils n’ont pas la sensation d’être écouté comme cela peut être le cas au comptoir. » L’idée plaît particulièrement aux parents qui n’ont plus à sortir poussette ou couffin pour aller à la pharmacie. « Les mères de famille sont friandes de ce service, abonde Philippe Desort. On voit souvent des mamans avec des bébés ou des enfants malades sur la banquette arrière de leur voiture. Elles peuvent les garder tranquillement au chaud en passant par le drive. Elles y gagnent en tranquillité et en temps. » C’est aussi une autre manière d’accueillir les personnes handicapées et à mobilité réduite. Une solution pour remplir l’objectif de pharmacies accessibles aux handicapés fixé à 2015. « Pendant les gardes, c’est également plus facile de recevoir les patients dans une guérite déconnectée de la pharmacie, à l’abri et en sécurité », note enfin Emmanuelle Sauthier.

Histoires de clics Puristes de la langue française, passez votre chemin mais attention à ne pas confondre le drive et sa variante numérique, le « Click & Drive ». Ce dernier, également connu sous l’appellation « Click & Collect » ou « Click & Pick up », permet au consommateur de commander en ligne et de récupérer sa commande en magasin, en voiture ou à pied. Ce service, qui connaît un développement significatif (+ 75 % de points de vente en un an !), associe Internet et le magasin physique. Il représenterait un avantage concurrentiel sur l’unique vente sur le Net. En effet, selon une récente étude, 40 % des clients venus du Web achètent des produits supplémentaires lors du retrait de leur commande en magasin !

Le drive, une invention nordiste Le saviez-vous ? Le premier drive (hors fastfoods) a été lancé en juin 2000 dans la zone commerciale de Leers, dans le Nord. Une révolution initiée par le groupe Auchan, avec une nouvelle marque : Auchan Express. Les clients pouvaient commander sans sortir de leur voiture des produits lourds ou volumineux qui étaient ensuite déposés dans le coffre de leur auto. En 2009, toutes les enseignes

de grande distribution (Leclerc, Carrefour, Système U, Intermarché…) ont initié une démarche s’apparentant au drive. En 2012, on comptait près de 1 700 drives en France. Un an plus tard, ils étaient 2 600. De l’horticulture aux fournitures de bureau, en passant par la pharmacie, les croquettes pour chiens ou les coopératives agricoles, on trouve de tout au volant de sa voiture !

Lorsque l’on aborde la rentabilité du drive, Philippe Desort est catégorique : « Ce n’est pas avec quinze clients par jour que je vais doubler mon chiffre d’affaires. C’est un service en plus, pas un levier de croissance. » Même son de cloche chez Emmanuelle Sauthier : « Ma motivation n’a jamais porté sur une augmentation significative de mon chiffre. L’enjeu n’est surtout pas économique sinon je serais perdante. C’est un aménagement complémentaire pour permettre à une partie de ma patientèle de gagner en accessibilité et en temps, notamment les personnes à mobilité réduite et les familles ». En complément du drive-in, Philippe Desort va bientôt lancer une adresse mail pour les patients qui souhaitent encore gagner en rapidité. Il leur suffira d’envoyer leur ordonnance via Internet. La commande sera alors préparée en amont et les patients n’auront plus qu’à venir la chercher ensuite en voiture. « Cela va nous permettre d’accélérer la délivrance de médicaments au drive-in ». Car le pharmacien est désormais victime de son succès : « Il y a souvent un engorgement de véhicules aux heures de pointe. La queue de patients qui attendent pour être servis déborde sur le parking, ce qui perturbe l’entrée à la pharmacie. Je cherche des solutions pour libérer l’accès et désengorger le drive-in. Peut-être des travaux d’extension dans les prochaines années. » Et pourquoi pas un deuxième drive-in ? Olivier Valcke

FéVRIER 2014 • Pharma N°109 • 21


Dossier

Quand la violence s’invite au comptoir Rarement une semaine se passe sans qu’une officine soit cambriolée, qu’un titulaire ou l’un de ses collaborateurs soit menacé. Comment gérer cette violence ? Peut-on l’endiguer ? Comment entourer et protéger son équipe ? Témoignages et éléments de réponses. Dossier réalisé par Anne Fellmann

22 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014


Dossier Vive les femmes Dossier

Une profession particulièrement exposée ? Même si les derniers chiffres font état d’un léger recul, les agressions en officine sont presque devenues banales. Un phénomène que décrypte pour nous un expert et que tente d’endiguer l’Ordre.

E

Braqueurs en herbe

Traumatisée, Marie-Christiane Ho, qui a également récupéré les dettes de l’ancien titulaire (près de 300 000 €), confie avoir épuisé toutes ses cartouches : « J’ai écrit au procureur de la République et au commissaire. J’ai aussi rencontré le maire de l’arrondissement pour étudier la possibilité d’un transfert. Depuis, aucune nouvelle. Je

Le 9 août dernier, les caméras de surveillance enregistrent l’agression de Marie-Christiane Ho, titulaire dans le XIe arrondissement de Paris.

Après avoir augmenté de 18 % entre 2011 et 2012, les vols en officine ont diminué de 11,9 % en 2013 Doron Levy, Ofek

dois vivre avec une certitude : si je dénonce, je prends un risque. Je suis donc obligée de me taire. Ce qui m’écœure, c’est que tout ceci reste, la plupart du temps, impuni… » C’est aussi ce que constate Laurent Filoche. En 2009, ce pharmacien exerçait à La Reynerie, un quartier « chaud » de Toulouse. Victime de plusieurs braquages, il avait alors été l’un des rares à dresser publiquement un constat inquiétant sur la sécurité alentour et à réclamer une réponse adaptée des pouvoirs publics, au point d’être reçu par le préfet et le maire de la ville. Sans résultat probant. « J’avais aussi demandé à être relié au commissariat construit à deux pas de mon officine, mais je n’ai pas obtenu gain de cause au motif qu’un flagrant délit peut mal se passer… », se souvient-il. En écho à cet argument peu convaincant, Laurent Filoche se rappelle du jour où il a découvert, stupéfait, que l’un des malfaiteurs qui le

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n acquérant, en février 2012, la pharmacie de l’Orillon, dans le XIe arrondissement de Paris, Marie-Christiane Ho ne s’attendait pas à vivre un tel calvaire. En deux ans, la jeune femme a été agressée à six reprises, victime de caïds locaux venus lui faire comprendre qu’elle n’était pas chez elle. Elle saisit très vite pourquoi. « Pour éviter d’être la cible des clans du quartier,mon prédécesseur dispensait gratuitement les médicaments, honorait des ordonnances falsifiées, acceptait de délivrer des produits non prescrits, faisait crédit sans compter, raconte-t-elle. Il ne m’en a évidemment rien dit, mais lorsque j’ai voulu mettre fin à ces pratiques, j’ai fait l’objet de tentatives d’intimidation et de menaces de mort ». Pour son équipe, ses clients, son officine, Marie-Christiane Ho décide de ne pas céder. Mais, à bout de nerfs, elle dépose plainte en juillet 2013. Le geste de trop ? Le 9 août en effet, la situation dégénère : le « boss » du quartier et l’un de ses complices viennent se venger. Résultat : quatorze points de suture, la mâchoire fracturée et une ITT de quinze jours. Agressée à nouveau le 30 septembre, la pharmacienne, dont l’officine dispose de caméras de surveillance et d’alarmes, engage des vigiles supplémentaires : ils sont désormais neuf à assurer sa protection et celle de son personnel.

menaçait – et l’a sévèrement frappé – n’était armé que d’un bâton, tandis que son complice était âgé d’à peine 12 ans. « Des braqueurs de moins de 15 ans, c’est très courant, dit-il aujourd’hui. Ils savent qu’ils ne risquent rien. La police ne va plus dans ces quartiers. Des zones de non droit se sont installées. On en parle à chaque élection, mais rien ne change ». Depuis, le pharmacien a quitté La Reynerie et s’est installé dans la commune plus tranquille de Blagnac : « J’apprécie la différence. Il ne faut cependant y voir aucun lien de cause à effet. J’étais arrivé à la fin d’un cycle professionnel ». Le 30 décembre dernier, Marie-Henriette Bruandet et sa préparatrice ont, elles, vu un homme cagoulé arriver droit sur elles avec ce qui ressemble à une arme de poing, à Boves, un paisible bourg de 3 000 habitants situé près d’Amiens. « Il est passé derrière le comptoir, s’est dirigé vers l’une des deux

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Dossier

la violence au comptoir

caisses et a pris l’argent qui s’y trouvait, raconte la pharmacienne. Je me suis mise sur le côté et l’ai menacé avec une agrafeuse. C’est tout ce que j’avais sous la main. Là, il m’a dit : ‘‘Si je t’attrape, je te bute !’’ ». Marie-Henriette Bruandet, dont c’était le premier cambriolage en dix-huit ans de métier, est alors sagement restée en retrait avec sa collaboratrice… et le voleur est reparti aussi vite qu’il était entré, bien avant l’arrivée de la police. « Tout s’est passé en une minute à peine, rapporte-t-elle. Je garde le souvenir de ce canon, avec une balle qui pouvait sortir, mais j’aurais été beaucoup plus traumatisée s’il y avait eu de la casse ».

Pas de bunker…

Depuis, Marie-Henriette Bruandet a fait poser des caméras et ferme la porte de son officine dès qu’elle est seule, ce qu’elle ne faisait pas systématiquement. Mais elle refuse de céder à la panique : « Une pharmacie ne doit pas devenir une bijouterie ou un magasin de vêtements de luxe, estime-t-elle. Les clients doivent pouvoir entrer sans avoir l’impression d’être dans un bunker ». Et, compte tenu de sa longue pratique dans cette calme bourgade, elle relativise : « Ce n’était sûrement pas un habitué. Il n’a pris qu’une caisse, celle dont on se sert le moins. Tout juste une petite centaine d’euros. Pas de qui s’offrir un gros réveillon… » Contrairement à celle de sa consœur, l’officine de Christophe Maudière, à Molay-Littry, une commune du Calvados, est équipée de longue date de caméras. Sauf qu’elles sont tombées en panne le 30 avril 2012, jour où un individu s’est introduit un tesson de bouteille à la main en exigeant du Subutex. « Nous nous y sommes mis à trois pour l’immobiliser, indique le pharmacien. Il était dans un état second et alcoolisé, mais très dangereux. Sur le coup, on ne réfléchit pas. On cherche juste à éviter le drame ». Interpellé par les gendarmes, condamné en comparution immédiate à quatre mois de prison avec sursis, l’agresseur est réapparu huit jours plus tard à l’hôtel du Bourg, juste en face de la pharmacie. « Là, nous n’étions plus du tout rassurés, commente Christophe Maudière. Psychologiquement, c’était intenable ». L’homme, une fois encore sous l’emprise de l’alcool, a finalement été embarqué dans une ambulance. « En vingt-cinq ans d’exercice, jamais je n’aurais pensé que dans une commune aussi sereine, j’aurais affaire à ce type d’agression ». En parlant de « fait divers spectaculaire et inhabituel », la

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Je dois vivre avec une certitude : si je dénonce, je prends un risque. Je suis donc obligée de me taire. Ce qui m’écœure, c’est que tout ceci reste, la plupart du temps, impuni Marie-Christiane Ho, titulaire à Paris

presse locale a d’ailleurs parfaitement résumé l’état d’esprit ambiant. Ces témoignages ne représentent qu’une facette d’une réalité que l’on a du mal à mesurer précisément pour une raison simple : de nombreux pharmaciens ne portent pas plainte, souvent par manque de temps, surtout pour ne pas avoir à payer de surprimes aux compagnies d’assurances. Un phénomène que l’Ordre déplore, par la voix d’Alain Marcillac, son responsable sécurité : « Par définition, ces sous-déclarations biaisent l’ampleur des agressions, nous empêchent d’établir un panorama réel de la situation et n’aident pas à sa prise en compte par les pouvoirs publics ». Depuis plus d’un an, l’Ordre a donc mis en ligne, dans la partie extranet de son site, des fiches de déclaration d’agression – menaces verbales, violences physiques, vols, braquages… – pour que les pharmaciens fassent remonter les faits dont ils ont été victimes. « Comme toute la profession peut être confrontée à l’insécurité, ces fiches sont adaptées à chaque métier : officinaux, biologistes, grossistes-répartiteurs, pharmaciens hospitaliers, précise Alain Marcillac. L’objectif est de recenser l’exhaustivité des événements pour apporter un soutien aux confrères et consœurs visés et solliciter l’aide des autorités. Mais, même si les pharmaciens jouent le jeu, notamment en province, ils finissent par oublier l’existence de ces fiches et, au final, nous restons en dessous de la réalité ».

