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Congrès de la Société Française d’Ophtalmologie

DOSSIER

2 Strabisme Une journée consacrée à la chirurgie Dr Pierre Lebranchu*

Introduction La journée du 13 mai 2013 de l’AFSOP était consacrée à la chirurgie du strabisme. Lors de son accueil, Madame le Pr Danièle Denis, présidente de l’AFSOP, a souligné l’importance particulière que tient la strabologie en France cette année, avec la remise du rapport annuel de la Société Française d’Ophtalmologie, mais également la tenue en septembre 2013, à Marseille, du congrès annuel de l’European Strabismological Association. Un symposium AFSOP-ESA sera organisé à cette occasion. Elle a remercié le Pr Rosario Gomez de Llano, présidente de l’ESA, pour avoir accepté de participer à cette journée consacrée à la prise en charge chirurgicale des strabismes.

Les communications libres

La journée a commencé par quatre communications libres.

Signe de l’anesthésie générale dans les strabismes divergents et convergents

Les deux premières études ont été présentées par les Dr Turpin et Zamora, de l’équipe du CHU de Nantes. Elles portaient sur l’étude du signe de l’anesthésie générale dans les strabismes divergents et convergents. La mesure de la déviation angulaire à l’état de veille était réalisée par la barre de prisme *CHU de Nantes

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mais également par l’analyse photographique des reflets cornéens. Les mesures de déviation préopératoires étaient comparées à la mesure réalisée sous anesthésie générale curarisée par la méthode photographique. Dans le cas des strabismes divergents, l’angle sous anesthésie générale était significativement moins important que l’angle mesuré à la barre de prisme, mais équivalent à l’angle de veille mesuré par la méthode photographique. La discussion a porté sur les possibles biais de confusion et la nécessité de reprendre ce travail en distinguant exophorie et exotropie. Pour les strabismes convergents, les angles mesurés à l’état de veille étaient équivalents quelle que soit la méthode de mesure. L’angle sous anesthésie générale diminuait en moyenne de plus de 50 %. La discussion a porté sur la nécessité d’intégrer les différents angles du strabisme pour adapter son protocole chirurgical. L’utilisation systématique des curares a été débattue, l’AFSOP réfléchissant actuellement à proposer une série de recommandations sur ce thème.

Corrélation radioclinique dans les troubles dysthyroïdiens

La 3e communication, présentée par le Dr Bok-Beaube et l’équipe de la fondation Rothschild, portait sur la corrélation radio-clinique dans les troubles dysthyroïdiens. Il existait une forte corrélation entre la diplopie et les modifications musculaires observées en IRM. L’atteinte radiologique des muscles

droits était corrélée à la déviation clinique. Des signes d’inflammation radiologique pouvaient également être mis en évidence dans une majorité d’orbitopathies dysthyroïdiennes ne présentant aucune inflammation clinique. L’imagerie s’impose comme un préalable à tout traitement chirurgical d’une orbitopathie basedowienne.

Les différents angles du patient strabique

Dans la 4e communication, le Pr Roth a discuté des différents angles du patient strabique, et en particulier de la mesure clinique de l’angle cible à traiter chirurgicalement : angle maximum dans les exotropies, angle minimum dans les ésotropies.

Cas cliniques simples de chirurgie du strabisme Un enfant atteint par un rétinoblastome

Dans une table ronde organisée sur les cas cliniques simples de chirurgie du strabisme, le Dr Bui Quoc a rappelé l’importance d’un examen clinique complet avant tout traitement du strabisme, en rapportant le cas d’un enfant atteint par un rétinoblastome, pris en charge avec douze mois de retard malgré trois consultations ophtalmologiques chez différents praticiens. Le Pr Speeg-Schatz a abondé dans ce sens, en insistant sur l’importance de se méfier des ésotropies précoces avec réel déficit d’abduc-

Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2013 • vol. 7 • numéro 65


tion sans signes palpébraux associés. L’IRM peut dans ce cas s’avérer extrêmement utile, permettant de retrouver une agénésie ou une hypoplasie du VI dans le cas d’un syndrome de Stilling-Duane, ou un syndrome de masse dans le cas d’une paralysie du VI.

