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PRATIQUES EN

OPHTALMOLOGIE R E V U E

D I D A C T I Q U E

M É D I C O - C H I R U R G I C A L E

R e v u e d i d a c t i q u e e t p r at i q u e e n c a r d i o l o g i e

d www.cardinale.fr

Cartographies normales à 40 et 82 ans.

Imagerie

Complexe ganglionnaire et glaucome Vingt clés pour comprendre la superposition structure et fonction Dr Michel Zeitoun Coup d’œil médico-légal

Le point sur

Conduite à tenir pour la rédaction de certificats médicaux

Ocriplasmine : traitement non chirurgical des trous maculaires

page 209

page 186

En pratique

Échos des congrès

Ablation réfractive par laser femtoseconde

Réunion annuelle AFSOP-ESA

page 204

page 201 Octobre 2013 • Volume 7 • n° 67 • 9 e



PRATIQUES EN

OPHTALMOLOGIE R E V U E

D I D A C T I Q U E

M É D I C O - C H I R U R G I C A L E

• Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Caroline Sandrez • Directrice de la production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Maquette et illustration : Antoine Orry • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef Dr Pierre-Vincent Jacomet (Paris)

sommaire www.ophtalmologies.org

Octobre 2013 • Vol. 7 • N° 67

n Le point sur

Ocriplasmine Traitement non chirurgical des trous maculaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 186

Dr Vincent Pierre-Kahn (Suresnes)

Responsable éditorial Dr Michaël Assouline (Paris) Comité de Rédaction Dr Valérie Ameline (Le Sou médical-Groupe MACSF), Dr Corinne Bok-Beaube Dr Catherine Favard (Paris), Dr Eric Gabison (Paris), Dr Jacques Laloum (Paris), Dr Guillaume Leroux Les Jardins (Paris), Dr Benjamin Wolff (Paris) COMITé éDITORIAL Dr Isabelle Aknin (Vallauris-Golfe-Juan), Dr Cati Albou-Ganem (Paris), Dr Florence Coscas (Créteil), Dr Laurent Laloum (Paris) (Conseiller éditorial de la rédaction), Dr Gérard Mimoun (Paris), Dr Vincent Pierre-Kahn (Suresnes) Comité scientifique Pr Jean-Paul Adenis (Limoges), Pr Christophe Baudouin (Paris), Dr Yves Bokobza (Boulogne-Billancourt), Pr Antoine Brézin (Paris), Pr Alain Bron (Dijon), Dr Georges Caputo (Paris), Dr Sylvie Chokron (Paris), Pr Béatrice Cochener (Brest), Dr Salomon-Yves Cohen (Paris), Dr Howard Cohn (Paris), Pr Joseph Colin (Bordeaux), Pr Gabriel Coscas (Créteil), Dr Marie Delfour-Malecaze (Toulouse), Pr Paul Dighiero (Poitiers), Dr Serge Doan (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Jean-Claude Hache (Lille), Pr Jean-François Korobelnik (Bordeaux), Dr Yves Lachkar (Paris), Dr Evelyne Le Blond (Grenoble), Dr Dan Alexandre Lebuisson (Suresnes), Pr Frédéric Mouriaux (Caen), Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris), Dr Pascal Pietrini (Saint Herblain), Pr José Sahel (Paris, Strasbourg), Dr Monique Schaison (Paris), Dr Eric Sellem (Lyon), Dr Jean-Bernard Weiss (Paris)

n Imagerie Complexe ganglionnaire et glaucome Vingt clés pour comprendre la superposition structure et fonction ������� p. 190

Dr Michel Zeitoun (Saint-Brice-sous-Forêt)

n échos des congrès

Réunion annuelle AFSOP-ESA Compte rendu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 201

Dr Corinne Bok-Beaube (Paris), Pr Danièle Denis (Marseille)

n En pratique

Ablation réfractive par laser femtoseconde La technique ReLEx® �������������������������������������������������������������������������������������� p. 204

Dr Cati Albou-Ganem (Paris), Raphaël Amar (Neuilly-sur-Seine)

n Coup d’œil médico-légal

Rédaction de certificats médicaux Conduite à tenir pour ne pas voir sa responsabilité civile professionnelle . engagée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 209

Dr Valérie Ameline (Cosne-Cours-sur-Loire)

n Rendez-vous de l’industrie �������������������������������������������������������� p. 208 n Bulletin d’abonnement ���������������������������������������������������������������� p. 208

Pratiques en Ophtalmologie est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc • Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : contact@ophtalmologies.fr Site : www. ophtalmologies.org RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0314T88767 ISSN : 2106 – 9735 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Pratiques en Ophtalmologie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

www.ophtalmologies.org Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photo de couverture : © DR


Le point sur

Ocriplasmine Traitement non chirurgical des trous maculaires n Un nouveau traitement des trous maculaires (TM) est à l’étude : l’ocriplasmine, alternative non chirurgicale, va-t-elle devenir incontournable ? C’est ce que nous avons voulu savoir en interrogeant le Dr Vincent Pierre-Kahn, chef de service à l’hôpital Foch à Suresnes.

Pratiques en Ophtalmologie : Quels sont les traitements non chirurgicaux des TM disponibles ou à l’étude ? Dr Vincent Pierre-Kahn : Les TM ont toujours été, soit observés, soit traités chirurgicalement. Cependant, depuis 2012, le traitement des TM connaît un essor important grâce à l’émergence d’une option thérapeutique non chirurgicale : un traitement pharmacologique intravitréen ; une enzyme protéolytique capable d’induire la séparation du cortex vitréen postérieur de la rétine au niveau de la macula, fermant potentiellement certains TM. Cette enzyme est la microplasmine, ou ocriplasmine.

- plus on injecte une concentration élevée, plus on induit facilement un décollement postérieur du vitré ; - plus on se situe à distance de l’injection, plus l’efficacité est importante. Les études chez l’animal ont ensuite conduit à des études chez l’Homme, de phase I puis de phase II et maintenant de phase III. Aujourd’hui, la dose recommandée est de 125 mg de microplasmine injectés par voie vitréenne.

De nombreuses études de dose ont été réalisées chez l’animal et les équipes se sont rendu compte que l’efficacité de la microplasmine était dose-dépendante et temps-dépendante. Autrement dit :

Il faut savoir que la plasmine, enzyme clé dans la cascade fibrinolytique, a d’abord été utilisée, avant même le développement de la microplasmine, pour lyser un thrombus par exemple. La plasmine intraveineuse constitue l’un des traitements majeurs de l’infarctus du myocarde à la phase aiguë. Son utilisation intravitréenne dans le traitement des maladies de l’interface vitréo-maculaire débuta au début des années 1990. Il s’agissait d’une plasmine humaine hétérologue, prélevée à partir du sérum, purifiée puis injectée dans le vitré. Cette manipulation était longue, coûteuse et non dénuée de risque septique. Mais, très rapidement, avec la maladie de Creutzfeldt Jakob et la transmission possible du VIH, elle a été abandonnée. L’activateur tissulaire du plasminogène (rTPA) en injection intravitréenne représentait alors une alternative séduisante. Cette enzyme active la transformation du plasminogène circulant endogène en plasmine. Malheureusement, les études réalisées chez l’enfant n’ont pas été concluantes : la quantité intravitréenne de plasminogène paraissait trop faible pour générer un taux de plasmine suffisant. De plus, les adhérences vitréorétiniennes chez l’enfant étaient probablement trop robustes pour que cette lyse enzymatique soit efficace. La plasmine a ensuite été générée par voie autologue, c’està-dire prélevée à partir d’un culot globulaire du même patient. Mais elle était très instable et il fallait l’utiliser instantanément. C’était donc coûteux, contraignant, long et difficile d’utilisation. Assez récemment, une plasmine recombinante humaine a été développée par la société

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Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

P. O. : Quelles sont les voies d’administration ? Dr V. P.-K. : La seule voie d’administration est intravitréenne. P. O. : Y a-t-il des études en cours ? Dr V. P.-K. : Il y a un grand nombre d’études en cours, non seulement sur le traitement des TM mais également sur d’autres maladies de l’interface entre le vitré et la macula, en particulier les syndromes de traction vitréo-maculaire, les œdèmes maculaires diabétiques tractionnels, les œdèmes maculaires veineux tractionnels… Toutes ces études ont porté sur la microplasmine, une enzyme capable de lyser, digérer, l’interface entre le vitré encore adhérent à la macula et la macula elle-même. Plus précisément, la microplasmine digère la fibronectine et la laminine, deux composants principaux de l’interface entre le cortex vitréen postérieur et la limitante interne. Antérieurement, il fallait avoir recours à une approche chirurgicale, une vitrectomie, pour aller lever la traction vitréo-maculaire pathologique.


ocriplasmine

américaine Thrombogenic par voie génétique. C’est donc l’ocriplasmine, ou microplasmine, qui a comme avantage d’être beaucoup plus petite que la plasmine humaine, ne représentant que la fraction active de la plasmine, soit un poids moléculaire d’un quart de celui de la plasmine. D’autre part, cette petite taille faciliterait sa pénétration dans le vitré et permettrait d’atteindre plus facilement la surface rétinienne. La molécule est très stable dans le temps, conservée à -25°C avec l’assurance d’avoir un produit de haute stérilité. Chez l’Homme, une multitude d’études ont eu pour objectif de juger l’efficacité et la tolérance de la microplasmine 125 mg en injection intravitréenne dans le traitement des syndromes de traction vitréo-maculaire ou des adhérences vitréo-maculaires pathologiques comme les TM. La conclusion de ces études est que la tolérance et l’efficacité sont bonnes en ce qui concerne les TM. Mais encore faut-il sélectionner les patients avant traitement, parce que tous les TM ne répondent pas de la même façon. Un TM idiopathique passe chronologiquement par différents stades, du stade 1 au stade 4. Le stade 1 n’est qu’une menace de TM qui peut ne pas être traitée. En général, l’acuité visuelle est conservée ou peu diminuée. L’observation est la règle car la guérison spontanée, dès libération de l’adhérence vitréo-maculaire physiologique, est observée dans la moitié des cas. Les stades 2, 3 et 4 concernent des TM avérés, de pleine épaisseur. Dans le stade 2, la hyaloïde postérieure est encore adhérente aux berges du trou alors que dans les stades 3 et 4, il n’y a plus d’adhérence vitréomaculaire. L’ocriplasmine n’a d’intérêt que lorsqu’il existe encore une attache vitréo-maculaire pathologique. Ces études ont montré qu’il n’y avait aucun intérêt à traiter les patients atteints d’un TM de stade 3-4, seuls les patients ayant un TM des stades 1 ou 2 sont des bons candidats à la thérapie. Sachant que les stades 1 sont plutôt observés et non traités, cette thérapie enzymatique ne cible finalement que les stades 2. Une large étude multicentrique de phase III (MIVI 6-7, Amérique, Europe) randomisée contre placebo (IVT de BSS) a étudié la tolérance et l’efficacité de l’ocriplasmine intravitréenne à la dose de 125 mg dans le traitement des adhérences vitréo-maculaires pathologiques et symptomatiques (TM et tracion vitréo-maculaire). Au total, 464 patients recevaient l’ocriplasmine, et 188 patients étaient randomisés dans le groupe placebo. L’efficacité fut meilleure dans le groupe ocriplasmine comparativement au groupe placebo à 1 mois et 6 mois de l’injection, tant pour la fermeture pharmacologique des TM que pour la résolution non chirurgicale des tractions vitréo-maculaires. Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