Des « référents sécurité »

Les sousdéclarations d’incidents empêchent d’établir un panorama réel de la situation et n’aident pas à sa prise en compte par les pouvoirs publics Alain Marcillac, ordre des pharmaciens

Il n’empêche que le dispositif peut s’avérer efficace pour prévenir en amont, protéger et sensibiliser les forces de l’ordre. « Quand une situation se répète dans un même quartier, une même ville ou une même banlieue, nous pouvons agir via les ‘‘référents sécurité’’ déployés dans chaque département, qui font l’interface entre les pharmacies et les forces de police », explique Alain Marcillac. Ces référents, qui sont des élus ordinaux, ont été nommés à la suite du protocole de sécurité signé en avril 2011 entre les ordres nationaux des professions de santé et les ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé. Sur le site de l’Ordre, le professionnel peut aussi trouver des informations diverses, comme une check-list des démarches à effectuer en cas d’agression, et des informations de prévention. La prévention, c’est le registre de Doron Levy, fondateur et directeur du cabinet Ofek, spécialisé dans la gestion des risques d’homicide des

professions à risque, notamment des commerces de proximité. Ofek poursuit un double objectif : limiter les risques physiques et créer des leviers de dissuasion. « Entre 2012 et 2013, on a observé une diminution de 31 % des vols à main armée dans les bijouteries, rapporte l’expert. Cela veut dire que ce type d’incident se déporte sur des cibles plus faciles, comme les pharmacies, les bureaux de tabac, les parfumeries, où les agresseurs ont le sentiment de bénéficier d’une plus grande marge d’exécution. Les officines en particulier offrent des services en termes d’accessibilité – amplitude horaire, accès aux produits – qui favorisent l’augmentation du flux de clientèle et, partant, du flux des vols… »

Prévenir pour dissuader

Doron Levy est formel : les vols et braquages sont rarement le fruit du hasard. « Être vigilant à l’ouverture et à la fermeture du magasin, porter un effort particulier à l’accueil des clients et éviter ainsi qu’ils ne se baladent seuls dans le point de vente, mettre la caisse à un endroit non visible… Voilà de bonnes pratiques qu’il faudrait idéalement respecter », liste-t-il, en avançant un argument imparable : toute mesure de prévention est, par nature, dissuasive. Quant au « curatif », Doron Levy le confie sans détour : « Je ne sais pas ce qu’il faut faire, mais je sais ce qu’il ne faut pas faire ». En l’espèce, existent des interdits fondamentaux : ne jamais fixer du regard un malfaiteur, ne jamais lui courir derrière – il n’y a rien de plus dangereux qu’un dos tourné –, ne pas chercher à gagner du temps, avoir une attitude de soumission. « Quand on a un calibre sur la tempe, on a 8 ans d’âge mental en termes de réaction, indique-t-il. Dans la pratique, le vol à main armée est une affaire résolument humaine. En se défendant de façon épidermique, on commet des erreurs qui peuvent être fatales. Par définition, les braquages ne sont pas rationnels. On est dans le paroxysme, dans l’émotionnel. On est en mode dégradé ». Pour autant, invite l’expert, il ne faut pas verser dans la paranoïa : « Après avoir augmenté de 18 % entre 2011 et 2012, les vols en officine ont diminué de 11,9 % en 2013. Et par rapport à tous les commerces de proximité, la pharmacie ne représente ‘‘que’’ 4 % des braquages. Il faut donc être vigilant, n’être ni dans le déni du risque, ni dans son surdimensionnement. En d’autres termes, l’intégration du risque ne doit pas avoir d’impact sur l’activité ». •


Dossier Vive les femmes

Les mauvais endroits ne sont pas toujours où l’on croit Ils exercent dans des quartiers difficiles mais, pour rien au monde, ils iraient s’installer ailleurs. De quoi démolir quelques idées reçues…

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exerce dans la rue la plus difficile de la ville la plus difficile de France. Une rue pauvre d’un quartier pauvre d’une ville pauvre ». Installé dans le quartier de l’Alma, à Roubaix, dans le Nord, Laurent Taleux ne verse pas dans l’angélisme. Il sait au contraire tout ce qui sécrète la violence : la précarité, les problèmes sanitaires, l’économie souterraine. Toutefois, en vingt-cinq ans d’exercice, il n’a eu à déplorer aucun incident, ni vol à l’étalage, ni braquage : « J’ai grandi en même temps que ma pharmacie et que ma clientèle, que je connais par cœur. Les jeunes toxicomanes, je les suis depuis qu’ils ont 4 ans. C’est difficile pour eux de se montrer agressifs ou impolis à mon égard ! » Outre une officine équipée en bonne et due forme (caméras, portique de surveillance, étiquettes électroniques…), Laurent Taleux a une arme personnelle dissuasive : sa silhouette massive (1,95 m, 90 kg) qu’il promène benoîtement, serrant des mains par-ci, claquant des bises par-là. « J’ai un exercice passionnant parce que je suis confronté à la misère, confie-t-il. Je ne m’en félicite évidemment pas, mais c’est ce qui me différencie de mes confrères. Je crée du lien

dans les esprits. Or, ce n’est plus justifié. On peut aller encore plus loin dans l’estime réciproque et le respect ». C’est d’ailleurs ce que le pharmacien a la ferme intention de faire. Il nourrit en effet depuis plusieurs années l’idée d’une maison de santé pluridisciplinaire afin, dit-il, « de créer une synergie centrée sur un projet ». Un projet qui, si tout va bien, devrait voir le jour cette année dans un local appartenant à la municipalité.

social, je rassure, je console ; je soigne une multitude de pathologies dont certaines que l’on croyait disparues. C’est mieux qu’une pharmacie banale dans un quartier tout aussi banal. »

Du respect et de l’estime…

Beaucoup plus au Sud, à Valdegour, un quartier chaud de Nîmes – il y a deux ans, SOS Médecins y avait fait valoir son droit de retrait –, l’officine tenue par Bernard Gombert est l’un des rares commerces à avoir réussi à s’imposer. « Nous sommes intégrés, nous répondons aux besoins », indique le titulaire. Situé sur une colline entourée par des barres d’immeubles qui ressemblent à une forteresse, Valdegour, aujourd’hui essentiellement représenté par les communautés marocaine et comorienne, a peu à peu perdu de sa mixité, les « populations gauloises », selon l’expression d’un militant associatif, ayant depuis longtemps déserté. C’est justement pour retrouver cette mixité que Bernard Gombert a recruté des jeunes filles du quartier comme futures préparatrices. « Nous redonnons des couleurs à notre équipe, sourit-il. Elle est représentative : chacun peut s’y identifier. C’est aussi une façon de montrer que la pharmacie peut être un levier, un ascenseur social. Valdegour, c’est une histoire lourde, ancrée

Pas de violence ni de braquage. Aux Minguettes, Céline Garry exerce en toute sérénité.

J’arrive toujours à discuter, à désamorcer. Ce n’est d’ailleurs pas la délinquance primaire qui pose problème. Ce sont les troubles mentaux et psychiatriques. Céline Garry, titulaire

… mais pas de cocktail explosif

Le quartier sensible des Minguettes, dans la banlieue de Lyon, Céline Garry connaît bien. Elle y est installée depuis neuf ans, après y avoir exercé cinq ans en tant qu’adjointe. « Si ça se passait mal, je serais partie, rigole-t-elle. Certes, au niveau économique, la situation a plutôt empiré. Quant à la violence, c’est comme à l’école : il suffit d’un ou deux perturbateurs pour qu’on ne voie qu’eux. C’est ce que l’on retrouve au quotidien : sur 520 clients par jour, on en surveille de près une dizaine… Jamais de violences, pas de braquages, mais quelques vols et, parfois, des menaces au comptoir ». Céline Garry, que tout le monde connaît dans le quartier, n’est de toute façon pas de celles qui se laissent facilement impressionner : « J’arrive toujours à discuter, à désamorcer. Ce n’est d’ailleurs pas la délinquance primaire qui pose problème. Ce sont les troubles mentaux et psychiatriques. Les toxicomanes, quant à eux, on les connaît bien. Ils sont stabilisés et respectent la règle que nous avons mise en place : on ne dépanne pas, mais on est là si besoin. Sans embellir le tableau, on se sent valorisé dans notre exercice. Nos clients ont besoin qu’on les considère, qu’on les salue, qu’on les appelle par leur prénom. Honnêtement, je ne vis pas les Minguettes de façon aussi catastrophique qu’on peut le lire ou le dire. Je ne vois pas de cocktail explosif qui pourrait mettre en danger l’entreprise ». •

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Gestion à distance de l’officine, une réalité

Approvisionnement, formation, vente en ligne, vidéosurveillance… les pharmaciens peuvent désormais piloter leur officine de leur smartphone ou de leur tablette. Une révolution qui profite aux éditeurs de logiciels.

C

e n’est pas encore le grand cloud, mais ce n’est plus de la sciencefiction : les pharmaciens disposent aujourd’hui de tous les outils nécessaires à la prise en main de leur officine, où qu’ils soient. « La gestion à distance est une réalité depuis plusieurs années déjà pour nombre de nos clients, confirme Bénédicte Karpov, présidente du groupe WinPharma. Ils utilisent des outils gratuits comme TeamViewer ou LogMeln et accèdent à leur pharmacie via leur téléphone, leur tablette ou leur ordinateur. Et ils apprécient de plus en plus ce type de gestion qui leur donne la

liberté de travailler de chez eux ou d’être rassurés sur l’activité de leur officine lorsqu’ils sont en vacances ». C’est également ce que relève Philippe Decquesses, directeur marketing de Caduciel : « Techniquement, nous sommes capables de faire beaucoup de choses, comme de monter des ‘‘tunnels sécurisés’’ entre l’officine et un poste informatique personnel, et ce, avec d’autant plus de succès que les tablettes et les smartphones sont devenus des biens de consommation courante », dit-il. Caduciel a par exemple développé une télécommande dont le nombre de touches correspond au nombre de PC dans l’officine : en un clic, l’écran

qui s’ouvre est celui de la pharmacie. « Si la profession devient plus mobile, nous serons en mesure de lui apporter des services adaptés, reprend Philippe Decquesses. Cela posé, rien ne remplace la présence physique du titulaire ».

Une demande croissante

« La gestion à distance est encore partielle, tempère de son côté Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest. Nous restons sur un terrain “lourd”, assez figé et contraignant, avec un serveur, un logiciel et un ensemble de PC comptoir en réseau. Mais au-delà de cet aspect, il existe bien sûr des solutions, notamment de télétravail, dont les Suite en page 28

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Back-office


Back-office

pharmaciens sont très friands ». C’est le cas de Domisecure, adoptée par 8 % des clients Pharmagest, qui leur permet d’accéder, via un accès sécurisé, à leur logiciel de gestion comme s’ils étaient à l’officine. Ils peuvent ainsi garder à tout moment un œil sur leur activité en suivant en temps réel leurs ventes ou en analysant leurs statistiques. Nombreux sont aussi ceux qui utilisent OffiCentral, conçu pour gérer les commandes groupées, ou encore My Pilot, le GPS qui, comme son nom l’indique, permet de piloter son officine 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en un clic. La vidéoprotection via une application smartphone est également très prisée : elle permet de visualiser en direct les images de la pharmacie. « La demande existe, constate Jérôme Lapray. Et elle va aller grandissant compte tenu de l’évolution générationnelle de la profession et des besoins liés aux nouvelles missions en termes de partage d’informations, même si on est encore sur un schéma un peu à l’ancienne, comme beaucoup de PME d’ailleurs ». Mais son plus beau succès, Pharmagest le doit à Ma pharmacie mobile, première application pour smartphones permettant aux pharmaciens l’accompagnement de patients dans le suivi de leur traitement. Lancée en février 2011, gratuite et téléchargée 150 000 fois, l’application a été repensée, avec de nouvelles fonctionnalités axées sur les conseils et une interface graphique et ergonomique renouvelée.

Une application attractive

Chez Alliadis, le mode Web est aussi cultivé depuis longtemps. L’un des derniers logiciels en date a été développé dans le cadre de la nouvelle convention pharmaceutique et de la loi HPST. Mon suivi patient, c’est son nom, est articulé autour de quatre volets : prévention et dépistage, accompagnement des patients chroniques, continuité des soins et efficience de la dispensation. Liée à la BCB Dexther, le référentiel commun des professionnels de santé, l’application, à laquelle on peut se connecter à distance, donne également accès à des fonctionnalités permettant d’assurer une prise en charge personnalisée. L’éditeur, qui propose aussi une solution de vidéosurveillance disponible sur smartphones et tablettes, a lancé en 2010 Pharma 24, un distributeur automatique de produits de première nécessité accessible à l’extérieur de l’officine, qui s’est récemment enrichi de deux services, un site Web et une application

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à l’instar du MAP d’Alliadis, les nouveaux logiciels permettent de visualiser à distance nombre d’indicateurs (substitution, achats, performance…).

mobile sur smartphone destinés au grand public, qui permettent de localiser les pharmacies équipées de Pharma 24 les plus proches de chez soi. Alliadis propose aussi MAP, un outil qui permet de visualiser à distance tous ses indicateurs de substitution, ses achats, les performances de ses collaborateurs et de préparer ses commandes. « Mais MAP présente un autre intérêt, lié à l’exercice en SEL, explique Sophie Roussel, directrice marketing et communication. Lorsqu’un acheteur délocalisé a besoin de voir comment sont organisées les officines dans lesquelles il possède des parts, il peut, grâce à cette application, paramétrer et connaître les ventes de ces dernières afin de mieux cibler ses achats et, ainsi, les optimiser. Il lui suffit d’avoir un navigateur Web ».

Les officinaux apprécient ce type de gestion qui leur donne la liberté de travailler de chez eux ou d’être rassurés sur l’activité de leur pharmacie lorsqu’ils sont en vacances.

Une sauvegarde cryptée

WinPharma

Depuis un smartphone ou Internet, winPharmacie.com offre pour sa part une palette de services innovants destinés à fidéliser la clientèle et à permettre au titulaire d’agir sur son officine lors de déplacements. « Avec cette application, décrit Bénédicte Karpov, les clients ont accès 24 heures sur 24 à leur dossier centralisé à l’officine : ordonnances, scans, médecins, posologies, voire comptes rendus opératoires ou résultats d’analyses. Et d’un clic, ils peuvent renouveler leurs ordonnances. La demande arrive dans WinPharma et ne nécessite pas de ressaisie. Quant au pharmacien, où qu’il soit, il suit en temps réel son chiffre d’affaires, modifie ses stocks et communique avec son équipe ». WinPharmacie. com est aussi un outil de communication unique vers le client. Promotions, informations pratiques, le pharmacien est maître de sa communication et seul bénéficiaire de la marge dégagée. Le groupe propose en parallèle des outils dématérialisés, dont winSauvegarde et winSécurité. Grâce au premier, lancé en 2009, les données de l’officine sont

Bénédicte Karpov,

Via une application, un acheteur peut paramétrer et connaître les ventes de ses officines afin de mieux cibler ses achats et, ainsi, les optimiser. Sophie Roussel, Alliadis

sauvegardées et cryptées sur un serveur extérieur. « Que l’officine subisse un incendie, une inondation ou un vol de matériel, elle reprend immédiatement son activité, sans perte de chiffre d’affaires, commente Bénédicte Karpov. La sauvegarde cryptée assure la confidentialité : le pharmacien reste donc maître de ses données. WinSauvegarde, c’est aussi un gain de temps le matin car, à l’ouverture, tout est allumé et contrôlé. Le soir, c’est la liberté de partir dès la fermeture, sans attendre la fin de la sauvegarde. Soit en moyenne 30 minutes gagnées ».

Une traçabilité totale

Le second outil, winSécurité, a lui été conçu pour lutter contre les vols. « C’est une solution simple à mettre en œuvre et compétitive, qui permet de bénéficier d’une vidéosurveillance dissuasive accessible 24 heures sur 24 », décrit Bénédicte Karpov. Le pharmacien bénéficie en effet d’une traçabilité totale de l’activité dans et à l’extérieur de l’officine. Concrètement, le système enregistre, de jour comme de nuit, des vidéos de la pharmacie grâce à des caméras haute définition. Les vidéos sont sauvegardées et consultables à tout moment, depuis n’importe quel poste de l’officine paramétré, sans perturber l’opérateur. La consultation peut aussi se faire via n’importe quel ordinateur, tablette ou smartphone, ou sur Internet. De plus, en cas d’intrusion en l’absence d’activité, le système alerte le pharmacien. Ce tour d’horizon serait incomplet si l’on omettait l’e-learning, cet espace de formation sur Internet proposé par la plupart des éditeurs. La valeur ajoutée de ce produit est multiple. Il est très souple puisque la formation se fait quand on veut, ne nécessite aucun déplacement et est économique et efficace. Et outre la montée en compétence, l’e-learning est un outil de dynamisation de l’équipe officinale. Anne Fellmann



qualité

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Au bon accueil

Q

u’attendent de vous vos patients ? Du conseil en premier lieu, mais surtout de la disponibilité et, soyons fous, de la gentillesse. « La satisfaction du client est un objectif incontournable pour toute entreprise, explique Christine Meyer, responsable OCP Formation. Pourtant, l’accueil reste une science abstraite pour le pharmacien car pas réellement quantifiable. Il n’y a pas, à proprement parler, d’unités d’enseignement à l’université préparant le titulaire et son équipe à bien recevoir les patients. » Si l’accueil en officine s’est professionnalisé ces dernières années, certains points restent négligés. Première règle de base, la qualité de l’accueil ne

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Bien accueillir ses clients est un élément clé dans toute entreprise de service. À la portée de chacun, ce secteur est pourtant parfois négligé en officine. Voici quelques conseils pour y remédier.