Un cas de strabisme cyclique

Le Pr Gomez de Llano a présenté un cas de strabisme cyclique, dont le rythme de 48 h alterne typiquement entre 24 h de convergence et 24 h de rectitude. Cette forme de strabisme rare, généralement associée à une bonne vision binoculaire, est rarement associée à une atteinte systémique chez l’enfant. La périodicité a généralement tendance à se dégrader au profit d’une esotropie constante. Le traitement chirurgical est basé sur la plus grande des déviations observées, et n’est quasiment jamais surcorrecteur.

Un syndrome de Brown congénital

À propos d’un second cas clinique sur un syndrome de Brown congénital, le Pr Gomez de Llano a discuté les différentes hypothèses physiopathologiques à l’origine du conflit “poulie-tendon” de l’oblique supérieur, rappelant que dans la grande majorité des cas le syndrome diminuait avec l’âge. La chirurgie du syndrome de Brown doit être réservée aux patients présentant un torticolis marqué ou des conséquences amblyogènes importantes.

Strabisme aigu, strabisme ancien, strabisme divergent intermittent symptomatique

Le service d’ophtalmologie du CHU de Nantes a présenté un cas de strabisme aigu répondant favorablement au traitement par injection de toxine botulique dans les muscles droits médiaux, et un second cas de

strabisme ancien récupérant une vision binoculaire de qualité huit jours après chirurgie. Dans les deux cas, la vision binoculaire a résisté à plusieurs mois, voire plusieurs années de déviation. Enfin, le Dr Audren a insisté sur le bénéfice obtenu par les patients âgés traités chirurgicalement pour un strabisme divergent intermittent symptomatique, souvent négligé en raison de l’âge.

Utilisation de la toxine botulique dans les pathologies oculomotrices

Lors d’une conférence, le Pr Gomez de Llano est revenue sur son expérience unique (depuis 1989) dans l’utilisation de la toxine botulique dans les pathologies oculomotrices. Après un rappel physiologique, les principales indications en 2013 ont été discutées : strabisme concomitant chez l’enfant de moins de quatre ans et paralysie oculomotrice. Dans le cadre d’un strabisme congénital, l’efficacité moyenne attendue par une injection est d’environ 25 Δ, avec une efficacité plus importante chez le petit enfant. Plusieurs injections peuvent être proposées en cas de déviation supérieure à 50 Δ. Son utilisation peut également être envisagée après un premier temps chirurgical en cas de petite déviation résiduelle, ou en cas d’ésotropie consécutive avant de proposer une reprise chirurgicale. Le Pr Gomez de Llano reste très réservée sur l’utilité de la toxine botulique dans les strabismes divergents intermittents. Dans la seconde partie de sa conférence, son utilisation dans les paralysies a été rapportée. Si la preuve d’augmentation du pourcentage de récupération reste ténue (efficacité majorée dans les grandes déviations ?), son intérêt

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manifeste pour raccourcir de trois à six mois la période de récupération a été rappelé. Son utilisation après quatre mois de paralysie reste rare, souvent associée à des gestes de transposition musculaire (souvent en postopératoire, pour éviter les facteurs verticaux). Enfin, les nouveautés en termes d’injection musculaire ont été évoquées. La Crotoxin, isolée à partir de venin de serpent, pourrait présenter une efficacité équivalente à la toxine botulique sans nécessiter une conservation réfrigérée. L’injection de Bupivacaïne crée une fibrose musculaire mais altère fondamentalement la trophicité du muscle. Sa place dans l’arsenal thérapeutique devra être définie.

Les communications libres Analyse statistique des résultats chirurgicaux des strabismes horizontaux

L’après-midi a débuté par la présentation de quatre nouvelles communications libres. Le Dr Turpin a présenté l’analyse statistique des résultats chirurgicaux des strabismes horizontaux au CHU de Nantes avec un recul de cinq ans. Les patients présentant une ésotropie précoce ont nécessité en moyenne 1,3 temps chirurgical pour atteindre une déviation nonchirurgicale. Par rapport aux données de la littérature, cet objectif a été atteint en minorant particulièrement la chirurgie sur le droit médial (2 mm de recul en moyenne).