Cette efficacité était d’autant meilleure qu’il n’existait pas de membrane épimaculaire au moment de l’inclusion. L’amélioration de la meilleure acuité visuelle corrigée était également significativement plus importante dans le groupe ocriplasmine. Lorsque le TM mesurait plus de 400 microns de diamètre, l’ocriplasmine n’était absolument pas efficace. Lorsque le TM (1-2) était inférieur à 250 microns de diamètre, l’ocriplasmine permettait sa fermeture dans 56 % des cas. Lorsque son diamètre était compris entre 250 et 400 microns, le taux de succès tombait à 30 %. Concernant la résolution des tractions vitréo-maculaires, l’ocriplasmine résolvait la traction dans 35 % des cas lorsque la surface d’adhésion entre la hyaloïde postérieure et la macula était inférieure à 1 500 mm de diamètre. Lorsqu’elle était plus large, cette efficacité était modeste (5 %). L’ocriplasmine paraît agir rapidement puisque son efficacité était observée dans près de 75 % des cas dès la première semaine. Au-delà d’un mois, si l’adhérence n’avait pas été levée, elle ne se levait pas par la suite. En résumé, il existe à présent un traitement non chirurgical des TM, mais réservé aux TM de petit diamètre et à des stades précoces de type stade 2 (éventuellement les stades 1 lorsqu’ils sont symptomatiques). Les stades 3 et 4 restent du ressort de la chirurgie.

P. O. : Quel est l’avantage d’un traitement chirurgical vs un traitement non chirurgical ? Dr V. P.-K. : Le traitement chirurgical des TM est actuellement nettement plus efficace que le traitement enzymatique puisqu’il permet de les fermer dans plus de 90 % des cas. Il s’adresse aux TM du stade 2 au stade 4. Néanmoins, la chirurgie connaît des inconvénients de taille : nécessité d’un tamponnement transitoire endoculaire, d’un positionnement face contre terre de quelques jours (même ci celui-ci est de plus en plus évitable pour les trous de petit diamètre), induction quasi constante d’une cataracte, d’un risque potentiel de décollement de rétine, de déchirure rétinienne ou d’un risque infectieux. Le traitement non chirurgical, enzymatique par ocriplasmine, permettrait chez certains malades bien sélectionnés, d’obtenir un résultat anatomique favorable, certes dans 30 à 56 % des cas, mais sans risque de cataracte ou de décollement de rétine. P. O. : Pour l’instant, est-ce toujours à l’étude ? Dr V. P.-K. : Aux États-Unis, en 2012, la FDA a approuvé ce médicament dans le traitement des adhérences vitréo-maculaires pathologiques, c’est-à-dire les tractions vitréo-maculaires et les TM. En Europe, le médicament a obtenu une AMM en mai 2013. Ses modalités de remboursement par les caisses sont encore en dis-

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Le point sur

cussion, c’est la raison pour laquelle le médicament est commercialisé, mais reste difficile à obtenir en pratique clinique. Comme cette enzyme clive la jonction vitréo-maculaire, son application potentielle dépasse le traitement des TM : on parle maintenant du traitement du syndrome de traction vitréo-maculaire idiopathique ou secondaire. On parle également de l’intérêt d’aller injecter l’ocriplasmine avant certaines vitrectomies considérées comme difficiles, en particulier chez l’enfant ou chez l’adolescent, lorsque le vitré est globalement très adhérent à la rétine et qu’il faut créer chirurgicalement une séparation du vitré avant de poursuivre la chirurgie. L’injection, dans les jours qui précédent une vitrectomie, permettrait d’induire pharmacologiquement un décollement du vitré et de faciliter le temps opératoire. Il faut savoir que l’ocriplasmine est également capable de liquéfier le vitré (vitréolyse). Ce traitement néo-adjuvant permettrait d’accélérer le temps de la vitrectomie dans certains cas. On parle aussi d’application dans certaines formes de DMLA exsudatives qui s’accompagnent d’une traction vitréo-maculaire. Certaines études visent à montrer aujourd’hui que l’utilisation d’ocriplasmine, en association au traitement anti-angiogénique intravitréen, permettrait au traitement anti-VEGF d’être plus efficace. Il y a encore d’autres applications potentielles : œdèmes maculaires post-uvéitiques, chez le myope fort dont l’interface vitréo-rétinienne est fréquemment pathologique, etc. Les études s’additionnent, d’autres sont encore en cours, certaines sont arrivées à terme… En tout cas, sur les deux indications princeps qui sont les TM et les syndromes de traction vitréo-maculaire, les indications sont retenues aux États-Unis et en Europe. Le produit sera certainement généralisé d’ici la fin de l’année ou en 2014 en France.

P. O. : Existe-t-il des effets secondaires à ce traitement non chirurgical ? Dr V. P.-K. : Oui, l’ocriplasmine n’est pas dénuée d’effets secondaires. Ils sont en règle générale peu sévères et transitoires. Par argument de fréquence, on observe : des myodésopsies dans la première semaine suivant l’injection, des photopsies et, dans certains cas assez rares, une vision trouble dans les jours qui suivent liée à la levée de la traction vitréo-maculaire. L’ensemble de ces effets secondaires (moins de 10 % des patients) se résout spon-

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tanément dans les premières semaines. Par ailleurs, une inflammation de chambre antérieure a été retrouvée dans les études, chez environ 7 % des patients dans les premiers jours suivant l’injection contre 3 % chez les contrôles (patients traités par placebo). En général, cela survient à la première semaine et cela se résorbe tout seul. En revanche, la fréquence des déchirures rétiniennes ou des décollements de rétine ne sont pas majorés par comparaison au groupe contrôle. Dans toutes les études qui ont été réalisées, il n’y a pas eu d’incidence sur la progression de la cataracte après injection d’ocriplasmine. L’ocriplasmine digère la fibronectine et la laminine, deux molécules qui assurent la liaison entre la surface de la rétine et le cortex vitréen postérieur. Un risque potentiel de fragilisation de la zonule cristalinienne est évoqué. Sur plus de 820 patients traités dans le monde à travers les différentes études, deux cas de luxation cristallinienne ont été rapportés, l’un 10 mois après l’injection d’une dose de 750 mg chez un enfant, l’autre au décours d’une vitrectomie chez un adulte. La protéolyse enzymatique au niveau des fibres zonulaires pourrait en être responsable. Il existe un faible nombre de patients ayant présenté une baisse sévère de la vision postinjection, en général résolutive, mais de cause indéterminée. Ont été également rapportés des troubles dans la vision des couleurs (2 % des patients) généralement décrits comme une coloration jaunâtre de la vision apparaissant dans les 48 premières heures après l’injection et disparaissant au bout de 3 mois. Des modifications de l’électrorétinogramme ont été observées chez 7 % des patients qui ont eu une évaluation électrorétinographique : ces réductions de l’amplitude des ondes a et b seraient également résolutives dans le temps. En conclusion, la sécurité et l’efficacité de l’ocriplasmine dans les maladies de l’interface vitréo-rétinienne ont été étudiées par de nombreuses études cliniques. Ce traitement est validé pour les syndromes de l’interface vitréoretinienne et certains TM. Il permettrait d’éviter, chez certains patients bien sélectionnés, une vitrectomie de première intention. L’efficacité de la vitréolyse enzymatique est attendue chez un petit nombre de patients, ayant un TM de petit diamètre et de stade 2. Cette efficacité reste néanmoins inférieure à celle d’une chirurgie mais avec des effets secondaires moindres. D’autres indications sont actuellement à l’étude. Le Dr Vincent Pierre-Kahn déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts avec le contenu de cette présentation. Propos recueillis par Caroline Sandrez Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


imagerie

Complexe ganglionnaire et glaucome Vingt clés pour comprendre la superposition structure et fonction n La confrontation de la structure, c’est-à-dire de la papille et des fibres nerveuses rétiniennes qui y convergent, avec la fonction, c’est-à-dire du champ visuel, tient une place importante dans l’examen d’un patient suspect de glaucome. Cette association est nécessaire car chaque examen pris séparément a ses propres limites dans l’interprétation des stades débutants et des stades évolués. Il existe des cas ou une papille apparemment normale s’accompagne d’altérations périmétriques caractéristiques, et inversement des atteintes évidentes des fibres nerveuses rétiniennes resteront un certain temps sans répercussion sur le champ visuel. Aux stades avancés de la maladie, la progression est difficile à évaluer sur les fibres papillaires résiduelles. Cinquante-sept superpositions de la structure sur la fonction font apparaître quelques lignes de force que nous tenterons de préciser. Nous allons décrire notre méthode (clés 1 à 5), exposer ses particularités (clés 6 à 9), présenter les résultats (clés 10 à 18) et entrevoir les perspectives (clés 19 et 20).