La visite mystère est la formule la plus complète pour évaluer l’accueil et la qualité d’un commerce. Amélie Lapoule, Cerp-Rouen

démarre pas au moment où le client pose un pied dans l’officine. Les spécialistes rappellent, en effet, qu’il convient de dissocier l’accueil matériel et humain. Avant même de penser à recevoir le patient, le titulaire doit s’assurer que l’officine est bien signalée, propre, rangée, que les produits disposés sont facilement identifiables et en quantité suffisante. Important également, le pharmacien doit respecter les horaires d’ouverture. Vient ensuite l’accueil humain. Ouverture d’esprit, disponibilité, bonne humeur…, il n’y a pas de règles dans ce domaine mais du bon sens et de l’entraînement.

Bonne tenue, écoute et connaissances

D’autres facteurs peuvent entrer en jeu comme une tenue impeccable (blouses et badges), une façon de poser

des questions montrant que l’on s’intéresse au patient ou la connaissance des produits. « Face à une clientèle de plus en plus exigeante et à une concurrence accrue des autres circuits de distribution, la qualité de l’accueil est un énorme vecteur de fidélisation des clients, ajoute Christine Meyer. Le pharmacien préfère bien souvent mettre l’accent sur le merchandising, la mise en avant des produits ou l’optimisation de son backoffice. Pourtant, du bon accueil de ses patients dépend une grande partie de son chiffre d’affaires. Un accueil de qualité permet au client de se sentir à l’aise, et donc dans de bonnes dispositions pour écouter les recommandations du pharmacien et ses conseils avisés » . Partir d’une situation réelle, en relever les points négatifs puis rectifier le tir. C’est le parti pris d’OCP Formation qui, via de courtes vidéos pédagogiques,


aide le pharmacien à améliorer son accueil. Mère de famille qui a du mal à contenir ses enfants en bas âge, senior qui reste debout de longues minutes, patient pressé, adolescente qui souhaite évoquer sa pilule contraceptive… chaque scénario a été réalisé à partir de cas concrets. « On a privilégié une approche interactive, indique Christine Meyer. Le pharmacien a une lecture active de la vidéo grâce à une grille d’analyse qui lui est fournie. Il va repérer les points de vigilance, modifier son comportement et adopter les bons réflexes pour chacune des situations. Il est en effet rare que les pharmaciens se mettent à la place de leurs patients. C’est toute l’originalité de cette formation. »

Clients mystères pour mieux faire

Diversifier les scénarios, c’est également l’objectif des visites mystères. La Cerp-Rouen a été l’une des pionnières dans ce domaine, en lançant, il y a une quinzaine d’années, le Baromètre qualité de service. Un service élaboré par des pharmaciens experts à partir d’exemples précis. « Chaque programme est différent, explique Amélie

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Lapoule, responsable marketing CerpRouen. Un jour, le pharmacien va être confronté à une mère de famille, trois mois plus tard à un couple de retraités, enfin au passage d’une jeune ado, etc. » Trois visites sont programmées au cours de l’année pour chaque pharmacie. « Une visite isolée n’est pas suffisamment représentative, poursuit Amélie Lapoule. La nature même d’un programme de visites mystères implique une certaine durée et une régularité dans le temps. » Vitrine, éclairage, prix indiqués, affichage des jours et horaires d’ouverture, température de la pharmacie, état du sol, des rayons, places assises disponibles, fontaine à eau… au total, 90 critères sont passés au crible à l’extérieur et à l’intérieur. « La visite mystère est la formule la plus complète pour évaluer l’accueil et la qualité d’un commerce, note Amélie Lapoule. Elle permet d’identifier les points de vigilance, de repérer les fragilités et d’améliorer les performances à l’officine. » Pour le pharmacien, l’avantage est double. La démarche lui permet d’être audité sans que cela impacte son activité. C’est également l’occasion de vérifier la mise en pratique des incontournables du métier (accueil, tenue des collaborateurs, organisation de l’officine…) via un diagnostic complet. Même méthodologie chez Pharmactiv. Le groupement a lancé dès 2000 des enquêtes de clients mystères intitulées Vision client. État des lieux, dynamique commerciale et prestations au comptoir : trois critères clés de l’officine sont audités.

Le pharmacien préfère bien souvent mettre l’accent sur le merchandising, la mise en avant des produits ou l’optimisation de son backoffice. Pourtant, du bon accueil de ses patients dépend une grande partie de son chiffre d’affaires. Christine Meyer, responsable OCP Formation

Des labels synonymes de qualité

En parallèle, comment informer sa patientèle d’une démarche qualité initiée au sein de son officine ? Transformer une démarche qualité en outil de communication, tel est l’enjeu des labels. Depuis quelques années, des macarons estampillés « Certification qualité » fleurissent sur les vitrines des

pharmacies. En 2012, Pharmactiv a ainsi renforcé sa démarche en lançant le label Qualité de service. 500 pharmacies ont ainsi été labellisées en 2012. À l’initiative du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), le groupement est aussi entré dans une démarche de certification ISO 9001/QMS, avec 130 pharmacies certifiées à ce jour. Même ambition pour Giropharm qui a initié, en 2001, une démarche collective de certification ISO 9001/ QMS Pharma, baptisée Pharma système qualité. Les officines adhérentes peuvent bénéficier d’ateliers qualité, du suivi de conseillers, d’une interface Web de suivi sur l’espace adhérent, ainsi que de nombreux outils (classeur qualité, adresse mail pour répondre aux questions des adhérents…). De son côté, Alphega propose un baromètre de satisfaction après entretiens auprès d’une centaine de clients. Près de la moitié du réseau est déjà engagée dans un processus d’amélioration continue. Qualité de l’accueil, mais également formation continue du pharmacien et de son équipe, qualité des conseils, mise à disposition des supports d’information, opérations de dépistage… L’engagement qualité chez les pharmacies Viadys du groupe PHR se traduit sous le label Qualiref. Dans le cadre du développement durable, le groupe PHR propose également depuis 2009 le label Pharmacie durable. Une fois toutes ces démarches accomplies, comment s’apercevoir que votre accueil a gagné en qualité ? « Si vous êtes capable de fidéliser un client de passage parce que vous avez su personnaliser l’accueil, si un patient vous remercie pour votre gentillesse, s’il vous félicite pour la qualité de vos conseils, c’est que votre niveau d’accueil est proche de l’excellence, atteste Christine Meyer. Le plus dur est maintenant de le garder ! » Olivier Valcke

Eqo, le site 100 % qualité Lancé en 2010 par l’ordre des pharmaciens, le site Eqo est dédié à l’évaluation de la qualité à l’officine. Ce portail Web a récemment modifié ses fonctionnalités et actualisé sa base de données. Il propose un diagnostic qui permet au pharmacien, en quinze minutes et une soixantaine de questions, de situer la qualité de ses procédures par rapport à ses confrères. Et ce, dans six domaines : gestion, ressources humaines,

équipement, dispensation, traçabilité, prévention et qualité. Le site www.eqo.fr dispose également d’une bibliothèque contenant divers documents et outils pédagogiques classés par thèmes et par types de documents. Une bibliothèque qui peut être enrichie par les commentaires et les notes de lecture des internautes, qui peuvent soumettre à la commission Eqo de nouveaux contenus.

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tribune

Nouvelle rémunération : des comptes d’apothicaire ? à l’heure où la réforme de la rémunération tient le haut des débats, il est intéressant de s’interroger sur l’utilité et la solidité à moyen terme de ces ententes et protocoles d’accords. Stéphane Billon nous livre son éclairage.

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héâtre de l’excellence des officinaux en matière de calculs d’apothicaires, les mécanismes de valorisation de l’acte pharmaceutique en ville, issus des dernières négociations, font état d’un chef-d’œuvre en la matière. Or pendant que les négociations avancent, ou n’avancent pas diront certains, l’impact de la maîtrise médicalisée et son cortège de baisses des prix et des prescriptions ne se fait pas attendre sur le chiffre d’affaires et la rentabilité. Quel que soit l’accord qui sera appliqué, il sera mauvais pour nos pharmaciens. Pourtant, les syndicats sont actifs et ont bien compris l’enjeu crucial de cette réforme. Mais les règles du jeu sont d’entrée en défaveur des officinaux. Avec un taux d’évolution de l’Ondam* fixé à seulement 2,4 %, le secteur de la santé

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devra faire un effort d’économies de 2,9 milliards, l’évolution automatique du taux de croissance des dépenses de santé étant d’environ 4 % par an (progrès techniques, vieillissement de la population…). Une large partie de ces économies devra être réalisée, directement ou indirectement, sur l’enveloppe médicaments, et donc sur la profitabilité des officines.

Une rémunération à la boîte et à l’ordonnance…

L’actualité première est un accord a minima et en deux temps : le protocole prévoit en effet l’instauration, à partir du 1er janvier 2015, d’un honoraire de 0,80 € par boîte dispensée, qui sera porté à 1 € en 2016. En parallèle, un honoraire complémentaire de 0,50 € pour la délivrance d’ordonnances complexes apparaîtra dès 2015 et devrait

rapporter environ 40 millions d’euros à l’ensemble des officinaux. À cela, la mise en place d’un honoraire de dispensation par ordonnance devrait également voir le jour. In fine, dans deux ans, c’est environ 47 % de la rémunération qui sera sous forme d’honoraires. L’honoraire à la boîte, même s’il la minore, ne règle pas complètement le problème de la connexion des revenus du pharmacien à la vente de médicaments, notamment dans le cadre du développement des grands conditionnements. À bout de souffle, les syndicats ont donc fini par parapher un document bien contestable, presque un aveu d’impuissance. Mais avaient-ils le choix ?

… payée par une refonte de la MDL

À périmètre économique constant, la réforme de la rémunération implique


La sphère des génériques bien chahutée

Les objectifs de substitution sont fixés à 85 % pour 2014, avec un engagement de l’Assurance maladie à poursuivre sa politique en faveur des génériques et à consolider la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) pour les années suivantes. Toutefois, au cœur du débat et des contreparties figure la fixation du taux de remises sur ces génériques, et plus exactement l’association du fruit des contrats de coopération passés entre les officinaux et les laboratoires à ces même remises. L’ensemble tendrait vers un affichage au grand jour du prix réel des génériques, dont le premier bénéficiaire serait à n’en pas douter le Comité économique des produits de santé (CEPS) et l’Assurance maladie. In fine, dans le cadre d’un déplafonnement total des remises, des baisses de prix suivraient, impactant la marge des pharmacies et leur intérêt à substituer. Le passage du plafond de remise de 17 à 50 % limite la casse, tant que les contrats de coopération tel qu’ils existent perdurent, ce qui ne semble pas être le souhait de la tutelle et de la DGCCRF, qui ont entamé depuis un an une véritable chasse aux sorcières en la matière. Planche de salut, les rédacteurs de la LFSS 2014 ont préservé ce statu quo par excès de précision ou inadvertance. En effet, si le CEPS et l’Assurance maladie désirent connaître les prix pratiqués par molécule, le fait d’avoir inscrit dans la loi l’obligation de déclaration des remises accordées aux pharmaciens pour « chaque spécialité générique » rend impossible l’association du fruit des contrats de coopération à la remise globale. Ce business model, bien

que ramené à 50 % de remise, peut donc perdurer une poignée de mois, jusqu’au prochain PLFSS.

Services à l’officine et coordination pluridisciplinaire

L’accord conclu conforte les nouvelles missions, notamment le suivi des patients asthmatiques, et propose de travailler à la mise en œuvre d’un accompagnement pour les malades bénéficiant de traitements à risque de mésusage. Plus largement, la LFSS confirme la possibilité de mise en place de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP/ Sisa) avec la présence de pharmaciens comme associés. À ce titre, elle encadre les conditions d’accès aux financements de l’Assurance maladie. En effet, dans le cadre de la stratégie nationale de santé, l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération est élargie à 150 autres structures pour l’année 2014. Tenant compte des premières évaluations, le module 1, visant notamment la coordination entre professionnels de santé, a fait l’objet de quelques modifications. • Travail en équipe : concertations formalisées pluriprofessionnelles régulières sur des patients complexes. • Accès aux soins : disposer d’un secrétariat physique partagé a minima entre médecins. • Structuration du système d’information : disposer de dossiers patients informatisés et partagés a minima entre médecins • Existence d’un projet de santé formalisé. Nombres d’officinaux, en partenariat avec d’autres professionnels (médecins, infirmières, kinésithérapeutes…) et avec le soutien de leur ARS, ont engagé une démarche de création de société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa). Progressivement, les structures se forment et commencent à porter leurs fruits. Les premiers résultats devraient apparaître début 2015 avec un impact attendu sur l’amélioration de la prise en charge des patients dans un cadre coordonné. Les postulats économiques visant la mise en place des Sisa et la participation effective de pharmaciens en leur sein étaient une élévation du chiffre d’affaires par patient en officine, associé à une meilleure rentabilité. Les premières expérimentations, bien qu’engageantes, ne permettent pas encore un retour assez catégorique quant à l’efficacité de ce business model.

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donc une contrepartie que l’accord est allé chercher dans une modification de la marge dégressive lissée (MDL). Le taux de la première tranche serait abaissé à 25,5 % (contre 26,10 % aujourd’hui), celui de la deuxième tranche passerait de 10 à 8,5 %, le taux de la troisième restant inchangé (6 %). Enfin, un plafonnement de la marge serait prévu pour la partie hors taxes du prix fabricant supérieure à 1 500 €. En l’état, cela revient à concentrer l’augmentation de la marge sur les médicaments dont le prix fabricant hors taxes (PFHT) est inférieur à 1,81 €, contre une baisse pour tous les autres. L’essentiel de la revalorisation portera donc sur le paracétamol, l’homéopathie et les hypnotiques.