Intérêt de la prise en charge chirurgicale dans le traitement des ésophories décompensées

Le Dr Gambarelli (clinique Monticelli, Marseille) est revenu sur 139

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l’intérêt de la prise en charge chirurgicale dans le traitement des ésophories décompensées. Un soulagement a été observé dans 73 % des cas sans traitement associé, le reste nécessitant un second temps chirurgical ou une prismation complémentaire. La surcorrection, souvent redoutée, reste rare (1 cas sur 33).

Les différentes techniques chirurgicales de l’ésotropie du myope fort

Le Dr Goberville (Paris) a présenté son expérience dans les différentes techniques chirurgicales de l’ésotropie du myope fort, en comparant les résultats des techniques de Kaufmann (réhaussement du droit latéral) et de Yokoyama (looping postérieur des droits supérieur et latéral entre eux). Elle a insisté sur l’importance de l’évaluation des facteurs verticaux en préopératoire et des difficultés de reprise chirurgicale en cas d’indications erronées.

Les facteurs chirurgicaux de variation lors de la réalisation d’un geste simple

Le Pr Péchereau a fait part de ses réflexions sur les facteurs chirurgicaux de variation lors de la réalisation d’un geste simple, le recul du droit médial. Il a insisté sur la nécessité d’établir un protocole chirurgical rigoureux et reproductible.

Cas complexes de chirurgie

La table ronde de l’après-midi a regroupé un certain nombre d’experts pour discuter de cas complexes de chirurgie.

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Le Pr Péchereau (Nantes) a insisté sur les difficultés de reprise chirurgicale de l’exotropie consécutive en cas de protocoles hasardeux (ténotomie…), sur leurs conséquences sur le muscle (glissement, atrophie…) et sur la nécessité de protocole opératoire généreux pour traiter ces cas complexes. Le Dr Arsène (Tours) a rappelé l’utilité de dépister une paralysie sous-jacente du IV dans les strabismes divergents intermittents se présentant avec torticolis. Elle est également revenue sur l’utilité de réaliser des tests d’élongation musculaire peropératoires, en rapportant un cas atypique de syndrome de Stilling-Duane avec un muscle hyperélongable. Le Pr Cordonnier (Bruxelles) a présenté un cas rare de double paralysie du IV acquis non-traumatique et non-tumoral, secondaire à une hydrocéphalie. Le Dr Gambarelli (Marseille) a évoqué l’utilité de la toxine botulique dans certaines formes complexes de paralysie acquise du III, en particulier associées à un traumatisme crânien. Le Dr Costet (Nice) a insisté sur la nécessité de rechercher une forme nucléaire d’atteinte du III, souvent cachée par la déviation de l’œil le plus atteint. Toutes deux sont revenues sur les objectifs de la chirurgie de ces cas complexes, et sur la nécessité d’être patient pour obtenir un résultat chirurgical satisfaisant. Le Dr Bok-Beaube (Paris) a présenté un cas complexe d’exophtal-

mie basedowienne associée à une fracture traumatique du plancher de l’orbite, rappelant la conduite à tenir : attendre la disparition des phénomènes inflammatoires, traiter le cadre orbitaire puis, en cas de diplopie résiduelle, envisager la chirurgie oculomotrice. Le Pr Gomez de Llano (Madrid) a évoqué les difficultés chirurgicales secondaires aux glissements musculaires, conséquences d’un mauvais ancrage musculaire lors des chirurgies précédentes.

Prix de la meilleure communication à l’AFSOP

La journée s’est clôturée par la remise du prix de la meilleure communication à l’AFSOP. Ce prix est remis tous les ans à un interne ou un jeune ophtalmologue, récompensant un travail innovant dans les domaines de l’ophtalmopédiatrie et de la strabologie. Il a pour but de subventionner les frais de participation à un congrès international afin de promouvoir les travaux francophones. Le prix 2013 a été remis au Dr Léopodine Lequeux, du service d’ophtalmologie de Toulouse, pour son travail sur l’utilisation du logiciel WINROP dans le dépistage de la rétinon pathie du prématuré.

Mots-clés : Strabisme, Chirurgie

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