Clé numéro 1

L’utilisation du complexe ganglionnaire pour la superposition structure et fonction semble faciliter la confrontation. Les tests classiques de structure étudient la papille, le C/D, l’excavation, l’anneau neurorétinien, le RNFL circulaire à 3,4 mm, les fibres nerveuses péripapillaires. Ils ont tous pour but de détecter l’apoptose des fibres ganglionnaires rétiniennes le long d’un faisceau et d’en déduire la sévérité. Dans un deuxième temps, il faut superposer mentalement le champ visuel à une estimation du territoire concerné par l’apoptose. Il y a donc *Ophtalmologiste, Saint-Brice-sous-Forêt michel.zeitoun@wanadoo.fr

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deux approximations : l’atteinte des fibres nerveuses rétiniennes papillaires est un reflet concentré de l’atteinte des cellules ganglionnaires à distance, et la localisation du faisceau atteint par rapport au champ visuel est une moyenne statistique. La superposition directe du champ visuel avec le relevé OCT du complexe ganglionnaire permet une confrontation plus précise. Pour l’instant, cette superposition est manuelle par logiciel d’imagerie après inversion de la cartographie et mise à l’échelle (Fig. 1).

Clé numéro 2

Nous avons utilisé le protocole OCT qui explore une large zone du pôle postérieur.

Dr Michel Zeitoun*

La tomographie en cohérence optique (OCT) (Spectral Domain) quantifie l’atteinte des fibres optiques et des cellules ganglionnaires électivement touchées par cette maladie. Le scan circulaire péripapillaire (RNFL) et son relevé en double bosse a été successivement complété par une analyse de la surface péripapillaire, puis du complexe ganglionnaire maculaire. Depuis peu, l’acquisition large champ (Wide) de 12 mm sur 9 mm permet d’englober la papille et le pôle postérieur (Fig. 2). La prise de vue (sur l’OCT Topcon 3D 2000 ou le Maestro) correspond à un champ de 40° sur 30°. Quarante points sur cinquante-quatre du

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


Complexe ganglionnaire et glaucome

Figure 2 – Évolution des stratégies de l’OCT papillaire sur un même patient (papille dysversique). A : D’abord simple courbe RNFL sur base normative avec ici une zone douteuse en temporal inférieur. B : La cartographie des fibres optiques est Figure 1 – La cartographie du complexe ganglionnaire est

plus expressive montrant l’atteinte temporale inférieure. C : La

rehaussée pour bien séparer les zones saines des zones en

cartographie du complexe ganglionnaire maculaire montre

apoptose. Elle est ensuite inversée et superposée au champ

une atteinte inféro-maculaire prolongeant l’atteinte des fibres.

visuel en déviation individuelle. Très bonne correspondance

D : La cartographie Wide est la plus démonstrative, l’atteinte

structure et fonction, mais la quadranopsie du champ visuel est

arciforme part de la papille et s’étale en éventail vers la rétine

en fait une atteinte arciforme.

inférieure.

champ visuel seront ainsi directement superposables.

Clé numéro 3

Nous étudions la segmentation sur le complexe ganglionnaire complet. La délimitation peut se faire sur le complexe ganglionnaire rétinien incluant les fibres nerveuses rétiniennes (CGR), ou sa sous-couche : corps cellulaires plus plexiforme interne au-dessous, sans les fibres nerveuses rétiniennes. Le complexe ganglionnaire complet présente l’avantage de montrer le déficit arciforme sur toute sa longueur. Cependant, étudier spécifiquement les corps cellulaires ganglionnaires périmaculaires est utile pour quantifier la maculopathie glaucomateuse plus ou moins présente selon le faisceau atteint et la gravité de la maladie (Fig. 3).

Clé numéro 4

Nous vérifions la pertinence de la segmentation automatique du complexe ganglionnaire. La segmentation automatique de l’OCT est régulièrement prise en défaut dès que le profil maculaire s’éloigne de la norme en raison d’une pathologie concomitante. Il est donc nécessaire de vérifier la segmentation par une coupe centrale en gros plan, verticale de préférence, avec affichage de la délimitation pour s’assurer de la justesse de l’algorithme. Les coupes du rapport imprimé sont trop réduites et ne montrent que les artéfacts grossiers. Avec un peu d’expérience, l’apoptose est souvent visible sur la coupe verticale, en comparant le complexe ganglionnaire supérieur à l’inférieur qui est normalement symétrique (Fig. 4). Les reliefs vasculaires deviennent proéminents du fait de l’apoptose environnante.

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

Clé numéro 5

Nous répétons les champs visuels jusqu’à obtenir un relevé fiable. Le champ visuel doit toujours être demandé en Sita Standard qui est le plus fiable. Les faux négatifs et les indices de fiabilité doivent être surveillés. Les fluctuations sont banales sur une zone d’apoptose, mais elles perturbent l’interprétation si elles siègent en zone saine. La superposition va nous rendre exigeants. Les déficits incongrus qui se situent sur une zone riche de la cartographie ganglionnaire doivent être recontrôlés par un nouveau champ visuel ou un CV 10°-2 selon la zone (Fig. 5).

Clé numéro 6

Nous avons rehaussé légèrement la cartographie obtenue avec l’OCT Topcon 2000 pour correspondre au champ visuel. Nous avons modifié l’échelle de couleurs pour séparer nettement 191


imagerie

Figure 3 – À gauche, le complexe ganglionnaire complet avec ses fibres optiques : la délimitation du complexe ganglionnaire

Figure 4 – Nous avons rehaussé l’image brute, sans la trahir,

est la plus expressive car elle montre l’atteinte complète de

pour mieux distinguer les zones saines en “fluo”, des zones

l’unité ganglionnaire allant de la papille à la macula. À droite,

pathologiques, sombres. Sur les coupes verticales, l’apoptose de

la délimitation des corps cellulaires et plexiformes se focalise

la rétine inférieure est évidente sur le complexe ganglionnaire,

sur la recherche de la maculopathie glaucomateuse, qui est

entre les lignes rouges, en comparaison avec la partie supé-

sectorielle dans cet exemple, ou diffuse dans d’autres cas, et en

rieure saine. Il faut toujours vérifier la segmentation automa-

général proportionnelle à la gravité de la maladie.

tique avant de porter un diagnostic.

les zones saines des zones malades. Dans ce but, nous avons légèrement rehaussé l’image brute, pour mieux mettre en évidence les zones riches qui apparaîtront en “fluo”. Nous avons minutieusement élaboré ce rehaussement pour sa cohérence avec le champ visuel. Nous avons déterminé qu’il n’y avait pas de perte visuelle significative dans les régions où le complexe ganglionnaire dépasse 70 microns (Fig. 6). La cartographie soulignera les zones supérieures à 70 microns, qui correspondent aux zones normales du champ visuel. Par contraste, cette méthode met bien en évidence les atteintes arciformes sombres qui partent de la papille pour s’étaler en éventail vers le pôle postérieur, gage d’une bonne segmentation. Nous verrons plus loin qu’il n’est pas facile de prédire la fonctionnalité de ces zones inférieures à 70 microns.

Clé numéro 7

Nous traçons ensuite une ligne rouge pour mettre en évidence les asymétries du complexe ganglionnaire. 192

L’asymétrie supérieure versus inférieure et droite versus gauche devient évidente grâce à une ligne rouge dérivée de l’ETDRS 6 mm que nous avons adaptée au glaucome. Le cercle rouge est conçu pour délimiter le “plateau ganglionnaire”, zone du pôle postérieur la plus riche en cellules. Il est facile de voir que les zones ganglionnaires riches l’affleurent ou le dépassent. Avec l’âge, une diminution diffuse du complexe ganglionnaire rétinien est habituelle et doit être prise en compte (Fig. 7).

Clé numéro 8

La ligne rouge met facilement en évidence les trois principales atteintes glaucomateuses. La ligne rouge nous a permis de décrire trois éléments sémiologiques nouveaux en matière d’atteinte structurale arciforme. - L’enfoncement en coin signant un début d’arciforme en temporal supérieur ou en temporal inférieur sur deux zones de faiblesse, pauvres en fibres ganglionnaires,

ainsi que l’atteinte du faisceau supérieur ou inférieur. - La marche temporale par atteinte asymétrique, correspondant à la marche nasale du champ visuel. - Le grignotage du plateau ganglionnaire localisé ou généralisé au niveau de la convexité (Fig. 8).

Clé numéro 9

La base normative et la ligne rouge repèrent les atteintes débutantes. La ligne rouge est souvent plus sensible que le RNFL pour les atteintes débutantes car, d’une part, la région temporale a moins de variation anatomique que la région papillaire et, d’autre part, les fibres ganglionnaires y sont plus étalées. La ligne rouge combinée à l’échelle colorée semble être un repère commode et intuitif de normalité. Ces trois éléments sémiologiques peuvent être associés ou non. Ils permettent dans certains cas difficiles d’aider au diagnostic (Fig. 9, 10, 11 et 12).

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


Complexe ganglionnaire et glaucome

Figure 5 – Contradiction structure et fonction du fait d’un

Figure 6 – Coupe verticale illustrant la limite de 70 microns.

champ visuel non fiable. Il s’est normalisé avec l’apprentissage.

Le complexe ganglionnaire inférieur, qui est à 65 microns,

La cartographie et le RNFL sont normaux.

correspond à un scotome absolu et les fibres optiques y ont quasiment disparu. Le complexe ganglionnaire supérieur est à 75 microns et a gardé une assez bonne sensibilité bien que son épaisseur normale soit de l’ordre de 100 microns.

Figure 8 – Identification de trois nouveaux éléments sémiologiques du glaucome. 1 : Enfoncement en coin de la ligne rouge Figure 7 – Cartographies normales à 40 et 82 ans : atteinte

indiquant une atteinte arciforme à l’émergence papillaire.

diffuse modérée avec l’âge par perte neuronale. Il n’y a norma-

2 : Marche temporale par asymétrie d’atteinte supérieure vs

lement jamais d’atteinte sectorielle ou d’asymétrie. La ligne

inférieure, correspondant à la marche nasale du champ visuel.

rouge est débordée par richesse ganglionnaire chez le sujet

3 : Grignotage du plateau ganglionnaire délimité avec la ligne

jeune, juste atteinte chez le sujet âgé. Le bourrelet ganglion-

rouge, par l’atteinte d’un faisceau arqué. Ces trois atteintes

naire s’affaisse avec l’âge.

peuvent être associées.