Les règles du jeu sont d’entrée en défaveur des officinaux. Quel que soit l’accord qui sera appliqué, il sera mauvais pour les pharmaciens. Stéphane Billon, Kamedis

Toutefois, si la coordination se met correctement en place, elle devrait permettre notamment une meilleure observance. En effet l’inobservance a un impact sur le patient (perte d’efficacité, bienfaits altérés, effets gênants, risques de surdosage ou de sous-dosage) et des conséquences économiques importantes (coût des rechutes, des complications, des hospitalisations évitables).

Moins d’officines, mais plus grosses et plus rentables

L’année 2014 sera donc difficile, comme attendu. La LFSS et le protocole d’accord auront un impact sinon lointain, à tout le moins négatif. Il est donc important de n’en rien attendre à ce jour et de trouver d’autres leviers de croissance et de rentabilité. • L’exercice coordonné au sein d’une Sisa est une piste intéressante, mais elle requiert une véritable prise en main par le pharmacien et un investissement en temps initial qui n’est pas à négliger. À cela, il ne s’agit que d’une goutte d’eau dans le désert officinal et peu de pharmaciens pourront en émerger. • La vente de médicaments sur Internet intéresse beaucoup et provoque certains remous, notamment chez les groupements. C’est sans doute un outil à forte valeur ajoutée et qui aura son utilité, y compris localement vers des patients fidèles mais à faible mobilité. • La délivrance de « services » à l’officine est à suivre plus précisément, afin d’en mesurer l’efficience au sens de l’Assurance maladie, mais aussi l’impact business pour les officinaux, parfois trop enclins à les développer à tout va sans savoir quel y est leur intérêt. L’observatoire pharmaco-économique sur l’impact des services santé (Ophelis), monté par le groupement Pharmactiv avec Kamedis Institut, devrait nous apporter des pistes de réponses durant l’année 2014. Enfin, compte tenu des évolutions économiques et réglementaires en cours, les officines de 2015-2017 seront moins nombreuses, sans doute plus grosses, nanties de regroupements successifs, multiservices, coordonnées avec d’autres professionnels de santé et certainement plus rentables. Quant à l’officine de 2014, elle attend 2017 depuis 2012… Stéphane Billon, directeur associé du cabinet Kamedis

(*) Objectif national des dépenses de l’Assurance maladie.

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Lu pour vous

Revue de presse scientifique

Chaque mois, nous vous proposons une synthèse des articles marquants parus Par Julien Boyer, pharmacien hospitalier dans la presse spécialisée du monde entier.

L’arthroplastie de l’épaule bénéfique pour les polyarthriteux Shoulder arthroplasty for rheumatoid arthritis : 303 consecutive cases with minimum 5-year follow-up

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©© WILLSIE – istockphoto

ne étude américaine confirme que l’arthroplastie de l’épaule peut considérablement améliorer la qualité de vie des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PAR). En effet, de nombreuses personnes souffrant de cette pathologie présentent

une douleur aiguë dans l’épaule, pouvant entraîner une usure des os et une rupture de la coiffe des rotateurs, rendant l’intervention chirurgicale plus difficile. Dans l’étude, 303 patients ayant subi une arthroplastie de l’épaule à l’hôpital Mayo Clinic (Minnesota, États-Unis) ont fait l’objet d’une surveillance médicale pendant au moins cinq ans. Parmi ceux dont l’épaule avait été entièrement remplacée (arthroplastie totale : AT), 96 % ne présentaient aucun symptôme au niveau de l’épaule concernée cinq ans après. Après dix ans, 93 % ne souffraient toujours pas. Parmi les personnes ayant subi une arthroplastie partielle (AP), 89 % n’avaient aucun symptôme cinq ans après et 88 % après dix ans. Les arthroplasties de l’épaule apportent donc un soulagement de la douleur et améliorent le mouvement chez les patients. L’AT semble même encore plus efficace lorsque la coiffe des rotateurs demeure intacte. Cette intervention chirurgicale rapide suivie d’un court séjour hospitalier et de séances de rééducation permet donc d’améliorer la qualité de vie des patients souffrant de PAR. • • Journal of Shoulder and Elbow Surgery, publication en ligne du 5 décembre 2013

Le zona augmente le risque d’AVC Herpes zoster as a risk factor for stroke and TIA : a retrospective cohort study in the UK

ans cette étude britannique, 106 600 patients d’âges similaires présentaient un zona et 213 200 n’en avaient jamais développé. Les évolutions médicales des participants ont été suivies pendant six ans en moyenne et, dans certains cas, pendant plus de vingt-quatre ans. Des facteurs de risque tels que le tabagisme, l’obésité et l’hypercholestérolémie ont été pris en compte. Chez les personnes âgées de moins de 40 ans, le zona avait des conséquences manifestes : augmentation de 75 % du risque d’AVC et de 50 % du risque de crise cardiaque. En outre, dans cette tranche d’âge, les patients présentant un zona avaient 2,4 fois plus de risques de développer un accident ischémique transitoire (AIT). Des chiffres qui n’étaient pas aussi élevés chez les plus de 40 ans. Dans cette population, le zona accroissait le risque d’AIT de 15 % et celui de crise cardiaque de 10 %. Mais la probabilité de développer un AVC chez les plus de 40 ans n’était pas plus grande. Au vu de ces résultats, les auteurs recommandent que les patients présentant un zona, en particulier les plus jeunes, soient soumis à des examens visant à rechercher d’autres facteurs de risque d’AVC. • • Neurology, publication en ligne du 2 janvier 2014

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ȵȵDes médicaments à pile biodégradable

Prospective study of peripregnancy consumption of peanuts or tree nuts by mothers and the risk of peanut or tree nut allergy in their offspring

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n a longtemps recommandé aux femmes d’éviter les aliments très allergènes comme les cacahuètes et les noix pendant la grossesse et l’allaitement, et d’éviter ces allergènes possibles aux enfants jusqu’à l’âge de 3 ans. Néanmoins, l’absence de données claires vis-à-vis de cette recommandation laisse la question en suspens : faut-il que les femmes enceintes suppriment ou non les cacahuètes et autres noix de leur régime alimentaire ?

Des chercheurs américains développent actuellement une batterie souple biodégradable à base de mélanine d’encre de seiche et de manganèse. Elle peut être ingérée et pourrait faire office de nouvelle génération de capteurs de santé, voire piloter certains médicaments dans notre organisme pour une thérapeutique ciblée.

Pour y répondre, une cohorte prospective a rassemblé 8 205 enfants issus de la Growing Up Today Study 2 menée aux États-Unis, nés entre 1990 et 1994 de femmes dont le régime alimentaire a été documenté pendant et aux alentours des grossesses. Parmi ces enfants, 308 cas d’allergies ont été déclarés, dont 140 aux cacahuètes et autres noix. L’analyse des données montre que les enfants dont les mères non allergiques ont consommé le plus de noix ou de cacahuètes – soit ici cinq fois ou plus par semaine – ont le risque le plus faible d’allergie. Mais attention, ce résultat n’est pas observé chez les mères déjà allergiques. Ces conclusions ne prouvent pas une relation de cause à effet mais confirment que l’exposition précoce aux allergènes est associée à des chances accrues de tolérance et de diminution du risque d’allergie alimentaire à l’enfance. Les futures mères non allergiques n’ont donc pas à éviter noix et cacahuètes et leur alimentation doit rester la plus variée possible. Ces aliments sont une bonne source de protéines et fournissent également l’acide folique nécessaire en prévention des anomalies du tube neural. • • JAMA Pediatriatrics, publication en ligne

ȫȫ MIT Technology Review, publication en ligne du 18 décembre 2013

ȵȵPetit verre régulier, immunité renforcée Une étude menée chez des macaques rhésus confirme la théorie selon laquelle une consommation modérée d’alcool peut stimuler le système immunitaire, et réduire l’ensemble des causes de mortalité, notamment les maladies cardio-vasculaires. Après avoir consommé des quantités modérées d’alcool, les animaux répondaient mieux aux vaccins que le groupe témoin, dont la consommation était soit nulle, soit considérable.

du 23 décembre 2013

Les cigarettes électroniques font mieux… mais pas de beaucoup Electronic cigarettes for smoking cessation : a randomized controlled trial

ȫȫ Vaccine Volume 32, Issue 1, pp. 54-61

la nicotine, 119 dans celui des patchs et 36 dans celui des cigarettes électroniques placebo. L’efficacité des cigarettes électroniques, avec ou sans nicotine, était modérée, avec une atteinte des objectifs d’abstinence proche de celle des patchs et peu d’événements indésirables. Des incertitudes persistent quant au rôle des cigarettes électroniques dans le contrôle antitabac et il est urgent d’effectuer davantage de recherches afin d’établir clairement leurs effets bénéfiques et néfastes à la fois à l’échelle individuelle et à celle de la population. • •The Lancet, vol. 382 (9905), pp. 1 629-37

ȵȵDu sport, mais pas à toute heure…

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es chercheurs ont étudié l’efficacité des cigarettes électroniques par rapport à celle des patchs de nicotine dans l’arrêt du tabac. 657 fumeurs adultes souhaitant arrêter ont été randomisés par sexe et par niveau de dépendance afin de recevoir des cigarettes électroniques contenant 16 mg de nicotine (289 personnes), des patchs à la nicotine 21 mg/j (295 personnes) ou des cigarettes électroniques placebo (73 personnes). L’étude a commencé une semaine avant le jour de l’arrêt du tabac et s’est terminée douze semaines après, avec un soutien comportemental de faible intensité via des conseils téléphoniques volontaires. Le principal critère d’évaluation était le maintien de l’abstinence à six mois, vérifié par analyses biochimiques (mesure du monoxyde de carbone dans l’air expiré < 10 ppm). À six mois, l’abstinence vérifiée était de 7,3 % dans le groupe recevant des cigarettes électroniques contenant de la nicotine, de 5,8 % dans celui des patchs et de 4,1 % dans celui de cigarettes électroniques placebo. Aucune différence significative n’a été identifiée en termes d’événements indésirables, avec 137 événements dans le groupe recevant des cigarettes contenant de

en bref

Le retour des noix pendant la grossesse

La pratique sportive matinale a tendance à couper l’appétit et incite à se dépenser plus au cours de la journée. Elle favorise également un bon sommeil. Le sport en milieu de journée peut, lui, aider à retrouver un rythme biologique circadien. Quant à la pratique en fin d’après-midi, elle a la vertu de détendre, d’assouplir les muscles, de rendre plus endurant et de développer davantage la capacité cardiorespiratoire. Gare toutefois à ne pas faire de sport trop tard, sous peine d’avoir des difficultés à s’endormir ensuite ! ȫȫ Santé Magazine, actualité en ligne du 12 décembre 2013

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10 questions sur…

La dénutrition chez la personne âgée On estime, en Europe, la prévalence de la dénutrition entre 5 et 10 %. En France, elle touche particulièrement les personnes âgées : 4 à 10 % de celles vivant à domicile, 15 à 38 % en institution et 30 à 70 % des patients hospitalisés. 1

Qu’est-ce que la dénutrition ?

Pourquoi touche-t-elle particulièrement les personnes âgées ? 2

Cela s’explique par des causes « endogènes » liées au vieillissement. Celuici provoque de manière naturelle des modifications physiologiques, qui arrivent plus ou moins tôt et sont plus ou moins marquées selon les personnes. Il est ainsi souvent observé une diminution de l’appétit, de l’odorat (après 65 ans, la moitié des sujets présente un déficit olfactif ; après 80 ans, les trois quarts des sujets sont atteints d’anosmie ou d’hyposmie), une modification de la perception du goût, ainsi qu’un ralentissement de la digestion. À cela peuvent s’ajouter le vieillissement bucco-dentaire et des modifications métaboliques (en particulier une baisse de l’anabolisme protidique).

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Selon la Haute autorité de santé (HAS), la dénutrition protéino-énergétique résulte d’un déséquilibre entre les apports et les besoins de l’organisme. Elle entraîne des pertes tissulaires, notamment musculaires, qui ont des conséquences fonctionnelles délétères. On parle de dénutrition lorsque l’une des valeurs suivantes est retrouvée : – perte de poids supérieure ou égale à 5 % en un mois ou 10 % en six mois ; – IMC inférieur à 21 chez la personne de plus de 70 ans ou inférieur à 18 chez la personne de moins de 70 ans ; – albuminémie inférieure à 35 g/L ; – MNA (Mini-Nutritional Assessment) global inférieur à 17. La dénutrition est dite sévère si la perte de poids est supérieure (ou égale) à 10 % en un mois ou à 15 % en six mois, un IMC inférieur à 18 et/ou une albuminémie inférieure à 30 g/L.

Critères

La dénutrition est dite sévère si la perte de poids est supérieure (ou égale) à 10 % en un mois ou à 15 % en six mois.

Des facteurs « exogènes » non spécifiques à la personne âgée (causes sociales et environnementales) peuvent également être en cause et sont à rechercher devant toute baisse d’appétit : isolement social, état dépressif, hospitalisation ou modification du cadre de vie, troubles cognitifs ou physiques (problèmes de déglutition, de mastication), cause iatrogène, régime (sans sel, diabétique)…

3

Quels sont les risques ?

La dénutrition est le principal facteur de mauvais pronostic des personnes âgées. Non prise à temps, elle entraîne une cascade de facteurs pouvant conduire au décès. Elle multiplierait par deux à quatre la mortalité et par cinq la morbidité infectieuse. Sa prise en charge doit donc être prise au sérieux.

Quels outils sont utilisés au comptoir pour évaluer l’état nutritionnel ? 4

En premier lieu, l’indice de masse corporelle (IMC), qui se calcule en divisant le poids de la personne (en kg) par la taille au carré (en m²). Il permet de se faire une idée rapide de l’état nutritionnel du patient. Un indice < 18 reflète un état de dénutrition sévère. Le score MNA est également bien connu des professionnels de santé en ville du fait de sa facilité d’utilisation et de son coût modique. Développé pour dépister les cas de dénutrition chez les plus de 65 ans, il permet, via dix-huit questions, d’évaluer l’appétit, la dépendance, le mode de vie et l’alimentation. À chaque réponse correspond un score. Un résultat total inférieur à 23,5/30 indique un risque


nutritionnel, et un cas de dénutrition s’il est inférieur à 17/30. La mesure de la circonférence des membres (circonférence brachiale) et celle des plis cutanés, bien que facilement réalisables, nécessitent, pour leur part, un bon entraînement de l’examinateur. Elles ne sont donc pas considérées comme des outils simples d’évaluation diagnostique de l’état nutritionnel.

