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Mise au point

Pathologies rétiniennes du myope fort Nécessité d’une prise en charge précoce Dr Valérie Le Tien*

Introduction La myopie forte (dite myopie pathologique) est aujourd’hui bien caractérisée et définie grâce aux progrès de l’imagerie rétinienne. Ses complications rétiniennes sont dépistées et prises en charge plus tôt, ce qui permet de mieux prévenir les séquelles sur la fonction visuelle pour des patients souvent encore actifs sur le plan professionnel.

Définitions La myopie forte est définie par plusieurs critères : - des critères réfractifs : une myopie est dite “forte” quand la réfraction du globe est supérieure ou égale à -6 D ; - des critères anatomiques : distension du segment postérieur du globe oculaire, avec parfois ectasie du pôle postérieur (le staphylome) ; - des critères biométriques : longueur axiale supérieure ou égale à 26 mm. Les études épidémiologiques montrent une prévalence variable selon les populations. Elle est importante dans les populations asiatiques, avec 3-6 % en Chine, jusqu’à 25 % dans une population étudiante taïwanaise. Aux États-

*Centre Hospitalier Intercommunal, Créteil ; Clinique Métivet, Saint-Maur-des-Fossés

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Unis, les études retrouvent des prévalences plus faibles (0,5-2 %).

Caractéristiques de la rétine chez le myope fort L’atrophie et l’amincissement des tissus caractérisent le globe oculaire du myope, s’accompagnant d’un aspect anormalement allongé du globe. L’atrophie concerne tous les tissus : la sclère, la choriocapillaire et la choroïde, la membrane de Bruch, la rétine neurosensorielle. La choroïdose myopique est ainsi définie par l’association d’une atrophie de l’épithélium pigmentaire et de la choriocapillaire, de ruptures de la membrane de Bruch et de taches atrophiques qui ont tendance à s’élargir avec le temps ; son évolution peut être émaillée par la survenue d’une maculopathie myopique. Le vitré est hétérogène et fibrillaire avec un risque de décollement postérieur du vitré précoce. Ces caractéristiques anatomiques augmentent le risque : - de décollement de rétine (DR). Le risque de développer un DR chez le myope fort est dix fois supérieur à une personne non myope. Ceci est probablement lié à une interface vitréorétinienne pathologique. Ils sont soit rhegmatogènes, d’où l’importance du dépistage des ano-

malies vitréorétiniennes périphériques, soit par déhiscence postérieure extramaculaire ou par trou maculaire. Le pronostic des DR du myope fort est globalement moins bon en raison du risque accru de complications et de lésions, notamment atrophiques, associées ; - rétinoschisis, à différencier du DR vrai. L’OCT du schisis montre un aspect microkystique et un étirement de “travées” entre la rétine interne et la rétine externe.

La maculopathie myopique Elle est caractérisée par la survenue d’hémorragies maculaires sans néovaisseaux, ou par l’apparition de néovaisseaux choroïdiens.

Les néovaisseaux choroïdiens du myope fort La myopie forte est la deuxième cause de néovaisseaux choroïdiens (NVC) après la DMLA exsudative, mais c’est la première cause pour les patients âgés de 50 ans et moins, souvent encore en activité professionnelle. Les NVC surviennent chez environ 5-10 % des myopes forts, avec risque de bilatéralisation entre 10 et 40 %. Les figures 1, 2, 3, 4, 5 et 6 illustrent le cas d’un patient âgé de 58 ans présentant une baisse d’acuité vi-

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Figure 1 - Angiographie à la fluorescéine. Membrane

Figure 2 - Diffusion de la lésion sur le temps tardif de

néovasculaire choroïdienne sur le bord d’une plage d’atrophie,

l’angiographie.

juxtafovéolaire nasal.

Figure 3 - OCT : membrane néovasculaire pré-épithéliale juxtafovéolaire associée à une infiltration intrarétinienne en regard.

suelle de l’œil droit depuis 15 jours (AV 20/50 P3).