Clé numéro 10

Les atteintes du champ visuel doivent correspondre aux zones en apoptose sur l’OCT. Dans notre pratique, c’est une observation quasiment jamais prise en défaut pour les cellules ganglionnaires : tout scotome doit correspondre à une atteinte importante du complexe ganglionnaire (Fig. 13) ou doit se trouver dans le prolongement d’une arciforme (Fig. 14). En cas de désaccord, il faut recontrôler le champ visuel. Si le désaccord persiste il faudra

rechercher une atteinte dans la chaîne de transmission visuelle (photorécepteurs, cellules bipolaires, radiations optiques, cortex visuel). Dans une étude personnelle de 57 glaucomes avec au total 753 points analysés, 91 % des points ayant un déficit allant de -6 à -35 dB sont situés sur des zones de complexe ganglionnaire inférieures à 70 microns.

Clé numéro 11

Les zones saines et riches n’ont en règle générale pas de perte de

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

sensibilité. Si un scotome correspond à une zone saine, il faut remettre en question le champ visuel ou chercher une autre anomalie dans la chaîne de transmission visuelle. Dans notre étude, 87 % des points situés sur un complexe ganglionnaire plus épais que 70 microns ont une déviation individuelle de sensibilité comprise entre -3 dB et +3 dB (Fig. 15).

Clé numéro 12 L ’a t t e i n t e

structurale 193


imagerie

Figure 9 – Asymétrie droite-gauche chez un emmétrope. L’œil

Figure 10 – RNFL dans la norme pour les deux yeux, mais

gauche est globalement dans la norme pour le RNFL, la carto-

montre une asymétrie droite-gauche pour le faisceau tem-

graphie et la base normative. Pour l’œil droit, le RNFL est dans

poral sup. Sémiologie : marche temporale OG, grignotage du

la norme basse, la cartographie aidée de la ligne rouge montre

plateau en temporal sup. OG : c’est un glaucome, confirmé

le grignotage du plateau, confirmé par la base normative gan-

par l’atteinte temporale supérieure sur la base normative

glionnaire : c’est un glaucome.

ganglionnaire.

Figure 11 – Sémiologie : marche temporale, grignotage du plateau : c’est déjà un glaucome. Le RNFL et le champ visuel sont proches de la normale et n’apportent aucune certitude.

Figure 12 – RNFL dans la norme basse et champ visuel normal.

La base normative dépiste une atteinte modérée du complexe

Cartographie : enfoncement en coin supérieur, confirmé par la

ganglionnaire en temporal inférieur.

base normative. C’est un glaucome.

194

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


Complexe ganglionnaire et glaucome

Figure 14 – Atteinte du RNFL en temporal inférieur et marche nasale périphérique concordante sur le champ visuel. Elle se Figure 13 – Très bonne corrélation structure et fonction avec

trouve sur le prolongement de l’arciforme, ce qui confirme sa

atteinte absolue de l’hémichamp visuel supérieur. Les zones

réalité. Cartographie : forte marche temporale s’approchant

riches en complexe ganglionnaire de l’hémirétine supérieure

dangereusement de la fovéa, alors que l’atteinte du champ

ont préservé la sensibilité de l’hémichamp inférieur.

visuel paraît très éloignée du centre et peu menaçante.

Figure 16 – Nette anticipation de l’atteinte structurale sur Figure 15 – Bonne correspondance structure et fonction : les

l’atteinte fonctionnelle : le RNFL et la cartographie montrent

zones riches n’ont pas de perte fonctionnelle, alors que les

une atteinte sévère du faisceau temporal inférieur, alors que le

zones en apoptose sont fortement déficitaires. Notez un début

champ visuel est rassurant. On surveillera de près la fonctionna-

d’atteinte du faisceau papillo-fovéolaire.

lité de la zone atteinte.

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

195


imagerie

Figure 18 – Atteinte diffuse certaine sur la cartographie. Le RNFL est limite par endroits et le champ visuel normal. La cartographie “fluo” combinée à la ligne rouge apporte la certitude Figure 17 – RNFL atteint en temporal inférieur. Sémiologie : gri-

de l’atteinte anatomique. Il s’agit d’une atteinte modérée dif-

gnotage du plateau, enfoncement en coin à 6 h. On surveillera

fuse dont le diagnostic est classiquement difficile. Sémiologie :

l’apparition d’une marche nasale périphérique sur le champ

grignotage du plateau ganglionnaire qui n’atteint pas la ligne

visuel.

rouge. Enfoncement en coin de la ligne rouge à 12 h et 6 h.

ganglionnaire précède l’atteinte fonctionnelle décelable. La cartographie rehaussée permet de repérer les atteintes anatomiques débutantes (Fig. 16). De façon caractéristique, l’atteinte débute en général à la marge des gros troncs de fibres, sur un bord vasculaire, souvent en temporal inférieur, et s’étale en éventail vers le pôle postérieur (Fig. 17). Des atteintes diffuses sont possibles dont le diagnostic est difficile par les moyens classiques et plus aisée avec la ligne rouge (Fig. 18). Dans notre expérience, toute atteinte du champ visuel est accompagnée d’une atteinte anatomique correspondante sur l’OCT Wide du complexe ganglionnaire, alors que l’examen papillaire isolé ignore 20 à 30 % des glaucomes.

À travers les exemples montrés, il apparaît que ce sont les derniers microns de l’amincissement ganglionnaire qui sont corrélés au profond déficit visuel. La perte totale de la fonctionnalité survient dans une fourchette située entre 50 et 70 microns et varie d’un patient à l’autre, et même d’une région à l’autre sur le même œil (Fig. 19). Un nombre restreint de cellules ganglionnaires survivantes suffit à maintenir une certaine sensibilité lumineuse (Fig. 20). Le champ visuel reste indispensable pour suivre ces zones car la fonctionnalité des cellules ganglionnaires en apoptose n’est pas résumée par leur épaisseur (Fig. 21). Cependant, la disparition totale de la réflectivité des fibres nerveuses rétiniennes correspond toujours à un scotome profond à cet endroit (Fig. 6).

Clé numéro 13

Clé numéro 14

Les zones en apoptose ont une sensibilité variable et imprévisible en OCT. 196

La périphérie rétinienne ganglionnaire n’est pas explorable en OCT.

En périphérie, la couche ganglionnaire est fine, de l’ordre de 60-70 microns, et il y a peu de différence entre les zones saines et les zones pathologiques ; on ne peut plus se baser sur l’épaisseur locale du complexe ganglionnaire. Cela n’a pas d’importance, car l’atteinte des fibres nerveuses rétiniennes et du complexe ganglionnaire a toujours un aspect arciforme qui prend son départ au niveau de la papille ou à proximité. Sur un OCT englobant la papille et la macula, tous les faisceaux sont analysés sur une bonne partie de leur trajet. Même si la rétine temporale extrême est hors du champ de l’OCT, les atteintes périphériques du champ visuel seront authentifiées si elles se trouvent sur le prolongement d’une arciforme (Fig. 14 et 24).

Clé numéro 15

Le moindre scotome peut maintenant être authentifié ou rejeté.

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


Complexe ganglionnaire et glaucome

Figure 19 – Sur la cartographie et le RNFL : double atteinte arciforme qui semble d’égale profondeur. Il existe cependant une nette différence entre l’hémichamp supérieur assez préservé, de l’inférieur plus sévèrement atteint. Dans le même faisceau, des atteintes de profondeur différentes coexistent. Les rares

Figure 20 – Les zones saines sont bien identifiées sans perte

zones anatomiquement saines ont gardé une bonne sensibilité.

visuelle, mais la profonde atteinte arciforme a une sensibilité

La cartographie identifie avec certitude les zones épargnées

variable sur son trajet, totalement en retard par rapport à

mais ne peut prédire la fonctionnalité des zones en apoptose.

l’atteinte anatomique.

Pour être validée, toute perte de sensibilité doit se trouver sur le trajet d’une atteinte anatomique ou dans son prolongement périphérique (Fig. 22). Cette contrainte est encore plus forte pour le champ visuel 10-2 dont l’atteinte doit correspondre à une apoptose localisée majeure du complexe ganglionnaire (Fig. 23), toujours évidente sur une coupe verticale de 6 à 9 mm.

Clé numéro 16

La surveillance du champ visuel et de son aggravation se focalisera sur les zones en apoptose. Le glaucome peut évoluer de deux façons : en surface, l’atteinte gagnant de nouveaux territoires, ou en profondeur, l’atteinte s’aggravant dans un faisceau donné. L’OCT du complexe ganglionnaire peut guider la surveillance de la fonction : il attire l’attention sur les zones arciformes

pathologiques quelquefois mieux que le RNFL (Fig. 24). Il éclaire également les fluctuations glaucomateuses du champ visuel (Fig. 25). Les faux négatifs sont repérés et différenciés des fluctuations caractéristiques du glaucome qui surviennent dans les zones en apoptose (Fig. 26).

Clé numéro 17

Tous les faisceaux peuvent être atteints par le glaucome. Les atteintes les plus redoutables sont celles du pôle postérieur et du faisceau maculaire : elles sont précocement identifiées en OCT du complexe ganglionnaire, souvent mieux que le RNFL (Fig. 15). L’atteinte du faisceau nasal est rare, mais possible (Fig. 27). Elle cause peu de handicap visuel.

Clé numéro 18

Le complexe ganglionnaire permet un suivi structurel jusqu’à

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

l’agonie. Dans les glaucomes évolués, l’analyse de la papille et du RNFL n’est plus d’un grand secours pour suivre l’évolution. En revanche, le complexe ganglionnaire apporte des renseignements utiles tout au long de la maladie jusqu’aux stades ultimes, tant qu’il reste des zones un peu épargnées par l’apoptose (Fig. 28 et 29). La cartographie rehaussée permet la détection des zones encore fonctionnelles lorsqu’elles sont supérieures à 70 microns.

Clé numéro 19

La topographie de l’atteinte est un élément important pour différencier les glaucomes à pression normale des atteintes neurologiques. L’atteinte glaucomateuse est arciforme et surtout asymétrique par rapport à l’axe horizontal. Cette asymétrie est exploitée pour le champ visuel 197


imagerie

Figure 22 – La superposition de droite authentifie le scotome car il se trouve sur une forte atteinte anatomique. La superposition de gauche permet de rejeter le scotome qui ne correspond à aucune atteinte arciforme : c’est un faux négatif. L’intérêt de la superposition est immense pour distinguer les fausses atteintes des vraies atteintes fonctionnelles débutantes. Figure 21 – Double atteinte arciforme. Dans l’une la perte visuelle est plus marquée à l’émergence, dans l’autre elle prédomine en périphérie. Ni le RNFL ni la cartographie ne pouvait apporter cette information.