Quelles sont les recommandations chez les personnes âgées ? 5

Après 60 ans, les besoins en protéines sont de 1 g/kg/j (même si elles sont en bonne santé et surtout si elles sont actives physiquement), contre 0,70,8 g/kg/j auparavant. L’objectif est d’atteindre un apport énergétique de 30 à 40 kcal/kg/jour et un apport protidique de 1,2 à 1,5 g par kilo et par jour, sachant que les besoins nutritionnels peuvent varier d’un sujet à l’autre. Pour ce faire, une alimentation équilibrée et riche en protéines est fortement recommandée (cf. tableau). Au quotidien, il est de plus préconisé d’augmenter la fréquence des prises alimentaires (instauration de collations au besoin), d’éviter une période de jeûne nocturne trop longue (retarder le repas du soir et avancer le repas du matin si possible), de privilégier des produits riches en énergie et/ou en protéines (adaptés aux goûts du patient et à ses capacités de mastication, déglutition) et de favoriser un environnement agréable.

En complément remplacent pas, leur utilisation étant

Les compléments toujours transitoire ; c’est pourquoi les renouvellements sont effectués pour nutritionnels oraux (CNO) sont trois mois maximum. des concentrés Les CNO sont donnés si l’enrichissement de l’alimentation et le fractiond’énergie, de nement des repas ne suffisent pas, ou protéines, de d’emblée en cas de dénutrition sévère. vitamines et d’oligo-éléments Ils sont initialement prescrits sur une durée d’un mois maximum, et ce, pour permettant au réévaluer rapidement l’état du patient, patient dénutri sa tolérance au produit et sa bonne d’atteindre observance. En pharmacie, il est d’ailun apport de leurs recommandé de ne délivrer, dans 400 kcal par un premier temps, qu’un échantillon jour et/ou 30 g du produit afin que le patient le teste de protéines. et donne son avis avant de l’avoir en grande quantité.

À quoi servent les CNO et comment les mettre en place ? 6

Les compléments nutritionnels oraux ou CNO sont des concentrés d’énergie, de protéines, de vitamines et d’oligoéléments permettant au patient dénutri d’atteindre un apport de 400 kcal par jour et/ou 30 g de protéines (nécessitant le plus souvent deux unités de CNO par jour). Ils viennent compléter l’alimentation mais ne la

7

Quels conseils donner lors de leur délivrance ?

Des conseils simples permettent d’améliorer l’observance de ces produits au goût parfois métallique. Il est par exemple recommandé de servir le complément nutritionnel oral hors de son emballage, par exemple dans un verre ou une coupelle (on mange d’abord avec ses yeux !), et à la bonne température. Attention, si le CNO est pris en collation, le prendre au moins deux heures avant le repas pour ne pas couper l’appétit. Pour en améliorer la saveur, expliquer au patient qu’il peut y ajouter du café, du sirop de fruits, des pépites de chocolat, ou tout autre arôme agréable. L’informer que les formes crème peuvent être mises au congélateur pour en faire des glaces. Enfin, lui notifier qu’une fois ouverts, les produits de supplémentation se conservent 2 heures à température ambiante et 24 heures au réfrigérateur. Leur prise peut donc être fractionnée (exemple : en collation en deux ou trois prises réparties dans la journée). La grande variété de produits proposés permet de les adapter en fonction des troubles physiologiques : si nausées, privilégier les textures jus de fruits ; si troubles du goût et de l’odorat, les textures « crème » seront préférées ;

Recommandations du PNNS* Viandes poissons, œufs

2 fois par jour

Laits et produits laitiers

3 à 4 fois par jour

Pain, pommes de terre, légumes secs

À chaque repas

Fruits et légumes

Au moins 5 par jour

Eau ou autres boissons (tisane, jus de fruits...)

1 à 1,5 L par jour sans attendre la sensation de soif

en cas de diarrhées, opter pour les produits à faible osmolarité et sans lactose et, en cas de constipation, prendre un CNO contenant des fibres.

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Qu’est ce que l’ornithine oxoglurate ?

L’ornithine oxoglurate ou Cetornan est un adjuvant de la nutrition chez des sujets dénutris ou en situation d’hypercatabolisme. Il est indiqué lorsque la dénutrition ne peut être traitée par une simple augmentation des apports nutritionnels (son utilisation isolée n’est pas recommandée). Il pourrait limiter le catabolisme protéique musculaire et stimuler la synthèse protéique. Attention, pour éviter un phénomène d’hyperosmolarité, à l’origine de diarrhées, il est préconisé de diluer le sachet de 5 ou 10 g dans un grand verre d’eau, et de le prendre avant les principaux repas. Le traitement ne devra pas excéder six semaines.

Quand est mise en place la nutrition entérale ou parentérale ? 9

En cas d’échec de nutrition orale ou en première intention en cas de troubles sévères de la déglutition ou dans les cas de dénutrition sévère avec des apports alimentaires très faibles. Elle doit être initiée à l’hôpital mais peut être poursuivie à domicile en l’absence de complication et après concertation entre le patient, le médecin traitant et l’établissement. Il est dans ce cas recommandé que la prescription s’effectue en deux temps : une prescription initiale d’une durée de quatorze jours, comprenant entre autres la prestation de première installation, et une de suivi pour trois mois, renouvelable.

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Sans entourage proche, comment se faire aider ?

De trop nombreuses personnes âgées sont dénutries car leur état ne leur permet tout simplement pas de se nourrir correctement. Dans ce cas, il est conseillé de faire appel à l’entourage ou à une personne tierce pour les aider à faire leurs courses, à préparer des repas… Diverses associations ou entreprises locales et certaines mairies proposent ces services trop souvent méconnus et de multiples aides existent en cas de besoin (pour en savoir plus : www.service-public.fr). Il est du devoir du pharmacien de connaître ces structures pour orienter les patients âgés en cas de besoin. Anne Champy, pharmacienne

(*) Programme National Nutrition Santé. FéVRIER 2014 • Pharma N°109 • 37


En finir avec le tabac

Les Français sont déjà nombreux à avoir testé la cigarette électronique. L’intention d’arrêter ou de réduire le tabac serait donc bien là. Plusieurs solutions existent et, au comptoir, des conseils bien orientés sont essentiels.

L

es nouvelles recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) sur le sevrage tabagique étaient très attendues, les dernières datant de 2003. Dans l’édition 2014, la HAS met l’accent sur l’accompagnement par le médecin traitant. On peut d’ailleurs déplorer que le pharmacien soit relégué au dernier rang des professionnels de santé, puisque la

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1

C’est le rang du tabagisme dans les causes de mortalité évitables en France.

place qui lui est attribuée revient à « orienter ces fumeurs vers une prise en charge médicale afin d’optimiser leurs chances de succès ». Ceci posé, le document (consultable en ligne) regroupe de nombreux outils et questionnaires utiles. Un des points les plus attendus concernait la cigarette électronique, qui fait l’objet d’autant de polémiques que d’engouement. Là aussi, déception. La HAS se borne à un « ni oui ni non » sans prise de risque : « La cigarette

électronique n’est pas recommandée à ce jour comme outil d’aide à l’arrêt du tabac, car son efficacité et son innocuité n’ont pas été suffisamment évaluées à ce jour. La HAS considère en revanche que, du fait de sa toxicité beaucoup moins forte qu’une cigarette, son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s’arrêter de fumer ne doit pas être découragée ». En attendant une prise de position plus claire des autorités de santé, et une éventuelle arrivée

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cas de comptoir


> Nicotine et substances toxiques

La nicotine est à l’origine d’une dépendance pharmacologique, à laquelle peut s’ajouter une dépendance psychologique. Mais alors, quelle différence entre la nicotine des cigarettes et celle des substituts ? Tout d’abord, les substituts ne délivrent que de la nicotine. La fumée du tabac contient, elle, de nombreuses substances toxiques et on estime à l’heure actuelle que la dépendance à la cigarette ne serait pas seulement due à la nicotine. Ensuite, s’il s’agit de la même molécule de base, le mode de pénétration de la nicotine dans l’organisme est différent. Avec une cigarette, la nicotine entre par le système artériel pulmonaire pour arriver au cerveau en quelques secondes. Avec un substitut, la nicotine se diffuse lentement par la voie veineuse après avoir traversé le derme pour les patchs ou la muqueuse buccale pour les gommes à mâcher, les comprimés, l’inhaleur et le spray. C’est la vitesse avec laquelle la nicotine interagit avec l’organisme qui va entraîner la vasoconstriction. La nicotine per os ou en patch n’a donc pas l’action vasoconstrictrice de la nicotine inhalée. Finalement, peut-il s’instaurer une dépendance aux substituts nicotiniques ? Des cas ont été signalés avec les formes buccales, sans impact négatif sur la santé toutefois. Rappelons que la dangerosité du tabac ne provient pas de la nicotine mais des composants toxiques et du monoxyde de carbone. En revanche, aucune dépendance aux dispositifs transdermiques n’a été rapportée à ce jour.

> Informer et évaluer la dépendance

Le tabagisme est avant tout un facteur de risques cardio-vasculaires (artérite, accident vasculaire, infarctus du myocarde) et respiratoires (bronchite chronique, insuffisance respiratoire chronique…). Environ un fumeur sur deux décéderait d’une maladie provoquée ou favorisée par le tabagisme, dont la moitié avant 69 ans. Pour adapter au mieux la prise en charge de l’arrêt du tabac, l’évaluation de la dépendance à la nicotine est nécessaire. Le test de référence est le questionnaire de Fagerström en six questions. Deux questions pertinentes, faciles à poser, peuvent être retenues : dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette et combien de cigarettes fumez-vous par jour ? La dépendance est forte lorsque la première cigarette fumée, proche du réveil, reste indispensable et lorsque la consommation journalière dépasse vingt cigarettes. Quoi qu’il en soit, à partir du moment où un fumeur exprime la volonté d’arrêter et la sensation de manque lorsqu’il ne fume pas, une réponse doit être apportée, même s’il ne consomme que quatre cigarettes par jour.

> Des solutions variées pour aider chaque fumeur

L’utilisation des substituts nicotiniques est recommandée chez les patients dépendants. Les différents dosages et formes galéniques commercialisés permettent d’affiner la prise en charge. À posologie égale, toutes les formes galéniques ont une efficacité analogue. Les substituts vont diffuser de la nicotine de manière lente et régulière. Chez les adolescents, certains substituts sont autorisés à partir de 15 ans (gommes, patchs et inhaleurs). Concernant la varénicline et le bupropion (voir tableau en page suivante), les données sont insuffisantes.

Grossesse et tabac, des risques à connaître

Au cours du premier trimestre, la future mère fumeuse risque de faire une fausse couche spontanée, de développer une grossesse extra-utérine ou des malformations fœtales. Lors des deuxième et troisième trimestres, on note des retards de croissance intrautérin, des risques de mort in utero, de prématurité, d’hématome rétro-placentaire ou de placenta prævia. À noter que l’hypoxie chronique causée par le tabagisme est toujours plus élevée chez le fœtus que chez la mère. Enfin, même s’ils sont moins importants, les effets du tabagisme passif ne sont pas négligeables.

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C’est le pourcentage de fumeuses qui terminent leur grossesse sans avoir arrêté le tabac.

Cigarette électronique, l’Inpes mène l’enquête Si l’e-cigarette a le vent en poupe en France, elle suscite bien des questions. Pour l’heure, nous n’avons qu’une vision parcellaire du recours à cet accessoire. Dans ce contexte, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) a lancé une étude auprès de 15 000 personnes, âgées de 15 à 75 ans, afin d’estimer plus précisément le nombre de fumeurs de cigarettes électroniques. L’enquête porte aussi, entre autres, sur le rythme de consommation, la durée d’utilisation de l’e-cigarette et la teneur en nicotine. Les résultats seront rendus publics au cours du troisième trimestre de 2014.

Chez la femme enceinte, seul l’arrêt intégral du tabac permet de faire disparaître les risques liés à celui-ci (voir encadré ci-contre). Il faut savoir que chez la femme physiquement dépendante, l’arrêt du tabac à l’aide de substituts nicotiniques améliore le poids de naissance du nouveau-né, et l’utilisation de ces substituts lors de la grossesse est autorisée, en particulier pour les femmes qui ne parviennent pas à arrêter seules le tabac. Les formes orales ou les patchs sur 16 heures sont à préférer. En revanche, le bupropion et la varénicline ne doivent pas être employés au cours de la grossesse ou durant l’allaitement.

> En pratique, au comptoir

• La prise de poids est-elle inéluctable ? L’arrêt du tabac peut fréquemment occasionner une prise de poids de l’ordre de 2 à 4 kg. Elle est supérieure à 10 kg dans environ 10 % des cas. À noter que les substituts nicotiniques, le bupropion et la varénicline permettent de retarder la prise de poids. En parallèle, la pratique d’une activité physique augmente les chances de succès du sevrage.