Particularités Quelques particularités cliniques les différencient des NVC de la DMLA. • Le site de développement : le plus

souvent sur une zone de fragilité que constituent les ruptures de la membrane de Bruch, ou sur le bord ou à proximité d’une zone d’atrophie. • Des signes exsudatifs peu marqués : un faible décollement séreux rétinien en OCT, un aspect parfois

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circonscrit et pigmenté, une diffusion faible sur les temps tardifs de l’angiographie à la fluorescéine, la présence d’une petite hémorragie mais rarement extensive. • La place de l’angiographie à la fluorescéine est prépondérante, car les signes exsudatifs en OCT 183


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peuvent être inexistants alors qu’il existe une authentique membrane néovasculaire en AF. • L’interrogatoire à la recherche d’un syndrome maculaire est très important car les patients décrivent parfois plusieurs semaines avant la visualisation d’une récidive en imagerie des signes subjectifs avant-coureurs.

Prise en charge

Figure 4 - Huit mois plus tard ; le patient a bénéficié de 2 injections intravitréennes de Lucentis®.

Figure 5 - Cinq mois après la dernière injection, angiographie à la fluorescéine : coloration de la membrane néovasculaire qui présente un aspect concave des bords mais sans diffusion sur les temps tardifs.

Figure 6 - Cicatrice fibreuse de la membrane néovasculaire, bien délimitée, avec disparition de l’exsudation intrarétinienne.

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Il est indispensable de prendre en charge précocement ces NVC car l’évolution spontanée est toujours défavorable chez ces patients souvent jeunes. Il se développe, en l’absence de traitement, une plage atrophique périlésionnelle parfois pigmentée, dite tache de Fuchs, qui limite la récupération visuelle. Les traitements de première intention sont en 2013 les traitements anti-angiogéniques intravitréens. La réponse thérapeutique est souvent bonne et précoce, et le nombre d’injections nécessaire est souvent moindre que dans la DMLA exsudative. Le ranibizumab (Lucentis®) a obtenu l’Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication en juillet 2013. Le pronostic visuel et fonctionnel est de façon générale meilleur que pour les NVC de la DMLA exsudative. La photothérapie dynamique à la vertéporfine (Visudyne®) était, avant l’apparition des traitements anti-VEGF, le traitement de référence pour les néovaisseaux rétrofovéolaires. Elle semble plus efficace pour les membranes néovasculaires récentes et de petite taille. La photocoagulation au laser, premier traitement historique, a l’inconvénient de laisser une cicatrice de photocoagulation progressivement extensive, ce qui gène la fonction visuelle à terme, y compris en cas de localisation extrafovéolaire

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initiale. Elle n’est proposée qu’en cas de localisation extrafovéolaire, au moins à 1000 µ du point de fixation (ce qui est assez rare en pratique).

Hémorragies maculaires sans NVC Il est important, devant toute hémorragie maculaire du myope fort, de réaliser une imagerie rétinienne complète afin de confirmer la présence de NVC avant de traiter. Les ruptures de la membrane de Bruch peuvent simuler des NVC avec hémorragie maculaire et baisse d’acuité visuelle. L’OCT objective

l’absence de décollement séreux rétinien (mais cela n’élimine pas formellement le diagnostic) et l’AF ne met pas en évidence de membrane néovasculaire hyperfluorescente. L’angiographie au vert d’indocyanine retrouve la membrane de Bruch sur le trajet de l’hémorragie.

néovaisseaux choroïdiens, confirmée initialement par l’angiographie, doit être traitée précocement afin de limiter les séquelles visuelles chez des patients jeunes et actifs professionnellement. n

En conclusion Les pathologies rétiniennes du myope fort sont multiples et aujourd’hui bien connues. Les techniques d’imagerie rétinienne permettent de bien les caractériser et de les différencier, ce qui facilite la prise en charge. La présence de

Mots-clés : Myope fort, Complications rétiniennes, Rétine, Néovaisseaux choroïdiens

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