Figure 24 – Contradiction entre un RNFL encore dans la norme Figure 23 – Forte atteinte temporale inférieure. Le scotome

avec un champ visuel altéré en nasal inférieur. Cartographie :

paracentral isolé du 24-2 est beaucoup plus étendu sur le 10-2

marche temporale et grignotage du plateau ganglionnaire

qui reflète mieux l’atteinte anatomique. La répétition des tests

confortent le champ visuel. Ici, l’atteinte arciforme n’est

concentrée sur une petite surface semble épuiser les cellules

marquée qu’à distance de l’émergence papillaire, ce qui est la

ganglionnaires en apoptose.

source de la contradiction.

198

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


Complexe ganglionnaire et glaucome

Figure 25 – Fluctuations d’un champ visuel refait plusieurs fois.

Figure 26 – Atteinte arciforme temporale inférieure avec ses

Il existe une forte atteinte arciforme temporale inférieure qui

trois signes caractéristiques : marche temporale, grignotage du

coïncide bien avec les pertes de sensibilité (cadres rouges),

plateau ganglionnaire et enfoncement en coin à 6 h. Cette atteinte

même si elles varient d’une fois sur l’autre. Le champ visuel

arciforme correspond à une perte modérée de sensibilité du champ

inférieur (cadres verts) est respecté et correspond bien aux

visuel. Les zones riches de la cartographie n’ont pas de perte

zones indemnes, ce qui atteste de la fiabilité des réponses. Les

visuelle sauf quelques points périphériques non reproductibles, qui

fluctuations du champ visuel sont un signe de souffrance des

sont en fait des faux négatifs. Il est fréquent que les champs visuels

cellules ganglionnaires.

mêlent le vrai et le faux. La cartographie permet de trancher.

Figure 28 – Glaucome très évolué. La région inter-papillomaculaire est encore préservée et correspond bien à l’épargne Figure 27 – Atteinte des fibres optiques sur le versant nasal de

du champ visuel. La cartographie rehaussée permet de suivre

la papille sur la cartographie et le RNFL. Le champ visuel est

le glaucome à tous les stades et montre bien les quelques

atteint en temporal (rare).

régions encore préservées.

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

199


imagerie

Figure 30 – Atteinte neurologique débutante typique. A : Sur la cartographie, atteinte diffuse du bourrelet ganglionnaire avec inversion du gradient, la partie inter-papillo-fovéolaire est plus fine que la partie temporo-maculaire, contrairement à la norme et a fortiori au glaucome. B : Le faisceau temporal (papillo-maculaire) frôle la zone pathologique sur le RNFL. C : La base normative indique comme fortement pathologique le faisceau papillo-maculaire, avec un respect de la moitié temporo-maculaire. L’atteinte est symétrique horizontalement et asymétrique verticalement. D : Les gros troncs des fibres nerFigure 29 – Glaucome agonique. Les derniers ilots de complexe

veuses rétiniennes sont préservés, mais il existe (en jaune) une

ganglionnaire correspondent au champ visuel. Comme le

atteinte triangulaire du quadrant temporal des fibres optiques

champ visuel, la cartographie rehaussée permet de suivre le

papillaires. Tous ces éléments différencient une atteinte neuro-

glaucome jusqu’au stade terminal.

logique d’une atteinte glaucomateuse.

avec l’indice GHT et dans le rapport de certains OCT. En conséquence, il faut être attentif devant une atteinte diffuse et prépondérante sur le faisceau maculaire et les cellules ganglionnaires périfovéolaires. Le premier diagnostic alors à retenir n’est pas le glaucome, mais une atteinte neurologique. Cette imagerie peut donc aider à distinguer un glaucome à pression normale d’une pathologie neurologique (Fig. 30).

Clé numéro 20

Un dépistage du glaucome devient envisageable sur la base de l’OCT Wide rehaussé et accompagné de la ligne rouge. Nous avons colligé 57 superpositions 200

exploitables que nous avons effectuées à tous les stades. La cartographie Wide rehaussée permet généralement d’affirmer l’atteinte, y compris lorsque le champ visuel et le RNFL donnaient des diagnostics divergents ou rassurants. Rappelons qu’une pathologie oculaire concomitante peut rendre l’OCT ininterprétable.

En conclusion

Améliorer la corrélation entre l’atteinte structurelle et fonctionnelle est une voie qui paraît de plus en plus prometteuse. Les superpositions que nous présentons semblent rendre plus facilement identifiable une atteinte dès les stades initiaux

lorsque le RNFL ou le champ visuel sont “limites”, douteux ou contradictoires : les hésitations concernant les fibres papillaires ou le champ visuel semblent plus faciles à lever. Les stades intermédiaires montrent une atteinte anatomique toujours plus étendue que celle suggérée par le relevé du champ visuel. Le suivi est possible jusqu’au stade agonique. L’automatisation de la superposition structure et fonction sur le complexe ganglionnaire large champ faciliterait cette analyse qui pourrait alors devenir un standard. n

Mots-clés : Complexe ganglionnaire, Glaucome, Structure, Fonction

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


échos des congrès

Réunion annuelle AFSOP-ESA Compte rendu Dr Corinne Bok-Beaube*, Pr Danièle Denis**

Introduction Cette année 2013 a été majeure pour la strabologie française. Après le rapport de la SFO sur “les strabismes” présenté en mai dernier à Paris, le congrès annuel de l’European Strabismological Association (ESA) s’est déroulé à Marseille du 4 au 7 septembre 2013. Le congrès de l’ESA ne s’était plus tenu en France depuis vingt ans et c’est au Palais du Pharo que cet événement important pour le monde du strabisme s’est déroulé.

Marseille, aussi, est cette année 2013 mise à l’honneur, puisqu’elle a été choisie comme capitale européenne de la culture. De nombreux travaux ont été entrepris pour cet événement, comme la rénovation du vieux port, l’organisation de nombreuses expositions et la construction du déjà célèbre MuCEM que nous avons pu admirer pendant les pauses. Les organisateurs locaux, le Pr Danièle Denis et son équipe, ayant commandé (et obtenu) une météo particulièrement agréable, c’est dans une ambiance estivale et néanmoins studieuse que 467 participants européens et du monde entier ont répondu à l’appel. Le congrès annuel de l’Association francophone de Strabologie et d’Ophtalmologie pédiatrique (AFSOP) s’est déroulé de façon conjointe avec l’ESA, sous la forme d’un symposium. *Secrétaire générale de l’AFSOP, Paris **Présidente de l’AFSOP, Marseille

Palais du Pharo.

Le cours magistral

Il a été donné par le Pr Alain Péchereau, auteur du rapport annuel de la SFO. Ce cours magistral intitulé Reporting on the Deviation a permis de souligner l’importance de la position des globes oculaires sans innervation (angle sous anesthésie générale) et la valeur toute relative de l’angle à l’état de veille. Cet exposé est l’aboutissement d’un long travail effectué par l’équipe nantaise, travail de recherche, clinique et technique, ayant donné lieu à de nombreuses publications, communications et posters, lors de précédents congrès et de ce dernier. Ce travail sur les variations angulaires, entre état de veille et anesthésie générale,

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

pourrait expliquer les fluctuations imprévisibles du résultat opératoire, ouvrant ainsi des pistes de recherche pour l’avenir. Nous le remercions sincèrement d’avoir accepté de nous faire part de sa grande expérience. © DR

Le symposium ESA/ AFSOP

Il s’est déroulé le premier jour du congrès sur le thème From eye position under anesthesia to strabismus surgery, permettant de conforter la conférence magistrale du Pr Alain Péchereau. Lors de ce symposium ont été traitées les différentes étapes de l’analyse peropératoire permettant d’adapter le protocole chirur-

201


échos des congrès

gical : signe de l’anesthésie générale, tests d’élongation musculaire. Cette analyse, toute particulière à l’école française de strabologie (notre french touch), a suscité un vif intérêt parmi l’assistance.

strabisme vertical, les paralysies oculomotrices, les méthodes de mesure des cyclotorsions, les nystagmus, les syndromes restrictifs et la chirurgie du strabisme. Une session orthoptique était organi-

Cette année 2013 a été majeure pour la strabologie française. Les thèmes abordés

Le programme, établi par le comité scientifique de l’ESA sous la présidence du Docteur Rosario Gomez De Llano, a comporté six sessions de communications orales, des colloques, des tables rondes et un grand nombre de posters (109 au total). Les thèmes de cette année, choisis par le comité scientifique, étaient le dépistage et la prise en charge de l’amblyopie, la vision binoculaire, la motilité, le strabisme horizontal, le

202

sée ainsi qu’une présentation de cas cliniques difficiles permettant une discussion avec le public. Dans les sujets plus “tendance”, ont été présentées des actualités en génétique et des études abordant la qualité de vie avant et après la chirurgie strabique ainsi que les attentes des patients et des parents par rapport à ce geste. Il est à noter l’impact fort de cette pathologie au quotidien, à la fois dans la vie affective et sociale, et le ressenti très souvent positif

après l’intervention chirurgicale. Nous avons retenu aussi la place importante que tient l’imagerie dans l’étude des pathologies oculomotrices complexes, et ce d’autant que les techniques, notamment d’IRM, sont de plus en plus fines. Au terme de ces quelques jours, les congressistes ont donc pu faire le point sur leurs connaissances, échanger des idées de recherche, de techniques et de protocoles chirurgicaux, toujours dans le but d’optimiser la prise en charge des patients. n

Mots-clés : Strabologie, Congrès

Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2013 • vol. 7 • numéro 66


En pratique

Ablation réfractive par laser femtoseconde La technique ReLEx® Dr Cati Albou-Ganem*, Raphaël Amar**

Introduction Il est actuellement possible de réaliser une correction réfractive sans utiliser de laser excimer, grâce au laser femtoseconde. Cette correction est réalisée au laser femtoseconde VisuMax® (Carl Zeiss Meditec) et a pour dénomination le ReLEx® (Refractive Lenticule Extraction). Elle consiste à découper au laser femtoseconde un lenticule réfractif d’épaisseur et de design variables selon l’amétropie à corriger. Ce lenticule est ensuite clivé et détaché du plan stromal antérieur et postérieur puis retiré par une incision de taille variable.