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©© Igor Mojzes – fotolia

de l’e-cigarette dans l’arsenal thérapeutique, le pharmacien peut donc se montrer rassurant quant au vapotage, et rappeler l’intérêt des substituts nicotiniques « classiques ».


cas de comptoir

• Peut-on combiner plusieurs formes de substituts ? Il est possible d’en associer quand cela est nécessaire (patch et gommes, ou patch et spray par exemple, les formes buccales étant à prendre sur le moment de l’envie de fumer). L’efficacité du traitement est alors renforcée, puisque mieux adaptée au rythme du patient. • Est-il dangereux de fumer une cigarette en portant un patch ? Inutile de faire peur aux patients ou de les culpabiliser : il n’y a aucun danger à fumer tout en ayant un patch. En revanche, si le besoin de fumer se manifeste, il est nécessaire de revoir le dosage du traitement de substitution. Les autres signes de sous-dosage sont des troubles de l’humeur, une irritabilité, une agitation, ainsi qu’une majoration de l’appétit. • Comment repérer un surdosage ? Les substituts nicotiniques peuvent causer secondairement des troubles du système nerveux (céphalée), des troubles gastro-intestinaux, des hoquets, ainsi que des paresthésies au niveau du site d’administration (hypersécrétion salivaire, stomatite, sécheresse de la bouche ou de la gorge). Les signes d’un surdosage en nicotine sont faciles à déceler : sensation d’avoir trop fumé, bouche pâteuse, nausées, diarrhées, insomnie et palpitations. En réponse, il faut diminuer le dosage, en retirant le patch quelques heures par exemple. • Quelle est la durée d’un traitement de substitution nicotinique ? La plupart des résultats cliniques sont obtenus au bout de six à douze semaines. Le traitement peut être plus long pour certains patients, même si l’intérêt de prolonger au-delà est controversé. Il faut toutefois garder à l’esprit que tout jour sans cigarette représente un bénéfice pour la santé. Mieux vaut continuer à prendre un substitut, autant que nécessaire, plutôt que de cesser trop vite et de risquer une reprise du tabac. • L’arrêt du tabac est-il bénéfique avant une intervention chirurgicale ? Des études ont prouvé qu’arrêter de fumer avant une intervention programmée permettait de réduire nettement les complications postopératoires. En revanche, l’arrêt du tabac ne se fait pas deux jours avant… Il est ainsi recommandé de proposer un arrêt ou une diminution de la consommation six semaines avant. Laetitia Leclercq, pharmacienne

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La nicotine en substitution sous toutes ses formes Formes

Conseils d’utilisation

Gomme

• Mâcher la gomme une première fois • La garder contre la joue quelques minutes, puis la mâcher très lentement (si elle est mâchée trop rapidement, elle peut provoquer des hoquets, une hypersécrétion de salive, des maux de gorge ou des brûlures d’estomac)

Comprimé

• Selon la marque du comprimé, il doit être placé sous la langue pour le laisser fondre lentement ou bien être sucé • Les comprimés ne doivent pas être croqués, ni avalés

Inhaleur

• À utiliser quand l’envie de fumer se manifeste, en inhalant de petites bouffées à travers le dispositif • La fréquence et l’intensité des aspirations peuvent s’adapter selon les besoins, dans la limite de douze cartouches par jour

Spray

• Une dose délivre 1 mg de nicotine • Dans un premier temps (semaines 1 à 6), prendre 1 à 2 pulvérisations dès que l’envie de fumer apparaît ou aux moments habituels de consommation de tabac. Une deuxième pulvérisation est conseillée si l’envie persiste quelques minutes après la première. À noter que la plupart des fumeurs ont besoin d’utiliser 1 ou 2 pulvérisations toutes les 30 minutes à 1 heure • Dans un deuxième temps (semaines 7 à 9), le nombre quotidien de pulvérisations peut être réduit • Dans un troisième temps (semaines 10 à 12), le nombre quotidien de doses peut encore être diminué de manière à atteindre un nombre maximal de 4 pulvérisations par jour à la semaine 12 • Enfin, lorsque le patient n’utilise plus que 2 à 4 pulvérisations par jour, il peut cesser d’employer le spray • La dose maximale est de 2 pulvérisations par prise et de 4 pulvérisations par heure • Lors de la pulvérisation, les lèvres doivent être évitées et il est important de ne pas inhaler le produit

Patch

• La diffusion de nicotine est proportionnelle à la surface du patch et à son temps de pose sur la peau (certains diffusent sur 24 heures, d’autres sur 16 heures). Les patchs les plus petits doivent être utilisés en fin de sevrage, ou chez des patients faiblement dépendants • Dès que le patch est collé, la nicotine commence à traverser la barrière cutanée. L’effet commence à être perceptible au bout de 30 minutes environ, et se poursuit tout au long de la journée • Le patch s’applique sur une peau saine et sèche, en changeant de zone d’application tous les jours

Caractéristiques du bupropion et de la varénicline Bupropion (Zyban LP 150 mg)

• Inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline • Sur prescription, chez les patients motivés de plus de 18 ans sans pathologie cardiaque, rénale, psychiatrique, endocrine, cutanée ou neurologique, fumant plus de 15 cigarettes par jour, et chez les patients atteints de BPCO débutante ou modérée • La durée du traitement est de sept à neuf semaines • Jusqu’à J6 : posologie initiale de 150 mg par jour • À partir de J7 : 300 mg par jour en 2 prises espacées de huit heures • À savoir : il n’y a pas de bénéfice actuel connu à associer bupropion et substituts nicotiniques

Varénicline (Champix 0,5 et 1 mg)

• Molécule agissant sur les récepteurs nicotiniques • La varénicline soulage les symptômes de besoins impérieux et réduit la sensation de récompense liée au tabagisme • Sur prescription, chez les patients motivés de plus de 18 ans • Durée de traitement recommandée de douze semaines • De J1 à J3 : 0,5 mg 1 fois par jour ; de J4 à J7 : 0,5 mg 2 fois par jour ; à partir de J8 : 1 mg 2 fois par jour • Des modifications du comportement doivent faire consulter


thérapeutique

ROR, varicelle : une petite piqûre de rappel ? Alors que les incidences de la rougeole et des oreillons ont augmenté ces dernières années et que des cas mortels ont été décrits en Europe, peut-on parler de retour de maladies infantiles ? – Une phase d’invasion ou catarrhale. Elle dure de deux à quatre jours et est marquée par une fièvre pouvant atteindre les 39-40 °C, un catarrhe oculo-nasal (écoulement nasal, conjonctivite, larmoiements), une toux sèche et le signe de Köplick, très évocateur de la rougeole et qui se manifeste dès la 36e heure. Il correspond à de petites tâches blanc-bleu sur fond érythémateux au niveau de la muqueuse des joues. – Une phase éruptive. Elle survient immédiatement après. Les boutons sont bien spécifiques, il s’agit de maculopapules très érythémateuses s’effaçant à la pression et respectant des intervalles de peau saine. L’éruption se situe principalement autour de la tête, derrière les oreilles, autour de la bouche puis sur tout le visage. Elle se généralise alors à l’ensemble du corps pour s’atténuer en deux jours et disparaître en quatre à cinq jours sans laisser de cicatrices. Une fine desquamation peut alors être observée.

©© JOHN BIRDSALL – BSIP

> La rubéole, une longue incubation

L

a rougeole, la rubéole et les oreillons sont des infections universellement répandues, considérées comme bénignes et qui se déclarent par épidémies. Les complications pouvant cependant s’avérer graves, la vaccination est fortement recommandée. En France, on estime que la couverture vaccinale stagne autour des 80 % alors qu’il faudrait qu’elle soit supérieure à

158 000 C’est le nombre de décès par rougeole dans le monde en 2011, dont la majorité concerne des enfants de moins de 5 ans.

95 % pour pouvoir éradiquer ces maladies. Deux vaccins trivalents sont disponibles : Priorix et M-M-RvaxPro.

> La rougeole, une maladie en deux phases

Le virus de la rougeole se transmet par voie aérienne (gouttelettes salivaires) et sa contagiosité est forte. Après une incubation silencieuse de dix jours, la maladie évolue en deux phases et est apparente dans 90 % des cas.

Ce virus est exclusivement transmis par voie respiratoire ou transplacentaire mais sa contagiosité est plutôt faible. Cette maladie peut s’avérer très grave chez la femme enceinte (malformations fœtales dont la gravité est d’autant plus importante que la contagion a lieu tôt au cours de la gestation). La période de contagion dure en moyenne de cinq à huit jours avant le début de l’éruption cutanée et de cinq à huit jours après. La maladie se déclare après environ seize jours d’incubation et persiste durant trois à cinq jours. Elle se caractérise par une température peu élevée (inférieure en général à 38,5 °C), une éruption

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thérapeutique

cutanée discrète et des adénopathies constantes. L’éruption commence au niveau du visage pour s’étendre au reste du corps. Elle est morbilliforme le premier jour (petites lésions maculopapuleuses roses, plus claires que pour la rougeole), puis devient scarlatiniforme le deuxième jour au niveau des fesses et du visage. Dans plus de 65 % des cas cependant, elle est peu marquée, voire inapparente. Toute éruption survenant chez la femme enceinte doit néanmoins conduire à effectuer un test en laboratoire.

> Les oreillons, atteinte multiviscérale

La transmission de ce virus se fait par voie aérienne, par les sécrétions salivaires et est favorisée dans les collectivités. La maladie évolue principalement chez les enfants prépubères (85 % des cas sont âgés entre 5 et 10 ans) et semble plus fréquente chez les garçons que chez les filles. La contagiosité dure quinze jours environ mais est maximale durant la première semaine qui précède les signes cliniques. Une immunité vis-à-vis de l’agent pathogène s’installe rapidement, ce qui explique que les rechutes restent exceptionnelles. L’atteinte est multiviscérale car le virus, après s’être multiplié dans les voies respiratoires, se dissémine ensuite par voie sanguine. Les formes asymptomatiques sont fréquentes (20 à 40 % des cas) mais la manifestation des formes apparentes varie des signes méningés au syndrome pseudo-grippal qui traduit l’atteinte multiviscérale. Bien que tous les tissus glandulaires soient susceptibles d’être infectés, la complication la plus redoutée est l’orchite (20 à 30 % des cas), qui se traduit par un testicule très gros et très douloureux. La guérison se fait en trois à sept jours progressivement et spontanément en dehors d’éventuels traitements antalgiques.

2 questions à…

Bernard Dobrowolski, pédiatre à Paris

« Une couverture vaccinale insuffisante » Peut-on parler d’un retour de la rougeole, des oreillons ou de la rubéole ces dernières années ? En 2013, on a beaucoup parlé du retour des oreillons, dont plus de 13 000 cas ont été recensés selon la Haute autorité de santé, soit 10 000 de plus qu’en 2012. Par ailleurs, en 2011, c’est une vague de rougeole qui avait atteint la France. Si on ne compte pas moins de 23 000 cas depuis le 1er janvier 2008, ce sont 15 000 cas qui ont été recensés pour la seule année 2011. De plus, 10 décès ont pu être déplorés entre 2008 et 2011. L’Organisation mondiale de la santé recommande depuis une vigilance particulièrement accrue pour ces maladies.

Comment expliquer cette réapparition ? Les nourrissons et les adultes de moins de 30 ans seraient les plus exposés. En cause : une couverture vaccinale inexistante ou insuffisante. Rappelons que le vaccin est le ROR (rougeole-oreillonsrubéole), qu’il n’est pas obligatoire mais fortement conseillé car ces maladies sont très contagieuses. On estime par exemple qu’une personne atteinte de rougeole serait capable d’infecter entre quinze et vingt personnes. Le vaccin est administré en deux temps : une première dose à l’âge de 12 mois chez les nourrissons, puis une deuxième, en rattrapage à l’âge de 16 à 18 mois. Deux doses sont également préconisées en rattrapage pour tous les enfants et les jeunes adultes nés depuis 1980.

> La varicelle, des lésions aux vésicules

Transmissible essentiellement par voie respiratoire, par l’intermédiaire des gouttelettes et des sécrétions, ce virus présente une incubation qui dure en moyenne quatorze jours. L’éruption est précédée (en général de 24 à 48 heures avant) de céphalées, de douleurs abdominales et de fièvre. L’exanthème débute habituellement dans le cuir chevelu, sur le visage ou sur le tronc. Les lésions cutanées sont constituées de macules érythémateuses qui se transforment en quelques heures en vésicules à contenu clair entourées d’un érythème à contour irrégulier. Elles s’accompagnent d’un prurit intense et d’une fièvre modérée, dépassant rarement 38,5 °C. En 24 à 48 heures, le contenu des vésicules devient dense et des croûtes commencent à se former. La phase évolutive de la maladie, pendant laquelle de nouvelles lésions apparaissent, s’étale habituellement sur un à sept jours. Les complications

71 C’est, en pourcentage, la baisse du nombre de décès par rougeole dans le monde entre 2000 et 2011 grâce à la vaccination.

Bien différencier rattrapage et rappel Le rappel vaccinal correspond à la réintroduction de l’antigène après un certain délai car tous les anticorps fabriqués lors de la première injection ont été éliminés. C’est le cas par exemple du DTP, dont les rappels se font tous les dix ans pour maintenir l’immunité. Le rattrapage vaccinal correspond lui aussi à la réintroduction de l’antigène mais pour d’autres

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raisons car, dans ce cas, l’immunité acquise après la première injection est de longue durée. Il est préconisé lorsque, lors d’une première injection, toute la population n’a pas séroconverti pour un ou plusieurs antigènes. C’est le cas du ROR, pour lequel on estime que 10 à 15 % de la population ne réagirait pas à la première injection. Le rattrapage du ROR permet donc de diminuer ce taux.

sont principalement des surinfections bactériennes, souvent bénignes, mais des atteintes neurologiques et des pneumopathies peuvent survenir, ce qui explique pourquoi le vaccin contre la varicelle (Varilrix et Varivax) est disponible en France.

> La roséole, une maladie très commune

Elle est observée chez les nourrissons de façon quasi systématique entre 6 mois et 2 ans. En effet, à 3 ans, 95 % des enfants auraient acquis une immunité vis-à-vis de la roséole. L’agent responsable est un herpèsvirus humain de type 6 ou 7 : HHV-6 ou HHV7. Il se transmet par voie aérienne par les sécrétions pharyngées ou nasales. Bien que la roséole confère une immunité définitive, le nourrisson peut être atteint deux fois dans sa jeune vie car chaque virus (HHV-6 et HHV-7) ne confère d’immunité que pour son compte. La roséole est caractérisée par une fièvre élevée qui dure de trois à quatre jours mais qui est non concomitante à l’éruption cutanée. L’éruption, discrète et fugace, se manifeste, en effet, dans un second temps au niveau du tronc et signe l’arrêt de la contagiosité du nourrisson. Elle disparaît sans séquelles en 48 heures. Le traitement consiste à enrayer la fièvre et à s’assurer d’une hydratation suffisante. Cette maladie est plutôt bénigne en dehors du risque de convulsions hyperthermiques. Marie Simonot, pharmacienne


Le cas

Ordonnances commentées La petite Margaux, 15 mois, est emmenée chez le pédiatre par son père car elle est grognon et se plaint d’une éruption cutanée qui la démange et l’empêche de dormir. Par ailleurs, son père a constaté que depuis 48 heures sa fille avait 38 °C de température et perdu son appétit. À l’examen, la pédiatre observe de petites macules rosées, se transformant en vésicules très prurigineuses et notamment présentes au niveau du tronc et du visage. Le diagnostic de varicelle est posé et l’ordonnance suivante est rédigée.

Dr Eva Rissel 55 rue Carnot un 36100 Issoud

Margaux V., 15

Le 10 janvier

2014

mois, 10 kg

rop es – Doliprane si utes les 4 heur n du poids, to tio nc fo en ur se jo r 1 do ises pa dépasser 4 pr si besoin sans sirop ur – Polaramine à 3 fois par jo e de 2,5 ml, 2 ur es m eèr ill 1 cu chlorhexidine ton imbibé de – Passer un co ons ur sur les bout une fois par jo re au choix ologique neut – Pain dermat e pour la toilett

Une bonne semaine plus tard, le père de Margaux se décide à consulter à nouveau. En effet, s’il a noté une petite fébricule latente chez sa fille, il trouve aussi que ses boutons ne cicatrisent pas bien et se sont étendus. Le père est perdu, dit qu’il a bien appliqué la chlorhexidine tous les jours, qu’il n’a pas utilisé de produits agressifs pour la douche de l’enfant et qu’il a même employé du talc pour assécher les boutons plus rapidement. Après examen de l’enfant, le pédiatre constate en effet une surinfection cutanée et prescrit une nouvelle ordonnance.