Technique chirurgicale

Le traitement est réalisé sous anesthésie locale comme le Lasik®. Le patient est allongé sous le laser. Le cône d’aplanation est mis en place sous la tête du laser. Il est maintenu par aspiration. Le cône d’aplanation possède une surface d’aplanation courbe qui épouse la forme de la cornée sans l’aplanir. Le laser prend en compte la kératométrie du patient et calcule le ratio entre le traitement visé, surtout sur le plan du diamètre *Ophtalmologiste, CHNO des Quinze-Vingts, Service du Professeur Sahel et Clinique de la vision, Paris **Orthoptiste, Clinique de la vision, Paris ; Hôpital américain de Paris, Neuilly-sur-Seine

204

sur la cornée relaxée, et le traitement supposé une fois la cornée en contact avec le cône d’aplanation. Le cône d’aplanation comporte aussi une succion, ce qui permet de s’affranchir de l’anneau de succion. Cette succion est douce et se fait au niveau de la périphérie de la cornée, au niveau du limbe, ce qui permet, d’une part, d’éviter les hémorragies sous-conjonctivales et, d’autre part, d’éviter le plus longtemps possible la perte de la vision pendant la découpe d’autant plus que celle-ci se fait en spirale de la périphérie vers le centre. Le cône d’aplanation est centré sur l’axe visuel, en demandant au patient de fixer un point vert clignotant. La succion est verrouillée une fois l’aplanation obtenue sur toute la surface du cône. La découpe se fait en trois temps (Fig. 1) : - le premier temps consiste à découper le plan postérieur du lenticule ; - le deuxième temps consiste à découper le plan antérieur du lenticule qui correspond à la découpe du volet ; - le dernier temps consiste à découper le bord du lenticule en cas de Flex® (découpe d’un volet avec une charnière comme dans le cas d’un Lasik®) ou à faire une incision plus ou moins longue en cas de Smile® (ablation du lenticule à travers une petite incision).

Le lenticule dont le diamètre est en moyenne de 6,5 mm et dont l’épaisseur centrale en cas de myopie est de 14 microns par dioptrie, est ensuite disséqué après avoir soulevé le volet comme dans le cas d’un Lasik® en cas de Flex®, le volet est ensuite repositionné classiquement. En cas de Smile®, le volet est disséqué à travers l’incision en commençant par le plan postérieur, puis le lenticule, une fois libéré, est retiré à travers l’incision qui mesure de 3 à 5 mm de long (Fig. 2) .

Avantages techniques et chirurgicaux du ReLEx®

Le ReLEx® a pour avantage d’être réalisé avec un seul laser. C’est une technique “toute femtoseconde”. La précision du laser femtoseconde dans les découpes est aujourd’hui reproductible et précise, avec une déviation standard de l’ordre de 5 à 10 microns. Au cours de cette technique, le patient n’a pas à être déplacé d’un laser femtoseconde à un laser excimer comme pour un femto-Lasik®, ce qui diminue d’autant le temps de la procédure. Le traitement dure le même temps quelle que soit la puissance réfractive à corriger (environ une quarantaine de secondes par procédure).

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


ablation réfractive par laser femtoseconde

La procédure laser est réalisée en un seul temps : autocentrage superposé du volet et du lenticule sur l’axe optique puis découpe du lenticule, et enfin découpe du volet en cas de Flex® ou de l’incision en cas de Smile®. Les deux découpes étant parfaitement liées et concentriques, on évite ainsi les tirs de photoablation sur la charnière ou en dehors de la zone optique. Sur le plan technique, le laser femtoseconde n’utilise pas de gaz consommable et n’est pas soumis aux mêmes conditions environnementales de température et d’hygrométrie que le laser excimer. On évite ainsi les imprécisions potentielles liées aux conditions atmosphériques et d’hydratation du stroma (1, 2) ainsi que les possibles variations individuelles (3, 4). La découpe du lenticule ne dépend que de facteurs mécaniques et permet d’éviter les possibles pertes d’énergie en périphérie de la photoablation, sources d’aberrations sphériques, même si les lasers excimer de dernière génération compensent ces pertes d’énergie périphériques et sont moins sensibles aux conditions atmosphériques. Le laser agit par photodisruption et non pas par évaporation en cas de Smile®, la biomécanique de la cornée est au mieux respectée car le lenticule peut être situé plus profondément dans la partie moins résistante du stroma. Enfin, durant la procédure ReLEx®, certaines manipulations sont évitées, et l’asepsie est davantage renforcée. Concernant les suites opératoires, elles sont généralement plus courtes, avec une gêne visuelle et fonctionnelle de seulement deux

Figure 1 – Étapes du Flex® en images 3D.

1/ Incisions

2/ Clivage du plan antérieur

3/ Clivage du plan postérieur

4/ Retrait du lenticule

5/ Retrait du lenticule

6/ Aspect final

Figure 2 – Étapes chirurgicales du Smile®.

à trois heures et une douleur atténuée par rapport au Lasik® (même si celle-ci est habituellement ressentie comme faible par les patients).

Indications

Les premiers cas ont été réalisés par le Dr Marcus Blum en 2006. Depuis, plus d’un millier de traitements ont été réalisés dans le monde.

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

Les myopies peuvent être programmées jusqu’à -10 dioptries. La technique est d’autant plus facile que la myopie est forte car le lenticule est alors plus épais. La précision est de l’ordre de ± 0,5 D dans 96 % des cas. Les résultats sont superposables au Lasik® pour les myopies faibles et moyennes, mais semblent supérieurs pour les myopies fortes au-delà de -7 dioptries. Les résul205


En pratique

Le taux de retraitement est très faible dans notre expérience (moins de 1 %). Ils doivent bénéficier d’une reprise au laser excimer en soulevant le volet en cas de Flex®. Les reprises se font alors de manière identique à celles d’un Lasik®. En cas de Smile®, les reprises doivent, pour le moment, être réalisées en surface, ce qui peut poser le problème du haze secondaire. Elles seront bientôt possibles en Lasik®, après réalisation au laser femtoseconde d’un programme side cut pour la réalisation du bord du volet de diamètre supérieur à celui du lenticule, complété par un programme circle qui permet une découpe en couronne entre le bord du volet et le plan du lenticule.

Sur-corrigé

Réfraction de la sphère équivalente obtenue

Les hypermétropies peuvent être programmées depuis 2010, et ce jusqu’à 5 dioptries. La technique est cependant plus délicate du fait de la forme du lenticule qui est très fin au centre.

Réfraction de la sphère équivalente attendue -10 -9 -8 -7

Sous-corrigé -6 -5 -4 -3 -2 -1 0

0

-1

-2

-3

-4

-5

-6

-7

-8

-9

-10

Figure 3 – Prédictibilité des résultats réfractifs (équivalent sphérique) à trois mois pour la technique Smile®. Réfraction de la sphère équivalente attendue -10

Sur-corrigé -9 -8 -7

Sous-corrigé -6 -5 -4 -3 -2 -1 0

0

-1

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-3

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-5

-6

-7

-8

-9

Réfraction de la sphère équivalente obtenue

tats sont superposables aux Lasik® guidé par aberrométrie, surtout sur les aberrations sphériques, et la stabilité des résultats semble acquise sur le recul actuel de la technique. Par cette technique chirurgicale, l’astigmatisme peut être programmé jusqu’à 5 dioptries.

-10

Figure 4 – Prédictibilité des résultats réfractifs (équivalent sphérique) à trois mois pour

ReLEx® et biomécanique cornéenne : données récentes

Dans un article publié dans Cataract & Refractive Surgery (octobre 2012), C. Roberts a rapporté ses résultats de la comparaison de la tension cornéenne en surface et au niveau du stroma résiduel entre un Lasik® et un Smile® pour une correction myopique -9 D identique en profondeur et diamètre. Ses résultats mettent en évidence 206

la technique Lasik®.

que la tension cornéenne se rapproche en Smile® de celle de la cornée témoin non opérée. Pour sa part, le Dr A. Moones a rapporté dans le numéro de mars 2013 d’Oph Times Europe les résultats de la comparaison des mesures d’hystérésie cornéenne (CH) et de résistance cornéenne (CRF) délivrées par le système Ocular Response Analyzer, après Lasik® (30 yeux)

et après Smile® (30 yeux) pour une correction myopique identique entre -3 et -5 D. Le changement moyen de l’hystérésie cornéenne était moins important pour les yeux opérés par la technique Smile® en comparaison au groupe Lasik® (-6,7 % pour le groupe Smile® contre -17,4 % pour le groupe Lasik®). Quant au changement des valeurs

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67


ablation réfractive par laser femtoseconde

de résistance cornéenne, celuici était également moins important pour le groupe Smile® (CRF Moyen = -9,7 % pour le groupe Smile® contre -22 % en moyenne pour le groupe Lasik®). Enfin, D. Reinstein (Eyeworl 2013) n’hésite pas à remettre en cause les concepts d’épaisseur cornéenne et d’épaisseur du mur postérieur résiduel. Pour cela, il se base sur les notions établies par J.-B. Randleman (JRS 2008) et I. Schmack (JRS 2005) sur la résistance cornéenne. Il avance que la technique Smile® épargnerait la partie antérieure des lamelles stromales ainsi que la membrane de Bowman, qui restent intactes en dehors de la zone de l’incision, du fait de l’absence de volet et de la localisation intrastromale du lenticule. Il en résulterait que la notion d’épaisseur du mur postérieur ne s’appliquerait pas pour cette technique Smile®. On réfléchit davantage en termes de résistance cornéenne qu’en termes d’épaisseur.

Résultats

Les premiers résultats d’une série de 268 yeux opérés en ReLEx® ont été rapportés par l’équipe de Marcus Blum (5) : • l’âge moyen était de 35 ans (21 à 62) ; • l’équivalent sphérique moyen préopératoire était de -4,71 ± 1,45 D (-1,00 à -9,00 D) avec un cylindre moyen 0,71 ± 0,80 D (allant jusqu’à -6,00 D) ; • efficacité : en postopératoire avec un recul de 6 mois, 97 % des yeux sont à ± 1,00 D, et 77 % à ± 0,50 D de la correction visée avec un équivalent sphérique moyen postopératoire de +0,14 ± 0,40 D ; • réfraction : l’acuité visuelle sans correction est supérieure ou égale à 10/10 dans 79 % des cas, 89 % ont une acuité visuelle sans correction

supérieure ou égale à 8/10 et 98 % ont une acuité visuelle sans correction supérieure ou égale à 5/10 ; • stabilité : la réfraction est stable sur 6 mois ; • la sécurité semble confirmée puisque seulement 1 % des yeux ont une baisse de la meilleure acuité visuelle corrigée de 2 lignes, 8 % des yeux ont une baisse de la meilleure acuité visuelle corrigée de 1 ligne et 44 % ont un gain d’au moins 1 ligne. Dans notre expérience, nous avons comparé les résultats réfractifs, l’efficacité et la sécurité de la technique Smile® à la technique Lasik® (volet par femtoseconde) (Fig. 3 et 4). Deux groupes ont été constitués : • groupe A : 63 yeux de 35 patients opérés par la technique Smile® ; • groupe B : 30 yeux de 15 patients opérés par Lasik®. Les deux groupes étaient homogènes en termes d’âge. Amétropies préopératoires : Groupe A, Smile® : • sphère moyenne : -5,50 ± 1,57 [-2,50, -9,75] ; • astigmatisme moyen : -0,58 ± 0,47 [0, -1,75]. Groupe B, Lasik® : • sphère moyenne : -5,45 ± 1 [-3, -7,75] ; • astigmatisme moyen : -0,76 ± 0,68 [0, -2,25]. Des contrôles postopératoires à J3 et 3 mois ont été effectués. Au troisième jour postopératoire, 93 % des yeux opérés avaient un équivalent sphérique de ± 0,50 D dans le groupe Smile® contre 87 % dans le groupe Lasik®. 98 % des yeux opérés avaient une acuité visuelle non corrigée supérieure ou égale à 8/10 pour le groupe Smile® contre 97 % pour le groupe Lasik®. À trois mois, les indices de sécurité et de prédictibilité étaient satisfai-

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

sants pour les deux groupes avec un très léger avantage pour le groupe Smile®.

Conclusion

La correction réfractive au laser femtoseconde ou ReLEx® est une technique prometteuse par son efficacité, sa sécurité et la précision des résultats. Elle est réalisée au laser VisuMax® qui a la particularité d’avoir un cône d’aplanation courbe se moulant sur la cornée sans l’aplanir. Cette technique séduit surtout par la réduction de l’impact sur la biomécanique de la cornée. Elle est plus rapide et économique puisque toute la chirurgie est réalisée avec le même laser et les suites opératoires sont plus courtes. Le recul moins important de la technique Smile® par rapport au Lasik® reste l’une des seules limites des résultats obtenus. Les cas ponctuels de reprises nécessitent une gestion différente avec des résultats satisfaisants pour les quelques cas réopérés. n

Mots-clés : Laser femtoseconde, Lenticule réfractif, ReLEx®, Lasik®, Smile®, Flex®

Bibliographie 1. Dougherty PJ, Wellish KL, Maloney RK. Excimer laser ablation rate and corneal hydration. Am J Ophthalmol 1994 ; 118 : 169-76. 2. Feltham MH, Stapleton F. The effect of water content on the 193 nm excimer laser ablation. Clin Experiment Ophthalmol 2002 ; 30 : 99-103. 3. Seiler T, Kriegerowski M, Schnoy N, Bende T. Ablation rate of human corneal epithelium and Bowman’s layer with the excimer laser (193 nm). Refract Corneal Surg 1990 ; 6 : 99102. 4. Huebscher HJ, Genth U, Seiler T. Determination of excimer laser ablation rate of the human cornea using in vivo Scheimpflug videography. Invest Ophthalmol Vis Sci 1996 ; 37 : 42-6. 5. Reinstein DZ. Femtosecond Lenticular Extraction (FLEx) Procedure: LASIK Without an Excimer Laser. FRCSC DABO FRCOphth.

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Coup d’œil médico-légal

Rédaction de certificats médicaux Conduite à tenir pour ne pas voir sa responsabilité civile professionnelle engagée Dr Valérie Ameline*

Introduction Le certificat médical est un acte médico-légal qui engage la responsabilité du praticien et dont la rédaction doit être exempte de toute critique. En effet, la rédaction de certificats médicaux litigieux entraîne des plaintes régulières auprès de la juridiction disciplinaire de l’Ordre des médecins. Certes, les généralistes, pédiatres et psychiatres sont les plus sollicités mais les ophtalmologistes peuvent être amenés à rédiger également ces certificats médicaux, notamment en urgence lors de traumatismes liés à des agressions ou suspicion de mauvais traitements. Nous rappelons des règles simples qui peuvent être malheureusement oubliées.

L

a rédaction d’un certificat médical doit être objective et factuelle sans prendre partie ni faire preuve d’une empathie subjective pour la personne qui sollicite ce certificat. Le praticien doit garder une parfaite objectivité sans mettre en cause quiconque. Les certificats médicaux “les plus à risque” pour le médecin, sont ceux demandés dans un contexte d’agression, après un accident de la voie publique ou dans un contexte de mésentente conjugale avec coups et blessures allégués. Dans tous les cas, le praticien se doit de retranscrire brièvement les circonstances rapportées par le patient (« qui me dit avoir été victime de ») sans jamais mettre

*Ophtalmologiste conseil, Le Sou-Médical-Groupe MACSF, Cosne-Cours-sur-Loire.

en cause la personne qui serait à l’origine des violences. Il est utile de préciser à la personne qui demande un certificat attestant de faits de violence, par exemple, qu’un certificat autre que descriptif n’aura aucune valeur auprès d’un juge. Le certificat, après un bref rappel des circonstances rapportées (« qui me dit avoir été victime de »), devra être descriptif et préciser l’ensemble des lésions constatées tant au niveau physique que psychologique. Le certificat peut conclure par une estimation de l’Interruption totale de travail (ITT) qui déterminera l’évolution du dossier en cas de plainte. En cas de rédaction de certificats litigieux, le médecin pourra voir sa responsabilité engagée avec plainte pour diffamations ou pour violation du code de déontologie.

Pratiques en Ophtalmologie • Octobre 2013 • vol. 7 • numéro 67

Le code de déontologie précise que le médecin doit faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit (article 50) et que l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin de certificats et documents dont la production est prescrite par les textes (article 76). Cependant, ce même code de déontologie ajoute que le médecin ne doit céder à aucune demande abusive (article 50) et ne doit faire état que de constatations médicales qu’il est en mesure de faire (article 76). De même, le médecin doit faire preuve de prudence et de circonspection dans la rédaction d’un certificat (article 44). Bien sûr, la rédaction d’un certificat de complaisance est interdite (article 28) et le médecin ne doit pas s’immiscer dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients (article 51). Les mêmes règles s’appliquent à la rédaction d’un signalement aux autorités judiciaires lors de la suspicion de maltraitance à enfant. Il faut toujours signaler au conditionnel la possibilité de maltraitance à partir de certains symptômes énumérés (hémorragies au fond d’œil, fracture du plancher de l’orbite…) sans nommer la personne suspecte de maltraitance. L’enquête diligentée par la justice retrouvera la personne responsable. 209


Coup d’œil médico-légal

Il est fondamental de ne pas confondre signalement et dénonciation (sauf à titre personnel qui donnera alors lieu à la rédaction d’une attestation de justice sur papier libre et non d’un certificat médical sur papier à en-tête). Le certificat finira par la traditionnelle mention « rédigé à la demande et remis en mains propres à la personne intéressée (ou à son représentant légal) ».

Quand un certificat médical est-il nécessaire ?

Le conseil national de l’Ordre des médecins a contribué à rédiger une fiche pratique, diffusée par le ministère de la Santé, précisant concrè-

Concernant les absences en crèche, les absences inférieures à 4 jours ou la réintégration ne doivent pas donner lieu à la rédaction d’un certificat. Les absences supérieures ou égales à 4 jours, lors de conjonctivites virales par exemple, peuvent donner lieu à la rédaction d’un certificat médical afin d’exonérer la famille du paiement (lettre circulaire Cnaf n°2011-105 du 29 juin 2011). Concernant les obligations scolaires, l’absence à l’école ne doit pas donner lieu à la rédaction d’un certificat hors maladie contagieuse, certificat qui est alors rédigé par le pédiatre ou le médecin généraliste. L’exigence des certificats a été supprimée par l’Éduca-

Le certificat médical est un acte médico-légal qui engage la responsabilité du praticien et dont la rédaction doit être exempte de toute critique. tement dans quels cas un certificat médical est nécessaire. Idéalement, le recours au certificat médical ne devrait être réservé qu’aux seuls cas prévus par les textes.

Concernant les enfants

Il n’y a pas lieu de rédiger de certificat pour la prise de médicaments (collyres ou pommades ophtalmiques), que ce soit pour les assistantes maternelles ou les crèches. En effet, l’aide à la prise ou l’application du médicament ou topique est considérée comme un acte de la vie courante. L’autorisation des parents, accompagnée de l’ordonnance médicale prescrivant le traitement, suffit à permettre aux assistantes maternelles ou puéricultrices de crèches d’administrer les médicaments requis aux enfants dont elles ont la garde (article L41611 du code de la santé publique ; avis du Conseil d’État du 9 mars 1999 ; circulaire DGS/PS3/DAS n°99-320 du 4 juin 1999 relative à la distribution des médicaments). 210

tion nationale depuis 2009, sauf en cas de maladie contagieuse (décret n°2009-553 du 15 mai 2009 ; rappel des règles dans la note de service EN n°2009-160 du 30 octobre 2009. Cas des maladies contagieuses : arrêté interministériel du 3 mai 1989 et circulaire n°2004054 du 23 mars 2004). De même, l’entrée à l’école maternelle ou élémentaire ne nécessite plus de certificat médical depuis 2009. Seule l’attestation concernant les vaccinations obligatoires pour la scolarisation est exigée (carnet de vaccinations, copie des pages “vaccinations” du carnet de santé ou certificat médical) (décret n°2009-553 du 15 mai 2009 : rappel des règles dans la note de service EN n°2009-160 du 30 octobre 2009). Cela concerne directement le pédiatre ou médecin généraliste et non l’ophtalmologiste. Les sorties scolaires, la participation à l’éducation physique

et sportive ne nécessitent aucun certificat (circulaire n°99-136 du 21 septembre 1999 et circulaire n°76-260 du 20 août 1976 ; rappel des règles dans la note de service EN n°2009-160 du 30 octobre 2009). Cependant, en cas d’inaptitude sportive, comme après une intervention chirurgicale pour strabisme avec inaptitude temporaire à la natation, un certificat médical doit préciser le caractère total ou partiel de l’inaptitude à l’éducation physique et sportive et mentionner sa durée (décret n°88-977 du 11 octobre 1988 ; rappel des règles dans la note de service EN n°2009-160 du 30 octobre 2009).