Dr Eva R is 55 rue C sel arnot 36100 Is soudun

Margau

x V., 15 m

ois, 10 k g

Le 21 ja

nvier 20

14

– Augme ntin siro p nourris 1 dose e sons n fonctio n du poids – Cicalfa , 3 fois p te crèm ar jour e 1 appli 3 fois pa c a ti r jour on sur le s bouton – Pours s, uivre la d é s infection ainsi qu e les do avec la c uches à hlorhexid base de ine, savon ne utre

Commentaires

Commentaires

– Doliprane sirop (paracétamol) est un analgésique et un antipyrétique à utiliser en première intention en cas de varicelle chez les nourrissons et les enfants. En effet, l’aspirine est contre-indiquée dans toutes les viroses chez l’enfant de moins de 16 ans du fait du risque de syndrome de Reye (encéphalopathies et atteinte hépatique sévère) et les AINS sont, eux, fortement déconseillés en raison d’une majoration du risque de surinfection cutanée. On conseillera par ailleurs aux parents d’être vigilants sur l’hydratation de Margaux et de la faire boire en petites quantités mais fréquemment au cours de la journée. – Polaramine sirop (dexchlorphéniramine) est un antihistaminique H1 sédatif sans effets cholinergiques. Il est indiqué ici en traitement symptomatique adjuvant de la dermatose prurigineuse. Les effets centraux comme la somnolence diurne ont pu être ici particulièrement recherchés par le médecin pour que l’enfant récupère. Du fait de son effet atropinique, on préviendra le père de la quantité notable de saccharose contenue dans le sirop.

– Augmentin sirop (amoxicilline/acide clavulanique) est un antibiotique de la famille de la pénicilline utilisé dans le traitement de diverses maladies infectieuses de par son spectre d’action très large et qui est indiqué ici pour enrayer la surinfection bactérienne, probablement due à Staphylococcus aureus ou à Streptococcus pyogenes. Si la plupart des surinfections bactériennes sont bénignes, il faut rester vigilant car elles peuvent se compliquer. Ce que ne savait pas le papa – qui pensait bien faire –, c’est que le talc ainsi que tout autre produit administré sous forme de poudre favorise les surinfections de par l’accumulation sur la peau de débris souvent infectés. On profitera de la dispensation pour rappeler des règles d’hygiène simples : pendant la durée de la varicelle, les douches seront préférées aux bains à raison d’une à deux par jour, tièdes si possible, et toujours avec un savon dermatologique, neutre, hypoallergénique, sans parfum et sans alcool. – Cicalfate crème (Avène) est préconisée pour éviter la formation de croûtes car elle est cicatrisante et antibactérienne. On peut citer aussi Cicaplast (La Roche-Posay) ou Dermalibour (A-Derma). – La désinfection de la peau se fait une fois par jour, la chlorhexidine étant la plus adaptée. Elle pourra aussi être utilisée sous forme de savon, de lotion ou de crème. Enfin, pour éviter les lésions de grattage, on pourra conseiller au papa de couper court les ongles de sa fille ou éventuellement de lui faire porter des gants le temps que les boutons cicatrisent…

FéVRIER 2014 • Pharma N°109 • 43


doc+

Calendrier vaccinal simplifié, population générale

Naissance

2 mois

4 mois

11 mois

12 mois

16-18 mois

6 ans

11-13 ans

14 ans

25 ans

45 ans

65 ans et plus

BCG Diphtérietétanospoliomyélite

Tous les 10 ans

Coqueluche

Haemophilus influenza B Hépatite B Pneumocoque Méningocoque C Rougeoleoreillonsrubéole Papillomavirus humain Grippe

BCG

Dès la naissance et jusqu’à l’âge de 15 ans pour les enfants exposés à un risque élevé.

Coqueluche

Rappel protégeant les nourrissons de moins de 3 mois que l’on ne peut pas encore vacciner.

Hépatite B

Peut être effectué juqu’à 15 ans inclus. à partir de 16 ans, recommandé uniquement chez personnes exposées au risque d’hépatite B.

Méningocoque C

Rattrapage jusqu’à l’âge de 24 ans inclus.

Tous les ans

Rougeole-oreillonsrubéole

Ce qui a changé

Pour les personnes nées à partir de 1980 : être à jour signifie avoir reçu deux doses de vaccin.

• Une injection en moins dans le schéma de primovaccination des nourrissons pour dTCPHiB

Papillomavirus humain

• Un rappel de coqueluche ajouté à l’âge de 6 ans

Rattrapage jusqu’à 19 ans révolus.

Grippe

Recommandé chaque année pour les personnes à risque, y compris les enfants à partir de 6 mois, les femmes enceintes.

• âge de début de vaccination pour HPV avancé à 11 ans • Un rappel dTP supprimé chez les ados • Deux rappels dTP en moins pour les adultes et rendez-vous vaccinaux fixés à des âges fixes : 25, 45, 65 puis tous les dix ans

Cette fiche équipe vous est offerte par la revue pharma • à afficher dans le back-office

âge approprié


véto

Puces, vers et antiparasitaires… Un traitement régulier contre les vers et les puces est primordial pour la santé des animaux domestiques, mais également pour prévenir la survenue de zoonoses.

Les principaux vers ronds, aussi appelés nématodes, sont au nombre de trois. • Ascaris. Presque tous les chiots et chatons sont concernés. L’infestation des adultes est moins répandue, mais les femelles peuvent héberger des larves qui restent à l’état quiescent plusieurs années et peuvent se réactiver lors des chaleurs ou d’une mise bas. Le chiot peut ainsi être contaminé in utero par des larves réactivées, mais aussi ensuite par le lait maternel ou par l’ingestion de larves éliminées dans les selles. Le chaton ne peut être infesté que lors de la tétée. Les ascaris représentent la première cause de malnutrition, de rachitisme et de mortalité chez les jeunes animaux. Les symptômes caractéristiques peuvent être une alternance diarrhée/constipation, un prurit anal, un appétit capricieux et des vomissements en cas de forte infestation. Une migration larvaire peut également engendrer des épisodes de toux. • Trichures. Ils n’infestent que les chiens et sont fréquents dans les collectivités (chenils, refuges, élevages). Les troubles digestifs sont discrets, et la contamination reste bénigne. • Ankylostomes. Les infestations sont ici plus rares (environ 5 % des chiens adultes et 3 % des chats adultes). Les symptômes, en général très sévères, se caractérisent par des manifestations respiratoires ou cutanées, un amaigrissement et des épisodes diarrhéiques plus ou moins hémorragiques. Les principaux vers plats, ou cestodes, sont les Dipylidium, les Taenia et les Echinococcus. Ils s’identifient par leur aspect d’anneaux ou de « grains de riz plats » collés autour de l’anus de l’animal et excrétés dans l’environnement. Le cycle de ces parasites fait intervenir deux hôtes : l’hôte définitif hébergeant le ver adulte, c’est-à-dire le chien ou le

©© D.R.

Les parasites du tube digestif du chien et du chat

chat, et l’hôte intermédiaire accueillant la larve (puces, rongeurs…). Dipylidium Zoonose caninum est le ver plat le plus fréquent, Les enfants sont notamment chez les chats adultes. Chez particulièrement le chien, ce cestode peut mesurer jusqu’à 80 cm. Ce ver apparaît lors d’infestation exposés à la toxocarose, qui par les puces. Les larves de puce sont en effet contaminées par des œufs de Dipycorrespond à lidium. Et par la suite, l’animal se contala présence mine en ingérant la puce adulte par tissulaire de léchage. Seuls les animaux fortement larves d’ascaris, parasités peuvent présenter un amaiet peuvent grissement, une modification de l’appécauser des tit et parfois des selles molles. À savoir, la symptômes présence d’anneaux dans les selles n’est pas toujours visible. divers.

Quels risques pour l’homme ?

Les enfants sont particulièrement exposés à la toxocarose, qui correspond à la présence tissulaire de larves d’ascaris. L’évolution des larves en adultes ne pouvant se faire que chez le chien ou le chat, les larves restent « en attente » chez l’humain et peuvent causer des symptômes divers. La contamination se fait lors d’ingestion des œufs à partir du sol, par des mains sales ou des végétaux souillés. Il existe alors un risque de troubles digestifs, hépatiques, respiratoires ou cutanés, dont la guérison est généralement spontanée.

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véto

Les puces, des parasites nuisibles et omniprésents

Les principaux vers ronds chez le chien et le chat Nématode

Espèces

Aspect

Ascaris

• Toxocara canis et Toxascaris leonina chez le chien • Toxocara cati chez le chat

• Vers cylindriques de couleur blanchâtre, de 5 à 20 cm de long • Localisés dans l’intestin grêle de l’animal et se nourrissant du contenu digestif • Retrouvés dans les selles ou les vomissements sous l’aspect de « spaghettis »

Trichures

• Trichuris vulpis chez le chien

• Vers ronds de couleur blanc-rougeâtre, en forme de virgule, mesurant environ 6 cm de long • Localisés dans la muqueuse du gros intestin et se nourrissant du sang et des tissus de l’hôte

Ankylostomes

• Ancylostoma caninum, Uncinaria

• Petits vers de 1 cm • Transmission par ingestion de larves ou par voie percutanée, cycle complexe

• La femelle gestante ou allaitante devra être vermifugée environ quinze jours avant et après la mise bas, puis en même temps que les chiots ou chatons jusqu’au sevrage. • Le jeune animal, âgé de quinze jours à deux mois, doit être vermifugé tous les quinze jours. Puis jusqu’à l’âge de 6 mois, une vermifugation mensuelle est de règle. • Par ailleurs, il est important de vermifuger l’animal quelques jours avant toute vaccination. L’efficacité d’un vaccin est en effet altérée en présence de vers intestinaux, qui perturbent le système immunitaire. • Le spectre anthelminthique peut varier selon la dose du vermifuge et la durée du traitement. Attention, certains sont uniquement actifs sur les vers ronds, et nécessitent plusieurs jours de traitement. • Tous les animaux vivant sous le même toit doivent être vermifugés simultanément. • Il est judicieux d’alterner les anthelminthiques pour une action optimale. Les vermifuges polyvalents associant plusieurs principes actifs permettent d’élargir le spectre sur tous les parasites et leurs larves.

En zones tropicales, la transmission d’ankylostomes à l’homme est possible sous forme de larva migrans sous-cutanée. En revanche, pas de risque de transmission de trichures pour l’homme. Attention aux infestations à Dipylidium pouvant causer des douleurs abdominales, une diarrhée et un prurit anal. La transmission d’un Dipylidium peut se faire par l’ingestion accidentelle d’une puce infestée, lors de contact proche avec l’animal par exemple. Enfin, l’ingestion d’œufs d’échinocoque par l’homme peut avoir de graves conséquences (échinococcose hydatique ou alvéolaire).

La vermifugation

• Tous les chiens et chats, même ceux vivant en appartement, peuvent être contaminés par une ou plusieurs variétés de vers. La vermifugation doit être effectuée à intervalles réguliers, les vermifuges n’ayant pas une action rémanente. L’animal adulte, c’est-àdire à partir de 6 mois, devra être vermifugé au minimum deux fois par an. S’il est en contact avec le milieu extérieur, il est conseillé de le vermifuger au minimum quatre fois par an. Les principaux vers plats et leurs hôtes Cestodes

Hôte définitif

Hôte intermédiaire

Modes de contamination

Dipylidium caninum

Chiens, chats, hommes

Puces, poux

Léchage et ingestion des parasites

Taenia pisiformis

Chiens

Lapins, lièvres

Chasse et ingestion de l’animal contaminé

Taenia taeniaeformis

Chats

Rongeurs

Chasse et ingestion du rongeur

Taenia ovis

Chiens

Ovins

Régions d’élevage

Echinococcus granulosus

Chiens

Herbivores, hommes

Régions d’élevage

La vermifugation de tous les chiens et chats exposés à une infestation par les puces est essentielle.

46 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014

Ctenocephalides felis est l’espèce la plus fréquemment rencontrée chez le chien et le chat. Les puces adultes, qui vivent en moyenne un mois, se nourrissent de sang, s’accouplent, puis pondent des œufs dans l’environnement. En quelques jours, les œufs passent au stade de larves, puis de nymphes entourées d’un cocon. L’éclosion des nymphes est déclenchée par des stimuli (température supérieure à 20 °C, vibrations au sol…). À noter que ces nymphes peuvent survivre jusqu’à six mois dans l’environnement. Lors d’une infestation, l’animal se gratte souvent intensément (présence éventuelle de papules prurigineuses au niveau dorso-lombaire et sur la face interne des cuisses). Après une première sensibilisation, une dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP) peut engendrer une chute de poils. Les puces se trouvent essentiellement dans l’environnement. Elles sont plus rarement visibles sur l’animal, qui peut être brossé sur un linge blanc pour identifier des particules noirâtres, les excréments des puces. Pour les éradiquer, il est essentiel de traiter tous les animaux de la maison et l’habitat, d’autant qu’en cas de forte infestation, la puce peut piquer l’homme. En premier lieu, il convient de déparasiter l’animal par un insecticide d’action rapide, avec notamment un shampoing antiparasitaire ou un produit d’action systémique en comprimés. Il faut traiter l’habitat de façon concomitante à l’aide d’un fogger et d’un spray pour une action locale sur les objets. Puis, un traitement d’entretien préventif par spot-on permet de protéger l’animal pendant environ quatre semaines. Il est important de ne pas baigner l’animal dans les 48 heures qui suivent l’application de la pipette. – Antiparasitaires externes de courte durée d’action : tétraméthrine, nitenpyram, bioalléthrine… – Antiparasitaires externes de durée d’action moyenne à longue : géraniol, perméthrine, pyriproxyfène, lufénuron, fipronil, imidaclopride… Laetitia Leclercq, pharmacienne En page suivante, récapitulatif des principaux vermifuges vendus en officine.


Ordonnance obligatoire

Principes actifs

Spectre d’activité

Mode d’administration

En général, il est conseillé de donner le vermifuge le matin, à jeun ou avec une ration alimentaire réduite. La survenue de vomissements ou d’épisodes diarrhéiques quelques heures après la prise n’est pas rare.