Concernant les personnes handicapées ou dépendantes

Le praticien doit aider le patient à faire valoir un droit en remplissant un formulaire de certificat médical pour une demande auprès des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Toutes les demandes sont réunies dans un seul et unique formulaire disponible auprès de toutes les MDPH, valable pour toutes les prestations et aides financières pour lesquelles la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) doit prendre une décision (arrêté du 23 mars 2009). Les ophtalmologistes sont fréquemment amenés à remplir de tels documents qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes malvoyants. Concernant l’APA, ou Allocation personnalisée d’autonomie, le dossier ne nécessite pas de certificat médical. Le remplissage de la grille AGGIR (Autonomie gérontologique groupes iso-ressources) relève exclusivement de la responsabilité des équipes médicosociales des conseils généraux. L’article R232-7 du code d’action sociale et des familles prévoit que le méde-

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rédaction de certificats médicaux

cin traitant peut être consulté par l’équipe médicosociale du conseil général. L’ophtalmologiste est exceptionnellement concerné.

concernant les employeurs

Un certificat d’embauche ne nécessite pas de certificat médical, notamment d’un ophtalmologiste, même en cas de pathologie ophtalmologique. Le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail. Articles R. 4624-10 et suivants du code du travail. De même, pour la reprise du travail. Pour l’inaptitude au poste de travail, le certificat médical délivré par le médecin traitant n’est pas nécessaire et n’a aucune valeur. En application des articles L. 1226-2 et suivants du code du travail, il appartient au médecin du travail de constater l’inaptitude à exercer une des tâches existantes dans l’entreprise.

Concernant l’aptitude à la conduite

Pour l’aptitude ou l’inaptitude médicale à la conduite, il n’y a pas lieu de rédiger de certificat médical. En effet, l’examen médical relève des médecins agréés par les préfectures pour le contrôle de l’aptitude médicale à la conduite. Il convient alors d’adresser les patients vers ces médecins. L’ophtalmologiste traitant ou le médecin traitant doit néanmoins informer son patient d’une éventuelle inaptitude médicale (rétinite pigmentaire, hémianopsie bitemporale…), temporaire ou définitive à la conduite, en rapport avec une pathologie ou une prescription particulière. Arrêté du 21 décembre 2005 modifié fixant les normes médicales incompatibles avec la délivrance ou le maintien du permis de conduire.

Concernant la non contreindication à la pratique sportive

Les licences sportives permettant la participation aux compétitions nécessitent un certificat médical datant de moins d’un an, qu’il s’agisse d’une première demande de licence ou du renouvellement de licence. Une attention particulière devra être portée pour la pratique de la boxe où la réalisation d’un fond d’œil dilaté et d’un champ visuel est systématiquement demandée. La participation aux compétitions sportives organisées par les fédérations sportives ne nécessite pas de certificat si le sportif produit sa licence. La visite médicale pour pratiquer un sport a pour objectif de dépister des pathologies pouvant induire un risque vital ou fonctionnel grave favorisé par cette pratique (amblyopie et sport de balle, lésions dégénératives rétiniennes et boxe…). Les articles du code du sport régissent les cas de demandes de certificats médicaux. Articles L.231-2 à L.231-3 du code du sport. Pour les licences sportives ne permettant pas la participation aux compétitions, qu’il s’agisse d’une première demande de licence ou du renouvellement d’une licence, un certificat médical de moins d’un an est requis. Concernant les renouvellements d’une licence non compétitive, la fréquence du renouvellement du certificat médical est définie par chaque fédération sportive, les sports à risque nécessitant des certificats plus fréquemment (pratique de la boxe et certificat de l’ophtalmologiste). Idéalement, le recours au certificat médical ne devrait être réservé qu’aux seuls cas prévus par les textes mais, dans la pratique, il est souvent difficile de résister aux demandes réitérées des patients, quelle qu’en soit la raison.

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concernant les violences faites aux femmes

En 2010, l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France a montré que les femmes victimes d’agressions se confient en premier lieu au médecin (24 % des cas), avant la police et la gendarmerie, la justice ou les associations. Nous avons tous rencontré des femmes consultant en urgence ou non pour un hématome orbitaire après être tombées dans l’escalier puis la fois suivante, s’être cognées contre la porte d’un placard… Ces femmes, souvent fragiles et dépendantes, consultent fréquemment accompagnées de leur conjoint, notamment dans les déserts médicaux où elles ne conduisent pas nécessairement voire où il n’y a qu’un seul véhicule dans le foyer. L’examen ophtalmologique ne nécessitant pas de déshabiller le patient, il est fréquent que le conjoint, agresseur potentiel, accompagne la victime dans le bureau d’examen, empêchant ainsi cette dernière de se confier. Il ne faut alors pas hésiter à lancer “des bouteilles à la mer” : « En cas de difficultés, ou d’évolution défavorable, n’hésitez pas à nous joindre », par exemple. Les violences conjugales sont définies comme des violences physiques (coups et blessures), verbales ou psychologiques. L’ophtalmologiste ne sera a priori confronté qu’à des violences physiques avec traumatisme oculopalpébral ou orbitaire. Les violences conjugales sont une infraction à la loi (articles 222-7 à 222-13 du code pénal). Elles constituent une circonstance aggravante lorsqu’elles sont commises par le (ex-)conjoint, le (ex-)concubin ou le partenaire lié à un PACS. Pour briser la loi du silence, la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences conjugales permet au conjoint victime de demander au juge des affaires familiales 211


Coup d’œil médico-légal

d’ordonner l’expulsion du conjoint violent, avant même toute procédure de divorce. Dans le cadre d’une procédure pénale, le juge peut aussi ordonner l’éviction du conjoint violent. Les médecins les plus fréquemment concernés sont les médecins généralistes exerçant en libéral, les urgentistes dans les hôpitaux mais les ophtalmologistes peuvent également être concernés lors de traumatismes péri-orbitaires récidivants. Il y a lieu de repérer les maltraitances, verbalisées ou non. Le médecin ne peut faire un signalement qu’avec l’accord de la femme, sauf si elle est dans un état de vulnérabilité toujours difficile à préciser. Un certificat de coups et blessures doit cependant être rédigé à la demande de la patiente. Selon l’article 44 du code de déontologie médicale (article R.4127-44 du code de santé publique), « lorsqu’un médecin discerne qu’une personne est victime de sévices, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un mineur de moins de 15 ans ou d’une personne incapable, il doit alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives ». Il s’agit d’un cas de dérogation au secret médical. En effet, si la femme y consent, les médecins peuvent révéler les faits de violences au sein du couple dont ils ont été informés et qui sont couverts par le secret professionnel. L’article 226-14 du code pénal établit une dérogation au secret médical. Le médecin n’encourt aucune sanction disciplinaire si le signalement a été fait dans les

conditions prévues par cet article. Bien sûr, la rédaction du certificat ne devra pas être tendancieuse, suggérant un parti pris du médecin pour sa patiente. Le médecin rédigera donc les doléances ou les faits rapportés par la patiente entre guillemets et restera descriptif et objectif. Les certificats médicaux pour coups et blessures constituent, dans les procédures de violences conjugales, des pièces essentielles lors du dépôt de plainte qui préciseront au magistrat du parquet l’importance des dommages subis par la victime et la gravité de l’agression dont dépendra l’opportunité des poursuites judiciaires. Un rapport du Pr Henrion datant de 2001, intitulé « Les femmes victimes de violences conjugales, le rôle des professionnels de santé : rapport au ministre chargé de la santé » précise que « le certificat est un acte médical descriptif qui témoigne des dires de la patiente et décrit les lésions traumatiques, leurs conséquences cliniques et le retentissement physique et psychique des violences subies par la femme. C’est un document médicolégal qui prend toute sa valeur lorsqu’une plainte est déposée par la femme ». Il doit comporter, en dehors de l’identification du médecin et de la victime, la date et l’heure de l’examen avec la description exhaustive des lésions constatées, la description des soins nécessaires et prescrits ainsi que la liste des examens complémentaires prescrits et effectués avec les conséquences fonctionnelles des blessures et la détermination de l’ITT, évaluée en jours, concernant le travail personnel et non le travail professionnel.

L’estimation de l’ITT est médicale et concerne le retentissement fonctionnel et psychologique de l’agression mais il est souvent difficile d’évaluer immédiatement le retentissement psychologique d’une telle agression. Il convient alors d’émettre des réserves quant à l’évolution de ce retentissement et d’indiquer qu’un nouvel examen sera nécessaire, à distance des faits, pour préciser la durée de l’ITT.

Conclusion

Les médecins en général, et les ophtalmologistes en particulier, sont régulièrement amenés à rédiger des certificats médicaux. Idéalement, le recours au certificat médical ne devrait être réservé qu’aux seuls cas prévus par les textes mais cela est difficilement applicable. Afin de ne pas voir sa responsabilité civile professionnelle engagée, il est nécessaire de garder à l’esprit des règles simples : tout certificat doit préciser l’identité du médecin et du patient, relater les faits rapportés entre guillemets, être descriptif et objectif sans appréciation subjective. Il faut savoir résister aux demandes parfois inappropriées des patients tout en sachant repérer des violences subies et rédiger des certificats de signalement des violences, notamment conjugales, si nécesn saire.

Mots-clés : Responsabilité civile professionnelle, Certificats médicaux

Bibliographie 1. Henrion R. Les femmes victimes de violences conjugales – le rôle des professionnels de santé. La documentation française, 2001. 2. Leclercq JC. Certificat médical : attention danger. 3. Kahn-Bensaude I. Le rôle du médecin dans le signalement des violences conjugales. Bulletin d’information de l’Ordre national des médecins, maijuin 2011 ; n°17.

212

4. Cahier Jurispratique. Bulletin d’information de l’Ordre national des médecins. Information des patients : dans quels cas un certificat médical est-il nécessaire ?, janv.-févr. 2012 ; n°21. 5. Conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Nièvre. Conseils pour la rédaction des certificats médicaux, janvier-mai 2013. 6. Code de déontologie.

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