Action sur les vers ronds Félivers comprimé appétent Pour chat

Oui

Flubendazole

– Actif sur les ascarides et les ankylostomes – Mort et expulsion des parasites

– En prise unique, 1 cp pour 4 kg de poids, pendant 2 jours consécutifs – Aromatisé

Opovermifuge P sirop Pour chien et chat

Non

Pipérazine

– Actif sur les ascaris – Paralysie réversible des nématodes, entraînant leur décrochement de la paroi digestive et leur élimination

– 4 à 5 mL de solution par kg, 2 fois de suite à 12 ou 24h d’intervalle – À renouveler 3 à 4 semaines après chez chiot et chaton

Plurivers sirop Pour chien et chat

Non

Pipérazine

– Actif sur les ascaris – Paralysie réversible des nématodes, entraînant leur décrochement de la paroi digestive et leur élimination

– 7 mL de solution par kg, 2 fois à 24h d’intervalle – À renouveler chez les chiots et les chatons 3 semaines après

Action sur les vers ronds et plats Ascatène comprimé appétent Pour chien et chat

Non

Niclosamide Pyrantel

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– En prise unique, 1 cp pour 4 kg de poids – Arôme viande

Dolpac comprimé Pour chien

Selon dosage

Oxantel Pyrantel Praziquantel

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– De préférence à jeun, en une prise (nombre de cp en fonction du poids) – Arôme lard

Dolthene suspension buvable Pour chien

Non

Oxfendazole

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

Selon le poids du chien, pendant 3 jours consécutifs

Drontal comprimé Pour chat

Selon dosage

Pyrantel Praziquantel + Fébantel (chien)

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– 1 cp pour 4 kg de poids, en une prise unique, chez le chat – 1 cp pour 10 kg de poids, en une prise, chez le chien (arôme bœuf) – Pour la pâte, 1 graduation pour 5 kg de poids, en une prise, chez le chien

Gelminthe pâte Pour chien et chat

Non

Niclosamide Lévamisole

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– Administrer en une fois directement sur la langue, de préférence avant un repas, ou dans la nourriture – 1 graduation pour 2 kg de poids (injecteur de 10 mL) – 1 graduation pour 5 kg de poids (injecteur de 25 mL)

Lopatol comprimé Pour chien

Non

Nitroscanate

– Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats – Atteinte des vers, dans l’intestin grêle, aux stades adulte et larvaire

Nombre de comprimés selon le poids de l’animal et le dosage de la spécialité, en une prise, de préférence le matin

Milbemax comprimé Pour chien et chat

Selon dosage

Milbémycine Praziquantel

– Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats – Paralysie flasque puis mort du parasite

– En une prise, pendant ou après le repas, en fonction du poids de l’animal – Arôme artificiel bœuf pour les comprimés destinés aux chats

Profender comprimé appétent Pour chien Profender solution cutanée Pour chat

Selon dosage

Émodepside Praziquantel

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– En une prise, à jeun, selon le poids du chien – Arôme artificiel bœuf – Une seule application en haut du cou, selon le poids du chat

Scanil comprimé Pour chien

Non

Nitroscanate

– Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats – Atteinte des vers, dans l’intestin grêle, aux stades adulte et larvaire

Nombre de comprimés selon le poids de l’animal, en une prise, de préférence le matin

Strantel comprimé appétent Pour chien

Selon dosage

Fébantel Pyrantel Praziquantel

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– 1 cp en une administration pour 10 kg de poids – Arôme artificiel de porc

Telkan comprimé Pour chien et chat

Non

Mébendazole

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– Nombre de comprimés selon le poids de l’animal – Traitement complet en 5 jours

Veloxa comprimé appétent Pour chien

Selon dosage

Fébantel Pyrantel Praziquantel

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– En une prise, 1 cp pour 10 kg de poids (Veloxa) ou 1 cp pour 35 kg (Veloxa XL) – Revêtement aromatisé

Vermifuge Clément chats Pour chat

Non

Niclosamide Lévamisole

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

En une prise unique, 1 cp pour 3,5 kg de poids

Vitaminthe gel oral Pour chien et chat

Non

Niclosamide Oxibendazole

Vermifuge polyvalent, actif sur les vers ronds et plats

– En une administration, selon le poids de l’animal, sur la langue ou dans la nourriture FéVRIER 2014 • Pharma N°109 • 47 – Arôme anchois

Drontal P comprimé appétent, pâte Pour chien

Les principaux vermifuges commercialisés à l’officine

Spécialités


nouveaux produits

>> Zoom sur…

L’info des génériques

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˕˕Actavis Telmisartan hydrochlorothiazide 40 mg/12,5 mg Boîtes de 30 et 90 comprimés Telmisartan hydrochlorothiazide 80 mg/12,5 mg Boîtes de 30 et 90 comprimés

Picato

• Mébutate d’ingénol • Chimiothérapie pour usage dermatologique • Gel à 150 µg/g (boîte de 3 tubes) et 500 µg/g (boîte de 2 tubes) • Liste I, remboursable à 30 %, 78,56 € • Conservation au réfrigérateur entre + 2 et 8 °C • Laboratoire Leo Pharma

Traitement cutané des kératoses actiniques La kératose actinique (KA) est une affection

cuir chevelu, un tube de 150 µg/g doit être

dermatologique liée principalement à l’exposition

appliqué une fois par jour pendant trois

aux UV (lésion précancéreuse). Son traitement

jours consécutifs. Dans les KA du tronc et des

de référence est la cryothérapie. Picato

extrémités, il faut utiliser un tube de 500 µg/g une

représente un traitement de seconde intention,

fois par jour durant deux jours consécutifs.

réservé aux kératoses actiniques cliniquement

Le contenu d’un tube, à usage unique, couvre une

typiques, discrètes, non hypertrophiques, non

zone à traiter de 25 cm2. Le contenu doit être étalé

hyperkératosiques, multiples et rapprochées, chez

de façon uniforme, avant de sécher 15 minutes.

l’adulte. Le mécanisme d’action n’apparaît pas

Les effets indésirables les plus fréquemment

complètement élucidé mais s’appuie sur l’induction

rapportés sont des réponses cutanées locales

d’une mort cellulaire localisée au niveau de la lésion

telles qu’érythème, écaillement ou desquamation,

et une stimulation d’une réponse inflammatoire

croûtes, gonflements, vésicules ou pustules,

caractérisée par une infiltration de cellules

érosions ou ulcérations (plus de 95 % des patients

immunocompétentes.

ont présenté une ou plusieurs réponses cutanées

Dans les kératoses actiniques du visage et du

locales après application).

Telmisartan hydrochlorothiazide 80 mg/25 mg Boîtes de 30 et 90 comprimés Princeps : MicardisPlus ˕˕Biogaran Loratadine conseil 10 mg Boîte de 7 comprimés Princeps : Clarityne ˕˕KRKA Oprymea Gé, pramipexole 0,26 , 0,52 , 1,05 et 2,1 mg Boîtes de 30 comprimés à libération prolongée Princeps : Sifrol LP ˕˕Mylan Capécitabine 150 et 500 mg Boîtes de 60 comprimés pelliculés Capécitabine 500 mg Boîtes de 120 comprimés pelliculés Princeps : Xeloda Ramipril/ hydrocholothiazide 5 mg/12,5 mg Boîte de 30 comprimés Princeps : Cotriatec

en bref…

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Miffee (mifépristone, laboratoire Linepharma), nouvelle spécialité dans l’interruption médicale de grossesse jusqu’au 63e jour d’aménorrhée – Rappel de tous les lots d’Hydergine non périmés, en raison de la suspension d’AMM – Nouveau set Mediset pansements plaies chroniques – Zeneo (Crossject), nouveau dispositif d’auto-injection sans aiguille au design adapté pour les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde – Nouveau parfum « fraîcheur » pour les gels hydro-alcooliques Baccide – Spray anti-adhésif stérile de Cooper, facile à utiliser pour retirer les pansements et résidus de colle – Roller de massage Aromalgic aux huiles essentielles de Pranarôm.

48 • Pharma N°109 • FéVRIER 2014


Zeocal

Oligobs Procréa.M

Ni pompette ni boulotte

Spermatozoïdes vitaminés

Ce dispositif médical à base de zéolite propose de réduire l’apport calorique de l’alcool, en piégeant les molécules d’éthanol dans le système digestif jusqu’à leur élimination par les voies naturelles. Une étude clinique a montré la réduction de la concentration plasmatique d’alcool lorsque Zeocal est avalé avant une prise d’alcool modérée. Visant « les personnes adultes conscientes des effets de l’alcool sur leur organisme », Zeocal agit dans les trois heures suivant son ingestion.

Cette formule a été spécifiquement pensée pour « favoriser un environnement optimal propice à la production et à la vitalité des spermatozoïdes ». Zinc, sélénium, vitamines C et E y sont associés pour procurer le carburant nécessaire aux gamètes mâles, par le biais d’un apport en antioxydants et co-facteurs enzymatiques. Il s’agit donc d’un complément alimentaire à conseiller aux hommes, dès le désir de conception, à raison de 1 sachet le matin au cours du repas et 1 capsule le soir.

Boîte de deux sachets de 20 g de suspension buvable Prix conseillé : 8,90 € Mineralpharma

Citroganix Nûby se lance dans le soin baby Bien implanté dans la puériculture, Nûby investit un nouveau créneau. La gamme (douze références) mise sur des ingrédients naturels et un actif breveté associant biflavonoïdes et acide lactique d’origine naturelle. Efficace contre les germes et rémanent durant quatre heures, cet actif promet une action préventive et curative pour la peau de bébé ainsi que l’environnement.

Crème pour le change, lingettes, poudres, baume allaitement, mousse lavante, gel gingival, spray antibactérien pour surfaces et jouets… De 4,50 € à 7,20 € Nuby

Boîtes de 30 sachets et 30 capsules PPC : 29 € CCD

Humer nez très bouché, sinusite, rhume Glycérol power

Déboucher le nez efficacement sans vasoconstricteur ? C’est possible avec cette spécialité contenant une solution hypertonique de glycérol, trois fois plus hypertonique que l’eau de mer classique. En déclenchant un écoulement nasal, elle décongestionne, débouche le nez et soulage la pression au niveau des sinus. Les extraits de myrtille, thé vert, sureau et canneberge apportent les vertus antivirales et antiseptiques de leurs tannins. Jusqu’à 3 pulvérisations par narine deux à trois fois par jour.

Spray 15 ml PPC : 11,50 € Humer

Miel de manuka bébé

Celludestock sérum flash

Quand le miel s’en mêle

Le tube de l’été

Fabriqués en France et formulés avec des actifs naturels, les produits de cette gamme revendiquent les vertus cicatrisantes, antibactériennes et protectrices du miel de manuka IAA. L’indice IAA est attribué aux miels de qualité thérapeutique ayant fait la preuve d’une activité antibactérienne spécifique. Trois produits certifiés bio (Ecocert) sont proposés.

La formule table sur l’effet repulpant de l’acide hyaluronique associé à la glycérine et sur l’acide salicylique qui lisse les capitons. Pour l’action minceur en profondeur, c’est la classique caféine qui est employée, mais à une teneur très élevée (6 %). Et parce que les consommatrices souhaitent un effet visible immédiat, la formule est enrichie de nacres réflectrices de lumière pour un effet « optique » instantané de lissage des capitons. À accompagner du massage en trois gestuelles.

Crème ultra réparatrice, 40 ml, PVC : 10,50 € Crème de change, 75 ml, PVC : 9,90 € Lait hydratant, 200 ml, PVC : 11,40 € Comptoirs & compagnies

Sérum 14 jours anti-capitons Tube de 125 ml Vichy

FéVRIER 2014 • Pharma N°109 • 49


Âgée de 25 ans, Camille Marsolier a écrit une thèse sur l’implication du pharmacien dans les urgences sanitaires. Un travail récompensé par l’Ordre.

C’

est au cours de mes études de pharmacie que j’ai rejoint la CroixRouge. D’abord secouriste, je suis devenue chargée des postes de secours avant d’être nommée directrice adjointe à l’urgence pour l’Ille-et-Vilaine. Une fonction que je viens de quitter car il m’était devenu impossible de mener de front vie professionnelle et bénévolat. Cette expérience a toutefois été un véritable déclic pour ma thèse. L’autre déclic a eu lieu lors de mon stage officinal, où je me suis aperçue à quel point les pharmaciens n’étaient pas assez impliqués dans les urgences sanitaires. J’ai donc décidé de mener une enquête auprès des officinaux du département pour évaluer leurs connaissances à ce sujet. Les résultats ont confirmé ce que je pensais, à savoir un manque d’information. L’étude révèle ainsi que 89 % des pharmaciens interrogés souhaitent être formés dans ce domaine. Que ce soit dans un plan canicule, un plan froid ou un plan iode, l’officinal ne sait pas toujours où est sa place. J’ai eu la chance de rencontrer un pharmacien du CHU de Toulouse qui a vécu l’explosion de l’usine AZF. Il m’a confirmé que le pharmacien n’était pas du tout impliqué dans les urgences sanitaires et qu’il ne savait pas vers qui se tourner. Prenons par exemple l’approvisionnement en comprimés d’iodure de potassium en cas d’accident nucléaire, rares sont les pharmaciens qui connaissent les différentes filières d’approvisionnement. Il y a une véritable déperdition de l’information. L’Agence régionale de santé (ARS) ne communique sans doute pas assez sur le rôle des différents professionnels de santé lors de graves crises sanitaires. Mais elle n’est pas la seule responsable. Le pharmacien a, lui, tendance à préférer se concentrer sur la gestion de son officine, ce qui est compréhensible dans le contexte économique actuel. Pourtant, face à un événement sanitaire de grande ampleur, il est le premier professionnel de santé accessible à la population. C’est pour cela que j’ai inscrit dans ma thèse une proposition de formation à leur encontre. Définition des risques majeurs, rôle dans le circuit d’approvisionnement et de dispensation des médicaments lors d’un plan sanitaire d’urgence, rôle dans l’orientation du patient et coordination avec les opérateurs de l’urgence médicale (Samu, pompiers…), cette formation abordera des thématiques en lien

50 • Pharma N°109 • février 2014

©© D.R.

le jour où…

« … j’ai reçu le prix de l’Ordre »

avec la gestion d’une situation d’urgence sanitaire. Si j’ai insisté sur une formation théorique, je souhaiterais également mettre en œuvre, dans un futur proche, des mises en situation réelles avec plusieurs acteurs de la chaîne de secours. Le jury de l’Ordre a, semble-t-il, été particulièrement sensible au fait que ce travail débouche sur la création d’une formation pour les pharmaciens. Ce projet a par ailleurs obtenu le soutien de l’Eprus et sera lancé prochainement au sein de l’université de Rennes. Quant au prix de l’Ordre, c’est un immense honneur qui m’encourage à aller encore plus loin. Je me suis cantonnée à l’implication du pharmacien dans les urgences sanitaires, mais il est évident que d’autres professionnels de santé ont un rôle à jouer. Je pense notamment aux médecins, aux infirmiers et aux aides-soignants. Si la coordination des soins s’impose naturellement lors d’une crise, elle peut également être menée en amont. Lors d’une pandémie grippale, des groupes de travail réunissant médecins, pharmaciens et infirmiers pourraient être utiles pour dresser des plans d’action et des circuits d’urgence sanitaire. Le champ d’exploration de ma thèse est donc encore vaste ! »



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